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Une histoire de l'Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse de 1913 à 1970

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Charru, François

Une histoire de l'Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse de 1913

à 1970. (2017) Comptes Rendus Mécanique, 345 (8). ISSN 1631-0721

Official URL : https://doi.org/10.1016/j.crme.2017.05.009

Open Archive Toulouse Archive Ouverte

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A century of fluid mechanics: 1870–1970 / Un siècle de mécanique des fluides : 1870–1970

Une

histoire

de

l’Institut

de

mécanique

des

fluides

de

Toulouse

de

1913

à

1970

A

history

of

the

‘Institut

de

mécanique

des

fluides

de

Toulouse’

François Charru

InstitutdemécaniquedesfluidesdeToulouse,CNRS–universitédeToulouse,31400Toulouse,France

Mots-clés : Histoire

Mécaniquedesfluides Institutions

En1913,Charles Camichelcréelelaboratoired’hydrauliquede l’institutélectrotechnique de l’université de Toulouse, institut qu’il avait lui-même fondé six ans plus tôt. Ce laboratoire acquiert rapidement une grande notoriété pour la qualité de sa recherche expérimentale etpour ses succès dans la transpositionà l’hydrauliquedes concepts et méthodes dela physiqueetdela mécanique.En1930, leministère de l’Air luiassocie uninstitutdemécaniquedesfluides,etfinanceunegrandesoufflerie.Unsiècleplustard, l’IMFTadiversifiéson activitédansdenombreuxdomainesautourd’enjeuxscientifiques et d’applications très variés. Il est l’un des plus grands laboratoires de sa discipline à l’échelle internationale. Cet article en retrace l’histoire jusqu’un 1970, en insistant plusparticulièrementsurlesremarquablescontributionsscientifiquesdestroispremières décennies.

AbridgedEnglishversion

In2016, the‘Institutde mécaniquedesfluidesdeToulouse’hascelebrateditscentenary, preciselyits103anniversary. Theyear2016alsoisthe50th anniversaryofitsassociationwiththeCNRS, andthe20thanniversaryofthereturnofthe UniversitédeToulouse(whichhadbecomethe‘UniversitéPaul-Sabatier’inthemeantime)amongitsacademicauthorities.

Thispaperrecountsthishistory,starting withthefoundationofaHydraulicsLaboratory byCharlesCamichel,in1913, inthecontext ofthedevelopment ofhydroelectricity inthePyrenees. Fromthe studyofhydraulicquestions,the activity quicklyevolvestowardsmorefundamental fluidmechanicsissues.In1930,theAirMinistryassociateswiththeHydraulics Laboratory aFluidMechanicsInstitute, andfinances theconstruction ofalargewind tunnelforaeronauticsstudies.After WorldWarII,LéopoldEscande,seconddirector,makesIMFTareferenceplaceforhydraulicsstudies,andobtainsthe associ-ationwiththeCNRSin1966.Aprofoundtransformationwillfollow,markedbyalargediversificationoftheresearchareas andincreasinginternationalinfluence.

AfterapanoramaofthishistoryinSection 2,we comeback inthefollowing Section3 onthescientific worksinthe three firstdecades, from1913to 1936. TheHydraulics Laboratory,around Camichelanda few skillful PhDstudentsand collaborators,then shows a period ofexceptional creativity, which makes it one of the mostactive places for fluid

me-Adressee-mail : francois.charru@imft.fr.

http://dx.doi.org/10.1016/j.crme.2017.05.009

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chanicsintheworld.Thestudyofhydraulicworksonsmall-scalemodelslaunchesageneralreflectiononthesimilitudeof fluidflowsanddimensionalanalysis.Sharpexperimentaltechniquesaredeveloped,bringingtogetheroptics,electricityand mechanics,andreachingspatialresolutionbelowonemillimeterandtemporalresolutionsoftheorderofonemillisecond. The results especiallydeal withthepropagation ofelasticwaves inconduits andwaterhammer (§3.1), thesimilitude of laminarandturbulent,potential androtationalflows (§3.2), fluvialhydraulics(§3.3),experimental techniquesandnotably chronophotography(§3.4),Bénard–Kármánvorticesandthevibrationsofstemsandstretchedwires(§3.5),“secondary” vor-tices(Kelvin–Helmholtz)(§3.6),andfinallytransientregimesandthetransitiontoturbulence(§3.7).

1. Introduction

En 2016, l’institut de mécanique des fluides de Toulouse a fêté son centenaire, ses 103 ans précisément. Cette date est aussi l’anniversaire de cinquante ansd’association au CNRS, et desvingt ansdu retourde l’université de Toulouse– devenueentre-tempsl’universitéPaul-Sabatier–parmisestutelles.Cetarticleenretracel’histoire,depuislafondationpar CharlesCamicheld’unlaboratoired’hydraulique,en1913,danslecontextedudéveloppementdel’hydroélectricitédansles Pyrénées,jusqu’en1970.L’activitéinitiale,centréesurlesouvrageshydrauliques,sedévelopperapidementverslamécanique desfluidesplusfondamentale.En1930, leministère del’Airassocieaulaboratoired’hydrauliqueuninstitutdemécanique des fluides(IMFT),etfinance laconstruction d’unegrandesouffleriepourdesétudesd’aéronautique. Dans l’après-guerre, Léopold Escande, deuxième directeur, faitde l’IMFT un laboratoire deréférence pourles étudesd’hydraulique, etobtient l’associationauCNRSen1966.Uneprofondemutations’ensuivra,marquéeparunegrandediversificationdesdomainesde recherchesetunrayonnementinternationalquiiracroissant.

Après un panoramade cette histoire dans la Section 2 (pour une présentation plus détaillée, voir [49]) on présente danslaSection3l’activitéscientifiquedestroispremièresdécennies,de1913à1936.Lelaboratoired’hydrauliqueconnaît alorsunepériodedecréativitéexceptionnelle,qui enfaitsansdoutel’undeslieuxlesplusactifsaumondeenmécanique des fluides.Les étudesd’ouvrages hydrauliques sur modèles réduitsenclenchent une réflexiongénérale sur la similitude etl’analyse dimensionnelle.Lestechniquesexpérimentalestrèspointuessontdéveloppées,associantoptique,électricitéet mécanique, qui permettent d’accéder à des résolutions spatiales inférieures au millimètre et desrésolutions temporelles de l’ordre delamilliseconde. Deremarquablesrésultatsd’hydrodynamiquegénérale sontobtenus,notammentautour des tourbillons de sillage, des instabilités et de la transition à la turbulence. On présente ici, successivement, des résultats sur les ondesdans les conduites (§3.1), la similitude desécoulements (§3.2), l’hydraulique fluviale(§3.3), les techniques expérimentales,etnotammentlachronophotographie(§3.4),lestourbillonsdeBénard–Kármánetlesvibrationsdetigeset defilstendus(§3.5),lestourbillons« secondaires » (Kelvin–Helmholtz)(§3.6)et,enfin,lesrégimestransitoiresetlatransition àlaturbulence(§3.7).

2. Delacréationdulaboratoired’hydrauliqueàl’IMFTdesannées1960

Danslesannées1890,l’enseignementsupérieurfrançaisconnaîtuneprofonderéformesousl’impulsionduministèrede l’Instruction publiqueetde sondirecteur del’Enseignementsupérieur,LouisLiard[50,51].Danslaquinzaine d’universités queleministèreveutprivilégier,lenombred’étudiantscroîtfortement,tantdanslesdisciplinesacadémiquestraditionnelles quedanslessciencesappliquées.Desinstitutstechniquess’ydéveloppentvigoureusement,notammentdanslesdomainesde l’agronomie, delachimieetde l’électricitéindustrielle.Pour cettedernièrediscipline,troisinstituts électrotechniquessont créés,àGrenobleetNancy,en1900,puisàLille,en1902,sousl’impulsiondefortespersonnalitésscientifiques.Lesautorités politiqueslocales,deleurcôté,appuientfermementlacréationdecesnouvellesformationstechniques,danslesquelleselles voientuneopportunitédedéveloppementéconomiqueetsocial.Lecontexteindustrielestégalementfavorable.ÀGrenoble, ils’agitdel’essordel’industriehydroélectriqueethydrauliqueautourdela« houilleblanche » ;àNancy,c’estlemécénatde l’industrielbelgeErnestSolvay–dirigénotammentversl’institutchimiquecrééparAlbinHaller– ;àLille,c’estl’industrie minièreettextile,etl’émulationliéeàlaconcurrencedepuissantesfacultéscatholiques.

Toulouse,quantàelle,demeureàlafindusiècleunecitéessentiellementagricoleetpeuindustrialisée,loindesgrandes routescommercialesetdesressourcesnaturellespropicesaudéveloppementdel’industrie.Dominéeparunefacultédedroit séculaire,elleesttoutefois inclusepar leministère,de justesse,danslalistedesvillesà promouvoirau rangde capitales universitaires.Ellevadèslorss’affirmersousleseffortsconjuguésd’untriod’hommesdéterminésetdegrandtalent :Paul SabatieretCharlesCamichel,universitaires,etAlbertBedouce,mairedeToulouse.

2.1. Del’électricitéindustrielleàlamécaniquedesfluides

2.1.1. Créationdel’institutélectrotechniquedel’universitédeToulouse(IET)

Charles Camichel,normalien etdocteur enphysique de la faculté dessciencesde Paris, obtienten1900un postede maîtredeconférencesàlafacultédessciencesdeToulouse.IlarrivedeLille,oùilavaitobtenusonpremierposteen1895 et découvert laphysique industrielle. À Toulouse, il se lie avec Paul Sabatier, professeur de chimie bientôt doyen de la faculté dessciences, etfuturprix Nobel 1912. CommeSabatier, Camichelestconvaincude l’intérêtde renforcerles liens entre l’université et l’industrie. Fort de son expérience lilloise, il crée en 1902 un cours public d’électricité industrielle, soutenu par la municipalité, soucieuse de développer l’enseignement des sciences appliquées. L’enjeu est de profiter du

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Fig. 1. Le laboratoire de mécanique appliquée de l’IET en 1914 (Arch. IMFT).

développementde l’hydroélectricité pyrénéenne,sousl’impulsiondescompagniesde cheminsde fer quiélectrifient leurs réseaux,pourfairedeToulouseuneimportanterégionindustrielle,surlemodèledeGrenoble :pourcela,ilfautformerdes ouvriersetdescadres.Cecoursrencontreimmédiatementunsuccèspublicconsidérable.Le recteurClaude-Marie Perroud leretire pourtantl’annéesuivante, pourleconfier à HenriBouasse, professeurde physique àlafaculté dessciences–et fortepersonnalité–,quileconduirapendantquatreans.

LadécisiondePerroudnesatisfaitsansdouteniSabatierniCamichel,nilamunicipalité.En1906,lenouveaumaire Al-bertBedouceoffreàl’universitédefinancerunechairemunicipaled’électricitéindustrielle,dontletitulaireseraitCamichel. Leprojetprenddel’ampleur,etaboutitfinalementen1907àlacréationdel’institutd’électrotechnique(IET)del’université deToulouse,fondationdelaVille.Uninstitutdechimieetuninstitutagricoleverrontlejourpeuaprès.

L’IETcomprendunesectionsupérieure,quiformedesingénieurs,etunesectionélémentaire,quiformedesconducteurs électriciens.Ilcomprendégalementunbureaudecontrôlepourlesessaistechniquesdesappareilsd’électricitéindustrielle. La Ville finance une chaire de professeur et un emploi de chef des travaux, et met à disposition des locaux. Camichel raconteraainsilesdébutsdel’institut[52]:

« LaVilledeToulousemeconfia lesclésde diverslocauxvacants,etj’entrepristoutseulunepromenade[...]pourfixer l’endroitoùs’élèverait plustard l’institutélectrotechnique.[...]J’arrivais, enfin,à larue Caraman,etmonchoixsefixa surunesalledecetterue.[...] »

« Lesdébutsdel’institutélectrotechniquefurentpénibles.[...]Nousn’avionsniappareilsnimachines ;lesindustrielsde larégion,enparticuler laSociété toulousainedu Bazacle,nousprêtèrentdumatériel. Nousn’avionspasdepersonnel ; lestravauxpratiquesavaientlieu,lesoir,dedixheuresàminuit,etnousfaisionsnous-mêmestouteslesmanipulations. » Enplus destravauxpratiquesdu soir,desvisitesd’usinessontorganiséesle dimanche.Passées cespremièresannées hé-roïques,lesoutiendelamunicipalitéetduministèredesTravauxpublicsvontpermettreundéveloppementrapide :

« Descessionssuccessivesde terrains, aunombrede sept,parlaVilleà l’université,ont permisà l’institut électrotech-nique de sedévelopper, d’aboutir d’abord au canaldu Midi. C’étaiten quelquesorte une « fenêtre sur la mer ».Nous avions besoin d’eau pourles machines etles expériences. Ce futensuite la construction d’un amphithéâtre, l’aména-gementde lasalle desmachines(Fig. 1) etdeslaboratoires d’enseignement ;plus tard, les laboratoires de recherche, nosgrandsréservoirs,latour,sortedegrandeéprouvette,quis’élevèrentunjourenpleinToulouse,réalisationconcrète d’uneidéequej’avaislongtempsenvisagée,cellesdesexpériencesrégulières. »

2.1.2. Créationdulaboratoired’hydraulique

DansunSud-OuestdelaFrancepauvreenressourcesminières,ledéveloppementduchemindeferincitelescompagnies exploitantesàsetournerverslatractionélectrique,etàselancerdanslaconstructiond’usineshydroélectriques dansles PyrénéesetleMassifcentral.Danscecontexte,laCompagniedescheminsdeferduMidi solliciteCamichelen1910pourl’aider àrésoudrelesnombreuxproblèmesquiseprésententsursesinstallations,d’ordrehydrauliquenotamment.Pour répondre

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Fig. 2. Danslacourdel’IET,modèleréduitdelaGaronneetduPont-NeufàToulouse(Arch.IMFT).Lesmodèlesréduitsserontprogressivementtransférés surlesitedeBanlèveàpartirde1920.

à unedemandecroissante,Camichelcréeen1913unlaboratoired’hydrauliquedansleslocauxde l’IET,etobtientbientôt des subventions importantes du ministère des Travaux publics. L’IET devient « institut électrotechnique et de mécanique appliquée » (IETMA).Lespremièresétudesportentsurlamesurededébitdanslesconduites,quifaitl’objetdelapremière publicationdulaboratoireen1914[1].Lesétudessuivantesportentsurlescoupsdebélier,ondesdepressiondestructrices sepropageantdanslesconduiteslorsdemanœuvresrapidesdevannes[2].Cettequestionfaitl’objetdelathèsededoctorat ès sciences de Denis Eydoux, en 1919 : c’est lapremière thèsede l’institut[3]. De nouveaux problèmes seprésentent, d’hydraulique fluviale. Il s’agitde mieuxcomprendre et maîtriser les inondations, et d’aménager les rivières notamment pourlanavigation.Lesessaissontréaliséssurdesmodèlesréduitsinstallésdanslacourdel’IET(Fig. 2).Lesrésultatssont extrapolés auxsitesréelsà l’aidedeslois delasimilitudedesécoulements,sur lesquelsCamichelentreprenddestravaux théoriques.L’undesesétudiants,LéopoldEscande,yconsacresathèse[4].

2.1.3. Extensionsurl îleduRamier

Leslocauxdel’IETs’avérant insuffisants,Camichelobtienten1920unterrainsur l’îledu RamierduChâteau, sur l’em-placementd’unancienmoulin :

« Quandl’espacemanqua, qu’ilfallutexécuterdesexpériencesàplusgrandeéchelleavecdesdébitsconsidérables,nous songeâmesàtrouverauvoisinaged’uncoursd’eaul’emplacementd’unnouveaulaboratoire.[...]Commenousexaminions avec[lemaireA.Bedouce]laplainedelaGaronneduhautdutertrepréhistoriquequisetrouvesurlescollinesdePech David,ileutl’idéetoutàfaitremarquabledenousproposerlebarragedeBanlève. »

LesitedeBanlèveautorisedesdébitsd’eauimportants,liésaudéniveléentrelesdeuxbrasdelaGaronne.Lespremières étudessontréaliséesdansuncanalcourbepréexistant (Fig. 3), tellel’étudedu déversoirdu barragede Pinet,sur leTarn, confiéeparleservicecentraldesforceshydrauliquesduministèredesTravauxpublics.Unnouveaucanalestréaliséetmis en serviceen 1932(Fig. 4). Long de 117m, il autorise un débit de 25 m3/s. La fermeture des vannes amont etaval le

transformeenbassindescarènes,notammentpourdesessaisdecoquesetflotteursd’hydravions.

En parallèle auxétudes d’hydraulique,Camichel développe destravaux plus fondamentaux de mécanique des fluides, entourédecollaborateurs degrandtalent(Fig. 5).Ladescriptiondequelques-unsdesremarquablesrésultatsobtenusdans lesannées1913–1936faitl’objetdelasuitedecetarticle.Cesrésultatstémoignentd’échangesaveclacommunauté scienti-fiquenationale,enparticulieravecHenriBénardàParis,maisaussiavecl’Allemagne,l’AngleterreetlaRussie.Ilsfontl’objet

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Fig. 3. Le canal courbe du laboratoire de Banlève, et nacelle de mesure du débit à l’aide du déversoir de Bazin (Arch. IMFT).

Fig. 4. LeGrandCanalachevéen1932,vudel’amont.Àgauche,l’emplacementdelafuturesoufflerie,aufondlechariotderemorquagedescarènes(Arch. IMFT).

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Fig. 5. Photodefamille,vers1935.Assisdeg.àdr. :M.Teissié-Solier,L.Escande,C.Camichel,P.Dupin,X ;debout :X,E.Crausse,R.Favre-Artigues,J. Baubiac,J.Lhomme(fondsP.CrausseetarchivesIMFT).

de sept thèsesde doctoratès-sciences etd’unethèsed’ingénieur-docteur,de rapportsetde publicationsdansdes revues nationales,notammentdanslesComptesrendusdel’Académiedessciences.Laqualitéetlerayonnementdesestravaux scien-tifiquesvalentàCharlesCamicheld’êtreélumembrecorrespondant(1922),puismembrenonrésident(1936)del’Académie dessciencesdel’InstitutdeFrance.

2.1.4. Créationdel’institutdemécaniquedesfluides

Afindestimulerledéveloppementdel’aéronautiquefrançaise,leministèrede l’Airdécide,àlafindesannées1920, la création d’instituts de mécaniquedesfluides.Toulouse estchoisie pour laréputationdu laboratoired’hydraulique deson université, ainsique Paris,Lille etMarseille.La créationde ces quatreinstituts,etde chairesdans quelquesautres villes, s’inscrit dansun mouvementderenforcementdel’État danslesorientationsdelarecherchenationale, auquelcorrespond un reculrelatifdel’influencedespartenairespolitiqueslocauxquiavaientjouéunrôlemajeurdanslapériodeprécédente. En 1930, l’institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT) est créé, dont le laboratoire d’hydraulique devient une composante.C’estuninstitutd’université,dotédepersonnelspropres.Leministèredel’Airluiverseunesubventionannuelle de fonctionnementetrémunèredeux emploiscrééspar l’universitéde Toulouse :un mécanicienchargédesmontages,et une maîtrise de conférences de mécanique des fluides,qui reviendra à Léopold Escande. En 1936, le ministère attribue une importantesubventionpour unesoufflerieaérodynamiquequi entreraenservicel’annéesuivante (Fig. 6).Ce « grand instrument » marque un tournantdansl’histoire dulaboratoire,avec l’ouvertured’unenouvellethématique scientifiqueet l’arrivéedenouveauxpartenairesindustriels,notammentlesconstructeursd’avionsLatécoère(fondateurdeL’Aéropostale)et Dewoitine.

2.2. L’âged’ordel’hydraulique

CharlesCamicheldirigelelaboratoirejusqu’en1941,puislaisselaplaceàl’undesesbrillantscollaborateurs,ingénieurde l’IET,LéopoldEscande.Passionnéd’hydraulique,Escandeestun organisateurentreprenantetcharismatique.En1943, dans unepérioded’activitéintensedelasoufflerie,liéenotammentaudéplacementàToulousedel’activitédessouffleriesdeLille etdelarégionparisienne,ilobtientdelamunicipalitéuneimportanteextensiondeterrainpourl’étudedesmodèlesréduits d’ouvrageshydrauliques(Fig. 7).Ilembauchedenombreuxpersonnelstechniques.Personnageinfluentauseindel’industrie hydroélectriquedel’après-guerre,ilestsollicitépourdesexpertisesetmissionsdansdenombreuxpaysétrangers.Dansles années 1960d’uneFrancegaullienne attachéeau développement de larecherchescientifique (Fig. 8),il occupeplusieurs fonctions à l’échelle nationale, et obtientdes crédits importants pour la construction de nouveaux bâtiments. Il est élu à l’Académie des sciences en1954, et préside l’Association internationale de recherches hydrauliques (AIRH) de 1960à 1964.

Sur leplan scientifique,labrillanteéquipede Camichels’estdispersée au départà laretraite decelui-ci, etl’IMFTvit désormais, jusqu’audébutdesannées1960, sursonhéritage.Lesremarquablesétudesdesannées1913–1936,notamment

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Fig. 6. Esquisse de la soufflerie de l’IMFT, mise en service en 1937. Elle sera abritée par un bâtiment en 1942 (archives IMFT).

Fig. 7. Le« laboratoireplat » desmodèlesréduits,surunterrainacquisen1943,faceaubâtimentdelasoufflerie(archivesIMFT).Cetespaceseracouvert en1962.

sur les tourbillons et les phénomènes transitoires, etsur la visualisation et l’analyse des écoulements, n’inspireront pas de descendance. La soufflerie, très sollicitéedans les années1940par l’industrie aéronautique,verra le nombred’études diminuerfortement dansl’après-guerre,sans donnernaissanceà desrecherches plusacadémiques. Lesétudesd’ouvrages hydrauliques alimentent l’essentiel de l’activitéet des sujets de thèse, autour d’Escandeet de ses collaborateurs : Louis Castex,JeanNougaro,JeanClariaetAlbertClaria.Lesétudesportentnotammentsurleschambresd’équilibredesconduites forcées,lesdéversoirs,les évacuateursde crues,les prisesd’eau, etlesbarragesmobiles. Unrésumédestravaux du labo-ratoire–ceuxd’Escandepourl’essentiel–estpublié,touslescinqansenmoyenneetjusqu’en1963, danslesPublications scientifiquesettechniquesduministèredel’Air.

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Fig. 8. En février 1959, le général de Gaulle visite l’IMFT à l’occasion d’un déplacement à Toulouse (Arch. IMFT). 2.3. Lerenouveaudesannées1960etl’associationauCNRS

Unenouvellegénérationdechercheurs émergedanslesannées1960,quiva renouvelerlesthématiquesdulaboratoire. L’électroniquesedéveloppedansl’instrumentation,pourdesmesuresdevitesse,depressionetdehauteurd’eau,maisaussi pour des modèles analogiques d’écoulement.Le calcul scientifiquesur ordinateur fait son entrée en1958, ettrouve ses premièresapplicationsdanslecalculdelapropagationdesintumescencesdanslescanauxdécouverts.De1960à1970,21 thèses dedoctorat èssciencessontsoutenues,laplupartsur desquestionsnouvelles :écoulements ettransfertsdansles milieuxporeux,jetsturbulentsetécoulementsdécollés,écoulementscompressiblesetsupersoniques,ondes,analyse numé-rique.Apparaissentégalementdesétudessurletransportsolide,lapollutionetl’hydrobiologie,lesfluidesnonnewtoniens, labiomécanique,etlesautomatismesàfluide.

En 1966,l’IMFT faitpartiedelapremière vaguedeslaboratoires associésauCNRSinventésparPierreJacquinot [53] : c’estleLA5.Unedirectionpluscollégialesemetenplace,oùledirecteurestassistéparunconseildelaboratoire.L’activité sestructureautourd’équipesderecherches.Lelaboratoireestdésormaisévaluétouslesdeuxansparuncomitédedirection composé pour unelarge partde personnalités nomméespar leCNRS.Les orientationsscientifiques s’inscriventdansune politiquenationaledecontractualisationdelarecherche,appuyéessurles« actionsconcertées » delaDélégationgénéraleà larecherchescientifiqueettechnique(DGRST)etdes« actionsthématiquesprogrammées » (ATP)duCNRS.Cesfinancements permettent unerecherche sur des questions plus génériques etfondamentales, moins liée à unedemande industrielleà courtterme.

L’IMFT renoue alorsavec sapremière tradition,associant étroitementrecherches fondamentalesetappliquées. L’expé-rimentation est révolutionnée par l’anémométrie à fil chaud pour laturbulence, puis par les lasers pour l’anémométrie et lavisualisationdes écoulements,etlagammamétrie pourles milieuxporeux.Le traitementdusignal, analogiquepuis numérique (corrélations, spectres), renouvelle l’analyse. La simulation numérique desécoulements se développe, comme nouveloutild’investigationdesphénomènesphysiques.Lespartenariatsindustrielssediversifientversl’industriepétrolière etnucléaire,latransformationdelamatièreetde l’énergie,etles transports.Lespartenariatsavec lesorganismespublics s’amplifient.Côtéacadémique,l’IMFTmultiplielescontactsaveclacommunautéscientifiquenationaleetinternationale, par-ticipeauxprogrammeseuropéens,ets’engageauniveauinternationaldanslescomitéséditoriauxdesrevuesetl’animation dessociétéssavantes.

Le nombre de thèses soutenues passe de 41 pour la période 1970–1973 (dont 14 doctorats ès-sciences) à 88 pour 1995–1998. Sur cette dernière période, un tiers des docteurs sont étrangers, et deux tiers trouvent un emploi dans le secteur privé. La formation à larecherche est assurée par le centre de 3e cycle de mécanique des fluides(qui regroupe

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quatreétablissementsuniversitaires),etlecentredephysiqueetchimiedel’environnement.L’IMFTaccueillechaqueannée plusieursdizaines de stagiaires de DEA et élèves-ingénieurs. Vis-à-vis de la formation engénéral, lelaboratoire favorise l’émergencedenouveauxenseignementsenpriseaveclarechercheetavecl’industrie.

En1970, Léopold Escande, directeurde l’IMFT etde l’ENSEEIHT– l’IETMAestdevenu Écolenationalesupérieure d’ingé-nieurs en 1948–,décide de faire sécessionde l’université de Toulouse, etfédère quatreécoles d’ingénieurstoulousaines dansun« institutnationalpolytechniquedeToulouse » (INPT),dontilprendlaprésidence.Lesinstitutstechniquesintégrés auxuniversités,chersàSabatieretCamichel,ontvécu,vaincusparleclivageancienentreuniversitésetécolesd’ingénieurs, ravivéaprès1968par laloiEdgarFaured’orientation del’Enseignementsupérieur.L’universitéde Toulouse,devenue uni-versitéPaul-Sabatier(UPS)en1969,redeviendratutelledel’IMFTen1996,auxcôtésdel’INPTetduCNRS,àlafaveurdela fusionauseindel’IMFTdulaboratoiredemodélisationenmécaniquedesfluidesdel’UPS.L’IMFTacquiertcetteannée-làle nouveaustatutd’unitémixtederecherche.

Pourplusdedéveloppementssurl’histoireau-delàde1970,nousrenvoyonsàl’ouvragecité[49],etnoustournonsvers lestravauxscientifiquesdelapériode1913–1936.

3. Activitéscientifiquedelapériode1913–1936

3.1. Ondesdanslesconduites

En1910,CamichelestsollicitéparDenisEydoux,ingénieuràlaCompagniedescheminsdeferduMidi,sur laquestion descoupsdebélierdanslesconduitesforcéesdesusineshydroélectriquesdehautechute,notammentcelledeSoulomdans lesPyrénées.Lesétudesalorsentreprisesmarquentuneréorientationdel’activitédel’IETversl’hydrauliqueetlamécanique desfluides,quiaboutitàlacréation,en1913,dulaboratoired’hydrauliquedel’universitédeToulouse.Dansunouvragede synthèsedestravauxréalisés,publiéen1918,Camichelposelesenjeuxduproblème[5]:

« On appelle coup de bélierles variations de pression qui prennentnaissance dans les conduites sousl’influence des changementsde vitessede l’eau.Cesphénomènesont unegrandeimportance enraisondu développementactuel des installations hydro-électriques,danslesquelles lesconduitesforcéesconstituentun organeimportantetcoûteux.Il est indispensable pour l’économie de réduire le plus possible leur épaisseur ; il faut pour cela connaître exactement les pressionsproduitesparlesdiversfonctionnementspossiblesdurégulateuretdonneràlaparoil’épaisseurjustesuffisante pourquelemétal,sousl’influencede lapressionstatiqueaugmentéedessurpressions,travailleautauxhabituelde8à 10kgparmm2. »

Destravauxthéoriquesexistent,dusnotammentàNicolaiEgorovichJoukovskietLorenzoAllievi[54].Cedernieraétablien 1902lesystèmed’équationsdifférentiellesgouvernantleproblèmeetpublieen1913uneméthodederésolutionanalytique etgraphiquequiferaréférence.Camichel :« Onpeutrésumer,enunmot,lerésultatfondamentalauquelonarrive :l’étude descoups de bélierseramèneà l’équationde d’Alembert descordes vibrantes. » Desexpériencesprécisesrestentà faire pourcernerlavaliditédeshypothèsesfaites.

« Nous nous sommes attachés à conduire simultanément des expériencesde laboratoire sur une chute artificielle de 17

,

3 mde hauteur etd’unepuissancede 4chevaux organiséeà l’institutélectrotechniquede Toulouse,etde grandes expériencesindustriellesdansuneusined’unepuissancetotalede21 000chevaux[15MW](Soulom),répartieendeux chutesdistinctesayantrespectivement120mètreset250mètresdehauteur.[...]

Cetteallianceconstantedel’usineetdulaboratoireseretrouveraconstammentdansnotretravail :ellenousapermis derésoudrecertainesquestionsdelaplusgrandeimportance,commeladéterminationdelavitessedepropagationdans lesconduitesàcaractéristiquesvariables[diamètreetépaisseur].Nousavonspuainsifairedisparaîtrel’incertitudedans laquelleon setrouvaitrelativementà cettevitesse,dontlavariationapparentesousl’influence delapression était,en quelquesorte,lapierred’achoppementqu’onrencontraitaudébutdetouteétudesurlescoupsdebélier. »

Les coups de bélier feront l’objet de nombreuses publications, notamment dans les Comptesrendusde l’Académiedes sciences etdansLaLumièreélectrique.Ilsdonnerontlieuàunouvragedesynthèserésumant« lesétudesthéoriqueset expé-rimentales[...]poursuiviespendantplusieursannéesà l’institutélectrotechniquedeToulouse età l’usinehydro-électrique deSoulom,etquiontnécessitéplusdetroismilleexpériencesdistinctes. »[5]Cetouvrage,deprèsde400pages,obtiendra leprix Boileau de l’Académie dessciences. Paul Painlevédemandera à Camichelde professer, dansle cadrede sachaire parisienne,desLeçonssurlesconduites, qui serontpubliées[6].Cestravauxdonneront aussilapremière thèsede doctorat ès-sciencesdulaboratoire[3].

3.1.1. Mesuredelapressionetdelavitessedel’eau

Pour lapression, différents typesde manomètres-enregistreurs sont mis enœuvre (Garnier-Mathot, Crosby,Bourdon, etc.), selon lescontraintes d’utilisationetla rapiditédes phénomènesétudiés. Le principegénéralest quela pression de l’eau agitsur un piston, dontles mouvements sont amplifiéspar un système articuléet tracéssur un cylindre tournant enduitdenoirdefumée.Desmanomètres« utilisantladéformationd’uneplaquetéléphonique » sontégalementemployés,

(11)

Fig. 9. Enregistrementdelapressionaprèsunebrèveouvertured’unpetitrobinetàl’avald’uneconduite(méthodedeladépressionbrusque) ;au-dessus : enregistrementd’undiapasonau1/100 sdonnantl’échelledetemps[5].

parfois associésàlaphotographie.Le tempsde réponsedu manomètre,etla perturbationqu’ilintroduit danslamesure, sontsoigneusementdiscutés(parexemple, lavariationdevolumeliéeaumanomètredoitresterpetitedevantcelleliéeà lacompressibilitédel’eau).

LeproblèmedelamesuredudébitdanslesconduitesdegrosdiamètredeschutesdePauetdeCauterets,estrésolupar un« jaugeurVenturi ».Camichelmontrequecetinstrumentdelaboratoireestaussiuninstrumentdeterrainprécisetfiable. Cetravailfaitl’objetdupremierarticlederevuescientifiquedel’IET,dansLaLumièreélectrique[7],puisdelapremièreNote aux Comptesrendusdel’Académiedessciences [1].Il seraaussi publiédansles actesdu Congrèsdelahouilleblanche[8] (le congrèslui-même,prévuenseptembre1914,n’aurapaslieu,dufaitdeladéclarationdeguerre).

3.1.2. Déterminationdelavitessedel’onde

Les difficultés expérimentales sont nombreuses. « La purge d’une conduite est la question la plus importante qui se pose au momentd’un essai :il faut ladébarrasser complètement de toutl’air qui a pu resterdans sescavités. [...]L’air s’emmagasineà lapartiesupérieuredesrobinets-vannesets’accrocheauxrivures. » La vitessedepropagationducoupde bélierestmesuréeparla« méthodedeladépressionbrusque »[9–11]:

« Àl’extrémitéavaldelaconduiteétudiéesetrouveunpetitrobinet,qu’onouvrependantuntempstrèscourt,vis-à-vis du temps

θ

que l’ondemetpour alleretrevenir de l’extrémité avalà la chambrede mise encharge. La variation de pression estinscriteparun manomètre,quienregistreensuitecettemêmevariationdepression,réfléchieà l’extrémité amont etchangée de signeet ainside suite. Onobtient ainsidans le graphiquede lapression unesérie d’encoches, tantôtdansunsens,tantôtensensinverse,quipermettentdedéterminertrèscommodémentlavitessea.Letempsest inscritsurlecylindreenregistreuraumoyend’undiapasonayantcommepériodeuncentièmedeseconde » (Fig. 9). Dans une expérience typique, lavitesse mesurée vaut 1312 m/s, la formule d’Allievidonne la valeur très proche de 1315 m/s.

3.1.3. Résonances

Lorsqu’une conduite estsoumiseàuneperturbationpériodique, par exempleunemodulationdudébit réalisée parun robinettournant,desrésonancessemanifestentaveclemodefondamental,depériode 4L

/

a, ouavecunharmonique.« Au moment delarésonance,l’oscillation s’épureetlacourbedevientsinuoïdale[la conduitevibreen1

/

4 d’onde] ; lamême remarque s’applique auxharmoniques. [...] Au moment de la résonance desharmoniques impairs,le débit passe par un minimum[...]Lacomparaisondelaconduiteavecuntuyausonorenousindiquequependantlarésonancedufondamental, laphasepourtouslespointsdelaconduiteseralamême. »

3.1.4. Conduitesàcaractéristiquesmultiples

Lesconduitesindustrielles sont engénéralconstituéesde plusieurstronçons,d’épaisseurs etparfoisde diamètres dif-férents. Dans ces conduites« à caractéristiques multiples », chaque tronçon possède sa propre vitesse de propagation, et le calculdoit entenir compte.La Fig. 10 compare,pourune fermeturelentedu distributeur, lespressions mesuréesaux pressionscalculéesenmodélisantlaconduite avectroistronçons.Lecalculassocie solutionsanalytiquesetrésolution nu-mérique « à la main » par différences finies.La correspondance destracés, mauvaise avec un seul tronçons dès l’instant t

8L

/

a,s’avèrebienmeilleureavecseulementdeuxtronçons.

3.2. Similitudedesécoulementsdanslesmodèlesréduits 3.2.1. Loisdelasimilitude

L’étudeàéchelleréduitedesécoulementsnaturelsouindustrielss’imposecommelebonmoyend’expérimenterdansdes conditions mieuxcontrôlées.Dèslorsseposelaquestion del’extrapolation desrésultatsdumodèle réduitversl’ouvrage réel.Cettetranspositionrequiertquelesécoulementssoient« semblables »,etlesconditionsdecettesimilitudedoiventêtre fondéessurl’analysedimensionnelledeséquationsdelamécaniquedesfluides.Au-delàdelamotivationindustrielle,cette analysemetsurlavoied’unecompréhensionplusprofondedel’hydrodynamique[12]:

(12)

Fig. 10. Fermeturelentedudistributeuraupieddelaconduiteforcéedel’usinedeSoulom :pressionaudistributeurenfonctiondutemps,mesureet calculpouruneconduitereprésentéepartroistronçonsd’épaisseursdifférentes[5].

« Cettequestion présente,dupointde vuetechnique,un intérêtconsidérable,carlesloisde lasimilitudecommandent latechnique desmodèles réduitsdontl’emploisegénéralise,avec ledéveloppementdesusineshydroélectriques,pour lasolutiondetouslesproblèmesqui,enraisondeleurcomplexité,échappeaucalcul.Maislasimilitudeestégalement intéressanteaupointde vuethéorique,carelledonnedesrenseignementsprécieuxsurlanaturedesphénomènesmis enjeuetl’expressiondestermesquipeuventlesreprésenter. »

Ondoit à HermannHelmholtz(1873) età lord Rayleigh (1892) lespremièresprésentations d’un principede « simila-rité dynamique »,dontJoseph Fourieravait poséles basesen1822 [55,§365–371] [54, p. 213]. WilliamFroude dansles années1870 et, avant lui, Ferdinand Reech, en ont empiriquementtrouvé les lois pour la résistance à l’avancementdes navires[56, p. 277]. Osborne Reynolds endécouvreen 1883une autre manifestation dansses études de la transitionà laturbulencedansuneconduite[56,p. 256].L’investigationdesloisde similituderesteàfairedanslessituationsvariées rencontrées avecles modèles réduits.Ce seral’objet de lathèsede LéopoldEscande[4], qui poserales conditionsde si-militudede chacunedesgrandesclassesd’écoulements :écoulementsenchargeou àsurface libre,écoulementsvisqueux ounonvisqueux (cedernier cascomprenant,d’unepart,lesécoulements potentielset, d’autrepart,les écoulements plei-nement turbulents où la viscosité est sans effet sur la similitude). L’analyse d’Escande suit dans son principe celles de Jean Boussinesq et de Marcel Brillouin, qui avaient eux-mêmes repris etdéveloppé l’analyse de Helmholtz etde Horace Lamb.Laquestiondelasimilitudedesécoulementsguideradésormaisl’essentieldestravauxdeCamicheletdulaboratoire d’hydraulique :

« EncollaborationavecM.L.Escande,j’aiétudié,dupointdevuedelasimilitude,lesmodesd’écoulementlesplusdivers : chambresd’eau,déversoirs,conduites,collecteurs,corpsimmergés.Lesphénomèneshydrauliquessonttrèscomplexeset fontintervenirun grandnombred’éléments :pesanteur,viscosité,rugositédesparois,capillarité,cavitations, entraîne-mentde l’air, cohésionethétérogénéité desmatériauxdans lecasdes affouillements,etc. Ilenrésultedesconditions multiplesetincompatiblesquirendraientlaréalisationdelasimilitudeimpossible,si,danslaplupartdescas,parmitous lesphénomènesmisenjeu,l’und’euxn’étaitprédominantvis-à-visdesautres.Ilsuffitdèslorsderéaliserlacondition desimilitudecorrespondantàcephénomène,lesautresn’intervenantquecommedestermescorrectifsdontilimporte dedéterminerl’ordredegrandeur.

Parexemple,danslesmouvementsàsurfacelibreintéressantl’hydrauliquefluviale,ondoitenvisagerlapesanteuret laviscosité,c’est-à-dire lacondition deReech–Froude etcellede Reynolds.Or,cesdeux conditionssontincompatibles, engénéral ;lasimilitudeseraitdoncimpossiblesil’existencedupotentieldesvitessesn’éliminaitpresquecomplètement l’influencedelaviscositéetparconséquentlaconditionrestrictivedeReynolds. »[13].

Lesmodèles réduitsprésentent parailleursdesavantages,comme« les faiblesduréesdesphénomènes, [...]tandisque dansles modèles réels les phénomènespourraient passerinaperçus du fait de leurlenteur » [14].Ils permettent aussi la miseenévidencedeseuilspourlenombredeReynolds.

Lespremièresvérificationsdesconditionsdesimilitudeportentsur lacomparaisondesdébits Q1 etQ2 dedeux

écou-lements visqueux dans deux conduites de diamètres dans un rapport D2

/

D1

= λ

; ou sur la comparaison des vitesses,

mesuréesparchronophotographie, endeux points homologuesde l’écoulementautour d’un obstacle[15].Inversement,le caractèrepotentield’unécoulementpeutêtrevérifiéparlaconditiondesimilitude :pourunréservoirpercéd’unorificeen

(13)

Fig. 11. FonctionϕenfonctiondunombredeReynoldspouruncoudeàangledroit,pourdifférentsliquides.Lerapportdesviscositésextrêmesestde373

[13,17].

minceparoi,lestempsdevidangedel’eauetd’unehuilesontidentiques[16].Laquestiondelachutedepression



p dans uncoudefaitl’objetd’uneétudedétaillée.L’analysedimensionnellesuggèredeconsidérerlecoefficientsansdimension

ϕ

=



p

ρ

V2 (1)

V estlavitessemoyennedansunesectionducoude.LaFig. 11montrelavariationdececoefficientaveclenombrede Reynolds.Ilapparaîtd’abordquelespointss’alignentsurunemêmecourbe,indépendammentdeladimensionducoudeet delaviscositédufluide–lerapportdesviscositésextrêmesestici373.Onvoitensuitequelecoefficient

ϕ

décroîtpourles nombres deReynoldsinférieursà1000environ,puisatteintunevaleurconstante.Ladécroissancecorrespondàunrégime dominéparleseffetsvisqueux,tandisquelepaliercorrespondàunrégimedominéparl’agitationturbulente.

3.2.2. Similitudedes« ouvragescourts »

Dans laperspectivede l’extrapolationdumodèleréduitàl’ouvrageréel,l’existenced’unrégimed’écoulement indépen-dant de la viscosité, oùle coefficient

ϕ

estconstant, estparticulièrement important.Lesouvrages situés dansce régime sontappelés parCamichel« ouvragescourts » [18].Pour cesouvrages, « lespertesde charge,variantsuivantlecarré dela vitessecommetoutesles autrespressions,n’introduisentpasde conditionparticulièrepourlaréalisationdelasimilitude, etlesrelationsdemeurentlesmêmesquepourlesfluidesparfaits. »

« Cettenotiond’ouvragecourtestparticulièrementimportante,parcequ’ellem’apermisdepréconiser,pourcesouvrages, unetechnique desmodèles réduitssûreetéconomique :pourun ouvragedéterminé,onconstruira lafonction :

ϕ

(

R

)

jusqu’à ce que l’on atteigne ce que j’appelle le seuil, c’est-à-dire le nombre de Reynolds à partir duquel la fonction

ϕ

conserve une valeur constante. Cette valeur seracelle qu’ilconviendra d’appliquer à l’ouvrage réel. Il n’y aura pas évidemmentintérêtàcontinuerdesétudessurdesmodèlesmettantenjeudesnombresdeReynoldsplusélevésetc’est encelaqueconsistel’économiedelaméthode. »[12]

UneétudeemblématiqueillustrantcettenotionestcelleduremplissagedelacalederadoubduportduHavre(Fig. 12) [14].Cette cale,delongueurL

=

335 m,« l’unedesplusgrandesexistantdanslemonde »,estrempliepargravité,àmarée haute, à travers des aqueducs parcourus par des débits de l’ordre de Q

=

100 m3/s. Une question est celle du temps

de remplissage. Un modèle réduit réalisé dans le canal courbe de Banlève permet de valider la similitude de la loi de remplissage enfonctiondutemps (Fig. 13a). La fonction

ϕ

(

R

)

desaqueducs,« jamais étudiée,à notre connaissance,pour des nombres de Reynolds aussi considérables », met bien en évidence les deux régimes, sur une gamme de nombre de Reynoldss’étendantsurplusdetroisordresdegrandeur(Fig. 13b).

3.2.3. Résistanceàl’avancementdecorpstombants

La questiondelarésistanceàl’avancementd’un obstacledansun écoulementrestelargementouvertedanslesannées 1930 [57].Deux théories ont ouvert la voie à unerésolution du paradoxe de d’Alembert : les surfaces de discontinuité de Helmholtz et Levi-Civita, d’une part (voir §3.4.3), et la couche limite de Prandtl, d’autre part. Du point de vue des applications, toutefois,la traînéeresteencoredéterminée de façonessentiellement empirique.C’estdansce contexteque Camichel engageJean Baubiac dans une thèse sur la similitude des lois de chute d’un corps tombant par gravité dans un fluideau repos [19]. Les corpsétudiés, proposés par le ministère de l’Air,sont des cylindres tombant verticalement, parallèlementàleuraxedesymétrie,etmunisd’unempennageafindestabiliserleurchute.Lachutedecorpsdediamètre centimétriqueestétudiéedansla« tourE » et le« bassinD » del’IET.Unfilattachéau corpsfait tournerun tamboursitué enhautdubassin ;larotationdutambour,filméeparunecamérarapideà250imagesparseconde,permetdedéterminer laloidelachute(transitoiredel’accélérationetvitesseterminale).Desexpériencessurdescorpsdedimensionsmétriques

(14)

Fig. 12. Grande forme de radoub du port du Havre. Longueur : 313 m, débit lors du remplissage : 100 m3/s ; puissance mise en jeu : 11 MW[16].

Fig. 13. Cale de radoub du Havre : (a) loi de remplissage de l’ouvrage réel et de son modèle réduit à l’échelle 1/25 ; (b) fonctionϕ(R)[14].

sontmenéesà partir d’un radeauinstallésur le lac d’Oô,lac pyrénéende 80 mètresde profondeur. Le radeau, construit par la Compagnie d’électricité industrielle de Luchon, est équipé d’une machine d’Atwood qui permet de fairevarier le poidsapparentducorps(Fig. 14).Delaloidevitesse,estdéduitelaforcehydrodynamiquederésistanceàl’avancement.La Fig. 15montrelavariationdecetteforce,normaliséeparS V2,produitdelasectiondel’obstacleetducarrédesavitesse,

enfonctiondunombredeReynoldsducorps.Lorsquelerégimepermanentestétabli,cetteforcenormalisée,indépendante de ladimensiondu corps,apparaitbien constantelorsquelenombre deReynoldsest suffisantgrand,c’est-à-direque « le phénomèneconsidéréestindépendantdelaviscositépropreduliquide. »

(15)

Fig. 14. Radeau des expériences du lac d’Oô, permettant d’utiliser des profondeurs de 80 mètres[19].

Fig. 15. Expériencesdulacd’Oô.Courbedesrésistancesducylindreimmergédansl’eauenfonctiondesnombresdeReynoldscalculésàpartirdesvitesses enrégimepermanent[19].

Dans lerégimetransitoired’accélérationducorps,àpartirdu repos,l’étuderévèlequ’àl’instantoùlavitessedu corps est V

(

t

)

,laforce hydrodynamiqueestsupérieureàlaforcedansunmouvementpermanentàlamêmevitesseV (Fig. 16). Le surcroîtdeforce estliéaufaitquelefluideautourdel’obstacle doitlui-mêmeêtreaccéléré,etqu’àlamasseducorps doitdoncêtreassociéeune« masseajoutée » defluide(cetteexpressionde« masseajoutée » n’esttoutefoispasexplicitée).

(16)

Fig. 16. Résistancehydrodynamiqueaucoursdurégimetransitoired’accélération,etcomparaisonaurégimepermanentdemêmevitesse[19].L’écartentre lesdeuxcourbesderésistancetraduitl’effetdelamasseajoutée.

Cesexpériencespermettentégalementdeclarifierceque Camichelappelleles« élémentslinéaireshydrauliques », c’est-à-direcertaineséchellescaractéristiquesdel’écoulementquidoiventelles-mêmesvérifierdesrelationsdesimilitude.Ainsi, pouruncorpstombant,« lesexpériencesontmontréqueladistanceL parcourueparlecorpsdepuislapositioninitiale jus-qu’àlapositionàpartirdelaquellelerégimepermanentdelavitesseestétabli,estconstanteetindépendantedelavitesse atteinte. Pour un corpssemblable au premier,la distanceparcouruedans lerégimetransitoire varie proportionnellement à

λ

[lefacteurgéométrique] »[14].

3.3. Hydrauliquefluviale

Lesfleuvessontlesièged’unegrandevariétédephénomèneshydrauliquesnaturels,telsquelescrues,ouliésàl’activité humaine.Parmicesderniers,onpeutciterlescontractionsprovoquéesparlespilesdeponts,ouledécollementd’unelame déversante au-dessus du parement aval d’un barrage, ou les phénomènes alternatifs d’affouillement et de remblaiement observés àl’avald’un ouvragesur unfondde sable.Nouslimitons icilaprésentationaux« effets produitsdansun fleuve parlaprésenced’unbarragecomposéd’élémentsmobilesetparlamanœuvredecesderniers. »[20]Lesenjeuxconcernent laprotectiondesrivesetdufondducoursd’eau,etl’obtentiondesconditionslesplusfavorablesàlanavigation.

3.3.1. Casd’uneseuleveinedansunsystèmeencharge

Unesituationtypiqueestcelled’uneveinehorizontaledesectionrectangulairedébouchantdansuneconduiteégalement rectangulaire,demêmeprofondeur,maisdelargeurplusgrande,lesystèmeayantunplandesymétrievertical(Fig. 17).

« [Onobservealors]desindéterminationsdelaveineliquidequinepeutdemeurerdanslapositionaxialedesymétrieet quis’incurveversl’uneoul’autredesdeuxparoisducanal,sansqu’ilsoitpossibledeprévoiravantlamanœuvrequelle seracelledesdeuxparoisverslaquelleirafinalementlaveine.Voicil’explicationqu’onpeutendonner :

Sousl’influence d’uneperturbationaccidentelle,laveine primitivementrectilignes’incurve légèrement ; ilen résulte unedifférence de pressionentre lesdeux régionsde partetd’autrede laveine,lapressiondiminuantdans larégion à laquelle la veine présente sa concavité, et augmentant dans l’autre, de telle sorte que la déviation initiale du jet s’accentuejusqu’aumomentoùunéquilibres’établitetdonnenaissanceàuneveinecourbestable.[...]

Silesystèmeestsymétriqueetconstruitavec beaucoupd’exactitude,laprobabilitépourquelaveines’orientedans unsensdéterminéestégaleà1

/

2.Telestlephénomènedel’indéterminationd’uneveineliquide.

Pour préciser les conditionsdans lesquellesces phénomènes seproduisent,il fallait les examiner dèsleur origine, c’est-à-direàpartirdesnombresdeReynoldslesplusfaibles.[...]

Pourde trèsfaiblesvitesses,les filetsfluidessuivent rigoureusementlesparoissansdécollement [Fig. 17].Pour des vitessesplus grandes, on voitapparaître de partetd’autrede la veinequi débouche du canal T deux rouleaux logés

(17)

Fig. 17. L’écoulementàlasortied’unélargissementbrusque,symétriqueàpetitnombredeReynolds,s’orienteversl’uneoul’autredesparoislatéralespour Re>34[14].

symétriquementdanslesanglesamontdelasectionélargie.Pourdesvitessesencoreplusélevées,lasectiondelaveine diminue, lasymétrie disparaît :laveineliquide s’accroche àl’une ouà l’autredesparois.[...] Le nombrede Reynolds critique[correspondantàl’apparitiondecedernierphénomène]estd’environ34.

Pour allerplus loin danscette étude etfaireapparaîtreun paramètre mesurable, nousavonssongéà utiliser pour l’orientationdelaveine,unecauseartificielle suffisantepourmasquerlaplusforte descausesaccidentelles quiprovoque son orientation.Diversprocédés peuventêtreemployésparmilesquelsl’undesplus caractéristiquesconsiste à utiliser l’actionsurlesrouleauxd’unfilfixequipeutavoirdetrèspetitesdimensions. »

Lefil,placéjusteàl’avaldel’élargissement,peutêtredéplacétransversalementdanslaveine.Lavitessedel’écoulementest augmentéetrèsprogressivementparl’ouverturelented’unrobinet.

« Nous avonsconstaté que pourlesnombres de Reynoldstrèsfaibles,lefil n’apasd’action.Auvoisinagedu critérium [Rc

=

34]etdansdeslimitesrestreintes,ilestpossibleendéplaçantlefildea enb demodifierl’orientationdelaveine

etdel’ameneràsedétacherd’uneparoi,cellededroite,pours’accrocheràl’autre,celledegauche.Cependant,dèsqu’on ramènelefilenarrière,deb ena,laveinerevientpeuàpeuverslaparoiqu’elleavaitabandonnéesousl’influencedu fil.Toutsepassecommesilaveineétaitattiréeparlefil.QuandlenombredeReynoldscontinueàaugmenter,ladurée de ce retourde laveineverslaparoi croît rapidementetdevient infinie,laveineconserve alorslapositionque luia donnéelefil ;l’actionestpermanente.

Il enest demêmepourdesnombres deReynoldsplus élevés ;lefilpossède encoreuneactionsurl’orientationde laveine,maisladuréedecetteactionrépulsivecroîtaveclenombrede Réynoldset,pourunnombredeReynoldsplus élevé [voisin de 55], elledevient infinie. Quand il enest ainsi, lefil n’a plus d’action sur laveine, quelleque soit la positionqu’onluifaitoccupervis-à-visdesdeuxparois. »

VoilàCamicheletsonéquipepionniersdu« contrôledesécoulements » ! 3.3.2. Systèmesàsurfacelibre

« Lesmêmes phénomèness’observentdanslessystèmes à surfacelibre quej’ai étudiés avecMM. Escandede Sabathé. Par exemple, dans un canal de 4 mètres de largeur (laboratoire de Banlève), uneveine issue d’unefente centrale de 1

,

40 mdelargeur,débitant3600litresparseconde,estrepousséeverslariveopposéeparunetigeverticalede2

,

5 cm de diamètre,placée [tangentiellementà laveine] à2mètresàl’avalde lafente,dèsledébutdumouvement(Fig. 18).

(18)

Fig. 18. LaboratoiredeBanlèvedel’universitédeToulouse.Unetigede2,5 cmdediamètrepermetd’imposerl’orientationdelalamed’eauàl’avald’un élargissementbrusque,etlèveainsil’indéterminationinitiale[21,14].

Laveine étantainsi orientée,restestableetconservelamêmepositionsi l’onenlève latigeousion ladéplace dans lecanal,danslaveineetendehorsdelaveine.Onadoncaffairedanscecasàun systèmedanslequell’étatfinalest variableaveclesmêmesconditionsinitiales(positiondelatige).

Sil’onattendquelaveinesesoitstabiliséecontreuneparoi,pouressayerdelaramenercontrelaparoiopposée,la chose demeureencorepossible, maisau prix dedispositifs mettentenjeu unepuissancebeaucoup plus considérable, puissanceempruntéeaumilieuouprovenantd’unesourceextérieured’énergie,parexempleparlarotationàunevitesse élevée,de palettestournant àautour d’unaxevertical.Il ya doncunedifférence essentielleentre lesphénomènesdu régimetransitoireetdurégimepermanent.[...]

Onvoitdoncqu’une causeinfimemaisexistantcommeconditioninitialeaudébutduphénomèneetpouvantmême disparaître ensuite, a beaucoup plus d’action qu’un élément relativement beaucoup plus important mais intervenant seulementaprèslafindurégimetransitoire. »

3.3.3. ExpériencessurmodèlesréduitsetaubarragedeVives-Eaux

Lesphénomènesdécrits ci-dessusseretrouventdanslesconfigurationspluscomplexesrencontréesenhydraulique flu-viale.Lesexpériencesréaliséessur lebarragedeVives-Eaux,prèsdeMelun (Fig. 19), etsurson modèleréduitàl’échelle 1

/

25,ensontuneillustration.Les74haussesmobilesdecebarrageautorisent« touteslescombinaisonspossiblesencequi concernelenombreetlalargeurdesouverturesàpratiquerdansl’ouvrage ».

Onobserveainsique,pouruneouvertureunique,« laveinenedemeurejamaisdansl’axede l’ouverturemaiss’incurve toujours vers l’une ou l’autre desdeux rives. » Si l’ouvertureest proche de l’une desrives, laveine s’incurve vers cette rive.Sil’ouvertureest situéedanslapartiecentrale, laveines’incurve versl’une oul’autre rive,quipeut êtrechoisie en déplaçantprogressivementlapasseouverteàpartirdelagaucheoudeladroite.Àunemêmepositiondel’ouverturepeut ainsicorrespondredeuxorientationsdifférentesdelaveine,selonle« chemin » empruntépourarriveràcetteposition :le phénomèneprésenteunehystérésis.

« Onpourraitciterdenombreuxexemplesdephénomènesanalogues.Dansl’écoulementsurundéversoirdeBazin,entre certaines limites de charge, on peut avoir pour un même débit une nappe ondulée ou une nappe noyée auxquelles correspondentdeuxvaleursdifférentesdu niveauaval ;lasolutiondépenddu faitquel’on opèreparcharge croissante oudécroissante.Demême,danslesévacuateursdecruesàgaleriesouterraine,onpeutavoirdestirantsd’eaudifférents pourunmêmedébitsuivantqu’onopèreàdébitcroissantoudécroissantentrecertaineslimites,etc. »

DanslecasdedeuxouverturesAetB,onvoitseproduireunphénomènecaractéristique,l’attractiondesveines(Fig. 20). « LescourantsisssusdesdeuxvannessymétriquesAetBseréunissentetformentainsiuncourantrésultantuniquequi lui-mêmesubitunphénomèned’indéterminationencesensqu’ilpeutêtredirigéversl’uneoul’autredesdeuxrives.

(19)

Fig. 19. Veines convergentes à l’aval du Barrage de Vives-Eaux sur la Seine[14].

Fig. 20. Schémasdestroisconfigurationspossiblesrésultantdel’ouverturededeuxvannes :confluenceverslarivedroite,verslarivegauche,oudivergence desveines[14].

Le cas des ouvertures des vannes exécutées successivement et progressivement est très important ; on ouvre par exemplelavanneAetonlaisselerégimepermanents’établir,onouvre ensuiteprogressivementladeuxième vanneB. Les deuxveines s’attirentet lecourant résultantde leur confluencese dirigedu côté de larive laplus voisine de la vanneouvertelapremière.

Lerésultatfinaldépenddoncdel’ordredesmanœuvres :lesopérationsnesontpascommutatives. »

Si toutefois les deux ouvertures sont situées à l’extérieur d’une région centrale, alors l’attraction des parois domine l’attractiondesveines,etcesdernièresdivergent.

« [Enfin,]silesouverturesAetBsetrouventàlalimitedelazonecentraleetdeszoneslatérales,l’attractiondesparois équilibrant sensiblementl’attraction mutuelledesveines,on peutobtenir avec indétermination,soitla divergencedes veines,soitleurconvergence,cequicorrespondàunetriplesolutionavecindétermination.

Avec un système de tiges convenablement placées, on peut encore dans ce cas, enutilisant le régime transitoire, supprimerl’indéterminationetobtenircelledestroissolutionspossiblesquel’onaurachoisieàl’avance(Fig. 21). » La situationd’un fondaffouillable,constituéde sablefinpar exemple, introduitunedifférence importanteavec cequi précède : l’étatd’équilibre final est symétrique et indépendantde la configuration initiale du lit. Ainsi, un talus disposé initialementendehorsduplandesymétriedel’écoulementestprogressivementérodé,etunfondsymétriqueestfinalement restauré.

Ces travaux sur les solutions multiples enhydraulique sont prolongés par l’équipede Camicheldans plusieurs direc-tions, notammentverslesécoulementsoscillants, induitspar exempleparlesmarées,où l’orientationdelaveineàl’aval d’unecontractionestsensibleauxtourbillonsrésiduelsforméslorsdel’alternanceprécédente.Uneautredirectionconcerne l’utilisation descrues : par l’aménagement naturel ou artificieldu litmajeur d’une rivière, une crue peut provoquerun changementd’orientationdescourants,quipersisteaprèsladécruelorsquelarivièreestretournéedanssonlitmineur.

(20)

Fig. 21. Photographiesd’écoulementscorrespondantauxschémasdelaFig. 20;cesécoulementspeuventêtreobtenuesdediversesfaçons,notammentà l’aidedetigesdisposéescommeindiquédansl’insertenhautàdroitedechaquephotographie[21,14].

3.4. Chronophotographieetcinématographie 3.4.1. Principe

Ses travaux sur les conduitesamènent Camichel à s’intéresserà la mesure desvitesses dans les liquides. Le tube de Pitot est alors l’instrument classique pour de telles mesures. Mais cet instrument ne donne la vitesse qu’en un point ; deplus,ilperturbel’écoulement,sarésolutionspatialenedescendpasen-dessousdequelquesmillimètres,etl’inertiedes manomètresnepermetpasl’étudederégimestransitoiresrapides.CeslimitationsvontconduireCamichelàdévelopperune méthodefondéesurl’observationdudéplacementdefines particulesentraînéesparl’écoulement :lachronophotographie. Danssapremièrepublicationsurlesujet,en1919,Camichel[22]décritbrièvementlaméthode(avecdesréférencesàScott Russellainsiqu’àdeCaligny,Boussinesq,etÉtienne-JulesMarey),puisl’appliqueàdiversécoulements.Dansl’articlesuivant [23],laméthodeestplusdétaillée :

« [Laméthodechronophotographique]consisteàphotographierdespoussières[ensuspensiondanslefluideet]éclairées parun faisceauintermittentconformémentau procédéde Marey.Cespoussièresentraînentdepetites bullesd’air ;les particulesainsiconstituéessubissentunesélectionautomatique :cellesquiontlamêmedensitéqueleliquideambiant restentensuspensiondanscelui-cietserventauxmesures,lesautrestombentaufondouflottentàlasurface.Onobtient ainsipar réflexionsurles bullesd’airdespointstrès brillantssedétachantsur un fondnoir.Ce dispositifal’avantage de neproduiredansle liquideoù l’on veut mesurerles vitessesaucuneaction perturbatrice ;il permet aussi defixer avecprécisionlesconditionsinitiales,par exemplede mettreleliquideenmouvementsanssecousse etde réaliserles conditionsspécifiéesdanslethéorèmedeLagrangerelatifàladynamiquedesfluidesparfaits.

LeschémadumontageestreprésentédanslaFig. 22;enA setrouveunarc :onformel’imageducratèredecelui-ci surlafenteF , auvoisinagedelaquellesetrouveundisque D comprenantdessecteurs alternativementpleinsetvides. Ce disqueestmontésurunetransmissionT muepar unmoteur M, uncompteurde toursC permetde déterminerla vitessedudisque.UnelentilleL formel’imagedelafenteF encoïncidenceavecl’axeO delachambred’eau.Onobtient ainsiunfaisceaulumineuxtrèsdéliéquiéclairevivementlesparticulessituéesdanslaplanxy ;laphotographieobtenue estagrandiesuivantlecasdanslerapportde1à3oude1à5. »

Lespremières expériencesexplorent diversessituations : l’écoulement d’eau entre deux glaces planes,le mouvement tournantaccompagnantlavidanged’unechambred’eauparunorificeàsabase,etl’écoulementsurundéversoiràsurface libre [22]. Pour l’écoulement entre deux plans – distants de 2 cm –,« on peut ainsi étudier des points très rapprochés des parois, situés par exempleà 0

,

3 mm de celles-ci. La réflexion sur les glaces des trajectoires des particules permet de déterminer avec précision, sur les clichés, [la distanceà la paroi].On vérifie facilement que lacourbe

(

u

,

y

)

est une parabole. »

Desexpériencesmenéesplustardavecdescolloïdes(solutionsaqueusesdegélatine)montrerontquel’écoulementplan decesfluidesàseuil« présententunerépartitiondesvitessestrèsdifférentedecelledelaparaboleclassique[...] ;lacourbe obtenuecomporteunepartieplate,dontlathéorieexpliquel’existence » (Fig. 23)[24,25].

LaFig. 24donnedeuxillustrationsdelachronophotographie :l’écoulementdansuncoude,etl’écoulementautourd’un disque à petitnombre de Reynolds.Pour ce dernier, l’éclairage continu (en retirantledisque denté) donneles lignes de courant.

(21)

Fig. 22. Schéma du montage de la méthode chronophotographique[23].

Fig. 23. Profil de vitesse entre deux plaques parallèles, pour l’eau et pour une solution de gélatine à 0.007 %[24,25].

Fig. 24. Chronophotographie de l’écoulement dans un coude[13], et autour d’un disque à petit nombre de Reynolds[26].

3.4.2. Écoulementspotentiels

Au-delàdelavitesseproprementdite,lachronophotographiepermetdemesurerlacirculationdelavitesselelongd’un contour, le vecteur tourbillon (moitié de lavorticité), etl’accélération. Elle est donc un outil d’analyse de la nature des écoulements,notammentde leurcaractèreirrotationnelounon.Plusieursprocédésdedéterminationduvecteurtourbillon sontmisenœuvre :(i)parladéterminationgraphiquedesgradientsdevitesse,(ii)parledessin,surlaphotographie,des

(22)

Fig. 25. (a)Chronophotographiedel’écoulementdansunechambred’eaumunieàsapartieinférieured’unorificeenminceparoide1cmdediamètre, avecuneparoilatéraleà3cmducentredel’orifice.(b)Écoulementpotentielcorrespondant[23].

lignesdecourantetdeslignesquileursontorthogonales,(iii)parl’applicationduthéorèmedeStokesàuncontourfermé (méthodelaplusprécise).

« Nousavonsappliquéle procédédéduitdu théorème deStokes au déversementsur lesbarragesà seuilépais, à l’ap-pel d’un ajutagedansune chambred’eau, aux mouvementsgiratoires à axevertical engendrés,dans d’autrescas, par l’écoulementparunorifice. »

Ilestainsimontréquelemouvementestpotentieldanslamajeurepartiedesécoulementsdansleschambresd’eau[27,28, 23],commeau-dessusdesdéversoirs[4,29].Uneautreapplicationdelachronophotographieestlavérificationexpérimentale de laconstruction d’unécoulement potentielpar laméthode desimagesde lordKelvin [30,23].La Fig. 25 endonneune illustration.

3.4.3. Surfacesdediscontinuitéd’Helmholtz

« Larésistance qu’unfluidetrès peuvisqueux,trèspeucompressible, oppose au mouvementdetranslation permanent rapided’unsolideaétérattachée parHelmholtz(1868)àlaproductiond’unesurfacedediscontinuitédevitesse(mais nondepression),àl’arrièredu solide ;cettesurface sépareleliquideenmouvementparrapport ausolide,d’unesorte depoupeliquideindéfinie,danslaquelleleliquidealemêmemouvementdetranslationquelesolide[...].Desobjections diversesontétéfaitesàcetteconceptiond’Helmholtz. »

C’estainsiqueMarcelBrillouin(aveclequelCamichelafaitsathèse)introduit,en1911,unarticleimportantsurlesujet[58] prolongeant,entreautres, lestravaux théoriquesde Schwartz,Christoffel etLevi-Civita.Unenjeumajeur estlarésolution du paradoxe de d’Alembert, selon lequel la traînée exercée sur un obstacle par un écoulement potentiel est nulle [56, §7.1.2].C’estdanscecontextequeCamichelentreprendvers1920unesérie d’étudesexpérimentalessur lesconditionsde décollementetlaformedessurfacesdediscontinuité,pourdiversécoulements autraversd’ajutagesouautour d’obstacles [31–33].

« Pour certaines formes d’obstacles, par exemple un plan normal à ladirection de l’écoulement, on peut comparerla formede la surface de discontinuitéobservéeà celle que donnele calculpar l’emploide lareprésentation conforme. La concordance pour les premiers éléments sur un centimètre par exemple pour une plaque de 3

×

3 cm, est très satisfaisante. »

Au-delàd’unedistancedel’ordrede ladimensionde l’obstacle,« lestourbillonsmélangentlesdeuxzonesetlasurfacede discontinuitéperd sanetteté »[31].LaFig. 26montrelasurface dediscontinuitéqui sépare,àl’avald’unepaletteinclinée, l’écoulementpotentielextérieuretlesillageturbulent[33].

« Laformede lasurface dediscontinuitéresteindépendantede lavitessecommeona pulevérifierpour desvitesses variant de 6

,

50 à 0

,

30 m/s. Quand lavitesse devient inférieure à 0

,

30 m/s, on a l’apparition, derrière l’obstacle, des tourbillonsalternatifsdécritsparMM.Brillouin,Bénard,Kármán,Joukowsky,etc. »[33]

(23)

Fig. 26. Écoulement(degaucheàdroite)autourd’unepaletteinclinée :une« surfacedediscontinuité » séparel’écoulementpotentielextérieurdusillage turbulent[33].

Fig. 27. Chronophotographie pour l’étude des phénomènes transitoires : disque « Morse » et exemple de cliché obtenu[19].

3.4.4. Régimestransitoires

Pourlesphénomènesinstationnaires(régimestransitoires,périodiques,outurbulents),laméthodechronophotographique utilise, « pour produire l’éclairage intermittent,un disque portant des fentes constituantune sorte d’alphabet Morse qui s’inscritdansleliquideetimprimesurchaquetraitdelaphotographie,unpointilléquipermetd’enidentifierlesdifférents éléments àpartir d’uneoriginedutempsconvenablement choisiesur lefilet » (Fig. 27) [12,p. 24].Certaines indétermina-tionssetrouventainsilevées.Ledispositifserautilisénotammentdansl’étuded’écoulementsoscillantsetdeladynamique d’établissementdusillaged’uneplaque[34,35,19].

3.4.5. Mesuresparfilchaud

« Enutilisantun filchaudfaisantpartied’unpontdeWheatstone,MM. Dupin,E.CrausseetJ.Baubiac[36] ont misau point uneméthoded’inscriptiondestourbillonsproduits derrièreun obstacle.Ilsont puainsimontrer quelestourbillons alternésdeBénard–Kármánprésentaientparfoisunerégularitéremarquablecommelemontre[laFig. 28]. »[13].Laméthode est décrite dansla thèse de Dupin [37], avec des références bibliographiques. Elle est égalementutilisée par Crausse et Baubiac[35,19]pourladéterminationdelapériodedephénomènesoscillants,notammentpourlapériodede« tourbillons secondaires » (tourbillonsdeKelvin–Helmholtz)del’ordreducentièmedeseconde[34];ellenesemblepasavoirétéutilisée pourlamesuredevitesses(quiposelaquestionducalibrage).

D’autrestechniquesdemesureserontdéveloppéesparlelaboratoired’hydraulique :visualisationparprécipitéchimique, améliorationdutubedePitotpourlamesuredetrèspetitesdifférencesdepression,mesuredeforcesparlepetit

(24)

déplace-Fig. 28. EnregistrementparfilchauddestourbillonsalternésdeBénard–Kármánproduitsàl’avald’unobstaclecylindriquede5mmdediamètre,placé dansunajutagecylindriquede30cmdediamètre.Vitesse :4cm/s.[36].

mentdesarmatures d’uncondensateur.Indiquonsnotammentlamesurede ladistributiondepression autourdebarreaux cylindriques, d’où seront déduitsle « coefficient de résistance » et savariation avec le nombrede Reynolds.Ces résultats « concordent avecles déterminations faitesau laboratoirede Göttingensur l’air » [25]. Certaines deces techniquesseront brièvementdécritesdanslessectionssuivantes.

3.5. TourbillonsalternésdeBénard–Kármán

Lestourbillons,notammentceux quiprennent naissancedansle sillaged’obstacles placésdans desécoulements,vont donnerlieuàdesrecherches expérimentalestrèsactivesetfructueusesdansladécennie1925à1936. Lathèsede Pierre Dupin[37]leurestentièrementconsacrée, ainsiquedespartiesimportantesde cellesde MaxTeissié-Solier(écoulements à surface libre), Jean Baubiac(régimes transitoires),et ÉtienneCrausse (vibrationsde fils tendus, tourbillonssecondaires) [38,19,35].

3.5.1. Étatdel’art

L’intérêtpourlestourbillonsdesillageremonteàlaquestiondusonémisparunecordetendueplacéedansuncourant d’air, et aux harpes éoliennes qui exploitent le phénomène. Vincenc Strouhal établit, en 1878, que la fréquence du son dépenddudiamètreD delacordeetdelavitesseV del’air,etquelarelations’écrit,danscertaineslimites, f

=

0

,

185V

/

D. Rayleigh,en1896,metceson enrelationavec l’instabilitéd’une« surface dediscontinuité » danslesillagedelacorde, et proposeunecorrectiondelaloideStrouhalfaisantintervenirlaviscosité(pourrendrecomptedufaitque,selonStrouhal, lahauteurdusondépenddelatempérature) :

f D V

=

0

,

195



1

20

,

1

ν

V D



(2)

HenriBénard,deson côté,entreprendàpartirde1904deminutieusesétudesdestourbillonsdanslesliquides,engendrés danslesillage dedivers obstacles [59].Theodorevon Kármán, àGöttingen,posed’un pointde vuethéorique laquestion de ladistanceentredeux tourbillonsconsécutifs(1912),etétablitunecondition géométriquedestabilitéde l’écoulement potentielassociéàunedoublealléedetourbillonsalternés.

LesrésultatsdeRayleigh,BénardetvonKármánlaissenttoutefois plusieurspointsdansl’obscurité.D’unepart,la théo-rie de von Kármánn’est pas bien vérifiée expérimentalement,tant pour la géométrie de la double allée tourbillonnaire que pour l’hypothèse d’un nombre de Strouhal f D

/

V constant. Parailleurs, les fréquencesmesurées par Bénard,et par E.G. Richardson,nevérifientpaslasimilitudedeReynolds,contrairementàcequ’onattenddel’argumentaire–correct–de Rayleigh.Enfin,laquestion d’unseuild’apparitiondestourbillonsresteentière.LesdeuxthèsesdeDupinetTeissié-Solier vontapporterdesréponsesdécisivesàcesquestions,réponsesquidemeurentdesréférences.

3.5.2. Montageexpérimental

Des tigesde section circulaire sontplacéesdans un ajutagede 30 cmde diamètre, alimentéà partir d’un bassinpar l’intermédiaire d’une tubulureconvergente. La tubulure réalise alors un écoulement laminaire de vitesse uniforme dans l’ajutage, sauf au voisinage immédiat des parois.Le montage optique pour la chronophotographie est semblable à celui représentésurlaFig. 22.Lesconditionsexpérimentalessontsoigneusementcontrôlées,notammentlatempératurequiest mesuréeavecuneprécisionmeilleurequeledixièmededegréafindetenircomptedesoneffetsurlaviscosité.

La périodedestourbillons estmesurée de différentes façons :par observationdirectepour les périodessupérieures à 1/3de secondeenviron, parla« méthode du fil » (stroboscopied’unfil ondulantdanslesillage), oupar la« méthode des franges » :

« Lesparticulesd’aluminiumservantà rendrevisiblesles mouvementsdufluidesontdeslames minces,constituantde petitsmiroirsqui,éclairésparunfaisceauderayonsparallèles,paraissentbrillantslorsqueleurnormaleestlabissectrice del’angledesrayons incidentsetdeladirectionjoignantlaparticuleàl’œildel’observateur.Donc,chaquefoisqueles particules, dansleurmouvement, redeviennent parallèlesà unemêmedirectionde plan,elles redeviennentbrillantes. Onobtientainsidesfrangeslumineusesquel’onobserveparstroboscopie. »[16].

(25)

Fig. 29. Évolution du sillage pendant le transitoire de naissance du « régime turbulent » (photographies extraites d’un film)[39,37].

3.5.3. Sillagestationnaireetapparitiondestourbillonsalternés

À petitnombre de Reynolds, l’écoulement estsymétrique entre l’amont etl’aval de l’obstacle. Pour desvaleurs supé-rieures,« onvoitapparaîtrederrièrel’obstacleunsillagedontlasectionparunplanméridienmetenévidencedeuxcourbes [lesséparatrices] présentant despoints singuliersquej’ai appelés

α

,

β

. »[12].La longueurde cesillagevérifieles loisde lasimilitude.Lesexpériencesmontrent qu’ilestnécessaire,« pourpouvoirassimilerlecylindreàunobstacle delongueur infinie »,deluidonnerunelongueurL telleque L

/

D

25.

L’apparitiondestourbillonsestdécriteparDupin[37]commesuit.

« Pour permettreunebonneobservation, nousavonsutiliséun précipitéblancimpalpablenepossédantaucunevitesse initiale etnepouvantde cefaittroublerl’écoulement.EnrégimedePoiseuilleceprécipitéhabille lescourbes

α

β

[qui définissentlarégionderecirculation]etl’aspectdusillageestcelui représentéparla[Fig. 29],photo26.Uneouverture delavanneprovoqueunevariationbrusquedevitesseetdonnenaissanceàdeuxtourbillonssymétriques,enphase,qui viennentécraserlescourbes

α

β

commelemontrentles[photos]27et28.

Emportésparlefluide,cestourbillonss’éloignentenentraînantaveceuxunepartieduprécipité(photos29et30de la Fig. 29).Une nouvellequantité de précipitéprovenant de l’obstacledessine à nouveaule sillagecorrespondantà la nouvellevitessedufluide(photos30à33).Chaqueouverturedevannereproduitlesmêmesphénomènes.Cependant,si lavitessedépasselégèrementlavaleurcritique correspondantauchangementderégime, l’aspectdu sillagesemodifie progressivementetl’onassistealorsàlanaissancedurégimeturbulent.Toutd’abord,lescourbes

α

β

sedéforment légè-rementversleurextrémitéaval,depetitesencochesapparaissentdécaléessurchaqueface(photos34et35).Bientôtces encoches, àpeinevisiblesaudébut,s’accusentnettement(photos36et37delaFig. 30).Laqueuecentrale,jusqu’alors rectiligne,commenceàprendreunaspectsineux(photo38).Lescourbes

α

β

sedéforment,etlemouvementd’oscillation del’ensembleaugmented’amplitudejusqu’àatteindreunevaleurlimite(photos39à45).Lapériodetransitoireestalors terminée. »

Figure

Fig. 3. Le canal courbe du laboratoire de Banlève, et nacelle de mesure du débit à l’aide du déversoir de Bazin (Arch
Fig. 5. Photo de famille, vers 1935. Assis de g. à dr. : M. Teissié-Solier, L. Escande, C
Fig. 6. Esquisse de la soufflerie de l’IMFT, mise en service en 1937. Elle sera abritée par un bâtiment en 1942 (archives IMFT).
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