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Les mécanismes de plainte interétatique en matière de droits humains : l'influence d'une procédure judiciarisée

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Academic year: 2021

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Les mécanismes

de plainte interétatique en matière de droits humains :

L’influence d’une procédure judiciarisée

Mémoire

Nicolas Michaud

Maîtrise en études internationales

Maître ès arts (M.A)

Québec, Canada

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Les mécanismes

de plainte interétatique en matière de droits humains :

L’influence d’une procédure judiciarisée

Mémoire

Nicolas Michaud

Sous la direction de :

Dominic Roux, directeur de recherche

Anessa Kimball, codirectrice de recherche

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Résumé

Intégrés dans la majorité des conventions internationales visant la protection des droits humains, les mécanismes de plainte interétatique sont une composante fondamentale du système international de protection des droits de l’homme. Depuis 1919, date à laquelle l’OIT a introduit pour la première fois ce type de mécanisme, seulement une quinzaine de plaintes interétatiques ont été déposées par les États parties alors qu’un nombre substantiel de plaintes individuelles ou, dans le cas de l’OIT, de plaintes syndicales et patronales ont été entreprises. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer le faible intérêt des États envers ces procédures. Dans ce mémoire, nous explorons le lien entre le caractère judiciaire des mécanismes de plaintes interétatiques et leur utilisation. Plus précisément, en établissant un modèle permettant de mesurer le degré de judiciarité de ces mécanismes et en procédant à quelques études de cas, ce mémoire met de l’avant l’influence que peut avoir une procédure judiciarisée sur la fréquence d’utilisation de ce type de procédures. Sans répondre à l’ensemble des questions entourant les difficultés auxquelles sont confrontés les mécanismes de plainte interétatique en matière de droits humains, notre mémoire contribue néanmoins à approfondir la réflexion entourant cette problématique. Finalement, la recension des plaintes interétatiques ainsi que la présentation de l’ensemble des mécanismes de plainte, y compris ceux entrés en vigueur récemment, offrent une synthèse permettant de mieux saisir l’apport de ces procédures à la protection des droits humains.

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Table des matières

Résumé ________________________________________________________________________________ iii

Table des matières _______________________________________________________________________ iv

Liste des figures __________________________________________________________________________ vi

Liste des tableaux ________________________________________________________________________ vii

Remerciements _________________________________________________________________________ viii

Introduction _____________________________________________________________________________ 1

La problématique ______________________________________________________________________ 1 Méthodologie _________________________________________________________________________ 4 L’intérêt de notre recherche ______________________________________________________________ 6

Chapitre 1 : Les mécanismes de plainte interétatique ___________________________________________ 8

Identification des procédures de plainte interétatique _________________________________________ 8 La Constitution de l’Organisation Internationale du Travail ____________________________________ 10 La Convention européenne des droits de l’homme ___________________________________________ 13 La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale _________ 17 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques _____________________________________ 18 La Convention américaine relative aux droits de l’homme _____________________________________ 22 La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ______________________________________ 25 La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants _____ 29 La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées 30 Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels _____________________________________________________________________________ 31 Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de

présentation de communication. _________________________________________________________ 33

Chapitre 2 : Le degré de judiciarité des procédures de plainte interétatique _______________________ 36

Cadre théorique _______________________________________________________________________ 36 Notre modèle _________________________________________________________________________ 40

L’accès ____________________________________________________________________________ 42 Les décideurs _______________________________________________________________________ 44 La force décisionnelle ________________________________________________________________ 47 L’exécution de la mise en œuvre des décisions ____________________________________________ 50

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Chapitre 3 : Analyse _____________________________________________________________________ 53

Analyse du degré de judiciarité ___________________________________________________________ 53 La recension des cas de plainte interétatique _______________________________________________ 57 Comparaison entre les cas de plainte et le degré de judiciarité _________________________________ 64 Étude de cas __________________________________________________________________________ 67

Géorgie – Russie ____________________________________________________________________ 68 Nicaragua – Costa Rica _______________________________________________________________ 71

Conclusion _____________________________________________________________________________ 76

Bibliographie ___________________________________________________________________________ 81

Annexe 1 : Principales caractéristiques des mécanismes étudiés _________________________________ 87

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Liste des figures

Figure 1 : Degré de judiciarité _____________________________________________________________ 41 Figure 2 : Accès au mécanisme de plainte ___________________________________________________ 43 Figure 3 : Accès durant le traitement de la plainte ______________________________________________ 44 Figure 4 : Décideurs_____________________________________________________________________ 47 Figure 5 : Force décisionnelle _____________________________________________________________ 49 Figure 6 : Exécution de la mise en œuvre des décisions _________________________________________ 52 Figure 7 : Classement des mécanismes de plainte interétatique ___________________________________ 56

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Liste des tableaux

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Remerciements

Pour leurs bons conseils, je remercie mes codirecteurs, Anessa et Dominic. Merci à Geneviève, qui m’a encouragé à retourner aux études pour entreprendre ce projet et, plus encore, pour son écoute durant les longues minutes où je lui ai fait part en détail de mes nombreuses remises en question. À mes parents, Gilles et Nicole, pour leur soutien indéfectible depuis 27 ans. Finalement, au petit Louis qui m’a tenu compagnie au cours des derniers miles.

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Introduction

La problématique

Sur la scène internationale, on recense diverses institutions régionales et internationales au sein desquelles les États ont participé à la rédaction de conventions visant la protection des droits humains. L’Organisation des Nations unies (ONU), l’Organisation Internationale du Travail (OIT), l’Organisation des États américains, l’Union africaine et le Conseil de l’Europe sont des institutions qui ont adopté de telles conventions. Ces dernières couvrent un large éventail de droits humains tels que le droit à la vie, le droit à la liberté d’expression et le droit d’association. De plus, certaines pratiques telles que le travail forcé ou encore la torture sont expressément interdites. Puisque ces conventions ont fait l’objet d’une vaste ratification, parfois même universelle, ces dernières forment un élément central du système international de protection des droits humains.

En ratifiant ces conventions ou en y adhérant, les États acceptent non seulement de se conformer aux normes qui y sont énoncées, mais également de se soumettre à des procédures qui visent à s’assurer que ces normes sont appliquées de manière concrète et effective. Afin de veiller au respect des obligations contractées par les États parties, différents mécanismes de surveillance sont intégrés dans ces conventions. La procédure de plainte interétatique constitue l’un de ces mécanismes. Dans une étude portant sur les mécanismes de surveillance en matière de droits humains, Kidanemariam retient que « The term Inter-state complaint, in international law, refers to complaints made by one state against another before an international body or tribunal alleging a violation of other state’s obligations. » (2006, p. 24). Les plaintes interétatiques sont donc un mécanisme de surveillance qui implique directement les États dans le processus visant à assurer le respect des obligations contractées par les autres États parties. Ce mécanisme de surveillance prend son origine dans l’intérêt qu’ont les États pour le respect des droits humains (Kidanemariam, 2006, p. 24). En adhérant ou en ratifiant une convention donnée, les États parties conviennent de l’importance capitale des droits humains qui y sont enchâssés. En conformité avec l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ces derniers s’engagent également à exécuter leurs obligations de bonne foi. Par conséquent, les États doivent prendre les mesures requises pour que les droits fondamentaux soient respectés sur leur territoire. Encore plus, étant donné l’importance qu’ils accordent au respect de ces droits, il est normal qu’ils puissent veiller à ce que les autres États parties respectent également leurs engagements.

La plupart des conventions internationales visant la protection des droits humains ont intégré un tel outil de surveillance. Bien que cette procédure fasse partie intégrante du système international de protection des droits humains, il existe un nombre limité de cas dans lesquels des États ont exercé un tel recours. En comparant les données relatives aux cas de plainte interétatique à celles ayant trait au nombre de plaintes individuelles ou encore, pour l’OIT, de plainte émanant d’associations patronales ou syndicales, on dénote une sous-utilisation

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notable des mécanismes de plainte interétatique (Leckie, 1988; Nowak, 2003; Whiteman et Nielsen, 2013). Pourtant, les exemples dans lesquels les États auraient été justifiés de déposer une telle plainte ne manquent pas. À cet égard, on peut se référer aux nombreux cas de violation des droits humains qui ont été constatés en Europe de l’est et en Asie centrale (Association Assistance civique Russie et Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, 2008). Au cours des dernières décennies, le Conseil de l’Europe a connu une expansion fulgurante dans cette région. Malgré l’existence de nombreux rapports internationaux faisant état de la violation systématique de droits humains sur le territoire de plusieurs de ces nouveaux membres, les États parties n’ont pas eu recours au processus de plainte interétatique pour atteindre l’objectif visé par le Conseil de L’Europe. On peut également traiter de la réaction des États membres de l’OIT en relation avec les agissements du Myanmar. Malgré la documentation abondante faisant état du recours systématique au travail forcé par les autorités publiques, aucun État n’a entrepris une démarche de plainte. En fait, c’est plutôt les représentants d’associations syndicales qui ont décidé d’intervenir en déposant un recours en vertu de l’article 26 de la

Constitution en date du 20 juin 1996 (Organisation internationale du Travail, 2015). Aucun État n’a pris part à

cette plainte alors que des délégués de plus d’une vingtaine de pays y ont participé. Finalement, ce n’est qu’à la suite du rapport d’enquête, en 2000, que les États ont agi en adoptant des sanctions économiques en vertu de l’article 33 de la Constitution.

Malgré la sous-utilisation des mécanismes de plainte interétatique, ces derniers demeurent, encore aujourd’hui, une option dont certains États se prévalent. On note toutefois que quelques procédures semblent plus attrayantes que d’autres (Leckie, 1988; Prebenson, 2009). En fait, plusieurs de ces mécanismes n’ont simplement jamais été utilisés alors que d’autres ont suscité un intérêt limité, mais constant au cours des dernières décennies. Cette disparité constitue la pierre d’assise sur laquelle repose notre étude.

Nos recherches ne nous ont pas permis de retracer un grand nombre d’études portant spécifiquement sur l’utilisation des mécanismes de plainte interétatique. Dans ce contexte, Scott Leckie fait figure de pionnier avec son article The Inter-State Complaint Procedure in International Human Rights Law: Hopeful Prospects or

Wishful Thinking?. Datant de 1988, cette recherche met de l’avant plusieurs hypothèses pour expliquer le faible

intérêt des États envers ces mécanismes. Ne pouvant explorer en détail l’ensemble de ces hypothèses, cet article propose néanmoins plusieurs pistes de réflexion pouvant potentiellement expliquer les disparités que nous avons constatées. L’une des hypothèses soulevées laisse entendre que la nature juridique ou diplomatique, selon le cas, d’une procédure de plainte interétatique pourrait influencer sa fréquence d’utilisation. En nous appuyant sur ces constatations, notre question de recherche est la suivante : le caractère judiciaire d’une procédure de plainte interétatique est-il un facteur qui influence son utilisation? À notre avis, plus une procédure s’apparente à un mécanisme judiciaire, plus elle sera utilisée par les États. Si notre hypothèse s’avère

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juste, nous tenterons également de mieux comprendre l’importance que prend le caractère judiciarisé d’un mécanisme dans la décision des États de déposer une plainte contre un autre État.

L’hypothèse que nous avons formulée découle du fait que la procédure de plainte interétatique constitue une solution de dernier recours pour les États :

Practice has shown that states prefer to pursue mutually acceptable policies when addressing human rights in other states if they have interests other than human rights in the country in question. Thus, if they are concerned or pressured by nongovernment organization (NGOs) or other groups, most states will tend at least initially to pursue quiet forms of diplomacy aimed at enhancing respect for human rights in general, while simultaneously minimizing potentially harmful economic or political consequences (Leckie, 1988, p. 252).

Dans l’étude qu’il a produite en 1988, Scott Leckie conclut que, sur la scène internationale, le dépôt d’une plainte interétatique est vu comme étant un acte hostile, inamical entre États (p. 297). La peur des conséquences pouvant découler du dépôt d’une plainte interétatique amène les États à privilégier des options moins « drastiques » (Decaux et Martin, 2011, p. 733). Nowak retient même que cette perception du mécanisme de plainte interétatique fait en sorte que ce dernier sera utilisé uniquement dans des situations extrêmes (2005, p. 758). Max Van der Stoel, ancien ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas ayant œuvré au dépôt d’une plainte de son gouvernement contre la Turquie en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme confirme la préoccupation qu’ont les États concernant de possibles représailles :

(...) quite a number of governments-not all governments-are reluctant to raise human rights matters in Strasbourg or Geneva because they fear they will damage their export interests. If governments do not think of it, then the export companies concerned are raising hell. Usually this leads to the Ministry of Economic Affairs ringing the bell at the Foreign Ministry. (Leckie, 1988, 295)

Nous croyons qu’étant donné l’importance et la nature des conséquences auxquelles ils s’exposent, les États qui décident tout de même de déposer une plainte contre un autre État membre vont privilégier les procédures qui sont les plus susceptibles de mettre un terme définitif aux violations qu’ils dénoncent. Dans l’éventualité où, à leur avis, aucune procédure de plainte interétatique ne dispose des outils pouvant leur permettre de faire cesser les violations, d’autres options seront probablement évaluées. Decaux et Martin rapportent deux cas qui démontrent l’importance que les États accordent au processus et aux résultats de la démarche de plainte (2011). Dans le cadre du Protocole international relatif aux droits civils et politiques, deux États du pacifique se sont renseigné sur la procédure de plainte alors qu’ils envisageaient d’entreprendre un tel recours contre un État africain. Au final, l’auteur rapporte qu’ils ont conclu que la procédure prévue au PIDCP ne pouvait produire les résultats escomptés (Decaux et Martin, 2011, p. 735). À notre avis, les États vont donc se tourner vers les procédures qui peuvent apporter des solutions efficaces et durables. Nous croyons que, plus une procédure est judiciarisée, plus elle peut répondre aux aspirations et aux attentes des États qui choisissent, à leur péril, de se

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risquer sur cette voie. En effet, les mécanismes judiciarisés offrent un cadre indépendant, entraînent des décisions formelles devant être appliquées et peuvent même conduire à la prise de sanctions en cas de non-respect.

Méthodologie

Pour répondre à notre question de recherche, nous effectuerons tout d’abord un survol des règles applicables pour chacun des mécanismes de plainte interétatique qui sera retenu. Cette analyse juridique mettra de l’avant les similarités et les différences qui caractérisent les différentes procédures interétatiques. Pour réaliser cette tâche, il est nécessaire d’identifier les principaux éléments qui caractérisent les conventions visant la protection des droits humains. À cet égard, on notera que ce n’est qu’après 1945 que le droit international visant spécifiquement à favoriser la protection des droits humains s’est développé (Forsythe, 2006, p. 3). La

Déclaration universelle des droits de l’homme a joué un rôle fondamental en jetant les bases du système

international de protection des droits humains (Tomuschat, 2003, p. 58). Plus récemment, en 1993, plus de 171 pays ont adopté par consensus la Déclaration de Vienne. Cette déclaration, qui n’est pas un traité ouvert à la ratification stipule, entre autres, que les droits humains sont universels, indivisibles, interdépendants et interreliés (Nowak, 2003, p. 27). Conformément aux dispositions contenues dans cette déclaration, les États ont l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et ce, peu importe leur évolution historique, leur culture, leur religion ou encore le régime politique en place (Nowak, 2003, p. 27; Haut-commissariat aux droits de l’homme, 2011, p. 1). Aux fins de notre étude, nous considérons donc que les droits de l’homme sont « les droits inaliénables de tous les êtres humains, quels que soient leur nationalité, lieu de résidence, sexe, origine ethnique ou nationale, couleur, religion, langue ou toute autre condition. » (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, 2016)

L’article 8 du Projet d’article sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite stipule que le comportement d’une personne ou d’un groupe de personne est considéré comme étant le fait d’un État lorsque ces derniers agissent selon les instructions ou sous le contrôle de cet État (2001). Les violations aux droits humains résultant des actions d’acteurs agissant sous les directives d’un État entraînent donc la responsabilité internationale de ce dernier (article 28 du Projet d’article sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite). De plus, lorsque des personnes physiques, entreprises ou autres organisations portent atteinte aux droits de l’homme sur le territoire d’un État, ce dernier a la responsabilité de mettre un terme à ces violations notamment en procédant à des enquêtes, en poursuivant les auteurs et en réparant le préjudice subit (Haut-commissariat aux droits de l’homme, 2011, p. 3). Encore plus, l’État doit adopter des mesures pour empêcher la survenance de telles atteintes. On considère que :

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L’obligation de protéger incombant à l’État est une norme de conduite. En conséquence, les États ne sont pas tenus responsables à proprement parler des atteintes aux droits de l’homme commises par des acteurs privés. Ils peuvent toutefois être réputés avoir manqué à leurs obligations en vertu du droit international des droits de l’homme lorsque ces atteintes peuvent leur être attribuées ou lorsqu’ils ne prennent pas les dispositions voulues pour empêcher ces atteintes par des acteurs privés, et lorsqu’elles se produisent, enquêter à leur sujet, en punir les auteurs, et les réparer (Haut-commissariat aux droits de l’homme, 2011, p. 3).

Les instruments internationaux visant la protection des droits humains sont basés sur ces fondements (Tomuschat, 2003, p. 58). Aujourd’hui, il existe donc un système international relativement complexe qui vise à assurer la protection universelle des droits humains. Le mécanisme de plainte interétatique ne fait pas exception à cette règle. En effet, la nature des mécanismes de plainte interétatique qui sont établis dans ces conventions montre clairement que les États considèrent que les droits humains sont une préoccupation universelle (Leckie, 1988, p. 256). À cet égard, Prebensen note ces éléments concernant l’objectif recherché par le Conseil de l’Europe en intégrant un tel mécanisme de plainte :

It was not to concede to each other reciprocal rights and obligations in pursuance of their individual national interests but to realise the aims and ideals of the Council of Europe, as expressed in its Statute, and to establish a common public order of the free democracies of Europe. (2009, p. 445) Ainsi, pour recourir à ce mécanisme de plainte interétatique, l’État plaignant n’a pas à démontrer qu’il a un intérêt à faire valoir. Cette règle s’applique à tous les mécanismes de plainte interétatique. Ces derniers introduisent donc une justification à toute ingérence d’un État dans les affaires d’un autre État lorsque le respect des droits humains est en jeu (Leckie, 1988, p. 298).

Cette particularité ne semble toutefois pas suffisante pour amener les États à utiliser les différentes procédures de plainte interétatique lorsqu’ils constatent des violations aux droits humains. Pour comprendre ce phénomène, nous avons mis de l’avant un facteur pouvant potentiellement être responsable de cette situation. Pour vérifier notre hypothèse concernant l’influence du caractère judiciaire d’une procédure, nous devrons évidemment être en mesure d’évaluer la mesure dans laquelle une procédure est judiciarisée ou non. Après avoir présenté le cadre juridique applicable à chacun des mécanismes, nous utiliserons les travaux de Abbott, Keohane, Moravcsik, Slaughter et Snidal ainsi que ceux de Smith pour développer un modèle nous permettant de mesurer cette caractéristique. Dans leurs études respectives publiées au tournant des années 2000, ces auteurs ont identifié différentes dimensions qui nous permettent de déterminer le « level of legalization » d’un traité ou d’une règle internationale. Aux fins de nos travaux, nous avons adapté ces dimensions au contexte applicable en matière de plainte interétatique liée à la violation de droits humains. Puisque ce degré est déterminé par l’ensemble de ces dimensions indépendantes, nous utilisons un spectre allant du mécanisme diplomatique au mécanisme judiciaire pour illustrer et comparer les résultats obtenus. Pour chacune des dimensions retenues, quelques indicateurs nous permettent d’attribuer une valeur aux diverses procédures et, en combinant les

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résultats pour chacune des dimensions, nous obtiendrons une valeur générale propre à chaque mécanisme de plainte interétatique.

Les résultats obtenus suite à la réalisation de cette analyse combinant science politique et droit seront ensuite comparés avec le nombre de plaintes interétatiques ayant été effectuées en vertu de chacune des conventions étudiées. Cette étape permet de mettre en évidence le lien possible entre le caractère judiciarisé d’une procédure et sa fréquence d’utilisation. Puis, avec l’objectif de mesurer l’influence potentielle de cette caractéristique sur les décisions des États relatives à l’utilisation ou non d’un mécanisme de plainte interétatique, nous procéderons à deux études de cas. À terme, cette démarche nous permettra de mieux saisir l’importance que prend le caractère judiciarisé d’une procédure de plainte interétatique. Plus encore, en conclusion, nous pourrons énoncer certaines constatations plus générales portant sur l’utilisation des mécanismes de plaintes interétatiques par les États.

L’intérêt de notre recherche

Au cours des dernières années, malgré la faible utilisation des mécanismes de plainte interétatique, les États ont multiplié les occasions d’intégrer cette procédure dans diverses conventions internationales existantes visant la protection des droits humains (par le biais d’un nouveau protocole) ainsi que dans plusieurs conventions récemment adoptées. Ces constatations démontrent que les États ont, encore aujourd’hui, l’intention d’intégrer ce mécanisme dans les traités qu’ils adoptent pour favoriser le respect des obligations contractées. Dans ces circonstances, l’étude de ce mécanisme est toujours d’actualité. Étant donné le faible nombre de recherches portant sur ce sujet, notre mémoire vient combler, en partie, le vide existant.

Côté pratique, notre recherche offrira une mise à jour répertoriant non seulement les conventions internationales visant la protection des droits humains qui comportent un tel mécanisme de plainte, mais également leurs caractéristiques respectives. Encore plus, nos travaux permettront de dresser une liste exhaustive de tous les cas dans lesquels un mécanisme de plainte interétatique a été utilisé ainsi que des circonstances générales entourant le dépôt de ces recours. À notre connaissance, de telles recensions n’ont pas été réalisées depuis 1988. Encore plus, le modèle que nous avons développé pour mesurer le degré de judiciarité d’une procédure de plainte interétatique en matière de droits humains peut s’appliquer à un ensemble de mécanismes de règlement des différends qui ne sont pas nécessairement reliés au domaine des droits humains.

Également, en abordant l’un des facteurs susceptibles d’influencer la fréquence d’utilisation d’un mécanisme de plainte interétatique, ce mémoire s’inscrit dans une réflexion plus générale concernant les difficultés auxquelles sont confrontés les mécanismes de plainte interétatique. Plus particulièrement, notre recherche contribuera à l’identification des raisons susceptibles d’expliquer la faible utilisation de ces procédures. La compréhension de

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ce phénomène est essentielle en raison de l’importance de la contribution des mécanismes de plainte interétatique au système de protection des droits de l’homme. Comme le souligne Leckie, pour optimiser l’utilisation du système international de protection des droits de l’homme, il est primordial que chacune de ses composantes puisse être pleinement effective (2010, p. 249). Puisque la procédure de plainte interétatique fait partie intégrante de ce système, il est important de se pencher sur les difficultés qui entravent son utilisation.

De plus, le faible intérêt manifesté par les États pour l’utilisation de ces mécanismes ne signifie pas pour autant que cette procédure n’a aucun rôle à jouer dans la protection des droits humains. Au contraire, les études ayant été produites ont soulevé son importance ainsi que sa contribution potentielle à la protection des droits humains. Dans son analyse portant sur la Convention européenne des droits de l’homme, Prebenson note que les États qui ont participé à la rédaction de cette convention souhaitaient que le mécanisme de plainte interétatique constitue le moyen central permettant de garantir le respect des droits qui y sont énoncés (2009, p. 446). Dans l’article The Inter-State Complaint Procedure in International Human Rights Law : Hopeful Prospects or Wishful

Thinking?, Scott Leckie retient que la procédure de plainte interétatique comporte généralement moins de règles

d’admissibilités que la procédure individuelle. Bien que les motivations ayant mené à l’incorporation d’une procédure de plainte interétatique ne soient pas toujours clairement établies dans les diverses conventions internationales, le fait que chacune d’entre elles ait intégré une telle procédure laisse également supposer que les États sont conscient du rôle pouvant être joué par les mécanismes de plainte interétatique.

Initialement, ce mécanisme de surveillance était perçu comme un moyen essentiel pour assurer la protection des droits humains. Aujourd’hui, malgré le faible nombre de plaintes ayant été déposées, il demeure important que cette procédure puisse être utilisée afin d’assurer la pleine efficacité du système de protection des droits humains. La réalisation d’études portant sur l’utilisation des mécanismes de plainte interétatique s’avère pertinente puisqu’à terme elles pourront permettre d’identifier les éléments qui rendent les États retissant à avoir recours à cette procédure ou, au contraire, qui les encouragent à se tourner vers ce type de recours.

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Chapitre 1 : Les mécanismes de plainte

interétatique

Identification des procédures de plainte interétatique

Afin de répondre à notre question de recherche, nous avons répertorié les différentes institutions ayant adopté des conventions visant la protection des droits de l’homme. La revue de la littérature existante sur ce sujet nous a permis d’identifier des institutions qui œuvrent tant au niveau international que dans un contexte régional. Dans le premier cas, au sein du système onusien, on retrouve plusieurs institutions ayant été créées pour assurer la protection d’un large éventail de droits humains : le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité des droits de l’homme, le Comité des droits économiques sociaux et culturels, le Comité contre la torture, le Comité des disparitions forcées, la Commission de conciliation et de bons offices de l’UNESCO, le Comité des droits de l’enfant et le Comité des travailleurs migrants intègrent un mécanisme de plainte interétatique.

Il est toutefois important de noter que, dans le dernier cas, la procédure de plainte interétatique n’est pas encore entrée en vigueur. En effet, l’article 76, alinéa 2, de la Convention internationale sur la protection des droits de

tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille indique que le mécanisme de plainte interétatique

entrera en vigueur lorsqu’au moins dix États auront effectué une déclaration dans laquelle ils acceptent de recevoir de telles plaintes. Aux fins de notre étude, nous n’évaluerons pas la procédure de plainte mise en place par cette convention puisqu’elle ne peut en aucun cas être utilisée par l’un des États parties. Également, le mécanisme de plainte interétatique intégré dans le Protocole instituant une Commission de conciliation et de

bons offices chargée de rechercher la solution des différends qui naîtraient entre États parties à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement sera exclu de notre étude puisque

les conventions garantissant la protection spécifique d’un droit dans un cadre précis et très restreint ne feront pas l’objet de notre analyse.

Toujours à l’échelle multilatérale, plusieurs conventions relatives aux droits fondamentaux des travailleurs ont été adoptées au sein de l’OIT. Il y a lieu de se pencher sur cette institution puisque l’article 26 de la Constitution de l’OIT prévoit la possibilité pour un État membre de déposer une plainte contre un autre État lorsque ce dernier omet de se conformer aux obligations contractées. Finalement, le Conseil de l’Europe, l’Organisation des États américains et l’Union africaine sont les institutions régionales qui ont adopté des conventions dans lesquelles on retrouve un mécanisme de plainte interétatique visant à garantir le respect des droits humains.

Dans ce chapitre, nous présenterons le cadre juridique qui définit chaque procédure de plainte. Pour ce faire, il est nécessaire de se référer aux textes des conventions suivantes : la Constitution de l’Organisation

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Internationale du Travail (OIT), la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention américaine des droits de l’homme (CADH), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CCT), la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CDF), le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communication (CDE).

Certains de ces traités prévoient que le comité chargé de surveiller l’application d’une convention donnée peut intenter une procédure d’enquête lorsque des informations crédibles concernant l’existence de violations graves, sérieuses ou systématiques lui sont communiquées. Dans le cadre de notre étude, nous n’analyserons pas les dispositions établissant ce type de recours. D’une part, les renseignements peuvent être fournis à la fois par des individus, des associations ou des organisations internationales que par des États. D’autre part, le fait qu’un État membre puisse transmettre des informations au comité administrant la convention ne constitue pas une plainte interétatique. Dans un tel cas, nous considérons que l’État agit plutôt en tant que dénonciateur puisqu’il ne sera pas directement impliqué dans les procédures qui suivront.

D’autres accords comportent une procédure de résolution des différends interétatiques touchant l’interprétation et l’application de la convention. Dans certains cas, des États ont tenté d’utiliser cette procédure pour dénoncer des violations aux droits humains garantis par une convention. Par exemple, en 2008, la Géorgie a déposé une requête introductive d’instance contre la Russie devant la CIJ dans laquelle il est allégué que la fédération russe a commis des actes qui violent les obligations en matière de droits humains contractés en vertu de la CEDR (Géorgie c. Fédération de Russie, C.I.J. Recueil 2011). Plus précisément, la Géorgie prétend que l’article 22 de la CEDR lui permet d’intenter une action contre la Russie devant la CIJ. Cet article, que l’on retrouve dans plusieurs conventions onusiennes visant la protection des droits humains stipule que :

Tout différend entre deux ou plusieurs États parties touchant l’interprétation ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d’un autre mode de règlement.

Le 1er avril 2011, la CIJ a rendu un jugement suite aux objections préliminaires formulées par la Russie. La CIJ a rejeté la requête de la Géorgie en retenant que tout recours intenté en vertu de l’article 22 de la CEDR pour dénoncer des violations aux droits humains requiert que l’État plaignant ait, au préalable, eu recours à la procédure de plainte interétatique énoncée à la convention ou à d’autres moyens de négociations qui y sont

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prévus (Géorgie c. Fédération de Russie, C.I.J. Recueil 2011, p. 128). La Cour tient donc compte du fait que des moyens spécifiques sont mis à la disposition des États parties qui souhaitent dénoncer des violations aux droits humains. Dans le cadre de notre mémoire, nous étudierons uniquement les procédures qui sont expressément créées pour traiter des plaintes portant sur la violation des droits humains garantis par une convention. Puisque le type de procédure invoqué par la Géorgie peut porter sur n’importe qu’elle question d’application ou d’interprétation de la convention et que la Cour a retenu la nécessité de recourir aux mécanismes de plaintes interétatiques pour dénoncer des violations aux droits humains, elles ne seront pas prise en compte dans notre étude.

Après avoir fait ressortir les caractéristiques propres à chacun des mécanismes étudiés, nous rassemblerons les données recueillies dans un tableau synthèse afin de faciliter la comparaison entre les diverses procédures de plainte interétatique. Cette synthèse nous permettra de faire ressortir les différences qui existent entre les divers mécanismes de plaintes interétatiques.

La Constitution de l’Organisation Internationale du Travail

En 1919, après la fin des hostilités, les anciens belligérants se réunirent à Versailles afin de discuter des termes d’un traité visant à assurer la paix en Europe (Servais, 2009, p. 24). Lors de ces discussions, les États s’entendirent pour créer l’Organisation Internationale du Travail et rédigèrent la partie XIII du traité de Versailles qui confirme la création de cette organisation permanente dont le mandat est de promouvoir la paix universelle en garantissant des conditions de travail adéquates (De la Cruz, Von Potobski, Swepston, 1996, p. 5). L’importance accordée aux droits des travailleurs lors de cette conférence est intimement liée au fait que les conditions de travail lamentable qui sévissaient depuis les révolutions industrielles du siècle précédant ont conduit à la création de divers mouvements sociaux et politiques qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, menacent le monde capitaliste (Servais, 2009, p. 24). Dans ce contexte, la révolution russe de 1917 vient ajouter à l’urgence de mettre en place une organisation capable de garantir les droits des travailleurs et, ainsi, diminuer les tensions sociales. Pour répondre à cette menace, les États ont créé un organe tripartite dont les organes décisionnels sont composés de représentants des États, des associations d’employeurs et des associations syndicales (Servais, 2009, p. 24). Cette caractéristique, déjà innovante en son temps, n’est que l’une des nouveautés dont l’OIT peut se targuer d’être l’instigateur sur la scène internationale. À cet égard, on note que l’OIT est la première institution internationale à avoir intégré un mécanisme de plainte interétatique.

L’article 26, alinéa 1 de la Constitution de l’OIT prévoit que tout État ayant ratifié une convention adoptée dans le cadre des travaux de l’OIT peut déposer une plainte lorsqu’il juge qu’un autre État ne respecte pas ses obligations concernant cette convention. Comme pour tous les autres instruments qui seront étudiés subséquemment, l’État plaignant n’a pas à motiver sa plainte en démontrant qu’un de ces citoyens subit un

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préjudice ou alors qu’il a tout autre intérêt à protéger; il suffit que les deux États aient ratifié la convention mise en cause (Hannum ou Swepston, 2004, p.97). Lorsqu’un État entame cette procédure, il dépose sa plainte au Bureau International du Travail (article 26, alinéa 1 de la Constitution). Par la suite, le Conseil d’administration, composée de 28 représentants des États membres, de 14 représentants d’employeurs et de 14 représentants syndicaux ressortissants de ces États, peut choisir de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause et l’inviter à produire toute déclaration en vertu de l’article 24 de la Constitution (article 26, alinéa 2 de la Constitution). Dans ce cas, si la réponse de l’État mis en cause ne satisfait pas le Conseil, ce dernier peut mettre en place une commission d’enquête qui a pour mission d’étudier la question et de déposer un rapport sur le sujet (article 26, alinéa 3 de la Constitution). À contrario, le Conseil peut également refuser de mettre en place une telle commission après avoir reçu la réponse de l’État mis en cause. On notera par ailleurs que le Conseil peut décider de mettre immédiatement en place une commission d’enquête pour étudier l’affaire sans communiquer avec l’État répondant (article 26, alinéa 3 de la Constitution). À cette étape, le Conseil d’administration dispose donc d’un pouvoir discrétionnaire important. Comme le souligne Osieke, le Conseil doit procéder à une certaine évaluation de la teneur générale de la plainte afin d’établir la démarche à suivre (1985, p. 226). Ainsi, bien que les conditions de recevabilité soient moindres par rapport à celles que l’on retrouve dans plusieurs autres mécanismes internationaux (aucune déclaration d’acceptation, aucun délai et aucune obligation d’épuisement des recours), la plainte est soumise à un contrôle des États membres avant que la procédure sur le fond ne soit entamée (Osieke, 1985, p. 226). D’ailleurs, la pratique démontre que le Conseil d’administration a parfois décidé que les faits de l’affaire ne justifiaient pas la mise en place d’une commission d’enquête (Osieke, 1985, p. 226).

La commission d’enquête ainsi instituée se compose de 3 membres qui doivent mettre en place les propres règles de procédure qui seront applicables (Osieke, 1985, p. 227; Hannum ou Swepston, 2004, p.98). Au fil du temps, différentes pratiques se sont développées comme la communication des procédures par écrit, la formulation d’objections préliminaires, la tenue d’audiences ou encore la représentation des parties impliquées (Hannum ou Swepston, 2004, p.98; De la Cruz, Von Potobsky, Swepston, 1996, p. 96). De plus, l’article 27 de la Constitution indique que tous les États membres doivent mettre tout renseignement disponible concernant l’objet de la plainte à la disposition de la commission d’enquête. Dans le cadre de ce processus, la commission d’enquête peut même aller jusqu’à se déplacer dans le pays où les violations alléguées auraient été commises afin d’y recueillir des informations et témoignages (De la Cruz, Von Potobsky, Swepston, 1996, p. 97). Pour terminer, on notera que, dans les cas où un État refuse de collaborer, la Commission d’enquête peut poursuivre ses efforts pour recueillir toutes les données nécessaires à l’accomplissement de ses travaux (De la Cruz, Von Potobsky, Swepston, 1996, p. 94).

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La Commission d’enquête, après un examen approfondi de la plainte, rédigera un rapport dans lequel elle consignera ses constatations sur tous les points de fait permettant de préciser la portée de la contestation, ainsi que les recommandations qu’elle croira devoir formuler quant aux mesures à prendre pour donner satisfaction au gouvernement plaignant et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.

Bien que le texte de cet article semble indiquer que l’analyse de la Commission d’enquête se limite aux faits de l’affaire, les questions de droit doivent être étudiées puisque la Commission doit nécessairement se pencher sur la nature des obligations contractées par les États pour accomplir son mandat en formulant les recommandations exigées (Osieke, 1985, p. 231). Dans les faits, les décisions produites dans le rapport d’une commission d’enquête comportent une conclusion sur l’existence ou non d’une violation des obligations par l’État répondant ainsi que des recommandations pour remédier à la situation en cas de violation (Hannum ou Swepston, 2004, p.98).

L’alinéa 2 de l’article 28 indique que chacune des deux parties doit signifier dans un délai de 3 mois si elle accepte ou non les recommandations contenues dans le rapport rendu public. Ainsi, les conclusions du rapport ne sont pas applicables avant la fin de ce délai (Osieke, 1985, p. 233). Lorsqu’un État accepte les conclusions du rapport, il sera de ce fait lié par ces dernières et tenu de mettre en œuvre les recommandations de la commission d’enquête. Si un État ne fait pas parvenir sa position dans le délai requis, il est présumé avoir accepté les conclusions et recommandations de la Commission d’enquête (Osieke, 1985, p. 233).

Dans l’éventualité où un État n’accepte pas les conclusions et recommandations de la commission d’enquête, ce dernier doit informer le Bureau international du Travail de son intention de soumettre ou non le différend devant la Cour internationale de justice (article 29, alinéa 2 de la Constitution). Lorsqu’une affaire est portée devant la CIJ par l’un des États impliqués, les conclusions et recommandations ne lient pas les parties puisqu’une décision judiciaire suivra (Osieke, 1985, p. 233).

La CIJ est un tribunal permanent et indépendant dont les jugements sont finaux et lient directement les parties au litige (article 20 et 59 du statut de la Cour). Composée de quinze membres élus par l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil de sécurité, la CIJ peut entendre les litiges qui peuvent lui être soumis en vertu d’une multitude de conventions internationales (article 3 du Statut de la Cour internationale de justice). En vertu de la constitution de l’OIT, la Cour aura l’opportunité de confirmer ou d’infirmer les conclusions et recommandations de la Commission d’enquête (article 31 et 32 de la Constitution). En ce qui concerne les mesures prises pour assurer l’exécution des décisions, on notera que les Statuts de la Cour ne prévoient aucune disposition permettant à la CIJ de jouer un rôle actif en cette matière. Évidemment, le Conseil de sécurité pourrait toujours adopter des mesures pour donner effet au jugement (International Court of Justice, 2016).

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Finalement, si un État rejette les conclusions et recommandations et qu’il fait part de sa décision de ne pas soumettre le différend devant la CIJ, il sera présumé avoir accepté les conclusions et recommandations de la Commission d’enquête (Osieke, 1985, p. 233). Ainsi, pour éviter d’être lié par le rapport de la commission d’enquête, un État n’a pas d’autre choix que de signifier qu’il désire soumettre le différend à la CIJ.

La Convention européenne des droits de l’homme

Dès la création du Conseil de l’Europe en 1949, les questions liées au respect des droits humains devinrent un enjeu important. À preuve, lors de la première Assemblée Consultative tenue en août, les États membres mirent en place un comité chargé de travailler au développement d’un instrument visant à garantir le respect des droits et libertés (Dijk et Arai, 2006, p. 3). L’expérience tirée de la Deuxième Guerre mondiale fit en sorte que les États parties considérèrent qu’un traité visant la protection des droits humains pourrait contribuer au maintien de la démocratie et de la paix en Europe (Renucci, 2012, p. 12). Adoptée officiellement le 4 novembre 1950, cette convention est entrée en vigueur le 3 septembre 1953.

Puisque la Convention européenne des droits de l’homme est en constante évolution, il n’est pas surprenant que le 11e Protocole (1998) soit venu modifier considérablement sa structure institutionnelle (White, Ovey et

Jacobs, 2010, p.4). Encore plus, le Protocole 14 qui a modifié certaines règles telles que le mandat des juges ou les fonctions du Conseil des ministres est entré en vigueur le 1er juin 2010. Pour répondre à notre question de recherche et pour bien comprendre la procédure de plainte interétatique intégrée dans la CEDH, il sera nécessaire de se référer non seulement aux nouvelles règles qui ont été énoncées, mais également au processus qui existait auparavant.

Sous l’ancien système, l’article 24 de la CEDH de 1950 stipulait que tout État partie pouvait déposer une plainte contre un autre État partie s’il constatait que ce dernier ne respectait pas les obligations qu’il avait contractées (White, Ovey et Jacobs, 2010, p.10). Aucune déclaration de compétence de la part des parties n’était requise et l’État plaignant n’avait pas à démontrer qu’il était une victime directe ou indirecte de la violation qui était perpétrée (Leckie, 1988, p. 272). Néanmoins, deux conditions de recevabilité étaient prévues à l’article 26 de la CEDH de 1950 : les recours internes devaient avoir été épuisés et la plainte devait être déposée dans les six mois suivant la dernière décision du tribunal national. Élu par le Comité des Ministres pour six ans et composé habituellement d’un représentant par État membre, la Commission européenne des droits de l’homme était mandatée pour traiter la plainte (article 20 et 21 de la CEDH de 1950). Lorsque cette dernière déclarait la plainte recevable, elle devait former une sous-commission composée de 7 de ses membres (article 29, alinéa 1 de la CEDH de 1950). De plus, chaque État partie au litige avait l’opportunité de désigner un seul membre (article 29, alinéa 2 de la CEDH de 1950).

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La sous-commission avait pour mandat de prendre connaissance des faits de l’affaire et elle était alors autorisée à conduire sa propre enquête (article 28 (a) de la CEDH de 1950). Son rôle principal consistait à se mettre à la disposition des parties afin de les aider à trouver un règlement à l’amiable qui respecte les droits énoncés dans la convention (article 28 (b) de la CEDH de 1950). Lorsqu’un tel règlement intervenait, la sous-commission devait faire parvenir aux États concernés, au Comité des Ministres et au Secrétariat général un rapport dans lequel elle présentait les faits et la solution intervenue (article 30 de la CEDH de 1950). Si la sous-commission ne parvenait pas à trouver une solution par cette voie, la Commission européenne des droits de l’homme (et non pas la sous-commission) devait rédiger un rapport dans lequel elle présentait les faits de l’affaire ainsi que son opinion concernant l’existence ou non d’une violation des obligations prévues dans la CEDH (article 31 alinéa 1 de la CEDH de 1950). La décision de la Commission requérait l’approbation de la majorité des membres (article 34 de la CEDH de 1950). Selon l’alinéa 3 de cette même disposition, ce rapport était transmis directement au Comité des Ministres.

Lorsque les deux parties manifestaient leur accord ou qu’elles acceptaient la compétence du tribunal, la Commission pouvait alors décider de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme pour que cette dernière rende un jugement auquel les parties avaient l’obligation de se soumettre (article 48 et 53 de la CEDH de 1950). Élus pour neuf ans par l’Assemblée Consultative, les membres de la Cour avaient le mandat de rendre un jugement de façon indépendante sur le litige interétatique qui leur était soumis par la Commission (article 39, 40 et 47 de la CEDH de 1950).

Si, dans les trois mois suivant la réception du rapport de la Commission par le Comité des Ministres la Cour n’avait pas encore été saisie de l’affaire, le Comité des Ministres devait se prononcer sur l’existence ou non d’une violation (article 32, alinéa 1 de la CEDH de 1950). Composé d’un délégué provenant de chaque État membre, plus des 2/3 des voix étaient nécessaires pour que le Comité des Ministres puisse conclure à l’existence d’une violation et prescrire les mesures requises pour y mettre un terme ou réparer le préjudice subi (article 32, alinéa 1 de la CEDH de 1950). Lorsque les deux tiers du Comité des Ministres ne pouvaient être atteints pour confirmer ou infirmer la survenance d’une violation, aucune décision n’était rendue (Dijk et Arai, 2006, p. 297). Après avoir décidé qu’un État avait violé la convention, le Comité des Ministres devait fixer un délai à l’intérieur duquel l’État pris en défaut devait se conformer à la décision (article 32, alinéa 2 de la CEDH de 1950). Puisqu’en vertu de l’article 32, alinéa 4, les parties s’engageaient à respecter les décisions du Comité des Ministres, ces dernières avaient donc force obligatoire. Dans l’éventualité où l’État ne se conformait pas à la décision du Comité, des mesures pour favoriser la mise en conformité pouvaient être adoptées aux 2/3 des voix (article 32, alinéa 3 de la CEDH de 1950).

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Suite à l’entrée en vigueur des protocoles 11 (1998) et 14 (2010), le système applicable au dépôt d’une plainte interétatique a été considérablement revu. Aujourd’hui, c’est l’article 33 de la CEDH qui permet le dépôt d’une plainte interétatique lorsqu’une partie contractante manque à ses obligations. Selon cette disposition, l’État qui désire déposer une plainte interétatique doit saisir la Cour européenne des droits de l’homme sans avoir besoin d’en référer à une quelconque commission au préalable. Permanente, la Cour se compose d’un nombre de juges égal à celui des États contractants (article 19 et 20 de la CEDH). Élus par l’Assemblée parlementaire parmi trois candidats présentés par la partie contractante concernée, les juges siègent durant 9 années ou encore, jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 70 ans (article 22 et 23 de la CEDH). Bien qu’ils soient élus par les États parties, les juges siègent à titre individuel, ils doivent aussi jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire (article 21 de la CEDH). Ce processus de nomination en deux étapes (national et européen) permet aux juges qui siègent à cette cour de bénéficier d’une légitimité démocratique tout en conservant leur indépendance vis-à-vis leur État d’origine (Renucci, 2012, p. 947).

La Cour européenne des droits de l’homme se caractérise par l’existence de plusieurs formations telles que la Grande Chambre ou la formation de juge unique (Renucci, 2012, p. 963). Lorsque, par le dépôt d’une requête écrite, un recours est institué en vertu de l’article 33, la Grande Chambre est mandatée pour entendre la requête (article 31 de la CEDH; article 45 du Règlement de la Cour). Cette chambre est composée de 17 juges dont le président de la cour, les vice-présidents et les présidents des diverses chambres (article 26, alinéa 1 et 5 de la CEDH). De plus, les juges présentés par chacune des parties contractantes impliquées dans le litige siègent également en tant que membre de la Grande Chambre (article 26, alinéa 4 de la CEDH).

Dès la réception d’une requête interétatique, une copie de cette dernière est envoyée à toute autre Partie contractante dont l’un des ressortissants est un requérant (article 44, alinéa 1 du Règlement de la Cour). La partie contractante qui reçoit une telle communication peut décider de présenter ses observations écrites ou alors participer à l’audience (article 44, alinéa 2 du Règlement de la Cour). Par la suite, la Grande Chambre doit se prononcer sur la recevabilité du recours effectué en vertu de l’article 33 de la CEDH. Tout au long du litige, y compris sur les questions d’admissibilité, les parties ont le droit d’être représentées par des agents et des conseillers (article 35 du Règlement de la Cour). L’article 35, alinéa 1 de la CEDH énonce les deux conditions de recevabilité applicables à une requête interétatique :

La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive.

Toutefois, lorsqu’un État dénonce une situation généralisée sans que le cas ne soit relié à une victime en particulier, ces deux conditions ne s’appliquent pas (Dijk et Arai, 2006, p. 128).

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Une fois la requête jugée recevable, la Cour fixe les délais pour le dépôt des observations écrites sur le fond et pour la production de preuves supplémentaires et, si les parties en font la demande, une date est fixée pour entendre la requête sur le fond lors d’une audience (article 58 du Règlement de la Cour). Devant le tribunal, l’affaire procède de manière contradictoire, les documents déposés sont accessibles à tous et, sauf exception, le tout se déroule publiquement (article 38 et 40 de la CEDH; article 63 du Règlement de la Cour).

Tout au long de ce processus (recevabilité et enquête sur le fond), il est en tout temps possible de conclure un règlement à l’amiable du litige (Renucci, 2012, p. 1018). En fait, non seulement la Cour à la possibilité de se mettre à la disposition des parties pour parvenir à une solution qui respecte les droits de l’homme reconnus dans la CEDH et ses protocoles, mais la Cour doit également prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter le règlement amiable du litige (article 39 de la CEDH; article 62 du Règlement de la Cour). Lorsqu’un règlement à l’amiable est intervenu, la Cour raye l’affaire du rôle, produit une décision dans laquelle on retrouve uniquement un bref exposé des faits et la solution intervenue et transmet le tout au Comité des Ministres qui se charge de surveiller l’exécution de l’entente (article 39, alinéas 4 et 5 de la CEDH).

Dans l’éventualité où aucun règlement à l’amiable n’intervient et, après que la Cour ait procédé sur le fond, une décision publique comprenant l’ensemble des motifs justifiant les conclusions de la Cour est rendue (article 42 et 45 de la CEDH; article 77 et 79 du Règlement de la Cour). L’arrêt de la Grande Chambre est définitif et peut comporter les dissidences ou opinions séparées de tout juge (article 44 et 45 de la CEDH; article 74, alinéa 2 du Règlement de la Cour).

Puisqu’en vertu de l’article 46, alinéa 1 de la CEDH les parties se sont engagées à respecter les arrêts définitifs de la Cour, les États doivent se conformer à la décision de la Grande Chambre. Néanmoins, pour s’assurer que les États respectent cet engagement, certains mécanismes ont été introduits dans la convention. Le Comité des Ministres joue un rôle important pour assurer l’application des arrêts de la Cour (article 46, alinéa 2 de la CEDH). Afin de remplir son rôle efficacement, il peut, par une majorité des 2/3, demander à la Cour de se prononcer sur toute difficulté d’interprétation de la décision (article 46, alinéa 3 de la CEDH). De plus, selon l’alinéa 4 de l’article 46 :

Lorsque le Comité des Ministres estime qu’une Haute Partie contractante refuse de se conformer à un arrêt définitif dans un litige auquel elle est partie, il peut, après avoir mis en demeure cette partie et par décision prise par un vote à la majorité des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité, saisir la Cour de la question du respect par cette Partie de son obligation au regard du paragraphe 1.

Dans l’éventualité où la Cour constate que l’État ne se conforme pas à sa décision, elle renvoie l’affaire au Comité des Ministres qui peut alors examiner la prise de mesure qu’il juge appropriée. Le Comité des Ministres a la possibilité d’adopter des résolutions dans laquelle il demande à l’État de prendre des mesures spécifiques

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telles que l’abolition d’un article de loi ou encore la mise en place d’un mécanisme judiciaire (Dijk et Arai, 2006, p. 297). Bien que plutôt rare, le Comité des Ministres peut aller jusqu’à adopter des mesures pour faire pression sur la partie en défaut (Renucci, 2011, p. 1073).

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les

formes de discrimination raciale

L’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (21

décembre 1965) était non seulement une réponse aux traitements inhumains dont certains groupes avaient fait l’objet durant la Seconde Guerre mondiale ou l’époque colonialiste, mais également un message fort envoyé à tous les États qui, encore à cette époque, exerçait une forme ou l’autre de discrimination sur leur territoire (Diaconu, 2011, p. 17). Entrée en vigueur le 4 janvier 1969, la CEDR vise à garantir que toute personne puisse bénéficier des mêmes droits et protections que ses concitoyens et ce, peu importe sa race, sa couleur, sa religion, sa langue, sa nationalité, etc. (article 2 à 5 de la CEDR). Pour s’assurer que les États parties respectent leurs engagements, différends mécanismes ont été intégrés dans cette convention. Le mécanisme de surveillance prévue à l’article 9 de la CEDR en vertu duquel les États doivent produire un rapport faisant état des mesures prises pour donner effet à leurs engagements est sans doute le plus connu. Néanmoins, d’autres mécanismes dont, notamment, la procédure de plainte interétatique viennent compléter ce dispositif de surveillance.

En vertu de l’article 11, les États signataires se voient conférer le pouvoir de dénoncer les États qui violent les obligations contractées dans la présente convention. C’est le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qui est chargé de recevoir toute plainte et de la transmettre à l’État visé. Ce Comité se compose de 18 experts élus par les États parties et qui siègent à titre individuel (article 8 de la CEDR). L’État répondant dispose de trois mois pour soumettre des « explications ou déclarations écrites éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qui peuvent avoir été prises par ledit État pour remédier à la situation ». Si aucune entente n’est conclue dans les 6 mois, l’une des parties impliquées peut le soumettre à nouveau au Comité qui doit alors se prononcer sur l’admissibilité de la plainte. À cette étape, on notera que la réciprocité d’une déclaration dans laquelle les parties acceptent la compétence du comité n’est pas une condition de recevabilité puisque l’accès à ce mécanisme n’est pas conditionnel à une telle déclaration.

Lorsque la plainte est recevable, le mandat du Comité se limite à recueillir toutes les informations pertinentes sur le cas en litige (article 12 alinéa 1 a) de la CEDR). Pour mener à bien sa mission, le Comité peut exiger que les États parties lui communiquent les renseignements jugés utiles (article 11 alinéa 1 4) de la CEDR). Durant ce processus, les États ont l’opportunité de désigner un représentant sans droit de vote pour participer aux travaux (article 11 alinéa 1 5) de la CEDR). Toutefois, contrairement à d’autres procédures de plaintes, le Comité

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n’a pas le mandat de conduire des travaux visant à obtenir un règlement amiable entre les parties et, conformément à l’article 12, alinéas 1 et 8, il doit se contenter de remettre les renseignements obtenus à la Commission de conciliation ad hoc.

Cette commission est « chargée de parvenir à une solution amiable de la question, fondée sur le respect de la présente Convention » (article 12 alinéa 1 a) de la CEDR). Pour réaliser leur mandat, les membres de la Commission disposent des mêmes moyens que ceux octroyés sous l’égide du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ils peuvent également, à leur tour, demander tous renseignements complémentaires (article 11, alinéa 8 de la CEDR). Les règles qui régissent la mise en place et le fonctionnement de cette commission ad hoc sont prévues à l’article 12, alinéas 2 à 7 de la CEDR et sont identiques à celles prévues à l’article 42 du PIDCP.

Lorsque la Commission de conciliation ad hoc parvient à un règlement où, en l’absence d’un règlement à l’amiable, si elle juge qu’une telle entente est impossible, elle met fin à ses travaux et soumet un rapport au Comité (Diaconu, 2011, p. 345). L’article 13, alinéa 1 de la CEDR indique que ce rapport doit contenir « ses conclusions sur toutes les questions de fait relatives au litige entre les parties et renfermant les recommandations qu’elle juge opportunes en vue de parvenir à un règlement amiable au différend ». Après avoir reçu le rapport final, le Comité le transmet aux parties impliquées. Ces derniers disposent d’un délai de trois mois pour indiquer s’ils acceptent ou non les recommandations contenues dans le rapport (article 13, alinéa 2 de la CEDR). Aucune règle n’oblige expressément l’État à appliquer ces recommandations et la procédure de plainte interétatique prévue aux articles 11 à 13 prend donc fin avec ou sans l’acceptation des recommandations. Néanmoins, peu importe la décision des parties, le rapport est, à terme, remis à tous les États membres (article 13, alinéa 3 de la CEDR).

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Il aura fallu près de 20 ans aux membres des Nations-Unies pour s’entendre sur le libellé du Pacte international

relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Après l’adoption de ce protocole en date du 16 décembre 1966, dix

autres années seront nécessaires pour que cette composante de la Charte internationale des droits de l’homme entre en vigueur (Carlson et Gisvold, 2003, p. 2). En établissant des obligations plus spécifiques et plus contraignantes, ce protocole vient compléter les principes généraux contenus dans la Déclaration universelle

des droits de l’homme (1948). De par son contenu et son influence, ce texte est l’une des composantes

fondamentales du système de protection des droits humains (Carlson et Gisvold, 2003, p. xi). À titre d’exemple, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le droit à la vie, le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à la protection de la vie privée ou encore le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion constituent quelques-unes des garanties offertes par cette convention.

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Le Comité des droits de l’homme est l’organe chargé de surveiller l’application du PIDCP et des protocoles facultatifs. Les 18 membres qui forment ce comité sont élus par les États ayant ratifié ce protocole et doivent tous être citoyen de l’un ou l’autre des États membres (article 28 et 29 du PIDCP). Une fois élus, les membres du comité forment un groupe d’experts indépendants qui veille au respect des obligations enchâssées dans ce traité. En vertu des dispositions du PIDCP, le Comité se voit confier de nombreuses responsabilités. Parmi ces dernières, on compte celles qui lui sont dévolues dans les dispositions instaurant la procédure de plainte interétatique.

Le mécanisme de plainte interétatique prévu à l’article 41 du PIDCP est entré en vigueur près de 3 ans après son adoption puisque l’alinéa 2 de cette même disposition exigeait qu’un minimum de 10 États ait reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner les plaintes effectuées par d’autres États parties. Cette constatation démontre bien que le recours au mécanisme de plainte interétatique est loin d’être automatique. En effet, l’alinéa 1 de l’article 41 établit clairement qu’un État doit avoir présenté une déclaration dans laquelle il confirme la compétence du comité lorsque des plaintes interétatiques le concernant sont déposées. Encore plus, l’État plaignant doit également avoir produit une telle déclaration. Les États parties ont donc convenu d’intégrer une obligation basée sur le principe de la réciprocité (Decaux et Martin, 2011, p. 733).

Les modalités du processus de plainte sont entièrement prévues aux articles 41 et 42 de la convention. Tout État qui désire déposer une plainte doit le faire par écrit (article 41 (a) du PIDCP). Par la suite, dans les 3 mois suivants la réception de cette plainte, l’État répondant doit communiquer, par écrit, avec l’État plaignant pour lui faire part des précisions, indications ou déclarations nécessaires pour clarifier la situation ainsi que les procédures passées ou en cours (article 41 (a) du PIDCP). Lorsque 6 mois se sont écoulés depuis l’envoi de la plainte, les deux parties ont la possibilité de soumettre la question au Comité (article 41 alinéa b)). L’instauration d’un tel délai vise à donner l’opportunité aux États de trouver une solution sans l’intervention d’une tierce partie (Nowak, 2005, p. 765). Sauf dans les cas où les procédures excèdent des délais raisonnables, ce n’est qu’après avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés que le Comité peut accepter de considérer la plainte (article 41 c) du PIDCP). Ainsi, avant de poursuivre son mandat, le Comité doit se prononcer sur l’admissibilité de la plainte en évaluant si toutes les conditions sont respectées. Outre le défaut d’avoir épuisé l’ensemble des recours, l’inexistence d’une déclaration effectuée par les parties et le non-respect des délais minimum prescrits sont des éléments pouvant entraîner l’inadmissibilité d’une plainte (Nowak, 2005, p. 768). Bien qu’aucune disposition ne traite explicitement du devoir du Comité de régler ces questions préalables, Manfred Nowak souligne qu’il est nécessaire que le Comité produise une décision procédurale portant sur la recevabilité pour avoir la légitimité d’exercer le mandat qui leur est dévolu (2005, p. 768).

Figure

Figure 1 : Degré de judiciarité _____________________________________________________________ 41  Figure 2 : Accès au mécanisme de plainte  ___________________________________________________ 43  Figure 3 : Accès durant le traitement de la plainte ________
Tableau 1 : Comparaison entre le degré de judiciarité et les plaintes interétatiques

Références

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