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La flexion verbale en français : contraintes et stratégies de réparation dans le traitement des consonnes latentes

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Academic year: 2021

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(1)

LA FLEXION VERBALE EN FRANÇAIS: CONTRAINTES ET STRATÉGIES DE RÉPARATION DANS LE TRAITEMENT DES CONSONNES LATENTES

Thèse présentée à l’École des gradués

de F Université Laval pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

FACULTÉ DES LETTRES UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

AVRIL 1994

(2)

n

RÉSUMÉ

Cette thèse a pour objectif général de montrer que les alternances phonologiques sont causées par des contraintes et, plus précisément, par des violations de contraintes, lesquelles doivent être réparées. La réparation de ces violations provoque des alternances, dont l’alternance C/0 (ex.: sort/sortent [sor-sort], dort/dorment [dor- dorm]). Plus précisément, cette thèse veut montrer qu’une analyse effectuée dans le cadre de la théorie des contraintes et des stratégies de réparation (TCSR), combinée à la notion de consonnes flottantes (CF), peut rendre compte de l’alternance C/0 dans la morphologie verbale du français de manière plus simple et plus explicative que les traitements antérieurs. Non seulement ce type d’analyse a l’avantage de recourir à des principes généraux et à un nombre très réduit de règles, mais il permet aussi de saisir des généralisations phonologiques et morphologiques importantes dont ne pouvaient rendre compte simplement les analyses linéaires antérieures.

Signature de la directrice de thèse

(3)

SOMMAIRE

Cette thèse a pour objectif principal de montrer qu’une analyse effectuée dans le cadre de la théorie des contraintes et stratégies de réparation (TCSR), combinée à la notion de consonnes flottantes (CF), peut rendre compte de l’alternance consonne/zéro (C/0) dans la morphologie verbale du français de manière plus simple et plus explicative que les traitements antérieurs. Il y est montré que l’alternance C/0 que l’on trouve dans les radicaux verbaux (ex.: sort/sortent [sor-sort], dort/dorment [dor- dormj) est causée par des violations de contraintes phonologiques, lesquelles doivent être «réparées» par des stratégies de réparation (cf. Paradis (1988a, b); (1990a, b); (1993a, b)). La réparation de ces violations cause des alternances, dont l’alternance C/0. Cette alternance C/0 résulte de l’élision ou de la légitimation (la réalisation) d’une CF. Plus précisément, cette thèse s’oppose aux traitements antérieurs en ce qu’elle montre que 1) il n’existe pas de verbes du 1er, 2e et 3e groupes: il n’y a que des verbes qui présentent l’alternance C/0 (ex.: IparM-^part [par], partent [part]) et des verbes qui ne la présentent pas (ex.: Iparïl-^parle [pari], parlent [pari]); 2) il n’existe pas deux sortes de verbes en -ir, comme proposé dans des ouvrages classificatoires (cf. Grevisse (1986)), où l’on trouve fîn-ir (2e groupe) et sent-ir (3e groupe), ni trois sortes de verbes en -r, comme proposé dans des ouvrages de type plus analytique (cf. Martinet (1969)), où l’on a un suffixe -r sans voyelle thématique (fini-0-r), un suffixe -r avec voyelle thématique (dorm-i-r) et un suffixe -r avec consonne thématique (croî- t-re). La distinction entre un radical à CF et un radical à consonne permanente (CP) finale constitue aussi un élément crucial dans la compréhension de l’organisation de la flexion verbale en français et permet de faire d’importantes prédictions quant à la sélection des suffixes infinitifs. Plus précisément, nous montrons qu’un radical à CF ne sélectionne jamais le suffixe infinitif -er, alors qu’un radical à CP sélectionne presque toujours ce suffixe. De manière générale, l’approche théorique adoptée ici

(4)

IV permet de saisir des généralisations phonologiques et morphologiques importantes, que ne pouvaient saisir les analyses linéaires antérieures, qui consistaient surtout en des classements de verbes, et, par conséquent, simplifie considérablement notre traitement du système verbal du français en recourant à des principes très généraux.

Signature de la directrice de thèse

(5)

AVANT-PROPOS

Je désire en tout premier lieu remercier ma directrice de thèse, madame Carole Paradis, qui a su me transmettre son enthousiasme pour la recherche et son ardeur au travail pour atteindre les plus hauts objectifs. Je lui suis très reconnaissante pour avoir su, tout au long de ces années d’études au doctorat, m’encourager et me faire profiter de son expérience par ses conseils judicieux et sa grande disponibilité. Je ne saurai oublier la confiance et le soutien qu’elle m’a toujours accordés.

Qu’elle accepte ici le témoignage de ma gratitude et qu’elle voit dans ce travail un des fruits de son enseignement.

Mes vifs remerciements vont aux professeurs Monique Lemieux, Albert Maniet et Jean-François Prunet pour l’intérêt qu’ils ont porté à mes recherches, pour leurs nombreuses suggestions et pour avoir accepté d’évaluer ma thèse. Ma thèse a aussi profité grandement des remarques et commentaires des professeurs Yves-Charles Morin, Jean-François Prunet, Marc Plénat, Glyne Piggott, Geert Booij, Jacques Durand, Bernard Tranel et Daniel LeFlem sur Paradis et El Fenne (1992; 1993).

Mes remerciements s’adressent également à mes collègues du projet contraintes et stratégies de réparation (dirigé par Mme Carole Paradis), notamment, Darlene LaCharité, Emmanuel Nikiema et Marie-Josée Roy, dont l’intense collaboration a permis de mener à bien la présente thèse. Je voudrais remercier tout particulièrement Caroline Lebel et Yvan Rose pour le temps qu’ils ont consacré à la révision minutieuse de l’aspect présentation de ma thèse, pour leur collaboration dans la réalisation des fameux tests sur les logatomes verbaux, pour leurs précieux commentaires, pour leur amitié.

(6)

VI Je voudrais aussi exprimer mes sincères remerciements à monsieur Jean-Guy Lebel, ancien du département de Langues et Linguistique et particulièrement monsieur Hans Greif, ancien vice-doyen de la faculté Des lettres, qui ont eu foi en mes projets et qui m’ont assuré une aide finacière. Mes recherches doctorales ont aussi été subventionnées en partie par le conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), l’association canadienne pour le développement international (ACDI) et le ministère de l’enseignement supérieur du Maroc. Que ces organismes trouvent ici le témoignage de ma gratitude.

Je profite de cette occasion pour souligner ma gratitude envers monsieur Jean- Guy Savard, directeur du département de Langues et Linguistique de l’université Laval pour le vin d’honneur qu’il a bien voulu offrir à l’occasion de ma soutenance.

Un gros MERCI à mes informateurs qui ont bien voulu donner de leur temps et de leur patience pour se soumettre à mes tests.

Pour leur support et leur confiance toujours constants, je serai longtemps redevable à mes parents madame Hayat Séfraoui et monsieur Abderrahman El Ferme.

(7)
(8)

vin

RÉSUMÉ:... Il

SOMMAIRE:

...

III

AVANT-PROPOS:...

V

TABLE

DES

MATIÈRES...

VII

ABRÉVIATIONS:

...

XIV

Chapitre

1:

Introduction générale

1. Introduction

1.1 Problématique ... 2

1.2 Objectifs...6

1.3 Cadre théorique...8

1.3.1 Phonologie générative standard...9

1.3.2 Phonologie générative multilinéaire ...10

1.3.2.1 Phonologie lexicale ... 18

1.3.2.2 Stratégies de réparation... 21

1.3.2.3 Théorie des contraintes et stratégies de réparation ... 24

1.4 Méthodologie...30

Chapitre 2: Les

consonnes

latentes: littérature

antérieure

et critiques 2. Introduction ... 38

(9)

2.1.1 Traitements par épenthèse consonantique ...40

2.1.2 Traitements par élision consonantique ... 44

Chapitre 3:

Hypothèses

sur

les

consonnes

latentes dans

la

théorie des

contraintes

et

stratégies de réparation

3. Introduction ...71

3.1 Sources des violations de contraintes... 72

3.1.1 L’alternance C/0 issue d’une malformation sous-jacente... 73

3.1.1.1 Le cas des obstruantes flottantes: les formes masculines...73

3.1.1.2 Le cas des sonantes orales flottantes: les formes masculines ... 75

3.1.1.3 Le cas des sonantes nasales flottantes: les formes masculines... 76

3.1.1.4 Traitement des CF: les formes féminines ... 79

3.1.2 L’alternance C/0 issue d’opérations morphologiques et syntaxiques... 81

3.1.2.1 L’alternance C/0 issue d’opérations morphologiques...81

3.1.2.2 L’alternance C/0 issue d’opérations syntaxiques... 89

3.1.3 L’alternance C/0 issue de conflits de contraintes...91

3.2 L’alternance C/0 dans la morphologie verbale...97

3.2.1 Le présent de l’indicatif... 98

Chapitre 4:

L’infinitif: littérature

antérieure, critiques

et traitement

proposé

4. Introduction ...106

4.1 Les suffixes infinitifs: traitements antérieurs et traitement proposé ... 109

4.2 L’infinitif en général: analyses antérieures... 110

(10)

4.4 Les groupes verbaux: littérature antérieure et traitement proposé... 125

Chapitre

5: L’

ensemble

des

temps

sauf

l’

infinitif:

littérature

antérieure

et

critiques 5. Introduction ...138

5.1 Analyse morphophonologique des temps verbaux: traitement 1...139

5.1.1 Analyse non générative ... 139

5.1.2 Analyses génératives...146

5.2 Analyse morphophonologique des temps verbaux: traitement 2...163

5.3 Analyse morphophonologique des temps verbaux: traitement 3...165

5.4 Test de conjugaison des logatomes (non-mots) verbaux...171

5.4.1 Test 1...171

5.4.1.1 Méthodologie du test 1...172

5.4.1.2 Résultats et analyse du test 1... 174

5.4.2 Test 2...175

5.4.2.1 Méthodologie du test 2...176

5.4.2.2 Résultats et analyse du test 2... 177

Chapitre 6: L

’ensemble

des

temps

sauf

l

’infinitif:

traitement

proposé 6.1 Suffixes des temps finis...186

6.2 Les temps finis ... 202

6.2.1 L’indicatif présent ... 202

6.2.1.1 Cas général ... 202

(11)

6.2.2 L’indicatif imparfait ...214 6.2.3 L’indicatif futur... 217 6.2.3.1 Cas général ... 217 6.2.3.2 Cas particuliers...225 6.2.4 Conditionnel présent ... 227 6.2.5 Subjonctif présent ...229 6.2.5.1 Cas général ...229 6.2.5.2 Cas particuliers... 231 6.2.6 L’impératif présent ... 232 6.2.7 Conclusion ... 232

6.3 Les participes présent et passé...234

6.3.1 Le participe présent... 234

6.3.2 Le participe passé... 235

6.4 Les temps composés... 247

6.5 Conclusion...250

Chapitre 7:

Contraintes

et

CF

dans la

liaison 7. Introduction...253

7.1 Liaison dans le cadre de la TCSR... 254

7.2 Objectifs et domaine d’étude...257

7.3 Aperçu des traitements antérieurs des domaines de liaison en français...258

7.4 Supériorité d’une analyse par contraintes et CF...264

7.4.1 Liaison résultant d’une contrainte...265

7.4.2 Adjectifs prénominaux particuliers: la loi de Littré... 267

7.4.3 Liaison et malformation sous-jacente... 272

(12)

XII

7.5.1 Les logatomes (non-mots)...285

7.5.2 Alternances v/VN... 287

7.5.3 Adjectifs en contexte sémantique non approprié...288

7.5.4 Résultats du test de liaison et analyse... 291

7.6 Conclusion...294

Conclusion

générale

...

296

ANNEXES

...

301

ANNEXE

A

1.

Suffixes verbaux

des verbes

du type -[-er] 1.1 Suffixe -r...303

1.2 Suffixe -ir... 311

1.3 Suffixe -war ...316

1.4 Suffixe -tr/dr...318

2.

Listes des

verbes selon leur supplétivité et leur

défectivité

2.1 Verbes [-supplétif] [-défectif]...327

2.2 Verbes [H-supplétif] [-défectif]... 338

2.3 Verbes [-supplétif] [H-défectif]...342

2.4 Verbes [+supplétif] [+défectif]... 343

3.

Le participe passé 3.1 Radical+0...344

3.2 Radical+y ...346

3.3 Radical+i...352

(13)

3.5 Radical supplétif...359 3.6 Participe passé défectif... 365

ANNEXE

B

1. Test 1 des formes fléchies de logatomes verbaux... 367 2. Test 2 des formes fléchies de logatomes verbaux... 369

(14)

XIV 1. LISTE

DES

ABRÉVIATIONS

DANS

LE

TEXTE

A: attaque adj: adjectif adv: adverbe AF: affixe

AFG: suffixe global C/0: consonne/zéro

C: consonne ou coda selon le contexte CF: consonne flottante CL: consonne latente Cond: conditionnnel CP: consonne permanente déf: défectif fém: féminin FS J: forme sous-jacente fut: futur

fut ant: futur antérieur gr: groupe (de verbe) imp: imparfait Impér * : impératif Ind: indicatif Inf: infinitif masc: masculin N: noyau NB: noeud de base NL: noeud laryngal NP: noeud de place p. ant: passé antérieur p. comp: passé composé p. prés: participe présent p. simple: passé simple p.p.: participe passé pl-q-pr: plus-que-parfait pl: pluriel

(15)

prés: présent

R: règle ou rime selon le contexte S ou o: syllabe

sg: singulier

SPE: Sound Pattern ofEnglish de Chomsky et Halle (1968) Subj: subjonctif

supp: supplétif

TCSR: théorie des contraintes et stratégies de réparation UT: unité de temps

V: voyelle [ant]: antérieur [dist]: distribué

2. LISTES DES

ABRÉVIATIONS

DANS

LES

ANNEXES

Rd = radical+0 -y = Rd+y -i = Rd+i

supp = Rd supplétif

déf - participe passé défectif H = homme

(16)

CHAPITRE I

(17)

1. Introduction

Cette thèse porte sur les consonnes latentes (CL) dans la morphologie verbale du français. Tel que posé dans Paradis (1988a,b; 1990a,b), il sera montré que les alternances phonologiques sont causées beaucoup plus souvent qu’on ne le croit par des contraintes phonologiques ou, plus particulièrement, par des violations de contraintes phonologiques, lesquelles doivent être «réparées» par des stratégies de réparation. La réparation ou l’élimination de ces violations de contraintes cause des alternances, dont l’alternance consonne/zéro (C/0). Plus précisément, l’alternance C/0 résulte de l’élimination ou de la légitimation (la réalisation) d’une CL. Nous verrons en 3 que l’alternance C/0 peut aussi être le résultat d’une opération morphologique, par exemple une affixation, et que la composante morphologique, tout comme la syntaxe, interagit systématiquement avec la phonologie et ses contraintes.

1.1 Problématique

L’alternance C/0 joue un rôle important dans la morphologie flexionnelle et dérivationnelle du français. Par exemple, si l’on observe la flexion de genre des adjectifs [poti / potit] petit /petite, [gRO / gROs] gros /grosse en (la), on peut constater que la consonne finale des formes féminines disparaît au masculin. C’est ce qu’on appelle Y alternance C/0 (cf. Cléments et Keyser (1983) et Booij (1984), entre autres); cette alternance est analysée traditionnellement comme le résultat de la présence d’une CL (cf., entre autres, Michaut (1934), Trager (1944), Martinet (1969), Pinchon et Coûte (1981) pour des analyses ou des descriptions non génératives, et Schane (1968), Dell (1973) pour des analyses génératives). Des alternances semblables sont observables dans des flexions nominales de genre comme [maRjâ / maRjâd] marchand

(18)

3 /marchande, [avoka / avokat] avocat/avocate, en (lb), et des flexions verbales de personne comme [sûr / soRt] sort/sortent, [ku / kuz] coud/cousent, en (le).

c) formes verbales ; 0 / C (1) Morphologie flexionnelle a) formes adjectivales ; 0 / C masculin féminin [poti] / [potit] [gRo] / [gROS] petit/petite gros / grosse b) formes nominales ; 0 / C masculin féminin [maRja] 1 [maRjâd] [avoka] / [avokat] marchand / marchande avocat/ avocate singulier pluriel

[sor] / [sont] sort/sortent

[ku] ! [kuz] coud / cousent

L’alternance C/0 peut aussi être observée dans la morphologie dérivationnelle comme en (2).

(2) Morphologie dérivationnelle

adjectif

[pati] /

nom

[potites] petit/ petitesse

nom verbe

(19)

La liaison est aussi analysée comme la réalisation d’une CL. Il existe plusieurs contextes de liaison, dont ceux-ci:

(3) a) -en fin d’adjectif: dans petit^ami

b) -en fin de préposition: dans dans_une heure c) -en fin d’adverbe: dans très ^important d) -en fin de verbe: dans il vit^en France e) -en fin d’article: dans les^enfants

f) -en fin de nom: dans les^athlètes américains

[potitami] [dâzynœR] [trezêpORtd] [ilvitdfRds] [lezdfâ] [lezatletzameRikë]

D’un point de vue théorique, il est logique de penser que ces alternances de type C/0 ou, plus traditionnellement, les CL devraient être traitées et représentées de manière uniforme indépendamment de la catégorie morphologique des mots. De nombreux auteurs, dont Togeby (1951), Schane (1968), Selkirk (1972) et Dell (1973) ont déjà préconisé un traitement uniforme de l’alternance C/0 en français dans un cadre de phonologie strictement segmentale. Dans cette étude, nous proposerons un traitement de l’alternance C/0 dans un cadre de phonologie multilinéaire, qui a recours aux notions de contraintes et de stratégies de réparation telles que définies dans Paradis (1988a, b). Par ailleurs, bien que nous acceptions l’idée d’un traitement uniforme de l’alternance C/0, nous nous limiterons ici au traitement de l’alternance C/0 dans la flexion verbale, que nous relierons à l’occasion à l’alternance C/0 dans la flexion adjectivale et en contexte de liaison.

Tel qu’indiqué en (4), les CL sont analysées ici comme des consonnes flottantes (CF), c’est-à-dire des consonnes mal formées en forme sous-jacente (FSJ) parce que sans unité de temps.

(20)

5

(4) x x x x xxxxx xx

I I I I I I I I I II

p 9 t i t [psti] m a r J ô d [marja] k u z [ku]

Les CF violent le Principe de légitimation (présenté plus loin), qui pose que toute unité phonologique doit être intégrée dans une structure phonologique complète. Ces consonnes sont élidées par une stratégie de réparation si elles n’ont toujours pas reçu d’unité de temps au niveau postlexical. Tel que posé dans Paradis (1988a,b; 1990a,b), nous tenons pour acquis que les violations de contraintes peuvent être causées par des malformations sous-jacentes présentes, comme en (4), dans le dictionnaire restreint, des opérations morphologiques ou syntaxiques (des contextes de sandhi interne et externe) ou, encore, des conflits de contraintes phonologiques.

Ce n’est pas la première fois qu’il est proposé d’analyser les CL du français comme des CF. Des propositions semblables ont déjà été émises par Hyman (1985) et Prunet (1986; 1987), entre autres, pour rendre compte de l’alternance C/0 dans les adjectifs et la liaison. Toutefois, cette thèse constitue la première étude approfondie des CF dans les conjugaisons verbales du français (cf. Paradis et El Fenne (1991; 1992) pour un traitement plus succinct). Nous appliquerons le traitement que nous proposons à tous les temps verbaux du français.

(21)

1.2 Objectifs

La thèse vise les objectifs suivants: montrer que

(5) Objectifs généraux

a) l’alternance C/0 en français est souvent causée par des contraintes phonologiques et, plus précisément, par des violations de contraintes phonologiques, lesquelles doivent être «réparées»;

b) une analyse par contraintes et CF, qui fait usage d’outils phonologiques tels que les unités de temps de type x et la syllabe hiérarchisée (cf. section 1.3.2 pour une présentation de ces outils théoriques), permet de rendre compte de l’alternance C/0 de manière plus simple et plus «explicative» que les traitements antérieurs.

Le mot «explication» se définit comme en (6):

(6) Une explication est une généralisation qui permet de a) relier des faits en apparence non apparentés, b) réduire le nombre de causes et de sources à un phénomène donné et c) faire des prédictions (cf. Paradis (1990b)).

Plus spécifiquement, nous voulons montrer que:

(7) Objectifs spécifiques

a) les CL dans les radicaux verbaux sont des CF et que ces consonnes sont régies par les mêmes contraintes que celles qui gouvernent la morphologie adjectivale et nominale en français;

b) un grand nombre d’alternances phonologiques, incluant les alternances v/VN (ex.: il craint [krë], ils craignent [kreji]) dans les verbes du français, sont dues à la présence de malformations sous-jacentes, en l’occurrence, une CF en fin de radical verbal;

(22)

7 c) il n’existe pas de verbes du 1er, 2e et 3e groupes. Mis à part certains verbes irréguliers qui sont mémorisés, il n’y a que des verbes qui présentent l’alternance C/0, c’est-à-dire des verbes qui se terminent par une CF en FSJ (ex.: part [par] / partent [part] /par1/), et des verbes qui ne présentent pas l’alternance C/0 (ex.: parle [pari] / parlent [pari] /pari/);

d) il n’existe pas deux sortes de verbes en - ir, tel que présenté dans des ouvrages classificatoires comme Grevisse (1986), où l’on trouve fin-ir (verbe du 2e groupe) et sent-ir (verbe du 3e groupe), ni trois sortes de verbes en -r, tel que proposé dans des ouvrages de type analytique comme Martinet (1969) et Van den Eynde et Blanche-Benveniste (1970), où l’on a un suffixe -r sans voyelle thématique (fini-0-r), un suffixe -r avec voyelle thématique (dorm-i-r) et un suffixe -r avec consonne thématique (croî-t-re);

e) la distinction entre un radical à CF finale et un radical à consonne permanente (CP) finale permet de faire d’importantes prédictions quant à la sélection des suffixes infinitifs: les radicaux verbaux qui se terminent par une CF ne sélectionnent jamais le suffixe de l’infinitif -er alors que les radicaux qui se terminent par une CP prennent presque toujours (94,13% des cas) le suffixe -er.1

1 Nous verrons au chapitre 4 que les seuls verbes à CP qui ne prennent pas le suffixe -er sont tous des verbes qui se terminent par /j/ ou /r/ et qui, en outre, sélectionnent le suffixe -ir.

Nous verrons que, pour nous, il n’existe qu’un seul suffixe en -r et un seul suffixe en -ir. Nous verrons aussi que l’analyse par contraintes et CF a l’avantage de ne pas recourir à des règles arbitraires d’insertion de voyelles et consonnes thématiques, comme c’est le cas dans la plupart des analyses (ou classements) antérieures qui se fondent essentiellement sur la forme des suffixes infinitifs. La thèse vise avant tout à établir dans quelle mesure les alternances phonologiques peuvent être motivées par des violations de contraintes. Autrement dit, cette thèse se veut une contribution à la théorie des contraintes et stratégies de réparation de Paradis (1988a, b; 1990a, b).

(23)

La thèse sera organisée comme suit: le chapitre 1 présente la problématique, les objectifs, le cadre théorique et la méthodologie utilisée. En 2, nous exposerons les traitements antérieurs de l’alternance C/0 en français et, en 3, nous présenterons les hypothèses théoriques spécifiques en rapport avec la théorie des contraintes et stratégies de réparation (TCSR) (cf. Paradis (1988a, b; 1990a, b)). Le chapitre 4 constitue la partie la plus importante de la thèse, où nous comparons les analyses antérieures avec une analyse par contraintes et CF dans la morphologie verbale du français; nous y exposerons notre traitement de l’infinitif. Suivra, en 5, la littérature antérieure sur la décomposition des temps verbaux. En 6, nous présenterons notre propre traitement de l’ensemble des temps verbaux tandis qu’au chapitre 7, nous relierons notre traitement par contraintes et CF à la liaison en français, pour ensuite conclure.

1.3 Cadre théorique

Le cadre théorique général que nous adoptons dans cette étude est celui de la phonologie générative multilinéaire, qui fait usage notamment de la syllabe hiérarchisée (cf. Steriade (1982) et Kaye et Lowenstamm (1984), entre autres), des unités de temps et des structures segmentâtes. Ce cadre s’oppose à la phonologie segmentale (linéaire) des années 60. Plus spécifiquement, nous nous fonderons sur la TCSR de Paradis (1988a, b; 1990a, b), qui rejette 1e concept de «règle» tel qu’on 1e trouve dans SPE (Sound Pattern of English de Chomsky et Halte (1968)) au profit des principes et paramètres, lesquels sont plus généraux que tes règles (cf. aussi Kaye, Lowenstamm et Vergnaud (1985) pour une approche par principes et paramètres).

Dans cette section, nous verrons en quoi consiste la phonologie générative multilinéaire post-5PE. Il sera question ici uniquement des outils nécessaires à cette

(24)

9 étude. Nous verrons également en quoi consiste la phonologie lexicale (cf. Kiparsky (1982; 1985), Mohanan (1982; 1986) et Pulleyblank (1986)) et quelle est son importance au sein du modèle génératif. Enfin, nous ferons état de l’approche théorique spécifique adoptée ici, soit celle de la TC SR telle que proposée dans Paradis (1988a, b; 1990a, b) et Paradis et LaCharité (1993).

1.3.1 Phonologie générative standard

La phonologie générative a d’abord pris naissance avec Halle (1959) avant de connaître son véritable essor avec SPE en 1968. Le but principal est de comprendre la nature des systèmes de sons des langues naturelles et le fonctionnement des alternances phonologiques qu’elles présentent de manière à pouvoir représenter exhaustivement et explicitement la compétence du sujet parlant. La phonologie générative SPE est principalement centrée sur le formalisme des règles, lesquelles servent à relier des formes de base à des formes dérivées, soit la FSJ à la forme de surface.

(8) FSJ (base)

I

Règles

l

Forme phonétique (surface)

Toutes les règles phonologiques de type SPE ont la forme de base suivante:

(9) A -» B/ C__ D, où A constitue l’objet de la règle, B, le résultat de la règle et C__D, le contexte d’application de la règle.

(25)

Dans un cas concret comme celui de l’affrication (t —» r5 ou d —> dz) en français québécois, la règle énoncée en (9) sera représentée de la façon suivante:

(10) t —> ts/ i, y, où la règle change obligatoirement la dentale /t/ en affriquée [ts] devant une voyelle haute d’avant (ex: [potsi] petit, [tsye] tuer.

Cependant, le formalisme des règles dans SPE a été vivement critiqué par les tenants de la phonologie (générative) naturelle (cf. Stampe (1973), Venneman (1974), Hooper (1976), entre autres). En effet, les règles de type SPE sont surpuissantes dans le sens qu’elles peuvent manipuler n’importe quel contenu phonologique. Par exemple, elles peuvent effectuer des changements possibles, tel que celui décrit en (10), mais aussi des changements impossibles (non-attestés), tel que, par exemple, le changement d’une fricative sourde /s/ en une occlusive vélaire voisée /g/ devant une nasale coronale /n/, représenté en (11). (H) s [+continu] [-sonant] [-voisé] [+coronal] -> g [-continu] [+voisé] [-coronal] / _ n [+sonant] [+nasal] [+coronal]

Ce type de transformation représente une alternance hautement improbable (cf. Paradis (1993a: 17)).

1.3.2 Phonologie générative multilinéaire

Comme il est devenu de plus en plus évident que les représentations linéaires (segmentâtes) telles que posées dans SPE ne pouvaient, à elles seules, rendre compte de tous tes phénomènes observés en phonologie, dès tes années 70, on assiste à

(26)

11 l’élaboration de représentations autosegmentales (suprasegmentaies) en phonologie générative.

La phonologie autosegmentale a pris naissance avec les travaux de Williams (1971), Leben (1973) et Goldsmith (1976), qui ont formalisé les liens existant entre les représentations segmentâtes (tes segments) et tes représentations autosegmentales (tons, traits suprasegmentaux) par des conventions d’association, qui servent à relier tes éléments de tous tes paliers (cf. schéma (12)). Parallèlement, les propositions faites par Liberman (1975) et Liberman et Prince (1977) sur la notion de pied et Kahn (1976) sur la notion de syllabe ont conduit à la phonologie métrique (cf. Liberman et Prince (1977) et Hayes (1980; 1982; 1989)). Il a été proposé que tes règles qui gouvernent l’accent et l’intonation sont sensibles à la forme des syllabes, lesquelles sont regroupées dans des structures hiérarchiques appelées structures métriques.

La phonologie autosegmentale et la phonologie métrique ont ainsi donné naissance à la phonologie multilinéaire. La phonologie multilinéaire (multidimension­ nelle) conçoit les représentations phonologiques comme des représentations composées de plusieurs paliers distincts et autonomes: 1e palier métrique, 1e palier syllabique, 1e palier des unités de temps (1e squelette), 1e palier tonal, 1e palier autosegmental et 1e palier segmentai. Ces paliers, qui sont schématisés en (12), organisent tes sons en structures de syllabe, de pied métrique, de mot, de syntagme ou de phrase. Plus précisément, la structure métrique est composée de syllabes ou de rimes syllabiques, qui sont elles-mêmes construites à partir du squelette.

(27)

Les unités de temps (x) permettent d’encoder non seulement la longueur vocalique mais aussi la longueur consonantique (par opposition à la notion pragoise de more, qui ne peut rendre compte que de la longueur vocalique; cf. Troubetzkoy (1976))):

(13) voyelle longue consonne longue (ou géminée)

Une voyelle longue, ou une consonne longue, est un segment associé à deux unités de temps. Par exemple, dans les dialectes français où la nasale est géminée, le mot grammaire est représenté, en phonologie multilinéaire, avec la consonne nasale associée à deux imités de temps, tel qu’illustré en (14):

(14) X X X X XXX

I I I \z Il

g r a m e r

SQUELETTE

(28)

13 Un traitement identique est appliqué à la voyelle /u/ dans [juu-de] mains, un mot peul où la longueur vocalique est distinctive (cf. Paradis (1986: 276)).

(15) a) x x xxx i V I I

j u d e [juude]

Ce traitement découle de ce qu’on appelle le principe du contour obligatoire (PCO), proposé par Goldsmith (1976) et continué par McCarthy (1979; 1986). Ce principe interdit l’adjacence de deux éléments phonologiques identiques, que ces éléments soient des consonnes ou des voyelles. Ainsi, des représentations telles que celles présentées en (16) sont automatiquement et universellement exclues par ce principe (les formes agrammaticales sont précédées d’un astérisque).

(16) * x x xxx xx

I I I I I I I

g r a m m e r * X X X X X

I I I I I

juude SQUELETTE PALIER SEGMENTAI.

Le recours aux unités de temps permet aussi de décrire certaines alternances phonologiques qui relèvent de la morphologie, comme l’alternance C/0 en fin de mot dans petit /petite en français, représentée en (17), et que nous verrons en détail au chapitre 3. Tel que posé par Hyman (1985) et Paradis et El Fenne (1991; 1992), nous posons que la CL ne peut se réaliser phonétiquement que si elle reçoit une unité de temps. (17) FSJ féminin X X X X X X X X X 1 1 1 1 -> 1 1 1 1 1 p a t i t pat i t [pstit]

(29)

Venneman (1974), Hooper (1976) et Kahn (1976) ont été les premiers à mettre en évidence la nécessité de recourir à un modèle syllabique et à proposer des analyses syllabiques en grammaire générative. Kahn (1976) utilise toutefois des syllabes «plates» (non structurées) de type CV et sans constituant interne (cf. aussi Cléments et Keyser (1983) pour un type de syllabe semblable). Le modèle que nous adopterons est celui de Steriade (1982) et de Kaye et Lowenstamm (1984), lequel possède quatre constituants internes: l’attaque, la rime, le noyau et la coda. La rime est constituée d’un noyau obligatoire et d’une coda optionnelle. L’attaque, tout comme le noyau, est un constituant obligatoire même lorsque aucun contenu segmentai ou prosodique n’y est présent. Ce modèle encode directement la syllabe CV, soit la syllabe la moins marquée universellement.2 Le noyau représente le sommet de sonorité d’une syllabe, alors que l’attaque et la coda constituent ses extrémités. Tous les constituants syllabiques peuvent, comme l’attaque et la coda en (18), brancher, c’est-à-dire contenir deux segments associés chacun à une unité de temps x.

2 II est admis que la syllabe CV est la moins marquée parce que c’est le premier type de syllabe appris par l’enfant, elle est plus fréquente que les autres types de syllabes et on la trouve dans toutes les langues du monde (aucune langue ne peut contenir que des syllabes V ou CVC; par contre, certaines langues peuvent ne présenter que des syllabes CV. Cf. Paradis (1993a)).

(18) brusque [bRysk] S: syllabe A: attaque R: rime N:noyau C: coda x: squelette

Les années 1980 ont été marquées non seulement par la nécessité de représenter la structure interne des syllabes, mais aussi celle des segments. Il a été convenu que la

(30)

15 structure interne des segments doit être, elle aussi, représentée par des éléments hiérarchisés (cf. Anderson, Ewen et Staun (1985), Kaye, Lowenstamm et Vergnaud (1985) et Hulst et Smith (1985), entre autres) ou des traits hiérarchisés (cf. Mascaré (1976), Cléments (1985), Archangeli et Pulleyblank (1986), Sagey (1986), Steriade (1987) et McCarthy (1988), entre autres). Le modèle segmentai que nous adopterons et qui est représenté en (19), est en grande partie basé sur celui de Sagey (1986).

(19) Structure interne d’un segment3 (représentation simplifiée)

3 L’attachement du trait nasal directement au noeud de base du segment est basé sur Piggott (1991).

x NB [voise] NP - [nasal] [continu] [latéral] x : unité de temps NB: noeud de base NP: noeud de place NL: noeud laryngal [ant]: antérieur [dist]: distribué Labial I [arrondi] Coronal

/ \

[ant] [dist] [tendu] Dorsal (velaire) [haut] [arrière]

Un segment est donc composé d’un noeud de base auquel sont associés des traits terminaux, un noeud laryngal et un noeud de place. Le noeud de place contient des ensembles distincts regroupés sous trois articulateurs: Labial, Coronal et Dorsal. L’articulateur Labial est associé aux consonnes et aux voyelles labiales, l’articulateur Dorsal est associé aux consonnes vélaires et aux voyelles d’arrière, tandis que l’articulateur Coronal est associé aux dentales, aux alvéolaires, aux alvéo-palatales, aux palatales et aux voyelles d’avant. Contrairement aux autres noeuds, ces articulateurs

(31)

représentent des paliers indépendants et non ordonnés. Cette autonomie des paliers articulatoires a entraîné une redéfinition de la notion d’«adjacence» segmentale (cf. l’approche segmentale classique). Par exemple, les deux consonnes dans/pap/pape, lesquelles sont toutes les deux composées d’un articulateur Labial, sont considérées ici comme adjacentes au niveau de leur articulateur (cf. Yip (1988)). C’est ce que l’on peut observer dans le schéma suivant.

(20) P a P • • • NB

I

I

I

• • • NP

I

_____________ •____________Dorsal ______•____________•_____ Labial

Il a aussi été posé que les segments sont sous-spécifiés, c’est-à-dire que leur structure sous-jacente est incomplète (cf. Kiparsky (1982), Archangeli (1984), Steriade (1987), Avery et Rice (1989) et Paradis et Prunet (1991a, b), entre autres). Cette sou s-spécification vise, avant tout, à éliminer la redondance des représentations segmentales. La notion de «redondance» varie toutefois d’un modèle à l’autre. Comme le montrent Mester et Itô (1989), on peut distinguer plusieurs types de théories de sous-spécification dont la Naive Vnderspécification, qui fait référence à la notion pragoise d’archiphonème. Steriade (1987) et Cléments (1988) ont proposé une théorie de sous-spécification contrastive dans laquelle seuls les traits «non distinctifs» peuvent être sous-spécifiés. Le modèle de sous-spécification radicale pose, lui, que seules les valeurs marquées de traits distinctifs sont présentes en FSJ. Ce modèle aboutit à une plus grande sous-spécification des phonèmes en FSJ. Le modèle de Avery et Rice (1989), connu sous le nom de sous-spécification contrastive modifiée, se situe à mi- chemin entre la sous-spécification radicale proposée par Kiparsky (1982) et la sous-

(32)

17 spécification contrastive (pour un exposé détaillé de ces modèles, cf. Archangeli (1988) et Paradis et Prunet (1991b)).

Bien que, dans cette thèse, nous fassions peu usage des notions de sous- spécification et du statut des coronales, mentionnons que le modèle que nous adoptons est celui de la sous-spécification radicale de Paradis et Prunet (1991b), lequel a l’avantage d’encoder directement la notion de marque dans les représentations segmentâtes. Ce modèle permet plus particulièrement de rendre compte du statut spécial des coronales, traditionnellement identifiées comme tes consonnes tes moins marquées universellement. En effet, en plus d’être plus fréquentes que tes autres types de consonnes (cf. Maddieson (1984)), tes coronales sont souvent sujettes à des processus phonologiques tels que l’élision et l’harmonie. Elles servent aussi très souvent de segment épenthétique. Elles sont, en outre, souvent substituées et peuvent être transparentes aux voyelles dans certaines langues (cf. Paradis et Prunet (1989)). Tous ces faits ont conduit à l’hypothèse que l’articulateur Coronal est un articulateur de défaut et qu’il doit être sous-spécifié en FS J, tel que représenté en (21).

(21) Labiales NB Vélaires Coronales NB NB 1 NP i 1 NP i i Labial i Dorsal

Contrairement aux labiales et aux vélaires, tes coronales n’ont pas d’articulateur ni de noeud de place. L’articulateur Coronal est inséré en cours de dérivation phonologique par une règle de défaut comme en (22); pour une analyse plus détaillée du statut spécial accordé aux coronales, on peut consulter Paradis et Prunet (1991a).

(33)

Le français possède 12 consonnes coronales, comme on peut l’observer en (23).

(23) Inventaire des consonnes du français (niveau phonologique)

Labiales Coronales Vélaires

+ant -ant Obstruantes Occlusives

P

b t d k

g

Fricatives f

V

s z J 3 Sonantes Nasales m n P Liquides 1 r Glides

w

l

L

Il est à noter toutefois que le choix du modèle de sous-spécification adopté dans cette thèse n’a pas de conséquence pour notre analyse de la flexion verbale. Nous en faisons état pour faciliter la compréhension de certaines analyses antérieures comme Paradis et El Fenne (1991; 1992).

1.3.2.1 Phonologie lexicale

La phonologie lexicale rend compte de l’interaction entre la phonologie et la syntaxe, d’une part, et entre la phonologie et la morphologie, d’autre part. Les propositions de Chomsky (1970), Halle (1973) et Siegel (1974) ont été à la source de ce modèle. Siegel a proposé que la composante morphologique (le lexique) constitue une composante formelle de la grammaire au même titre que la phonologie, la syntaxe et la sémantique, position qui s’oppose à celle de la grammaire générative standard, qui répartissait la morphologie entre la syntaxe et la phonologie. La notion de «mot» ne jouait aucun rôle dans la théorie générative classique, excepté qu’elle était considérée

(34)

19 comme un stade accidentel dans la dérivation d’une phrase, tout comme le sont les phonèmes pour la formation d’un mot (cf. Mohanan (1986: 3)). La structure lexicale était rangée dans la composante syntaxique. Il n’y avait aucune distinction entre morphologie et syntaxe ni entre les alternances phonologiques conditionnées par la morphologie et celles qui ne le sont pas. Ainsi, la composante transformationnelle pouvait effectuer à la fois des opérations d’affixation (comme, par exemple, l’attachement du suffixe -ment à parle pour former le nom parlement) et des opérations syntaxiques (comme, par exemple, le déplacement du pronom personnel après l’auxiliaire dans il est parti —-> est-il parti?). Le lexique était considéré comme une sorte d’appendice qui contient des propriétés idiosyncrasiques non structurées et imprévisibles. L’attention des générativistes de la théorie standard portait uniquement sur les composantes syntaxique, phonologique et sémantique.

C’est cette organisation de la grammaire qui a été la source du déclin de la théorie générative standard et, en même temps, de la phonologie SPE. Dès les années 70, l’importance théorique du lexique augmente progressivement. Chomsky (1970) réintroduit la notion traditionnelle de «mot» et pose qu’il existe des règles lexicales indépendantes des règles syntaxiques. Halle (1973) a également attribué au lexique une structure plus riche et a orienté l’attention des chercheurs vers la nature des opérations lexicales et les règles qui gouvernent la structure des mots (cf. aussi Siegel (1974), Jackendoff (1975), Aronoff (1976) et Lieber (1980)). Depuis, le lexique joue un rôle très important dans la théorie générative.

L’hypothèse lexicaliste, en plus de reconnaître une place formelle à la morphologie, a eu pour effet de déterminer l’organisation de la phonologie et d’en augmenter l’importance au sein du modèle génératif. Les travaux de Kiparsky (1982; 1985), Mohanan (1982; 1986) et Pulleyblank (1986) en phonologie lexicale ont abouti

(35)

à la réalisation d’un modèle capable de décrire formellement les liens qui existent entre la phonologie et les autres composantes de la grammaire. Ce modèle est schématisé en (24) (cf. Mohanan (1986: 11)). (24)

Dictionnaire restreint

MORPHOLOGIE

—> —> <— <— strate 1 strate 2 (strate n) SYNTAXE —> <— —> PHONOLOGIE lexicale postlexicale NIVEAU

PHONÉTIQUE

Il est maintenant admis que la phonologie interagit avec plusieurs niveaux distincts, soient le lexique (la morphologie) et la syntaxe. Les processus phonologiques qui interagissent avec la morphologie constituent la phonologie lexicale, alors que les processus qui interagissent avec la syntaxe ou le niveau postsyntaxique constituent ce qu’on appelle la phonologie postlexicale. Quant au lexique, il est divisé en différents lieux de formation de mots, qu’on appelle les strates lexicales.

Cette organisation lexicale est à la base de la théorie de la morphologie lexicale. On reconnaît qu’il existe dans la plupart des langues au moins deux types d’affixes: ceux de la strate 1 (AFF1) et ceux de la strate 2 (AFF2). Par exemple en anglais, legal

(36)

21

—> illégal est une dérivation de la strate 1 où le /n/ du préfixe in s’assimile à la consonne suivante, assimilation qui n’a pas lieu dans load —» unload et non ^ulload, une dérivation de la strate 2 (où un- est un AFF2), (cf. Paradis (1993a)). Parmi les critères qui permettent de différencier la strate 1 de la strate 2, on peut dire que les dérivations de la strate 2 sont beaucoup plus productives dans le sens qu’elles sont plus nombreuses que celles de la strate 1 ; elles sont aussi moins opaques au point de vue sémantique, c’est-à-dire que le sens des mots est toujours transparent. Contrairement aux dérivations de la strate 1, les dérivations de la strate 2 présentent non seulement un nombre très faible d’exceptions, mais elles sont aussi moins sujettes à des assimilations phonologiques. Par ailleurs, dans les langues qui présentent des radicaux liés et des radicaux autonomes (non liés), les dérivations de la strate 2 sont presque toujours composées d’un radical autonome plus un AFF2, lequel ne peut précéder un AFF1 dans une même dérivation. Et enfin, les mots nouveaux sont toujours formés à partir d’un AFF2.

En somme, les dérivations qui sont effectuées près du dictionnaire restreint sont souvent opaques et irrégulières; elles requièrent, par conséquent, un plus grand effort de mémorisation. Au contraire, les dérivations qui sont effectuées près de la composante syntaxique sont plus transparentes et régulières et demandent donc moins de mémorisation.

1.3.2.2 Stratégies de réparation

Au cours des années 1970, les règles de SPE ont beaucoup perdu de leur importance au profit des principes et paramètres. Cette optique en phonologie générative des années 80 est aussi appelée la no rule approach. Durand (1990: 274) note que «in its strongest form, Universal Phonology advocates the abandonnant of ail

(37)

rules (in the sense of extrinsically ordered statements) and daims that observed phonological phenomena resuit from the interaction of general principles goveming phonological représentations and structures and the parameter values set in particular languages». Plusieurs linguistes générativistes, dont Kaye, Lowenstamm et Vergnaud (1985), Singh (1985), Archangeli et Pulleyblank (1986), Itô (1986) et Paradis (1988a, b; 1990a, b; 1993a, b), pour n’en mentionner que quelques-uns, ont délaissé totalement ou partiellement les règles de type SPE au profit de principes et paramètres.

Les principes et les paramètres, à la différence des règles, sont plus généraux en ce qu’ils constituent des projections directes de la grammaire universelle. Les principes sont des «contraintes universelles» qui déterminent ce qui est possible linguistiquement (cf., entre autres, Paradis (1988a)) et les paramètres sont des «options» universelles sélectionnées ou non par les langues. Les paramètres rendent donc compte de la variation linguistique (cf. Paradis (1988b)). Les principes et les paramètres, par opposition aux règles, n’effectuent aucun changement en soi (cf. McCarthy (1986)): ce sont les «stratégies de réparation», lesquelles ont pour fonction de préserver les contraintes, qui effectuent les changements (cf. Singh (1985) et Paradis (1988a, b;

1990a, b)).

Tel que posé dans Singh (1985; 1987), il n’existe pas de règles phonologiques: seules les stratégies de réparation, ce qu’il appelle les «global alternations», sont requises en phonologie. Les stratégies de réparation sont des opérations qui s’appliquent à un élément ou une structure phonologique dans le but de réparer une violation de contrainte phonologique (une malformation phonologique) universelle ou particulière de langue. Les stratégies de réparation, par opposition aux règles phonologiques, qui sont contextuelles et arbitraires, n’ont pas de contexte spécifique de type (/ C__ D). C’est la contrainte elle-même qui justifie l’application d’une

(38)

23 stratégie de réparation: une stratégie de réparation ne s’applique que pour préserver une contrainte. En ce sens, les stratégies de réparation sont plus économiques que les règles. Les stratégies de réparation sont aussi plus explicatives en ce qu’elles peuvent établir des liens avec des faits en apparence non reliés (dans une même langue ou entre différentes langues), en montrant que les langues sont sujettes au même type de contraintes, déclenchant des stratégies de réparation fonctionnellement semblables (c’est-à-dire des mécanismes qui ont pour fonction d’éliminer une même violation). Par ailleurs, différents types de stratégies de réparation (épenthèse, dissimilation, élision, etc.) peuvent préserver une même contrainte dans des contextes différents (cf. Paradis (1990a)). Kisseberth (1970) et Kenstowicz et Kisseberth (1979) définissent ce type de situations comme des «conspirations phonologiques».

Cependant, dans le modèle de Singh, la composante phonologique n’interagit pas avec la composante morphologique. Singh pose l’existence de deux types d’alternances phonologiques, les «globales» et les «locales»: les alternances phonologiques globales sont gouvernées par les conditions de bonne formation de mots et relèvent entièrement de la phonologie, tandis que les alternances locales sont sensibles à l’information morphologique et relèvent donc de la morphologie. Autrement dit, un processus phonologique, global alternation, ne peut s’appliquer à la fois dans la composante phonologique et dans la composante morphologique parce que, selon lui, les processus phonologiques sont ordonnés après toutes les opérations morphologiques (opérations d’affixation). Ce qui s’oppose à la théorie lexicale de Kiparsky (1985) et Mohanan (1986), où les processus phonologiques peuvent interagir avec les opérations morphologiques à tous les niveaux lexicaux. Singh pose aussi que les contraintes phonologiques n’ont pas lieu dans le lexique et, par conséquent, ne peuvent gouverner de processus appartenant à cette composante. Cependant, les tenants de la phonologie lexicale et, particulièrement, Paradis (1988a:

(39)

76-83) ont clairement montré que des processus purement phonologiques pouvaient être limités à une strate lexicale donnée. Par ailleurs, Archangeli et Pulleyblank (1986: 33) admettent qu’il existe des domaines de processus et de contraintes, c’est-à-dire qu’une contrainte ou un processus peut avoir lieu dans le lexique ou dans les deux composantes, lexicale et postlexicale, mais aucun processus ou contrainte ne peut avoir lieu uniquement dans la composante postlexicale sans être aussi effectif dans le lexique (cf. aussi Paradis (1988a) pour une critique de Singh (1985; 1987) basée sur l’existence d’un processus purement phonologique en peul, qui s’applique à la fois dans le lexique et au niveau postlexical).

Ce sont tous ces faits qui ont conduit Paradis (1988a, b) à proposer un modèle de contraintes et stratégies de réparation, combiné à plusieurs autres modèles en phonologie générative, notamment celui de la phonologie lexicale de Kiparsky (1985) et Mohanan (1986) et celui des principes et des paramètres proposé par Kaye, Lowenstamm et Vergnaud (1985), entre autres. Contrairement à Singh (1985; 1987), Paradis (1988a, b) propose un modèle des contraintes et stratégies de réparation où les contraintes phonologiques sont effectives dans la composante lexicale et postlexicale. Autrement dit, elle propose un modèle où les «global alternations» et les contraintes phonologiques peuvent interagir avec les opérations morphologiques.

1.3.2.3 Théorie des contraintes et stratégies de réparation (TCSR)

Le cadre théorique adopté ici est celui de Paradis (1988a, b), dans lequel les processus phonologiques sont interprétés non pas comme des règles spécifiques à chaque langue, mais comme des stratégies de réparation qui servent à préserver des contraintes phonologiques universelles ou particulières de langues.

(40)

25 Suivant le modèle de Archangeli et Pulleyblank (1986), Paradis (1988b) limite les processus phonologiques à deux opérations. Elle pose que les stratégies de réparation ne peuvent effectuer que les opérations suivantes:

(25) a) insérer Z b) élider Z

0 —> Z Z —> 0

où «Z» représente n’importe quel matériel phonologique (un segment, une unité de temps, etc.) ou un lien entre deux éléments phonologiques.

L’insertion d’un lien entre un élément A et un élément Z, telle que représentée en (26a), peut résulter en une épenthèse selon le contexte, alors que l’élision du lien entre A et Z, comme en (26b), aboutit à un effacement si aucune association subséquente de A ou Z à un autre élément phonologique n’est effectuée.

(26) a) insertion d’un lien b) élision d’un lien

A A

Z Z (Paradis (1988b))

Nous avons déjà dit que les stratégies de réparation ne s’appliquent qu’en cas de violation de contraintes. Il existe trois sources de violations de contraintes:

1) les malformations phonologiques dans le dictionnaire restreint (cf. Paradis (1993b)). Comme nous l’avons déjà vu, les adjectifs français dont le féminin est indiqué par la prononciation d’une consonne finale, tels que petit/petite (/t/), gros / grosse (/sf), se terminent en fait par une CF en FSJ. Cette consonne ne peut se réaliser phonétiquement et doit, par conséquent, être élidée au masculin à cause du principe énoncé en (27).

(41)

(27) Principe de légitimation: 4

4 Cf. aussi le Prosodie Licensing Principle (Itô, 1986) et le Licensing Principle de Paradis et Prunet (1989: 323) pour une version légèrement différente.

5 Cf. aussi le CV-Precedence, un principe qui favorise les attaques syllabiques (Itô (1986)). Ce principe s’applique uniquement aux consonnes intervocaliques: «The sequence CV must belong to a single syllable» (Itô (1986: 165)). Cf. aussi le Onset Principle proposé plus tard par Itô (1989), lequel ne permet pas les attaques vides. Ce principe est cependant limité à la morphologie dérivationnelle.

Toute unité phonologique doit être légitimée au niveau prosodique et segmentai, c’est-à-dire être intégrée dans une structure phonologique immédiate complète. (Cf. Paradis et El Fenne (1991; 1992) et Paradis (1993b)).

Autrement dit, si un élément n’est pas associé à une structure, il ne peut se réaliser phonétiquement

2) Les opérations morphologiques, telles que des opérations d’affïxation comme dans petit /petit-esse [poti - potit-es], où la CF de l’adjectif peti 1 se retrouve devant un suffixe à attaque vide, en l’occurrence -esse, ou des opérations syntaxiques comme dans la liaison: petit ami [potit^ami], où la CF /t/ (de l’adjectif prénominal petit) se retrouve devant un mot qui commence aussi par une attaque vide. Dans ces deux cas, le principe des attaques vides, présenté en (28), est violé.

(28) Principe des attaques vides: 5

Une attaque vide ne peut être phonologiquement ou morphologiquement précédée d’une consonne permanente ou flottante. (Cf. Paradis et El Fenne (1991; 1992; 1993)).

3) Les conflits de contraintes comme, par exemple, dans l’adjectif fin/fine [fë-fin], où l’association de la CF M de la FS J /fin/ au noeud de base de la voyelle qui

(42)

27 la précède en (29) (due au principe de légitimation, lequel ne permet pas, comme on l’a déjà vu, la présence de segment flottant) entraîne la violation d’une autre contrainte.

(29) Représentation simplifiée a) FS J b) Masc. Squelette NB NP x x I I • • • .. [+nasal] A N I I x x [+nasal] [+tendu] [+tendu] Segments f n f i n

Cette contrainte, présentée en (30), ne permet pas la présence d’une voyelle [+tendu], [+nasal] (* 1) en français.6 Cette contrainte peut être formalisée comme dans LaCharité et Paradis (1993: 14).

(30) Contrainte sur les voyelles nasales en français

*[+tendu] [+nasal]

En (31b), on peut voir que l’association du trait nasal au noeud de base de la voyelle entraîne justement la présence d’une voyelle tendue, nasale.

6 Pour les dialectes français qui admettent les voyelles nasales tendues comme /O/ (cf. Plénat (1987) à propos du français parisien), nous dirons que ces dialectes n’admettent pas les voyelles nasales [+haut], La nature exacte du trait terminal impliqué importe peu ici.

(43)

(31) Représentation d'un conflit de contrainte

a) FS J: violation du principe de légitimation b) Masc.: stratégie de réparation A et violation de la contrainte en (30). x

I

NB

I

[+nasal] NP I [+tendu] x [+nasal] I [+tendu]

c) Stratégie de réparation B: dissociation de [+tendu]

x NB • • NP [+nasal] • [+tendu]

NB = noeud de base, NP = noeud de place, (cf. structure interne d'un segment, schéma (19)).

La violation aboutissant à (31b) est ensuite réparée par la stratégie la moins coûteuse, soit la dissociation du trait problématique: le trait [+tendu] (cf. (31c)). Nous verrons en détail en 3.1.3 au chapitre 3 que cette dissociation du trait [+tendu] est due en partie au principe de minimalité, présenté en (32).

(32) Principe de minimalité:

Une malformation doit être réparée par une modification au niveau le plus bas auquel fait référence la contrainte violée. (Cf. Paradis (1993b)).

(44)

29 Le niveau le plus bas est déterminé par l’échelle suivante:

(33) Hiérarchie des niveaux phonologiques:1

7 Cf. Paradis (1993b) et aussi LaCharité (1993) pour une version légèrement modifiée.

structure métrique > syllabe > squelette (UT) > noeud de base > noeud de place > articulateurs > traits terminaux.

La TCSR ne rejette pas complètement l’existence des règles spécifiques à chaque langue, mais elle propose de limiter ces règles aux processus phonologiques conditionnés morphologiquement. Les processus phonologiques, qui servent à préserver une structure, sont gouvernés par des contraintes phonologiques universelles (principes) ou non universelles (réglages paramétriques), alors que les opérations morphologiques (ex: opérations d’affixation) sont insensibles à ces contraintes. Les contraintes phonologiques dans la TCSR peuvent avoir deux effets:

1) bloquer un processus phonologique;

2) causer l’application d’une stratégie de réparation lorsqu’une violation est inévitable.

(Cf. aussi Yip (1988) pour une discussion sur les doubles effets de contraintes).

L’effet de «blocage», par opposition aux stratégies de réparation, est plus économique dans la mesure où il n’entraîne aucun changement. Il a donc la priorité sur le deuxième effet.

(45)

1.4 Méthodologie

Le corpus a été établi à partir d’une banque de données que nous avons constituée en recueillant de façon exhaustive tous les verbes du troisième groupe présents dans Bescherelle (1985). Les champs de la banque ont été définis à partir du radical verbal, de la consonne finale du radical, du suffixe infinitif et du degré de mémorisation de chaque verbe [^supplétif] ou [+ défectif]. Par exemple, le verbe partir [par/part] est marqué [-supplétif] parce qu’il ne possède qu’une seule base verbale (un seul radical à consonne finale flottante) et [-défectif] parce qu’il se conjugue à tous les temps et à toutes les personnes. Cependant, le verbe prendre, lui, est marqué [4-supplétif] parce qu’il possède plusieurs radicaux verbaux /prû-pren-pron-priz, etc./. Autrement dit, nous posons que les variantes de surface [pra-pren-prono-pri] ne peuvent être dérivées l’une de l’autre en synchronie.8 Nous les analysons donc comme étant mémorisées. On peut observer en (34) les verbes [-défectif] du troisième groupe répartis selon leur supplétivité.

8 On peut consulter les listes des verbes [±supplétifs] et/ou Ltdéfectifs] dans la section 2 de l’annexe A (pp. 325-343).

(34) Pourcentage des verbes non défectifs du 3e groupe à partir de Bescherelle verbes 3e gr: 375 total %

-supp -déf 257 68,5

+supp -déf 82 22

total 339/375 90,5

Les verbes [+défectif] sont aussi marqués [+supplétif]. Par exemple, clore est marqué [-supplétif] parce qu’il ne possède qu’une seule base verbale à CF (/kloz/) et [4-défectif] parce qu’il ne se conjugue pas à tous les temps (il n’a pas d’Ind imp) ni à

(46)

31 toutes les personnes (il n’a pas de 1 et 2pl Ind prés). Quant à falloir, il est marqué

[+défectif] parce qu’il n’a pas d’impératif et ne se conjugue qu’à la 3sg, et [+supplétif], parce qu’il possède plusieurs bases verbales non dérivables l’une de l’autre en synchronie (/fo-fal-faj-fod/). Le tableau en (35) indique le pourcentage des verbes défectifs, à l’intérieur du traditionnel 3e groupe, selon notre classement.9

9 II est à noter que, contrairement à Bescherelle, nous analysons le verbe renaître, qui n’a pas de forme au p.p. et les verbes foutre et contrefoutre, qui n’ont pas de forme au p. simple, p. ant, Subj imp et Subj pl-q-pr, comme des verbes [- défectif] parce qu’ils sont défectifs à des temps littéraires seulement.

10 La notation - [-er] désigne les verbes qui n’appartiennent pas aux verbes du traditionnel 1er groupe.

(35) Pourcentage des verbes défectifs du 3e groupe à partir de Bescherelle verbes 3e gr: 375 total %

+déf -supp 23 6

+déf +supp 13 3,5

total 36/375 9,5

Dans ce tableau, nous avons inclus deux des huit verbes défectifs -[-er],10 présentés en (36). Ces verbes, qui sont absents du Bescherelle, sont pour la plupart inusités. On les retrouve surtout dans des ouvrages littéraires ou juridiques.

(36) Verbes défectifs non classés par Bescherelle

a) apparoir (une forme: 3sg Ind prés, il appert ) b) comparoir (une forme: Inf)

c) férir (deux formes: Inf et p.p.,/ér« ) d) issir (une forme: p.p., issu )

e) occire (deux formes: Inf et p.p. et temps composés, occis )

f) rassir (deux formes: Inf et p.p., rassis. Cette forme se comporte plutôt comme un adjectif: pain rassis).

g) sourdre (une forme à CF: Inf et 3sg et 3pl Ind prés et imp, il sourd, ils sourdent, ils sourdaient )

(47)

h) bruire (une forme à CF: 3sg et 3pl Ind prés, imp, Subj prés et p. prés, ils bruit, ils bruissent, ils bruissaient, bruissant ).

La raison pour laquelle Bescherelle n’a pas tenu compte des verbes mentionnés en (36) vient probablement de ce que ces verbes ne contiennent pas l’information suffisante pour un classement par groupes. En effet, on peut remarquer que les verbes apparoir et issir possèdent une forme unique (/aper/ z7 appert, 3sg Ind prés de apparoir et/isy/ issu(e), p.p. de issir); leur forme infinitive n’étant utilisée que pour fin de classement. Pour ce qui est du verbe comparoir, on ne sait pas où se fait la coupure morphologique entre le radical et le suffixe de l’infinitif (ex.: /k5par-war/ ou /kôparwa-r/ compar-oir ou comparoi-r). Le même problème se pose avec/érzr, occire et rassir, bien qu’ils aient chacun un participe passé en plus de la forme infmitive (/fér­ ir/ ou /feri-r/, p.p.: /fery/ féru; /oks-ir/ ou /oksi-r/, p.p.: /oksis/ occzs/occwe; /ras-ir/ ou /rasi-r/, p.p.: /rasis/ rassis/rassise). Pour notre étude, rien n’indique non plus si le radical de ces verbes se termine par une CP ou une CF ou une voyelle. Seuls les verbes bruire et sourdre présentent des formes qui aident à déterminer la forme du radical de base et le suffixe qui s’y rattache. C’est pourquoi nous avons intégré ces deux verbes dans le corpus que nous étudions, même si Bescherelle ne les mentionne pas, mais avons ignoré les autres verbes mentionnés en (36).

En (37), nous présentons un tableau récapitulatif qui regroupe tous les verbes du 3e groupe selon leur supplétivité et leur défectivité. Ces pourcentages comprennent tous les dérivés verbaux comme refaire, parfaire et surprendre, comprendre, etc.

(48)

33 (37) Pourcentage des verbes du 3e groupe [±supp] et [+déf]

verbes 3e gr: 375 total % -supp -déf 257 68,5 +supp -déf 82 22 -supp +déf 23 6 +supp +déf 13 3,5 total 375 100

En ajoutant les 331 verbes du traditionnel «2e groupe», lesquels présentent tous un radical verbal à CF, en l’occurrence /s/, et ne comportent aucune défectivité ni supplétivité, nous obtenons les chiffres suivants:

(38) Pourcentage des verbes des 2e et 3e groupes verbes 2e et 3e gr: 706 total % -supp -déf 588 83,3 +supp -déf 82 11,6 -supp +déf 23 3,3 +supp +déf 13 1,8 total 706 100

Le tableau présenté en (38) indique que les verbes des 2e et 3e groupes comportent 611 verbes [-supplétif] (588+23 —» 86,6 %) et 95 verbes [+supplétif] (82+13 -+ 13,4%).

Des 706 verbes mentionnés en (38), 642 sont des verbes à CF. Pour obtenir ce nombre, nous avons éliminé les 30 verbes en -ir qui se terminent par une CP, et les 34 verbes en -r qui se terminent par une voyelle. Des 642 verbes à CF, 547 sont non supplétifs et 95 sont supplétifs. C’est ce qu’on peut observer dans le tableau présenté en (39).

(49)

(39) Pourcentage des verbes supplétifs des 2e et 3e groupes avec CF verbes 2e et 3e gr: 642 total %

-supp 547 85

+supp 95 15

total 642 100

Les tableaux de cette section tiennent compte des verbes du 2e groupe, bien que ceux-ci ne soient pas présentés dans la banque en annexe A. Ceci à cause du fait que les verbes du 2e groupe sont très réguliers et donc très prévisibles. La même décision s’applique aux verbes du 1er groupe, qui constituent l’immense majorité des verbes français et qui se terminent toujours par une CP, lorsque le verbe se termine par une consonne.11’12 À l’inverse, les radicaux des verbes du 2e groupe se terminent tous, comme nous l’avons mentionné plus haut, par une CF, qui est toujours la même, soit /s/ (ex: /finis/ pour finir, /obéis/ pour obéir, etc.). Le type de consonnes finales (permanentes/flottantes) est donc prévisible pour les verbes du 1er et du 2e groupes: c’est pourquoi il aurait été inutile d’intégrer ces verbes dans la banque de données.

11 II est à noter que certains parlers du firançais québécois présentent la forme fauz] (ils jousent) au lieu de feu] ils jouent. Nous analysons cette forme comme une variante supplétive du verbe jouer et non une variante à CF puiqu’on n’a pas de formes *jousons, jousez à la 1 et 2pl Ind prés ni de forme jouser à l’infinitif, mais jouons, jouez et jouer. Autrement dit, le /z/ dans feuz] ne peut pas constituer une CF parce qu’il ne se réalise pas devant une attaque vide dans les formes de la 1 et 2pl Ind prés. Cette variante du verbe jouer relève d’un parler de niveau «populaire» réservé à certains dialectes du français québécois, des dialectes qui s’écartent du français dit «standard» que nous étudions ici.

12 Notons, aussi, que 4% des verbes du 1er groupe ont un radical qui se termine par une voyelle: par exemple, plier, tuer, clouer, etc.

13 On peut consulter ces classements dans l’annexe A.

Une fois la banque de données établie, nous avons procédé à des classements d’abord par type de suffixe, ensuite par segment en fin de radical.13 Comme nous le verrons en 4.1, les traditionnels verbes du 3e groupe présentent quatre suffixes

(50)

35 infinitifs (-r, -ir, -war et -tr/-dr). Nous verrons plus loin, au chapitre 4, que [-tr] et [-dr] sont en distribution complémentaire et que, par conséquent, ils constituent un seul et même suffixe. Ces classements nous ont permis d’observer que les radicaux des verbes du 3e groupe se terminent presque toujours par une CF, exceptés ceux en -ir, qui, dans 34 verbes, se terminent par une CP. Cette consonne est toutefois limitée à /j/ et /r/ (ex: /kœj-ir/ cueillir et /kur-ir/ courir), comme l’indique le tableau suivant

(40) Tableau exhaustif des types de segments en fin de radical verbal: 2e et 3e groupes.

SUFFIXES -tr -dr -r -ir -war

CF t, s d, z, 1, n,p s, z, p, k, v t, z, n, m, v,j v,l CP

V y, i, e, wa, wi, qi, je

En somme, on peut dire que, sur les 12 000 verbes de Bescherelle (1985), 642 verbes ont une consonne finale flottante et que ces verbes se trouvent tous dans les traditionnels 2e et 3e groupes. Par contre, les verbes du traditionnel 1er groupe (verbes en -er), qui constituent la majorité des verbes du français (soit 11294 verbes) et qui sont très productifs, se terminent dans 100% des cas par une non CF, c’est-à-dire soit par une voyelle (quelques cas), soit par une CP (la vaste majorité des cas).14 Ceci est résumé en (41).

14 Sauf dans de rares formations analogiques comme alunir (basé sur atterrir et amerrir), les nouveaux verbes prennent le suffixe infinitif -er, par exemple, dialoguer, fétichiser, glander, informatiser, etc.

(51)

(41) Classement des verbes du français

Verbes

du

1er groupe

(10807 verbes à CP et 487 à finale vocalique): aucune CF finale.

Verbes

du 2e groupe (331): la consonne finale est toujours flottante, en l’occurrence /s/.

Verbes

du 3e groupe (375): dont 311 à consonne finale flottante.

Même si les verbes à CF ne forment pas la majorité des verbes du français, ils forment un groupe suffisamment important pour qu’il vaille la peine de les étudier. Les principaux ouvrages consultés pour la collecte des données sont Bescherelle (1985), Juilland (1965) et Casagrande (1984).

(52)

CHAPITRE n

LES

CONSONNES LATENTES: LITTÉRATURE ANTÉRIEURE

ET

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