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Et si on normalisait la folie?: Démarche de conscientisation face à la stigmatisation par le biais d'une intervention de groupe avec des individus vivant avec le trouble de personnalité limite

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

ET SI ON NORMALISAIT LA FOLIE? : DÉMARCHE DE CONSCIENTISATION FACE À LA STIGMATISATION PAR LE BIAIS D’UNE INTERVENTION DE GROUPE AVEC

DES INDIVIDUS VIVANT AVEC LE TROUBLE DE PERSONNALITÉ LIMITE

Par

Geneviève Desjardins

École de service social Faculté des arts et des sciences

Essai critique présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de M.Sc.

en service social

Juillet 2013

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Université de Montréal

Faculté des arts et des sciences

Cet essai critique intitulé :

ET SI ON NORMALISAIT LA FOLIE? : DÉMARCHE DE CONSCIENTISATION FACE À LA STIGMATISATION PAR LE BIAIS D’UNE INTERVENTION DE GROUPE AVEC

DES INDIVIDUS VIVANT AVEC LE TROUBLE DE PERSONNALITÉ LIMITE

présenté par Geneviève Desjardins

a été évalué par un jury composé des personnes suivantes :

Annie Fontaine, professeure adjointe Directeur de maîtrise

Marie-Laurence Poirel, professeure adjointe Examinatrice externe

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Préambule

Le présent essai critique fait suite au stage de pratique spécialisée et vise à remplir les exigences conduisant à l’obtention du grade de maîtrise en service social. Le stage a eu lieu à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal au sein du programme des troubles relationnels et de la personnalité sous la supervision de Monsieur Jean-François Cherrier, travailleur social et psychothérapeute. Le stage s’est déroulé d’octobre 2012 à la mi-mai 2013. La rédaction du présent essai a été effectuée sous la direction de Madame Annie Fontaine, professeure adjointe au département de service social de l’Université de Montréal.

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Résumé

Le présent essai critique se veut une réflexion sur l’implantation et la réalisation d’un projet d’intervention de groupe, basé sur les principes de la conscientisation, s’adressant aux personnes présentant un trouble de la personnalité limite quant aux enjeux de la stigmatisation et ses conséquences en lien avec ce trouble. Ce projet d’intervention expérimenté au programme des troubles relationnels et de la personnalité de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal vise, chez les participants, le passage d’une lecture pessimiste de leur réalité à une lecture critique de celle-ci. De plus, grâce à la création d’un outil de sensibilisation en collaboration avec les participants, ce projet souhaite sensibiliser la population générale aux enjeux de la stigmatisation pour les personnes vivant avec un trouble de la personnalité limite ainsi que les professionnels de la santé rencontrant des personnes aux prises avec ce trouble dans leur pratique.

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Table des matières

PRÉAMBULE RÉSUMÉ

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES ABRÉVIATIONS REMERCIEMENTS

INTRODUCTION

CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS

1. Problématique ... 5

1.1 Le trouble de la personnalité limite ... 5

1.2 Étiologie du trouble de la personnalité limite ... 7

1.3 Intervenir auprès des personnes présentant un TPL : un défi pour les intervenants ... 8

1.4 Le processus de stigmatisation et la maladie mentale ... 11

1.5 La stigmatisation et ses conséquences chez les personnes vivant avec le TPL ... 13

2. Cadres d’analyse utilisés pour comprendre cette problématique ... 15

2.1 La théorie de l’attachement ... 15

2.2 Les théories psychodynamiques ... 16

2.2.1 Thérapie basée sur la mentalisation de Fonagy ... 16

2.2.2 Approche développementale, du soi et des relations d’objet de Masterson ... 18

2.3 Traitement cognitivo comportemental ... 19

2.3.1 Thérapie dialectique comportementale ... 19

3. Méthodologies d’intervention utilisées pour intervenir dans cette problématique ... 20

3.1 Traitement psychodynamique ... 20

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3.1.2 Approche développementale, du soi et des relations d’objet de Masterson ... 21

3.2 Traitement cognitivo-comportemental ... 21

3.2.1 Thérapie dialectique comportementale ... 21

3.2.2 Approche centrée sur les schémas de Jeffrey Young ... 23

CHAPITRE 2: PRÉSENTATION DU PROJET D'INTERVENTION 1. Présentation du lieu où se déroule le projet d’intervention ... 25

1.1 Mission et valeurs ... 25

1.2 Mode de financement ... 26

1.3 L’approche par programmes spécifiques ... 26

2. Présentation du programme des troubles relationnels et de la personnalité ... 27

2.1 Clientèle et admissibilité au programme ... 27

2.2 Les buts du programme ... 28

2.3 Les volets du programme ... 28

2.3.1 L’accueil-liaison-évaluation ... 29

2.3.2 La clinique externe ... 29

2.3.3 L’hôpital de jour ... 29

3. Présentation du groupe visé ... 30

4. Présentation et justification de la méthodologie d’intervention retenue ... 31

4.1 Objectifs du projet d’intervention ... 31

4.2 Méthodologie mobilisée pour la réalisation de ces objectifs ... 32

4.3 Justification du choix de cette méthodologie ... 34

5. Présentation et justification du cadre d’analyse retenu ... 38

5.1 Fondements/postulats de l’interactionnisme symbolique ... 38

5.2 Conception de la personne ... 39

5.3 L’interaction ... 39

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5.5 Les rôles ... 41

5.6 La Déviance ... 42

5.7 Justification du cadre théorique utilisé pour analyser la problématique ... 42

6. Présentation et justification des approches retenues ... 43

6.1 La conscientisation ... 43

6.1.1 Origine et définition de l’approche de conscientisation ... 43

6.1.2 Conception de la personne ... 44

6.1.3 Le processus de conscientisation ... 45

6.1.3.1 Les niveaux de conscience ... 45

6.1.3.2 Le dialogue ... 47

6.1.4 Le rôle de l’intervenant ... 48

6.2 Mentalisation ... 48

7. Description du processus d’élaboration du projet ... 49

8. Description du processus d’implantation du projet ... 50

CHAPITRE 3 : ANALYSE CRITIQUE 1. Portrait des participants ... 52

2. Bilan de l’implantation du projet d’intervention ... 53

2.1 Éléments ayant favorisé et fait obstacle à l’implantation du projet ... 53

2.1.1 Au plan organisationnel ... 53

2.1.1.1 Vers une psychiatrie citoyenne ... 53

2.1.1.2 Éthique et autorisations ... 54

2.1.1.3 Le services des communications de l'I.U.S.M.M: une assistance préciseuse ... 55

2.1.2 Au plan professionnel ... 55

2.1.2.1 Intervenir auprès des patients de l'hôpital de jour: un préalable à la mise en place du projet d'intervention ... 55

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2.1.2.3 Un projet d'intervention complexifiant le recrutement ... 55

2.1.3 Au plan sociétal ... 56

2.1.3.1 La vidéo: une menace à l'identité sociale ... 56

3. Bilan de l’intervention du projet d’intervention ... 57

3.1 Des participants aux consciences éveillées ... 57

3.1.1 Le rôle des médias d’information : une image caricaturale du trouble de personnalité limite ... 58

3.1.2 La façade : dissimuler l’indésirable ... 58

3.1.3 L’automutilation : de l’incompréhension au dégoût ... 60

3.1.4 Une souffrance banalisée ... 60

3.1.5 Le cycle de la stigmatisation ... 61

3.2 Une démarche difficile aux retombées favorables ... 62

3.2.1 La conception : un partage de vécus exigeant ... 63

3.2.2 Briser l’isolement : l’aide mutuelle, une méthodologie efficace auprès des groupes marginalisés ... 64

3.2.3 L’absence de jugement : retrouver son humanité ... 65

3.2.4 Une réussite laissant place à une vision de soi moins déterminée par le TPL. ... 66

3.2.5 Donner une voix : l’envie de combattre ... 67

3.2.6 Être conscientisé : une désolante et lourde vision de la réalité ... 67

3.3 Ce qui a favorisé et fait obstacle à l’intervention ... 67

3.3.1 Des rencontres difficiles à planifier ... 68

3.3.2 Les bienfaits de participer à toutes les étapes ... 68

3.3.3 Produire une vidéo : une activité ludique ... 68

3.4 Questionnements éthiques ... 69

CONCLUSION Synthèse des analyses présentées ... 70

Questionnements demeurant sans réponse ou exigeant un stage plus approfondi ... 71

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vii RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ANNEXES Annexe 1 Annexe 2 Annexe 3

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Liste des abréviations

DG de l’HLHL Direction générale de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine DRH Direction des ressources humaines

HdeJ Hôpital de jour

I.U.S.M.M Institut universitaire en santé mentale de Montréal MSSS Ministère de la santé et des services sociaux

P.T.R.P Programme des troubles relationnels et de la personnalité TP Trouble de la personnalité

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Remerciements

D’abord, merci papa, maman et Maxime pour vos encouragements et votre soutien inconditionnel. Merci de n’avoir jamais freiné ma curiosité et de m’avoir appris à persévérer. Merci maman d’avoir passé des heures à relire mes travaux et corriger mes erreurs. Surtout, merci à vous tous d’avoir enduré ma mauvaise humeur et mes crises de larmes. Sans vous, ce projet n’aurait certainement jamais vu le jour. Je suis choyée par votre présence, je vous aime plus que tout!

Merci à Patrick, l’homme dont je suis amoureuse depuis près de deux ans. Ta personnalité rafraichissante a su alléger ces journées où je ne croyais plus être en mesure d’y arriver. Merci de ne pas te prendre au sérieux et de rendre mon quotidien si savoureux! Ta compréhension et ton calme ont fait toute la différence.

Merci à mon amie Krystel d’avoir été d’une si généreuse écoute à travers ces années. Merci d’avoir cru en moi, tu m’as souvent rappelé, inconsciemment peut-être, les raisons pour lesquelles j’ai choisi cette profession. J’ai une amie en or!

Merci à Vanessa, fidèle acolyte, d’avoir partagé avec moi cette expérience. Ta présence a une valeur inestimable et m’a permis de poursuivre ce parcours jusqu’au bout. Non seulement je termine cette maîtrise avec un diplôme, mais également avec une amitié significative! Quelle chance de vous avoir dans ma vie maître!

Merci à Annie Fontaine, professeure adjointe au département de service social, de m’avoir guidée et soutenue tout au long de la rédaction de cet essai. Merci pour ton écoute, ton appui et ta flamme pour le travail social, tu auras su me maintenir motivée. Je n’aurais pu souhaiter meilleur encadrement.

Merci à mon superviseur, Jean-François Cherrier, j’en ai beaucoup appris à tes côtés et t’en suis infiniment reconnaissante. Tu as certes, enrichi ma pratique ainsi que ma vision du travail social. Un merci tout particulier aux participants de ce projet qui m’ont fait suffisamment confiance pour se lancer, avec moi, dans cette démarche de création d’envergure. Vous avez enrichi ma pratique et ma vision du travail social. Cette expérience colorera mes interventions et je ne pourrais jamais suffisamment vous remercier pour cela. Je vous admire tous pour votre détermination!

Merci à mes collègues de la Maison Interlude pour les encouragements. Vous êtes des femmes d’exception!

Merci à Élise Badey, chef-clinico administrative au Programme des troubles relationnels et de la personnalité pour ton irremplaçable coup de main. Finalement, merci à Jean-François Lebel pour le montage de la vidéo et à Laurence Robichaud pour la diffusion. Une aide technique indispensable!

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Introduction

« Des fois, je ne sais pas trop si on a le droit de dire qu'un homme est fou ou non. Des fois, je crois qu'il n'y a personne de complètement fou et personne de complètement sain tant que la majorité n'a pas décidé dans un sens ou dans l'autre. C'est pas tant la façon dont un homme agit que la façon dont la majorité le juge quand il agit ainsi. »

— William Faulkner, Tandis que j’agonise Éditions Gallimard, 1966, p. 248 Dans une brochure élaborée par la Commission de la santé mentale du Canada (n.d), de l’initiative « Changer les mentalités », on peut lire que sept millions de Canadiens souffrent d’un problème de santé mentale chaque année. Les problèmes de santé mentale affectent une grande majorité de personnes, de près ou de loin, car bien qu’un individu n’en soit pas directement atteint, les probabilités qu’un membre de sa famille, un ami, un collègue ou encore un voisin le soit sont, elles, bien réelles. Au Canada, chaque individu a un risque sur quatre, au cours de sa vie, de souffrir d’un problème en lien avec sa santé mentale (Commission de la santé mentale du Canada, n.d). Ces statistiques, non négligeables, nous rappellent que la maladie mentale fait partie de notre quotidien. Or, nous entretenons tous des croyances face à cette dernière et aux personnes en souffrant. Ces croyances, fréquemment erronées ont un impact sur la vie de la personne atteinte. En effet, comme le rapporte la Commission de la santé mentale du Canada (n.d), les personnes présentant un problème de santé mentale affirment que la stigmatisation cause plus de tort que la maladie en soi. On peut également y lire que ce sont parfois les professionnels de la santé de première ligne qui font preuve de la stigmatisation ainsi que de la discrimination les plus blessantes (Commission de la santé mentale du Canada, n.d).

Évidemment, à la lumière de la littérature, on prend vite conscience que certains troubles mentaux sont particulièrement stigmatisés, telle que la schizophrénie. Bien que généralement toutes les personnes atteintes vivent la stigmatisation et ses conséquences, le degré auquel elles le vivent diffère et les effets varient également d’un trouble à l’autre. C’est d’ailleurs ce qu’illustrent Rüsh, Hölzer, Herman, Schramm et leurs collègues (2006) en faisant référence au trouble de la personnalité limite (TPL) :

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However people with different mental disorders may suffer from self-stigma to different degrees. Especially persons with a chronic and severe mental illness such as borderline personality disorder are likely to be affected by intense social labelling processes as being mentally ill, e.g., due to frequent hospitalizations and visible scars. [...] Self-stigma may be further reinforced in women with BPD because shame is considered to be a central emotion in BPD. (p.766)

Force est d’admettre que la stigmatisation envers les personnes atteintes du TPL est particulière. En effet, comme l’affirment Aviram, Brodsky et Stanley (2006), les personnes souffrant du TPL sont perçues très négativement par le public, mais également par le personnel soignant. De plus, comme l’écrivent Rüsh, Lieb, Bohus et Corrigan (2006), dans une recherche auprès de femmes souffrant d’un problème de santé mentale :

Women with borderline personality disorder are particularly likely to frequently experience public stigma and discrimination, because their disorder usually begins in early adulthood, has a chronic course, and often leads to multiple labelling processes, such as repeated psychiatric hospitalizations and visible scars. (p.399)

En effectuant des recherches, je me suis alors interrogée quant à la manière de développer une intervention auprès de personnes vivant avec le TPL qui aborde la stigmatisation et ses multiples impacts. En choisissant l’interactionnisme symbolique comme cadre théorique pour porter un regard sur la stigmatisation auprès des personnes présentant un TPL, il fut évident pour moi que de multiples dynamiques sociales étaient en jeu pour expliquer cette stigmatisation et que comme travailleuse sociale, j’avais l’opportunité d’offrir aux personnes vivant avec le TPL la chance d’agir sur ses dynamiques et de regagner, ainsi, du pouvoir sur leur situation. J’ai donc fait le choix de créer et d’implanter une intervention de groupe visant la création d’un outil de sensibilisation à la stigmatisation vécue par les personnes présentant un TPL. Cette intervention a pour base les principes de la mentalisation et de la conscientisation.

Ce projet d’intervention s’inscrit dans le contexte du stage de la maîtrise en service social de l’Université de Montréal. Le stage a pour objectif le développement d’une intervention novatrice. Ceci étant dit, le stage a lieu à l’institut universitaire en santé mentale de Montréal (I.U.S.M.M). L’I.U.S.M.M est un centre hospitalier d’enseignement, affilié à l’Université de Montréal, se spécialisant en soins psychiatriques. Ce centre hospitalier dessert les territoires de Saint-Léonard, Saint-Michel, Lucille-Teasdale et de la Pointe de l’île. Il offre gratuitement des soins et des services de qualité grâce à sept programmes distincts, dont le programme des troubles

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relationnels et de la personnalité (P.T.R.P) dans lequel le projet de stage s’articule plus spécifiquement. Ce programme s’adresse aux personnes présentant un TP de types limite, narcissique, antisociale et histrionique. Il s’agit d’un programme surspécialisé offrant des services de deuxième et troisième ligne.

Le projet d’intervention a pour objectif général de favoriser, chez les participants, le passage d’une lecture pessimiste de leur propre réalité à une lecture critique de celle-ci. Plus spécifiquement, ce projet vise la conscientisation des participants au processus de stigmatisation ainsi qu’à l’impact de ce dernier dans leur vie respective, la remise en question des normes, stéréotypes, etc., qui façonnent le vivre ensemble, la réduction de la souffrance associée à la stigmatisation, le développement d’une identité qui soit plus positive, l’amélioration de la régulation des émotions ainsi que le développement de nouveaux modes d’interaction et de communication. Enfin, il a également pour objectif la mise en commun et le développement de liens entre les membres du groupe ainsi que de permettre aux participants de prendre une distance critique afin de réaliser les possibilités de changements existantes.

Ce projet contribue à l’avancement des connaissances puisque jusqu’à présent, la stigmatisation envers les personnes présentant un TPL a reçu très peu d’attention comparativement à la stigmatisation en lien avec les autres troubles (Aviram et al., 2006). En effet, comme l’écrivent Aviram et ses collègues (2006, p.251), « little is known about the impact of stigmatization upon the course of treatment and upon clinical outcomes for individuals with BPD. ». La littérature documente, encore à ce jour, les impasses dans le traitement et les difficultés qu’un professionnel tend à rencontrer lorsqu’il intervient auprès d’une personne présentant un TPL (Aviram et al., 2006). Malheureusement, nous négligeons et omettons fréquemment de considérer les conséquences des perceptions négatives entretenues par les professionnels à l’égard du TPL sur la personne présentant ce diagnostic (Aviram et al., 2006).

De plus, ce projet de stage se justifie socialement puisque l’intervention qu’il met en place dépasse l’individualisation des problèmes en s’attaquant au processus de stigmatisation. La maladie mentale et, du fait même, le TPL, y seront considérés comme des problèmes sociaux, soit comme des produits d’un processus de définition collective et non pas un ensemble de conditions

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sociales qui soient objectives (Blumer et Riot, 2004). Ce projet est donc également pertinent socialement puisque la stigmatisation comporte de nombreuses dimensions sociales qui découlent, notamment, du vivre ensemble et du fonctionnement normatif que l’on se doit d’adopter en société.

Cet essai critique se divise en trois chapitres. Le premier de ces chapitres fait l’état des connaissances en lien avec la problématique, les cadres d’analyse utilisés pour analyser cette problématique ainsi que les méthodologies et approches d’intervention mises de l’avant. Dans le deuxième chapitre, on retrouve une présentation du projet d’intervention. C’est dans ce chapitre que sont décrient le milieu de stage et le P.T.R.P, le groupe visé par le projet, la méthodologie ainsi que le cadre d’analyse choisis et finalement, la présentation de la démarche d’élaboration et d’implantation du projet. Finalement, le dernier chapitre est une analyse critique du projet d’intervention soit, un bilan de l’implantation et de l’intervention.

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Chapitre 1 : État des connaissances

Ce premier chapitre se veut une synthèse des connaissances quant à la stigmatisation en lien avec le TPL. La littérature ayant nourri ma réflexion y est donc recensée.

1. Problématique

1.1 Le trouble de la personnalité limite

Le TPL s’inscrit sous l’axe II du DSM-IV-TR à l’intérieur des troubles de la personnalité (TP), au même titre que les troubles de la personnalité narcissique, antisociale, histrionique, paranoïde et schizoïde (Kring, Davison, Neale et Johnson, 2007). Ce trouble de la personnalité se caractérise par

… une instabilité dans divers domaines tels que les relations à autrui, l’expression des affects et l’image de soi, de même que par une fragilité des mécanismes de contrôle de l’angoisse et de la vie pulsionnelle. (Pelsser, 1989, p.404)

Le TPL apparaît généralement au début de l’âge adulte et affecterait environ 2 % de la population générale (Paris, 1996a). De plus, 10 % des personnes vivant avec une maladie mentale aurait un diagnostic de TPL (Skodoll, 2002 cité par Paré-Miron, 2010). Pour recevoir un diagnostic de TPL, la personne doit manifester cinq des neuf critères diagnostiques caractérisant le trouble. Selon le DSM-IV-TR (American Psychiatry Association (APA), 1996 cité par Mason et Kreger, 2010), le premier critère de ce trouble se traduit par des efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginés. Comme l’écrit Linehan (2000), les personnes vivant avec un TPL présentent fréquemment une dysrégulation émotionnelle empreinte par des relations intenses et chaotiques. Malgré ces relations négatives, Linehan (2000, p.23) affirme qu’ils « trouvent extrêmement difficile de mettre un terme à ces relations; en lieu et place, ils cherchent de toutes leurs forces, parfois fanatiquement, à éviter que ces personnes ne les quittent. ». La personne vivant avec le TPL désire que les autres lui fournissent des soins ainsi qu’un amour et une compassion qui sauront remplir le vide immense ressenti et soulageront son désespoir. De plus, elle demeure à l’affût des indices qui pourraient lui confirmer que l’être aimé n’éprouve pas réellement d’amour pour elle ou encore qu’il se prépare à la quitter. Si ces doutes se confirment, la personne aux prises avec le TPL peut adopter des comportements autodestructeurs. D’ailleurs, les tendances

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autodestructrices au sein de ce trouble sont très présentes (Kreisman et Strauss, 2010). Le second critère décrit un mode de relations interpersonnelles instable et intense, caractérisé par l’alternance entre des positions extrêmes d’idéalisation et de dévalorisation (APA, 1996 cité par Mason et al, 2010). De plus, Mason et Kreger (2010) affirment que le TPL se caractérise par des relations empreintes de clivage, par une perturbation de l’identité, c’est-à-dire, une instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi ainsi que des sentiments chroniques de vide. Le TPL se distingue également par une impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour la personne tels que la sexualité, la toxicomanie ou encore la boulimie. De plus, on retrouve chez les personnes présentant un TPL une répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires et/ou d’automutilation, une instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur, des colères intenses et inappropriées ou de la difficulté à contrôler sa colère et, finalement, une apparition, dans des situations de stress, d’une idéation de persécution ou de symptômes sévères de dissociation (APA, 1996 cité par Mason et al, 2010).

Au-delà des critères diagnostiques, d’autres caractéristiques apparaissent comme typiques de ce trouble. D’abord, comme le décrivent Kreisman et Strauss (2010, p.7) « inconsistency is the hallmark of BPD. Unable to tolerate paradox, borderlines are walking paradoxes, human catch-22s. ». De plus, la honte envahissante est très présente chez les personnes atteintes du TPL (Mason et al, 2010). Comme l’affirment Rüsh, Lieb, Gottler, Hermann et leurs collègues (2007), la honte est l’émotion qui serait à l’origine, puisque fortement liée, des tentatives répétées de suicide ainsi que des comportements autodestructeurs, de rage et d’impulsivité. La honte vécue par ces derniers leur donne l’impression d’être sans valeur, vides et seuls (Mason et al, 2010). Aussi, ils présentent des difficultés à mettre en place ainsi qu’à maintenir des limites personnelles et à en imposer aux autres (Mason et al, 2010). Également, ils peuvent ressentir la nécessité d’exercer un certain pouvoir sur les autres puisqu’ils n’en possèdent pas sur eux-mêmes (Mason et al, 2010). Toujours selon Mason et Kreger (2010), les personnes atteintes du TPL possèdent également des compétences situationnelles, c’est-à-dire que dans certaines situations ils se montrent fort compétents et en pleine possession de leurs moyens. Ils peuvent également avoir des exigences narcissiques dont le but ultime est d’attirer l’attention sur eux (Mason et al, 2010). Finalement, ils peuvent sembler manipulateurs puisque les membres de leur entourage ont

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souvent l’impression « d’être contrôlés ou exploités par des moyens qu’ils considèrent comme injustes : menaces, situations d’où ils ne peuvent sortir gagnants, longues périodes de silence ou accès de rage. » (Mason et al, 2010, p.42). Par contre, Mason et Kreger (2010) nous rappellent que ces moyens doivent plutôt être interprétés comme des tentatives désespérées pour faire face à des sentiments pénibles à vivre ou pour satisfaire des besoins, sans réelle intention de blesser l’autre.

1.2 Étiologie du trouble de la personnalité limite

Comme l’affirme Doucet (2006), on ne peut comprendre le développement du TPL en considérant un seul facteur. En effet, comme cette dernière l’expose, les facteurs étiologiques du TPL sont multiples et se répartissent en trois catégories, soit les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux (Doucet, 2006). Puisque les traits de personnalité ont une importante composante génétique (Plomin, 1990 cité par Paris, 1996a) et que le TPL est, comme l’écrit Paris (1996a), une amplification de traits pathologiques de la personnalité, toute porte à croire que les facteurs biologiques ont une influence sur le développement du trouble. Doucet (2006) rapporte d’ailleurs les résultats d’études démontrant que les parents au premier degré de personnes vivant avec le TPL sont susceptibles de présenter eux-mêmes le trouble (Links, Steiner et Huxley, 1988; Lorange, Oldham et Tulis, 1982 cités par Gurvits, Koenigsberg et Siever, 2000 cités par Doucet, 2006). Par contre, ce n’est pas le TPL en soi qui s’avérerait héréditaire, mais bien les caractéristiques du trouble telles que l’impulsivité ou l’instabilité affective (Torgersen, 1992 cité par Doucet, 2006).

Quant aux facteurs psychologiques, ils semblent jouer un rôle important dans l’installation du trouble (Paris, 1996a). Selon Paris (1996a), il s’agirait d’expériences vécues durant l’enfance qu’il divise en trois catégories : les traumatismes, les séparations ou les deuils en bas âge et des anomalies dans les rapports parentaux. En effet, selon certaines études, les taux d’abus physiques ainsi que d’abus sexuels commis par un proche ou toute autre personne sont plus élevés dans les groupes de personnes présentant un TPL (Doucet, 2006; Paris, 2008). Zanari (2000 cité par Doucet, 2006) rapporte d’ailleurs qu’un quart des personnes présentant un TPL disent avoir été abusés sexuellement par un proche et Paris, Zweig-Frank et Gudzer (1994 cités par Doucet, 2006) affirment qu’un tiers dit avoir subi des formes sévères d’abus. Boucher, Drolet et

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Villeneuve (2005) écrivent également qu’un tempérament impulsif et une hypersensibilité affective présents à la naissance peuvent contribuer au développement du TPL. Bref, comme l’écrit Paris (1996a, p.3) en rapportant l’hypothèse de Herman et van der Kolk (1987), « les expériences traumatiques sont la principale explication étiologique de la personnalité limite, qui est alors interprétée comme une forme chronique d’état de stress post-traumatique ». Par contre, bien que ce soit un important facteur de risque, Paris (1996a) nous rappelle que cela n’est pas une condition nécessaire ou suffisante pour l’installation du trouble. De plus, Paris (2008) affirme que les traumatismes sont des facteurs de risque pour plusieurs autres troubles mentaux et que certaines personnes développent des troubles mentaux sans historique de traumatismes. Bref, comme l’écrit Paris (2008, p.75), « the long term outcome of adversity in childhood depends on interactions between genes and environment. ».

Finalement, les facteurs sociaux semblent également jouer un rôle. En effet, comme l’expose Paris (2008), c’est l’environnement qui détermine si un trait de personnalité devient problématique et évolue donc en un trouble. Il souligne également le rôle de la culture quant aux symptômes, puisque la manière dont on permet l’expression de la détresse varie d’une culture à l’autre (Paris, 2008). Bref, comme l’écrit Paris :

Linehan (1993) suggested that modern society makes emotional regulation more difficult because of the absence of consistent social supports. The context of modernity also promoted the identity diffusion seen in BPD. We live in a world that promotes radical individualism, social isolation, and personal angst. These trends may be particularly conducive to developing behaviors that are self destructive, such as cutting and overdosing (2008, p.82).

1.3 Intervenir auprès des personnes présentant un TPL : un défi pour les intervenants

Les écrits abondent sur le TPL et rares sont les auteurs faisant abstraction des difficultés se présentant dans l’intervention. En effet, l’intervention auprès des personnes vivant avec le TPL se révèle fréquemment et est reconnue pour être ardue (Doucet, 2006; Laporte, 2007). Cousineau (1996a) affirme qu’un nombre non négligeable de cliniciens estiment que les patients présentant ce trouble sont les plus difficiles à traiter, peu de traitements s’avérant d’ailleurs efficaces pour avoir un impact sur tous les aspects du TPL (Doucet, 2006). Paris (1996b) affirme que ces

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patients sont parmi les plus bouleversants pour les intervenants et également ceux pour lesquels ils entretiennent le plus d’inquiétudes.

Plusieurs facteurs sont mis de l’avant pour expliquer leur titre de patients difficiles. En effet, les auteurs évoquent d’abord le fait que ces derniers jonglent sans cesse avec le suicide (Cousineau, 1996; Parent et Carrière, 2004; Doucet, 2006; Paris, 1996b), et ce autant en pensées qu’en gestes (Cousineau, 1996) et adoptent des comportements autodestructeurs tels que l’automutilation (Paris, 1996b). Cousineau (1996) écrit que le risque suicidaire provoque un important malaise chez les intervenants. Buie (1973 cité par Paris, 1996b) affirme même que certains intervenants se sentent si envahis par la problématique de suicide de leur patient qu’ils en viennent à souhaiter un passage à l’acte. De plus, Perseius, Kâver, Ekdahl, Âsberg et Samuelsson (2007 cités par Paré-Miron, 2010) affirment que les inquiétudes vécues par les intervenants quant aux conduites suicidaires de leur patient conduisent à davantage d’épuisements professionnels. Bref, bien que les menaces suicidaires doivent être saisies tels des efforts de communication (Paris, 1996b), force est d’admettre qu’elles semblent suffisantes pour rebuter certains intervenants à travailler avec ces patients. Comme l’écrivent si bien Parent et Carrière (2004, p.223), « il demeure très difficile pour les intervenants d’accompagner une personne qui se sent perdue, démunie, incapable de choisir et de donner un sens à sa vie ».

De plus, les personnes présentant un TPL sont impulsives et vacillent entre des positions d’idéalisation et de dévalorisation qui peuvent s’avérer difficiles à tolérer pour les intervenants (Cousineau, 1996; Doucet, 2006). Celles-ci peuvent d’ailleurs mettre en scène des réactions complexes de contre-transferts (Doucet, 2006; Betan et al, 2005 cités par Bouchard, 2010), allant de la pitié à la colère (Bouchard, 2010). Le contre-transfert est plus présent vis-à-vis le TPL qu’en lien avec les autres problèmes de santé mentale (Rossberg, Katerud, Perdersen et Friis, 2007 cités par Paré-Miron, 2010). Ces réactions peuvent avoir pour conséquence de fausser la perception qu’ont les intervenants de leur patient (Laporte, 2007). S’ajoutent à ces deux facteurs explicatifs la violation du cadre d’intervention (Paris, 1996b) qui conduit l’intervenant à se voir dans l’incapacité de maintenir ses limites thérapeutiques (Gutheil, 1989 cité par Doucet, 2006). De plus, ces patients ont tendance, selon Krohn (1974 cité par Paris, 1996b), à percevoir les failles empathiques comme le reflet d’attitudes malveillantes de la part de l’intervenant. Leur

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grande détresse les amène ainsi à présenter davantage d’hostilité et de méfiance (Laporte, 2007) et, comme le souligne Masterson (1992 cité par Paré-Miron, 2010) l’alliance thérapeutique est fortement mise à l’épreuve. Aussi, les personnes vivant avec un TPL ont l’habitude de faire beaucoup de demandes et a recherché de l’aide auprès des services de santé mentale (Laporte, 2007; Bouchard, 2010). De plus, ils sont reconnus pour générer des conflits au sein des équipes de professionnels (Bouchard, 2010), comme difficiles à engager dans la thérapie et répondant peu aux efforts thérapeutiques (Perseius et al, 2007 cités par Paré-Miron, 2010), comme ignorant les moyens qui leur sont proposés lorsqu’on tente de leur venir en aide (Parent et al, 2004), comme adoptant des conduites de mises en échec (Parent et al, 2004), comme ayant de la difficulté à respecter les ententes (Laporte, 2007), et comme ayant des distorsions cognitives (Parent et al, 2004). De plus, Zimmerman et Mattia (1999 cités par Paré-Miron, 2010) affirment que les personnes vivant avec le TPL sont deux fois plus à risque de recevoir trois diagnostics de troubles s’inscrivant sous l’axe 1 et quatre fois plus à risque d’obtenir quatre diagnostics de troubles mentaux, complexifiant ainsi leur situation et, du fait même, les interventions. Bref, les difficultés sont multiples et comme l’écrit Cousineau (1996, p.14) « les patients limites nous questionnent dans nos dimensions existentielle, philosophique et éthique. Il n’y a pas de réponses simples à de tels enjeux ».

À ces difficultés, les intervenants réagissent par de l’impuissance, un état d’épuisement, ainsi que des sentiments de peur, d’anxiété, de colère, d’incompétence, de culpabilité et de doute (Laporte, 2007). La tendance des personnes vivant avec le TPL à générer des impasses au sein de la relation d’aide a un impact négatif sur la mobilisation des intervenants (Laporte, 2007) qui se sentent dépassés et inadéquats (Linehan, 2000). D’ailleurs, Cousineau (1996) affirme que les intervenants adoptent parfois d’emblée des attitudes négatives qui les amènent à mal évaluer les patients et à leur offrir une aide qui s’avère inadéquate. Dawson (1988 cité par Briand Malenfant, 2012) questionne d’ailleurs si les comportements des personnes présentant un TPL sont, en fait, d’origine iatrogène, c’est-à-dire de simples reflets de la désorganisation des professionnels. En somme, il semble évident que ces enjeux et dynamiques complexes ont pour conséquence l’émergence d’une stigmatisation envers les personnes vivant avec le TPL. Les patients affirment d’ailleurs être incompris dans leur souffrance et pris en charge de manière inadéquate (Briand Malenfant, 2012). De plus, Nelhs (1999 cité par Briand Malenfant, 2012) affirme que les trois

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éléments marquants du discours des personnes présentant un TPL sont le sentiment de vivre avec une étiquette, de vivre avec des comportements autodestructeurs considérés comme de la manipulation et d’avoir un accès limité aux ressources

1.4 Le processus de stigmatisation et la maladie mentale

La stigmatisation s’avère une notion peu simpliste comportant de multiples dimensions. Giordana (2010) la définit comme :

une attitude générale, de l’ordre du préjudice, induite par la méconnaissance ou l’ignorance d’une situation ou d’un état, et cette méconnaissance ou ignorance va générer des conduites et des comportements de discrimination. Il s’agit ainsi de toute parole ou toute action qui viserait à transformer le diagnostic d’une maladie, par exemple, en une marque négative pour la personne ayant cette affection. (p.8)

Force est d’admettre que la stigmatisation s’additionne à la souffrance déjà présente en lien avec le TPL. La stigmatisation est présente depuis fort longtemps et a, à travers l’histoire, touché plusieurs groupes marginalisés telles les personnes atteintes du sida. Aussi loin que la Grèce Antique, où les esclaves étaient marqués au fer brûlant sur la peau pour indiquer leur statut inférieur (Giordana, 2010), nous retrouvons des démonstrations de l’existence de la stigmatisation. Cette marque laissée au fer et associée aux esclaves est, dans la littérature, communément désignée par la notion de stigma. Le stigma est, selon Erving Goffman (1963), un attribut profondément discréditant qui empêche l’individu d’être pleinement accepté au sein de la société, qui l’étiquette comme étant différent. Le stigma peut se traduire par une trace visible à tous, mais peut également être moins apparent, tel qu’en est le cas de la maladie mentale. D’ailleurs, selon Henri Dorvil (1990), le stigma est plus fort sur la maladie mentale que sur la très grande majorité des autres maladies et hypothèque la carrière de la personne qui en est atteinte. Ainsi, la stigmatisation est le processus par lequel le stigma est accolé à une personne venant ainsi, comme l’affirme Goffman (1963), totaliser son identité sociale.

La stigmatisation repose, en fait, sur nos représentations sociales. Celles-ci se traduisent à travers nos opinions ou encore nos croyances sur divers faits, situations ou même personnes. Elles sont à la base, comme l’affirme Giordana (2010), des codes de vie en communauté puisqu’elles dictent les comportements tant collectifs qu’individuels. Giordana (2010) définit les représentations sociales comme étant

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… des « élaborations groupales », des produits de la pensée qui reflètent, à un moment donné, le point de vue prévalant d’un groupe […] il s’agit, en quelque sorte, d’une image, d’un préjugé qui s’impose à chacun avec une valeur prédictive ou prédicative […] en grande partie inconscientes et véhiculées insidieusement par l’ensemble du corps social. (p.8)

Il existe trois niveaux à la stigmatisation, soit la stigmatisation publique, la stigmatisation structurelle et l’autostigmatisation (Ben-Zeev, Young et Corrigan, 2010 ; Corrigan, 2004 ; Corrigan et O’Shaugnessy, 2007 ; Corrigan et Larson, 2008 ; Corrigan, Larson et Rüsh, 2009). Dans le cas qui nous intéresse, la stigmatisation publique serait les croyances négatives, les réactions et comportements que l’on adopte envers les personnes présentant un TPL (Corrigan et al, 2008). Corrigan et O’Shaugnessy (2007), affirment que le processus de stigmatisation publique comprend quatre construits cognitifs : les indices, les stéréotypes, les préjugés et la discrimination. Les indices nous signalent qu’une personne fait partie d’un groupe stigmatisé et activent les stéréotypes (Corrigan et al, 2007). Les stéréotypes sont des connaissances qui sont apprises par la plupart des membres d'un groupe social concernant un autre groupe ou type d’individus (Corrigan et al., 2009). Cela nous permet de catégoriser rapidement l’information quant à un groupe d’individus. Par exemple, les individus sont portés à croire que les personnes souffrant de maladie mentale sont dangereuses, incompétentes ou encore faibles de caractère (Corrigan et al, 2008). Le préjugé, de son côté, se définit comme l’acceptation d’un stéréotype qui s’associe à des réponses émotionnelles (Corrigan et al, 2008). Ainsi, une personne acceptant le stéréotype du malade mental dangereux y répondra avec la peur. Finalement, la discrimination est la réaction comportementale au préjugé (Corrigan et al, 2008). L’individu ayant ainsi peur des personnes souffrant de maladie mentale risque de ne pas les embaucher.

La stigmatisation structurelle est pour sa part décrite par Crocker et Côté (2010, p.4) comme étant « une discrimination dans l’allocation de ressources ou dans les législations et ayant pour effet de désavantager les personnes ayant des problèmes de santé mentale ». Finalement, l’autostigmatisation suit le même parcours que la stigmatisation publique. Par contre, plutôt que d’appliquer le stéréotype à un groupe ou à un type d’individu, la personne l’applique à elle-même puisqu’elle fait partie du groupe stigmatisé (Corrigan et al, 2008). Elle intériorise donc la stigmatisation. L’autostigmatisation nécessite que la personne soit d’abord sensible aux stéréotypes, qu’elle y consente, et finalement, qu’elle les applique à sa personne (Corrigan et al.,

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2009). En effet, la seule sensibilisation aux stéréotypes n’est pas suffisante, puisque la personne peut, par exemple, ne pas se percevoir ainsi et donc ne pas adhérer aux stéréotypes (Watson, Corrigan, Larson et Sells, 2007).

Plusieurs articles (Lysaker , Roe, Ringer, Gilmore et Yanos, 2012; Corrigan et Watson, 2002; Corrigan et al, 2007; Corrigan et al., 2009; Watson et al., 2007) rendent compte des stéréotypes ainsi que des préjugés véhiculés envers les personnes atteintes d’un problème de santé mentale. On peut y lire que la population générale croit que les personnes souffrant de maladie mentale sont violentes, incompétentes, responsables de leur maladie, dangereuses et incapables de prendre de bonnes décisions. De plus, ces auteurs (Lysaker et al., 2012; Corrigan et al, 2002; Corrigan et al, 2007; Corrigan et al, 2009; Watson et al., 2007) affirment que la population générale adopte des réactions de peur, de dégoût, de non-assistance lorsqu’ils sont dans le besoin, de distance sociale ainsi que de rejet envers les personnes présentant un trouble de santé mentale. De plus, ils ont davantage tendance à ne pas les embaucher ni leur louer de logement (Corrigan et al, 2007). Cela engendre évidemment de nombreuses conséquences sur la vie des personnes, familiarisées avec les stéréotypes et attitudes négatives véhiculés sur la maladie mentale depuis leur jeune âge, qui reçoivent, au cours de leur vie, un diagnostic psychiatrique. Lysaker et ses collègues (2012) affirment que la stigmatisation et plus spécifiquement, l’autostigmatisation, conduisent à un risque élevé de tentative de suicide, à des attitudes de déni, à des résistances face au traitement, à une aggravation des symptômes ainsi qu’au refus de traitement.

1.5 La stigmatisation et ses conséquences chez les personnes vivant avec le TPL

Les attitudes négatives entretenues envers le TPL s’ajoutent à la stigmatisation vécue en lien avec la maladie mentale. Les individus ont tendance à décrire les personnes aux prises avec un TPL comme étant manipulatrices, difficiles à gérer, n’éveillant pas la sympathie, irritantes et ne méritant pas les ressources mises à leur disposition (Aviram, Brodsky et Stanley, 2006). De plus, on perçoit leurs tentatives de suicide comme des quêtes d’attention et elles sont généralement considérées comme étant en mesure de contrôler leurs symptômes, ces derniers étant minimisés et leurs forces surestimées (Aviram et al., 2006). Aviram et ses collègues (2006) affirment que les

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individus, dont le personnel soignant, ont généralement tendance à se distancier émotionnellement des personnes atteintes d’un TPL, ce qui est largement problématique considérant qu’ils sont très sensibles au rejet ainsi qu’à l’abandon. D’ailleurs, Bouchard (2010) rapporte les résultats de deux études, d’abord auprès de soixante-cinq infirmières en psychiatrie (Deans et Meocevic, 2006 cités par Bouchard, 2010) ainsi qu’auprès de deux cent vingt-six professionnels de la santé mentale (Cleary et al., 2002 cités par Bouchard, 2010) qui ont toutes deux illustré les attitudes négatives véhiculées à l’endroit des personnes vivant avec le TPL :

celles-ci perçoivent ces patients comme manipulateurs (89 % d’entre elles), qui usent de chantage émotif (51 %) et qui constituent une nuisance pour le département (38 %). Seulement 10,6 % du personnel infirmier déclarent avoir du plaisir à travailler avec cette clientèle et 44 % ont le sentiment de savoir comme s’y prendre avec eux. Une autre étude auprès de 226 professionnels de la santé mentale constate les mêmes tendances : 66 % croient que la prise en charge des TPL est inadéquate, 80 % estiment qu’il est modérément a très difficile de traiter le TPL et 84 % estiment qu’il s’agit de la clientèle la plus difficile. (p.68)

Ces attitudes négatives ont de lourdes conséquences. En effet, la stigmatisation a pour répercussion d’exacerber les comportements autodestructeurs tels que le suicide, l’automutilation ou la boulimie, l’abandon ou l’échec du traitement et provoquer de la honte et du dégoût (Aviram et al., 2006). De plus, la stigmatisation peut conduire à l’autoréalisation des prophéties. En effet, comme l’écrivent Aviram et ses collègues (2006, p.252), « one person’s expectations and attitudes about another person can cause the former to behave in a manner that induces the latter to act in a way that confirms the former’s false perception. ».

De plus, le sentiment de honte met les personnes aux prises avec un TPL à haut risque quant à l’intériorisation du stigma. En effet, ils gèrent difficilement le fait d’être stigmatisées et souffrent beaucoup plus de cette intériorisation due à la sévérité de leur condition, aux hospitalisations fréquentes, aux difficultés interpersonnelles ainsi qu’aux marques visibles, telles que les cicatrices (Rüsh, Bohus et Corrigan, 2006). De plus, leurs prédispositions à vivre de la honte les rendent plus vulnérables à la stigmatisation, comme l’écrivent Rüsh et ses collègues (2006, p.772), « shame proneness renders women with BPD more vulnerable to self-stigma in a vicious circle: shame proneness may stem from traumatic childhood experiences that are common in BPD and may be an emotional consequence of stigma ». La honte, chez le TPL, est également associée à la chronicité du suicide, aux comportements autodestructeurs, à la rage, à l’hostilité, à

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l’impulsivité, à une faible estime de soi ainsi qu’à une diminution de la qualité de vie (Rüsh et al, 2007). Finalement, les personnes présentant un TPL se sentent, selon Paris (2008), très stigmatisés par le diagnostic. En effet, selon ce dernier, lors de l’annonce du diagnostic, les personnes croient qu’un TP signifie qu’elles ont une mauvaise personnalité.

2. Cadres d’analyse utilisés pour comprendre cette problématique

Pour comprendre le TPL et, du fait même, les difficultés liées à l’intervention auprès des personnes en souffrant, la théorie de l’attachement, les théories psychodynamiques et le traitement cognitivo-comportemental offrent tous un éclairage sur cette problématique.

2.1 La théorie de l’attachement

La théorie de l’attachement est mise de l’avant par Leblanc, Renaud, Wahbi et Cloutier (2011) pour tenter de comprendre les difficultés rencontrées dans l’intervention ainsi que pour saisir des aspects de la symptomatologie de ce trouble. Bowlby (1988 cité par Leblanc et al, 2011) définit l’attachement comme :

un système de comportements activé lorsque l’enfant se sent en danger parce que son objet d’attachement s’éloigne. La réaction de l’enfant a pour but de faire revenir la figure d’attachement. Lorsque l’enfant redevient sécurisé, le système d’attachement cesse d’être activé et le travail d’exploration de son environnement est à nouveau possible (p.146).

L’enfant qui développe un attachement sécure bénéficierait, selon cette théorie, d’un lien stable, prévisible et fiable. Ainsi, cet enfant aurait accès à un adulte en mesure de répondre à ses besoins et de le rassurer lorsque ce dernier expérimente des inquiétudes (Leblanc et al, 2011). Selon Leblanc et ses collègues (2011), lorsque l’enfant n’a pas accès à un adulte sécurisant lors d’une situation de détresse, il peut désactiver son système d’attachement ou le maintenir activé. Le clivage ainsi que l’acting out des émotions sont des conséquences d’une désactivation du système tandis que le maintien stimule une hypersensibilité émotionnelle (Leblanc et al, 2011). Selon les théoriciens de l’attachement, il existe quatre types de relations d’attachement : autonome, insécure et détaché, insécure et préoccupé ainsi que désorganisé (Leblanc et al, 2011). Selon une étude de Bakermans-Kranenburg et van Ijzendoorn (2009 cités par Leblanc et al, 2011), les personnes vivant avec un TPL font davantage preuve d’un attachement insécure et préoccupé. Une personne manifestant ce type d’attachement a tendance à amplifier l’impact des expériences

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vécues lorsqu’elle était enfant et demeure fortement affectée par ces dernières (Leblanc, 2011). De plus, elle n’arrive pas à les décrire de manière cohérente et réflexive et son discours est empreint de colère et de passivité (Leblanc et al, 2011).

Ainsi, les difficultés dans l’intervention auprès des personnes vivant avec le TPL peuvent être expliquées sous la loupe de la théorie de l’attachement puisque comme l’affirment Fonagy, Gergely, Jurist et Target (2002 cités par Leblanc et al, 2011, p.147), « on peut inférer que le discours en psychothérapie et la qualité du transfert sont des dérivés du type d’attachement envers ses parents et le thérapeute ». Comme l’écrivent Leblanc et ses collègues (2011), les relations qu’entretiennent les personnes présentant un TPL seraient caractérisées par une ambivalence quant au rapprochement et à l’évitement et se traduiraient par des interactions transférielles et contre-transférielles bouleversées. Leblanc et ses collègues (2011, p.147) en offrent d’ailleurs des exemples au sein de leur article soit, « des schèmes interpersonnels rigides, les mésinterprétations des intentions et des comportements d’autrui, les représentations d’autrui multiples, contradictoires et fragmentées, enfin les réponses émotives explosives et désorganisées ».

2.2 Les théories psychodynamiques

2.2.1 Thérapie basée sur la mentalisation de Fonagy

La mentalisation apporte un nouvel angle d’analyse aux difficultés vécues dans l’intervention auprès des personnes vivant avec le TPL. La mentalisation implique qu’une personne prenne en considération ses étaux mentaux, ainsi que ceux des autres (Bateman et Fonagy, 2006). En effet, la mentalisation sollicite la personne vivant avec un TPL à tenter d’imaginer ce que les autres peuvent penser et ressentir (Bateman et al, 2006). Comme l’affirment Bateman et Fonagy (2006), il y a peu d’homogénéité dans les observations que procurent les patients puisque l’histoire des personnes ainsi que leur capacité à imaginer varient, ce qui les conduit à des conclusions fort différentes (Bateman et al, 2006). Les théoriciens de cette approche expliquent les relations interpersonnelles des personnes présentant un TPL en se basant sur les stades de développement de soi chez l’enfant (Leblanc et al, 2011).

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Selon cette approche, il existe cinq stades soit; physique, social, théologique, intentionnel et représentationnel (Leblanc et al, 2011). Les stades physique et social se caractérisent par les interactions de l’enfant avec son environnement (Leblanc et al, 2011). Au stade théologique, l’enfant commence à parvenir à faire la différence entre ses actions et les conséquences de ces dernières (Leblanc et al, 2011). Par contre, il ne possède pas la capacité à mentaliser à ce moment, se basant plutôt sur des preuves concrètes (Leblanc et al, 2011). C’est au stade intentionnel que l’enfant commence à saisir que ses actions sont les conséquences de son état mental et donc, qu’il existe une différence entre ses désirs et ceux des autres, et au stade représentationnel, qu’il comprend, entre autres, qu’il a un impact sur les gens qui l’entourent (Leblanc et al, 2011). Comme l’écrivent Leblanc et ses collègues (2011), un déficit de mentalisation chez un adulte est un retour au niveau théologique ou intentionnel. Ils affirment que ces modes ressurgissent plus facilement chez les personnes ayant un vécu d’abus ou de négligence durant l’enfant (Leblanc et al, 2011). Les personnes faisant un retour à ces modes de pensée le font surtout dans un contexte de lien d’attachement où ils se retrouvent incapables d’interpréter de manière adéquate les interactions avec les autres (Leblanc et al, 2011). Tel est le cas du TPL comme l’écrivent Bateman et Fonagy (2006);

individuals with borderline personality disorder are normal mentalizers except in the context of attachment relationships. They tend to misread minds, both their own and those of others, when emotionally aroused and as their relationship with another moves into the sphere of attachment the intensification of relationship means that their ability to think about the mental state of another can rapidly disappear. When this happens, prementalistic modes of organizing subjectivity emerge, which have the power to disorganize these relationships and destroy the coherence of self-experience that the narrative provided by normal mentalization generates. (p.13)

Lorsque les personnes présentant un TPL font un retour à ces modes de pensées, ils ont besoin de preuves tangibles de l’attachement du thérapeute ainsi que se sentir rassurés par ce dernier (Leblanc et al, 2011). Comme l’affirment Bateman et Fonagy (2006), les passages à l’acte peuvent être une manière de provoquer une confirmation de l’attachement. Ceci pourrait donc expliquer plusieurs impasses générées dans l’intervention auprès des personnes atteintes du TPL, puisque la perte de capacité à mentaliser rend difficile le développement de ressources internes d’apaisement ainsi que de sécurisation (Leblanc et al, 2011). Ainsi, comme l’écrivent Leblanc et ses collègues (2011), cela peut avoir pour conséquence chez l’intervenant, par exemple, l’émergence d’un sentiment d’impuissance ou de se sentir pris en otage devant la détresse de son

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patient et son insistance à obtenir davantage de la relation, cette dernière n’étant jamais suffisamment satisfaisante.

2.2.2 Approche développementale, du soi et des relations d’objet de Masterson

L’approche de Masterson est une synthèse d’importants modèles psychanalytiques (Orcutt, 1997). En effet, Masterson, dans la construction de son approche, s’est basé sur les concepts de la théorie freudienne des pulsions tels que le transfert, la compulsion de répétition, la résistance, le conflit psychique, l’existence de l’inconscient et la perlaboration (Orcutt, 1997) ainsi que sur la psychologie du soi et la théorie des relations d’objet (Bessette, 2010). Masterson (cité par Orcutt, 1997) comprend le TPL par :

un arrêt du développement qui provient d’un important désajustement dans la relation mère-enfant, à la phase de séparation-individuation, de la prime croissance. L’arrêt […] se caractérise par les défenses précoces et le clivage des relations d’objet […] Afin d’écarter des sentiments insoutenables d’abandon, l’enfant mobilise des défenses primitives, qui forment chez lui une façon d’être fixée et répétitive. (p.71)

Ainsi, comme l’affirme Orcutt (1997), ces défenses primitives demeurent présentes à l’âge adulte et sont entretenues par les personnes vivant avec le TPL afin d’éviter le déclenchement des problèmes d’abandon qui s’avèrent non résolus. C’est ce que Masterson décrit comme le faux soi défensif (Bessette, 2010) qui se base sur un système de croyances automatiquement activé au sein de relations qui sont, pour la personne, significatives. Masterson amène le concept d’acting out transférentiel qu’il définit comme « un comportement qui tente de façon stéréotypée d’éviter à avoir à évoquer la désapprobation parentale ou la négligence durant les années de formation et qui devient par la suite chez le patient borderline, une partie intégrante de sa réponse fondamentale aux relations » (Orcutt, 1997, p.73). La personne présentant un TPL fait preuve de distorsion transférentielle (Orcutt, 1997). Cette dynamique peut l’amener à souhaiter d’éviter l’abandon en utilisant des défenses telles que le clivage, le passage à l’acte, l’évitement, le déni ou encore l’identification projective (Orcutt, 1997). Quant à l’intervenant, il peut se voir adopter des rôles du scénario pathologique du faux soi défensif du patient et ainsi faire preuve d’identification projective. De plus, l’intervenant peut se retrouver dans le même état affectif clivé que ce dernier, en ayant, par exemple, l’impression d’être sans valeur ou incapable d’aider (Bessette, 2010). L’intervenant peut également agir de manière impulsive, provoquer le rejet, avoir l’impression d’être la victime de son patient qui tente de le contrôler ou être blessé

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narcissiquement et ne plus avoir suffisamment d’humilité pour obtenir davantage de formation ou des séances de supervision (Bessette, 2010). Bref, les conséquences sont nombreuses et, comme l’affirme Bessette (2010), produisent un malaise pour les deux parties qui peut, éventuellement détruire l’alliance.

2.3 Traitement cognitivo comportemental

2.3.1 Thérapie dialectique comportementale

Marsha Linehan s’intéressait aux idées parasuidaires (Bloomgarden, 2005) et souhaitait comprendre pourquoi les personnes à qui elle venait en aide agissaient ainsi (Bloomgarden, 2005). Travaillant avec des personnes présentant un TPL, elle créa la thérapie dialectique comportementale (T.D.C). Le traitement qu’elle développa nous permet, aujourd’hui, de mieux comprendre ce trouble et d’intervenir de manière plus efficace. D’orientation cognitivo-comportementale et bouddhiste, la T.D.C diffère, par contre, de l’approche cognitivo- comportementale (Bloomgarden, 2005). En effet, comme l’écrit Bloomgarden (2005, p.50) : « This goes beyond a behavioral conceptualization that would propose that the behavior was reinforced in the past but is no longer useful. The dialectical view is that the behavior made sense in the context, and still makes sense right now ».

Pour Linehan, le développement du TPL a pour origine une dysfonction des mécanismes de régulation des émotions (Bloomgarden, 2005). Lorsque l’enfant présentant ce facteur biologique se retrouve dans un environnement invalidant, il en résulte une dysrégulation émotionnelle. En effet, l’environnement social invalidant :

des personnes souffrant du TPL inhiberait le développement d'habiletés adaptatives leur permettant de moduler adéquatement leurs émotions, a priori, « … excessivement douloureuses, intenses, tenaces et présentant un faible seuil d'activation » (Robins, 1999). Typiquement, l'environnement invalidant requiert de l'enfant qu'il exprime de façon dramatique ses émotions avant qu’on ne lui prodigue l'aide et les soins dont il a besoin; cette attitude augmenterait la probabilité de passages à l'acte et de gestes parasuicidaires par la suite. (Bouchard, 2003, p. 214)

Ainsi, la dysrégulation émotionnelle se traduit par une hypersensibilité, une difficulté à gérer ses émotions et une persistance des émotions intenses, longtemps après l’évènement (Bloomgarden, 2005). Linehan (citée par Bloomgarden, 2005) énonce cette comparaison :

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Burn victims surface skin is so sensitive that the slightest touch can be excruciating. The therapist can use the analogy to remember that when Linda acts angrily and impulsively, in truth, she is reacting with extreme sensitivity, as a burn victim might respond to the lightest touch. Her seemingly over-reactive behaviors make sense in the context of the pain she feels. (p.55)

Donc, pour Linehan, les comportements des personnes aux prises avec le TPL sont donc des tentatives de contrôle des émotions intenses ou des conséquences de la dysrégulation émotionnelle (Bouchard, 2003). Ainsi, selon Bouchard (2003, p.215) « un déficit (inné ou acquis) dans la capacité à moduler ses émotions serait la cause de la plupart des manifestations symptomatiques propres à ces personnes : comportements impulsifs, diffusion de l'identité, chaos interpersonnel, gestes parasuicidaires et suicidaires.». Enfin, lorsque l’intervenant saisit la logique derrière les comportements difficiles des personnes présentant un TPL, la probabilité qu’il demeure empathique et qu’il évite les impasses dans le traitement se voit accrue (Bouchard, 2003).

3. Méthodologies d’intervention utilisées pour intervenir dans cette

problématique

Il existe diverses méthodologies d’intervention pour intervenir auprès des personnes vivant avec le TPL et ainsi réduire les impasses dans la relation d’aide. Conséquents avec les cadres d’analyse mobilisés pour expliquer le trouble, les interventions privilégiées auprès des personnes qui le vivent se divisent sous deux grandes catégories, soit le traitement psychodynamique et le traitement cognitivo-comportemental.

3.1 Traitement psychodynamique

Le traitement psychodynamique met l’emphase sur le passé ainsi que sur le présent, dans le but de découvrir des modes de fonctionnement qui soient plus adaptés pour l’avenir (Kreisman et al., 2010).

3.1.1 Thérapie basée sur la mentalisation de Fonagy

En utilisant la mentalisation, la personne tente de comprendre pourquoi les autres, ainsi qu’elle-même, interagissent de la manière dont ils le font (Kreisman et al., 2010). La thérapie basée sur la mentalisation postule que les croyances, les motivations, les émotions ainsi que les désirs doivent être compris pour qu’une personne soit en mesure de bien fonctionner en relation avec les autres

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(Kreisman et al., 2010). Les thérapeutes utilisent la psychothérapie individuelle, la thérapie de groupe, l’art thérapie ou encore la musique dans leur intervention avec les personnes présentant un TPL pour qu’ils développent la mentalisation.

3.1.2 Approche développementale, du soi et des relations d’objet de Masterson

Au sein de cette approche, les défenses primitives sont les principales cibles de l’intervention, pour faire émerger le sentiment d’abandon et ainsi permettre l’activation autonome. Ainsi, l’individu est amené à remplacer ses comportements impulsifs par de l’introspection (Orcutt, 1997). En effet, la confrontation des défenses est le principal moyen d’intervention utilisé auprès des personnes vivant avec le TPL (Institut Victoria, 2006). Orcutt (1997) résume bien le processus de l’intervention dans l’extrait suivant :

le thérapeute juxtapose les déclarations contradictoires faites par le patient à son insu. Le patient en vient lentement à identifier cet état interne conflictuel et les défenses utilisées de façon mal adaptée qui maintiennent cet état : clivage, acting-out, déni, etc. Le conflit devenant plus conscient, mieux toléré et mieux compris, les modes défensifs du faux soi du borderline sont moins requis : les défenses deviennent plus adaptatives, l’acting-out transférentiel se convertit en transfert névrotique et la perlaboration commence. (p.82)

3.2 Traitement cognitivo-comportemental

Le traitement cognitivo-comportemental, de son côté, met l’accent sur le changement des modes de pensées ainsi que sur les comportements répétitifs pouvant être handicapants dans le but de les remplacer par des réactions et des croyances plus adaptées (Kreisman et al, 2010). Les interventions s’inscrivant sous cette approche, comparativement à celles s’inscrivant sous l’approche psychodynamique, portent peu d’attention au passé, sont plus axées sur le problème et sont également souvent limitées dans le temps (Kreisman et al., 2010).

3.2.1 Thérapie dialectique comportementale

La T.D.C de Linehan se révèle comme l’une des approches les plus efficaces pour réduire la fréquence des comportements parasuicidaires, la fréquence des hospitalisations ainsi que le taux d’abandon (Linehan, 1993 cité par Bégin et Lefebvre, 1997). De plus, elle réduirait également les difficultés interpersonnelles (Linehan, 1993 et Nehls, 2000 cités par Osborne et McComish, 2006). Les principaux buts de cette thérapie sont l’amélioration des compétences interpersonnelles et du fonctionnement global ainsi que la diminution des comportements inadaptés (Osborne et al., 2006). De plus, on souhaite l’amélioration du contrôle des émotions en

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ciblant l’intensité et l’instabilité de l’humeur (Paris, 2008). Selon les tenants de la T.D.C « dans chaque dysfonction, on retrouve une fonction; que dans chaque distorsion il y a une part de vérité. » (Bégin et al., 1997, p.48). Marsha Linehan favorise l’acceptation de la personne telle qu’elle est présentement tout en l’aidant à changer (Bégin et al., 1997).

La T.D.C. se divise en cinq étapes, soit le prétraitement où la personne reçoit de l’information quant à ce type de thérapie et aux objectifs de celle-ci; la stabilité, sécurité et alliance thérapeutique où le patient et le thérapeute bâtissent un lien de confiance en s’assurant de la sécurité physique du patient, entre autres, en diminuant la fréquence des comportements suicidaires et parasuicidaires ainsi que les comportements qui menacent le traitement et la qualité de vie de la personne souffrante; l’exposition et l’examen des émotions liées au passé et aux événements traumatiques où le thérapeute amène le patient à reconnaître et à accepter les divers traumatismes vécus, à diminuer le blâme ainsi que les réponses de stress et à faire la synthèse des représentations dichotomiques de l’abus; la synthèse des apprentissages et finalement le respect de soi et les objectifs personnels où le thérapeute aide la personne à développer sa capacité à ressentir de la joie sur une longue période (Bégin et al., 2007). La thérapie a quatre grandes composantes (Kreisman et al., 2010). En effet, les thérapeutes utilisent majoritairement la thérapie individuelle, mais également les groupes d’entraînement aux habiletés, la consultation téléphonique ainsi que des rencontres hebdomadaires (Kreisman et al, 2010). De plus, certaines stratégies d’intervention sont mises de l’avant par ce type de thérapie, dont les stratégies dialectiques, soit mettre en évidence les comportements et pensées contradictoires des patients, l’utilisation des métaphores, l’extrapolation, voir les comportements problématiques comme des opportunités pour pratiquer de nouvelles habiletés, jouer l’avocat du diable, permettre le changement de l’environnement thérapeutique, l’intégration de la raison et des émotions ainsi que l’évaluation dialectique (Bégin et al., 1997).

Cette thérapie comporte, par contre, certaines limites. En effet, les études de Linehan ont été effectuées auprès d’une population de femmes seulement. Ceci dit, nous pouvons nous questionner sur la généralisation de ces résultats à la population générale des personnes atteintes du TPL (Paris, 2008). De plus, Paris (2008) affirme que les clientes ayant participé aux études de Linehan ne sont pas nécessairement représentatives des clientes rencontrées réellement dans la

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