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Adaptation dans un contexte scolaire : évaluation et évolution du risque au cours de l'enfance

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Academic year: 2021

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(1)

GERMAIN COUTURE

ADAPTATION DANS UN CONTEXTE SCOLAIRE:

EVALUATION ET ÉVOLUTION DU RISQUE

AU COURS DE L'ENFANCE.

Thèse présentée à la

Faculté des études supérieures de !'Université Laval

pour l'obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Ecole de Psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC JUIN 1999

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Le but de cette thèse est l'étude de variables susceptibles d'orienter le cours du développement d'une situation de risque initiale vers la manifestation ultérieure de problèmes d'adaptation scolaire sous l'angle du rendement scolaire et des problèmes de comportement. L'échantillon étudié est composé de 41 enfants à risque et de 22 enfants non à risque, recrutés vers l'âge de 1 an. Les mesures d'adaptation scolaire ont été effectuées vers l'âge de 11 ans. Les résultats indiquent que l'incidence de problèmes de rendement scolaire et de comportement est plus élevée chez les enfants exposés au risque pour lesquels la persistance de l'exposition au cours du développement est la plus intense. Le rôle de l'encadrement parental comme mécanisme de protection, permettant à des enfants à risque de connaître malgré tout une bonne adaptation scolaire, n'a pu être démontré au sein de !'échantillon étudié.

Candidat

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RÉSUMÉ LONG

Cette thèse vise l'étude de variables susceptibles d'orienter le cours du développement d'une situation de risque initiale vers la manifestation ultérieure de problèmes d'adaptation scolaire. Les connaissances actuelles suggèrent que l'intensité de l'exposition initiale au risque, le maintien de l'état de vulnérabilité au cours du développement et l'entrée en jeu de mécanismes de protection soient les principaux éléments permettant d'expliquer que certains individus à risque connaîtront des problèmes d'adaptation alors que d'autres n'en manifesteront pas. Adoptant un devis prospectif, 41 enfants identifiés comme étant à risque vers l'âge de 1 an et 22 enfants non à risque recrutés au même moment, ont été évalués vers l'âge de 11 ans à l'égard du rendement scolaire et des comportements manifestés en classe. Outre les facteurs de risque présents à 1 an, des caractéristiques de l'enfant et de son environnement familial, la persistance de l'exposition au risque, la survenue d'événements de vie majeurs et la qualité de l'encadrement parental ont été considérés afin de prédire la présence ou l'absence de problèmes d'adaptation vers la fin du primaire. Les résultats indiquent premièrement que l'incidence de problèmes de rendement scolaire et de comportement est plus élevée chez les enfants exposés à 4 facteurs de risque et plus. La persistance de l'exposition au cours du développement apparaît comme étant une variable déterminante dans la manifestation de problèmes de rendement scolaire. Des caractéristiques de l'enfant et de son environnement familial, indépendantes de la situation de risque, influencent de façon significative son adaptation scolaire. Enfin, le rôle de l'encadrement parental comme mécanisme de protection n'a pu être démontré au sein de !'échantillon étudié. Les résultats obtenus incitent à faire porter les efforts de prévention de problèmes d'adaptation scolaire autant sur l'atténuation de l'exposition au risque que sur la promotion de caractéristiques individuelles ou familiales permettant une éventuelle résilience.

Candidat

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AVANT-PROPOS

L'exercice fut long... C'est toujours la première réflexion qui me vient lorsque je parle de la réalisation de ma thèse. Sept années de ma vie, ce n'est pas quantité négligeable. Mais peu importe la durée, les jours passés ne sont jamais quantité négligeable... Disons plutôt que ces années ont été bien meublées. Probablement comme pour tous ceux qui sont déjà passés par là, il y a eu des moments de dur labeur, de travail astreignant à accomplir, des moments de doute. Mais il y a aussi bien des moments de plaisir. Plaisir d'apprendre, de savoir, de comprendre, d'organiser et d'expliquer et, surtout, la satisfaction du travail accompli lorsque vient le temps d'en livrer les premiers fruits.

Je suis reconnaissant envers plusieurs personnes de m'avoir permis de vivre, de ressentir ces plaisirs. Tout d'abord, le principal responsable du dur labeur, du travail astreignant... et finalement instigateur de mon plaisir à comprendre, organiser et expliquer ce que j'ai appris, mon directeur de thèse, M. Réjean Tessier. C'est grâce à son soutien que j'ai pu persister à travers mes fréquents moments de doutes et que je peux éprouver maintenant la satisfaction du travail qui a été accompli. Merci Réjean.

Avant de faire la connaissance de mon directeur de thèse, il y a eu deux personnes de qui j'ai beaucoup appris à l'égard de la recherche et de l'intervention. Mme Christiane Piché et M. Bertrand Roy, sans le savoir à l'époque, m'ont ouvert la voie vers la réalisation de ce qui allait devenir ma thèse (et toute ma formation de troisième cycle), en m'intégrant à leur équipe de recherche, en faisant confiance à celui qui était alors un jeune diplômé. Merci Christiane, merci Bertrand.

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Mme Piché est d'ailleurs demeurée présente tout au long de mon parcours, formant avec M. Michel Boivin et Mme Lise St-Laurent un comité de thèse dont j'estime avoir reçu un encadrement éclairé et un soutien stimulant. Merci à vous trois.

Il y a plusieurs autres personnes de qui j'ai beaucoup appris pendant ce travail. Je ne peux pas les nommer. Elles m'ont ouvert les portes de leur domicile, m'ont permis de leur poser des questions sur leur vie, leur histoire, sur ce qu'elles pensent, sur ce qu'elles font. Elles m'ont livré des informations riches de sens sur des moments parfois heureux, parfois difficiles de leur existence. Derrière les données que j'ai pu recueillir et saisir, derrière les variables que j'ai pu compiler et analyser, il y a la vie qui leur donne un sens. Merci aux mères, aux pères de famille et à tous les enfants qui m'ont donné accès à un contenu si riche.

Adepte que je suis d'une approche écologique, je me dois de souligner que la rédaction d'une thèse se déroule dans un contexte impliquant différents environnements... Dans mon environnement de travail, je suis reconnaissant du soutien reçu et de l'intérêt manifesté par mes collègues professionnels de recherche et des professeurs avec qui j'ai le plaisir de travailler. Merci en particulier à Mme Ercilia Palacio-Quintin pour son soutien, ses encouragements et sa contribution à l'exécution de mes travaux dès leurs débuts. Merci également à Mme Louise Ethier et M. Cari Lacharité pour la souplesse dont ils ont fait preuve dans l'aménagement de mon travail, pour rendre compatible la rédaction d'une thèse et la poursuite de mon travail quotidien.

J'ai aussi le bonheur d'avoir un environnement familial qui m'a apporté soutien et réconfort tout au long du parcours. Ma petite famille a su accepter un père ou un conjoint occasionnellement moins disponible... Merci Diane, merci Guillaume, merci Corinne.

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TABLE DES MATIÈRES

Page

RÉSUMÉ COURT... i

RÉSUMÉ LONG... ii

AVANT-PROPOS... iii

TABLE DES MATIÈRES... v

LISTE DES TABLEAUX... ix

LISTE DES FIGURES... xi

INTRODUCTION... 1

CHAPITRE 1 CONTEXTE THÉORIQUE... ... 4

1.1 Cadre conceptuel... 4

1.1.1 Psychopathologie du développement... 4

1.1.2 Adaptation scolaire... 10

1.2 Risque et facteurs de risque... 13

1.2.1 Notion de risque... 13

1.2.2 Facteurs de risque... ... 15

1.2.3 Risque et vulnérabilité... 24

1.3 Résilience face à une situation de risque... 25

1.3.1 Facteurs de protection... 25

1.3.2 Mécanismes de protection... 28

1.3.3 Implication et encadrement des parents comme mécanisme de protection... 31

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Page 1.4 Considérations méthodologiques dans l'étude du

risque, de la vulnérabilité et de la résilience... 34

1.5 Problématique... 38

1.6 Hypothèses et questions de recherche... 41

CHAPITRE 2 MÉTHODE... 44

2.1 Le projet Apprenti-Sage... 44

2.2 Sujets... 46

2.3 Mesures... 51

2.3.1 Instruments utilisés à 1 an... 52

2.3.2 Instruments utilisés lors de la relance (11 ans)... 53

2.4 Procédure... 59

2.5 Composition des variables et analyses statistiques... 61

2.6 Analyses préliminaires concernant la composition du groupe des sujets exposés au risque... 64

CHAPITRE 3 ANALYSE DES RÉSULTATS... 68

3.1 Vérification de la première hypothèse: Exposition au risque et adaptation scolaire... 69

3.1.1 Analyses complémentaires: a) évaluation de différents seuils d'exposition... 71

3.1.2 Analyses complémentaires: b) risque relatif associé à chacun des facteurs de risque... 76

3.2 Vérification des hypothèses concernant le rôle des variables liées au maintien de l'état de vulnérabilité et le rôle de l'encadrement parental... 86

3.2.1 Analyse des différentes variables indépendantes en fonction des variables dépendantes... 86

(8)

Page

3.2.3 Réduction des variables... 95

3.2.4 Vérification des hypothèses 2-a et 3 à l'égard du rendement scolaire... 100

3.2.5 Vérification des hypothèses 2-b, et 4 à l'égard des problèmes de comportement... 105

3.2.6 Complément à la vérification de l'hypothèse 2: Le rôle de la persistance de l'exposition au risque vis-à-vis la classification des cas... 108

3.2.7 Compléments à l'examen des relations entre les variables indépendantes et les mesures de rendement scolaire et de problèmes de comportement... 111

CHAPITRE 4 DISCUSSION... 118

4.1 L'exposition au risque: Un point de départ... 118

4.2 Des points de départ différents... 121

4.3 Des conditions environnementales stables ou changeantes... 125

4.4 L'encadrement parental et la situation de risque... 127

4.5 La prédiction de l'adaptation scolaire dans une perspective longitudinale... 128

4.6 L'impact sur les orientations de la prévention chez des sujets à risque... 134

4.7 Les forces et les limites de l'étude... 136

CONCLUSION ... 140

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Page Formulaire de consentement et lettres

explicatives aux participants... 153 Définitions des facteurs de risque... 159 Questionnaire sur le rendement scolaire, les

devoirs et les leçons... 166 Analyses de consistance interne de deux échelles

du Questionnaire sur le rendement scolaire, les

devoirs et les leçons... 176 Questionnaire sur les événements de vie et

feuilles de dépouillement... 179 Fidélité des informations rapportées par les

mères à l'égard de l'exposition au risque... 190 Teacher Report Form... 193 ANNEXE A ANNEXE B ANNEXE C ANNEXE D ANNEXE E ANNEXE F ANNEXE G

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LISTE DES TABLEAUX Page 40 47 49 59 66 69 70 73 75 77 Regroupement des différentes variables susceptibles

d'orienter le cours du développement relativement à l'adaptation scolaire selon le modèle écologique "Processus-Personne-Contexte"... Principales caractéristiques démographiques de !'échantillon par groupe exposé et non exposé... Fréquence des facteurs de risque répertoriés au moment du recrutement initial des enfants vers l'âge d'un an, par groupes exposé et non exposé... Sommaire des instruments utilisés lors du recrutement (1 an) et lors de la relance (11 ans)... Analyses de différences de moyennes pour les différentes variables à l'étude entre les enfants à risque ayant participé à un programme d'intervention précoce et les enfants à risque non participants... Distribution des genres masculin et féminin en fonction de l'exposition au risque et de la classification cas/non cas effectuée pour les variables dépendantes "rendement scolaire" et "problèmes de comportement"... Distribution des sujets exposés et non exposés en fonction de la classification cas/non cas effectuée pour les variables dépendantes "rendement scolaire" et "problèmes du comportement"... . Risque relatif (odd ratio) associé à différents seuils d'exposition aux facteurs de risque en fonction de la classification cas/non cas établie pour la variable dépendante "rendement scolaire"... Risque relatif (odd ratio) associé à différents seuils d'exposition aux facteurs de risque en fonction de la classification cas/non cas établie pour la variable dépendante "problèmes de comportement"... . Risque relatif (odd ratio) associé aux différents facteurs de risque en fonction de la classification cas/non cas établie pour la variable dépendante "rendement scolaire"... Tableau I-Tableau Π- Tableau III-Tableau IV- Tableau V Tableau VI Tableau VII Tableau VIII-Tableau ITableau

(11)

X-Page Risque relatif (odd ratio) associé aux différents

facteurs de risque en fonction de la classification cas/non cas établie pour la variable dépendante

"problèmes du comportement"... 79 Risque relatif (odd ratio) associé aux différents

facteurs de risque en fonction de la classification cas/non cas établie sur la base de comorbidité dans les problèmes de "rendement scolaire" et

"problèmes de comportement"... 84 Analyses des différences de moyennes obtenues

pour les différentes variables indépendantes à l'étude chez les enfants se classant comme cas et non cas pour la variable dépendante "rendement

scolaire"... 87 Moyennes et écarts-types obtenus pour les

différentes variables indépendantes à l'étude chez les enfants se classant comme cas et non cas pour la

variable dépendante "problèmes du comportement"... 90 Corrélations de Pearson entre les différentes

variables indépendantes à l'étude... 92 Corrélations entre les scores factoriels extraits et les

variables qui les composent... 99 Régression logistique hiérarchique des variables

indépendantes sur la variable dépendante

"rendement scolaire"... 103 Régression logistique hiérarchique des variables

indépendantes sur la variable dépendante

"problèmes du comportement"... 106 Régressions multiples avec combinaisons de

sélections hiérarchique et statistique (stepwise) des variables indépendantes sur la variable dépendante

"rendement scolaire"... 113 Régressions multiples avec combinaisons de

sélections hiérarchique et statistique (stepwise) des variables indépendantes sur la variable "problèmes

de comportement"... 115 Tableau XI-Tableau XII-Tableau ΧΙΠTableau XIV -Tableau XV - Tableau XVI- Tableau XVII-Tableau XVIII-Tableau XIX-Tableau

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XX-LISTE DES FIGURES

Page Figure 1 Illustration d'un "mécanisme de protection"... 30 Figure 2 Pourcentage de cas de problèmes de rendement

scolaire selon le type d'exposition... . 109 Figure 3 Pourcentage de cas de problèmes du comportement

selon le type d'exposition... . 110 Figure 4 Contributions indépendantes des différentes

variables au rendement scolaire et au

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Dans la foulée des efforts du monde médical visant à prévenir l'apparition de certaines maladies, on a vu, plus particulièrement depuis le début des années 1970, l'émergence d'une préoccupation similaire dans le domaine de la psychiatrie et des sciences du comportement. Ce courant de recherche vise premièrement à identifier les facteurs susceptibles de causer ou de favoriser l'apparition d'un trouble, ce qui permet la prévention primaire, et, deuxièmement, à identifier les individus susceptibles d'être affectés par un trouble afin d'apporter des mesures correctives visant à atténuer ou contrecarrer l'effet de la condition de risque (Sameroff et Chandler, 1975; Kalverboer, 1988). Par ailleurs, plusieurs chercheurs considèrent que les mécanismes par lesquels s'oriente le cours du développement, allant d'une condition de risque initiale jusqu'à la présence ultérieure d'un problème du développement, doivent encore être explorés (Cicchetti et Toth, 1992; Masten, Best et Garmezy, 1990). Le développement, relativement récent, de la psychopathologie du développement a permis d'amorcer l'étude de ces mécanismes où entrent en jeu des facteurs de risque, susceptibles de conduire à l'apparition de problèmes, et des "éléments" de protection venant contrer les effets du risque. Il s'agit, essentiellement, d'expliquer le cours du développement d'individus exposés à une situation initiale qui, pour certains, les conduira vers l'émergence de problèmes alors que d'autres, vivant dans des conditions similaires, connaîtront un développement que l'on peut qualifier de normal. Une meilleure compréhension de ces mécanismes conduira à l'amélioration des stratégies de prévention, en permettant de favoriser non

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éléments de protection permettant aux individus exposés de connaître, malgré tout, un développement normal.

jf

Dans le domaine scolaire, la possibilité d'identifier de façon précoce les enfants susceptibles de développer des difficultés d'adaptation et d'intervenir de façon préventive auprès d'eux, revêt un intérêt croissant compte tenu du fait que les / élèves en difficulté (difficulté d'apprentissage et trouble du comportement) représentent environ 11.4 % de la clientèle scolaire (Conseil Supérieur de l'Éducation, 1996). Les problèmes d'apprentissage et d'adaptation en général, \ survenant au cours du primaire sont souvent associés, plus tard, au décrochage

I

scolaire et à des problèmes émotifs ou du comportement (voir Potvin et Paradis, 1996; Horn et Packard, 1985). En outre, de nombreux efforts ont été

I

récemment déployés afin de mieux connaître les facteurs susceptibles d'orienter j de façon précoce le jeune enfant vers une situation problématique à l'égard de j

son adaptation scolaire.

J

C'est à cette problématique, celle du risque associé à l'adaptation scolaire sous les angles du rendement et de l'adaptation du comportement à l'école que se consacre cette thèse de doctorat. Les principaux objectifs de la recherche menée ici sont de déterminer la nature et le poids relatif des facteurs de risques associés aux problèmes d'adaptation scolaire et d'étudier certaines variables susceptibles d'orienter le cours du développement vers !'actualisation ou non du risque auquel de jeunes enfants peuvent être exposés. Ces objectifs seront atteints par l'analyse des facteurs de risque présents au cours des premières années de vie de l'enfant, par l'analyse de l'évolution ultérieure de cette situation de risque et, enfin, par l'analyse de variables susceptibles de jouer un rôle de protection conduisant des enfants à risque à connaître malgré tout un développement normal, soit ce que l'on appelle le phénomène de résilience.

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La pertinence de notre travail réside principalement en ses implications tant au niveau de la prévention que de !'intervention: en améliorant la précision de !'identification précoce des individus les plus à risque; en identifiant les combinaisons d'événements et de facteurs de risque qui sont les plus susceptibles de conduire à !'établissement ultérieur de problèmes d'adaptation scolaire; en identifiant, dans une perspective étiologique et développementale, les principales variables susceptibles d'orienter le cours du développement de l'enfant à risque vers une situation soit d'adaptation soit de mésadaptation scolaire.

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Contexte théorique

1.1 Cadre conceptuel

1.1.1 Psychopathologie du développement

Considérée dans son sens le plus large, l'idée d'étudier les facteurs qui influencent le cours du développement humain peut se retrouver dans la plupart des approches adoptées en psychologie du développement. On considère, dans toutes les approches et les différents domaines d'études (cognitif, social, affectif, etc.), que le développement normal se produit par étapes successives et, à différents degrés, par les interactions entre l'individu et le milieu au sein duquel il évolue. De plus, le corpus des résultats des études empiriques effectuées au cours des dernières décennies nous indique que les différentes dimensions du développement sont reliées les unes aux autres, s'influençant mutuellement. Compris dans cette perspective, le cours du développement tout au long de la vie peut être influencé par une multitude de facteurs individuels, environnementaux ou interactionnels vers une situation d'adaptation ou d'inadaptation. En outre, les situations d'adaptation et d'inadaptation peuvent également être considérées comme étant parfois transitoires, étant relatives au stade ou la période de développement ainsi qu'au contexte culturel et social dans lequel l'individu évolue (Sroufe et Rutter, 1984; Bell, 1986). C'est de cette complexité d'influences sur le développement et des différentes avenues possibles vers l'adaptation ou l'inadaptation qu'a émergé la notion de "trajectoires du développement" pour

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(voir Cicchetti et Cohen, 1995).

L'étude des trajectoires du développement est un des domaines de la psychopathologie du développement. Il s'agit d'un champ disciplinaire relativement récent qui, à ses origines, avait principalement pour objet "l'étude de l'origine et du déroulement des patrons de comportements mésadaptés" (Sroufe et Rutter, 1984). Cette dernière expression était utilisée pour inclure à la fois les psychopathologies conventionnellement reconnues et toutes les déviations du comportement "normal" que l'on pouvait considérer comme caractéristique d'une mésadaptation. Avec les années, l'objet d'étude principal s'est élargi pour inclure l'étude de trajectoires du développement tant déviantes que normales chez des populations exposées à des conditions particulières, susceptibles d'affecter de façon marquée le développement normal des individus: enfants à risque biologique et psychosociaux, enfants victimes de négligence ou de violence parentale, enfants nés de mères adolescentes, enfants vivant dans des conditions de grande pauvreté.

Comme le soulignent Cicchetti et Cohen (1995), la psychopathologie du développement n'adopte pas une approche théorique unitaire dans l'étude du cours du développement. Cependant, ces mêmes auteurs soulignent que la perspective la plus prometteuse à l'égard de la compréhension des mécanismes du développement humain est la perspective organisationnelle, développée à partir des travaux, entre autres, de Sroufe et Rutter (1984), Werner (1984) et Cicchetti (1993). Selon cette perspective, le développement s'effectue en une succession de réorganisations à l'intérieur et entre les différentes dimensions de l'individu (biologique, sociale, cognitive, affective, langagière, etc.). L'organisation de ces différentes dimensions est au départ diffuse, chacune étant peu différenciée de l'autre. Au fur et à mesure de la maturation et des interactions avec !'environnement, chacune des dimensions va tendre à se différencier et se consolider en même temps qu'elles vont s'articuler entre elles

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de façons de plus en plus complexes. La consolidation d'une dimension et l'articulation entre les dimensions s'effectuent selon une intégration hiérarchique, ce qui implique qu'une organisation de ces dimensions, présente à un stade du développement, se trouve intégrée à !'organisation s'effectuant au cours du stade subséquent. Considéré à un moment spécifique du cours du développement, l'adaptation se caractérise par une organisation des différentes dimensions qui rend l'individu apte à transiger de façon efficace avec son environnement compte tenu, évidemment, des exigences de ce même environnement (Masten et Coatworth, 1995).

Donc, selon cette perspective, !'interdépendance entre les différentes dimensions fait en sorte qu'un élément venant affecter de façon marquée, par exemple, la dimension affective aura également des répercussions sur les réorganisations subséquentes des autres dimensions. Ceci est encore plus probant au moment où les différentes dimensions sont peu différenciées, plus particulièrement au cours de la petite enfance. L'intégration hiérarchique des différentes structures dans le temps implique quant à elle que la "qualité" de !'organisation à un stade donné influence la "qualité" de !'organisation subséquente et soit ainsi transposée à travers les différentes réorganisations tout au long de la vie. C'est ainsi qu'une adaptation adéquate, par exemple à la petite enfance, tend à promouvoir l'adaptation lors des périodes de vie subséquentes. De même, l'inadaptation tend généralement à se perpétuer d'un moment à l'autre du développement, l'individu devant répondre à des exigences adaptatives nouvelles sans disposer du niveau d'intégration nécessaire pour y faire face.

Cette continuité dans le cours du développement n'est cependant que probabiliste, c'est-à-dire qu'un individu adapté, à une période donnée de sa vie, a plus de chance de manifester une bonne adaptation à un moment subséquent. Cette probabilité peut augmenter ou diminuer sous l'action de différents facteurs influençant la maturation de l'organisme, la différenciation ou la

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consolidation d'une ou plusieurs des dimensions, ou encore l'articulation des dimensions entre elles. Ainsi, la qualité de l'adaptation de l'individu peut être affectée par toute altération du système nerveux central aussi bien que par des conditions environnementales susceptibles d'entraver l'efficacité des transactions entre l'individu et son environnement.

Cette perspective, dite organisationeile, nous fournit donc un modèle permettant d'expliquer comment un événement, affectant le fonctionnement de l'individu en bas âge, est susceptible de se répercuter tout au long du développement. Elle demeure cependant limitée quant à la compréhension de la nature et du rôle des variables qui peuvent, de cette façon, influencer le cours du développement. L'ajout d'une perspective écologique à ce modèle vient combler cette lacune.

Développée principalement à partir des travaux de Bronfenbrenner (1977; 1979), l'approche écologique propose un modèle d'étude des interactions entre les caractéristiques individuelles et environnementales, et le développement. Selon cette approche, les processus interactifs entre l'individu et son environnement deviennent de plus en plus complexes en fonction du niveau de développement atteint et impliquent des effets de réciprocité. Ainsi, aux premiers stades du développement, le nourrisson entretient-il des interactions principalement avec ses parents dans un contexte environnemental relativement restreint. Les comportements du nourrisson sont influencés par ceux des parents et réciproquement. En outre les comportements des parents sont également influencés par l'environnement plus large au sein duquel la famille évolue (environnement social, économique, culturel, sociopolitique). Les influences de ces environnements plus distants se font donc sentir chez le nourisson à travers ses interactions avec ses parents. En cours de développement, l'enfant élargira l'éventail de ses interactions pour les étendre d'abord au voisinage et à la famille élargie puis, plus tard, à l'école. Référant à nouveau à la perspective organisationnelle présentée plus haut, on

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comprendra que les modèles d'interactions parent-enfant serviront à l'échafaudage des interactions enfant-environnement subséquents. Mais, à travers toutes ces nouvelles interactions, l’idée de réciprocité demeure: le développement n'est donc pas vu ici comme une simple fonction de l’effet de !'environnement au sein duquel l'organisme évolue mais plutôt comme le résultat d'une chaîne de réactions continues où l'individu et !'environnement s'influencent mutuellement. Ce sont ces chaînes de réactions qui viennent orienter le cours du développement.

A cet égard, Bronfenbrenner (1996) propose deux postulats selon lesquels : 1) Les influences les plus significatives sur le cours du développement proviennent des interactions qui sont constantes et durables, et qui impliquent directement !'environnement immédiat de l'individu; 2) La force et les effets de ces interactions varient selon les caractéristiques de l'individu, de son environnement général et immédiat ainsi qu'en fonction du domaine de développement étudié.

Appliqués au cadre de référence de la psychopathologie du développement, ces postulats impliquent que les influences susceptibles d'orienter le cours du développement d'un individu donné vers une situation d'inadaptation doivent être constantes et provenir de !'environnement immédiat de l'individu. L'ampleur de l'effet, ou le niveau d'inadaptation pourra varier d'une dimension du développement à l'autre (niveau intra individuel), d'un individu à l'autre (niveau inter individuel), d'un environnement à l'autre chez un même individu (niveau interactionnel).

Bien qu'il s'agisse d'un des concepts fondamentaux en psychopathologie du développement, il demeure difficile d'opérationnaliser la mesure de l'adaptation d'une façon qui satisfasse pleinement la portée du phénomène à l'étude. En outre, les critères permettant de juger une adaptation comme étant

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réussie ou adéquate varient régulièrement en fonction du champ disciplinaire et du paradigme adopté.

Nous avons précédemment mentionné que l'adaptation se caractérise par l'aptitude de l'individu à transiger de façon efficace avec son environnement. Après un examen des différents construits relatifs à l'adaptation qui sont utilisés en psychopathologie du développement, Masten et Coatsworth (1995) relèvent que la qualité de l'adaptation est, le plus souvent, évaluée à partir de la performance de l'individu vis-à-vis les exigences environnementales qui lui sont posées. Dans cette perspective, l'évaluation de la qualité de l'adaptation doit être une généralisation effectuée à partir d'une série de performances de l'individu dans son environnement: on ne peut présumer de la qualité de l'adaptation d'un individu à partir de sa performance en une occasion unique mais plutôt en considérant ses performances en différents moments. Toujours selon les mêmes auteurs, le fait d'être évalué comme adapté ou inadapté réfère à une performance minimale permettant un fonctionnement jugé comme étant efficace en fonction des normes du développement et des normes culturelles en usage dans l'environnement de l'individu. En ce sens, la qualité de l'adaptation d'un individu devrait préférablement être évaluée à des points spécifiques du développement où la performance attendue en fonction du niveau de développement et des exigences adaptatives est clairement établie.

Donc, selon la perspective que nous adopterons ici, la qualité de l'adaptation est un phénomène observable par le biais de la performance de l'individu. Elle est fonction des caractéristiques individuelles et de l'expérience de l'individu en interaction avec son environnement. Ce que ce modèle met en valeur d'une façon particulière c'est que l'adaptation demeure relative à un contexte donné et peut donc être opérationalisée par un patron de performances de l'individu dans ce contexte et évaluée selon des normes établies, des performances attendues à des moments spécifiques du développement.

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1.1.2 Adaptation scolaire

Tout au long de son développement, l'individu doit relever successivement les différents défis posés par l'adaptation à des contextes environnementaux relativement plus complexes au fur et à mesure de sa progression en âge. Dans nos sociétés modernes, le milieu scolaire constitue un environnement avec lequel l'enfant entre en interaction de façon constante pour une période de temps relativement étendue. Au niveau primaire de notre système d'éducation, l'adaptation à ce milieu se concrétise par la réussite, à divers degrés, des apprentissages prévus au programme régulier et, puisqu'il s'agit aussi d'un contexte social, de la manifestation de comportements appropriés en fonction de l'âge. La qualité de l'adaptation de l'élève peut donc être opérationalisée, dans ce contexte, à travers son rendement dans les apprentissages ainsi qu'à travers les comportements manifestés en classe (Reynolds, 1991; Masten, Garmezy, Tellegen, Pellegrini, Larkin et Larsen, 1988). Ce sont d'ailleurs ces deux dimensions qui constituent le plus souvent les bases de l'évaluation de l'adaptation au milieu scolaire.

Même sans égard à la présence d'une psychopathologie établie, la mésadaptation à l'environnement scolaire dès le niveau primaire constitue souvent un des jalons de situations de mésadaptation persistant au cours de l'adolescence et de la vie adulte: décrochage scolaire (Bouchard,1991), délinquance et abus de drogues (Mensch et Kandel, 1988; Stattin et Magnusson, 1995). Les causes possibles de cette mésadaptation sont multiples et l'examen de chacune de ces causes ainsi que l'étude de toutes les variables qui peuvent influencer l'adaptation scolaire dépassent de loin les objectifs de notre recherche.

Un simple survol de la documentation consacrée aux difficultés d'adaptation scolaire permet déjà de constater la vaste étendue des variables étudiées dans le cadre de cette problématique. Ainsi retrouve-t-on tout un champ de

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documentation consacré aux difficultés d'apprentissage, centré principalement sur les fonctions cognitives et le fonctionnement du système nerveux central (voir Barsch, 1992; Mercer, King-Sears et Mercer, 1990). Un autre élément susceptible d'affecter la performance scolaire est l'aspect motivationnel. L'intérêt face aux activités d'apprentissage et la motivation à exercer ces tâches en maternelle ont été évalués par Reynolds (1991) comme étant des facteurs influençant de façon directe la réussite scolaire en première et deuxième années.

Une autre caractéristique individuelle, le genre de l'enfant, paraît aussi en relation avec l'adaptation scolaire. Dans le cadre d'un suivi de 736 enfants de la maternelle à la deuxième année du primaire, Potvin et Paradis (1996) ont observé que les garçons sont généralement perçus par les enseignants comme présentant davantage de problèmes que les filles. Leurs analyses montrent en fait qu'une plus forte proportion de garçons présentent effectivement des difficultés dès la maternelle et la première année. Vers la fin de la deuxième année, on observait deux fois plus de cas de redoublement chez les garçons que chez les filles.

L'étude de l'adaptation scolaire des enfants ne se limite évidemment pas aux seules caractéristiques individuelles. A partir de l'intégration à la maternelle, le milieu scolaire fait partie de !'environnement de l'enfant et les nouvelles interactions qui s'y développent sont, elles aussi, susceptibles de jouer un rôle dans le processus d'adaptation de l'enfant. Selon Parker et Asher (1987), étant donné que les activités d'apprentissage scolaire s'insèrent dans un contexte social, des relations sociales pauvres peuvent altérer l'adaptation scolaire aussi bien que l'ajustement social. Wasik, Wasik et Frank (1993) démontrent d'ailleurs que, dès la maternelle, !'acceptation sociale par les pairs est associée à la réussite scolaire.

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Au chapitre des interactions sociales, notons également le rôle de la relation enseignant-élève dans le processus d'adaptation scolaire. On peut considérer que l'enseignant est, au même titre que les parents, une figure adulte significative avec laquelle l'enfant est en contact régulièrement. Plusieurs études ont démontrer l'importance des attitudes réciproques élève-enseignant, des perceptions de l'enseignant et des stratégies d'enseignement sur la réussite scolaire (voir Potvin et Paradis, 1996). La qualité de la relation élève-enseignant a également un impact sur la motivation de l'élève vis-à-vis les tâches scolaires (Skinner et Belmont, 1993).

Toujours dans une perspective impliquant le rôle de l'environnement, Reynolds (1991) ainsi que Stevenson et Baker (1987) rapportent que !'implication parentale dans le processus de scolarisation influence de façon significative les premiers résultats scolaires de l'élève. Cette notion d'implication parentale présente cependant quelques problèmes d'opérationnalisation. Par exemple, la mesure utilisée par Reynolds (1991) était une évaluation par l'enseignant du degré de participation des parents aux activités scolaires, alors que Stevenson et Baker (1987) utilisent des mesures d'attitudes et de perception des parents vis-à-vis l'école. Quoi qu'il en soit, Grolnick et Slowiaczek (1994), utilisant des mesures de !'implication parentale relatives aux comportements et attitudes, rapportent un lien positif entre ces attitudes et la motivation de l'enfant.

Ce survol illustre la présence d'influences diverses qui s'exercent sur l'adaptation de l'enfant au milieu scolaire. La perspective que nous avons adoptée à l'égard du cours du développement, stipulant que ce dernier se produit par intégration hiérarchique, propose cependant que la compétence manifestée en milieu scolaire repose sur des antécédents. Ainsi, la qualité de !'interaction enfant-enseignant sera influencée par la qualité des premières interactions sociales développées à partir des relations parent-enfant. De même, les capacités d'apprentissage en classe, se reflétant à travers le

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rendement scolaire, se sont construites sur la base des premiers apprentissages exécutés par le jeune enfant.

Certains éléments, présents dès la petite enfance, peuvent donc contribuer à !'établissement d'une trajectoire de développement qui conduira ultérieurement l'individu à une situation de mésadaptation en milieu scolaire. Qu'il s'agisse d'événements ou de caractéristiques susceptibles d'affecter directement le système nerveux central, de limiter l'expérience, d'affecter la motivation à effectuer de nouveaux apprentissages ou encore qui ont un impact négatif sur le développement social et affectif de l'enfant, ces éléments ont ceci en commun qu'ils viennent limiter la capacité d'un individu à s'adapter à son environnement. Ce sont ces éléments qui placent l'individu en situation de risque d'éprouver ultérieurement des difficultés d'adaptation que l'on appelle facteurs de risque.

1.2 Risque et facteurs de risque

1.2.1 Notion de risque

Le risque se définit comme étant la probabilité de !'établissement d'un trouble sous certaines conditions. Au sens le plus strict, il s'agit donc d'une notion statistique. Cependant, on observe que le terme est souvent utilisé, d'une façon générale, pour désigner la situation d'être à risque. Quoi qu'il en soit, le risque présente l'idée d'un problème potentiel et non d'un trouble déjà établi. Il est donc question ici de probabilité et, par extension, de prédiction.

Jusqu'au début des années '80, les modèles utilisés dans l'étude du risque de mésadaptation ou de troubles psychologiques étaient principalement linéaires: la recherche était centrée sur !'identification de liens directs entre un

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événement ou une condition antérieure à l'avènement du trouble et sa manifestation. Aussi, la source du risque était le plus souvent recherchée parmi des caractéristiques présentes chez l'enfant (anomalies fonctionnelles, traumatismes) qui puissent être prédictrices de ses performances ou de son adaptation ultérieure (Sameroff et Chandler, 1975; Cicchetti et Wagner, 1990). Ce modèle, centré sur les déficits présents chez l'enfant, ne possède cependant que peu de qualités prédictives, plus particulièrement en ce qui concerne la spécificité: une forte proportion des enfants victimes d'un même type de traumatisme ne développent pas subséquemment de troubles spécifiquement attribuables au dit traumatisme (McCall, 1983; Fedoruk, 1989).

L'adoption d'une perspective écologique dans la problématique du risque a permis, depuis le début des années '80, de mettre en évidence l'importance de !'environnement et de !'interaction enfant-milieu familial dans la prédiction du cours du développement. Le développement de l'enfant s’effectue en partie en fonction d'opportunités qui lui sont données (matériel, encouragement social, support affectif et émotif) compatibles à ses besoins et ses capacités tels qu'ils apparaissent à différents points de son développement. Le risque peut, dans ce contexte, survenir à la fois d'une menace directe à son intégrité et de l'absence d'opportunités normales, attendues (Garbarino, 1990). Selon cette perspective, on ne peut prédire efficacement l'avenir d'un système (l'enfant) sans tenir compte des autres systèmes auxquels il est relié. L'enfant, sa famille immédiate et les conditions sociales dans lesquelles ils évoluent, doivent tous être pris en considération pour une meilleure compréhension des problèmes susceptibles de. sur venir au cours du développement. Cette approche élargit les sources de risques pour y inclure les effets de négligence, de ressources déficientes et de stress qui nuisent à l'enfant et contraignent son développement.

Un relevé de la documentation consacrée aux facteurs de risque en petite enfance permet de constater que les études portant sur un trouble spécifique

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sont plutôt rares. En fait, à part les recherches concernant certains troubles psychiatriques ou psychopathologiques tels l'autisme, la schizophrénie ou la dépression, la plupart des études recensées sont consacrées à l'impact de facteurs de risque sur certains aspects du développement (intellectuel, social et affectif).

En ce qui concerne l'adaptation scolaire, qu'il s'agisse d'échec scolaire ou de troubles plus spécifiques tel l'apprentissage de la lecture ou de l'écriture ou encore les problèmes de comportement, la plupart des recherches recensées touchent davantage la prédiction de la performance scolaire à partir d'évaluations instrumentales effectuées à l'âge préscolaire que l'étude de facteurs de risque proprement dit. Dans la section qui suit, outre les facteurs directement associés à l'adaptation scolaire tels qu'ils sont rapportés dans la documentation, nous présenterons les principaux facteurs de risque associés à des problèmes de développement tant au plan intellectuel que social-affectif.

1.2.2 Facteurs de risque

En épidémiologie, le facteur de risque se définit comme étant une caractéristique individuelle ou collective, exogène ou endogène, associée à !'augmentation de l'incidence d'une maladie ou d'un trouble au sein d'une population (Jammal, Allard et Loslier, 1988). Dans le contexte qui nous intéresse ici, il s'agit donc des caractéristiques d'un enfant et de son environnement familial qui, présentes dès la naissance ou sa première année de vie, sont les plus susceptibles d'être associées à des difficultés d'adaptation scolaire. Regier et Allen (1981, in Pelligrini, 1990) proposent cinq critères pour que de telles caractéristiques soient considérées comme facteur de risque: elles doivent être mesurables, stables, modifiables, sensibles et spécifiques. La sensibilité réfère au fait que le facteur de risque soit présent chez la plus grande partie des individus présentant un trouble alors que la spécificité implique que

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les individus ne présentant pas le trouble n'aient pas été exposés au facteur de risque. Le caractère modifiable du facteur de risque est davantage pertinent dans le cadre de l'intervention puisqu'on s'intéresse alors aux caractéristiques pouvant être modifiées pour éviter l'apparition du trouble. Jammal, Allard et Loslier (1988) indiquent cependant que la connaissance des facteurs non modifiables peut contribuer à une meilleure identification des individus vulnérables.

Parmi les premiers auteurs s'intéressant aux facteurs de risque dans les sciences du comportement, Tjossem (1976) proposait une classification des facteurs de risque en trois catégories. Cette classification est encore largement utilisée dans la documentation actuelle relative aux facteurs de risques présents au cours du développement de l'enfant. Ces catégories se présentent comme suit:

- Le risque médical établi, soit la présence diagnostiquée de problèmes de nature organique (syndrome de Down, anomalies congénitales, troubles du système endocrinien, etc.)

- Le risque biologique, représentant la vulnérabilité de l'organisme suite à des événements ou conditions défavorables au cours des périodes prénatale, néonatale ou postnatale, susceptibles de laisser des séquelles (carence nutritionnelle chez la mère, complications obstétriques, faible poids à la naissance, anoxie, prématurité, etc.)

־ Les risques environnementaux sont ceux qui viennent limiter de façon significative l'expérience de vie de l'enfant à cause de carences physiques (soins de santé inadéquats, mauvaises conditions d'hygiène, alimentation déficiente), affectives (problèmes relationnels mère- enfant, organisation familiale instable) et dans la stimulation apportée à l'enfant (stimulation physique, sociale ou cognitive déficiente).

La première catégorie, celle du risque médical établi, est généralement bien documentée quant à son incidence dans la population. Les effets à long terme

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de ces risques sur le développement de l'enfant sont cependant variables et dépendent, bien sûr, de la sévérité du trouble mais aussi, dans certains cas, de la présence ou de l'absence d'autres facteurs de risque (Meisels et Wasik, 1990). Les risques de nature biologique sont des événements survenant pendant la grossesse, à la naissance ou au cours de la période postnatale, susceptibles d'affecter le fonctionnement du système nerveux central. Ils présentent encore moins de certitudes que les précédents quant à la permanence de leur effet à long terme sur le développement. Les progrès de la médecine au cours des dernières décennies sont tels que beaucoup des enfants victimes de complications d'obstétrique n'en présentent que peu de séquelles (Meisels et Wasik 1990). Lagerström, Bremme, Eneroth et Magnusson (1991) rapportent cependant que les enfants de faible poids (inférieur à 2,5 kg) et nés avant terme (durée de gestation inférieure à 36 semaines) obtiennent un QI et des résultats scolaires faibles à l'âge de 13 ans, et ce sans égard au statut socio-économique familial. Par contre, de nombreux auteurs (Bee, Barnard, Eyres, Grey, Hammond, Spietz, Snyder et Clark, 1982; Meyer-Probst et Teichman, 1985) indiquent que ces facteurs, considérés isolément, se révèlent être de faibles prédicteurs du développement intellectuel . Ces mêmes auteurs ainsi que d'autres (Wilson, 1985; Breitmayer et Ramey, 1986; Largo Pfister, Molinari, Kundu, Lipp et Duc, 1989) observent cependant que la présence combinée de facteurs de risque périnataux et environnementaux entraîne une plus grande incidence de problèmes. Willerman, Broman et Fiedler (1970 in Garbarino, 1990) avaient déjà démontré ce type d'interaction entre la condition de l'enfant et celles de son environnement en observant que dans un milieu socio- économiquement défavorisé, 13% des enfants chez qui on observe un retard de développement à 8 mois présentent un retard de développement intellectuel à 4 ans. Cette proportion se trouvait cependant réduite à 7% en milieu moyen et à 2% en milieu favorisé. A l'instar d'autres auteurs, Kalverboer (1988) considère que plusieurs risques biologiques s'actualisent surtout par la présence simultanée de conditions sociales adverses.

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Les facteurs environnementaux couvrent l'ensemble des conditions environnementales susceptibles d'influencer le développement de l'enfant, allant de la relation mère-enfant jusqu'au statut socio-économique de la famille (SSE). Plusieurs recherches ont démontré la forte relation entre ce dernier facteur, le SSE faible et la présence de retard de développement intellectuel. Ramey et McPhee (1986) font cependant remarquer que bien que 75% des enfants présentant un retard intellectuel léger proviennent de milieux pauvres, seulement de 2 à 10% des enfants issus de ces milieux sont susceptibles de présenter un tel retard. Comme le souligne Wilson (1985), le bassin de population caractérisé par un faible SSE présente davantage de facteurs de risque de diverses natures que le reste de la population. Le faible SSE pourrait donc être considéré à la fois comme un bassin propice à l'émergence d'autres facteurs et comme un catalyseur amplifiant l'effet de ces facteurs.

La qualité de !'environnement familial semble constituer un prédicteur relativement fiable du développement intellectuel ultérieur (Bee et al. 1982; Yeates, McPhee, Campbell et Ramey 1983). Bradley, Caldwell, Rock et Ramey (1989) rapportent que le niveau de stimulation apportée par !'environnement familial semble différencier les enfants dont les résultats aux évaluations intellectuelles augmentent de ceux dont les résultats demeurent inchangés ou diminuent. Le faible niveau de scolarité de la mère (Broman, Nichols et Kennedy 1975; Bee et al 1982; Ramey, Bryant, Sparling et Wasik 1985); un nombre élevé d'enfants dans la famille (Meyer-Probst et Teichman 1985, Werner, 1989a); l'âge de la mère à la naissance (Breitmayer et Ramey 1986); l'absence de support familial ou social (Sameroff, Seifer, Barocas, Zax et Greenspan 1987; Bee et al 1982); une séparation prolongée de la mère et de l'enfant (Parran et Cooper 1988); la présence d'événements stressants (Sameroff, 1985); le caractère asocial des parents (Meyer-Probst et Teichman 1985); le fait que l'enfant puisse être victime de violence ou de négligence (Sameroff et Chandler,1975; Division for Early Childhood, 1987 in Meiseis et Wasik 1990) sont quelques exemples de facteurs environnementaux les plus fréquemment

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rencontrés dans la littérature comme éléments prédicteurs du développement intellectuel, de l'adaptation sociale et de la performance scolaire.

Les effets de l'exposition à des facteurs de risque environnementaux sont à la fois plus diversifiés et possiblement moins directement observables que dans le cas des facteurs biologiques. Par exemple, le faible statut socio-économique et la faiblesse du revenu, illustrant l'état de pauvreté du milieu, sont susceptibles d'entraîner un faible niveau de stimulation limitant les opportunités d'apprentissage, occasionnant éventuellement des retards du développement cognitif (Garmezy, 1991). La faible scolarité des parents et le jeune âge de la mère sont également des facteurs associés à une stimulation inadéquate de l'enfant. Dans ce dernier cas, ce n'est pas tant la disponibilité du matériel de stimulation qui est en cause que la capacité du parent à identifier et répondre aux besoins de l'enfant en terme de stimulation et de soins appropriés. Le fait d'évoluer dans ce contexte peut entraîner à la fois des retards de développement et limiter la motivation de l'enfant à explorer son environnement et à effectuer de nouveaux apprentissages.

D'autres facteurs de risque peuvent, à un autre niveau, affecter la disponibilité et l'adéquacité des soins et de la stimulation. Par exemple, la situation de monoparentalité et le fait d'appartenir à une famille nombreuse sont deux éléments pouvant limiter la disponibilité parentale. Dans ce cas, ce ne sont ni la quantité de matériel ni les capacités parentales qui sont directement en cause. Il s'agit plutôt de situations où les figures parentales peuvent être moins disponibles à l'enfant en raison du contexte familial. Par contre, d'autres situations se présentent où la non-disponibilité parentale découle directement de caractéristiques du parent ou du couple parental. Ainsi, la violence du milieu familial, l'abus de drogues ou alcool, la dépression, les tendances asociales ou autres problèmes d'adaptation du parent ont un impact négatif sur le développement de l'enfant tant dans des dimensions cognitives qu'affectives (Beckwith, 1990). Ces conditions familiales, qualifiées d'adverses,

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d'altérer la qualité des soins, sont susceptibles d'entretenir une situation d'instabilité dans les relations entre l'enfant et ses figures d'attachement, avec ses conséquences au niveau des différents facteurs psychologiques influençant l'apprentissage, telles que la motivation à explorer !'environnement, la confiance en soi, !'attention et la capacité de concentration de l'enfant (Egeland et Erickson, 1987).

Outre ces facteurs de risque biologiques et environnementaux, le statut de développement de l'enfant en bas âge a été largement étudié, par différents auteurs, comme prédicteur potentiel du niveau de développement ultérieur (voir Meisels et Wasik, 1990). Ce statut peut être déterminé à partir des résultats de différentes évaluations instrumentales effectuées au cours des premières années de vie de l'enfant. Un faible résultat à ces évaluations peut constituer l'indice d'un risque pour le développement ultérieur de l'enfant. Les dimensions les plus souvent évaluées sont la cognition, la motricité, l'autonomie et le développement social-affectif. Meisels et Wasik (1990) effectuent un relevé et une évaluation de la plupart des instruments utilisés afin d'évaluer le niveau de développement des enfants en bas âge dans une perspective de dépistage précoce. Une de leurs conclusions est qu'aucun de ces instruments ne peut constituer à lui seul un prédicteur fiable du développement ultérieur de l'enfant. Ils rapportent qu'on n'observe que des corrélations variant de faibles à modérées entre des évaluations du développement (tel le Bayley Scales of Infant Development) effectuées avant l'âge d'un an et les résultats d'évaluations intellectuelles ultérieures (tel le Stanford-Binet) effectuées à 4 ou 6 ans. Il semble cependant que les évaluations effectuées à partir de 2 ans présentent de meilleures corrélations avec les évaluations ultérieures (Bee et al. 1982). D'autre part, plusieurs tests sont considérés comme étant trop sensibles aux différences culturelles pour être utilisables avec efficacité auprès d'enfants issus de milieux défavorisés.

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Les catégories de risques présentées ne sont pas mutuellement exclusives quant à leurs effets potentiels ou leur association à un trouble. Des études longitudinales ayant suivi des individus exposés à de tels facteurs de risque rapportent en effet une diversité de problèmes à différents âges allant de problèmes d'adaptation scolaire à des états psychopathologiques sévères (Werner, 1989a; Schepank, 1987 in Tress, Reister et Gegenheimer, 1989). En outre, on constate une fréquente cooccurrence de facteurs de risque, qu'ils soient biologiques ou environnementaux, entraînant le problème de la confusion des effets (Baldwin, Baldwin et Cole, 1990; Garran et Scott, 1992). Ainsi, aucun de ces facteurs considéré isolément ne peut constituer à lui seul un prédicteur fiable d’un trouble spécifique. En fait, les facteurs de risque sont très souvent reliés entre eux et tendent à se manifester de façon concomitante. C'est plutôt la somme des facteurs de risque, leur effet cumulatif et leurs interactions, qui constituent les indicateurs les plus puissants du développement ultérieur de l'enfant (Meisels et Wasik 1990; Meyer-Probst et Teichman 1985; Sameroff et al 1987; Werner 1989a).

Puisqu'aucun facteur de risque, ni aucune évaluation instrumentale, considéré isolément ne peut prédire avec efficacité le développement ultérieur de l'enfant, la nécessité d'une approche multifactorielle s'est imposée. Malgré ces considérations, les répertoires de facteurs de risque développés jusqu’à maintenant présentent une spécificité plutôt faible, c'est-à-dire qu'on observe qu'une forte proportion des enfants identifiés comme étant à risque ne présentent pas de problèmes de développement majeurs (Frankenburg 1985; Meisel et Wasik 1990; Cicchetti et Wagner 1990).

Ce problème de la faible spécificité pourrait en fait n'être que le reflet de la tendance, toujours présente dans la recherche, à aborder la problématique du risque de façon linéaire, c'est-à-dire en ne tenant compte que des liens directs entre facteurs de risque et développement. Comme l'indiquent entre autres Rutter (1988), Garmezy (1988) et Kalverboer (1988), une telle relation est

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improbable compte tenu du fait que tant l'individu que son milieu évoluent dans le temps. Ainsi, pour Rutter (1988), l'emphase de la recherche doit-elle être reportée sur les mécanismes du risque plutôt que sur l'étude du simple niveau d'association entre un facteur de risque et une mesure critère effectuée ultérieurement. L'auteur considère essentielle la distinction entre ce qui peut constituer un indicateur de risque (facteur dont la causalité peut difficilement être établie théoriquement) et un facteur de risque dont la contribution étiologique peut facilement être démontrée. Toujours selon Rutter, un autre aspect important de ce mécanisme du risque est l'intensité du facteur étudié. Il utilise ici l'analogie avec le modèle médical où la variation dans le "dosage" d'un élément pathogène peut entraîner des dommages plus ou moins prononcés pour l'organisme. Dans le contexte qui nous intéresse ici, le "dosage" peut correspondre à la durée et à l'intensité de l'exposition à un ou plusieurs facteurs. Dans un même ordre d'idées, Baldwin, Balwin et Cole (1990) discutent du caractère distal ou proximal de certains facteurs de risque par rapport à leur influence potentielle sur le développement de l'enfant. Or, ces caractéristiques des facteurs de risque ne sont que très rarement prises en considération lorsqu'on étudie leur lien avec la mesure critère.

Ces notions de proximité et de distance suggèrent en fait que certains facteurs de risque n'exercent pas une influence directe sur le développement de l'enfant. Cette influence s'exerce plutôt sur son environnement immédiat et n'est susceptible d'atteindre l'enfant que par ce biais. C'est le cas, par exemple du statut socio-économique. Par contre, d'autres facteurs, tels le niveau d'éducation de la mère et la présence de négligence ou de violence envers l'enfant, ont une influence plus directe. Certains de ces facteurs proximaux représentent en fait des caractéristiques parentales. Par exemple, Ramey et al. (1985) considèrent que le meilleur prédicteur du QI de l'enfant à l'âge de 5 ans est le niveau de scolarité des parents. Meisels et Wasik (1990) font également ressortir l'importance des facteurs reliés aux caractéristiques parentales. Cette importance peut être reliée au rôle prépondérant de la qualité de la relation

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mère-enfant dans le cours du développement. Ainsworth (1985) a illustré comment la qualité de la relation d'attachement peut orienter le développement de l'enfant. De même, Rogoff et Wertsch (1984) ont fait ressortir l'importance du parent comme médiateur entre l'enfant et son environnement ainsi que les effets de la qualité de cette médiation sur ses acquisitions cognitives. Dans ce contexte, certains facteurs de risque, représentant des caractéristiques parentales, pourraient s'avérer être les prédicteurs les plus puissants du développement ultérieur de l'enfant. Le parent ferait alors figure de catalyseur modérant ou amplifiant l'influence sur l'enfant des risques environnementaux et périnataux.

Une autre illustration des mécanismes du risque est apportée par Kalverboer (1988) dans un article traitant de facteurs de risque biologiques. Nous avons vu que de tels facteurs se montrent généralement de faibles prédicteurs du développement ultérieur de l'enfant. L'auteur rapporte comment différents événements périnataux, tels le stress pendant la grossesse, une déficience nutritionnelle, les dommages postnataux au système nerveux central et des réactions allergiques chez le nouveau-né peuvent affecter le tempérament de l'enfant. Or, certaines recherches associent la qualité du tempérament de l'enfant à son développement ultérieur. Encore ici, de telles interactions sont la plupart du temps négligées lors de l'analyse du niveau d'association entre facteurs de risque et développement ultérieur.

Enfin, on doit également considérer le fait que certains facteurs de risque environnementaux possèdent la caractéristique d'être dynamiques et non statiques. Par exemple, le faible poids à la naissance, un facteur biologique, est de nature statique: il s'agit d'un état précis, observé à un moment donné. Le support familial, par contre, est dynamique: la mère peut vivre en situation de monoparentalité au moment de la naissance de l'enfant et, deux ans plus tard, peut avoir fondé un foyer stable et bénéficier du support de son conjoint. L'état de risque d'un enfant peut ainsi évoluer tout au cours de son enfance

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(Frankenburg 1985; Meisel et Wasik 1990; Garbarino 1990) et l'évaluation qui en est faite, au cours des premières années de vie, peut ne plus correspondre à la réalité quelques années plus tard.

1.2.3 Risque et vulnérabilité

A la lumière de ce que nous venons de voir, il apparaît donc nécessaire, dans une perspective étiologique permettant d'étudier les liens entre l'exposition aux facteurs de risque et l'avènement d'un trouble, de prendre en considération la constance de l'exposition aux différents facteurs de risque. Cette constance, ou persistance de l'exposition, serait susceptible d'augmenter l'état de vulnérabilité de l'enfant. Ce terme de vulnérabilité correspond ici à une plus grande propension à présenter ultérieurement des problèmes d'adaptation (Werner, 1989a; 1989b).

Mais la persistance de l'exposition ne semble pas être le seul facteur qui puisse augmenter l'état de vulnérabilité de l'enfant à risque. Quelques recherches rapportent en effet une relation entre la survenue d'événements de vie majeurs et des problèmes d'adaptation ultérieurs chez des populations à risque (Attar, Guerra et Tolan, 1994; Taylor et Hege, 1996; DuBois, Feiner, Brand, Adam et Evans, 1992; Sandler, Wolchik, Braver et Fogas, 1991). Le décès d’un être cher, la naissance d'un nouvel enfant dans la famille, un changement d'emploi chez les parents, un changement d'école sont différents exemples d'événements de vie majeurs. Ces événements ont la caractéristique d'être ponctuels et ne sont pas, proprement dit, des facteurs de risque parce que leur survenue n'est pas associée, dans la population générale, à l'émergence subséquente d'une psychopathologie ou d'un trouble du développement.

Il s'agit cependant d'événements qui peuvent provoquer un certain stress au sein du milieu familial ou chez l'enfant lui-même. Dans une situation où

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l'enfant se montre déjà vulnérable en raison de la présence de facteurs de risque, la survenue de tels événements pourrait accroître davantage cet état de vulnérabilité. Attar, Guerra et Tolan (1994) rapportent d'ailleurs que le nombre total d'événements de vie majeurs paraît davantage en relation avec l'adaptation scolaire au sein de milieux grandement défavorisés.

1.3 Résilience face à une situation de risque

Le problème de la validité prédictive des facteurs de risque est abordé depuis quelques années sous un autre angle: celui de la résistance individuelle ou résilience. Cette problématique concerne les individus qui, bien qu'exposés à un nombre jugé important de facteurs de risque représentant autant de stresseurs susceptibles d'altérer le développement, ne présentent pas de séquelles apparentes suite à cette exposition. Plusieurs auteurs (Pelligrini, 1990; Werner, 1989a; Lösel, Bliesener et Köferl, 1989; Garmezy, 1988) considèrent que la compréhension des effets de la situation de risque et de l'étiologie des troubles, relève également des processus par lesquels certains individus exposés ne développent pas de tels troubles.

1.3.1 Facteurs de protection

L'étude de cette résistance a d'abord été orientée par la recherche de facteurs de protection, définis comme étant des caractéristiques de l'individu, ou de son environnement, susceptibles de contrer l'effet néfaste de l'exposition aux facteurs de risque (Garmezy, 1985). Résistance et facteurs de protection étaient alors conceptuellement définis comme étant la contrepartie positive de la vulnérabilité et des facteurs de risque (Garmezy, 1991; Rutter, 1990).

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Rutter (1990) propose quatre grandes catégories de facteurs de protection: ceux qui réduisent l'impact du risque; ceux qui empêchent l'amorce de réactions en chaîne négatives; ceux qui aident à la promotion de l'estime de soi et de la compétence; ceux qui ouvrent de nouvelles opportunités dans les expériences de vie. Pour Garmezy (1985), les facteurs de protection peuvent être constitués de caractéristiques individuelles ou environnementales tout comme les facteurs de risque. La classification qu'il propose fait état de trois grandes catégories, soit les attributs de l'enfant (tempérament, autonomie, sociabilité), les attributs du milieu familial (cohésion, chaleur, harmonie) ou des caractéristiques de 1 'environnement social (disponibilité de support social et de ressources). Plusieurs événements ou caractéristiques sont susceptibles d'amorcer la protection mais, encore une fois, ces éléments ne prennent leur sens qu'en fonction du contexte dans lequel ils surviennent en menant à l'atténuation des effets de l'exposition au risque (Egeland, Carlson et Sroufe, 1993).

Considérée de cette façon, la résilience pourrait s'établir, par exemple, par le fait de recevoir une meilleure stimulation ou plus d'attention; à des changements dans la structure ou les conditions familiales faisant en sorte que les figures parentales deviennent plus disponibles ou que d'autres figures adultes significatives soient disponibles; à des événements entraînant une plus grande stabilité ou une plus grande cohésion familiale.

Werner (1989a) rapporte que dans le cadre d'une étude longitudinale, celle de l'île de Kauaï, on a observé que les deux-tiers des enfants présentant quatre facteurs de risque ou plus avant l'âge de deux ans avaient développé des problèmes sévères, d'apprentissage ou de comportement, à l'âge de dix ans. Les autres enfants exposés, dits résistants, possédaient certains attributs en commun: tempérament incitant à recevoir une attention positive de la part de l'entourage; tendance à rechercher des expériences nouvelles; orientation sociale positive; plus avancés en communication, locomotion et en autonomie;

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famille plus petite et espacement de deux ans et plus entre les enfants. Peu d'entre eux avaient fait l'expérience de séparation prolongée d'avec leur mère mais surtout, tous avaient eu l'opportunité d'entretenir une relation stable avec un adulte significatif de qui ils recevaient attention et affection. De plus, parmi les garçons, le fait d'être l'aîné semblait prémunir une forte quantité d'enfants de l'apparition de problèmes. Ces différentes caractéristiques discriminaient bien les enfants ayant développé un trouble au cours de l'enfance ou de l'adolescence, de ceux n'en ayant pas développé. Cette discrimination ne s'opérait cependant que dans les cas exposés aux facteurs de risque.

Le fait de considérer le facteur de protection uniquement comme la contrepartie positive du facteur de risque peut cependant entraîner une certaine confusion opérationnelle entre ces deux types de facteurs, l'absence d'un facteur de risque ne constituant nullement un facteur de protection (Pelligrini, 1990). Par exemple, le fait de naître dans une famille nombreuse est, comme nous l'avons vu, reconnu comme étant un facteur de risque associé à un faible niveau de développement intellectuel. Or, le fait de naître dans une famille peu nombreuse ne devrait pas être considéré comme facteur de protection puisqu'il s'agit en fait de l'absence du facteur de risque. Par contre, être le premier né d'une famille peut être considéré comme un facteur de protection si le fait de naître deuxième ou troisième ne constitue pas un facteur de risque associé à un même trouble dans l'ensemble de la population.

En fait, présentée sous l'angle de caractéristiques de l'individu ou de 1 'environnement, la protection n'est pas indépendante des conditions initiales de risque ni des critères utilisés pour mesurer l'impact de l'exposition. Ainsi, certains auteurs (Jenkins et Smith, 1990; Seifer, Sameroff, Baldwin et Baldwin, 1992) rapportent que la présence d'une relation chaleureuse avec la mère comme étant un facteur de protection. Or, l'absence d'une telle relation, généralement représentée par la non-disponibilité affective de la mère,

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constitue un facteur de risque comme nous l'avons vu précédemment. La présence d'un facteur de risque donné représentant une probabilité accrue de !,établissement d'un trouble, son absence ne représente pas en soi une protection mais une probabilité moindre que le développement soit affecté.

Ce premier exemple illustre une confusion au niveau des causes. Nous amènerons un deuxième exemple illustrant cette fois une confusion au niveau de l'effet. Dubow et Luster (1990) ainsi que Masten, Garmezy, Tellegen, Pellegrini, Larkin et Larsen (1988) rapportent que le niveau de développement cognitif constitue un facteur de protection chez des enfants en situation de risque de mésadaptation scolaire. Même s'il est vrai que la probabilité de !'établissement de difficultés d'adaptation scolaire soit plus faible chez les enfants compétents au plan cognitif, ce niveau de compétence n'est pas indépendant de la présence des facteurs de risque considérés dans ces études (faible statut socio-économique, scolarité des parents, etc.). Dans un contexte d'exposition au risque, le niveau de compétence atteint à un moment donné du développement ne constitue pas un facteur de protection mais bien le résultat de l'effet antérieur de cette exposition.

1.3.2 Mécanismes de protection

Baldwin, Baldwin et Cole (1990) sans nier l'importance de certains attributs personnels, situent davantage les facteurs de protection dans un contexte familial. Ils proposent un modèle où facteurs de risque et de protection peuvent être analysés en tenant compte de leur position sur un continuum représentant leur caractère proximal ou distal relativement à leur influence sur le développement de l'enfant. Dans cette perspective, on pourrait supposer que tant la résistance que la vulnérabilité de l'enfant s'établirait en fonction de la qualité de la médiation exercée par les parents.

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L'évolution, au cours des dernières années, des concepts de résistance et de protection mène plutôt à l'étude des mécanismes par lesquels l'effet de l'exposition aux facteurs de risque est contré. Dans cette perspective, la protection ne doit pas être abordée strictement en terme de caractéristiques individuelles ou environnementales. De cette façon, la résilience et la protection ne sont plus envisagées comme étant l'inverse du risque et de la vulnérabilité mais plutôt comme une condition particulière à l'intérieur d'un contexte de risque. Alors que la présence de facteurs de risque a tendance à orienter plus ou moins directement le cours du développement, les mécanismes de protection opèrent de façon indirecte, leurs effets étant fonction de leur interaction avec les variables du risque et de la modification de cet état de risque (Garmezy, 1991).

Comme le soulignent Egeland, Carlson et Sroufe (1993), plutôt que d'être un état donné ou une fonction de traits particuliers, la capacité de résistance se développe dans le temps, dans le contexte du support environnemental.

L'idée de mécanisme utilisée ici réfère donc à la présence et à la qualité des interactions entre l'individu et son environnement (Egeland, Carlson et Sroufe, 1993). Cette notion de mécanisme de protection implique également que le dit mécanisme opère d'une façon spécifique dans un contexte de risque. En d'autres termes, !'interaction observée entre la variable représentant le mécanisme de protection et l'issue1 du développement étudiée ne devrait pas être la même au sein des populations exposées et non-exposées (Masten, Best et Garmezy, 1990).

1Nous utiliserons ici le terme issue du développement en guise de traduction du terme anglais "outcome". Il doit cependant demeurer clair que cette "issue" peut n'être que transitoire dans le cours du développement et constitue une évaluation de ce cours à un moment donné.

Figure

Tableau I- Regroupement des différentes variables susceptibles d'orienter  le cours du développement relativement à l'adaptation scolaire  selon le modèle écologique "Processus-Personne-Contexte"
Tableau II-  Principales caractéristiques démographiques de !échantillon par groupe exposé et non exposé.
Tableau ΙΠ- Fréquence des facteurs de risque répertoriés au moment du  recrutement initial des enfants vers läge d'un an, par groupes  exposé et non exposé.
Tableau IV-  Sommaire des instruments utilisés lors du recrutement (1 an) et lors de la relance (11 ans)
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