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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Une réforme inacceptable des IUFM : l'assassinat de la formation des professeurs de lycées !

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(1)

UNE RÉFORHE

tNAQQEPTAELE.

1)ES

tUFH :

L'ASSASSINAT

DE LA FORHATION 'DES

P~OfESSEURS

1)E

LYQEES

1

- COMMUNIQUE du

collectif-Le texte de ce contre-rapport sera adressé à M. J. Lang.

Ce document se présente comme une analyse volontairement non-exhaustive du rapport « Brihault-Comu ». Rien n'est dit par exemple à propos de sujets aussi importants que la formation des professeurs des écoles ou des pouvoirs accrus des directeurs d'IUFM. Nous nous attachons au problème des CAPES qui, depuis trois ans, a été le cœur de multiples « consultations » et dont, paradoxalement, le rapport« Brihault-Cornu >> ne dit pratiquement rien.

- 1- Nous entendons d'abord rappeler:

- Les éléments statistiques démontrant que les IUFM ont perdu en trois ans un quart des postes aux Capes tandis que les candidats libres maintenaient leurs positions ; cette déroute tient aux effets pervers de la pré-sélection mise en place les IUFM et à laquelle ils ne veulent pas renoncer.

- L'historique des projets de réforme : tables rondes « Oriano >>, rapport « Alluin-Comu >>, rapport « Brihault-Comu ». Les deux premiers projets étaient illégaux, le deuxième n'est pas conséquent avec ses propres postulats.

- 2 -Nous examinons le projet actuel, moins dans ce qui est dit explicitement que dans le rapport entre les formules très vagues du rapport « Brihault-Comu >>et la réalité des réformes déjà mises en place, en particulier dans le Capes de langues.

- Une vision unilatérale de la « professionnalisation » amène les auteurs à ne jamais prendre en compte le niveau réel de la formation scientifique des candidats.

- Or ce problème va se poser de façon aiguë dans le nouveau contexte de recrutements massifs.

-La réforme des Capes de langues, qui devrait être généralisée à l'ensemble des Capes, montre que le nouvel oral et les nouveaux coefficients ne permettent pas aux jurys d'évaluer les connaissances scientifiques des candidats et se prêtent à de multiples dérives.

- La nouvelle épreuve « disciplinaire», sur un dossier de documents relevant des programmes du secondaire, risque de sombrer dans l'insignifiance.

- Les candidats ne seront pas préparés à la nouvelle épreuve « pré-professionnelle». - ll sera matériellement impossible de mettre en Jllace des « stages pour tous ».

- La « Commission de suivi de la réforme » nous semble destinée à imposer progressivement des mesures inaccepta-bles et qui ont déjà été rejetées par l'immense majorité des universitaires (et des étudiants). Cette stratégie s'appuie entre autres sur une véritable « épuration » des jurys.

- Le découplage Capes/Agrégation mettra en péril ce dernier concours et rendra progressivement incompatibles formation des enseignants et formation à la recherche.

- 3 -Nous formulons W1 certain nombre de contre-propositions. -Un recrutement à Bac+4 (maîtrise).

-La réflexion sur une éventuelle modification des cursus (mise en place d'une licence à bac+4 avec une année d'o-rientation universitaire ; renforcement des DESS et des DEA).

- L'année de préparation aux épreuves théoriques sous la responsabilité de l'université et ouverte à tous les candi-dats sans exclusives ni pré-sélection.

-Des épreuves rationnelles.

- Une réforme des lUFM destinée à améliorer la formation pratique des certifiés stagiaires.

-De vraies épreuves de titularisation permettant d'évaluer avec des critères objectifs les aptitudes pédagogiques des futurs professeurs.

- Un engagement de l'Université dans la formation permanente des enseignants.

- - - Atlll 11'1'11

info N°86 Nov. Déc. 2000

-11

(2)

La dernière version (du 5 Janvier 2001, environ 30 pages) du rapport Brihault

et

Cornu vient d'être présentée au ministère.

Le contenu de cette nouvelle version est comparable aux précédentes : volonté de donner le monopole de la formation, du recrutement et de la validation de la titularisation aux IDFM.

TI

n'est plus question de compétence disciplinaire mais de « profil » ! La notion de cursus universitaire apparaît inutile !

!

Le comité de la validation de la« titularisation» oublie les universitaires!!! De plus, le ministère a annoncé un recrutement massif. Dans ce contexte, il est aisé d'imaginer toutes les dérives inacceptables, dignes des Républiques bana-nière·s!

Quant à nos disciplines de STI, elles sont quasiment ignorées de ces réformes. Les seules réponses obte-nues «Après ces réformes ce sera au tour des CAPET »

Ce contre-rapport ( lière partie publiée ci-dessous) piloté par P. CORDOBA, universitaire à Reims, et élaboré par un collectif d'universitaires Lettres

et

Sciences humaines, sera adressé à M. J. Lang.

TI

est une ré-ponse aux différentes propositions de réformes des IUFM et en conséquences par là même, de celles futures des CAPES

et

puis de celles des CAPET. Quant

à

l'AGREGATION elle apparaît comme indésirable!

Vous pouvez adresser vos remarques à pedrocor@club-intemetfr

- SYNTHESES (et CONTRE-PROPOSITIONS) au rapport« Brihault-Cornu

»

- 1 - Une réforme dans son contexte

1 La vérité des chiffres (1995-1998)

- Marché de la préparation

- Marché de la réussite

2

La

chronique des faits (1997-2000)

-Le

projet

«

Oriano

»

- Le projet

«

Alluin-Comu

- Le projet

«

Brihault-Comu

- ll - Rapport « Brihault-Cornu » : les idées direc-trices

1 Un

«

haut niveau scientifique

» :

illusions et

menson-ges

2 Premier déni

du

réel : le niveau moyen des licenciés

3 Deuxième déni du réel : l'inversion de tendance

4 Troisième déni du réel : des stages pour tous ?

5

«

Déceler les aptitudes »

- ID - « Professionnalisation » de l'oral : les leçons de l'expérience

1 Un exemple

à

ne pas suivre : le

«

nouveau

»

Capes de

langues

- Première épreuve dite « scientifique

»

- Deuxième épreuve dite

«

pré-professionnelle

»

2

«

Professionnalisation

» :

les instruments d'une

chi-rurgie douce

- Le jeu sur les coefficients

- Les inconvénients

de

la parité

- La valse des étiquettes

- Le

«

verbalement correct

»

- L'épuration des jurys

- N -Bilan et perspectives

1 Vers la rupture totale

?

2 Une autre politique est possible

- Recruter à Bac+4

- L'année de préparation sous la responsabilité de

l'uni-versité

- Des épreuves rationnelles

- Une vraie formation pratique

(3)

--Synthèse (et contre-propositions) du

collectif--1- UNE RÉFORME DUS SON CONTEXTE

Avant d'examiner en détailla réforme du Capes proposée par le rapport« Brihault-Comu »,il convient de la· situer dans son contexte. Remis au ministère le 5 janvier, ce document constitue la dernière étape (pour l'instant) d'un processus engagé en novembre 1997 à l'initiative de la Conférence des Directeurs d'IUFM.

n

nous semble que la raison première de ce pro-jet de réforme, telle qu'elle était alors envisagée, tient à deux faits. D'abord aux options idéologiques qui sont à l'origine même de la création des IUFM et qu'on peut résumer ainsi : aligner la formation des professeurs du secondaire sur celle des instituteurs, rebaptisés pour l'occasion« professeurs des écoles». Ensuite, aux diffi-cultés évidentes rencontrées par les IUFM dans une mission que l'état leur avait fort imprudemment confiée et qu'ils étaient - qu'ils seront toujours - inca-pables d'assumer : prendre en charge la

for-mation des candidats aux épreuves théori-ques du Capes. Ces difficultés ont été ag-gravées par une diminution très forte du nombre de postes mis au concours et par une augmentation, elle aussi très forte, du nombre de candidats.

Bien que les chiffres dont nous faisons ici état soient du domaine public, il ne semble pas que les ex-perts du Comité national d'évaluation ayant rédigé

dif-férents rapports sur les IUFM, aient jamais eu l'idée de les rassembler, de façon à mesurer l'efficacité des IUFM dans la préparation au Capes.

n

est probable que les directeurs d'IUFM, eux, aient assez vite pris cons-cience d'une évolution qui risquait d'être fatale à leurs ambitions. Mais, pour augmenter leur taux. de réussite, ils prirent une décision qui pouvait sembler logique mais ne l'était pas du tout : renforcer la sélection des étudiants admis à préparer le concours dans les IUFM. Exemple même de la

«

fausse bonne idée » dont les conséquences vont à 1' encontre du but poursuivi, cette politique de

«

régulation des flux

»

a eu pour résultat de réduire encore la part des candidats-IUFM dans la réus-site au concours.

n

n'était pourtant pas difficile de comprendre que si l'on divisait l'ensemble des candi-dats en deux blocs dont 1 'un se réduisait en chiffres ab-solus tandis .que l'autre augmentait dans des propor-tions considérables, les résultats reflèteraient d'une fa-çon ou d'une autre ce déséquilibre croissant. Nous n'entrerons

pas

ici dans une analyse détaillée des méca-nismes en jeu, que nous développons dans un autre texte. Mais on peut dire, pour simplifier, qu'à chaque fois que les IUFM ont augmenté d'un point leur taux de sélection, ils ont perdu un demi-point

dans

leur taux

d'admission.

Dans la situation

quasi

désespérée qui était alors la leur, les IUFM ont pensé qu'il était temps de réfor-mer le Capes, faisant ainsi d'une pierre deux coups : ré-aliser leur

«

projet caché » de transformation du corps enseignant et dissimuler leur échec avant qu'il ne soit devenu visible aux yeux de tous.

n

fallait pour cela deux choses : enlever à l'université toute participation à

la formation des maîtres et empêcher les candidats li-bres de se présenter au concours. Tel est le sens du pro-jet « Oriano », puis, dans une moindre mesure - car la réaction fut vive- du projet« Alluin-Cornu

».

Seuls les départements de langues vivantes furent vraiment au courant du projet « Oriano ». Le projet

«

Alluin-Cornu

»

concernait explicitement l'ensemble des Capes. Leurs auteurs commirent l'erreur de le mettre en ligne sur le site du ministère. Ce fut un tollé. Fortement édul-coré par rapport aux précédents, le projet

«

Brihault-Cornu» n'en reste pas moins inacceptable. Dans un

cer-tain sens, il est même pire car, obligés de faire des concessions, leurs auteurs ont fini par pro-poser des solutions hybrides, en grande partie irrationnelles, et qui déboucheront inéluctablement, si on s'avisait de les met-tre en œuvre, sur des situations ingérables. C'est ce que nous prétendons ici démon-trer tout en soumettant aux responsables du ministère, et au premier chef à Mon-sieur le Ministre lui-même, quelques réflexions sur ce que pourrait être une réforme positive des concours de recrutement. Mais il faut d'abord considérer les chiffres et les faits.

1 La vérité des chiffres (1995-1998)

Les considérations qui suivent sont extraites d'une étude beaucoup plus complète et détaillée que nous tenons

à

la disposition du ministère et de toute personne intéressée et que nous pensons par ailleurs pu-blier dès que possible.

n

suffira ici de considérer deux types de données (nous n'avons pas pu nous procurer pour

l'instant

les chiffres de 1999 et de 2000): la sévéri~

té accrue de la pré-sélection mise en place par les IUFM, le résultat de cette politique en termes de réus-site au concours.

• Marché de la préparation

A l'heure actuelle, plus de la moitié des candi-dats au Capes ne préparent pas le concours dans un IUFM. Ce sont des candidats "libres", dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières ·années. Ils sont passés de 20 015 en 1995 à 29 712 en 1998 alo~s que, pendant la même période, le· nombre .des candi-dats-IUFM baissait de 26 524 à 25 443. Et il n'est

pas

- - - Atii!J 11'1'11

info - N

6

86 Nov. Déc. 2000

(4)

-possible d'imaginer que des masses de plus en plus

im-portantes de candidats aient volontairement choisi de se

priver eux-mêmes de

la

préparation.

LES CANDIDATS (présents

à

la première épreuve)

1995 1996 1997 1998

Évolution

1995-1998

Total

46539 52234 55498 55155 + 18,51% ruFM 26524 28265 26284 25443 - 04,07%

Libres

20015 23969 29214 29712 +46,95%

La première question qu'on peut donc se poser

est politique. Les IUFM ont été créés pour assurer la

"formation des maîtres": s'acquittent-ils de la mission

qui

leur a été confiée par l'État? La deuxième relève de

la

mor~e

: quel sens de

la

justice ont donc les

Direc-teurs d'IUFM pour réduire le nombre de places quand

celui des candidats augmente ?

Cette politique malthusienne - et

sans doute illégale, puisque les IUFM

pri-vent la majorité des licenciés de la

prépara-tion à un concours. auquel ils ont par

ail-leurs le droit de se présenter - est délibérée.

Face à la pénurie de postes et à

l'augmenta-tion du nombre de candidats, les IUFM ont décidé de

pratiquer ce qu'ils appellent la "régulation des flux".

Apôtres de la non-sélection et du "droit

à

la réussite

pour tous", les IUFM se gardent bien de s'appliquer à

eux-mêmes leurs beaux principes. ns ont donc

imagi-né -A TORT- qu'ils auraient de meilleurs résultats s'ils

"pré-sélectionnaient" leurs candidats. A tort, parce que

pour des ·raisons que nous analysons minutieusement

dans notre étude, cette décision a entraîné des effets

pervers en cascade. D'où la dernière question, qui porte

sur l'intelligence des situations et des choix·: que penser

de « décideurs

»

qui

adoptent la stratégie de l'arroseur

arrosé et qui, loin de renoncer à cette politique

désas-treuse, veu1ent au contraire l'accentuer? Qu'on en juge

aux résu1tats.

o Marché de la réussite

LES ADMIS

1995 1996 1997 1998

Évolution

1995-1998

Total

8677 7822 7147 7144 -17,67% ruFM 5923 5222 4683 4480 -24,36%

L.ibres

2657 2600 /: 2464 26()4 '+0,26% .. : ~~' · ... .. ·é .,, ; :.·3f. " .:· ~-:.._. f ..

Les IUFM avaient 5923 admis en 1995, ils n'en

ont plus que 4480 trois ans plus tard; les candidats

li-bres eux ont maintenu leurs positions : 2657 admis en

1995, 2664 admis en 1998. Le nombre de postes mis au

concours a beaucoup baissé (- 36, 80%) mais ce sont

les IUFM

qui

ont intégralement payé la facture : les

candidats libres ont maintenu leurs positions, ils ont

même gagné

7

postes. Le chiffre est faible, dira-t-on.

Mais c'est qu'il faut le comparer

à

la magnifique

réus-site des IUFM: 1443 postes

de

moins. C'est sans doute

ce

que

le

rapport

"Alluin-Comu"

appelait

"RECRUTER PLUS, FORMER MIEUX" ...

On peut démontrer que les résultats paradoxaux

de la "régu1ation des flux" (moins d'admis alors qu'on

augmente la pression sélective) tiennent à deux

fac-teurs:

- les critères de sélection des IUFM ne correspondent

pas aux critères de sélection

du

Capes;

- il est impossible qu'il en soit autrement :

même si les IUFM modifiaient leurs

critè-res de sélection, ils ne pourraient pas

"présélectionner les meilleurs".

Les IUFM donc n'ont pas le choix :

ou bien ils subissent une marginalisation

croissante jusqu'à être évacués de la

pré-p~ation

au Capes, ou bien ils MODIFIENT LES

CRI-TERES DE SELECTION DU CAPES. Tel est le sens

du "nouveau dispositif' : fabriquer un mini-Capes,

réservé au mépris des règles de la fonction publique

-aux candidats des IUFM et

qui

leur permettrait de

ga.:.

gner sur tous les tableaux.

Ou,

plus exactement, tel était

le sens

du

premier projet que les circonstances, et en

. particu1ier la démission forcée du ministre précédent,

ont peu

à

peu ainené

à

modifier.

Avant de rappeler brièvement le contenu des

différents projets de réforme

du

concours, nous tenons

à apporter les précisions suivantes : un premier et très

bref résumé de l'étude sur les chiffres

du

Capes avait

été publiée sur le site de la Société dé Mathématique de

France. TI a provoqué un petit séisme dans les IUFM.

Des données présentées de façon aussi sommaire se

prêtent évidemment

à

controverse. A chaque fois que

des demandes nous ont été adressées par des

ensei-gnants ou des responsables des IUFM, nous leur avons

transmis la totalité de l'étude. Monsieur Cornu,

mathé-maticien de profession,

qui

fut l'un des premiers

à

nous

la demander, n'estima pas nécessaire de nous faire

connaître ses objections éventuelles. Mais nous avons

eu d'autres contacts. Plusieurs sCientifiques des IUFM,

dont un statisticien, ont manifesté dans leur premier

courrier leur désaccord avec notre analyse des chiffres :

- - - .Atlp N'I'Jt.info-

N°86 Nov. Déc. .2000

(5)

-nous n'aurions pas tenu compte de tel ou tel facteur. Mais quand nous leur avons transmis l'étude complète, ils n'ont pas pu proposer d'hypothèses alternatives. Nous en sommes là pour l'instant : la seule explication possible à la défaite des IUFM en termes de taux d'ad-mission au concours est la mise en place de la «régulation des flux». ils sont donc les seuls responsa-bles de leur pertes à la fois dans le marché de la prépa-ration et dans celui de la réussite.

2 La chronique des faits (1997-2000)

Au cours de ces dernières années, trois grands projets de réforme ont été élaborés :

- Le projet « Oriano » dont la première version (novembre 1997), qu'on chercha à imposer en langues vivantes, fut rejetée par la Conférence des Présidents d'Université.

n

faisait des langues de simples outils de commu{lication et les dépouillait de toute dimension culturelle : la littérature et la civilisation, ennemies des langues, tel était - tel est encore pour beaucoup - le mot d'ordre.

- Le projet « Alluin-Cornu », dont la première version fut mise sur le site du ministère le 7 février 2000. Il prévoyait, en-tre auen-tres, de semestrialiser le Capes et d'accentuer la pré-séléction des IUFM. Il déclencha un tollé dans les universités. On a prétendu que ce mouvement était minori-taire. TI y avait, il y a encore, un moyen fort simple de s'en assurer : le nombre des

en-seignants de l'université étant selon toute vraisemblance très inférieur à celui des lycéens, on pourrait organiser assez facilement à ce propos une consultation beaucoup moins coûteuse que la« consultation Meirieu ».

- Le projet « Brihault-Cornu » (juillet 2000-janvier 2001) dont la dernière version fait l'objet du rapport remis à M. Jack Lang. Contrairement au précé-dent, il n'a pas bénéficié d'une grande publicité sous prétexte qu'« un rapport n'engage pas le ministre

».

Comme cela est connu de tout un chacun, nous y voyons plutôt une tentative de désinformation : de fait, l'idée la plus répandue en ce moment dans les universi-tés est que la réforme des Capes a été totalement aban-donnée.

TI importe d'examiner rapidement ces trois pro-jets successifs. Car même s'ils ont été progressivement

édulcorés au fils des ans (et des échecs), ces différents projets n'en obéissent pas moins à une même philoso• phie de la

«

professionnalisation

»

et c'est, bien

sûr,

le premier qui dévoile avec le plus de clarté les véritables objectifs des IUFM.

e

Le

projet « Oriano »

n

consistait à supprimer le Capes tel qu'il existe en le coupant en deux :

- Passé en octobre après la licence, l'écrit du Ca-pes cessait d'être un concours national et devenait un « concours » d'entrée à l'IUFM. La seule maquette qui fut révélée (communiquée aux présidents de jury) concernait les langues vivantes : elle ne laissait aucune place aux savoirs universitaires :

- L'oral était alors préparé à l'IUFM pendant une année entière.

n

était entièrement« professionnalisé ». - On précisait en outre (nous citons) :

«

les nouveaux certifiés enseigneront en collège et seconde (éventuellement en première), les agrégés en terminale et classes post-bac.

»

La chose ne fut pas suffisamment soulignée à l'époque mais il est clair qu'un tel projet était manifeste-ment illégal : contrairemanifeste-ment aux règles de la fonction publique, la

«

deuxième partie

»

du concours était ré-servée aux candidats issus des IUFM où ils devaient préparer un

«

dossier pédagogique

»

à présenter lors des épreuves orales. Quant à la distinction entre les fonctions respectives des certi-fiés et agrégés, elles impliquait une re-. fonte totale de l'enseignement secondaire,

soutenue entre autres par M. Dacunha-Castelle : il s'agissait à terme de recruter en collège des

«

certifiés

»

polyyalents sur le modèle des anciens PEGC dont l'ex-SNI n'a jamais accepté la disparition tout en se dirigeant peu à peu vers un

«

lycée unique

».

Aligner le collège sur le pri-maire et le lycée sur le collège, tel est en son essence l'objectif non-avoué des

«

réformateurs

».

Ce projet fut discrètement mis au placard au cours de l'été 1998. Mais il resta quelque chose de ces « tables rondes

»

où seuls les partisans de la réforme furent conviés : un arrêté publié en mai 1999 modifiant les Capes de langues. Appliqué à l'anglais lors de la session 2000, il aurait dû s'appliquer à l'ensemble des langues vivantes en 2001. TI ne l'a pas été. Mais une note de M. Duwoye ( BO du 2 novembre 2000) précise qu'ille sera en 2002 alors même que nul ne sait encore (en principe) ce que sera le Capes 2002 ...

• Le projet

«

Alluin-Cornu »

La réforme des Capes de langues n'était pas en-core entrée en vigueur, même pour l'anglais, que déjà un nouveau projet de réforme voyait le jour.

Le projet « Alluin-Comu

»

consistait à décaler d'un cran le projet« Oriano ».Le« concours d'entrée à l'IUFM

»

n'aurait plus lieu au mois d'octobre mais fin

janvier-début février. On conservait donc l'idée d'un Capes « coupé en deux », tout en adaptant plus ou

- - - Atlp 81'11'6

info N°86 Nov. Déc. 2000

(6)

moins le calendrier à celui de la semestrialisation des cursus universitaires.

Tout aussi illégal que le précédent, ce projet ré-servait l'oral du concours aux candidats issus des IUFM. Il présentait en outre plusieurs inconvénients :

- Si l'écrit restait national et ouvert à tous les licenciés, il était impossible de le corriger dans des délais raisonnables.

On mppelle que l'écrit a aujourd'hui lieu à

la mi-mars et que les résultats ne sont connus que fin juin. Même en procédant

à

l'anonymation des copies au niveau des rectorats, il aumit donc fallu

«

alléger

»

très fortement les progmmmes et supprimer toutes les épreuves qui - à l'instar de la dissertation - sont parti-culièrement consommatrices de temps pour les correc-teurs.

'

- On peut croire que, dans ces conditions, les universitaires auraient refusé d'assurer plus longtemps la préparation à un « concours » gui n'aurait plus eu au-cun contenu universitaire. C'était peut-être le but re-cherché. Mais il était contradictoire avec un autre ob-jectif: permettre aux étudiants des IUFM collés à l'écrit de poursuivre un deuxième semestre à l'université. ll était en effet prévu que, chargée

«

d'accompagner

l'échec

»

(citation littémle), l'université «valide

»

cette

«

préparation » comme premier semestre de maîtrise.

- On n'insistera pas sur la dévalorisation des C2 de maîtrise, censés constituer une initiation à la recher-che, qu'aurait entraînée un tel dispositif : il aurait suffit d'être collé au concours d'entrée à l'IUFM pour passer en « deuxième semestre » de maîtrise

!

On n'insistem pas non plus sur la contradiction qu'il y a à insister sur le fait que le Capes n'est pas un

«

diplôme universi-taire » mais une « opémtion d'embauche

»

et à vouloir en même temps que l'université valide par une partie de diplôme non pas même la réussite, mais l'échec aux épreuves d'admissibilité. On s'en tiendra à une question de justice élémentaire qui ne semble même pas avoir effleuré les signataires de ce projet. Tout occupés par le destin de leurs candidats, les IUFM en ont fini par « oublier

»

qu'il y a aussi des candidats libres aux concours de recrutement et qu'ils aumient même été beaucoup plus nombreux qu'aujourd'hui si le taux de sélection.proposé avait été retenu (à peu près 80% des candidats inscrits au Capes auraient été privés par les IUFM d'une préparation assurée par l'université !). Même mieux placés à l'écrit, même admissibles, ces candidats libres n'auraient rien eu.du tout tandis que le dernier des collés aurait obtenu une moitié de maî-trise . . . à condition d'avoir été pré-sélectionné dans un IUFM. Telle qu'elle est envisagée dans les IUFM, la volonté de «traiter l'échec

»,

on le voit, est aussi fort sélective et semble avoir des raisons que la raison et la

morale ignorent On se demande comment :M:M. Alluin et Cornu ont pu cautionner par leur signature une tel déni de justice. Une seule explication est concevable : ils n'ont pas réfléchi aux conséquences de leur proposi-tion. Et c'est bien ce qu'on leur reproche, promouvoir une réforme sans tenir compte de ses implications.

- Les promoteurs de ce projet ne semblent pas, en outre, avoir examiné le fait suivant : on n'aumit pas

pu

obliger les candidats libres admissibles à entrer dans un IUFM pour y suivre pendant un semes-tre cours et stages non rémunérés alors qu'il y en a beaucoup qui, à cause de leur travail, leur domicile ou leurs charges de famille, n'auraient

pu

se permettre une telle « parenthèse

»

dans leur vie. L'admissibilité à un concours donne le droit de se présenter aux épreuves orales,

pas

celui de s'ins-crire dans tel ou tel établissement pour y préparer l'oral. Excluant de fait les candidats libres, ce dispositif aurait été immédiatement annulé par le Conseil d'état. • Le projet « Brihault-Comu

»

C'est ·te dernier en date. Le projet précédent ayant été fort mal accueilli, on avait pu croire qu'il avait disparu dans la débâcle qui emporta le dernier minis-tère. ll n'en a rien été. ll faut cependant reconnaître qu'il a fait l'objet de nombreuses consultations, mais là aussi fort sélectives, sans que l'ensemble des universitaires aient même été informés de leur existence. M Cornu ayant appris la mise en place de notre Coordination, il a pris l'initiative de nous proposer une entrevue alors que nous n'avons aucune existence institutionnelle et que nos textes n'étaient pas particulièrement tendres à son égard Qu'il en soit ici remercié. Le problème est que ces différentes

«

consultations

»

n'en étaient pas. Elles se sont toutes déroulées· sur le même schéma : après une présentation du projet et de ses avantages suppo-sés - qui n'a convaincu que ceux qui l'étaient déjà. la CDIUFM. la FEN, le SGEN-CFDT-, on a poliment écouté les objections des uns et des autres et on n'en a tenu aucun compte.

La seule innovation importante par mpport au projet précédent concerne le calendrier : la « semestrialisation

»

du Capes a disparu. Du coup, l'écrit du Capes reste ce gu'il est. il ne devient pas un

«

concours d'entrée

»

à l'IUFM. L'oral du Capes étant ouvert à tous les admissibles sans gu'ils soient obligés de passer un an (projet

«

Oriano ») ou un semestre (projet « Alluin-Cornu ») dans un· IUFM. le problème légal disparaît. Mais plus ce projet devient conforme aux règles de la fonction publigye et plus il devient in-cohérent. Car sa philosophie, elle, n'a pas changé :. il s'agit toujours de « professionnaliser

»

les épreuves

- - - :Adp 11'1'11

info N°86 Nov. Déc. 2000 :

(7)

-théoriques du Capes. Et puisqu'on ne touche plus à

l'écrit c'est sur l'oral que portera la réfonne.

Le

Capes

reste donc

«

coupé en deux

» :

écrit

et oral ne

corres-pondent pas au même concours.

TI y

a un concours

por-tant sur les connaissances disciplinaires

gui

ne sert qu'à

faire le

tri

entre candidats et un concours

«

professionnalisé

»

qui

correspond à d'autres objectifs,

sans

que les candidats soient en mesure d'affronter les

nouvelles épreuves. Le projet

«

Oriano » était à cet

égard le plus rationnel de tous : un an de préparation

spécifique assurée

dans

les IUFM.

Le

projet«

Alluin-Comu » était encore acceptable : un semestre de

prépa-ration aux nouvelles épreuves avec un stage

obligatoire de trois ou quatre semaines. Le

projet « Brihault-Comu

»,

lui, n'est pas

opératoire. Car

il

ne se donne pas les

moyens de ses objectifs. Même les

candi-dats-IUFM ne pourront pas bénéficier d'une

préparation un tant soit peu sérieuse au

nouvel oral« professionnalisé ». Quant aux

candidats libres, ils seront scandaleusement

discriminés.

Ce projet ne tient pas compte des réalités

exis-tantes : nature et nombre des candidats, conditions de la

préparation.

TI

apporte de mauvaises solutions à de faux

problèmes et ne résout pas les vrais.

ll

entraînera des

conséquences auxquelles ses promoteurs n'ont pas pris

la peine de réfléchir et qui créeront des situations

ingé-rables. De plus, il n'est pas viable et on s'apercevra bien

vite que les candidats rencontreront des obstacles

insur-montables lors du« nouvel oral». C'est à un examen

détaillé de ces différentes implications que seront

consacrées les pages suivantes.

Les idées directrices

«

Professionnaliser

»

la formation des

profes-seurs, tel est le maître-mot des différents projets de

ré-forme. On ne sait pas ce qu'il faut entendre

par

puis-que le mot n'est jamais défini. On peut, semble-il,

partir

de l'idée suivante, qui devrait susciter le consensus : la

profession d'enseignant se caractérise

par

la maîtrise

d'un certain nombre de savoirs spécifiques et par l'art

de

les

transmettre.

Dans

ces

conditions,

«

professionnaliser

»

(davantage) leur formation

sup-pose donc qu'on améliore soit leur fonnation

scientifi-que, soit leur formation pratiscientifi-que, soit les deux. Comme

il

n'est jamais qyestion de la première, on suppose gue

les

auteurs

l'estiment

suffisante.

La

«

professionnalisation

»

ne concernerait donc que

l'as-pect pratiqye du métier. Nous verrons rapidement plus

loin ce qu'on peut en penser. Mais nous aborderons

d'abord- et assez longuement -

le premier point, trop

vite évacué de la réflexion.

1. Un

«

haut niveau scientifique

» :

illusions et

men-songes

Les auteurs du projet se contentent d'invoquer,

de façon un peu incantatoire, le« haut niveau

scientifi-que du concours». On nous permettra dèux remarscientifi-ques

préalables :

-Contrairement à l'image que veulent en donner

les IUFM, le Capes n'a jamais été conçu comme un

concours de « haut niveau

» :

il fut introduit en

1950

pour faire face au « baby-boom

»

de

l'après-guerre en recrutant de façon

mas-sive de nouveaux professeurs, beaucoup

moins qualifiés que les agrégés. La

démo-cratisation de l'accès au secondaire

(jusqu'au début des années

70)

puis sa

massification (à partir de l'instauration

du

« collège unique

»)

ont rendu nécessaire

le maintien de ce concours au niveau

rela-tivement médiocre par la nature et le

nombre des épreuves ainsi que

par les

qualités requises des candidats. Les certifiés le savent

bien, qui prolongent souvent leurs études (maîtrise,

DEA, agrégation) ou qui, s'ils ne peuvent ou veulent les

poursuivre dans un cadre institutionnel, n'en continuent

pas moins de se cultiver et se former par eux-mêmes : il

n'est pas digne

du

nom de professeur, celui

gyi

se

contente de sa fonnation initiale.

- Nul ne pouvant enseigner ce

qu'il

ignore, il est

normal de veiller à ce que les certifiés aient le niveau

minimum requis pour enseigner dans le secondaire bien

que le concours soit d'une difficulté très relative.

Or

loin de maintenir ces exigences, les différents projets

de réfonne ont en commun de vouloir en abaisser le

seuil : le projet

«

Oriano

»

supprimait toutes les

épreu-ves de caractère scientifique ; le projet

«

Alluin-Cor-nu » en réduisait fortement la place (semestrialisation

du concours et déséquilibre des coefficients en faveur

des épreuves « professionnalisées » de l'oral) ; le projet

Brihault-Comu maintient le caractère scientifique de

l'écrit mais le supprime de fait

à

l'oral.

Or il

faut souligner que les deux premiers

pro-jets n'ont été abandonnés que sous la pression exercée

par les universitaires depuis trois ans. S'ils n'avaient pas

rencontré une opposition aussi farouche, leurs auteurs

seraient allés de l'avant. C'est donc

à

l'aune

du

premier

projet, défendu becs et ongles pendant des mois par la

CDIUFM, qu'il faut juger des véritables objectifs de

cette réfonne. Le recul tactique que représente le projet

Brihault-Comu n'est que cela : une manœuvre de

diver-sion en attendant de pouvoir obtenir par petits bouts ce

qu'ort n'aura pu imposer d'un coup. Et même dans cette

version édulcorée du projet, la place des connaissances

- - - A.tlp 11'11'11

info N°86 Nov. Déc. 2000

(8)

scientifiques est réduite puisque la «

professionnali-sation » de l'oral est maintenue.

On

nous permettra

donc de ne voir dans l'expression « haut niveau

scienti-fique» qu'un effet de méconnaissance doublé d'une

dis-simulation volontaire des objectifs

à

plus long terme.

2. Premier déni du réel : le niveau moyen des licenciés

Tout se passe donc comme si les promoteurs de cette

réforme pensaient qu'un « honnête niveau de licence » suffit pour enseigner dans le secondaire. le reste étant affaire de (( p~ofessionn~lisation ». Or ce niveau ne suffit pas.

n

n'aja-llaiS suffi et il suffit de moins en moins puisque l'université

est progressivement privée des moyens lui permettant de maintenir le niveau des DEUG et des licences.

n

y a plusieurs causes à cette dévalorisation des di-plômes. La première tient au niveau du baccalauréat encore qualifié- on se demande pourquoi de «.premier grade uni-versitaire ». Cette fiction a une conséquence bien connue : l'impossïbilité de mettre en place une sélection à l'entrée de l'université et, par suite, la présence en premier cycle d'un nom?re très important d'étudiants qui n'ont pas les aptitudes reqmses pour ce genre de cursus. Le niveau moyen des ba-cheliers, d~à très bas il y a une quinzaine d'années est en chute libre depuis la mise en place de la loi-Jospin

d~

1989 : culture générale inexistante, nombre infime de livres lus défi-ciences extrêmement graves en orthographe et en

gr~aire

(telles qu'elles· les auraient empêchés autrefois de réussir l'examen d'entrée en sixième), incapacité à peu près totale de

s'ex~ri~e; à l'écrit dans un français correct sinon élégant,

im-possibilite de comprendre le sens littéral d'un texte pour peu gue la svntaxe ou le vocabulaire ne se moulent pas sur ceux de la co~versation courante, etc. Cette situation est aggravée par le fru.t que certaines filières de l'enseignement supérieur (et pas seulement les CPGE) sont, elles, sélectives. C'est ainsi qu'un bachelier refusé en IUT ou en BTS n'a d'autre solution que de s'inscrire en DEUG. En ce moment, 14% des titulaires d'un baccalauréat professionnel s'inscrivent à

l'université. Et parmi eux, ceux pour qui l'uni-versité constitue effectivement une « · seconde chance

»

(ce dont il y aurait tout lieu de se ré-jouir) est infime sinon nul : car il s'agit des dé-·

~outés ~es IUT, des BTS ou, pis encore, de

1 entreprxse parce que, faute d'aptitudes, ils ont « choisi » au lycée des filières sans avenir ni débouchés.

Une telle situation est évidemment dé~

sastreuse. Dans ce contexte, il devrait y avoir

un taux exceptionnel d'échec en premier cycle, beaucoup plus fort encore qu'il n'est en réalité. Mais plusieurs mesures ont été prises pour dissimuler cet échec suivant les recettes déjà

éprouvé~s dans le primaire et le secondaire : multiplication

des opti?ns. « rentables ». « compensation

»

obligatoire.

«

caw~lisation

»

des notes au-dessus de la moyenne gui se

généraltse sous la pression des associations étudiantes. Mise en place de façon autoritaire et sans les moyens budgétaires

a~équats.' la

«

semestrialisation » casse souvent la progression

pedagogique : un tel découpage de l'année universitaire ne pourrait fonctionner qu'avec un système rigoureux de

pré-requis et à condition de pouvoir financer la reprise à chaque nouveau semestre de tous les modules fondamentaux et aussi la création de modules de mise à niveau ou de renforcement

Le « tutorat », qui aurait pu dans une certaine mesure pallier ces graves déficiences, ne résout pas les problèmes : on cons-tate que les étudiants qui en auraient le plus besoin sont juste-ment ceux qui se montrent le moins soucieux d'en profiter. Quant au « module-découverte >>, c'est un fiasco absolu (moins de 1% de réorientations), il grève inutilement le bud-get des petits départements, donnant lieu à de fort désagréa-bles litiges à propos des « prestations de service », et réduit encore la part des modules de spécialité dans le cursus des étudiants. Et, pour couronner le tout, l'application des normes SANREMO, particulièrement mal adaptées aux études litté-raires, forcent de nombreux départements à transformer en « cours magistraux » des ID de première année fort coûteux

en ~eures supplémentaires, ce qui n'est certainement pas le

meilleur moyen de venir en aide à des étudiants en difficulté.

On nous oblige donc à augmenter le nombre des reçus en « compensant » les notes et on ne se soucie guère de savoir si les diplômes correspondent ou pas à des compétences réelles. Cet ensemble de raisons, ici rapidement résumées, font gue le niveau actuel d'une licence ne qualifie personne pour être

en-~ : il n'est pas seulement très inférieur à celui d'autre-fois ~ais même, et de fort loin, à celui des anciennes

propé-~eutiques. Les auteurs du rapport sur la réforme du Capes ne tiennent aucun compte de cette réalité, évidente pour n'im-porte quel enseignant de l'université.

La conclusion s'impose : en attendant que les univer-sités retrouvent la maîtrise de leur destin et qu'elles aient les moyens de dispenser les enseignements de qualité dont les ré-formes ci-dessus évoquées les ont graduellement privées, le CAPES doit rester le lieu d'un approfondissement des connaissances, et le concours continuer à écarter les candidats incapables de remplir une mission de transmission des sa-voirs. Rien ne sert de répéter sur tous les tons que le Capes est un concours de recrutement de fonctionnaires et pas un di-plôme universitaire. Nous le savons parfaitement puisqu'il en

a toujours été ainsi. Mais on ne voit pas pour-quoi le niveau scientifique de ce concours de recrutement devrait être aujourd'hui revu à la baisse. Bien au contraire, il est encore plus in-dispensable qu'autrefois d'en maintenir les exi-gences. Car dans les conditions actuelles, l'an-née de préparation constitue pour la très grande majorité des étudiants la seule opportunité qu'ils aient jru.nais eu de faire un bilan de leurs connaissances, de comprendre la cohérence ·de leurs études morcelées en modules et options, de combler des lacunes considérables ou, du moins, de s'apercevoir de leur existence. Même ceux qui échouent estiment, à juste titre, avoir beaucoup appris. Cette année de formation universitaire a donc œe triple utilité : elle permet de recruter des professeurs compétents dans leur disci-pline, elle permet aussi à ceux qui réussissent d'avoir les ba-ses pour aller plus loin (agrégation, thèse) et à ceux qui re-noncent après plusieurs échecs de se réorienter plus facile-ment en mettant à profit les savoirs et les savoir-faire acquis à cette occasion. A trop insister sur la définition juridique de l'année de préparation, on finit par oublier des« effets colla-témux »qui sont loin d'être négligeables et dans tous les cas positifs.

(9)

-3. Deuxième déni du réel : l'inversion de tendance

Les premières tentatives pour « rénover » le Capes ont eu lieu en 1997 dans un contexte d'augmentation fou-droyante du nombre de candidats et d'une baisse constante du nombre de postes offerts au concours. La philosophie du pro-jet n'a pas varié depuis lors. N'ayant cure des options idéolo-giques des uns et des autres, la réalité, elle, a changé du tout au tout. On se félicitera du fait que, pour une

fois, le ministère ait jugé bon d'anticiper les

be-soins énormes en personnel dans un avenir im-médiat. Le nombre de départs à la retraite étant connu depuis toujours, on regrette au contraire le malthusianisme obstiné des précédents minis-tères. Quoi qu'il en soit, le fait est qu'en une di-zaine d'années, le corps des enseignants va être renouvelé de moitié. Cela signifie une très forte augmentation du nombre de postes alors même que celui des candidats a amorcé sa décrue de-puis 199-8 : situation, on le voit, exactement in-verse de celle qui a prévalu entre 1995 et 2000.

Les auteurs du projet ne tiennent aucun compte de cette inver-sion de tendance en ce qui concerne le niveau scientifique des nouveaux professeurs. Est-ce le moment de baisser la garde sur ce point ?

TI est difficile de se prononcer sur l'évolution du nom-bre de candidats. Trop de paramètres, souvent contradictoires, interviennent à ce propos. A s'en tenir aux données démogra-phiques brutes, aux taux de réussite au baccalauréat - qui ont atteint leur limite - et à l'embellie économique qui incitera les uns (les moins bons) à ne plus « traîner inutilement en fac » et les autres (les meilleurs) à se diriger vers des carrières plus lucratives que l'enseignement, il faut s'attendre à ce que la baisse des candidatures s'accentue dans les années à venir. Mais dans un contexte économique aussi sensible aux flux fi-nanciers plus ou moins erratiques, on ne peut parier sur une période de croissance prolongée à la façon des « trente glo-rieuses ». Cette hypothèse est, bien sûr, à écarter. L'augmen-tation du nombre de postes créera en revanche un « appel d'air», surtout si elle est accompagnée de mesures incitatives (bourses, allocations), et l'offre devrait susciter la demande.

Quelle que soit l'évolution future du nombre de candi-dats, une chose néanmoins est sûre : celui des postes va aug-menter très fortement et de fa-yon durable (jusque vers 2015). TI faudra bien les couvrir d'une façon ou d'une autre. La baisse du niveau des candidats a jusqu'ici été masquée par les taux d'échec considérables : plus de 85%. S'il faut en recruter plu-sieurs milliers de plus par an, la face des choses en sera chan-gée. Ou bien les jurys devront revenir à l'ancienne politique de ne pas couvrir tous les postes, ou bien ils recruteront des professeurs incapables d'enseigner leur discipline parce qu'ils ne la connaîtront pas èux-mêmes. Cette alternative est d'ail-leurs faussée par le fait que dans la première hypothèse (fort improbable du fait des instructions que reçoivent d~à les pré-sidents), un grand nombre de déboutés du Capes seraient quand même recrutés à titre précaire. puis titularisés à travers les Capes interne, réservé et autres. C'est l'avenir même de notre système éducatif gui est ici en jeu, la qualité de

l'ensei-gnement que recevront des générations entières de collégiens et de lycéens pendant plus d'un demi-siècle. La question la plus importante, la seule question vraiment importante dans la

conjoncture actuelle est donc la suivante: comment faire pour ne pas recruter de façon massive des professeurs ignorants, comment augmenter le niveau des candidats au Capes et donc des licenciés ? Les discours inconsistants sur la

« professionnalisation » évacuent ce problème. Les auteurs du rapport ne le posent JAMAIS. C'est pourtant le seul pro-blème réel que le ministère

doive résoudre s'il veut

s'occu-per dans les faits et non pas en paroles de

la formation des

futurs

enseignants. Nous

ferons plus loin des propositions sur

les-quelles on pourrait réfléchir.

Mais

nous

sommes obligés de constater que les

au-teurs du rapport, eux, n'ont pas daigné le

faire.

4. Troisième déni du réel : des stages pour

tous?

Or non seulement MM Brihault et Cornu n'ont pas réfléchi à des propositions susceptibles de ré-soudre les vrais problèmes au lieu de s'acharner à mettre sur le marché les recettes plus que contestables des « sciences de l'éducation », ils n'ont même pas pris la peine de réfléchir aux implications de leurs propres propositions.

Pour justifier la « professionnalisation

»

de l'oral, no-tion qui constitue le nerf des différentes moutures de ce pro-jet, ils sont obligés de maintenir l'idée de stages obligatoires pour tous les admissibles. Mais comme l'écrit n'est plus un

« concours d'entrée » à l'illFM, ces stages ne peuvent plus concerner les seuls admissibles. Nul ne pouvant savoir, avant le résultat des épreuves écrites, qui va être admissible et qui ne va pas l'être, il faut bien les étendre à l'ensemble des candi-dats.

Cela pose deux problèmes de nature différente : des stages pourquoi ? des stages comment ?

- le nouveau stage sera exactement le même que celui qui existe déjà : parfaitement inutile. Ce stage de

« sensibilisation » d'une durée de quinze jours est d'abord destiné à faire renoncer au concours ceux qui ne s'estime-raient pas capables d'asswner la charge d'élèves. Nous avons connu des centaines - et pour certains d'entre nous, des

mil-liers - de candidats. Nous n'en avons jamais rencontré un seul qui renonce à son projet à la suite d'un tel stage pendant l'an-née du concours. C'est après que certaines démissions se pro-duisent : quand les nouveaux certifiés sont nommés « en res-ponsabilité » dans des établissements impossibles ou, tout simplement, quand ils ont affaire à certains formateurs des illFM leur proposant une image si rebutante de leur métier qu'ils en perdent la vocation. Ce stage est aussi destiné (en principe) à aider les candidats à préparer les candidats l'épreuve « pré-professionnelle ». Là encore, une telle idée ne repose sur rien. Les enseignants des illFM le reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes. Lorsque certains se sont avisés de contester notre analyse sur l'effondrement du taux d'admis-sion des candidats-illFM, ils ont émis deux hypothè-ses différentes :

(10)

--1- selon les uns, le phénomène était dû à l'augmenta-tion du nombre d'anciens étudiants des IDFM passant le concours en candidats libres. Si cette hypothèse était vraie, elle prouverait deux choses : d'abord que les IDFM ont eu tort de les exclure et que la pré-sélection est, comme nous le di-sons, contre-produc-tive ; ensuite que cette formation

« professionnelle » ne sert à rien. Pourquoi en effet ces candi-dats auraient-ils fini par réussir? Grâce à une illumination su-bite due au souvenir du stage effectué deux ou trois ans avant ? Ou plutôt parce qu'ils ont, à force de travail, peu à peu comblé les lacunes qui les empêchaient d'affronter les épreu-ves avec quelque chance de succès ?

-2- selon les autres, l'échec des illFM était dû à l'aug-mentation du nombre des agrégatifs passant le concours en candidats libres. Cette hypothèse est sans doute fausse. Car les agrégatifs qui passent le Capes sont généralement inscrits à l'IUFM, faute de quoi ils ne peuvent rester l'année suivante dans leur académie. Et on ne voit pas comment la part des agrégatifs refusant de s'inscrire dans un illFM aurait pu telle-ment progresser en trois ans, que le nombre total des

candi-dats libres augmente de 47%. Mais l'explication avancée montre que même s'ils ne l'avouent pas publiquement, les en-seignants des IUFM - y compris, dans ce cas un directeur -sont intimement persuadés de l'inutilité de ces stages. Car les agrégatifs en question, qui priveraient ainsi les IUFM d'avoir des résultats à la hauteur de leurs prétentions, réussissent dans

cette hypothèse sans avoir fait le stage. Preuve serait ainsi faite que, comme l'ont toujours affirmé les universitaires,

.ill

meilleure façon d'avoir le Capes est de préparer l'agrégation, c'est-à-dire avoir un bon niveau disciplinaire, et non pas de perdre son temps à retourner, pendant quinze jours, sur les bancs d'un collège ou d'un lycée pour voir « ce qui s'y passe».

Mais, nous dira-t-on, les choses vont changer : le « nouvel oral » va rendre le stage indispensable. Eh bien, justement. Un « stage de sensibilisation » ne peut en aucun cas servir de base à des épreuves professionnelles ou, puis-qu'on est revenu à l'ancienne terminologie,

pré-professionnelles. M. Cornu l'a reconnu lui-même dans l'entre-vue qu'il a bien voulu nous accorder : l'oral ne sera pas

« basé

»

sur le stage, il doit servir à « déceler des aptitudes ». Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser d'une telle formule et des épreuves du nouvel oral. ll suffrra ici de constater que ce stage ne sert à rien, qu'il constitue même un obstacle dans

la préparation par la perte de temps qu'il implique.

- Le stage qu'on nous propose sera donc aussi inutile qu'il l'est déjà, puisque c'est le même. Avec une différence de taille cependant. TI sera obligatoire. Seuls les candidats pré-sélectionnés dans les IUFM l'effectuent aujourd'hui. ll faudra dès la rentrée 2001 les assurer pour tous les candidats. On

pourrait se féliciter d'une telle mesure, qui met les uns et les autres sur un pied d'égalité. Reste à savoir si elle est matériel-lement possible.

Quand nous avons rencontré M. Cornu, la version dé-finitive du rapport avait déjà été rédigée. Nous avons posé la question du nombre de stagiaires concernés par un tel

disposi-tif. Une discussion un peu confuse s'est engagée à ce propos. TI a contesté nos estimations. Nous n'avons pu contester les siennes : il n'en avait pas. Ainsi donc, on nous propose, après trois ans de réflexion, une réforme sans même se demander si

elle est matériellement possible. Les données dont nous dis-posons ne nous permettent pas d'avancer des prévisions très fiables. Mais les auteurs du rapport auraient pu, eux, éplucher les statistiques de l'Éducation nationale, demander au besoin des études plus complètes. ils ne l'ont pas fait

Le nombre de candidats inscrits dans les IUFM et ef-fectuant aujourd'hui un tel stage doit se situer autour de 25 000, peut-être beaucoup moins (aucune donnée disponible ne permet de savoir combien il y a de redoublants ou de triplants dans. les IUFM). Le nombre total de candidats au Capes était de 71 000 en 1999. Combien parmi eux ont déjà effectué un stage parce qu'ils ont été antérieurement inscrits dans un IDFM ? Encore une fois mystère : les différents experts qui depuis trois ans ont travaillé à cette réforme n'ont jamais cru bon de savoir, même de façon approximative, qui étaient les candidats libres, quels avaient été leurs parcours antérieurs, sur quels critères on pouvait les classer en sous-catégories permettant une analyse plus fine de la réalité. C'est que la connaissance du réel ne les intéresse pas. Et l'idéologie de la « professionnalisation » les rend aveugles à toutes les dimen-sions du problème qui ne rentrent pas dans ce cadre.

Se doutant quand même que cette généralisation des stages doit poser de redoutables problèmes de logistique, les auteurs du rapport proposent deux mesures :

-1- le stage pourra être effectué à n'im-porte quel moment du cursus et pas seulement pendant l'année du Capes ;

-2- il ne s'agira pas forcément d'un stage dans un établissement scolaire : il pourra être remplacé par« l'aide aux devoirs », un sé-jour linguistique à l'étranger, d'autres choses encore.

Nous n'accepterons pas la deuxième mesure. Si ce stage est obligatoire, il doit être le même pour tous.

On

ne voit pas comment les deux exemples cités plus haut pourraient permettre aux « sta~iaires » de connaître le statut des différents personnels de l'Education nationale ou le fonctionnement de nos collèges et lycées puisque ce sont là des questions qui seront posées à l'oral.

Quant à la première mesure, elle nous laisse pantois. Les auteurs du rapport s'imaginent-ils qu'en étalant ainsi sur quatre ans les quinze jours du stag~, ils vont en r~ct:m"e le nombre ? Ne comprennent-ils pas qu'ils vont le multipher par 2 ou par 3, peut-être davantage ? Car il faudra ajouter au nombre de candidats effectifs tous les candidats virtuels, c'est-à-dire, tous ceux qui, lorsqu'ils s'inscrivent pour la pre-mière fois à l'université, n'ont pas exclu a priori de leurs pro-jets la possibilité de passer un jour le Capes. ll y a en France 6930 collèges et 2620 lycées. ll y a aussi, nous l'avons dit, 71

000 candidats au Capes (chiffres de 1999). ll y a enfin 490 000 étudiants inscrits dans les Facultés de Lettres et 280 000 dans les facultés de sciences. Et le nombre des étudiants

ins-- ins-- ins-- ins-- ins-- ins-- ins-- ins-- ins-- Atlll 81'71'11

info- N°86- Nov.

Déc.

2000

(11)

crits en DEUG et en licence est au moins trois ou quatre fois supérieur à celui des étudiants inscrits au niveau Bac+4.

Tout étudiant n'ayant pas exclu la possibilité de passer le Capes fera le raisonnement suivant : il vaut mieux que je demande le stage le plus vite possible, j'augmente ainsi mes chances de pouvoir le faire un jour.

n

faudra y ajouter tous ceux qui, n'ayant pas le projet de passer le Capes mais le Concours de professeur des écoles, diront cependant qu'ils veulent se présenter au Capes de façon à effectuer un stage qui leur donnera des points lorsqu'ils

demande-ront à être admis dans un llJFM, où les places pour la préparation au concours de professeurs des écoles sont particulièrement chères et le nombre des aspirants immense. Les Rectorats vont donc être submergés par des milliers -dans certaines académies des dizaines de

mil-liers - de demandes émanant d'étudiants de pre-mière année gui voudront retourner pendant quinze jours au lycée qu'ils viennent de quitter

trois mois avant.

n

faudra bien les refuser toutes. Mais il fau-dra aussi traiter ces dossiers qu'on rejettera systématiquement. La vraie question commencera à se poser à partir de la deuxième année : sans doute faudra-t-il là encore refuser de façon automatique, ou presque, les demandes des étudiants. Mais on augmentera aussi leur angoisse : plus qu'une chance pour ceux qui pensent en fait au concours de professeur des écoles, plus que deux chances pour ceux qui souhaitent passer le Capes. On arrive donc à l'année de licence. Les services rectoraux devront cette fois examiner sérieusement les de-mandes. Faute de quoi la mesure proposée se détruit elle-même car on reviendrait alors à la case-départ : les stages pendant l'année de Capes. Les étudiants de licence qui verront leur demande refusée seront fortement inquiets : si on la leur refusait à nouveau, ils ne pourraient pas se présenter au Ca-pes. ll commencera à y avoir des recours devant les tribunaux administratifs. Ces recours deviendront systématiques en an-née de Capes y compris de la part de dizaines de milliers de candidats libres. Nous les appuierons. Car si l'état rend ce stage obligatoire, il est de son devoir d'en assurer le caractère effectif pour tous les candidats. Monsieur Cornu, d'ailleurs, a bien voulu en convenir.

Nous ne pouvons avancer des chiffres précis mais les estimations suivantes ne nous semblent pas extravagantes :

- si le stage se limite à l'année de Capes (hypothèse faible), les Rectorats devront en proposer un nombre compris entre 40 000 et 50 000 par an : est-ce matériellement possi-ble ? Y a-t-il suffisamment d'établissements - et de profes-seurs acceptant de recevoir des stagiaires -pour

«

caser

»

tout le monde ? Quels sont les frais impliqués par un tel disposi-tif?

- si, comme le prétendent les auteurs du rapport, tous les étudiants peuvent demander un stage à n'importe quel mo-ment de leur cursus (hypothèse forte), alors on entre dans le royaume de l'absurde: le chiffre de 100 000 ou 150 000 de-mandes par an nous semble parfaitement vraisemblable. Or il y a un peu moins de 240 000 professeurs agrégés et certifiés en poste dans les établissements d'enseignement secondaire, y compris ceux qui n'ont aucune expérience parce qu'ils vien-nent d'être nommés. Cela fait une moyenne d'un stagiaire

pour deux enseignants (sans compter les vrais stagiaires, cer-tifiés ou agrégés non encore titularisés). Quand on sait en ou-tre que de plus en plus de professeurs du secondaire refusent de recevoir des stagiaires, on se demande comment les au-teurs du rapport ont fait leurs comptes.

A cela s'ajoutent un certain nombre de considérations annexes, mais non frivoles pour autant: ·

-Les situations sont très variables selon les académies comme le montre l'impossibilité actuelle d'offrir des stages aux vrais stagiaires (ceux qui ont réussi aux épreuves théoriques du Capes) dans leur acadé-mie d'origine : c'est d'ailleurs l'une des nom-breuses injustices subies par les lauréats du Ca-pes qui ont passé le concours en candidats

Ii-bres. Va-t-on proposer aux étudiants de Perpi-gnan d'effectuer leur stage dans une ZEP de la Seine-Saint Denis ?

- Même en admettant que « chacun reste chez soi », il faudra utiliser tous les collèges et lycées et

pas seulement ceux qui se trouvent à proximité d'une ville universitaire. Va-t-on envoyer des étudiants au fin fond d'une académie - qui peut couvrir plusieurs départements - pendant quinze jours ? Si oui, qui va prendre en charge les frais de dé-placement et de séjour?

-A-t-on pensé à la désorganisation de la vie universi-taire qu'implique un tel dispositif ? On aurait des groupes d'étudiants de DEUG ou de licence absents à tour de rôle. Est-ce le meilleur moyen de les aider à réussir?

Que

se passe-ra-t-il si le stage tombe au début d'un semestre lorsqu'on com-mence un nouveau module ou peu de temps avant une session d'examen ou même pendant les examens? TI faudra exclure plusieurs mois par an : le mois de septembre, celui d'octobre, celui de janvier, celui de février, celui de mai, celui de juin. Ajoutons-y les vacances de Noël, d'hiver et de printemps : que reste-il ? V eut-on concentrer ces stages à une période un peu plus « creuse

»

que les autres, le mois de novembre par exemple ? Cela suppose un rallongement de quinze jours de l'année universitaire mais aussi l'obligation pour les Rectorats de déployer tous les stages en même temps : mission deux fois impossible puisque même en les étalant tout au long de l'année, ils seraient à notre avis dans l'incapacité de le faire.

- Les estimations précédentes concernent le dispositif proposé une fois atteinte sa vitesse de croisière. Pendant les deux ou trois premières années, le nombre de demandes de stage sera beaucoup plus important puisqu'il faudra tenir à la fois compte de celles qui émanent des candidats réels (plus de 60 000 sans doute et qu'il faudra toutes satisfaire au début puisque seuls les redoublants issus des ruFM auront eu l'oc-casion de faire un stage) et de celles qui émanent des candi-dats

«

virtuels

»

de première, deuxième et troisième année, qu'il faudra bien coriunencer à satisfaire faute de quoi le dis-positif ne se mettra jamais en place.

- Outre l'inutilité intrinsèque de tels stages et des dif-ficultés sans doute insurmontables de leur mise en place, peut-on nous expliquer en quoi ils vont« servir» à des candi~

dats qui les auraient effectués deux. trois ou quatre ans avant de présenter les épreuves du concours ?

Les auteurs du projet ont-ils réfléchi à toutes ces

(12)

-questions ? S'ils l'avaient fait, ils auraient abouti aux mêmes conclusions que nous : ces stages ne sont pas seulement

inuti-les, ils relèvent de l'utopie pure et simple. Le dispositif

propo-sé ne tient pas compte des contraintes les plus élémentaires de la réalité. Si on essaie donc de le mettre en place, on créera immédiatement le chaos le plus absolu à la fois dans les

uni-versités, dans les rectorats et dans les établissements d'ensei-gnement secondaire. Mais si on ne le met pas en place, que restera-t-il de la « professionnalisation » ?

5. «Déceler les aptitudes »

Ce stage, dont la seule nouveauté consiste à ne pas pouvoir être réalisable, sert cependant le propos des

« réformateurs » : il justifie la mise en place de modules de

«

pprofessionnalisation » dans les cursus universitaires, ré-duisant encore plus le bagage scientifique et culturel des li-cenciés.

n

justifie aussi la « professionnalisation }} de l'oral du Capes. L'objectif est donc inchangé depuis le projet-Oriano. L'écrit du Capes a pour fonction de fournir un certain nombre de candidats à un nouveau concours,

exclusive-ment oral et sans vrai contenu scientifique. Car le but, le seul but, est de recrutèr des enseignants «pédagogiquement conformes ». Mais comme les auteurs du rapport ont dû renoncer à assurer une préparation spécifique à ce nouveau concours pendant un an ou un semestre, ce sont les candidats qui vont en faire les frais : ils

de-vront se présenter à des épreuves n'ayant~ rapport avec leurs études antérieures. Et seuls s'en tireront ceux gui seront suffisamment astucieux (ou dociles) pour donner d'eux mê-mes une IMAGE conforme aux attentes des réformateurs pa-tentés du système éducatif

n

est évidemment hors de ques-tion, à ce niveau-là et sans que les candidats aient jamais eu la

moindre expérience professionnelle, de juger des compéten-ces pédagogiques réelles des candidats. On jugera donc du virtuel : il' s'agit, nous a dit M. Cornu, de « déceler des aptitu-des».

On peut répliquer à cela qu'un jury normal a toujours été capable de « déceler des aptitudes », y compris dans des épreuves aussi « archaïques » qu'une leçon d'agrégation. La ngueur de la pensée, la clarté de l'exposition, .la qualité de l'élocution, la façon même de se tenir ou de regarder le jury.

tout ce qui constitue cette chose un peu mystérieuse qu'on ap-pelle la

«

présence ». ce sont là des

«

aptitudes » qui ont tou-jours été prises en compte par les jmys. Et jusqu'à preuve du contraire, elles contribuent à définir un bon professeur. Mais ce ne sont pas ces . « aptitudes »-là qu'il faut maintenant

« déceler». Le meilleur moyen sans doute pour s'en faire une idée est d'examiner les propositions de réforme de l'oral. Elles n'apparaissent pas de façon explicite dans le rapport

«

Brihault-Comu », qui se grade bien d'évoquer les

«

questions qui tachent ». Mais les mesures déjà prises dans les Capes de langues et les nombreuses rencontres qui ont eu lieu au ministère permettent d'en deviner le contour. L'épreuve disciplinaire disparaît sous sa forme actuelle : ell~ devrait s'appuyer sur un « dossier de documents » relevant des programmes du secondaire. Quant à l'épreuve

«

pré-professionnelle ». elle s'appuie aussi sur tm ensemble de do-cuments: mais il s'agit maintenant d'extraits de manuels, de livres du maître, d'instructions officielles, etc. La différence

entre ces deux dossiers repose donc sur les finalités de chaque épreuve et les « aptitudes

»

qu'elles pennettraient de

« déceler ». La première semble avoir une inflexion plus di-dactique, la deuxième plus pédagogique.

n

convient peut-être de préciser cette terminologie.

On rappelle que pour les théoriciens des sciences de l'éduca-tion, la « didactique » concerne la « conversion des savoirs ». c'est-à-dire l'adaptation des résultats de la recherche scientifi-que à l'enseignement scolaire : cela nous a valu, entre autres, les désastres occasionnés par les « mathématiques modernes » ou la « lecture méthodique » et ceux qui vont l'être par la « théorie de l'argumentation ». La « pédagogie ». elle, consiste à adapter alL'< possibilités des « apprenants

»

les dé-couvertes de la didactique. Elle n'est pas centrée sur les conte-nus des savoirs mais sur l' « apprenant » lui-même puisque c'est lui, on le rappelle aussi, gui est le « centre ». La combi-naison de la didactique et de la pédagogie produit l'enseigne-ment d'aujourd'hui. D'une part, des programmes extrêmel'enseigne-ment

ambitieux, hors de la portée des « apprenants », même des meilleurs d'entre eux, puisqu'il suffirait presque de bien connaî-tre les manuels du secondaire pour réussir à

l'agrégation (sauf en mathématiques puisqu'on a renoncé à enseigner les mathématiques). D'autre part, une baisse constante du niveau ré-el de l'enseignement puisgue tout le monde doit réussir et gue l'étalon n'est plus le « bon élève >> (ce qui avait des inconvénients) mais « le plus mauvais » des

«

apprenants » (ce gui a des inconvénients bien plus graves).

Dans ce contexte, la première épreuve de l'oral est centrée sur les programmes du secondaire, ce qui en soi ne se-rait pas absurde s'il s'agissait de vérifier chez le candidat la cormaissance d'un programme élargi. Mais ce n'est pas le cas : cette épreuve concerne en fait la didactique, discipline - ou pseudo-discipline - dont on peut contester le bien-fondé et qui, en tout état de cause, n'aura pas été enseignée au candi-dat. Quant à la deuxième épreuve, elle consiste à répéter la borme parole diffusée par les IUFM. Soit une épreuve de théologie et une épreuve de catéchisme. Elles doivent servir à « déceler les aptitudes » du « nouvel enseignant » : les vertus du séminariste complétées par les mérites du catéchumène.

On nous pardormera l'ironie de ce passage. Mais si l'on préfère en pleurer plutôt qu'en rire, il suffira d'examiner en détailla réfonne des Capes de langues. On aura alors une idée très concrète de ce que signifie la

«

professionnalisation de l'oral », une

«

professionnalisation » qui ne correspond d'ailleurs pas exactement au schéma proposé car, fruit d'un compromis, elle a fait l'objet de textes antérieurs au présent rapport.IJ P.C.

« PROFESSIONNALISATION »DE L'ORAL

Suite dans le prochain numéro

!

(Pour in~

formation le sommaire est au début du chapitre).

- - - I A d g a 11'1'11 info -

N°86 Nov. Déc. 2000

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