POUR L'EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT.
Marianne BODSON
Facultés Universitaires Notre-Damedela Paix, Namur. et Institut Saint-Joseph. Châtelet, Belgique.
MOTS CLES: MILIEU SEMI-NATUREL - ETUDE HISTORIQUE - TERRAIN - FACTEURS AN1HROPIQUES - DYNAMISME DES ECOSYSTEMES
RESUME : Afin de sensibiliser davantage les jeunes à l'environnement. l'enseignement de l'écologie devrait viser à développer un comportement écologique plutôt que de transmettre des connaissances. La méthode proposée pour atteindre cet objectif consiste en une étude d'une part historique. d'autre part de terrain d'un milieu semi-naturel.Le rôle joué par l'homme dans l'évolution des écosystèmes est l'élément central de cette étude
SUMMARY : In order to make young people more aware of the environment, ecological education shouldaimto develop an environment conscious behaviour rather than merelytotransmit knowledge. This aim can be realized by historical research as wel1 as by field work in semi-natura! surroundings. The l'Ole played by human beings in the evolution of ecosystems is the central element of this study.
1. INTRODUCTION
Alors que les médias font une part de plus en plus large aux problèmes de l'environnement, notre expérience nous (orce à constater que, parmi les étudiants, peu se sentent vraiment concernés et impliqués dans l'évolution des milieux naturels qui leur sont proches.
Cette constatation peut trouver son explication dans le fait que tant les ouvrages didactiques consacrésàl'écologie que les programmes scolaires suivent un plan où ne sont abordés que les grandes notions théoriques : facteurs abiotiques et biotiques, fonctionnement de l'écosystème, description des écosystèmes.
Lerôle de l'homme y est bien souvent relégué au dernier chapitre et généralement y est présenté de manière négative (pollution).Deplus, l'illustration des notions théoriques ne se fait souvent que par la seule analyse des grands problèmes de l'environnement,àl'échelle planétaire (déforestation de la forêt amazonienne, effet de serre...).
Cette vision engendre souvent un sentiment d'impuissance qui pourrait également expliquer l'indifférence générale observée.
Arffide remédieràcette situation, l'objectif de l'enseignement ne devrait-il pas êtrelesuivant: faire prendre conscience aux jeunes qu'ils sont des maillons intégrés et actifs des écosystèmes dans lesquels ils vivent afin de faire passer, parmi eux, la volonté d'agir avec et pour la nature et afin de leur donner la possibilité d'agir en connaissance de cause.
Plutôt que de transmettre des connaissances, l'enseignement de l'écologie devrait davantage viseràdévelopper des attitudes, un comportement écologique.
2. METHODE
La méthode proposée pour atteindre le but recherché consiste en une étude d'un milieu semi-naturel par l'intermédiaire d'une part, de documents historiques et d'autre part, d'une étude de terrain.
Les raisons de ce choix sont multiples:
1.L'environnement dans lequel nous vivons est constitué principalement de milieux semi-naturels ou agro-semi-naturels ; ce sont des microsystèmes à la dimension de l'homme dans lesquels l'élève s'intègre facilement.
2. Ces biotopes choisisàproximité de l'établissement scolaire permettent des déplacements sur le terrain. Les buts de l'étude de terrain, outre l'acquisition des notions nécessaires à la compréhension de l'écosystème sont le développement de l'esprit de l'observation, la recherche de méthode de travail, l'acquisition d'esprit de synthèse dans la rédaction de rapport, la participation active des élèves.
3. Ces biotopes ont une origine anthropique: une étude historique de la genèse, du maintien et de l'évolution récente et même actuelle du milieu considéré peut mettre remarquablement en exergue le rôle fondamental joué par l'homme dans les modifications enregistrées par les écosystèmes.
Une telle approche peut démontrer en outre l'instabilité et le dynamisme de certains écosystèmes, phénomènes souvent mal perçus.
Ainsi dans le souci permanent de faire prendre conscience que l'homme est un acteur de l'environnement, nous préconisons une démarche inverse de celle qui est généralement proposée: l'approche du rôle de l'homme dans l'environnement est l'élément central de l'étude sur lequel viennent s'articuler les autres notions plus théoriques...
3. ILLUSTRAnON DE LA METHODE
L'exemple choisi en guise d'illustration est celui d'une pelouse sèche sur calcaire; ce sont des biomes en voie de disparition dépourvus d'arbres, couverts d'une végétation ouverte ou fermée selon le relief et où dominent des espèces thermophiles et des graminoïdes. Nous nous attacherons ci-dessous à démontrer essentiellement l'intérêt de l'approche historique de l'évolution du milieu.
Après une rapide présentation géographique et géologique du milieu, l'élève aborde l'étude de la genèse du biotope en respectant une démarche dont les séquences sont développées ci-dessous.
3.1. La préhistoire du biotope
Il y seulement 2000 ans (8000 ans après la dernière glaciation) quelepaysage végétal a atteint son stade climax, dans nos régions: la hêtraie et ses variantes. Cependant, l'exploitation de la forêt avait commencé dès le néolithique (7000 B.P.) avec la sédentarisation de l'homme.
Méthode:
Un tableau relatant la recolonisation du sol par la végétation après la dernière glaciation würmienne est soumisàl'examen des élèves.
Intérêt didactique :
- établissement d'un lien avec le cours d'évolution; - mise en évidence des relations climat-végétation;
- défmition du stade climax et introduction des notions de séries; - situation de l'homme du néolithique dans son environnement.
3.2. La genèse du biotope
C'est principalement au Moyen-Age mais encore plus au XVIIème siècle, suite au développement de l'industrie que le déboisement prit des proportions considérables. L'élimination de la forêt - coupesàblanc ou coupes successives - suivie de brûlis permit l'installation, sur les plateaux
dénudés, de cultures temporaires de céréales. L'appauvrissement du sol provoqua un rapide abandon des cultures immédiatement recolonisées par des espèces pionnières.
Les pentes trop abruptes pour être cultivées et les friches étaient parcourues par des troupeaux d'ovins et de caprins ; ces derniers très friands des jeunes pousses ligneuses empêchèrent le reboisement naturel.
La surexploitation de la forêt liée aux pratiques agro-pastorales transfonna un paysage de forêt en un paysage ouvert constitué de landes, cultures, friches et pelouses.
Méthode:
Un travail portant sur l'occupation des sols de la régionà laquelle appartient le biotope étudié, et, pendant une période allant du Moyen-Age au 17ème siècle est ensuite demandé aux élèves.
Cette recherche bibliographique se fait en collaboration avec les professeurs d'histoire et de géographie.
Intérêt didactique: (voir 3.3.) 3. 3. Le maintien du biotope
Le maintien des pelouses fut assuré jusqu'au début du siècle grâceà la survivance des techniques agro-pastorales dans lesquelles l'homme joua un rôle primordial. Un berger communal emmenait les moutons et les chèvres du village sur les pelouses;àla pratique du pâturage extensif était associée une véritable gestion du milieu. Sans cesse, le berger recepait les souches enrayant ainsi la propagation des essences ligneuses, notamment des épineux (prunelliers, aubépines). Au printemps,ilpratiquait des feux courants dont les buts étaient: l'élimination des herbes sèches, la reprise plus rapide de la végétation herbacée et l'enrichissement du sol par les cendres.
Il n'était pas rare que certaines parcelles qui avaient servi de lieux de dortoirs pour le bétail soient pratiquement remises en cultures.
Méthode:
L'évolution du biotope, au cours des 200 dernières années, peut être visualisée grâce àune étude comparative de cartes topographiques anciennes datant de 1770, 1854 et 1905 (voir figure 1)
Intérêt didactique :
- mise en évidence du rôle de l'homme dans l'évolution de l'écosystème pelouse ; - introduction des cycles biogéochimiques en relation avec les techniques agro-pastorales ; - démonstration des nombreuses interelations homme-flore-faune-facteurs abiotiques; - établissement d'une comparaison avec la déforestation de la forêt amazonienne;
- réflexions relatives d'une part aux causes d'appauvrissement des sols, d'autre part aux problèmes posés par l'amendement des sols;
- interprétation et comparaison de cartes.
3.4. L'évolution récente
Au XXème siècle, les pelouses perdent leur utilité.
L'abandon de la jachère et le remplacement du pâturage extensif par un pâturage intensif dans les fonds de vallées provoquent le délaissement des pelouses.
Les pelouses de pentes sont recolonisées naturellement par la fruticée (fourré d'épineux), tandis que les pelouses de plateaux sont volontairement enrésinées, dans un intérêt économique;
Méthode:
L'évolution du biotope, au cours de 50 dernières années, est analysée àpartir de cartes topographiques, de cartes de végétation et photos aériennes (voir fig. 2).
Intérêts didactiques :
- nouvelles mises en évidence de l'action humaine;
- lecture, interprétation, comparaison de cartes et photos aériennes;
- réflexion concernant le choix des espèces plantées (relation facteurs abiotiques-végétation).
3. S. Situation actuelle
Selon leur localisation sur les plateaux ou dans les pentes et donc en étroite relation avec les facteurs physiques, on distingue dans les pelouses,2variantes: les pelouses mésophiles de plateaux et les pelouses xérophiles de pentes. Actuellement, il ne subsiste que quelques rares lambeaux de pelouses, sérieusement menacés par la spéculation forestière mais aussi l'installation de camping, de dépôts d'immondices... Si l'on veut préserver ces pelouses, des mesures de protection s'imposent; mais elles ne suffisent pas, une gestion adéquate et efficace doitêtreeffectuée.
Méthode:
A plusieurs reprises, les élèves se rendent sur le terrain afin d'effectuer des mesures et des observations qui leur permettront de cerner les caractéristiques de l'écosystème, d'en distinguer ses variantes et d'en comprendre son fonctionnement
Intérêt didactique :
- développement de l'esprit d'observation; - participation active des élèves ;
- recherche de méthodes de travail et acquisition d'un esprit de synthèse.
Au terme decetteétude, les élèves sont amenés à proposer différentes méthodes de gestion qu'ils peuvent choisir, en connaissance de cause. Ds participent enfm sur le terrainàla gestion du milieu.
4. CONCLUSION
Le choix d'un milieu semi-naturel et la démarche utilisée permettent d'aborder toutes les notions tbéoriques fondamentalesàla bonne compréhension du fonctionnement d'un écosystème et illustrent remarquablement le dynamisme de celui-ci.
L'intérêt majeur de cette méthode réside dans le fait qu'elle met en exergue le rôle fondamental joué par l'homme dans la formation, le maintien et l'évolution de l'écosystème.
En faisant référence aux activités ancestrales, l'homme est directement impliqué et les problèmesdegestion impliquent directement les élèves.
