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Prise en charge ambulatoire du patient atteint de dépression : rôle du pharmacien d'officine

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01197084

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01197084

Submitted on 29 Sep 2015

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Prise en charge ambulatoire du patient atteint de

dépression : rôle du pharmacien d’officine

Camille Lafont-Rapnouil

To cite this version:

Camille Lafont-Rapnouil. Prise en charge ambulatoire du patient atteint de dépression : rôle du pharmacien d’officine. Sciences pharmaceutiques. 2015. �dumas-01197084�

(2)

1

Université de Bordeaux

U.F.R. DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES

Année 2015

Thèse n°90

Thèse pour l’obtention du

DIPLOME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Présentée et soutenue publiquement par

Camille LAFONT-RAPNOUIL

Née le 14 Janvier 1989 à Fort-de-France

Le 25 Juin 2015 à 14h00

PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE DU

PATIENT ATTEINT DE DÉPRESSION :

RÔLE DU PHARMACIEN D’OFFICINE

Directeur de thèse

Madame le Dr. Anne-Laure DEBRUYNE Jury

Madame Martine LEMBEGE Président

Madame Bernadette BICHET Juge

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REMERCIEMENTS

À ma directrice de thèse,

Madame le Dr. Anne-Laure DEBRUYNE, Pharmacien Praticien Hospitalier,

Pour m’avoir fait l’honneur d’accepter de diriger ce travail ainsi que pour vos précieux conseils dans l’élaboration de cette thèse, je tiens à vous présenter ma plus vive reconnaissance.

Aux membres de mon jury,

Madame le Pr. Martine LEMBÈGE, Maitre de conférence en chimie thérapeutique,

Pour votre enthousiasme à présider ce jury et votre bon souvenir que vous laissez en tant que professeur, vous me faites l’honneur de juger cette thèse, je tiens à vous exprimer mes plus vifs remerciements.

Madame Bernadette BICHET, Pharmacien d’officine,

Pour votre expérience, votre sagesse et votre soutien à mon égard qui ont construit ma façon d’envisager mon métier de pharmacien, vous me faites l’honneur de juger cette thèse, je tiens à vous exprimer mes plus vifs remerciements.

À tous ceux qui m’ont apporté leur aide dans la rédaction de cette thèse, particulièrement, Madame le Dr. Emmanuelle QUEUILLE, Pharmacien Praticien Hospitalier,

Madame le Dr. Anne-Laurence CAZIN, Pharmacien d’officine, Madame le Dr. Françoise AMOUROUX, Pharmacien d’officine,

Pour m’avoir permis de mener à bien mon projet, ces moments d’échange et de réflexion que nous avons partagés ont été enrichissants, tant pour mon travail de thèse que pour le futur exercice de ma profession.

Ainsi qu’à tous les Pharmaciens qui ont accepté de remplir mes questionnaires, un grand merci ! À tous mes proches, qui ont toujours eu confiance en moi et m’ont apporté un amour inconditionnel sans lequel je ne pourrai avancer. Je vous aime profondément !

(4)

3

TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ... 2 INTRODUCTION ... 8 PARTIE I. LA DEPRESSION ... 9 I. DÉFINITION ... 9 II. ÉPIDÉMIOLOGIE ... 11 1. Épidémiologie descriptive ... 11 (1) Maladie fréquente ... 11 (2) Maladie sous-estimée ... 12

(3) Maladie aux conséquences graves ... 12

2. Épidémiologie analytique ... 14

(1) Caractéristiques sociodémographiques ... 14

(2) Autres facteurs de risque ... 15

III. PHYSIOPATHOLOGIE ... 15 1. Dépression primaire ... 16 (1) Facteurs biologiques ... 16 (2) Facteurs génétiques ... 20 (3) Facteurs psycho-sociaux ... 21 2. Dépression secondaire ... 23 (1) Étiologies psychiatriques ... 23 (2) Étiologies organiques ... 24

(3) Étiologies iatrogènes et toxiques ... 24

3. Évolutions ... 25

(1) À court terme ... 25

(2) À long terme et complications ... 26

IV. PRISEENCHARGE ... 27

1. Stratégies thérapeutiques ... 27

(1) Objectifs de la prise en charge ... 27

(2) Arbre décisionnel ... 28

2. Thérapeutiques médicamenteuses : les antidépresseurs ... 29

(1) Pharmacodynamie ... 29

(2) Mécanisme d’action et Classification ... 29

(3) Principales caractéristiques pharmacologiques ... 31

(4) Modalités d’utilisation ... 37

(5) Stratégies de potentialisation ... 44

(6) Perspectives thérapeutiques ... 46

3. Thérapeutiques non médicamenteuses ... 47

(1) Psychothérapie ... 47

(2) Stimulation cérébrale ... 48

(3) Luminothérapie ... 50

(4) Hygiène de vie ... 50

4. Rôle de l'entourage ... 52

V. DIFFICULTÉSRENCONTRÉESPARLESPATIENTS ATTEINTSDEDEPRESSION ... 53

1. Représentations de la maladie ... 53

2. Recours aux soins ... 54

3. Difficultés diagnostic ... 54

4. Prises en charge optimisables ... 55

(1) Importance du phénomène d’inobservance ... 55

(2) Déterminants de l’observance ... 56

(3) Facteurs d’adhésion au projet thérapeutique ... 57

VI. PLACEDUPHARMACIEND’OFFICINEDANSLEPARCOURSDESOINSDU PATIENTSOUFFRANTDEDEPRESSION ... 61

1. Place du pharmacien dans la société ... 61

(5)

4

PARTIE II. PRISE EN CHARGE DES PATIENTS DEPRESSIFS A L’OFFICINE ... 64

I. ENQUÊTEÀL’OFFICINE ... 64

1. Introduction ... 64

2. Objectifs ... 64

3. Méthodes ... 65

(1) Population de l’étude ... 65

(2) Création d’un questionnaire destiné aux patients traités par antidépresseurs à l’officine ... 65

(3) Déroulement de l’étude en pratique ... 66

4. Résultats ... 67

(1) Données sociodémographiques des patients ... 67

(2) Prise en charge médicamenteuse des patients ... 68

(3) Prise en charge non médicamenteuse de ces mêmes patients ... 76

(4) Place du pharmacien dans l’accompagnement du patient ... 76

II. DISCUSSION ... 78

1. Prise en charge médicamenteuse ... 78

(1) Médecins prescripteurs d’antidépresseurs ... 78

(2) Conduite du traitement antidépresseur ... 78

(3) Connaissances ... 79

(4) Tolérance ... 80

2. Prise en charge non médicamenteuse ... 80

3. Prise en charge à l’officine : attentes des patients ... 80

4. Prise en charge à l’officine : point de vue des pharmaciens ... 81

5. Limites de l’étude ... 83

6. Perspectives ... 83

(1) Optimisation du rôle du pharmacien d’officine dans la prise en charge du patient traité pour dépression ... 84

(2) Entretien pharmaceutique à l’officine pour les patients traités pour dépression ... 86

(3) Optimisation de l’implication du pharmacien dans le parcours de soins du patient ... 101

CONCLUSION ... 107

BIBLIOGRAPHIE ... 108

(6)

5

LISTE DES FIGURES

Figure 1 Critères diagnostiques d'un épisode dépressif majeur selon le DSM-V ... 10!

Figure 2 La neurotransmission synaptique ... 16!

Figure 3 Schématisation des hypothèses expliquant les bases neurobiologiques de la dépression ... 17!

Figure 4 Schéma général de la modélisation physiopathologique de la dépression ... 23!

Figure 5 Phases évolutives d'un EDM ... 25!

Figure 6 Prise en charge d'un EDM d'après Vidal recos ... 28!

Figure 7 Proposition d'algorithme de traitement en cas d'échec du 1er traitement ... 41!

Figure 8 Méthode de switch des antidépresseurs (A = traitement initial, B = traitement suivant) ... 42!

Figure 9 Illustration UNAFAM : aider les aidants ... 52!

Figure 10 De l'observance à l'alliance thérapeutique ... 60!

Figure 11 Médecin prescripteur de l'antidépresseur ... 68!

Figure 12 Antidépresseurs prescrits au moment de l'enquête ... 68!

Figure 13 Répartition des traitements selon la classe médicamenteuse ... 69!

Figure 14 Répartition des patients selon les durées de traitement ... 69!

Figure 15 Nombre d'antidépresseurs en historique selon le logiciel informatique de dispensation ... 70!

Figure 16 Répartition des 13 patients sous ISRS selon leur historique en antidépresseurs ... 70!

Figure 17 Durées des historiques de traitements par ISRS ... 71!

Figure 18 Motifs de changement d’antidépresseurs selon les patients ... 72!

Figure 19 Connaissance de la posologie de l’antidépresseur par le patient ... 73!

Figure 20 Connaissance du patient de la durée de traitement par antidépresseur ... 74!

Figure 21 Tolérance du traitement par antidépresseur rapportée par les patients ... 74!

Figure 22 Réticences aux antidépresseurs des patients ... 75!

Figure 23 Actions pharmaciens attendues par les patients ... 76!

Figure 24 Actions envisagées par les pharmaciens ... 77!

(7)

6

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 Principales distorsions cognitives selon Beck ... 22!

Tableau 2 Principaux médicaments dépressogènes ... 24!

Tableau 3 Principales caractéristiques pharmacologiques des antidépresseurs ... 36!

Tableau 4 Les principaux facteurs de non-observance dans la dépression, adapté de Rantucci ... 56!

Tableau 5 Niveau de formation des patients de la cohorte ... 67!

Tableau 6 Connaissance de l'indication de l'antidépresseur selon le niveau de formation du patient ... 73!

Tableau 8 Réticences aux antidépresseurs selon la connaissance de l'indication ... 75!

Tableau 7 Réticences aux antidépresseurs selon le niveau de formation ... 75!

Tableau 9 Les stades de changement et la prescription de médicaments ... 91!

Tableau 10 Conduite à tenir en cas de survenue d'effets indésirables ... 95!

Tableau 11 Exemples d'informations à développer dans une brochure ... 96!

(8)

7

GLOSSAIRE

5-HT : 5-HydroxyTryptamine (Sérotonine) ACTH : Adréno-Cortico-Trophic Hormone (hormone corticotrope)

AMM : Autorisation de Mise sur le Marché AMPA : Amino-Méthyl-Phosphonique Acide ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament

ATC : Antidépresseur Tricyclique AVK : Anti-Vitamine K

BDNF : Brain Derivated Neurotrophic Factor CESPHARM : Comité d'Education Sanitaire et sociale de la PHARMacie française

CI : Contre-Indication

CIM : Classification Internationale des Maladies CNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

CRH : Corticotropin-Releasing Hormone DA : Dopamine

DALY : Disability-Adjusted Life Year

DSM : Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux

ECG : ÉlectroCardioGramme ECT : ÉlectroConvulsivoThérapie EDM : Épisode Dépressif Majeur EI : Effets Indésirables

EM : Entretien Motivationnel

FDA : Food and Drug Administration HDRS : Hamilton Depression Rating Scale HPA : Hypothalamic–Pituitary-Adrenal (hypothalamo-hypophysaire-surrénalien)

HPST : Hôpital Patient Santé Territoire

IM : Interactions médicamenteuses

IMAO : Inhibiteur des MonoAmines Oxydase IMV : Intoxication Médicamenteuse Volontaire INPES : Institut National pour la Prévention et l’Éducation pour la Santé

IRSNA : Inhibiteur de la Recapture de Sérotonine et de Noradrénaline

ISRS : Inhibiteur Sélectif de la Recapture de Sérotonine

MA : Mécanisme d’Action

MADRS : Montgomery-Asberg Depression Rating Scale

MMSE : Mini Mental State Examination NA : Noradrénaline

NET : Nor-Epinephrine Transporter (transporteur de la Noradrénaline)

NMDA : N-Methyl-D-aspartate

OMS : Organisation Mondiale de la Santé PDA : Préparation des Doses à Administrer PE : Précautions d’Emploi

PIB : Produit Intérieur Brut

SERT : SERotonine Transporter (transporteur de la Sérotonine)

SISA : Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires

TCC : Thérapie Cognitivo-Comportementale TMS : Transcranial Magnetic Stimulation UFR : Unité de Formation et de Recherche UNAFAM : Union Nationale des Amis et FAMilles de malades psychiques

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INTRODUCTION

La dépression, maladie mentale la plus fréquente, représente un problème majeur de santé publique : près d’une personne sur cinq a souffert, souffre ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie. Malgré des avancées en matière de dépistage et la découverte de nouvelles stratégies thérapeutiques, la dépression entraine de nombreuses complications. Selon l’OMS, en 2020, elle deviendrait la 2ème cause d'invalidité à travers le monde derrière les pathologies cardiovasculaires.

Depuis les années 90, l'utilisation des antidépresseurs s'est accrue, notamment grâce au développement de molécules de maniement plus aisé, faisant passer le traitement de la dépression du secteur hospitalier au secteur libéral. De plus, la compréhension des troubles dépressifs a aujourd’hui évolué : d'une perspective à court terme focalisée sur l'épisode dépressif, une évolution à long terme est envisagée. En effet, la moitié des patients ayant eu un épisode dépressif récidivent dans les deux années qui suivent, 20% des cas deviennent chroniques.

En favorisant l'observance, en vérifiant les interactions médicamenteuses, en contribuant à une meilleur gestion des effets indésirables, l’intervention du pharmacien d’officine est reconnue comme étant positive dans le suivi des patients hypertendus, diabétiques, asthmatiques ou ayant une dyslipidémie.

La première partie de ce travail sera consacrée à la description de la pathologie dépressive en termes épidémiologiques et physiopathologiques, ainsi qu’à l’étude des différentes stratégies thérapeutiques mises en œuvre. Nous aborderons également les difficultés rencontrées dans le parcours de soins d’un patient dépressif, ainsi que la place du pharmacien d’officine dans cette prise en charge au sein de la littérature.

La deuxième partie s’intéressera à l’analyse d’un questionnaire proposé en pharmacie, concernant la prise en charge du patient dépressif à l’officine. À partir des résultats des questionnaires, une discussion s’établira dans laquelle seront abordés différents points : les modalités de prescription, de dispensation et d’utilisation des antidépresseurs, ainsi que les perspectives et outils à disposition du pharmacien pour proposer un accompagnement optimal du patient souffrant de dépression.

(10)

9

Partie I. LA DÉPRESSION

I. DÉFINITION

La dépression est une pathologie psychiatrique appartenant aux troubles de l’humeur. Elle doit être distinguée de la tristesse, qui est une variation normale de l'humeur, limitée en durée et en intensité, de l’humeur dépressive qui apparaît comme une modification pathologique de la tristesse, permanente et qui envahit l'ensemble de la vie mentale et comportementale.

La dépression se manifeste le plus souvent sous forme d’épisode : on parle alors d’épisode dépressif majeur (EDM). Elle se définit par plusieurs caractéristiques :

! une rupture avec l'état antérieur présupposé sain,

! un nombre suffisant de symptômes, considérés comme caractéristiques et persistant depuis au moins deux semaines. Trois grands symptômes sont retrouvés : une humeur dépressive, un ralentissement psychomoteur et des signes somatiques associés.

! une altération du fonctionnement social, professionnel ou personnel de l'individu, ! une exclusion de divers diagnostics (prise de toxique, maladie dépressogène) [1,2].

Actuellement, il existe deux grands manuels de classification internationale définissant la dépression : le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) et la classification internationale des maladies (CIM-10). La Figure 1 ci-dessous présente les critères du DSM-V tel que proposés par l'American Psychiatric Association. Ceux-ci diffèrent principalement des critères retrouvés dans le DSM-IV par le retrait du critère d'exclusion du deuil [3].

(11)

10 Le niveau de sévérité est défini en fonction du nombre de symptômes présents et de l’atteinte sur le fonctionnement quotidien de la personne. On distingue alors trois niveaux de sévérité : léger, moyen ou sévère. Certaines personnes présentent des états qualifiés de « subsyndromiques », caractérisés par la présence d'un ou plusieurs symptômes de l'EDM mais n'atteignant pas le seuil du diagnostic. Ces états correspondent à ce que l'on nomme « déprime » dans le langage courant.

Des échelles d’autoévaluation (évaluation par le patient lui-même) ou d’hétéro-évaluation (par le médecin) permettent d’évaluer plus précisément la sévérité de ces symptômes, comme l’échelle de dépression de Hamilton (HDRS) (Annexe 1), la plus utilisée, ou encore l’échelle de dépression de Montgomery et Asberg (MADRS) [2].

(12)

11

II. ÉPIDÉMIOLOGIE

L'analyse des données épidémiologiques concernant la dépression permet d'une part, d'évaluer les besoins sanitaires et ainsi d'adapter l'offre de soins et participe d'autre part, à l'identification des facteurs de vulnérabilité impliqués.

1. Épidémiologie descriptive (1) Maladie fréquente

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la dépression constitue la maladie mentale la plus fréquente, touchant plus de 350 millions de personnes dans le monde. La prévalence sur la vie entière, pour l’ensemble des troubles dépressifs, est d’environ 9% [4].

En France, la dépression est l’une des maladies psychiques les plus répandues : près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie.

- 7,5% des Français de 15 à 85 ans ont vécu une dépression au cours des douze mois, soit environ une personne sur vingt

- 19% des Français de 15 à 75 ans ont vécu, vivent ou vivront une dépression, soit environ une personne sur cinq

- enfin, environ deux fois plus de femmes sont diagnostiquées comme souffrant de dépression [5].

De plus, il s’agit d’une pathologie qui retentit sur les proches du malade. Ainsi, près d’un Français sur deux (47%) se dit concerné.

Au regard de plusieurs enquêtes épidémiologiques en France, il semblerait que cette pathologie soit en progression. Son taux de prévalence aurait été multiplié par six entre 1970 (1,1%) et 1997 (6,3%) [2]. Quelles peuvent être les explications d’une telle augmentation ? Tout d'abord, il peut s’agir du reflet d'un meilleur repérage des épisodes dépressifs par les cliniciens, mieux sensibilisés et formés. Sur le plan méthodologique, il peut exister un biais d'évaluation lié aux critères diagnostiques retenus. Deux cliniciens se référant aux mêmes fondements théoriques n’établiront pas nécessairement un diagnostic identique sur un patient. Un autre argument, d'ordre sociologique, se fonde sur l'évolution du regard, moins péjoratif, porté sur les troubles psychiques en général et sur la dépression en particulier, les sujets interrogés étant moins réticents à évoquer leur ressenti affectif [6].

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12 (2) Maladie sous-estimée

La dépression est très répandue en France, et pourtant, la méconnaissance est parfois flagrante, les préjugés nombreux, à l’origine d’une sous-estimation de la pathologie.

Face à ce constat, l’INPES a lancé en 2007 sa première campagne nationale d’information sur la dépression afin de sensibiliser les Français. Ainsi, en 2010, le sentiment d’information des Français s’améliore mais reste bas ; la moitié de la population se sent bien informée sur la dépression, ce qui situe cette thématique fort loin de celles pour lesquelles le sentiment d’être informé est globalement très élevée (entre 85 et 92 % pour tabac, contraception, alcool et sida). Cette hausse s’inscrit dans le contexte de la campagne d’information. Dans ce cadre, un livret d’information « La dépression : en savoir plus pour s’en sortir » a été diffusé et a permis une évolution significative des connaissances, croyances et attitudes sur la dépression [5]. Il semble alors important de poursuivre les efforts en terme de prévention.

(3) Maladie aux conséquences graves

Le retentissement à long terme des troubles dépressifs est au moins aussi important que celui d’affections somatiques chroniques comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. De part ces répercussions sur le fonctionnement quotidien de la personne, il concerne l’individu en premier lieu, mais aussi la société de façon indirecte.

(a) Au niveau de l’individu

• Récurrence et chronicisation

La dépression est envisagée comme une maladie d'évolution chronique. La moitié des patients ayant eu un épisode dépressif récidivent dans les deux années qui suivent, 20% des cas deviennent chroniques. Les épisodes isolés sont assez rares : une première dépression annonce souvent une récidive. Celle-ci intervient dans les cinq années suivantes dans 50 % à 80 % des cas [7]. Généralement, plus les récidives sont nombreuses, plus la dépression est sévère et le pronostic à long terme compromis.

• Mortalité par suicide [8]

Le suicide représente la complication la plus sévère de la dépression et demeure fréquent en France. Il y aurait un suicide toutes les 40 minutes, et une tentative de suicide toutes les 4

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13 minutes. Chaque année, près de 10500 personnes meurent par suicide, près de trois fois plus que les décès par accidents de la circulation. La dépression est un facteur de risque majeur ; deux tiers des morts par suicide lui sont attribuables, soit un taux de suicide 20 à 30 fois supérieur à la population générale et un taux de mortalité par suicide proche de 15%. La majorité d’entre eux n’ont pas reçu d'antidépresseurs, faute de diagnostic ou de problèmes de suivi. Au contraire, les personnes sous antidépresseurs au long cours ont un risque suicidaire moindre [9].

Le suicide est responsable d’une mortalité précoce : 2ème cause de décès entre 15 et 24 ans

et 1ère cause entre 25 et 34 ans, 50 % des suicidés ont moins de 50 ans, 70 % moins de 65 ans.

Néanmoins, ce sont les personnes âgées qui se suicident le plus. Les hommes semblent être les plus touchés : près des trois quarts des suicidés sont des hommes, bien que les tentatives de suicide soient majoritairement le fait de femmes (65 %).

Enfin, il existe des difficultés à prévoir le passage à l’acte. En effet, 60 à 70% des suicidés ont consulté un médecin généraliste dans le mois précédant une tentative de suicide. Ainsi, malgré une politique active de prévention qui a permis au cours de ces dernières vingt-cinq années une baisse de 20%, son taux en France reste élevé et notamment au-dessus de la moyenne européenne (14,7 vs. 10,2 pour 100 000 habitants).

Morbi-mortalité somatique [10]

Bien qu'étant la première cause de mortalité chez le patient dépressif, le suicide n’est pas la seule cause. La dépression a une influence considérable sur la morbi-mortalité en raison des conséquences négatives qu’elle peut avoir sur l’évolution des troubles somatiques. En effet, une péjoration du pronostic et un phénomène de chronicisation des pathologies somatiques et psychiatriques associées sont constatées chez ces patients. Ce phénomène est lié aussi bien à l’émoussement de la volonté de guérir lié à la perte de l’élan vital qu’à la mauvaise observance thérapeutique, à l’irrespect des règles hygiéno-diététiques ou encore, à une plus grande fréquence des conduites addictives, dont le tabagisme et l’alcoolisme. Inversement, plus le nombre de pathologies médicales chroniques augmente, plus la prévalence de la dépression augmente.

(b) Au niveau de la société

La dépression représente un poids médico-économique considérable pour nos sociétés. Les coûts engendrés attendraient 1% du produit intérieur brut (PIB), s’exprimant tant en termes de coûts directs (ensemble des soins médicaux et paramédicaux) que de coûts indirects (perte de productivité par exemple) et de coûts associés à la prévention et à la détection des troubles (Annexe 2).

(15)

14 Les coûts les plus importants sont induits en dehors même du système de soins (jusqu’à 60 à 80%). Ainsi, la dépression représente 4,3% des DALYs totales (une DALY, Disability-Adjusted Life Year, correspond à une année de vie en bonne santé perdue), occupant ainsi la 3ème place au

niveau mondial derrière les infections respiratoires basses et les diarrhées aigües, mais la 1ère place

dans les pays à PIB élevé (8,2% des DALYs).

De plus, la chronicité de la maladie et la fréquence des rechutes et des récidives, entraînent une perpétuation des soins qui contribue à l'augmentation des dépenses [2,10].

La dépression est ainsi un problème majeur de santé publique ; d'autant plus qu'elle risque d'engendrer des besoins croissants, alors que le budget alloué à la santé mentale en Europe ne représente environ que 6% des dépenses totales de santé. En effet, l'extrapolation des chiffres pour l'an 2020 placerait la dépression au rang de 2ème cause d'invalidité à travers le monde derrière

les pathologies cardiovasculaires [4].

2. Épidémiologie analytique

(1) Caractéristiques sociodémographiques

Certaines caractéristiques sociodémographiques peuvent constituer des facteurs de risque; c'est à dire des éléments participant à l'augmentation du risque d'être atteint de dépression. Ainsi, le sexe, l'âge, le statut marital et le statut socio-économique seraient des facteurs influençant le risque de développer une dépression [11] :

- sexe : être une femme (risque multiplié par deux)

- âge : âge d’apparition autour de 30 ans, période à fort risque entre 46 et 55 ans - environnement familial

- statut marital : être divorcé/veuf/célibataires (risque multiplié par 1,5 à deux) - composition familiale : avoir des enfants sans conjoints, > 5 enfants pour une

femme > 55 ans, ne pas avoir d’enfant pour un homme > 55 ans - statut socio-économique (pas toujours une influence significative)

- situation professionnelle : chômage, sans activité professionnelle (risque multiplié par deux à trois), emploi précaire (intérim, CDD, temps partiel)...

- niveau de revenus : précarité notamment pour les femmes - niveau d'études : avoir une scolarité inférieure au bac

(16)

15 Ces facteurs doivent être connus. Ils permettent d’établir des profils sociodémographiques à risque, favorisant la mise en place de politiques de santé publique ciblées et participant à l'amélioration du repérage de la maladie dépressive.

(2) Autres facteurs de risque

Outre les caractéristiques sociodémographiques, les troubles dépressifs résultent de l'interaction de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux. Ceux-ci seront développés dans la partie « Physiopathologie » de la maladie dépressive.

III. PHYSIOPATHOLOGIE

De manière similaire à l'ensemble des pathologies psychiatriques, la dépression est une maladie d'origine multifactorielle, générée par la conjonction de facteurs biologiques, environnementaux et de vulnérabilité génétique ainsi que des facteurs psychologiques. À l’heure actuelle, l’étiologie de la maladie dépressive demeure mal connue. De nombreuses théories existent ; seulement les principales seront ici exposées.

Entre dépression primaire ou secondaire, il s'agit d'une classification fondée sur l'étiologie présumée des symptômes dépressifs, bien que le tableau clinique soit comparable. Elle distingue la dépression primaire, sans cause physique ou psychologique évidente tandis que la dépression secondaire correspondrait à une dépression causée par un autre état sous-jacent. Lors du diagnostic, il est important de déterminer le caractère primaire ou secondaire de l’épisode dépressif.

Certains éléments peuvent être en faveur du caractère primaire : préexistence du syndrome dépressif, persistance de la symptomatologie dépressive alors que les facteurs potentiellement inducteurs ont disparu, existence d'antécédents personnels ou familiaux de troubles de l'humeur. Parallèlement, la résistance de la symptomatologie dépressive à un traitement antidépresseur bien conduit doit faire rechercher une pathologie associée. Certains diagnostics sont donc à éliminer car le syndrome dépressif peut être secondaire à une pathologie psychiatrique ou somatique, à la prise de médicaments ou de toxiques [12].

(17)

16

1. Dépression primaire (1) Facteurs biologiques

L'étiologie neurobiologique de la dépression repose sur le fait que l'humeur soit régulée par l'activité cérébrale. Différentes théories ont été explorées dont celle d'un dysfonctionnement des neurotransmetteurs impliquant le système monoaminergique et celle impliquant les systèmes neuroendocriniens. En outre, l'exploration du cerveau par les techniques d'imagerie cérébrale, a permis d'analyser le métabolisme et la morphologie cérébrale au cours d’un épisode dépressif.

(a) Principales théories autour des monoamines [13] Les hypothèses concernant les mécanismes biochimiques de la dépression impliquent pratiquement tous les neurotransmetteurs ; cependant, ce sont les hypothèses monoaminergiques qui suscitent le plus d'intérêt. Ainsi, les neurotransmetteurs les plus couramment impliqués sont la noradrénaline (NA), la sérotonine (5-HT) et la dopamine (DA).

Rappel sur la neurotransmission synaptique :

Dans le neurone présynaptique, les neurotransmetteurs sont synthétisés à partir d’acides aminés : la tyrosine (NA) et le tryptophane (5-HT), puis stockés dans des vésicules. L'arrivée d'un potentiel d'action va alors entraîner la fusion des vésicules et la libération des neurotransmetteurs dans la fente synaptique.Le neurotransmetteur suit 3 évolutions possibles :

1-recapture par une protéine de transport spécifique

2- métabolisation par une monoamine oxydase (MAO) menant à son inactivation

3- liaison à des récepteurs post-synaptiques, qui couplés à des canaux ioniques ou à des enzymes membranaires, activent la 1ère

étape de la transduction du signal ; ou liaison à des récepteurs présynaptiques (autorécepteurs) ayant un rôle de rétrocontrôle négatif sur la libération des neurotransmetteurs.

Figure 2 La neurotransmission synaptique

(18)

17 " Hypothèse monoaminergique

L’hypothèse monoaminergique, première théorie majeure de la dépression, propose un déficit en 5-HT et/ou en NA. En effet, les substances provoquant une déplétion en neurotransmetteurs monoaminergiques (comme la réserpine) peuvent induire une symptomatologie dépressive.

Cette théorie fut appuyée par la découverte que de nombreux antidépresseurs provoquent une augmentation à court terme des niveaux synaptiques des monoamines.

Cependant, elle ne peut expliquer à elle seule la physiopathologie de la dépression puisque l’efficacité des antidépresseurs est observée en clinique après quelques semaines de traitement, alors qu’ils augmentent immédiatement le taux de monoamines intra synaptique.

" Hypothèse des récepteurs des monoamines

Face à ce constat, une seconde hypothèse basée sur les récepteurs des neurotransmetteurs a été émise. La dépression serait due à un fonctionnement anormal des récepteurs des monoamines : la diminution de la concentration de neurotransmetteurs entraînerait une augmentation du nombre des récepteurs monoaminergiques post-synaptiques ainsi qu'une hypersensibilité anormale de ces récepteurs (« up-régulation ») conduisant à une mauvaise propagation du signal de transduction.

Ainsi, un traitement chronique par antidépresseurs provoquerait une désensibilisation des récepteurs par diminution de leur expression, dans une évolution superposable au retard de l’apparition de l’action antidépressive des molécules. La désensibilisation de certains récepteurs conduirait au retard d’apparition des effets thérapeutiques, tandis que la désensibilisation d’autres récepteurs pourrait réduire les effets indésirables dans le temps.

A : Hypothèse monoaminergique.

B : Hypothèses des récepteurs des monoamines, modifié à partir de Stahl.

Figure 3 Schématisation des hypothèses expliquant les bases neurobiologiques de la dépression [15]

(19)

18 " Hypothèse monoaminergique de l’expression génique

Cependant, le temps requis pour les modifications de sensibilité des récepteurs est plus court que les délais d’action des antidépresseurs visualisés cliniquement. Selon cette nouvelle théorie, la dépression reposerait sur un déficit fonctionnel des systèmes monoaminergiques au niveau des seconds messagers, conduisant à la formation des facteurs de transcription intracellulaire contrôlant la régulation génique.

C’est ainsi que le Brain Derivated Neurotrophic Factor (BDNF) pourrait être le responsable d’un possible défaut de signal de transduction. Ce gène maintient la viabilité des neurones cérébraux et plus particulièrement des neurones sérotoninergiques, mais sous l’effet du stress, il est réprimé entraînant l’atrophie voire l’apoptose des neurones de l’hippocampe, structure contrôlant l’humeur et les activités d’apprentissage et de mémoire.

Cette dernière hypothèse apporte une explication sur la durée d’administration des antidépresseurs nécessaire pour observer des effets cliniques. Un traitement chronique aux antidépresseurs augmente l’expression génique de BDNF dans l’hippocampe. Cette augmentation protégerait les neurones hippocampaux contre les dommages causés par le stress chronique et stimulerait leur croissance ; ce qui pourrait expliquer en partie l’efficacité des antidépresseurs dans l’amélioration de la capacité d’apprentissage et dans la normalisation des fonctions cognitives chez les patients traités.

(b) Théorie neuro-endocrinienne

En cas de stress, l'axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HPA) est activé. L'hypothalamus produit la corticotropin-releasing hormone (CRH) qui est véhiculée jusqu'à l'hypophyse où elle stimule la sécrétion d'adrénocorticotrophine (ACTH), qui stimule a son tour la synthèse de cortisol par les glandes surrénales. Pour prévenir des effets délétères des glucocorticoïdes circulants, l'axe HPA est régulé par rétrocontrôle négatif par des récepteurs sensibles aux glucocorticoïdes.

Chez les sujets atteints de dépression, une hyperactivité de l'axe HPA a été observée. L'hypothèse d'une désensibilisation du système de rétrocontrôle négatif a été posée, car le cortisol est incapable de freiner la production d'ACTH et de CRH. On observe alors très souvent, une hypertrophie des surrénales accompagnée d'une hypercortisolémie. Ces modifications pathologiques pourraient constituer un indice des épisodes dépressifs accumulés dans le temps. De plus, lors d’une dépression, le test de freination à la dexamethasone est souvent négatif, surtout dans les dépressions sévères. Néanmoins, par manque de spécificité, ce test ne peut être utilisé en routine.

(20)

19 Cette hypercortisolémie persistante est alors un facteur de risque de dépression; en maintenant un état de stress prolongé, une action neurotoxique amène à des changements structuraux dans des régions du cerveau, particulièrement au niveau de l'hippocampe. L’augmentation de la sécrétion de cortisol entraîne une diminution de la production du BDNF, facteur essentiel à la prolifération, la différenciation et la survie des neurones [16].

(c) Théorie de la neurogenèse

Doué de plasticité, le cerveau connaît d'incessants remaniements structuraux et fonctionnels. La dépression serait associée à une diminution de la neurogénèse. En effet, le stress et l'augmentation des corticoïdes la diminuent alors que d'autres facteurs tels que l'exercice et la prise d'antidépresseurs, l'augmentent.

Les études de neuro-imagerie ont montré que les sujets atteints de dépression présentent des modifications structurales d'aires cérébrales notamment au niveau du système limbique, système recevant des signaux de neurones sécrétant de la NA et de la 5-HT :

- diminution de l’hippocampe (structure impliquée dans la mémorisation, l’acquisition des connaissances, la régulation de l’humeur et la réponse au stress, responsable des difficultés de mémoire et l'hypersensibilité aux stimuli stressants)

- diminution du volume du cortex préfrontal (structure impliquée dans la prise de décision et d’initiative, responsable du ralentissement psychomoteur)

- hyperactivité au niveau de l’amygdale (structure impliquée dans le sentiment de peur ou de tristesse, responsable de l’anxiété)

Ces anomalies semblent être corrélées à la durée totale passée en dépression et à l’impact des évènements de vie stressants au fur et à mesure de la répétition des épisodes thymiques. Cela pourrait expliquer pourquoi chaque individu n’est pas égal pour gérer certains évènements de vie. La persistance des anomalies en phase de rémission clinique représente un facteur de vulnérabilité à la récidive, à travers le risque de réponse émotionnelle exagérée et non régulée à l’environnement. Deux conséquences pratiques doivent être retenues : la nécessité de traiter précocement les épisodes dépressifs afin de limiter les atteintes de la neuroplasticité qui feront le lit des rechutes et récidives à venir, et celle d’obtenir une rémission complète.

Enfin, à l’heure actuelle, de nombreuses études s’intéressent à l’implication du glutamate dans les mécanismes de neuroplasticité. Le glutamate est un neurotransmetteur excitateur majeur, associé à l'apprentissage et la mémoire. Plusieurs travaux ont montré que les molécules qui agissent spécifiquement sur les récepteurs glutamatergiques NMDA (activés par l'agoniste N-méthyl-D-aspartate) (kétamine, mémantine) ont des effets antidépresseurs rapides et prolongés.

(21)

20 Sont évoquées des propriétés “neuroréparatrices”, entraînant une relance de la neurogenèse, une augmentation des ramifications dendritiques et des connexions synaptiques ; l’ensemble de ces phénomènes aboutissant alors à une restauration du volume de l’hippocampe dans les modèles de stress [17].

(d) Théorie chronobiologique

Il est rapporté une plus grande fréquence de dépression à l’automne et l’hiver, lorsque les heures d’ensoleillement diminuent. Ces observations posent la question d’anomalies chronobiologiques associées à la dépression. En effet, des études ont montré des modifications significatives de la sécrétion de mélatonine chez les personnes atteintes. La mélatonine est une neuro-hormone régulant le sommeil. Elle est synthétisée à partir de la 5-HT et sécrétée par l'hypophyse selon un rythme circadien : maximale en début de nuit et minimale le jour. Le principal facteur qui influe sa sécrétion est la lumière dont il a été démontré qu'elle pouvait bloquer sa sécrétion. Lors d’une dépression, le pic de sécrétion physiologique de mélatonine, normalement observé vers trois heures du matin, semble supprimé. De plus, il est observé un taux anormalement élevé le jour. Cette désynchronisation des rythmes biologiques va entrainer des troubles du cycle veille-sommeil.

Cependant, bien qu'une perturbation des rythmes circadiens ait été mise en évidence dans la dépression, il est délicat d'établir si ces modifications sont des conséquences de l'état dépressif, que ce soit au niveau comportemental (par baisse de l'activité diurne) ou biologique (par le déficit en monoamines) ou plutôt des causes de la dépression. L’identification de ces rythmes reste encore à préciser [10].

(2) Facteurs génétiques

Des études d’épidémiologie génétique ont été mises en place afin de confirmer que la maladie est plus fréquente que ne le voudrait le hasard au sein d’une même famille. Ainsi, la prévalence sur la vie entière est environ deux à trois fois plus élevée chez les apparentés de premier degré d’un patient souffrant de dépression qu’en population générale.

Toutefois, il peut être difficile de distinguer le caractère héréditaire de l’environnement dépressogène défavorable. L'observation des jumeaux est alors instructive. Il faut distinguer les vrais jumeaux homozygotes, ayant le même patrimoine génétique, des faux jumeaux hétérozygotes qui ne partagent pas le même patrimoine génétique à 100% mais des conditions existentielles et affectives similaires. On remarque alors que la concordance est toujours supérieure chez les homozygotes (51-69%) par rapport aux hétérozygotes (13-28%).

(22)

21 Ces études confirment qu'il existe une participation génétique mais démontrent l'importance des facteurs environnementaux puisque la concordance chez les vrais jumeaux n'atteint pas 100% [18].

Cependant, bien que l'implication des facteurs de vulnérabilité génétique au cours d’une dépression ne semble plus discutable, la majorité des méthodes utilisées en génétique classique échoue à mettre en évidence un modèle de transmission ou des gènes candidats. La dépression serait favorisée par l'effet additif de nombreux gènes de susceptibilité. Les liens les plus robustes ont été trouvés avec le gène 5-HTTLPR codant pour le transporteur de la sérotonine. Il existe deux formes alléliques dites longues et courtes ; l’allèle court étant associé à un risque supérieur de développer un état dépressif dans des circonstances stressantes [19].

La dépression ne serait pas, à proprement parler, une maladie héréditaire ; il existerait des « gènes de prédispositions » c'est à dire des gènes qui exposeraient à un risque d'apparition de dépression, conférant une vulnérabilité en interaction avec l'environnement.

(3) Facteurs psycho-sociaux (a) Évènements de vie

Les évènements de vie sont définis comme tout fait impliquant un changement pour le patient, qu’il soit ponctuel ou qu’il définisse une situation durable. On distingue alors 2 types d’évènements:

- des évènements prédisposant : évènements précoces (survenus dans l’enfance), générateurs de vulnérabilité. On retrouve principalement des pertes parentales précoces ou des évènements psycho traumatiques (tels des abus sexuels…) à l’origine du développement de schémas cognitifs dysfonctionnels et d’une perte d’estime de soi - des évènements déclenchants : évènements survenus à proximité du trouble. Les

patients dépressifs rapportent en moyenne trois fois plus d’évènements de vie dans les six mois précédant le début des troubles.

Ces derniers semblent avoir une influence sur l’évolution des troubles dépressifs. Leur influence apparaît inégale selon qu’il s’agisse d’un premier épisode ou de récidives ; une vulnérabilité croissante des individus exposés aux évènements vis-à-vis de la récurrence existerait. Ces évènements constituent alors des facteurs de pérennisation des troubles.

Cependant, des évènements peuvent aussi être positifs ou neutralisants et constituer des facteurs protecteurs et de rémission [10]. De plus, la qualité du soutien social (famille, groupe, milieu professionnel) détermine de façon significative l’impact évènementiel. Une notion de plus en plus étudiée émane de ce soutien social : la résilience.

(23)

22 La résilience désigne « un processus dynamique consistant à bien se développer malgré des conditions de vie difficiles ou des événements traumatiques, basé sur l’interaction de potentialités internes à l’individu et de soutiens environnementaux ». Elle apparaît déterminée par plusieurs facteurs : des facteurs génétiques conditionnant un équilibre biochimique au niveau cérébral, des facteurs de protection individuels comme le caractère de l’enfant (souple, confiant), des facteurs de protection familiaux comme le climat familial (harmonieux, sécurisant, couple parental uni, attachement maternel fort) et enfin, des facteurs de protection extra-familiaux comme le réseau de relations extérieures (soutenant ou non, rassurant ou pas). Ainsi, la résilience dépendrait de ces facteurs et jouerait un rôle protecteur contre la désorganisation psychique chez les individus confrontés à un événement de vie à caractère traumatique [20].

(b) Théorie cognitive

Cette théorie de la dépression, est envisagée sous l'angle du traitement de l'information par l'individu. L'information est captée, stockée et traitée selon différentes prédispositions individuelles. Les modalités de traitement seraient acquises pendant l'enfance et, si elles s'avèrent dysfonctionnelles, cela pourrait engendrer, à l'âge adulte, le développement d'une dépression.

Ces altérations du traitement de l'information font que l'individu aura une vision négative du monde. Son attention portera davantage sur les stimuli à caractères négatifs et, dans son filtrage de l'information, il tendra à interpréter des informations neutres comme négatives. Ces distorsions du signal sont classées en cinq catégories présentées dans le Tableau 1 ci-dessous :

Type de distorsion Description Exemple

Interférence arbitraire Tendance à conclure hâtivement, sans justification « J’ai eu une mauvaise note, je ne réussirai donc jamais »

Abstraction sélective Tendance à focaliser son attention sur un détail négatif, en ignorant les autres éléments d’une situation

« Mon petit déjeuner a brûlé, rien n’a marché comme je voulais aujourd’hui… »

Surgénéralisation Tendance à extrapoler la signification d’un événement mineur

« Je n’ai pas fait ce travail dans les temps, je suis un incapable »

Raisonnement dichotomique Tendance à percevoir les choses sans nuance, en « tout ou rien »

« Si je ne peux pas être le meilleur, à quoi bon le faire ? »

Personnalisation Tendance à se sentir responsable d’évènements totalement indépendants

« Ils ont l’air en colère, j’ai sans doute fait quelque chose de mal »

Tableau 1 Principales distorsions cognitives selon Beck

La théorie cognitive repose donc sur le postulat qu'un sujet répond sur le plan émotif, plus à la représentation qu'il se fait d'une situation qu'à la situation elle-même. L'accumulation d'évènements négatifs rendrait ce mode de fonctionnement cognitif de plus en plus automatique, ce qui favoriserait l'apparition d'une dépression [21].

(24)

23 Finalement, la dépression résulterait d’une incapacité, à un moment donné, d’apporter une réponse adaptée à un stress, dont pourrait témoigner une baisse de la neurogénèse, liée à un déficit en facteurs neurotrophiques et ayant pour conséquence un défaut de transmission monoaminergique. La Figure 4 ci dessous résume les bases de la physiopathologie de la dépression développée précédemment.

2. Dépression secondaire

Elle correspondrait à une dépression causée par un autre état sous-jacent [12]. (1) Étiologies psychiatriques

Les comorbidités psychiatriques ont un rôle prédominant dans la survenue de dépression secondaire. Ce sont principalement des troubles de la personnalité, des troubles anxieux ou encore des troubles psychotiques tels que la schizophrénie ; mais également d’autres pathologies comme les troubles des conduites alimentaires, troubles du sommeil... Pour exemple, les troubles de la personnalité sont retrouvés chez environ 50% des patients dépressifs et constituent un facteur péjoratif (risque de passage à l'acte plus élevé et moins bonne réponse au traitement antidépresseur). De même, les comorbidités anxieuses posent un double problème : elles peuvent favoriser la survenue d'épisodes dépressifs, interagir avec cet état, mais aussi du fait de l'existence de symptômes communs, masquer le trouble de l'humeur.

(25)

24 (2) Étiologies organiques

Les dépressions secondaires à des affections organiques s'expliquent par 2 mécanismes :

- par altération directe des bases de l'humeur avec modification des facteurs cérébraux o pathologies neurologiques : maladie de Parkinson, sclérose en plaque,

épilepsie, démences, maladies vasculaires cérébrales, tumeurs cérébrales, maladie de Huntington.

o pathologies endocriniennes : hypothyroïdie, syndrome de Cushing, maladie d'Addison, diabète...

- par retentissement indirect sur l’humeur : compte tenu de la gravité de la pathologie et de son impact physique tel que douleurs, handicap, atteinte de l'image corporelle... Un syndrome dépressif est alors rencontré chez 20% des patients souffrant d'une maladie organique sévère. Parmi ces affections, sont retrouvées principalement des maladies chroniques tels que les cancers, le VIH mais aussi des traumatismes médicaux aigus tels que des infarctus, accidents vasculaires cérébraux (AVC), etc.

(3) Étiologies iatrogènes et toxiques

Certains médicaments ont un potentiel dépressogène. Il est donc indispensable de rechercher l'instauration récente d'un traitement chez un patient déprimé (ou son arrêt, si les troubles sont en relation avec un syndrome de sevrage), d'autant qu'il n'a pas d'antécédents de troubles de l'humeur. En dehors des psychostimulants lors d'un sevrage trop brutal, nous retrouvons les médicaments présentés dans le Tableau 2 ci-dessous :

Classe thérapeutique Médicaments

Anti-hypertenseurs Réserpine, Clonidine, Alpha-méthyldopa, Béta-bloquants lipophiles

Glucocorticoïdes

Anti-infectieux Interférons alpha, Efavirenz, Méfloquine

Anti-acnéique Isotrétinoïne

Traitements hormonaux Progestatifs

Anti-H2 Cimétidine

Myorelaxant Baclofène

Antiparkinsonien L-dopa, Rasagiline, Sélégiline

Tableau 2 Principaux médicaments dépressogènes [23]

Ainsi, si un syndrome dépressif apparaît chez un patient suite à l'introduction d'une molécule potentiellement dépressogène, le maintien ou non de cette molécule devra être évalué en fonction de la gravité de l'affection et des possibilités de substitution de la molécule.

(26)

25 Enfin, en dehors des médicaments, la dépression peut aussi être consécutive à la prise de toxiques, le plus fréquent étant l'alcool. Environ un patient alcoolique sur deux présente un syndrome dépressif. Ainsi, il existe une forte comorbidité entre la dépression et l'alcoolisme qui peuvent s'induire l'un l'autre.

3. Évolutions (1) À court terme

L'évolution de l'EDM se compose en 3 phases comme le montre la Figure 5 ci-dessous :

Lors de la phase de dépression propre, les symptômes correspondent aux critères diagnostiques établis par les classifications.

La phase de rémission, de durée variable (6 à 9 mois), est caractérisée par la disparition des symptômes et au cours de laquelle la réapparition des symptômes de l'EDM sera qualifiée de rechute. On distingue rémission partielle et complète. La rémission partielle correspond à la période pendant laquelle est observée une amélioration telle que le patient n'est plus complètement symptomatique mais continue de présenter des symptômes minimes. Tandis que la rémission est complète lorsque le sujet est asymptomatique. La rémission n'est cependant pas synonyme de guérison et n'en constitue qu'une étape fragile.

Enfin, la phase de guérison, au cours de laquelle la réapparition des symptômes sera qualifiée de récidive. Elle se définie comme une rémission complète qui se prolonge au-delà de 4 à 6 mois. On observe la disparition des symptômes dépressifs, l'absence de symptômes résiduels invalidants et un retour à la normal sur le plan familial, social et professionnel [24].

(27)

26 Une dépression, même sans traitement, dure en moyenne 6 à 12 mois. Attendre cette évolution naturelle ne semble pas souhaitable compte tenu des risques suivants : décès par suicide, risque de chronicisation du trouble, retentissement sur la vie socio-professionnelle, etc.

Un traitement adéquat permet alors de lever les symptômes dans le mois suivant l’initiation dans 70% des cas [25].

(2) À long terme et complications (a) Rechute et récidive

La rechute se définit par la réapparition de symptômes dépressifs avant la guérison. Elle survient dans le cours évolutif d’un même épisode pathologique (de l’ordre de quelques mois). La récidive (ou récurrence) correspond à la réapparition d’un nouvel épisode dépressif après guérison du précédent. On estime aujourd'hui que la moitié des personnes dépressives connaitront un nouvel épisode [24].

(b) Chronicisation

Chez 20% de patients dépressifs, la symptomatologie se prolonge d'une durée égale ou supérieure à 2 ans. On considère dès lors la dépression comme « chronique ». Plusieurs facteurs de risque pourraient favoriser les récidives et la chronicité : existence de symptômes résiduels (absence de rémission complète), antécédents dépressifs (personnels et familiaux), traitement insuffisant ou inadapté, comorbidités somatiques, sévérité de la maladie [24].

(c) Suicide

Les conduites suicidaires comprennent :

- le suicide : mort volontaire ; on parle de mortalité suicidaire et de sujets suicidés

- la tentative de suicide : tout acte par lequel un individu met consciemment sa vie en jeu, soit de manière objective, soit de manière symbolique et n’aboutissant pas à la mort ; on parle de morbidité suicidaire et de sujets suicidants

- les « équivalents suicidaires » : conduites à risque qui témoignent d’un désir inconscient de jeu avec la mort (refus alimentaire, automutilation, conduites à risque…) - les idées suicidaires : élaboration mentale consciente d’un désir de mort

(28)

27 - la crise suicidaire : période, marquée par la souffrance, la tension et un état d’insuffisance des moyens de défense, dure souvent 6 à 8 semaines ; le suicide devient alors une solution pour mettre fin à sa souffrance actuelle [26].

Depuis l’arrivée du DSM-V, le suicide est considéré comme une entité à part entière. De nouvelles échelles de risque suicidaire pour les adultes et les adolescents sont ajoutées afin d’aider à identifier les personnes les plus à risque, avec pour but d’améliorer la prévention.

IV. PRISE EN CHARGE

Il s’agit d’une prise en charge complexe, personnalisée, globale, tenant compte des caractéristiques du trouble, des souhaits du patient, de l’existence d’un risque suicidaire et du contexte familial.

Une fois l’EDM diagnostiqué avec certitude, le traitement passe dans la majorité des cas par une prescription médicamenteuse en ambulatoire. Les recommandations varient en fonction de la sévérité de la dépression :

- Dans les dépressions légères, une psychothérapie est proposée en 1ère intention. Les antidépresseurs ne sont pas indiqués dans ce cas.

- Dans les dépressions modérées, le traitement antidépresseur est recommandé en 1ère intention. Une psychothérapie pourra être proposée en association.

- Dans les dépressions sévères, le traitement antidépresseur est indispensable. Il sera envisagé en ambulatoire ou en hospitalisation [1].

1. Stratégies thérapeutiques (1) Objectifs de la prise en charge L'objectif du traitement est multiple [27]:

- réduire la durée de l'épisode dépressif et induire une rémission complète - soulager la souffrance du patient

- réduire le risque suicidaire

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28 (2) Arbre décisionnel

La Figure 6 ci-dessous, tirée du VidalRecos® permet de visualiser les différentes possibilités intervenant dans la prise en charge du patient présentant un épisode dépressif caractérisé, une fois le diagnostic posé.

1 Traitement médicamenteux : en 1ère

intention un ISRS ou un IRSNA ou éventuellement un « autre antidépresseur » pour une durée d’au moins 6 mois à 1 an.

2 Hospitalisation : en cas de risque

suicidaire élevé, de retentissement somatique marqué (anorexie notamment), d'entourage familial ou social du patient insuffisant, ou en présence de symptômes psychotiques.

3 Traitement psychothérapique : seules

les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ont montré une efficacité dans les formes légères à modérées.

4 Évaluation de l'efficacité : faite à partir

de 4 à 8 semaines de traitement. L'efficacité pourra être mesurée par l'usage de l'échelle

d'Hamilton (HDRS).

5 et 6 Échec ou réponse partielle au traitement : vérifier que la posologie soit optimale (dose, durée),

l'observance, les éventuelles comorbidités ou traitements dépressogènes, ou encore des interactions médicamenteuses puis envisager des stratégies d'optimisation.

7 Stratégie de potentialisation : optimisation du traitement antidépresseur par adjonction de traitements

potentialisateurs (ex. sels de lithium, antipsychotiques atypiques).

8 Électroconvulsivothérapie : indiquée en 1ère intention dans les formes mélancoliques sévères mettant

en jeu le pronostic vital, ou en cas d'échec des autres thérapeutiques.

(30)

29

2. Thérapeutiques médicamenteuses : les antidépresseurs

Les premiers antidépresseurs ont été découverts de manière fortuite en 1957 par la constatation de l'effet euphorisant de l'Iproniazide administré aux tuberculeux. Au cours de la même année fût découvert l’Imipramine. Tous deux devinrent les chefs de fils des deux premières familles d’antidépresseurs : les inhibiteurs des monoamines oxydases (IMAO) et les antidépresseurs tricycliques (ATC). Depuis, une trentaine d'antidépresseurs ont été commercialisés, de classes chimiques et d'activités pharmacodynamiques diversifiées. Aucune molécule ne présente une efficacité plus constante ou un délai d'action plus court que les premiers antidépresseurs ; par contre, les composés de 2ème génération ont indiscutablement

moins d'effets indésirables, notamment anticholinergiques et cardiovasculaires [10].

Les antidépresseurs sont également utilisés dans d’autres affections en psychiatrie et en médecine générale. Cependant, ils ne seront présentés ici que dans le cadre du traitement de l’EDM de l’adulte.

(1) Pharmacodynamie

Les antidépresseurs sont des médicaments qui suppriment ou diminuent les principaux symptômes de la dépression représentés par la douleur morale, l’insomnie, le ralentissement psychomoteur, l’anxiété et le risque suicidaire.

En dehors de leur action sur l’humeur dépressive (dite thymoanaleptique) définissant la qualité antidépressive du médicament, les antidépresseurs possèdent des effets latéraux tels qu’une action sur l’anxiété et indirectement sur le sommeil dite sédative (propriétés antihistaminiques et/ou alpha-adrénolytiques), ainsi qu’une action sur l’inhibition dite psychotonique (propriétés pro-dopaminergique et/ou anticholinergique). On distingue alors les antidépresseurs dits sédatifs, psychotoniques ou encore intermédiaires. Ces derniers se révèlent plus sédatifs chez certains patients ou plutôt stimulants chez d’autres [10].

(2) Mécanisme d’action et Classification [28]

Tous les antidépresseurs ont en commun d’exercer une action sur la neurotransmission synaptique. Cependant bien que ces modifications biochimiques induites soient de mieux en mieux comprises, le mécanisme exact de leur effet antidépresseur reste encore inconnu. En effet, l’effet biochimique est obtenu rapidement, alors que l’amélioration de l’humeur n’apparaît qu’en 2 à 4 semaines. Ce décalage laisse donc supposer l’intervention d’autres mécanismes.

(31)

30 Afin d’obtenir une augmentation des concentrations en 5-HT et NA dans la fente synaptique, les antidépresseurs agissent globalement sur un ou plusieurs de ces trois axes:

- inhibition de la recapture pré-synaptique : ce mécanisme s'applique à la plupart des antidépresseurs, qui ont alors des sélectivités pour différents neurotransmetteurs

- inhibition du métabolisme par inhibition des enzymes dégradant les neurotransmetteurs (typiquement la MAO) : cas des IMAO

- action sur les récepteurs aux neurotransmetteurs :

o inhibition des auto-récepteurs pré-synaptiques responsables du rétrocontrôle négatif de la libération des neurotransmetteurs

o activation des récepteurs post-synaptiques et de la transduction du signal. La nature de cette action n'est pas encore clairement établie.

En fonction de ces différents mécanismes d'action et de leur structure chimique, on a pu établir différentes familles d'antidépresseurs. Ils sont répartis en 5 catégories :

- les tricycliques (ou imipraminiques), définis par une structure moléculaire commune tricyclique, agissent par inhibition non sélective de la recapture de 5-HT, NA et DA. - les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), non sélectifs et sélectifs A, agissent

par inhibition de la monoamine oxydase A (dégradant la 5-HT et la NA) et plus ou moins la monoamine oxydase B (dégradant la DA).

- les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) agissent par blocage sélectif de la recapture pré-synaptique de 5-HT.

- les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) complètent leur action par une inhibition de la recapture de NA.

- les autres antidépresseurs, de structures moléculaires et de mécanismes d'action différents, agissent également sur la concentration synaptique des neurotransmetteurs monoaminergiques.

Effets à long terme

Les traitements antidépresseurs provoquent des changements sur les récepteurs adrénergiques, sérotoninergiques et dopaminergiques : modifications dans l'expression des gènes conduisant à une « down regulation » de certains (réduction de la synthèse des récepteurs conduisant à l'effet thérapeutique et à l'atténuation des effets secondaires) et une « up regulation » d'autres (activation et expression de facteurs de transcription et de facteurs neurotrophiques tel le BDNF). Cette augmentation du BDNF pourrait être à l’origine d’une stimulation de la neurogenèse dans l'hippocampe, comme déjà vu précédemment.

(32)

31 (3) Principales caractéristiques pharmacologiques [10]

Bien qu’ayant en commun l’indication dans le traitement des EDM, chaque classe possède ses propres caractéristiques et son profil de tolérance.

(a) Caractéristiques communes

Tous les antidépresseurs ont en commun leur aptitude à corriger l’humeur dépressive dans un délai de 2 à 4 semaines. Du fait de ce délai de l’action antidépressive, il est nécessaire de surveiller le phénomène de levée d’inhibition psychomotrice en début de traitement, pouvant nécessiter l’adjonction d’un traitement anxiolytique.

De plus, les antidépresseurs peuvent, dans certains cas, entraîner un virage de l’humeur dans le sens d’une euphorie pathologique hypomaniaque ou maniaque. Ce virage pose le problème de l’existence d’un trouble bipolaire potentiel ou de l’effet pharmacologique propre de l’antidépresseur. Il impose l’arrêt du traitement antidépresseur.

Selon leur mécanisme d’action, les antidépresseurs auront plus ou moins d’effets indésirables :

- activité anticholinergique : sécheresse buccale, constipation, rétention urinaire, tachycardie, trouble de l’accommodation, augmentation de la pression intraoculaire voire risque de glaucome, confusion

- activité antihistaminique H-1 : sédation, prise de poids

- activité adrénolytiques alpha-1 : hypotension orthostatique, tachycardie, sédation

Enfin, les antidépresseurs peuvent induire un syndrome sérotoninergique en cas de surdosage ou d'interaction médicamenteuse. Il se traduit par l'apparition, éventuellement brutale, simultanée ou séquentielle, d'au moins 3 des symptômes suivants : confusion ou hypomanie, agitation, myoclonies, hyperréflexie, sudation, frissons, tremblements, diarrhée, incoordination, hyperthermie. Il est important d’éliminer les autres étiologies (infectieuses, métaboliques, abus ou sevrage médicamenteux). Une fois identifié, il justifie l'arrêt du traitement.

(b) Évolution des antidépresseurs

L'étude du développement chronologique des antidépresseurs souligne l'évolution de molécules ayant des actions multiples vers des produits ayant un mécanisme d'action plus ciblé, pour finalement se tourner à nouveau vers des substances possédant une dualité d'action.

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32 La mise en évidence des propriétés pharmacologiques contribuant aux effets indésirables (anticholinergiques, antihistaminiques, alpha-adrénolytiques) a conduit au développement de molécules dépourvues de ces effets. Ainsi, malgré une efficacité indéniable, les ATC, par leur manque de sélectivité, sont responsables d’effets secondaires fréquents et gênants et de contre-indications majeures notamment cardio-vasculaires. De plus, le risque de surdosage (médicaments à marge thérapeutique étroite) ne doit pas être négligé. Quant aux IMAO, ils sont désormais peu utilisés car présentent beaucoup de contraintes notamment de nombreuses interactions médicamenteuses et alimentaires. Ainsi, les antidépresseurs de seconde génération, offrent une meilleure tolérance à efficacité équivalente.

Les ISRS présentent un meilleur profil de tolérance ce qui permet une meilleure maniabilité. Cependant, ils possèdent un pouvoir inhibiteur de certaines enzymes hépatiques (2D6++) à l'origine de nombreuses interactions médicamenteuses, et bien que les effets indésirables soient réduits, la forte incidence des nausées et des troubles sexuels nuit à l’observance au traitement.

L'arrivée des IRSNA, molécules possédant une dualité d'action et qui se sont révélées plus efficaces que les ISRS chez les patients souffrant de dépression sévère ou résistante, conforte cette conception générale selon laquelle les ISRS ne peuvent pas être les agents de 1ère intention dans les dépressions sévères. Les IRSNA n'apportent pas d'amélioration dans le domaine de la tolérance puisqu’elle est comparable à celle des ISRS avec en plus de nouveaux effets indésirables, en lien avec le profil noradrénergique.

Il semblerait donc que dans la recherche d'un antidépresseur optimal, la difficulté réside dans l'optimisation simultanée de l'efficacité et de la tolérance.

Figure

Figure 2 La neurotransmission synaptique  [14]
Figure 3 Schématisation des hypothèses expliquant les  bases neurobiologiques de la dépression [15]
Tableau 1 Principales distorsions cognitives selon Beck
Figure 4 Schéma général de la modélisation physiopathologique de la dépression [22]
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