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Le Rôle du clergé: tendances contradictoires du chi'isme iranien contemporain

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Yann Richard

Le Rôle du clergé: tendances contradictoires du chi'isme iranien

contemporain / The Role of the Clergy: the Contradictory

Tendencies of Contemporary Iranian Shiism.

In: Archives de sciences sociales des religions. N. 55/1, 1983. pp. 5-27.

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Richard Yann. Le Rôle du clergé: tendances contradictoires du chi'isme iranien contemporain / The Role of the Clergy: the Contradictory Tendencies of Contemporary Iranian Shiism. In: Archives de sciences sociales des religions. N. 55/1, 1983. pp. 5-27.

doi : 10.3406/assr.1983.2270

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LE LE DU CLERG

TENDANCES CONTRADICTOIRES

DU IRANIEN CONTEMPORAIN

Since its formation in the 16th century the Iranian hiite clergy has maintained ambiguous relations with the monarchy In mo dern times as time-honored doctrines have been undermining the olamas influence the clergy has sometimes spite of itself been allied with popular movements against the monarchy In the 1960s Ayatollah Khomeini began drawing up theory of clerical power which took all legitimacy away from secular lay) constitutional authorities and has inspired the governmental doc trine of the Islamic Republic born out of the 1979 Revolution In reformist Islamic circles this doctrine has met up with strong anticlerical tendency influenced by atis ideology The as yet undefinitive relationship between the clergy and authorities is pulled between two antagonistic revolutionary trends

La surprenante prise du pouvoir en Iran par un mouvement révolutionnaire dirigé par le clergé déjà suscité des études très diverses on invoqué la spéci ficité de la théorie du pouvoir et de autorité dogmatique pendant Occulta tion de limam dans islam ite la spécificité historique de Iran isolé de puis le XVIème siècle de ses voisins sunnites la spécificité des mouvements

modernistes et progressistes iraniens au XXème siècle On peut aide des nombreux documents publiés faire une description sociologique du clergé iranien et il est souhaitable comme le propose J.-P Digard de délaisser les ex plications culturalistes qui atténuent importance des conflits il faut sortir des modèles et des jugements de valeur du discours religieux pour analyser le contenu de classe et la signification réellement assumés les mécanismes de la dynamique mis en uvre par telle ou telle catégorie sociale on verra apparaî tre alors clairement dans le clergé des antagonismes inexprimés 1)

Les articles composant le dossier Personnels et groupes religieux en islam ont été réunis par Constant Hames Groupe de Sociologie des Religions)

Les transcriptions adoptées pour les langues étrangères arabe persan ourdou etc.) le sont sous la responsabilité de chaque auteur Nous avons simplement veillé uniformité des transcriptions intérieur de chacun des articles N.D.L.R.)

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ARCHIVES DES SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

On peut intéresser aussi sans fin aux subtilités théoriques des théologiens ites qui ont interprété le même dogme de Occultation de Imam pour justi fier des solutions politiques opposées le quiétisme est-à-dire la non- intervention acceptation du statu quo ou au contraire insurrection contre usurpateur la revendication de pouvoir attitude interdisant ailleurs pas le compromis avec une monarchie quand celle-ci fait des concessions formelles ou par opportunisme transitoire 2)

Sans nier la valeur de ces démarches je propose ici de décrire le profil his torique du clergé ite iranien et ses aspects contemporains En évitant les questions actuelles et brûlantes et sans chercher dévoiler des vérités inédites je tenterai de cerner quelques tendances idéologiques de la Révolution islami

que où le rôle du clergé est sans conteste un thème central ayant besoin que une définition générale du corps des olama je le traiterai comme un corps so cial cohérent qui obéit quelques principes directeurs apparents sans prétendre il soit homogène 3)

L-LE PASS

Lorsque il premier roi safavide prend le pouvoir en 1501 Tabriz et proclame le isme religion Etat il se trouve confronté un manque presque total institution juridico-théologique selon un auteur contemporain la seule source de droit ite on put trouver dans toute la ville était le premier volume des ed al-esiâm de Hasan. Yusofb al- Motahhar al-Helli 1250-1326 Iran avait été jusque là gouverné avec des exceptions passagères par des dynasties sunnites et le nouveau pouvoir eut créer les cadres institutionnels ites dont il avait besoin Seuls quelques iso lats ites comme Kasan Sabzavâr Qom avaient réussi malgré les persé cutions intermittentes et le plus souvent en utilisant les méthodes traditionnelles clandestinité dissimulation mentale maintenir une tradition savante ite Ce phénomène été facilité pendant la période timouride XIV-XVèmes siè cles par un glissement progressif de certains ordres soufis implantés en Iran et en Anatolie vers le culte des Imams et des croyances proches de celles du isme Pour faire face aux besoins les premiers Safavides furent donc obligés de faire venir des olama ites de extérieur principalement du Jabal Amel Syrie et al-Ahsâ Bahreyn Ce premier noyau de clergé ite fut confronté avec les revendications de pouvoir charismatique des souverains et avec les prétentions politiques des Qezelbâs turkmènes adhérant des doctrines eschatologiques dont la conformité islam est discutable Le modus vi vendi qui établit entre les olama et le pouvoir est pas stable les premiers re vendiquent une suprématie de droit au nom du seul souverain légitime le Dou zième Imam entré en Occultation qeyba après le dogme ite depuis

874 la fin dû XVIIème siècle Chardin constate encore des discussions sur la légitimité du pouvoir devait-il revenir un théologien mojtahed capable interpréter la volonté de Imam occulté ou un descendant des Imams est- à-dire selon leur prétention aux Safavides Le roi Tahmâsp 1524-1 576 alla

appeler le théologien origine arabe Nuroddin Ali Karaki meli 1534 Sceau des mojtahed) et lieutenant eb de Imam ce titre Tah mâsp se considérait officiellement comme un simple exécutant la souveraineté

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légitime appartenant abord au théologien qui la lui avait déléguée Plus tard cependant notamment sous le règne de Säh Abbas 1588-1629) la monarchie tenta de affirmer contre les prétentions de la classe cléricale Les tensions entre les ordres soufis les Qezelbâs turkmènes dont étaient issus les Safavides et les théologiens ites étaient souvent favorables ces derniers qui apportaient une solution au messianisme mystique des soufis et une justification religieuse la violence des monarques Les clercs avaient une position centrale le seyx al- esiâm ou molla-basi ou säär était au départ nommé par le roi Mais il obéissait

personne et bénéficiait pour assurer son indépendance des revenus des gran des fondations de mainmorte dont il avait la gestion

intérieur du clergé cependant des divergences se firent jour On peut grossièrement les schématiser ainsi

les théologiens dogmatiques exoteristes proches du pouvoir cher chaient assurer leur supériorité au moyen une théorie fondant leur légitimité de représentants de Imam eux seuls connaissant la loi et la doctrine

face eux ceux qui ne pouvant contester ouvertement la violence du pouvoir dont ils ne se sentaient pas solidaires se référaient des traditions spi rituelles mystiques héritées du soufisme école Ebn Arabi ou de la Théoso phie des Platoniciens de Perse Sohravardi Parmi ces gêneurs sortis des rangs du clergé il faut citer Molla Sadr 1641 et les philosophes de ce que Corbin appelé Ecole Ispahan Ils furent confrontés au langage de orthodoxie cléricale Molla Sadr dut vivre écart pendant 15 ans les au tres choisirent la discipline de arcane et écrivirent dans un langage abscons ou allusif Le couvent un disciple soufi et gendre de Molla Sadr Molla Mohsen Feyz Kasani fut détruit et ses occupants massacrés Un autre gendre de Molla Sadr Molla Abdorrazzâq Lâhiji dut passer sous silence dans son uvre héritage Ebn Arabi il tentait pourtant comme ses brillants devan ciers de conciler avec la doctrine ite

Le deuxième clivage idéologique qui menace autorité du clergé est plus politique Il agit de définir le rôle même du théologien dans la communauté après une tendance spécifique au isme duodécimain en absence de

Imam les théologiens habilités par leurs études doivent interpréter les données révélées afin de donner aux croyants les modèles de comportement correspon dant aux exigences de leur époque Cette tendance majoritaire appelée osuli ad met une plus grande part de raison spéculative dans les principes religieux o-

sul Une tendance minoritaire ancienne qui fut systématisée par Mohammad Amin Mohammad arif Astarâbâdi 1624 critiquait ce recours au juge

ment spéculatif et préconisait contre les innovations interdites en islam le re cours exclusif aux traditions authentiques des Imams axbâr On saisit bien le danger une telle doctrine pour la classe cléricale les axbâri reprochent aux osuli de privilégier le rôle des olama ceux-ci doivent se contenter de leur rôle de transmetteurs du savoir traditionnel mais ils ne sont en aucun cas en eux- mêmes une référence un modèle imiter car tous les musulmans ont au tre modèle que le Prophète et les Imams Il est significatif que la théorie axbâri devint prépondérante précisément au moment où les olama furent exclus de la participation aux affaires un état ite pendant interrègne entre les Safavi

des et les Qâjârs 10 La riposte ne se fit pas attendre et le puissant théologien Mohammad Bâqer Behbahâni 1793-94 alla dénoncer les axbâri comme infidèles rétablissant influence des mojtahed époque où instaurait en Iran la nouvelle dynastie des Qâjârs La prépondérance des osuli ne faiblit

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plus désormais nos jours malgré la résurgence intéressante des théories axbâri chez les Sheykhis seyxi 11 et chez certains réformateurs modernes comme at Sangalaji 1943 ou des idéologues islamiques contemporains établissement de la nouvelle dynastie créa des conditions nouvelles Les Qâ- jârs ne revendiquaient pas de charisme religieux particulier ni de généalogie re

montant aux Imams Leur pouvoir devait affaiblir progressivement devant in fluence grandissante des puissances coloniales et les concessions accordées aux Russes et aux Anglais En revanche le clergé ite disposait une grande auto nomie financière grâce aux fondations pieuses vaqf et aux taxes islamiques qui lui étaient versées directement par les croyants xoms et zakât Il avait de plus en Irak une base institutionnelle qui échappait la juridiction et influence politique du gouvernement de Téhéran 12 Face la monarchie les olama allient aux grands propriétaires fonciers avec lesquels ils ont une certaine soli darité intérêts grâce aux domaines constitués en vaqf mais surtout aux com mer ants du bazar menacés par la concurrence inégale des Européens et qui sont leurs principaux soutiens financiers Les marchands du bazar ont autre part besoin des services notariaux et du soutien social des olama 13 Enfin par leur quasi-monopole de fait sur enseignement et la justice ils exercent une influence considérable sur toutes les couches sociales Certains olama nommés et appointés par le pouvoir central en tant que seyx al-esiâm ou emàm- dans les différentes villes de province jouissaient un certain pouvoir local et le prestige de leur charge leur permettait de faire fortune aisément 14 La rivalité de pouvoir était cependant multiple et évolution sociale économi que et politique de Iran ne jouait guère en faveur des olama

Le clergé et la modernisation

une part en effet un processus de sécularisation qui semblait irréversible arrachait progressivement leur sphère influence des domaines qui leur étaient jusque là réservés enseignement et la justice La fondation en 1851 par un premier ministre réformiste Amir Kabir une grande école laïque où enseignaient des étrangers et destinée former les cadres de Etat Dar al- fonun litt maison des techniques souleva indignation des chefs religieux

Elle fut suivie plus tard par autres mesures qui allaient résolument dans le même sens créer un système enseignement copié de Europe et en rupture complète avec le système des madrase traditionnelles Quant la justice la divi

sion des tribunaux en sar religieux et or civils contribuait également di minuer le prestige des religieux dont la part amenuisait En 1871 Sepahsâlâr créa pour la première fois un ministère de la Justice idée de la rédaction un code civil se fait jour dès cette époque et aboutira vraiment époque de Reza 15 autre part le progrès des idées nouvelles souvent influencé par attrait des puissances européennes et du modèle démocratique introduisit des dissensions dans le clergé ite Le grand tournant historique eut lieu vers 1890 Vers la fin du règne de Nâseroddin assassiné en 1896) une minorité active des olama subit influence de Seyyed Jamâloddin Asadâbâdi Afqâni qui effectua deux séjours en Iran 1886-1891 et polarisa autour de certaines idées réformistes pan-islamiques la résistance absolutisme monarchique et la pénétration étrangère est grâce appui efficace des olama en 1891 que le boycottage généralisé de la Régie des Tabacs accordée par le chah un Britanni que Talbot fit plier le pouvoir royal et prépara avènement quinze ans plus tard de la Révolution Constitutionnelle Cependant des publications récentes

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ont montré le caractère ambigu du soutien des olama au mouvement populaire dans affaire de la Régie Talbot il est établi que le prétendu télégramme envoyé de Samarra Irak par Mirza Hasan Sirâzi disant que usage du tabac sous importe quelle forme équivaut entrer en guerre contre Imam du Temps est un faux le mojtahed lui-même pas pu le dénoncer en raison de la vigueur de la protestation populaire avec laquelle il était du reste foncièrement accord 16 est ainsi que le clergé débordé par la détermination des masses et par la volonté de la bourgeoisie commer ante aboutir une plus grande justice so ciale et des libertés politiques fut entraîné dans le mouvement constitutionna- liste Cependant les résistances dogmatiques une fraction des olama liée la monarchie créa dans la communauté musulmane une tension dramatique dont le traumatisme est encore vivant hui

Nombreux furent en effet les théologiens même de haut rang qui se rangè rent aux côtés des révolutionnaires Parmi les grands mojtahed il faut citer Téhéran Seyyed Mohammad 1920) Seyyed Abdollâh Behba- hâni assassiné en 1910 et Najaf xund Mohammad zem Xorâsâni 1911 Certains allèrent loin dans leur engagement constitutionnaliste comme Mirza Mohammad Hoseyn ini 1936 qui publia en 1909 un A- vertissement la communauté pour justifier les idées nouvelles contre les parti sans de absolutisme 17 autres olama qui influencèrent le mouvement ré volutionnaire avaient des mobiles différents certains comme le célèbre pré dicateur lek al-Motakallemin tué en 1908 étaient des crypto-azalistes est-à-dire bi disciples de Sobh-e Azal continuateur du bâbisme dans un sens politique accusation de bâbisme été portée abusivement contre des religieux libéraux comme eyx Hadi Najmâbâdi 1902 et Jamâloddin Es- fahâni tué en 1908 qui étaient de véritables libre-penseurs 18 autres en core avaient abandonné le turban et manifestèrent plus tard leur attachement des doctrines sécularistes la social-démocratie et la franc-ma onnerie comme Taqizâde 1969 ou un succédané de religion rationaliste Kasravi assassiné en 1946)

Mais tous les olama ont oas cédé la pression populaire Il eut des dé chirements parmi eux lorsque eyx Fazlollâh Nuri le plus grand mojtahed de Téhéran se désolidarisa des révolutionnaires en 1907 Nuri les accusait de ser vir les étrangers et les ennemis de islam Il obtint insertion dans le Supplé ment la Loi fondamentale de article rédigé par lui-même stipulant un aréopage au moins cinq mojtahed devait contrôler avec droit de veto la con formité islam des lois votées par Assemblée Faziollâh Nuri rassembla au tour de lui certains intégristes inquiets des changements politiques Ils se ral liaient au nouveau monarque Mohammad Ali qui fut déposé par les ré volutionnaires en 1909 après avoir tenté de supprimer la Constitution par un coup Etat absolutiste 19 la suite de la victoire des constitutionnalistes un tribunal condamna mort eyx Faziollâh Nuri qui fut exécuté sur la place pu blique sous.la responsabilité un révolutionnaire arménien mais avec accord des mojtahed Cette exécution inopportune traumatisa les religieux qui évitèrent dès lors de se compromettre dans la politique ini retira du commerce son li vre pro-constitutionnaliste et demanda on fasse plus jamais allusion de vant lui en 1962 le clergé en tant que tel représenté par ses mojtahed ne participera plus la politique que négativement ou passivement sans proposer de projet original de gouvernement Sous Reza les rapports du nouveau pouvoir avec le clergé commencèrent dans ambiguité en 1924 Reza Xân

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avait provoqué des tollés indignation en essayant instaurer en Iran un ré gime républicain exemple de la Turquie kemaliste effrayait les olama qui voyaient poindre des mesures anti-religieuses Ils furent rassurés par Reza àï qui fît des manifestations ostentatoires de piété et de respect pour les mojtahed de Qom et de Naj af Après avoir renoncé la République Reza àï bénéficia de la complaisance bienveillante du clergé pour renverser la dynastie Qâjâre et se faire proclamer chah par une assemblée constituante en 1925 Un seul reli gieux enturbanné Seyyed Hasan Modarres lui tint tête mais pour des motifs strictement politiques et peut-être par simple ambition personnelle Il fut attaqué par des hommes de main puis emprisonné et finalement assassiné

Les rapports entre les religieux et la nouvelle dynastie ne firent empirer suite aux mesures jugées anti-islamiques du nouveau souverain Reza fit tout pour juguler influence des olama et réprimer toute protestation cléricale Le seul entre eux qui eut assez bons rapports avec la monarchie at San- galaji avait été condamné comme hérétique par ses confrères pour ses opinions réformistes La pression politique se relâcha brusquement en 1941 après abdi cation de Reza influence du clergé redevint importante malgré une con currence désormais solide des idéologies sécularisées social-démocratie marxisme qui attiraient de nombreux intellectuels Le clergé lui-même est alors divisé en tendances contradictoires

le clergé traditionnel convaincu de la force de la monarchie constitution nelle et des nouvelles institutions préfère abstenir de toute intervention dans les affaires politiques Tout au plus adresse-t-il aux autorités pour leur rappeler certaines exigences de la loi islamique est attitude du haut clergé et du grand mojtahed de époque ayatollah Borujerdi 1961)

certains olama de rang moyen sont mêlés au mouvement nationaliste dans lequel ils ne font pour la plupart accompagner un mouvement de masse Certains mènent un rôle important comme ayatollah Kas ni sans avoir ce pendant une idéologie spécifique Pour beaucoup entre eux comme pour ayatollah Tâleqâni ou ayatollah Benesti ce sera le début une vie militante ils continueront en collaboration avec des partis politiques islamiques mais sécularistes

enfin quelques membres isolés du clergé iranien engagèrent partir de 1943 dans une organisation militante extrémiste les iyân-e esiâm fondée par un jeune théologien partisan des méthodes directes assassinats politiques et un fondamentalisme islamique intransigeant Navvâb Safavi

Vers 1960 au moment de la mort de Borujerdi les lignes évolution du clergé réformiste et des partisans de la révolution dirigée par le clergé Khomey- ni ou contre lui ati commencent se dessiner nettement la révolte de 1963 et sa répression fut le point de départ du mouvement qui aboutit la Répu blique islamique On reviendra plus en détail sur cette période dans la pré sentation des tendances actuelles Ce résumé historique très schématique nous montre quelques traits originaux du clergé ite iranien de création relative ment récente XVIème siècle) est un corps social indépendant qui revendique volontiers la reconnaissance de sa prééminence politique Jouissant une grande influence Sur le peuple en raison de son indépendance et de son rôle so cial le clergé beaucoup perdu entre 1850 et 1963 avec la pénétration en Iran du modernisme et des institutions sécularisées copiées ou inspirées du modèle occidental Mais la violence de la répression exercée depuis le début de la dynas tie Palliavi et le caractère de plus en plus dépendant néo-colonial du pouvoir

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monarchique donné au clergé ite un nouveau crédit auprès des masses auxquelles il apportait la fois une garantie de sauvegarde des valeurs tradition nelles et un canal encore accessible pour exprimer la révolte politique

II LE CLERG ET SES INSTITUTIONS

Le terme clergé employé ici doit être mieux défini il en effet en islam ni sacerdoce ni prêtres puisque cette religion pas de sacrement et que sa liturgie la prière quotidienne est une obligation pour tous les croyants La prééminence est cependant reconnue ceux qui savent les o- lamâ qui maintiennent et transmettent par enseignement et la prédication la compréhension du Coran et des traditions religieuses Le isme osuli donne aussi comme on vu une place intermédiaire privilégié entre Dieu et les croyants aux olama en tant que représentants de Imam absent En Iran jus au début du XXème siècle enseignement donné par les Olama était partie intégrante de la culture générale et rien ne distinguait les intellectuels et les

clercs Le processus de modernisation-occidentalisation-sécularisation isolé les olama en dévalorisant leur savoir désormais confronté au prestige de la science moderne Leur fonction sociale été restreinte au domaine reli gieux et un terme nouveau été créé pour les désigner en tant que clergé

ruhâmyat dérivé de ruh esprit comme en allemand Geistlichkeit de Geist Le terme ruhani probablement apparu en persan dans ce sens de clerc époque de Reza est employé hui communément même par les olama On est donc en droit de parler en fran ais du clergé iranien On avancé des chiffres très variables sur le nombre de clercs iraniens au hui Un journal iranien de langue anglaise publia en octobre 1978 des chiffres qui ne reposent sur aucune enquête sérieuse 180000 molla 80000 mosquées 60000 étudiants en théologie dans 300 centres enseignement 1200 ayatollah. 20 autres sources tout aussi peu crédibles font état pour an née 1965 de 100 mojtahed 10000 molla et 20000 mosquées en Iran 21 Selon des sources plus sérieuses on peut avancer les chiffres suivants il avait en 1975 pour une population totale environ 30millions Iraniens 9015 mos quées 22 la même date un chercheur américain estime il avait Qom entre 500 et 500 étudiants en théologie 1800 Ma had 1000 Ispahan 500 Tabriz 250 Chiraz et 300 Yazd 23 Ces derniers chiffres correspon dent une estimation faite par ailleurs en 1967-68 et qui donne environ 7500 étudiants théologiens dans 138 madrase 24 Toutes ces données restent ap proximatives faute un recensement systématique incertitude des statistiques

sous ancien régime due au fait que beaucoup de religieux ne souhaitaient pas être recensés comme clercs est difficile corriger pour Iran après la Révolu tion cause du bouleversement des structures du clergé et de enseignement théologique On restera donc prudemment au chiffre environ 50000 clercs la veille de la Révolution Ces clercs peuvent avoir des emplois très variés Le plus souvent ce sont des fonctions liturgiques ils dirigent les prières la mosquée lisent le Coran occasion des deuils prononcent par délégation des deux contrac tants les formules rituelles du contrat nuptial La prédication est leur occupation

la mieux rétribuée bien elle soit principalement liée aux grands moments du calendrier islamique les prêches sont assidûment fréquentés par les fidèles pen dant les mois de Ramadan surtout le 21 anniversaire du martyr de Ali ou pour les nuits du destin et de Moharram et Safar Commémoration du 11

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martyre de Hoseyn la bataille de Karbala en 680 Toute occasion même per sonnelle peut être également bonne pour inviter chez soi un prédicateur ani mer une séance de rowze-xâni évocation du martyre un des Imams

occupation par excellence des olama est étude et enseignement dans les Centres théologiques howze-ye elm ye est là que vivent pendant la plus grande partie de année les prédicateurs invités selon leur réputation se ren dre dans les villages et les villes pour les grandes occasions du calendrier reli gieux étude et enseignement sont étroitement associés dès les niveaux les plus élémentaires et peuvent constituer pendant toute leur vie activité unique des olama au degré supérieur où spécialisés dans efeqh droit islami que ils deviennent mqjtahed est-à-dire aptes interpréter et professer ou marja -e taqlid modèle imiter des simples fidèles Les titres de hojjat al- eslàm ayatollah et ayatollah ozmâ sont purement honorifiques et leur attri bution est pas strictement codifiée sauf peut-être le dernier réservé aux marja -e taqlid Le Centre théologique ou howze peut être situé dans les plus petites villes de province mais est Qom qui possède le Centre le plus impor tant le plus réputé et le plus vivant de tout le monde ite attirant de nom breux étrangers Irakiens Libanais Pakistanais Tanzaniens etc. En pratique le corps social appelé ruhàniyat est donc un ensemble composite où on peut retrouver différents niveaux sociaux la base le molla de village généralement peu instruit qui remplit parfois pour compléter ses modestes rétributions des fonctions extra-religieuses comme celles de laveur des morts exorciste écrivain public ou même agriculteur commer ant apothicaire etc 25 Dans les villes nombreux sont les molla ou âxund terme moins péjoratif ou ruhani qui sont assurés de revenus plus réguliers depuis la réforme agraire qui les dépossédés des revenus fonciers des fondations pieuses ils sont encore plus liés que dans le passé aux commer ants et artisans du bazar traditionnellement pieux et géné reux envers le clergé celui-ci garantit moralement en retour la légitimité de leurs gains et leur donne un crédit social Au sommet Qom et Mashad princi palement les tahed re oivent au nom du -e taqlid la taxe du cin quième du revenu superflu xoms dont la moitié est dépensée pour les pauvres et les orphelins et autre constitue la part de Imam sahm-e emâm) ce sont des sommes très importantes gérées par le marja -e taqlid qui en dispose pour financer les études de théologie et des uvres de propagande ou assistance pu blique 26 Etat intervenait pas ou presque dans la vie de la majorité des o- lamà iraniens avant la Révolution Seule une fraction relativement peu impor tante entre eux recevaient des subsides ou des salaires

les prieurs du vendredi dans les grandes villes avaient un rôle de décorum sauf dans les régions sunnites où ils étaient comme dans les pays sunnites des fonctionnaires importants

des professeurs de Université et de enseignement secondaire pouvaient être des religieux en turban loin être hostiles leurs confrères des madrase certains professeurs des facultés Etat de théologie Téhéran et Mashad sont devenus des leaders du mouvement islamique révolutionnaire comme les aya tollah Motahhari et Mofatteh tous deux assassinés dans les premiers mois de la République

des fonctionnaires de administration des Fondations pieuses Sâzemân- owqq/ employés gérer les biens de mainmorte légués des mausolées ou des madrase Pour compenser les pertes de revenus occasionnées par la réforme

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agraire de 1963 Etat distribuait par intermédiaire de ce ministère public ou sur des caisses secrètes 27 des subsides importants destinés officiellement aux hôpitaux et uvres du clergé

En dépit de cette diversité de fonctions et de la grande disparité de niveau social on doit noter une profonde cohésion du corps des olama iraniens que ce soit dans les signes extérieurs vêtement style de vie ou dans la solidarité cor porative créée par ce système très sophistiqué qui permet une ascension sociale appréciable pour beaucoup enfants humble origine Les olama iraniens se distinguent extérieurement des laïcs les vêtements ils ont conscience de por ter imitation du Prophète diffèrent complètement des vêtements modernes

adoptés par la majorité des Iraniens Le turban emâme ou populairement am- mâme est remis aux étudiants avancés par un mojtahed occasion une fête religieuse et ils le roulentt sur leur tête selon un rite particulier Le turban est noir pour les seyyed descendants du Prophète en signe du deuil des Imams et blanc pour les autres Les olama se revêtent un long manteau sans manche

abâ qui leur donne un air majestueux Ils chaussent des babouches ieyn fa ciles öter pour les ablutions et la prière Ils se laissent pousser la barbe mais coupent les moustaches ras au ciseau Le mode de vie des olama est apparem ment simple faisant une large part la dévotion et respectant de manière osten tatoire les traditions islamiques rigoureuses les femmes étant strictement voi lées devant tous ceux qui ne sont pas de la famille très proche nâ-mahram) la vie publique des olama ne se déroule en présence des hommes tout fait sé parée de la vie privée Leur train de vie sauf exception ou dans des cas hypo

crisie cynique est austère sans luxe leur nourriture est frugale Les mojtahed que ai eu occasion de visiter chez eux avaient pour tout mobilier que des ta pis sans grande valeur indispensables pour accueillir leurs nombreux visiteurs Ils préparent souvent eux-mêmes le thé ils offrent Certains aspects obsolètes de leur vie sont dus la méfiance générale pour les innovations apportées Oc cident par des gouvernements souvent mal inspirés envers islam Pendant long temps des olama ont refusé utiliser électricité le téléphone la radio Au hui ils acceptent généralement la télévision épurée des programmes cor

rupteurs par la vigilance des autorités islamiques Dans les Centres études islamiques comme Qom le nivellement social est pas complet mais un sys tème généralisé de pensions versées en argent ou en nature aux étudiants ta- labe pi tollâb et enseignants permet établir une grande équité entre eux Le mode de vie la madrase impose généralement des règles communautaires au tour une cour qui ressemble celle une mosquée avec son bassin ablu tions sont disposées les cellules des maîtres et des élèves sur deux étages en gé néral Les maîtres et les étudiants mariés la majorité dans le cycle supérieur 28 habitent cependant en ville et ne dorment exceptionnellement dans la madrase 29 origine sociale des étudiants de Qom est connue que sur une petite tranche par une enquête la Madrase Golpâyegâni sur 282 étudiants 256 ont répondu la question sur la profession de leur père 128 sont fils de paysans 56 sont fils un clerc ruhani) le reste venant de la petite bourgeoisie urbaine 30 Plus de 100 parmi eux avaient avant de venir Qom déjà étudié plusieurs années dans la madrase une petite ville de province ce qui laisse supposer pour tout Iran un plus grand nombre de fils de paysans dans les pre miers degrés des études théologiques la répartition géographique des lieux origine des étudiants de Qom montre bien en effet une dispersion très régulière du recrutement dans la province 31)

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Deux précisions imposent cependant après les données connues avant la Révolution les nouvelles catégories sociales étaient pas représen tées dans le recrutement du clergé pas de fonctionnaires pas de médecins pas ingénieurs pas de diplômés de Université pas intellectuels au sens mo derne parmi eux Depuis la Révolution Constitutionnelle 1906) une sorte de sé lection semblait avoir réservé les études théologiques aux classes les moins tou chées par la modernisation On connaît certes quelques rares exceptions de membres du clergé iranien qui ont eu accès la culture moderne comme ayatollah Benesti tue en juin 1981 qui connaissait anglais et allemand et avait vécu Hambourg pendant plusieurs années Mais il agit là une excep tion le milieu social des olama est resté dans ensemble réfractaire toute oc cidentalisation Dans enquête citée plus haut sur 250 étudiants ayant répondu

la question seulement avaient terminé leurs études secondaires dans le sys tème Etat et 197 les six années de école primaire ce qui suppose que ensei gnement islamique traditionnel représente pour beaucoup entre eux la base unique de leur éducation autre part après une enquête très révélatrice sur les relations de parenté de quatre marja -e taqUd les ayatollah at-madâri asi Milani et Golpâyegâni on constate la grande cohésion sociale de élite du clergé enquête porte sur trois générations celle des celle de leurs parents et celle de leurs enfants soit 275 personnes Parmi eux 105 sont des membres du clergé 41 sur 90 dans la plus jeune génération) 76 sont des com mer ants dont 58 du bazar) et 12 des propriétaires fonciers 32 Ainsi appa raît nettement dans élite du clergé une solidarité sociale concrétisée par les al liances et les liens familiaux et reflétant la fois des rapports internes au clergé réputation clientèle et les dépendances économiques

Un autre tableau saisissant indique les ramifications étendues des alliances matrimoniales entre la quasi-totalité des grands mojtahed ites contempo rains en Iran ou hors Iran 33 Ainsi bien il ne agisse pas une société tout fait fermée élite du clergé iranien consolide sa conscience corporatiste par des liens qui tendent la perpétuer et contribuent en faire une caste Etabli principalement Qom Mashad ou Najaf le haut clergé défend extérieu rement sa cohésion par absence de querelle publique Les dissensions dogmati ques ou idéologiques sont discutées en cercle restreint discrètement et demi- mot Officiellement on dit il pas de plus grand mal pour la communauté des croyants une dissension ouverte entre docteurs de la foi qui peut occa sionner des schismes En fait le souci de ne pas perdre de crédit auprès des mas ses conduit maintenir au moins extérieurement une quasi-totale unanimité Cette attitude sensiblement évolué après la Révolution comme on le verra plus tard

Les études théologiques

En dépit du caractère corporatiste du haut clergé iranien et du système très sophistiqué qui maintient sa dignité abri des querelles on beaucoup parlé en Iran depuis les années 60 et surtout depuis la Révolution islamique de es prit démocratique libéral et egalitaire de institution centrale du clergé le Centre études théologiques howze-ye elmiye 34 Ces discours apologéti ques cherchent revaloriser la madrase par rapport Université en faisant va loir notamment les particularités suivantes étudiant théologien talabe est pas coupé de son milieu culturel origine et il apprend parler un langage

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compréhensible et riche enseignements positifs pour le peuple les études théologiques ont pas pour but acquérir un diplôme mais un savoir réel

elles ne coûtent pas cher et sont même dans une certaine mesure rétribuées le programme est assez libre aménagé par étudiant lui-même en fonction de ses affinités étudiant choisit lui-même ses professeurs et le professeur qui plus auditeur doit se retirer des rapports personnels parfois quasi- filiaux sont établis entre le maître et élève qui partagent en partie du moins la même vie le talabe est lui-même associé enseignement et devient ré pétiteur pour ceux qui sont moins avancés Tout est fait dit-on pour stimuler esprit de recherche personnelle non accumulation passive un savoir

Le principe de cooptation qui régit les rapports de maître disciple dans les howze est le même qui relie le croyant ite institution religieuse sans aucune structure ne lui soit imposée Le croyant seulement le devoir de choisir comme modèle imiter -e taqlid le théologien il reconnaît comme le plus savant iam) il est pas capable déjuger par lui-même du niveau de ce théologien il en remet au témoignage de gens de confiance Les seuls degrés concrets du savoir religieux qui peuvent servir de critère pour les profanes sont la licence ejâze accordée par les maîtres defeqh aux étu diants avancés les autorisant émettre officiellement leur opinion sur les pro blèmes religieux et se considérer leur tour comme moj tähed le traité pratique amaliye dans lequel les mojtahed confirmés rassemblent leurs décrets fatvâ et qui fait eux des -e taqlid en puissance

Voici comment se déroule schématiquement le cursus des études théologi ques pour un étudiant ordinaire 35 au niveau inférieur moqaddamât qui dure environ quatre ans selon les aptitudes et le travail du talabe il acquiert la connaissance de arabe littéraire nécessaire pour la lecture du Coran et toutes les disciplines utiles sa compréhension grammaire vocabulaire sémantique rhétorique On commence également ce niveau initiation au droit islamique feqh) le deuxième niveau qui dure environ cinq ans est le niveau de base sath litt surface on étudie les grands traités classiques et leurs gloses

dans une tradition médiévale restée vivante nos jours dans les princi paux domaines du savoir islamique écriture sainte droit théologie logique et philosophie 36) le troisième niveau des études théologiques est entièrement libre est pourquoi on appelle dars-e xârej litt le on extérieure au pro gramme Le maître sort des livres et donne son cours ceux dont il juge le ni veau suffisant sur le thème il choisit et il peut développer sur un an et plus

Cette liste incomplète montre bien les caractéristiques de enseignement théologique en Iran très traditionnel il hésite pas cependant utiliser côté de text-books vieux de plusieurs siècles des uvres auteurs plus récents En seignement vivant il est cependant fermé tout modernisme ne comprenant no tamment aucune discipline littéraire pratiquement pas histoire de géographie de sciences physiques et naturelles et aucune langue vivante arabe est pas enseigné comme langue de communication Quant la philosophie occidentale et histoire des autres religions les pamphlets diffusés depuis Qom montrent on apprend seulement réfuter par la polémique toutes les doctrines non islamiques sans les connaître et avec des arguments stéréotypés Ainsi dépos sédé de enseignement général qui était une de ses fonctions essentielles jus-

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au XIXème siècle le clergé iranien progressivement perdu le contact avec la culture contemporaine laissant les jeunes intellectuels formés dans des uni versités occidentales sans réponse devant les sollicitations des doctrines sécula risées Un philosophe iranien lui-même membre du clergé et un des théoriciens de la République islamique propose une explication et des remèdes au pro blème fondamental de institution cléricale en Iran dans un article écrit en

1962 Mortazâ Motahhari évoque avantage des olama ites sur leurs collè gues des pays sunnites est-à-dire leur indépendance politique et financière par rapport au pouvoir de Etat Mais ajoute-t-il le prix de cette liberté est la né cessité de se conformer aux exigences parfois peu éclairées de la masse des fidè les et de compromettre éventuellement la rigueur doctrinale et urgence de cer taines réformes est ce il appelle le mal populiste avâm-zadegi 37 Il cite comme exemple le projet du Seyx Abdolkarim eri Yazdi 1936 in troduire enseignement des langues vivantes et des sciences dans le Centre études théologiques de Qom afin de permettre une meilleure propagation de islam dans les milieux occidentalisés et étranger une délégation du bazar de Téhéran fut envoyée aussitôt Qom pour protester contre utilisation des fonds de la part de Imam sahm-e emâm pour apprendre aux talabe les lan gues des infidèles la menace de ne plus verser la taxe islamique obligea le seyx

retirer son projet 38 Le bas niveau instruction de la masse des fidèles et son attitude défensive face agression du laïcisme laissaient on le constate une faible marge initiative aux velléités réformatrices des chefs religieux est pourquoi Motahhari et beaucoup de clercs de sa génération ont cherché une so lution ensemble la décadence de institution religieuse ite

III TENDANCES ACTUELLES

évolution actuelle du clergé iranien abord eu des causes historiques est sous Reza 1925-1941 que les attaques contre lui ont été les plus bru tales après une brève période de séduction le nouveau régime prit en effet un caractère laïque et même franchement anti-clérical Différentes lois comme la conscription obligatoire uniformisation des vêtements étatisation de en registrement des actes notariés jusque là authentifiés par les Olama) la laïcisa tion de la justice et de enseignement. mettaient directement en cause les clercs beaucoup abandonnèrent le turban cette époque autres lois jugées anti-islamiques comme le dévoilement des femmes provoquèrent dans le clergé des mouvements de résistance suivis de répressions sanglantes notam ment Mashad et Qom la chute de Reza eut lieu un retour in fluence du clergé et une abrogation defacto de certaines lois anti-islamiques Certaines dissensions virent le jour dans les rangs des olama la majorité derrière ayatollah Borujerdi 1961 adoptèrent une attitude quiétiste et acceptè rent des compromis en 1962 le chah occasion utilisa leur concours moyennant quelques concessions comme au cours de la violente campagne anti- en 1955 et même plus tard avec la collaboration épisodique entre la po lice et association intégriste nommée Hojjatiye autres clercs plus ou moins intégristes et fondamentalistes mais sans obéir une idéologie politique cléricale engagèrent dans le combat politique avec ayatollah l- Qâsem Kas ni 1962 39) est parmi eux que se trouvait alors ayatollah Khomeyni proche également de Borujerdi autres enfin plus progressistes se

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sont engagés dans le combat politique et ont soutenu au bout la lutte de Mosaddeq et du Front national pour la nationalisation de Anglo-Iranian Oil Company parmi eux on trouve ayatollah Tâleqâni les ayatollah 1-Fazl et Reza Zanjâni le futur ayatollah Mohammad Benesti Ostad Mohammad Taqi ati père de Ali ati etc La mort de Borujerdi permit une partie influente du clergé exprimer pour la première fois sa volonté de réforme ren due plus actuelle par la difficulté de trouver un successeur unique au marja -e ta- qlid disparu 40 Quelques olama parmi lesquels Mortazâ Motahhari 41 or ganisèrent des conférences mensuelles sous égide une association appelée prosaïquement Anjornan-e mâhâne-ye dini Association religieuse mensuelle Ce sont les réflexions issues de ces réunions qui composèrent la matière du vo lume collectif Discussion sur le rôle du clergé et du modèle imiter 42 Parmi les réformes de structure proposées retenons la nécessité en raison de la complexité des problèmes actuels de la communauté de remplacer le modèle imiter unique par une pluralité de mojtahed formant un collège doctrinal

où chacun est spécialisé dans un domaine la nécessité corré lative de gérer de manière moins individuelle et au grand jour les sommes col lectées par le clergé au titre de la part de Imam la nécessité élargir en

seignement des écoles théologiques pour répondre aux problèmes des nouvelles générations

On voit que dans ces mesures aucune position politique fondamentale est revendiquée par le clergé des allusions très critiques sur la politique du gouver nement envers les olama montrent cependant que ces religieux entendaient ne pas laisser étouffer leur voix et ne dissimulaient pas leurs opinions Les événe ments de 1963 et la répression qui suivit mirent fin brutalement ce mouvement réformiste La plupart de ses protagonistes engagèrent par la suite directement dans la politique soit avec Mahdi Bâzargân et ayatollah Tâleqâni dans le Mouvement pour la Liberté de Iran soit avec ayatollah Khomeyni dans une opposition islamique plus révolutionnaire

Le clergé contre la monarchie

En 1962 en effet Mohammad Reza pressé par administration Ken nedy mit en place un vaste programme de réformes Le clergé montra hos tile les considérant soit comme anti-islamiques comme la suppression de la mention du Coran dans le serment prêté par les nouveaux élus) soit contraires éthique traditionnelle droit de vote aux femmes certaines réformes mettaient également en danger indépendance financière des olama en supprimant les grandes propriétés foncières Une révolte violente conduite par les religieux fut réprimée dans le sang le juin 1963 43 Deux mojtahed jouèrent dès lors un rôle important ayatollah Mohammad zem at-madâri théologien de très haut rang qui prit la défense de Khomeyni mais était plutôt partisan du compromis il resta par la suite Qom un des chefs du clergé traditionnel aya tollah Ruhollâh Khomeyni qui prit la tête du mouvement fut arrêté et relâché en octobre 1964 il éleva nouveau contre le chah en pronon ant un violent sermon contre les nouvelles capitulations que constituait le statut diplomati que accordé aux experts militaires américains Il fut aussitôt exilé en Turquie puis en Irak où il resta en 1978 Le mouvement il continua diriger de puis Najat était solidement structuré en Iran même au sein de la Fédération des

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associations islamiques at-hâ-ye talefe-ye eslam et de organisation du Clergé combattant Ruhâniyat-e mobârez avec notamment les ayatollah Be nesti Bâ-honar et le Dr Mofatteh

Depuis son exil Khomeyni en effet jeté les bases un renouveau radical de la formulation du gouvernement islamique Il reprenait les prétentions la prééminence politique que le clergé ite avait toujours exprimées de manière latente depuis les Safavides mais leur donnait une application nouvelle en niant radicalement la légitimité de la monarchie même par délégation autorité Avant les conférences en persan de janvier-février 1970 éditées sous le titre

Gouvernement islamique ou le règne du juriste théologien 44) Khomeyni avait élaboré dans un grand traité en arabe sur les contrats une nouvelle formu lation de la théorie ite traditionnelle 45 Il se trouvait alors dans une situa tion originale il était fraîchement promu grâce au soutien de at-madâri au rang de marja -e taqlid ce qui lui avait permis de bénéficier une relative immu nité judiciaire et échapper la peine capitale ou emprisonnement prolongé et investissait aussi une forte autorité religieuse lui donnant une grande lati tude expression théologique Mais en même temps échec des tentatives de compromis proposées par la SAVAK 46 permettait Khomeyni une fois exilé de condamner radicalement le pouvoir en place accusant être un usur pateur Pour la première fois un mojtahed confirmé ne se contentait pas de déva loriser la légitimité du souverain en la disant déléguée de celle de Imam sous la surveillance cléricale il condamnait sans appel le système politique de la mo narchie Alors que dans un ouvrage de 1943 Khomeyni acceptait la position traditionnelle plus modérée et tolérait faute de mieux le pouvoir civil 47) il renonce désormais ces précautions inutiles il qualifie le pouvoir en place de Tâqut terme coranique signifiant anti-Allah cf Coran XVI 38/36 Il récuse dans leur principe tous les systèmes politiques établis par les hommes com pris la république al-jomhuriya) terme travers lequel il vise en réalité le système démocratique et la monarchie constitutionnelle al-masruta) est-à- dire le régime de Iran depuis 1906 48 Au règne de la loi humaine dictée par étranger non-musulman) soumise opinion et arbitraire donc instabi lité injustice et au désordre Khomeyni oppose la loi divine de islam fondée sur la raison et la révélation garantie de stabilité de justice et ordre 49 Cette loi été confiée de son vivant autorité du Prophète puis ses héritiers les Imams Il est pas raisonnable de croire poursuit Khomeyni que Dieu ait abandonné les hommes eux-mêmes au moment de Occultation du Douzième Imam en 874 Or il des traditions ites qui font des olama les succes seurs du Prophète

Le Commandeur des croyants Ali rapporte que le Prophète dit Oh Dieu aies pitié de ceux qui me succéderont Il le dit trois fois On lui demanda

Oh Messager de Dieu qui sont ceux qui te succéderont II répondit Ce sont ceux qui viennent après moi transmettent mes traditions et les mettent en pratique

les Imams et enseignent le peuple après moi 50)

Malgré certaines incertitudes sur la transmission du dernier élément de cette tradition et enseignent le peuple après moi Khomeyni interprète sans hésitation comme une déclaration investiture en faveur des olama les mem bres du clergé et notamment ceux qui en son sein sont les gardiens de la loi re ue du Prophète esfoqahâ sont chargés de faire appliquer ordre divin Et si unfaqih réussit prendre effectivement le pouvoir en renversant usurpateur

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non seulement il le devoir de faire appliquer intégralement la loi de islam mais les autres ont le devoir de unir et de le suivre 51 Cette dernière consi gne indique dans le discours de Khomeyni une nette tendance soutenir insti tution un mär -e taglia ou faqih unique ce qui ailleurs ne diminue pas

importance des autres olama qualifiés héritiers du Prophète et de cita delles de islam 52 La Constitution de la République islamique largement inspirée de la théorie khomeyniste ailleurs hésité entre la concentration des pouvoirs dans la personne ïunfaq unique et la collégialité de plusieurs fo- qahâ article sur le velâyat-efaqih règne du juriste-théologien prudem ment prévu en effet que si efaqih actuel Imam Khomeyni avait pas de suc cesseur unique un collège de plusieurs mojtahed constituerait un conseil de guidance surâ-ye rahbari 53)

Un anti-cléricalisme islamique

Le théocratisme cléricaliste de Imam Khomeyni pas fait unanimité absolue parmi les révolutionnaires islamiques En effet des idéologues musul mans contemporains engagés eux-mêmes dans la lutte politique ont suggéré depuis 1964 des réformes profondes de institution religieuse qui divergent ra dicalement de la tendance khomeyniste Le plus connu de ces idéologues Ali ati ati mort en 1977 été un ferment révolutionnaire pour les jeu nes intellectuels la fois contre le régime du chah et contre le conservatisme re ligieux du haut clergé 54 En raison de cette ambivalence le régime impérial et les religieux ont tenté tour tour de récupérer leur profit un contre autre les effets de immense talent oratoire de ati Mais les textes sont là pour prouver que ati combattu les deux la fois Quant au clergé il le con naissait de par ses origines puisque son père fait partie une longue lignée de théologiens de la région de Sabzavâr Xorâsân et fut mêlé de près au mouve ment nationaliste et islamique de Mashad depuis 1941 Après des études dans cette ville ati étudia pendant cinq ans Paris 1959-1964 il renfor sa conviction que Iran doit renouer avec son identité islamique pour mieux se li bérer du joug impérialiste Mais authenticité religieuse ne peut être acquise au prix un renouveau et un dépouillement La réforme islamique de Sha ati commence par réévaluer les valeurs de combat et de militantisme huma niste dans le Coran et histoire sainte des Imams et critique sans ménagement les accommodements ménagés au cours des siècles entre le clergé et la monar chie inique hui dit-il le conservatisme figé du clergé fait de islam une religion littéraliste sans âme inadaptée aux problèmes contemporains Dans un livre qui déclencha la fureur des mojtahed de Qom ati distin guait entre le isme safavide et le isme de Ali Le premier été dé tourné de sa mission par ses liens avec le pouvoir il aliène le peuple il cher che endormir entre les pleurs pour les saints martyrs et le rêve une compen sation la fin des temps le isme de Ali est au contraire une religion de prise de conscience engagement social de justice et de combat pour la libéra tion des déshérités 55 Ce langage critique touchait les jeunes Iraniens qui re prochaient aux olama traditionnels leur complicité passive avec les injustices dont ils étaient les témoins Ces jeunes intellectuels apercevaient on pouvait lire le Coran un il nouveau et vivre la foi islamique sans être prisonnier des formes désuètes présentées par les olama expression islam sans les clercs

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eslâm menhâ-ye âxund été répandue par ati Il explicite par exemple dans les termes suivants adressés son père

Car maintenant de la même manière que le Dr Mosaddeq fait le projet une économie sans pétrole afin de perpétuer indépendance du mouvement national) et de le libérer de la servitude de la Compagnie coloniale la thèse islam sans les clercs également vu le jour dans la société grâce cette thèse islam son tour est libéré de ce carcan médiéval et de emprisonnement dans des églises de prêtres libéré de cette philosophie pétrifiée et décadente de cette vision du monde déformée superstitieuse bêtifiante et incitant imitation passive qui fait des gens un troupeau bêlant et transformé les intellectuels en en nemis de la religion appeurés et fuyant devant islam.. 56)

De nombreux textes semblables ont été relevés par les détracteurs de Sha ati Citons encore celui-ci particulièrement virulent

Ces clercs ruhâniun ne connaissent rien du Livre de Dieu ils ne le comprennent pas ils voient que des superstitions et des élucubrations imagi naires leurs désirs et leur intérêt Ils changent le discours de Dieu le transforment ils font obstacle la voie de Dieu ils volent le bien des hommes Ils portent sur eux le Livre de Dieu mais comprennent rien et obéissent pas ils sont comme des ânes des bêtes de somme qui transportent des livres ... Ils sont comme des chiens qui aboient et qui mordent 57)

Dans autres textes ati oppose nettement deux religions une autre islam clérical qui justifie les iniquités pour préserver les formes insti- tutionalisées et islam vivant qui exemple des Prophètes bouleverse les tra

ditions figées pour leur substituer une spiritualité engagée au service des oppri més 58 Dans un autre texte il en prend la prétendue spécialisation théo logique sur laquelle appuient les clercs pour établir leur supériorité sur le com mun des mortels 59 Pour remplacer ce clergé inadapté par une nouvelle géné ration de musulmans instruits de leur religion ati avait trouvé dans insti tut islamique de Hoseyniye Ersâd un cadre approprié qui continuait en quel que sorte mais sur une plus grande échelle oeuvre que son père avait commen cée Mashad avec le Centre de propagation des vérités de islam Kânun-e nasr-e haqâyeq-e eslam Bien que Hoseyniye Ersâd ait été origine uvre de plusieurs réformateurs musulmans dont certains membres eminents du clergé comme Motahhari) est ati qui en devint bientôt animateur et le centre attraction principal Le public était composé surtout étudiants de université et de jeunes laïcs de la moyenne et petite bourgeoisie est dans ce cadre que ati ébaucha un vaste programme études islamiques qui aurait pu il avait été réalisé rivaliser avec les madrase de Qom On trouve plusieurs sec tions recherche enseignement propagande organisation Contentons-nous ici

de citer quelques-uns des points annoncés par ati Recherche islamo- logie consistant étudier idée de Dieu et sa révélation la connaissance on peut avoir du Prophète compris travers les travaux des orientalistes) idéal islamique la cité islamique histoire de islam de la culture et des sciences islamiques sociologie des pays islamiques art et littérature Enseignement islamologie définition de la société idéale et de homme idéal) connaissance du Coran compréhension du texte herméneutique et exégèse) rhétorique gram maire littératures classique et moderne langues arabe et européennes croyances et idéologies Propagande les différents moyens de diffusion de la pensée 20

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sermons mass-media pèlerinages conférences et séminaires etc. Organisation centre de documentation et information bibliothèque moderne comprenant cassettes films etc. publications diversifiées comprenant des traductions 60)

Cet anticléricalisme et la décléricalisation prônée par ati ont eu une grande influence sur la jeunesse iranienne notamment depuis la levée de la cen sure sur ses écrits après sa mort en 1977 Le mouvement toucha même de jeu nes talabe de Qom Mais des groupes qui eurent un rôle révolutionnaire impor tant se sont réclamés directement de ati Cela est certainement vrai pour

les Mojâhedin du Peuple déjà en mauvais termes avec la majorité du clergé ira nien depuis 1975 Cela est plus vrai encore pour le groupe Forqân qui retint sur tout aspect anti-clérical de ati et en fit la justification actes terroristes entre autres assassinat du Dr Mofatteh et de Mortazâ Motahhari accusé par Forqân avoir voulu faire obstruction aux projets de ati Forqân fut dé mantelé presque entièrement et ses principaux membres exécutés dans la pre mière année de la République islamique Le groupe Idéal des déshérités Armân-e n) qui publié en 1981 un bulletin du même nom était animé par une idéologie progressiste atiste que le nouveau régime eut du mal neutraliser Ce groupe musulman populiste dénon ait par des analyses politiques et sociologiques le danger du pouvoir clérical Enfin un groupement de disciples de ati comprenant notamment son fils Ehsân entrepris de puis 1978 la publication des uvres complètes de idéologue ainsi que deux pu blications périodiques Mehrâb et Ersâd Ces publications ont été interdites en

1981 et le Centre de diffusion de la pensée du Dr ati Kânun-e nasr-e afkâr-e doktor ati été officiellement dissout La plupart des membres du Centre sont emprisonnés ou réduits la clandestinité et la publication des

vres complètes de ati qui atteint 21 volumes en juin 1982 et doit en comprendre une cinquantaine est continuée dans des conditions précaires Elle ne peut pas être interdite en raison de sa popularité mais les tirages sont réduits La détérioration des rapports entre le pouvoir et les amis de ati est allée

une attaque en règle le 19 juin 1981 de la maison de la veuve de écri vain Téhéran il tenait ce jour-là une réunion commemorative du qua trième anniversaire de la mort de ati qui avait pas été autorisée dans un lieu public Il eut de nombreux blessés 61)

IV LA PUBLIQUE ISLAMIQUE

On vu en adoptant dans sa Constitution art le principe khomeyniste du (velâyat-e faqih la République islamique accordait un rôle privilégié au clergé et notamment au(x plus éminent(s de ses membres Elle leur confère une autorité immense dont les seules limites sont celles de la loi islamique Il est pas question examiner ici les conséquences nombreuses de cette nouveauté historique mais seulement indiquer quelques lignes évolu tion déjà perceptibles La mise en place un système clérical ne est faite que progressivement et par étapes Au début de la révolution le clergé khomeyniste était encore dans opposition le gouvernement de Bâzargân étant aux mains des nationalistes libéraux mosaddeqistes le Parti de la République islamique fondé par ayatollah Benesti et le Conseil de la Révolution étaient en revanche dominés par des olama politisés et khomeynistes cette époque Imam Kho- meyni était encore hostile une participation directe trop voyante du clergé aux affaires publiques et il avait interdit aux olama de se présenter aux élections 21

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présidentielles de janvier 1980 La situation changea seulement au printemps 1980 lorsque le Parlement nouvellement élu où siégeaient de nombreux olama eut une nette majorité favorable au Parti de la République Islamique il entama une lutte qui devait durer plus un an contre le Président Bani-Sadr Pendant été 1981 un membre du clergé le Dr Mohammad Javâd Bâ-honar fut nommé premier ministre avant de succomber dans un attentat 29 août 1981 Puis le troisième président de la République après la mort de Ali dans le même attentat fut un autre membre du clergé Ali Entre-temps de nombreux postes importants étaient confiés au clergé dans la Haute Cour de Justice au Conseil de surveillance de la Constitution dans les gouvernerais de province etc Imam Khomeyni avait commencé dès été 1979 nommer des prieurs du vendredi dans les principales villes ces religieux ont une influence considérable notamment cause du sermon xotbe qui précède la prière où ils abordent en général des sujets politiques Mais bientôt la nomina tion généralisée par Imam Khomeyni de missi dominici presque toujours choisis dans le clergé dans tous les ministères et toutes les administrations accor dait au faqih et au clergé qui lui étaient fidèles un pouvoir quasi illimité dou blant systématiquement les autorités régulières Les forces armées le Conseil supérieur de défense) Université les industries nationalisées les délégations officielles étranger. tout est désormais étroitement contrôlé par le clergé 62 La fonction judiciaire été rendue totalement aux olama en août 1982 La prise du pouvoir au sommet est accompagnée par un encadrement plus serré la base dans les quartiers le molla ou at responsable de la mos quée est investi une multitude de responsabilités nouvelles il donne les certifi cats de bonne conduite nécessaires beaucoup de démarches administratives et il supervise la distribution des tickets de rationnement surtout depuis la guerre avec Irak après septembre 1980 Enfin dans les médias est le clergé qui do mine désormais la plupart des débats Ce mouvement généralisé de bureaucrati sation du clergé qui fait de ses membres des serviteurs officiels de Etat est une nouveauté que seul un régime se réclamant de islam pouvait réaliser Du temps du chah plusieurs tentatives visant créer en grand nombre des religieux fonc tionnaires agissant au nom de Etat avaient avorté comme la création en août

1971 une Armée de la religion Sepah-e din dans le cadre de la Révolution blanche 63 Les nouvelles fonctions politiques et sociales du clergé ont en traîné une profonde réforme de structure de enseignement religieux une part le recrutement des étudiants en théologie considérablement augmenté en rai

son des nouveaux débouchés et des chances accrues de promotion sociale dans ce secteur et attention vers les études islamiques donné une vie nouvelle toutes les recherches et publications qui concernent islam Etat encourage dé

sormais les études théologiques autre part les matières enseignées dans les Centres études théologiques sont beaucoup plus diversifiées enseignement du droit comparé des sciences politiques de économie politique de la sociolo gie des langues vivantes est désormais accepté sinon encouragé Mieux en core depuis la grave crise du printemps 1980 qui aboutit la fermeture des uni versités la Révolution culturelle Enqelâb-e farhangi lancée par quelques in tellectuels islamiques Bani-Sadr Takmil Homâyun Sam l-e Ahmad Sorus Habibi Jalâloddin Farsi et reprise par le clergé eut pour slogan principal la coopération étroite entre les universités et les Centres études théologiques 64 Ainsi heure critique où Université iranienne de type occidental perdait son identité dans les remous de la Révolution islamique le howze-ye elmiye 22

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traditionnel était soudain revalorisé et placé au centre de la vie culturelle Cette revalorisation tardive doit cependant être située dans son cadre réel la politisa tion soudaine des madrase lourdement changé le climat de enseignement Beaucoup des professeurs de Qom occupés des tâches nationales urgentes né gligent leurs élèves autres dont les positions politiques sont défavorables au nouveau régime doivent réduire leur activité a-t-il pas là la généralisation systématique du mal que ayatollah Motahhari redoutait le mal populiste

Même si la tentation du pouvoir pu emporter sur des divergences idéolo giques le clergé iranien est encore loin avoir atteint unanimité souhaitée par les discours officiels épisode récent une tentative de destitution de ayatol lah at-madâri qui on voulu retirer sa qualité de -e taqlid mis en valeur la résistance dont est encore capable le clergé libéral conservateur En ré

alité les autorités ont réussi mettre aux arrêts chez lui le vieux mojtahed après avoir violé immunité de son domicile elles ont pu aussi interdire le fonctionne ment de ses uvres qui sont confisquées mais elles ont pas entamé le crédit dont il jouit auprès de ses fidèles et ont consolidé la conviction des autres mem bres du clergé qui lui sont solidaires Ce genre action habituel autrefois étonné de la part un Etat dirigé par le clergé Il indique clairement que les o- lamâ au pouvoir ont pleinement assumé leur nouveau rôle en assimilant la fonction Etat compris dans ses aspects coercitifs Il est trop tôt pour dire si le clergé définitivement perdu son indépendance politique Dès maintenant le paiement des taxes islamiques est plus facultatif aux yeux de Etat on choisit encore le marja -e taqlid qui on les acquitte personnellement mais on doit dans certains cas présenter des re us pour accomplir des démarches administra tives Si la logique actuelle allait un jour imposer que le paiement du xoms soit fait au faqih en titre cela voudrait dire que autorité religieuse et autorité politique ont été totalement unifiées ce qui impliquerait une situation radicalement nouvelle pour le clergé ite iranien Il semble on en soit pas encore là

Yann RICHARD Institut Etudes Iraniennes Université de Paris-Ill C.N.R.S.

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ARCHIVES DES SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS NOTES

Je tiens remercier particulièrement Calmard J.-P Digard N.R Keddie et Sâkeri qui ont bien voulu lire ce texte avant la rédaction définitive et me faire part de leurs remarques utilise le mot secularisme copié de anglais de préférence laïcisme moins clair mon avis pour désigner une idéologie qui écarte les références explicites la religion

Voir J.-P DIGARD isme et Etat en Iran in CARR éd. Islam et Etat dans le monde aujourdhui Paris 1982 pp 86 et sv Une analyse politique de évolution du clergé après la Ré volution est proposée par plusieurs contributions au colloque organisé en mai 1982 au Woodrow Wilson International Institute for Scholars Washington) édité par KEDDIE et HOOGLUND The Ira nian Revolution and the Islamic Republic s.l. 1982

Une bonne présentation des récents travaux sur ce problème se trouve dans CALMARD Les olama le pouvoir et la société en Iran le discours ambigu de la hiérocratie in J.-P DIGARD éd. Le Cuisinier et le philosophe hommage Maxime Rodinson pp 253-61 Les références aux travaux récents de S.A Arjomand A.K.S Lambton Madelung se trouvent dans les principales bibliogra phies ouvrages de Fischer et Keddie cités et dans la revue Abstracta Ironica

On se référera dans exposé deux récentes publications américaines FISCHER Iran From Religious Dispute to Revolution Cambridge-London Harvard University Press 1980 Har vard Studies in Cultural Anthropology abréviation ici FISCHER Religious Dispute Sh AKHAVI Religion and Politics in Contemporary Iran Clergy-State Relations in the Pohlav Period Albani State University of New York Press 1980 abréviation AKHAVI Religion and Politics ou vrage de Fischer qui apporte sur de nombreux aspects information de première main une bonne en quête ethnologique menée Qom en 1975 est handicapé par une ignorance déplorable des langues de histoire de la culture de Iran islamique Akhavi qui lit le persan avec moins de difficulté est pas exempt de glissements fâcheux voir Abstracto Iranica IV 1981) 282 Lavaste littérature en persan sur le sujet est souvent décevante comme par exemple le livre flagorneur de Mehdi ZAV BETI Pazuhesi dar nezâm-e talabegi Tehran BTNK 1359/1980 Recherche sur le système des études théologiques Une histoire documentée du mouvement clérical iranien contemporain vient être publiée par Ali DAVANI Nahzat-e ruhâniun-e Iran Tehran Bonyâd-e farhangi-e Em Reza 11 vol. 1360/1981- 82) la crédibilité de cette vaste entreprise est entamée par auteur lui-même qui avoue vol III 12 il dû supprimer dans cette nouvelle version un ouvrage paru antérieurement en un volume certains textes signés par les olama il agit notamment une requête particulièrement déférente adressée par ayatollah Khomeyni Xomeyni Mohammad-Rezâ pour le prier de supprimer la clause éligibi lité des femmes dans les assemblées locales cf NI Nahzat-e do-mâhe-ye ruhâniun-e Iran be manzur-e defa az osul-e moqaddas-e Esiâm Qom 1341/1963 52 Enfin représentant la tendance diamétralement opposée un opuscule inachevé et imprimé artisanalement dresse un réquisitoire histori que très partial mais bien documenté sur le clergé ite accusé être lié la classe féodale être la solde du pouvoir et de tromper les espoirs de liberté du peuple iranien Alef MORAD Ruhâniyat mirâs-i âz qorun-e vostâ Tehran Ettehâd barây-e âzâdi-e kâr 1360/1981-82 Andi e-ye enqelâb no Le clergé héritage du moyen-âge Pour une histoire politique de Iran depuis le XIXème siècle voir

KEDDIE Roots o/Revolution An Interpretive History o/Modern Iran New Haven-London Yale University Press 1981 Pour une introduction histoire du isme en Iran voir RICHARD Der

Verborgene Imam Die Geschichte des Schiismus im Iran Berlin Wagenbach 1983

Voir M.M MAZZAOUI The Origins o/the fawids ism Sufism and the Gulât Wiesba den 1972 27

Voir MOLE Les Kubrawiya entre sunnisme et isme aux huitième et neuvième siècles de Hégire Revue des Etudes Islamiques XIX 1961) pp 61-142 Cet article été critiqué par ALGAR Some Observations on Religion in Safavid Persia Iranian Studies VII 1-2 1974) pp 287- 90

Voir AUBIN La Politique religieuse des Safavides in coll. Le isme imâmite Collo que de Strasbourg Paris 1970 pp 235-43

Voir ELIASH Hasan Askari Encyclopédie de islam 2ème éd

Voir CORBIN En Islam iranien IV Paris 1972 du même La Philosophie iranienne islami que aux Viléme et XVIIIème siècles Paris 1981

Voir MADELUNG Akhbâriyya Encyclopédie de islam 2ème éd. suppi IRI ism and Constitutionalism in Iran Study of the Role Played by the Persian Residents of Iraq in Iranian Politics Leiden 1977 pp 66-7 ALGAR Religion and State in Iran 1785-1906 Berkeley- Los Angeles 1969 pp 33 et sv

10 ALGAR Religion and State.. 35 24

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