POUR UNE METHODOLOGIE
MULTIDISCIPLINAIRE DE L'ETUDE DU MILIEU
Françoise LAPOIX
Muséum National de Paris
ESGT et IGN Paris TolbIac
KOT CLEF: Ecologie, milieu urbain, communication, méthodologie, multidisciplinarité, environnement, systémique.
ABSTRACT
L'auteur présente, à travers une recherche multidisciplinaire d'écologie du milieu urbain se déroulant dans les Villes .ouvelles de Melun-Sénart et de Saint Quentin-en-Yvelines, un essai de méthodologie d'étude de la ville. Il pose les problémes de la multidisciplinarité entre Sciences de la Vie, Sciences de l'Homme et Santé, de l'utilisation de la systilrlque et de la place du généraliste. Les relations entre recherche et politique sont aussi abordées, mettant en évidence la nécessité pour le scientifique de devenir
POUR UHR !!ETHOl.OGIE XULIIDISCIPLIllAIRE DE 1.'ETUDE DU MILIEU URBAU
Dans le cadre du Programme KAB/UIESCO, deux études pluridisciplinaires en matière d'écologie du milieu urbain sont actuellement menées à Saint Quentin-en-Yvelines (avec le Docteur Claude LEROY) et à Melun Sénart (avec François LAPOIX et Claude LEROY) avec le concours financier de la Mission Environnement Urbain de la Délégation à la Qualité de la Vie du Ministère de l'Environnement.
Les principaux ob1ectifs de ces recherches sont:
- La mise au point d'une méthodologie d'étude transdisciplinaire en terme d'écologie du milieu urbain telle quelle est définie par le Programme XAB/UIESCO avec, en particulier, une réflexion sur la multidisciplinarité, les divers modes de processus de décisions et les techniques d'études du mil ieu urbai n.
- L'élaboration d'un outil d'enseignement de la planification écologique en matière d'urbaniGmE, outil utilisable auprès des architectes, des urba-nistes, des paysagistes, des ingénieurs, des politiques et des élus. - La réalisation d'un inventaire et d'un analyse critique de la ville à travers ses divers aspects et les interelations existantes entre les multiples composants de l'environnement. Cette étude devant déboucher sur des propositions concrètes au niveau des choix de politique d'urbanisation, d'environnement, de santè, d'industrialisation et de loisirs.
- L'édification d'un programme d'animation et d'information globale de la ville en matière d'environnement donnant, en particulier aux habitants, la possibilité de retrouver leurs"racines" et ceci à travers le Centre d'Initiation à la Mature de la Futaie, l'Ecomusée du Plateau de Brie à Savigny-le-Temp~e, l'Atelier Permanent d'Initiation à l'Environnement Urbain et l'Observatoire de milieu urbain, ce dernier en voie de création.
- La fourniture au Programme KAB/UNESCO (groupe thématique IV, "La ville considérée comme un écosystème") d'informations, de données statistiques et qualitatives (en particulier au niveau de la santé et de la qualité de l'environnement) permettant des comparaisons avec celles recueillies dans les études du même type en cours telles que celles de Saint Quent1n-en-Yvelines, de Rio-de-Janeiro, de Hong-Kong, ...
L'originalité de cette recherche provient de
- La participatioD constante des enseignants de diverses disciplines, tant
- L'étroite collaboration instaurée avec l'ensemble des élus locaux, des fonctionnaires concernés et des usagers (en particulier des "moteurs sociaux).
- L'enchainement recherche-aménagement-animation-médiation avec des boucles de rétroaction permettant de faire remonter l'information en permanence aux divers niveaux de l'étude et d'induire la participation de tous. Cette mé-thode fournira les moyens d'une évaluation déterminante dans la mise en place d'un processus de remise à jour continue de l'étude.
- La recherche d'une nouvelle pédagogie de l'environnement tant dans le domaine universitaire que dans celui de la médiation et de l'information de tous les publics.
- Les types de productions envisagées: travaux universitaires, rapports, dossiers, diagnostic, simulations, audio-visuels, matériels pédagogiques ...
Menées depuis plus d'un an, ces études permettent déjà de se faire des idées en matière méthodologique, idées qui restent encore pour certaines au stade des interrogations. Ces dernières rejoignent les réflexions engagées dans le cadre de la Fondation "Qualité de la vie: l'Homme et la ville" qui sera lancée le 7 avril 1987 à Bondy au cours du premier colloque national d'écologie du milieu urbain.
Ces études posent le problème de la méthgdglogie des recherches urbaines.
L'élaboration d'une véritable transdisciplinarité entre sciences de la vie, sciences de l'Homme et santé constitue le premier point de réflexion. On parle beaucoup actuellement de multiplidisciplinarité, véritable "tarte à
la crème" capable de résoudre l'ensemble des problémes qui se posent à la recherche en matière d'écologie. Il semble qu'il faille être prudent à cet égard en se penchant sur la nature même de la démarche. En effet, on peut constater que dans notre pays, nous sommes assez réfractaires au travail en éqUipe et que globaliser n'est pas considéré comme une démarche
scientifique.
La Fondation "Qualité de la vie: L'Homme et la Ville" travaille dans ce sens en s'appuyant en particulier sur le document réalisé, pour l'O.C.D.E., par Marcel BOISOI sur la pluridisciplinarité. On peut déjà dire qu'il ne s'agit pas de réunir côte à côte un médecin, un écologiste, un économiste, un paysagiste, un architecte pour mettre en place une équipe multidisci-plinaire. Il faut, la nature de la recherche ayant été explicitée, faire vauir à soi les divers spécialistes ou le spécialiste adéquat, capable de résoudre le type de problème posé afin qu'ils constituent une véritable éqUipe de recherche. Ceux-ci seront choisis tant pour leur compétence technique "pointure" dans un domaine que pour leur capacité à s'adapter, leur largeur d'esprit et leur ouverture sur les autres disciplines.
Il est bien évident que les divers problèmes posés par la multidiscipli-narité vont, le plus souvent à l'encontre du principe
d'ultra-spécialisation qui préside à l'esprit de certains scientifiques français. Il semble cependant assez facile de ré60udre ce probléme en procédant, en
commun, sur le terrain et au laboratoire à l'étude des liaisons, des interrelations et des frontières existantes entre les diverses disciplines concernées. Cette attitude devrait aboutir à la recherche d'un champ commun de travail tout en respectant les indispensables spécificités scientifiques de chacun. Ce mode de travail posséde l'énorme avantage sur les autres d'amener progressivement les chercheurs de toutes tendances à la pratique multidisciplinaire grAce au développement du processus d'interaction entre leur domaine de compétence connu et celui de leurs collègues. Une très longue cure devrait être pratiquée, dans ce domain~, afin de provoquer cette confrontation des esprits les uns avec les autres et ce "sevrage" quant aux pratiques de travail cloisonné. La pratique du terrain porte en elle, à cet égard, des vertus qu'il .semble indispensable de cultiver. Mais pour ce faire, le chercheur, quelque soit 68 discipline, doit se faire un
devoir de communiquer ses résultats, de les faire partager à tous ceux qui sont à même de les recevoir, de les compléter et de les orienter, tant dans la communauté scientifique qu'à l'extérieur. Ainsi, ce dernier ne pourra être considéré comme seul propriètaire de ses études ni s'enfermer dans sa discipline ce qui provoque souvent la stérilisation de son travail.
La mise en place d'une véritable méthodologie systémique tout au long des études portant sur le milieu urbain parait indispensable, dans la mesure du possible. Joël de ROSIAY, dans le "Xacr06cope" a ouvert la voie à ce type de pratique qu'il est indispensable de poursuivre afin de rompre défini-tivement avec les procédures classiques issus du "saucissonnage" monodis-ciplinaire plein d'équivoques et responsables d'erreurs. Les méthodes employées devront d'ailleurs être continuellement remises en question et réévaluées en vue d'une optimisation par des rencontres systématiques entre les chercheurs et en tenant compte des résultats antérieurs. CelA débouche d'ailleurs actuellement sur la mise en place d'une réflexion sur les techniques de terrain tant dans le domaine social qu'écologique et sur les diverses procédures d'évaluation trop souvent négligées. ! cette occasion, le problème de l'objectivité et du secret professionnel devront être abordés par souci d'efficacité. On découvre, en effet, à chaque instant des contraintes nouvelles ralentissant le déroulement des recherches. S'il est en effet certain qu'il n'y a pas de recherche totalement objective, tous les efforts déployés doivent tendre à rendre les résultats obtenus les plus indépendants possible des a-priori politiques, idéologiques ou
confessionnels.
La définition des limites des disciplines et la place du généraliste "écologiste du milieu urbain" mérite aussi d'être abordée. Cette querelle fort ancienne revient à l'ordre du jour. Qui fait quoi? Qui est quoi? A-t-on le droit de se préoccuper de la recherche de sA-t-on voisin? Peut-il exister en 1987"un spécialiste des généralités" comme au Siècle des Lumiéres? Est-ce que la recherche globalisante doit être considérée comme une véritable recherche scientifique? Il y a là tout un sujet de réflexion indispensable à débattre entre chercheurs, hommes de terrain et spécialistes des sciences de l'éducation.
La clarification et l'identification de la "demande" de recherche et des "attentes formulées" par les maîtres d'oeuvres et d'ouvrage, les organismes payeurs ou les administrations doit aussi conti tuer un souci pour le scien-tifique. Trop souvent, en effet, les commanditaires d'études, ne connais-sant pas les contraintes de la recherche, ne formulent pas bien leur
demande et sant tout étonnés du rendu du travail. Une analyse par le cher-cheur du processus de décision BD urbanisme et en aménagement du territoire doit permettre de résoudre ce problème.
Un autre problème se pose au chercheur, c'est la pODsibilité qu'il doit avoir de suivre la rèalisation du projet au sein duquel il lui a été demandé d'intervenir. Cette phase de ·surveillance" est indispensable à toute évaluation des études d'écologie du milieu urbain. Il est toujours utile de se rendre compte de l'application sur le terrain de ses concep-tions en la matière. Réciproquement, il parait indispensable d'associer, dès le début, les usagers et les élus à la recherohe en leur fournissant les mayens de s'informer, ce qui pose tout le problème de la médiation scientifique. Le chercheur doit avoir un minimum de connaissances dans ce domaine s'il veut mener A bien son travail. Il faut défendre la notion de chercheur-médiateur qui trouve sa pleine expression en matière d'écologie appliquée au milieu urbain. Cette médiation, si elle est bien menée, doit avoir un double effet : informer les usagers et permettre la remontée des idées des habitants et des élus vers le chercheur.
Réciproquement, d'ailleurs, il parait indispensable d'associer, dès le début, les usagers et les élus A la recherche en leur fournissant les moyens de s'informer, ce qui pose tout le problème de la médiation scien-tifique. Le cbercheur doit avoir un minimum de connaissances s'il veut mener à bien son travail. Il faut défendre la notion de chercheur-médiateur qu'il trouve sa pleine expression en matière d'écologie appliquée au milieu urbain. Cette médiation, si elle est bien menée, doit avoir un double effet: Informer les usagers et permettre la remontée des idées des habitants et des élus verD le chercheur.
En résumé, on peut dire que les divers problèmes posés par la méthodologie des études d'écologie en milieu urbain reposent sur les notions du double rôle chercheur-enseignant et chercheur-médiateur. Il doit être tout A la fois un chef d'orchestre entre les diverses disciplines dépendant des sciences humaines, naturelles et de santé et tenir compte des réalités quotidiennes de terrain et des besoins exprimés ou non exprimés par le public. Il ne doit pas oublier, en effet, qu'il est aussi citoyen respon-sable du patrimoine qui lui est confié. Cette dernière remarque pose le problème du rôle réciproque de la politique et de la science dans la recberche en matière de m11ieu urbain. Toute action de rechercbe appliquée constitue un acte politique au sens héllénistique du terme. Vouloir s'en défendre pour le chercheur représente "un acte contre nature" dissociant l'Homme en deux parties: l'ange scientifique et le démon citoyen. Ce constat apparalt d'autant plus nécessaire au moment où on assiste à un "enfermement" de certains scientifiques dans leur "tour d'ivoire" ou leur "chapelle". Leur réticence provenant peut-être de la crainte qu'ils ont de s'engager dans un combat de politique "politicarde". L'écologisme, mal compris en France, a porté un grand tort à cette responsabilisation du scientifique qui a été très déçu par les résultats obtenus par les pseudo-verts et les errements politiques de ces derniers dans les dédales des partis. Il est nécessaire, à l'occasion de ces programmes
transdis-ciplinaires de réhabiliter la notion tant prisé~à l'étranger de chercheur-citoyen conscient de ses responsabilités vis-A-vis de la cOmDUnauté. Celà réclame entre autre l'adoption d'un schéma de travail mettant ce dernier A l'abri des pressions de toutes sortes qui peuvent s'exercer contre lui lors
de son travail. A cet égard, le schéma proposé par le Docteur Claude LEROY dans son intervention aux Rencontres -Qu'est-ce-que modeliser?" semble convenir. Il n'est guère possible, actuellement, d'être totalement hors du champ de la politique même lorsque l'on est physicien quantique!!!
Adresse de la Fondation -QUALITE DE LA VIE: L'HOMXE ET LA VILLE" Ligue Française d'Hygiéne Mentale - Il, Rue Tronchet - 75008 - PARIS Tél : 42-66-20-70 .
