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La Baraka : un symbole parfait du sacré et du mystique : Le sanctuaire d’Aicha El Bahriya d’Azzamour comme exemple

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Academic year: 2021

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La Baraka : un symbole parfait du sacré et du mystique : Le sanctuaire d’Aicha El Bahriya d’Azzamour comme exemple.

Résumé :

Traditionnellement, le sanctuaire d’Aicha El Bahriya est un lieu sacré où les fidèles se rendent nombreux en pèlerinage, pour bénéficier de la baraka de la sainte mythique. De plus, la (ziyara ) visite pieuse constitue un événement de foi qui permet de trouver des solutions aux problèmes d’ordre social, grâce aux pratiques mystiques, d’incantations et d’actes de magie, effectuées à l’aide d’ intermédiaires (voyantes) qui prétendent être en mesure, moyennant une certaine somme, d’aider les gens à trouver le bien-être et à conjurer le mauvais sort.

Mots-clés :

Sanctuaire ; symbole ; baraka ; sainte ; mystique ; croyance ; ziyara (visite) ; sacré ; foi ; pratiques ; fidèles.

Les saints furent appelés à fournir tout un éventail de gratitudes et de bienfaits et à remplir un certain nombre de rôles socioreligieux. Les pouvoirs thaumaturgiques, la protection, la guérison, et le mécénat ont été recherchés auprès d’individus qui représentaient des canaux de karamat (prodiges). L’exemple du sanctuaire Aicha El Bahriya illustre la façon dont l'idéologie de la baraka (grâce) et la vénération collective des saints ont fonctionné dans un environnement spécifique et ont donné forme à sa configuration sociale, culturelle et morale. Selon l’étude de Julia Clancy-Smith, l'Afrique du Nord constitue ce que l'on pourrait appeler la ceinture de la baraka. La baraka constitue une substance ineffable et surnaturelle : la grâce, les bénédictions, la surabondance, et la pureté. Sa topographie physique et culturelle forme des vestiges saints qui, aujourd'hui encore, alimentent la mémoire collective et le discours quotidien. Les tombes ou sanctuaires commémoratifs (qabr, qouba, maqam) honorant ceux qui étaient proches de Dieu ont créé des hiérarchies d'espaces sacrés ayant des implications économiques et politiques ainsi qu'un contenu spirituel, moral et émotionnel.

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Au Maroc, le sanctuaire de la sainte sacrée Aicha El Bahiriya, est connu pour sa bénédiction miraculeuse qui est testée et attestée par les pèlerins en quête des voies vitales, dans l’objectif d’atteindre la mobilité, l’intégration sociale et la stabilité psycho-sociale.

Figure 1 : L’entrée du sanctuaire (Aicha El Bahriya).

Personne ne connaît ses véritables origines historiques, cependant, selon la légende mystique, des contes relatant son amour pour le célèbre saint d'Azemmour Moulay Bouchaib circulent dans toute la région. Selon la légende populaire, Lalla Aicha El Bahriya serait venue du Moyen-Orient après une ancienne histoire d'amour pour rencontrer son bien-aimé, mais lorsqu’elle parvint à l’embouchure d’oued Oum Errabiî, elle se noya. Un transfert de pouvoirs miraculeux eut lieu, et les miracles de Lalla Aicha ont été en quelque sorte liés à ceux de Moulay Bouchaib, (âattayl’aâzara), le donneur de garçons. De plus, on évoque également une autre légende qui relie la sainte pieuse Aicha El Bahriya à l’histoire d’une relation amoureuse interdite entre elle et sa bien-aimée Fatima, enterrée dans le même sanctuaire, dans une tombe voisine de la sienne. Au Maroc, on croit que ces deux saints partagent le pouvoir de guérir de la stérilité, de mettre fin au célibat et à la (tabâa), la poisse. Par rapport à ce sujet et selon l’étude de Liyakat Takim, la croyance en l'autorité charismatique des saints et dans les pouvoirs extraordinaires dont ils disposaient aurait donné naissance à la notion de lieux saints, surtout là où ces saints sont enterrés. La sainteté qui est associée aux saints est transférée aux endroits qui renferment leurs corps. C’est la raison pour laquelle leurs tombes

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sont très fréquemment visitées, surtout pendant les périodes marquées par des difficultés et des calamités naturelles.

Selon l’héritage folklorique et traditionnel, la dévote Lalla Aïcha El Bahriya était une femme pieuse connue pour sa capacité occulte à satisfaire ses adeptes. Ses couleurs préférées étaient le blanc et le vert, qui figurent parmi les couleurs des (Chorfa) saints. Le mercredi, le vendredi, et le dimanche étaient les jours préférés de Lalla Aicha, il est donc souhaitable de visiter la tombe de la sainte marieuse ces jours-là pour bénéficier de sa baraka. De plus, cette sainte est réputée pour sa grande capacité à satisfaire ses adeptes : celles et ceux qui ne parviennent pas à se marier, les personnes stériles, ceux et celles qui souffrent du tabâa, ainsi que du tqaf (problème lié à la sexualité), mais il faut tout d’abord avoir la foi et espérer de bonnes choses. En fait, l’instabilité institutionnelle pousse ces pèlerins à recourir inconsciemment au réservoir cognitif de la mémoire collective afin de chercher de l’aide auprès des pouvoirs cachés des entités surnaturelles. En outre le célibat et les problèmes conjugaux poussent les fidèles à rechercher des solutions hors du commun liées à la métaphysique et à des pratiques dites sacrées.

Les fidèles de ce lieu mystique ressentent une grande sérénité lorsqu’ils visitent ce marabout nécromancien, qui est situé près d’une plage dont les eaux auraient été gouvernées par une force et un pouvoir divins, selon bien sûr la légende populaire. D’après les adeptes de la sainte pieuse : « On peut bénéficier de la baraka de Lalla Aicha El Bahriya seulement en touchant le tombeau, les murs ou la porte du mausolée». Liyakat Takim démontre que le sanctuaire incarne un sentiment de puissance spirituelle et de présence divine, qui est diffusé et ressenti par ceux qui s’y trouvent. En accord avec cette théorie, on peut dire que la présence de la dévote Lalla Aicha dans sa tombe offre l'occasion de faire l'expérience de la baraka, parce que son sanctuaire est un lieu mystique et est donc considéré comme un canal important pour la transmission des bénédictions divines. C’est ainsi que le fait de toucher la tombe, ou tout objet associé à cette sainte, est considéré comme un moyen efficace d’obtenir sa baraka mystique et d’en bénéficier.

Le rituel de (ziyara) la visite pieuse se déroule selon plusieurs étapes. Il consiste premièrement à avoir la foi. Deuxièmement, il faut offrir des bougies à la sainte sacrée ou les allumer près de son tombeau, lui donner aussi des packs de lait, du sucre et de l’eau de rose. Troisièmement, l’on doit déposer une somme d’argent dans le tbéq (panier) de la mqadma (l’une des descendantes de la sainte Aicha, vêtue de blanc ou de vert, et assise à côté du

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tombeau de la sainte), qui, à ce moment-là, prend tous les dons apportés par l’adepte et les passe au-dessus de sa tête en murmurant des (douâa ), des supplications, puis, elle pose son doigt dans un pot rempli de henné pour le mettre sur la main de l’adepte. Quatrièmement, les fidèles doivent faire des dons en argent aux mendiants qui entourent le mausolée, puis formuler des vœux. Cinquièmement, il faut se laver à l’eau abstergente des jouad, ou se baigner dans la mer miraculeuse, remettre du henné. D’ailleurs, les pèlerins peuvent même écrire leur prénom ainsi que celui de leur bien-aimé(e) sur le mur du sanctuaire afin que leurs vœux se réalisent. Le henné peut être considéré comme un symbole de bonheur et d’espoir pour les fidèles de cet endroit.

Figure 2 : les murs du sanctuaire (Aicha El Bahriya).

Des voyantes s’alignent près du sanctuaire pour offrir le service d’Aldou ou d’autres prestations, selon les besoins des pèlerins. Qu’est-ce donc qu’Aldoun? Il s’agit d’un morceau de plomb, qui peut être brûlé sur le feu en dégageant schématiquement la forme de la maladie. Il existe deux types d’Aldoun: le premier, le moins cher, est le plus fréquemment utilisé, quant au second, plus cher, il est extrait de la plage et s’avère efficace pour guérir et traiter les personnes touchées par le malheur. D’après la mqadma, le traitement peut prendre deux séances selon la gravité de la maladie. Cependant, si son état n’est pas grave, le patient est immédiatement guéri. Dans le cas contraire, il doit revenir deux autres fois afin de terminer son traitement et de bénéficier de la baraka de la dévote. En fait, si la cause est le mauvais œil,

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la mqadma lui montre un trou gravé sur la plaquette qui ressemble à l’œil, si le mal est dû à un sihr (magie), dans ce cas, la mqadma lui montre des clous qui sont gravés sur la plaquette d’Aldoun. Enfin, si quelque chose de positif va arriver au patient, la mqadma lui montre Alam el farh (les signes/ des emblèmes de joie).

Les adeptes d’Aicha El Bahriya peuvent être classés en deux catégories. La première comprend ceux ou celles qui sont (mamloukin) possédés par elle et n’ont pas le droit d’accepter ou de refuser sa possession, car, selon eux, ils sont ses (fils/filles). Par conséquent, ils doivent accepter ce lien spirituel ainsi qu’obéir à leur mère (Aicha El Bahriya), suivre ses conseils, ses règles et avoir la foi. Avec le temps, cette catégorie de personnes préférées de la sainte Aicha éprouve un sentiment d’attachement, de tendresse et d’amour maternel à son égard. Selon Fatima : « Mima (notre mère) Lalla Aicha nous apporte le bonheur, elle nous aime… Le fait d’être choisi par Mima est une baraka de notre dieu, nous avons la chance….». Et d’après Ahmed : « Mima Lalla Aicha est une source d’amour, de tendresse, de gentillesse et de bien… Au début, c’était dur pour moi de l’avoir acceptée dans ma vie, je rêvais souvent d’elle, je ne pouvais pas dormir la nuit pendant des jours et des jours, mon cœur battait la chamade, je ne savais pas pourquoi elle m’avait choisi. À l’époque, je n’avais jamais visité son sanctuaire, et je n’aurais jamais souhaité le visiter, cela ne me venait même pas l’idée. Je n’ai jamais parlé d’elle, je ne sais pas pourquoi elle voulait m’aider. Maintenant, je ne pourrais pas vivre sans sa présence dans ma vie et son existence dans mes pensées. Vraiment, elle m’a aidé et elle a changé complètement ma vie… Merci Dieu, merci Lalla Aicha pour ta baraka ». La seconde catégorie de pèlerins comprend celles et ceux qui viennent au marabout solliciter et implorer la sainte pour être guéris et afin d’obtenir ses karamt (prodiges). Saadia, une jeune femme de 35 ans, se rend dans ce lieu mystique deux fois par semaine. Elle nous a expliqué «Je suis habituée à visiter le sanctuaire de Lalla Aicha, étant donné qu’elle est connue pour sa baraka divine. Je suis une femme stérile, j’aimerais avoir un enfant ». En revanche, Ahmed a connu des années de malheur parce que sa relation avec son ex-femme a perturbé sa vie et selon lui,« depuis mon divorce, je n’ai pas pu me marier à cause de la tabâa . Vendredi dernier la mqadma du marabout m’a conseillé de me baigner dans la mer des jouad…… Et comme vous le voyez, je viens de me baigner pour enlever ce malheur». Les deux catégories d’adeptes sont invitées à offrir un don à la sainte Aicha Al Bahriya. Ceux appartenant à la première catégorie doivent offrir un don, le hdiya, une seule fois par an. Celui-ci se compose du (souwak) bâton d’arak, d’une boîte de sucre, de packs de lait, d’encens et spécialement d’ (harmel), de bougies, de henné, de dattes, de verres

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emplis d’encens et d’œufs. Ce hdiya doit être présenté dans une tbéka (panier) enveloppé d’un tissu de couleur verte. Ce don peut être considéré comme un signe de remerciement ainsi que d’alliance entre les possédées et Aicha El Bahriya. En revanche, ceux de la seconde catégorie peuvent offrir tout un éventail de dons de façon périodique, cela dépend de leurs besoins, comme par exemple faire des sacrifices qui consistent parfois à égorger des chèvres, des moutons, ou des poulets, ou tout simplement à poser ces derniers près du tombeau, ainsi que des packs de lait et du sucre. Selon Badiaa : « je rêve souvent de Lalla Aicha El Bahriya, et de mes jouad, ils me demandent tout ce que je dois leur apporter ».

Figure 3 : Exemple de dons apportés à la sainte ( Aicha El Bahriya).

Au cours d’une ziyara, la seule présence du pèlerin dans le sanctuaire lui permet d’obtenir une certaine quantité, ou un certain degré de baraka. Cependant, dans les cas de guérison de maladies graves ou chroniques, ou d'infertilité, un séjour prolongé au sanctuaire est souvent considéré comme nécessaire et parfois même suffisant, sans que soient pratiqués d'autres rites, car la baraka du saint/de la sainte peut ainsi pénétrer plus facilement dans le corps d'une personne. De plus, après un certain nombre de visites, le saint dira souvent aux pèlerins dans un rêve quel vœu ils doivent lui faire pour être guéris.

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Cependant, comment comprendre le fait que la baraka de la sainte Lalla Aicha El Bahriya attire un si grand nombre de visiteurs, qui ont pu goûter la paix, le bonheur et un espoir plein de promesses? Comment peut-on expliquer les effets d’Aldoun et de la mer miraculeuse qui est gouvernée par une force mystique ?

Ce phénomène de (ziyara) la visite pieuse de lieux mystiques est lié à des facteurs patrimoniaux, sociaux, économiques et psychologiques. La baraka pourrait être un catalyseur de l’attachement des pèlerins aux pratiques afin de sortir des tensions sociales ainsi que de leurs diverses manifestations et implications. Cependant, les croyances et les pratiques génèrent une série de problèmes sociaux qui ne sont pas visibles, notamment un retard du développement économique, une incitation à la criminalité et engendrent un sentiment d'insécurité.

Bibliographie:

CLANCY-SMITH, Julia Ann. Rebel and Saint : Muslim Notables, Populist Protest, Colonial Encounters (Algeria and Tunisia, 1800-1904). London: University of California Press, 1997,373 pages.

MAAROUF, Mohammed Jinn: Eviction as a Discourse of Power: A Multidisciplinary Approach to Modern Morrocan Magical Beliefs and Practices, Leiden: Brill, 2007, 337 pages.

TAKIM, Liyakat N. Heirs of the Prophet: The Charisma and Religious Authority in Shi'ite Islam. New York, Suny Press, 2012, 252 pages.

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Figure 1 : L’entrée du sanctuaire (Aicha El Bahriya).
Figure 2 : les murs du sanctuaire (Aicha El Bahriya).
Figure 3 : Exemple de dons apportés à la sainte ( Aicha El Bahriya).

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