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LA PRAtiQue infiRmièRe de PRomotion
de LA sAnté et de PRévention en Csss,
mission CLsC
De la volonté à la réalité...
Ce rapport synthèse présente les résultats d’une étude réalisée en étroite collaboration par des chercheurs de la Direction de santé publique de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (DSP), de l’Université de Montréal et de quatre centres de santé et de services so-ciaux de Montréal (CSSS). Cette démarche par-ticipative s’inscrit dans une volonté d’ajuster la recherche aux réalités des CSSS, dans le but de formuler des recommandations et d’entreprendre des actions afin de favoriser une actualisation accrue de la pratique infirmière de promotion de la santé et de prévention dans une perspective populationnelle.La réforme des Csss : la volonté
d’une approche populationnelle
Créés en juin 2004, les CSSS sont chargés de mobiliser les acteurs du territoire en vue de revoir leur offre de services en santé. Celle-ci doit traduire un continuum d’interventions à mettre en place, incluant la promotion de la santé et la prévention. La responsabilité popu-lationnelle au cœur de cette réforme entraîne les CSSS à non seulement fournir une réponse adéquate aux demandes de soins, mais à considérer les besoins de la population.
L’approche populationnelle :
une réalité pour les infirmières?
Comment l’approche populationnelle se traduit-elle dans la pratique de promotion/ prévention des infirmières en CSSS, mission CLSC? Est-elle devenue une réalité pour ces intervenantes qui composent près de la moitié des effectifs professionnels de ces milieux? En réponse à ces questions, ce rapport syn-thèse présente cinq composantes du déve-loppement de la pratique infirmière de pro-motion de la santé et de prévention dans une approche populationnelle (PPPP) : la for-mation, les activités privilégiées, l’identité professionnelle, l’organisation du travail et le développement de liens entre les acteurs.La recherche
Cette recherche est réalisée par une équipe d’infirmières cliniciennes et de gestionnai-res des CSSS-CAU Cavendish, de Bordeaux-Cartierville–Saint-Laurent, de la Montagne et Jeanne-Mance associée à des chercheures de la DSP et de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal. Le premier volet, une analyse documentaire du contexte orga-nisationnel des équipes CLSC de ces quatre CSSS-CAU, a fait l’objet d’un précédent rapport.
Pour le second volet de cette recherche, 28 gestionnaires et 41 infirmières de ces mêmes équipes ont accepté de participer, entre juillet 2006 et janvier 2007, à un entretien semi-dirigé pour discuter de leur pratique de promotion/prévention. Les participants provenaient des secteurs enfance/famille/jeu-nesse, personnes âgées/en perte d’autonomie, services généraux et services spécifiques. Les directions générale, de soins infirmiers et de santé publique étaient aussi représentées. La presque totalité des participants occupait un poste permanent à temps complet; la moyenne d’ancienneté au poste occupé était de cinq ans.
L’analyse
L’analyse des données qualitatives s’est dé-roulée selon la méthode de comparaison constante. Les propos des infirmières et des gestionnaires ont été regroupés en catégories conceptuelles, puis illustrés à l’aide d’extraits, pour faire ressortir tant les tendances géné-rales que les contrastes entre les types de participants. À chaque étape de l’analyse, des rencontres d’équipe ont permis la discussion des idées émergentes, la confrontation des interprétations rivales et l’identification de pistes d’analyse. La modélisation a ensuite procédé à travers la spécification et la mise en relation des thèmes construits; il en a résulté deux modèles.
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RÉSULTATS
Un premier modèle illustre le constat général de la recherche : la pratique infirmière de promotion de la santé et de prévention selon une approche populationnelle (PPPP) tarde à se concrétiser au sein du continuum d’interventions en CSSS, mission CLSC.
Les cinq bandes colorées représentent les composantes du développement de cette prati-que infirmière. La coloration foncée des bandes, à la gauche du modèle, traduit la pratiprati-que observée; tandis que la coloration pâle, à la droite, désigne les attentes formulées en regard de la PPPP, lesquelles demeurent en voie de développement. Une fracture est modélisée pour rendre compte d’un certain désalignement entre la pratique et les attentes. Les flèches noires suggèrent, enfin, que des leviers (+ +) et des contraintes (- -) agissent sur l’actualisation de la PPPP. En outre, cette actualisation nécessite du temps; les organisations et les intervenants en ont besoin pour intégrer les changements souhaités.
Les composantes du développement de la PPPP
Les cinq composantes du développement de la PPPP renvoient à des dimensions et des ten-dances qui façonnent la pratique des infirmières en promotion de la santé et en prévention. Ces composantes ont, par ailleurs, été abordées sous l’angle d’un certain désalignement, voire d’une fracture, entre des conditions favorables à une pratique infirmière davantage orientée vers une approche populationnelle et la réalité de la pratique actuelle. Considéré autrement, ce désalignement suggère la nécessaire réconciliation de tendances complémentaires pour renforcer la pratique infirmière souhaitée en promotion de la santé et en prévention, tant par les gestionnaires que les infirmières et ce, pour les cinq composantes suivantes :
■ La formation : poursuivre le développement des savoirs tant sur les déterminants de la santé que sur les facteurs de risque individuels.
■ Les activités infirmières privilégiées : combiner l’éducation à la santé et l’intervention populationnelle.
■ L’identité professionnelle de l’infirmière : concilier sa position centrale de soutien avec son potentiel stratégique.
■ L’organisation du travail : faire face à la diversification des demandes à travers une approche intégrée.
■ Les liens entre les acteurs : déployer sa capacité d’agir, en collaboration, à travers des réseaux réflexifs.
Ces composantes sont élaborées et illustrées à l’aide de verbatim dans les sections suivantes.
des leviers et des contraintes agissant sur l’actualisation de la PPPP
Selon les participants, notamment les gestionnaires, la création des CSSS donne un élan favorable à l’actualisation accrue de la promotion de la santé et à la prévention. Un momentum s’installe et des mesures de soutien sont mises en place : directions de santé publique au sein des CSSS, budgets réservés, tables de concertation des directeurs généraux et de santé publique figurent parmi les leviers identifiés. La responsabilité populationnelle et les
pro-cessus favorisant l’imputabilité des CSSS sont abordés comme des défis stimulants. Par contre, plusieurs contraintes, particulièrement celles liées aux réformes successives de
notre système de santé et de services sociaux, sont nommées par les gestionnaires et les infirmières rencontrés. D’une part, les CSSS disposent de ressources limitées pour composer avec le virage ambulatoire et favoriser l’intégration de la vision PPPP dans une culture plutôt centrée sur les services cliniques. D’autre part, les infirmières ne sont pas suffisamment accompagnées pour intégrer les changements récents et s’assurer que l’action correspond aux réalités et aux besoins de la population. À cela s’ajoute une certaine verticalisation de l’organigramme dans les CSSS qui a pour effet, selon certaines personnes interviewées, d’éloigner les dirigeants et leurs décisions des réalités des intervenants sur le terrain. Finalement, la nature même de la promotion de la santé et de la prévention en fait un choix difficile à assumer : les résultats sont peu visibles à court terme, en plus d’être moins faciles à mesurer, donc moins bien documentés.
Malgré l’espoir qu’expriment les infirmières face à la création des CSSS, ces contraintes suscitent un mélange d’impuissance, d’incompréhension et de craintes quant à la perte anticipée de certaines facettes de leurs rôles. Aussi, elles se disent épuisées par l’enchaî-nement des transformations du réseau et questionnent le bien-fondé des choix politiques. Elles constatent, de manière répétée, que les priorités énoncées ne sont pas toujours res-pectées, les ressources allouées aux activités de promotion/prévention étant encore trop souvent précaires.
Les infirmières…
Les gestionnaires…
■ considèrent que la formation de
base se centre sur l’intervention
individuelle sans suffisamment
toucher les notions d’approche
motivationnelle et de marketing
social;
■ connaissent bien les facteurs de
risque individuels et l’éducation
à la santé; ce sont aussi ces
éléments qu’elles souhaitent
parfaire : être plus aptes à saisir
les occasions d’enseignement et à
encourager leur clientèle à adopter
de meilleures habitudes de vie;
■ constatent que l’accès à lafor-mation continue est grandement
compromis par le manque de
ressources;
■ désirent une formation continue
plus adaptée à leurs besoins,
axée sur le développement de
compétences, avec un meilleur
suivi pour favoriser l’intégration
des acquis.
« … dans
notre formation,
l’approche
indi-viduelle est très
favorisée. »
« Et ce que je
déplore, c’est qu’il
n’y a jamais de
suite. C’est beau
une formation,
mais ça prend un
suivi. »
■ aimeraient que les infirmières
aient plus d’aptitudes pour
mo-tiver les individus à adopter des
comportements de santé;
■ décrivent des compétencesstratégiques à acquérir : gérer
des projets, mieux connaître les
acteurs, travailler en équipe ou en
intersectoriel;
■ éprouvent de la difficulté à libérer
les infirmières pour assister aux
formations continues tout en
maintenant l’offre de services;
■ soulignent la nécessité de mieuxplanifier la formation continue :
l’offre actuelle de formation est
plus réactive que proactive;
■ énumèrent des enjeux àconsidé-rer pour cette planification : les
priorités dictées au niveau
régio-nal, les besoins normatifs liés aux
clientèles ou aux changements de
techniques, les besoins exprimés
par les professionnels.
« … on est plus
ou moins structuré
dans la
planifica-tion de nos
forma-tions. On n’a pas
de plan directeur
qui découle d’un
processus
d’ana-lyse de besoins
puis de
priorisa-tion. On est très
en lien avec des
obligations de
mise à jour ou
des priorités qui
émergent au plan
régional, pour
lesquelles on n’a
pas le choix. »
La formation : essentielle et continue
Les participants se sont exprimés sur les savoirs et les compétences nécessaires à la pratique de promotion/prévention. Ils ont fourni des informations concernant la forma-tion de base des infirmières et la formaforma-tion continue qui leur est offerte. L’ensemble des propos renvoie surtout à la prévention pri-maire et secondaire ainsi qu’à des stratégies d’éducation à la santé et de communication de masse. La notion de promotion de la santé est rarement traitée distinctement. Peu de répondants s’expriment sur les déterminants socio-environnementaux de la santé. Les infirmières affirment que, pour réussir des activités de promotion/prévention, elles ont besoin de nombreuses connaissances et compétences; cependant, elles n’arrivent pas à en cerner la nature spécifique. Elles démontrent et demandent surtout dessa-voirs et des aptitudes axés sur les facteurs de risque individuels, pour la prévention. Les bases théoriques de la promotion de la santé et de l’approche populationnelle sont peu comprises. Les connaissances un peu plus précises des gestionnaires reflètent le fait qu’ils ont bénéficié de formations sur l’approche populationnelle.
Les infirmières et les gestionnaires soutien-nent, en majorité, que la formation de base ne prépare pas adéquatement les infirmières à la pratique de la promotion/prévention dans une approche populationnelle. La formation continue est appréciée par les infirmières, bien qu’elles notent des améliorations pos-sibles. Les gestionnaires estiment que la formation continue est un puissant outil de motivation, mais qu’en pratique, l’effet est souvent contraire, par manque de suivi ou de mise en pratique.
Les activités infirmières privilégiées
Les activités de promotion/prévention évo-quées dans les propos des infirmières dé-crivent majoritairement des interventions d’éducation à la santé. Avec leur vision glo-bale de la santé, elles dispensent des soins, prodiguent des conseils et tentent de respon-sabiliser la clientèle.Les infirmières…
Les gestionnaires…
■ définissent leur rôle premier, mis
à part leurs activités plus
clini-ques, comme celui d’éducatrices
à la santé : elles sensibilisent,
informent et responsabilisent la
clientèle;
■ travaillent majoritairement avec
des individus; elles s’adressent
parfois à des groupes, mais
rare-ment à des communautés;
■ soulignent un grand impact descaractéristiques de la population
sur leurs activités : âge,
complexi-té des besoins, multiculturalisme;
■ souhaitent des actions pluscommunautaires en promotion/
prévention : planifier des
inter-ventions selon les besoins de la
population, rencontrer les gens
des différents milieux, aller dans
les organismes communautaires;
■ apprécieraient que l’OIIQ seposi-tionne et défende le rôle infirmier
en promotion/prévention.
« … cibler les
problématiques
majeures, faire un
plan, voir comment
on peut rejoindre
les populations
et aller dans les
organismes
com-munautaires… »
■ décrivent l’idéal des activités
infirmières en s’inspirant des
fondements de l’approche
popula-tionnelle : des infirmières ancrées
dans la communauté, qui
iden-tifient les acteurs, les décideurs
et les occasions susceptibles de
soutenir un programme;
■ ouvrent la porte à la gestion de
projet; ils sont prêts à placer
l’infirmière dans cette position
stratégique, mais constatent que
peu d’infirmières semblent
dispo-sées à relever ce défi : « Elles ont
peut-être envie de cette diversité,
mais elles ont en même temps
de la crainte, parce qu’elles ne se
sentent pas outillées. »
« … je vois
l’infirmière comme
étant présente
dans le milieu et
aussi importante
que
l’organisa-teur
communau-taire. C’est une
infirmière très
communautaire,
impliquée dans le
milieu, qui connaît
les ressources. »
Il semble exister des tensions entre les acti-vités observées et celles souhaitées. L’idéal décrit par les infirmières et les activités at-tendues d’elles par les gestionnaires incluent aussi une vision populationnelle de leurs in-terventions. L’infirmière devrait être présente dans le milieu et développer d’autres straté-gies de promotion de la santé que l’éducation, ainsi que d’autres niveaux d’intervention comme la planification, la gestion de projet ou l’évaluation de programmes.
L’identité professionnelle de l’infirmière
L’autoportrait tracé par les infirmières et le visage professionnel que les gestionnai-res observent au quotidien convergent vers l’identité centrale de soutien de l’infirmière. Compétente, flexible, ouverte, dévouée : l’infirmière construit son identité d’abord à partir de ses qualités, puis de son expérience professionnelle, de ses connaissances et de ses atouts. L’infirmière se trouve au centre de toutes les activités; sa présence est né-cessaire à leur bon déroulement, mais elle est davantage dans un rôle de soutien qu’en situation de leadership. L’infirmière œuvre à la réalisation des activités davantage qu’à leur développement et à leur planification.Les infirmières et les gestionnaires…
■ notent de nombreuses caractéristiques et
qualités personnelles de l’infirmière –
accessi-ble, ouverte, inspirante – qui font d’elle la porte
d’entrée du système et l’outillent pour rejoindre
la communauté et bien saisir la spécificité des
clientèles;
■ rapportent l’importance capitale de la
motiva-tion pour intervenir en promomotiva-tion/prévenmotiva-tion;
les infirmières la voient davantage comme un
élément intrinsèque – elles se doivent d’« y
croire » et « d’être vraiment convaincues »
– et les gestionnaires ajoutent des éléments de
motivation externe tels qu’un milieu stimulant et
la formation continue;
■ identifient un grand défi pour l’infirmière :
s’affirmer au sein de l’équipe
interprofession-nelle, prendre sa place tout en reconnaissant
l’apport de l’autre;
■ ajoutent que l’infirmière a une grande valeur au
sein de cette équipe; en raison de sa
polyva-lence et de sa vision globale, elle peut y jouer
un rôle de pivot et de leadership.
« … il faut vraiment y croire… »
« Elles ont la motivation, le viscéral. »
« … je pense qu’il faut être visible, prendre
notre place. Sans trop casser des œufs, être
là au bon moment, puis être enthousiaste. »
« [L’infirmière doit] devenir un acteur
efficace. »
Les infirmières se définissent comme des intervenantes d’action, mais aussi de cœur; elles constatent un décalage entre le rôle d’exécution qu’elles se voient jouer et l’iden-tité créatrice qu’elles aimeraient exploiter davantage. Leurs rôles et leurs activités sem-blent les laisser un peu sur leur faim, comme en témoignent la ferveur avec laquelle elles décrivent leur motivation et leur désir de faire de la promotion/prévention, ainsi que leur crainte de perdre la responsabilité de l’éducation à la santé.
Les gestionnaires abordent aussi le volet
centrale de soutien de l’infirmière : ils la
dé-crivent comme l’intervenante aux qualités multiples sur qui reposent toutes les inter-ventions. Ils ouvrent également la porte à un rôle d’acteur stratégique pour l’infirmière. Ils aimeraient qu’elle possède des capacités à négocier avec une diversité d’acteurs et des aptitudes à influencer des dynamiques, tant entre professionnels qu’avec la clientèle.
Les infirmières…
Les gestionnaires…
■ souffrent de ne pouvoir se
réaliser pleinement dans le volet
promotion/prévention de leur
pratique, en partie en raison des
exigences élevées qu’elles se
fixent; certaines n’hésitent pas à
consacrer du temps personnel à
l’exercice de leur rôle d’éducatrice,
alors que d’autres affirment se
désengager;
■ rapportent que des préjugés
défavorables envers la promotion/
prévention circulent au sein même
des CSSS; des infirmières de
secteurs plus cliniques
discrédi-tent le rôle de l’infirmière comme
agent de promotion/prévention;
certaines réfèrent même à la
promotion/prévention comme une
activité moralisatrice et inutile.
« ... on n’est
pas des bonnes
infirmières parce
qu’on voit juste
des petites
mada-mes et des petits
bébés en santé;
on ne fait pas des
gros pansements,
on ne met pas des
pompes, des
so-lutés… t’imagines,
c’est des infir-
mières de CLSC
qui ont un
dis-cours comme ça. »
■ décrivent l’infirmière comme une
intervenante centrale de soutien :
une généraliste polyvalente
« soucieuse de l’autre et de bien
faire », pour qui il est « naturel
d’aider »; c’est une
ambassa-drice de la promotion/prévention
auprès des autres professionnels,
qui conserve cependant le savoir
nécessaire pour assurer l’ensemble
des services cliniques et de
prévention;
■ évoquent également l’affirmation
d’une identité plus stratégique
sans toutefois noter la
contra-diction entre ces deux identités
difficiles à concilier : la prise de
position dans un jeu de pouvoir
versus la position centrale de
celle qui soutient l’ensemble des
activités, en prenant sa place tout
en respectant celle de l’autre.
« … les infirmières
ne voient pas
l’im-portance de leur
rôle. Ce n’est pas
là-dedans qu’on
les reconnaît et si
on les
reconnais-sait dans un rôle
élargi, au même
titre que des soins,
ça aiderait. »
L’organisation du travail
Les infirmières décrivent une intégration parcellaire et fragmentée de la promotion/ prévention dans une pratique quotidienne surchargée de curatif et dans un contexte de rareté des ressources. Les gestionnaires sont conscients de ces contraintes : ils se disent forcés de faire des choix aux dépens de la promotion/prévention et présentent des suggestions de réorganisation des ressources et de changements de structures pour en favoriser la réalisation. Tant les infirmières que les gestionnaires sont d’avis qu’il faut allouer spécifiquement des ressources à la promotion/prévention.
L’offre de services des CSSS et l’organisation du travail infirmier sont réactives. Elles sont définies en fonction des demandes qui sur-viennent, et il y a peu d’anticipation des be-soins populationnels. De plus, le fonctionne-ment de l’organisation semble s’appuyer sur un mode de décision centralisé qui engendre une séparation des activités de planification et d’intervention. À travers ces constats se dessine le défi de gérer la complexité dans une approche intégrée qui laisse une large place aux professionnels et aux acteurs de la communauté.
Les infirmières…
Les gestionnaires…
■ font face à des mandats ambigus; les
atten-tes reposent sur des indicateurs de
perfor-mance quantitatifs – nombre de rendez-vous,
nombre de personnes vaccinées, etc. – et ces
statistiques ne traduisent pas l’ensemble de
leurs activités de promotion/prévention;
■ rapportent une très grande distance entre lesdiscours priorisant la promotion/prévention
et les choix réellement effectués dans leurs
organisations; ces activités sont les premières
suspendues lorsque les ressources manquent;
les infirmières ont l’impression que leurs
ges-tionnaires ont peu d’impact sur ces choix; ils
seraient contraints de répondre à des
orienta-tions dictées par le palier national ou régional;
■ décrivent leur travail comme une suited’ac-tions pour répondre à des demandes
davan-tage qu’en termes d’interventions qu’elles
auraient contribué à planifier et à organiser;
■ s’opposent majoritairement à ce que lesacti-vités de promotion/prévention soient
entière-ment réservées à certains intervenants, afin
d’éviter que la planification et la réalisation des
interventions se retrouvent déconnectées de la
réalité du terrain;
■ croient qu’il faudrait avoir des ressources
proté-gées, afin d’éviter que la promotion/prévention
ne cède sous le poids des activités curatives.
Dans cette optique, lorsqu’on leur propose la
création d’une équipe de promotion/prévention,
elles la décrivent comme un ensemble
interdis-ciplinaire d’intervenants de deuxième ligne qui
disposent des savoirs et des ressources pour
soutenir les intervenants dans la planification,
la réalisation ou l’évaluation d’interventions de
promotion/prévention, sans s’y substituer;
■ soulignent que le soutien des gestionnairescompte beaucoup : elles notent leur
disponi-bilité, leur ouverture aux besoins des
interve-nants, la confiance qu’ils leur accordent, ainsi
que l’énergie qu’ils consacrent à défendre la
promotion/prévention au sein de l’organisation.
« Ce qui est
valorisé, c’est les
listes d’attente
pour la
vacci-nation. Il faut
qu’on vaccine les
enfants dans les
délais prévus, il
faut qu’on visite
le plus proche de
100 pour cent
des mères dans
les trois jours
qu’elles sortent
de l’hôpital […].
Puis tant que ces
statistiques-là
sont remplies, tant
que ces chiffres-là
sont beaux, bien,
elle est satisfaite,
notre patronne. »
« Tout le monde
dit que c’est
important, mais
quand vient le
temps de
plani-fier les activités
ou d’allouer les
ressources
humai-nes, finalement il
n’y a pas autant
d’importance qui
est accordée que
ce qu’on dit. »
■ parlent de l’importance de
développer une culture
orga-nisationnelle de promotion/
prévention; cette culture se
traduit par un positionnement
de l’organisation, des
ges-tionnaires et des intervenants
vers une vision commune;
■ expriment le besoin de revoirtoute la planification, le
développement et
l’organi-sation de l’offre de services
de promotion/prévention;
ils rapportent en ce sens les
principales étapes proposées
dans le modèle d’approche
populationnelle qui leur a été
présenté;
■ proposent de revoir la
configuration des directions
et des équipes et d’attribuer
spécifiquement des budgets,
des ressources humaines et
du temps pour élaborer et
réaliser la
promotion/préven-tion;
■ constatent qu’offrir un
conti-nuum élargi d’interventions
est un grand défi, compte
tenu des besoins de santé
grandissants et des
res-sources limitées; les cadres
intermédiaires semblent voir
davantage de défis,
notam-ment l’arrimage des nouvelles
structures avec les anciennes;
■ sont contraints de supprimerles activités de promotion/
prévention en premier lieu
lorsque les ressources se font
rares.
« … c’est là que
c’est le plus
susceptible de
fonctionner. […]
Si, dans
l’organi-sation, il y a un
message clair que
la prévention et
la promotion c’est
quelque chose
d’important, c’est
quelque chose
qu’on valorise,
puis on s’attend
à ce que tous nos
intervenants en
fassent chaque
fois qu’ils
inter-viennent. »
« C’est sûr que
quand on fait de
la priorisation,
les activités de
promotion et de
prévention, c’est
souvent ce qu’on
met de côté,
même si c’est pas
une bonne idée
[…]. Et ça
démon-tre à quel point
on est encore très
curatif dans notre
système… »
Les liens entre les acteurs
Les infirmières sont continuellement dans l’action et disposent de peu de temps de réflexion. Elles sont souvent isolées dans leur pratique; elles ont peu d’occasions de partager leurs réflexions ou leurs appren-tissages. Elles souhaiteraient avoir des occasions d’échange entre elles, avec les autres professionnels et avec les acteurs du réseau local pour améliorer les
interven-Les infirmières…
Les gestionnaires…
■ valorisent le fonctionnement en
équipes interprofessionnelles,
parce qu’il offre la possibilité d’une
plus grande complémentarité des
rôles et des actions de chacun; il
s’agit alors davantage d’une mise
en commun des savoirs et des
res-sources que d’un travail conjoint;
■ déplorent le peu d’occasionsqu’elles ont d’échanger entre elles
et avec d’autres professionnels
de la première ou de la deuxième
ligne; elles apprécient avoir accès
à des formations/discussions, des
comités, des tables de
concerta-tion; elles demandent davantage
de ces lieux d’échange;
■ aimeraient participer à des
initia-tives d’action intersectorielle; des
interventions communes existent
et sont appréciées, mais elles
sont peu nombreuses et de portée
insuffisante;
■ font état, dans l’ensemble, de
rap-ports harmonieux avec les autres
acteurs; cependant notent des
rapports plus difficiles entre elles,
avec des médecins et certains
organisateurs communautaires;
■ apprécient l’expertise apportéepar la DSP, mais qualifient parfois
d’irréalistes les mandats et les
programmes que la DSP
déve-loppe et transfère aux CSSS.
« … avoir un lieu
d’échange, un lieu
de discussion.
Savoir qu’est-ce
qu’on peut faire
dans tel cas. Pas
réinventer la roue
tout le temps. »
■ entretiennent, via leurs espaces
de discussion et de collaboration
(tables, comités intersectoriels),
une mobilisation conjointe vers
des objectifs communs et des
interventions concertées;
■ discutent de la collaborationintersectorielle comme d’une
opportunité majeure qui permet
de mettre à profit d’autres types
de ressources et de développer
une offre de services bonifiée;
cette collaboration s’accompagne
toutefois de défis : partenaires
multiples, délais supplémentaires,
etc.;
■ voient positivement leurs
nou-veaux liens avec l’Agence de la
santé et des services sociaux et
sa direction de santé publique; la
DSP est vue comme une ressource
pour la formation, l’information,
l’encadrement et le financement.
« Je pense qu’il
y a vraiment
une mobilisation
importante de
toutes sortes
d’acteurs dans la
communauté. Ça,
je pense que c’est
quelque chose de
positif. »
tions de chacun et assurer une plus grande cohérence de l’ensemble. La création de ces lieux d’échange permettrait également aux infirmières de poser un regard critique sur leur pratique. Les gestionnaires, quant à eux, se sont donnés des lieux communs d’échange entre différentes instances de leur CSSS, du réseau local, des autres CSSS et de la DSP pour favoriser la collaboration, la cohérence dans les actions ainsi que la réflexivité.
PISTES DE RÉFLEXION
À partir des cinq composantes du dévelop-pement de la PPPP cernées, des pistes de réflexion et d’action ont été élaborées. Ces pistes sont inspirées des propos tenus par les participants et des réflexions de l’équipe de recherche.
■ Un point de départ important : le position-nement clair de la part de l’organisation,
soit un engagement à faire des pratiques de promotion/prévention une priorité. Ce positionnement soutient les acteurs dans la mise en commun de leurs réflexions, mais peut à son tour être nourri de l’espace réflexif partagé des acteurs.
Un positionnement organisationnel fort en faveur de la promotion/prévention
■ Assurer un positionnement organisationnel fort en faveur de la promotion/prévention.
■ Développer conjointement avec les directeurs et les professionnels des orientations claires
pour favoriser une vision commune en faveur de la promotion/prévention.
■ Les cinq composantes identifiées sont
complémentaires et interdépendantes.
■ Au centre, tous les acteurs sont regroupés
et mis en relation les uns avec les autres. La circularité du modèle présenté met en
évidence le besoin d’animer des échan-ges soutenus entre les acteurs autour des cinq composantes du développement de la PPPP.
Une approche intégrée de l’organisation du travail qui tient compte de la diversité du
continuum d’interventions
■ Traduire le positionnement organisationnel en mandats explicites assurant
une place à la promotion/prévention au sein du continuum d’interventions.
■ Développer des indicateurs de performance en promotion de la santé et enapproche populationnelle pour rendre compte de l’atteinte des objectifs et
soutenir la planification.
■ Allouer spécifiquement des ressources pour assurer la protection des
activités de promotion/prévention.
■ Créer des postes d’infirmière clinicienne spécialisée en santé publique.
« … il faut traduire cette vision dans
des orientations plus claires, il faut
que les directions, les directeurs se
l’approprient, et eux-mêmes fassent
pénétrer ça dans leurs équipes […].
On va se donner les moyens… on va
dégager des gens, on va structurer,
on va mettre l’emphase, il faut que
les messages soient très clairs de
la part de la direction aussi vis-à-vis
les équipes. » Un gestionnaire
Des formations axées sur l’approche populationnelle et la promotion de la santé
■ Influencer les programmes universitaires de 1er
et 2
ecycles pour intégrer la promotion de la santé et l’approche
populationnelle dans la formation en sciences infirmières.
■ Arrimer la planification de la formation continue de la DSP, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ),
des universités et des CSSS pour assurer une offre cohérente et structurée.
■ Élaborer la planification de la formation continue en CSSS avec les infirmières, la direction des ressources
humaines, le responsable local de santé publique et la direction des soins infirmiers.
■ Repenser la formation continue : oser des nouvelles formules plus participatives et réflexives, soutenir l’intégration
des savoirs et le suivi dans le changement de pratique.
Des activités infirmières qui s’inscrivent dans l’intervention populationnelle comportant la
planification, la gestion de projets et l’évaluation
■ Maintenir les activités éducatives tout en favorisant d’autres stratégies d’action pour effectuer la
promotion/préven-tion dans une optique d’intervenpromotion/préven-tion populapromotion/préven-tionnelle.
■ Octroyer à des infirmières des responsabilités d’identification des besoins de la population, de planification,
d’organisation et d’évaluation des activités de promotion/prévention.
Des acteurs qui collaborent et se donnent des temps de réflexion
■ Créer des espaces d’échange entre infirmières, et entre infirmières et autres professionnels, pour favoriser la collaboration
interprofessionnelle.
■ Créer des espaces de discussion entre gestionnaires et professionnels pour alimenter le processus de décision et
la réalisation d’interventions.
■ Intégrer dans la pratique infirmière un partenariat avec les professionnels et les acteurs du réseau local pour
développer des interventions innovantes. Dans ce sens, mettre en place des mécanismes qui assureront la
partici-pation des infirmières aux tables de concertation.
Des infirmières qui s’affirment comme des acteurs stratégiques
■ Outiller les infirmières pour exercer leur leadership et déployer des capacités stratégiques d’influence et de négociation. ■ Identifier et mobiliser d’autres acteurs (OIIQ, gestionnaires, universités) qui pourront contribuer à créer des
DES RÉSULTATS À PARTAGER, DES IDÉES À
DISCUTER ET DES ACTIONS À CONCRÉTISER
Près de deux ans ont passé depuis la réalisa-tion de ces entrevues. Il s’agissait alors d’un moment charnière de la mise en place des CSSS : certains gestionnaires étaient tout récemment nommés et plusieurs infirmières étaient encore peu au fait des changements en cours. Depuis, la situation a sans doute évolué au sein des CSSS. Toutefois, les suivis de l’équipe de recherche avec les gestion-naires et les infirmières confirment que les observations et pistes de réflexions soulevées demeurent des plus pertinentes. Il importe de souligner la demande cohérente et répétée des participants à assurer une protection des activités de promotion/prévention, en y
allouant spécifiquement des ressources et en fournissant aux infirmières et aux autres intervenants des outils et des conditions pour s’approprier et soutenir l’approche po-pulationnelle.
Il ressort de l’ensemble des discours une vo-lonté partagée de s’engager pour la pratique infirmière de promotion de la santé et de prévention dans une approche population-nelle (PPPP). Le processus de réflexion pour traduire cette volonté en réalité repose entre les mains des partenaires impliqués dans la recherche (CSSS, DSP, Université de Montréal) et d’alliés potentiels (OIIQ, INSPQ).
Quelques références
Beaudet, N., et al. (2007). Les pratiques infirmières de promotion de la santé et de prévention dans une perspective de santé publique/ populationnelle en CLSC. Portrait du contexte organisationnel et de la formation infirmière en établissement CLSC de quatre CSSS de Montréal : rapport intérimaire. Montréal.
Huberman, A.M., et Miles, M.B. (2003). Analyse des données qualitatives (2e édition). Paris : De Boeck.
Le Moigne, J-L. (1990). La modélisation des systèmes complexes. Paris : Dunod.
O’Neil, M., Dupéré, S. et al. (2006). Promotion de la santé au Canada et au Québec, perspectives critiques. Toronto : CSPI.
Paillé, P., et Mucchielli, A. (2003). L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. Paris : Armand Colin.
Whitehead, D. (2003a). The health promoting nurse as a health policy career and expert and entrepreneur. Nurse Education Today, 23(8), 585-592.
Remerciements
Aux gestionnaires et aux infirmières qui ont donné de leur temps pour contribuer à cette recherche.
RappoRt
synthèse
La série Rapport synthèse met en relief les faits saillants des principales études, recherches, projets d’intervention ou promotion réalisés dans les différents domaines de la santé publique.Une publication de la
Direction de santé publique
Agence de la santé et des services sociaux de Montréal 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) H2L 1M3 Téléphone : 514 528-2400
http: //www.santepub-mtl.qc.ca
Éditeur : Jo Anne Simard
Équipe de recherche : Nicole Beaudet, Annie Bisaillon,
Nancy Boisvert, Diane Boyer, Louise De Villers, Marie-Hélène Garceau-Brodeur, Christiane Gendron, Sylvie Gendron, Carol Hyland, Martine Longtin, Lucie Richard, Marie Soleil Sauvé
Collaboration : Marie Pinard
Infographie : Paul Cloutier, Manon Girard, Julie Couture
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2008
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2008 ISSN 1911-6845 (version imprimée)
ISSN 1911-6853 (version PDF) Numéro de convention : 40005583
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