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Détection et spécificité de la dépendance à l'exercice physique dans une population d'athlètes à risque

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01890630

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01890630

Submitted on 8 Oct 2018

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Détection et spécificité de la dépendance à l’exercice

physique dans une population d’athlètes à risque

Ségolène Poulnais

To cite this version:

Ségolène Poulnais. Détection et spécificité de la dépendance à l’exercice physique dans une population d’athlètes à risque. Médecine humaine et pathologie. 2017. �dumas-01890630�

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AVERTISSEMENT

Cette thèse d’exercice est le fruit d’un travail approuvé par le jury de soutenance et réalisé dans le but d’obtenir le diplôme d’Etat de docteur en médecine. Ce document est mis à disposition de l’ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l’auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

D’autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt toute poursuite pénale.

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UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

Faculté de Médecine PARIS DESCARTES

Année 2017

N° 311

THÈSE

POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT

DE

DOCTEUR EN MÉDECINE

Détection et spécificité de la dépendance à l'exercice physique

dans une population d'athlètes à risque

Présentée et soutenue publiquement

le 21 décembre 2017

Par

Ségolène POULNAIS

Née le 29 novembre 1989 à Saint Germain-en-Laye (78)

Dirigée par

M. Le Professeur Philip Gorwood, PU-PH et Mme Laurence Kern, MCF

Jury :

M. Le Professeur Yann Le Strat, PU-PH……….. Président M. Le Professeur Henri-Jean Aubin, PU-PH

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2

Remerciements

Mes remerciements s’adressent en tout premier lieu à mes deux directeurs de thèse, M. le Professeur Philip Gorwood et Mme Laurence Kern qui ont accepté de m’accompagner dans ce projet. Je les remercie pour le temps qu’ils m’ont accordé, pour leurs précieux conseils, leurs explications et enseignements très enrichissants. Je leur suis profondément reconnaissante de m’avoir assuré un soutien constant tout au long de ce travail ainsi que pour leur patience et leur souci de pédagogie.

M. le Professeur Yann Le Strat a accepté de présider mon jury de thèse et je l’en remercie tout particulièrement. Le Pr Henri-Jean Aubin et le Pr Fabrice Jollant ont accepté de participer au jury, le Pr Philip Gorwood et Mme Laurence Kern ont également accepté cette deuxième responsabilité et je leur en suis très reconnaissante. Je les remercie de leur présence lors de la soutenance et d’avoir bien voulu évaluer ce travail.

Mon internat a été une heureuse expérience pendant laquelle j’ai pu rencontrer de nombreux médecins qui m’ont beaucoup appris, tant sur le plan humain et médical que sur le plan de la recherche. Ainsi je tiens à remercier le Dr Florence de Rohan Chabot qui fut la première à m’encadrer, le Dr Candice Germain avec qui j’ai beaucoup appris sur le travail de liaison et qui m’a inspiré ce sujet d’étude, le Dr Fayçal Mouaffak dont l’approche clinique et les connaissances thérapeutiques étaient édifiantes, le Dr Agathe Perony pour sa confiance et son enseignement, le Dr Romain Dugravier qui m’a fait découvrir la pédopsychiatrie et la théorie de l’attachement, le Dr Karine Ronen qui m’a donné le goût de la périnatalité, le Dr Pauline Larnaudie avec qui travailler et partager est toujours un grand plaisir, Mme Anne Brisson qui a eu l’art de me rendre accessible la psychanalyse, le Pr Marie-Rose Moro pour son goût de transmettre et sa confiance, le Dr Béatrice Gal dont les enseignements cliniques et sur la gestion d’une équipe ont été très précieux, le Dr Hervé Lefèvre pour ses conseils avisés et ajustés, le Dr Jonathan Lachal pour sa disponibilité et son intérêt à transmettre, le Dr Corinne Blanchet et ses qualités de clinicienne en particulier autour des TCA.

C’est également à mes proches que j’adresse un très sincère et profond merci. Mes parents et ma famille qui savent toujours être présents et encourageants, mes amis qui m’ont soutenus, infailliblement, mes chères colocataires aux attentions quotidiennes.

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3

Table des matières

REMERCIEMENTS ... 2

INTRODUCTION ... 5

PREMIERE PARTIE : RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ... 6

CHAPITRE 1:NOTION DE DEPENDANCE A L’EXERCICE PHYSIQUE ... 6

1.1DEFINITIONS ... 6

1.1.1 ADDICTIONSCOMPORTEMENTALES ... 6

1.1.2 HISTORIQUE DU CONCEPT DE DEPENDANCE A L’EXERCICE PHYSIQUE ... 7

1.1.3 CONCEPT DE DEPENDANCE PRIMAIRE OU SECONDAIRE ... 10

1.2 OUTILS DE MESURE ET ECHELLES ... 11

1.3 EPIDEMIOLOGIE ET PREVALENCE ... 13

CHAPITRE 2: RECHERCHE PHENOMENOLOGIQUES ... 22

2.1 NEUROBIOLOGIE ... 22

2.2 NEURO-IMAGERIE ... 23

2.3 MODELES PSYCHOPHYSIOLOGIQUES ANIMAUX ... 23

2.4 CARACTERISTIQUES DE PERSONNALITES ADDICTIVES ... 25

2.5 L’APPROCHE PSYCHANALYTIQUE ... 26

2.6 AUTRES APPROCHES METAPHYSOLOGIQUES ... 28

CHAPITRE 3: PRISE EN CHARGE DE LA DEPENDANCE A L’EXERCICE PHYSIQUE ... 30

PARTIE 2 : ETUDE CLINIQUE ... 32

1 INTRODUCTION ... 32 2 MATERIEL ET METHODES ... 33 2.1 POPULATION ... 33 2.2 OBJECTIFS DE L’ETUDE ... 33 2.3 HYPOTHESES ... 33 2.4 METHODE ... 34 2.5 MATERIEL ... 35 2.5.1 DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ... 35 2.5.2 DONNEES PSYCHIATRIQUES ... 35

2.5.3 DESCRIPTION DE L’ACTIVITE PHYSIQUE ... 36

2.5.4 AUTRES SYMPTOMES DE DEPENDANCE ... 36

2.6 ANALYSES STATISTIQUES ... 37

3 RESULTATS ... 37

3.1 ANALYSES DESCRIPTIVES : DESCRIPTION DE L’ECHANTILLON ... 37

3.1.1 DONNEES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ... 37

3.1.2 DONNEES EN LIEN AVEC L’ACTIVITE SPORTIVE ... 38

3.1.3 PORTRAIT CLINIQUE ... 38

3.1.3.1 DEPENDANCE A L’EP ... 38

3.1.3.2 ANXIETE ET DEPRESSION ... 39

(6)

4

3.1.3.4 TROUBLE DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE (TCA) ... 39

3.1.3.5 DOULEURS ... 39

3.1.3.6 BLESSURES ET ARRET ... 40

3.2 ANALYSES BIVARIEES ... 40

3.2.1 DEPENDANCE A L’EP ... 40

3.2.2 DEPENDANCE A L’EP ET GENRE ... 40

3.2.3 DEPENDANCE A L’EP ET AGE ... 41

3.2.4 DEPENDANCE A L’EP ET PROFIL DES SPORTIFS ... 41

3.2.5 DEPENDANCE A L’EP ET APPARTENANCE A UN CLUB SPORTIF ... 41

3.2.6 DEPENDANCE A L’EP ET ACTIVITE PHYSIQUE ... 42

3.2.7 DEPENDANCE A L’EP ET NOMBRE DE COMPETITIONS ... 44

3.2.8 DEPENDANCE A L’EP ET ANXIETE/DEPRESSION ... 44

3.2.8.1 DEPENDANCE A L’EP ET TROUBLES ANXIO-DEPRESSIFS ... 44

3.2.8.2 DEPENDANCE A L’EP ET TROUBLES DEPRESSIFS ... 45

3.2.8.3 DEPENDANCE A L’EP ET TROUBLES ANXIEUX ... 46

3.2.8.4 RESULTATS COMPLEMENTAIRES POUR DEPENDANCE A L’EP ET ANXIETE/DEPRESSION ... 47

3.2.9 DEPENDANCE A L’EP ET CONSOMMATION D’ALCOOL ... 48

3.2.10 DEPENDANCE A L’EP ET CANNABIS ... 48

3.2.11 DEPENDANCE A L’EP ET TCA ... 48

3.2.12 DEPENDANCE A L’EP ET LA DOULEUR ET SA GESTION ... 49

3.2.13 DEPENDANCE A L’EP ET L’INTERDICTION DE SPORT ET SA GESTION ... 50

3.3 RESULTATS COMPLEMENTAIRES ... 52

3.3.1 ANALYSES EN FONCTION DE LA PRESENCE DE TCA ... 52

3.3.1.1 TCA ET PROFIL SOCIO-DEMOGRAPHIQUE ... 52

3.3.1.2 TCA ET PRATIQUE DE L’EP ... 52

3.3.1.3 TCA ET TROUBLES ANXIO-DEPRESSIFS ... 53

3.3.1.4 TCA ET ALCOOL, CANNABIS ... 53

3.3.1.5 TCA ET DOULEURS ... 54

3.3.1.6 TCA ET INTERDICTION DE PRATIQUE SPORTIVE ... 54

3.3.2 ANALYSE EN FONCTION DU NOMBRE DE COMPETITIONS ... 56

3.3.2.1 NOMBRE DE COMPETITIONS ET DEPENDANCE A L’EP ... 56

3.3.2.2 NOMBRE DE COMPETITIONS ET TROUBLE ANXIO-DEPRESSIF ... 56

3.3.2.3 NOMBRE DE COMPETITIONS ET ALCOOL ... 57

3.3.2.4 NOMBRE DE COMPETITIONS ET TCA ... 57

3.3.2.5 NOMBRE DE COMPETITIONS ET INTERDICTION DE SPORT ... 57

3.4 CORRELATIONS ... 57

4 DISCUSSION ... 59

CONCLUSION ... 71

BIBLIOGRAPHIE ... 74

ANNEXES 1 : DEPENDANCE A UNE SUBSTANCE-DSM-IV-TR ... 84

ANNEXE 2 : EAI ... 85

(7)

5

Introduction

La dépendance à l’exercice physique (EP) est une notion relativement récente qui est considérée par certains spécialistes comme une pathologie s’intégrant aux addictions comportementales. Nous ne retrouvons que peu d’études qui décrivent cette entité clinique ainsi que ses répercussions, les plus anciennes remontent à une trentaine d’années. Cette notion contemporaine s’inscrit dans une société où le sport est reconnu comme nécessaire à une hygiène de vie saine, où l’activité physique peut être une prescription médicale. Lorsque cette activité est pratiquée en excès, à l’image d’autres comportements, une perte de contrôle peut arriver et entrainer une dépendance du sujet qui ne parvient plus à s’arrêter malgré l’ensemble des conséquences négatives de sa pratique. Qu’ils soient marathoniens, triathlètes, ou s’entrainant pour des trails, Ironman ou autres activités d’endurance, ces sportifs sont exposés à une pratique physique soutenue particulièrement intensive. C’est pour cette raison qu’après avoir cherché à définir et à décrire l’état actuel des connaissances sur la dépendance à l’EP nous nous sommes intéressés à cette population de sportifs afin de poursuivre le travail observationnel nécessaire à des soins plus adaptés.

Dans une première partie nous rendrons compte des recherches bibliographiques menées afin de définir les termes et le sujet de ce travail : le concept de dépendance à l’activité physique au sein des addictions comportementales, un état des lieux épidémiologique et enfin une description de l’état actuel des connaissances de ce phénomène de dépendance d’un point de vu aussi bien biologique que phénoménologique au travers d’approches métapsychologiques. Nous exposerons ensuite la structure de notre étude épidémiologique, observationnelle et transversale au cours de laquelle nous avons interrogé une population spécifique de sportifs pratiquant un sport d’endurance de manière intensive.

Nous nous sommes fixés comme objectif principal de définir la prévalence de la dépendance à l’exercice physique dans cette population de sportifs intensifs et de rechercher quels étaient les retentissements psychiatriques notables, les comorbidités addictives et psychiatriques qui s’y associent. Ces caractéristiques permettraient d’établir des validateurs externes qui viendraient souligner les différences entre les sportifs avec une pratique sportive intensive bien tolérée et les sportifs dont la pratique provoque une dépendance. Ces validateurs pourraient faciliter le repérage des sujets à risque.

(8)

6

Partie 1 : Recherche bibliographique

Chapitre 1 : Notion de dépendance à l’exercice

physique (EP)

1.1 Définitions

1.1.1 Addictions comportementales

Addiction vient du latin « Ad-dicere », « dire à » au sens d’attribuer quelqu’un a une autre personne. Dans le droit romain ancien puis au Moyen-Age en Europe Continentale ce terme correspondait à un arrêt du juge et désignait une « contrainte par corps ». Si un sujet n’était plus capable d’assumer les responsabilités et les dettes contractées à l’égard d’un plaignant, il était mis à disposition de ce dernier. C’est Freud qui utilisa en premier ce terme d’addiction pour illustrer un « besoin primitif » qui faisait partie de la condition de tout être humain : l’infans, terme désignant l’enfant qui n’a pas encore acquis le langage, est dépendant de sa mère pour sa survie. Les addictions dériveraient de cet état primordial qui aurait mal évolué.

Cette notion d’addiction comportementale est reconnue en psychiatre à partir de 1980 lorsque le « jeu pathologique » est introduit dans le DSM-III dans la catégorie « trouble du contrôle des impulsions non cotées ailleurs ». Pourtant cette notion est décrite depuis plusieurs siècles: Sébastian Brant, humaniste et poète, écrit en 1494 dans « Das Narrenschiff » (La nef des fous) : « Je trouve aussi des fous encore plus fous que d’autres qui n’ont d’autre plaisir que les dés et les cartes et qui ont l’illusion de ne pouvoir plus vivre s’ils devaient s’en priver et cesser de jouer comme des enragés du matin jusqu’au soir … ». Un demi-siècle plus tard Pascal s’interroge également sur la vulnérabilité des individus face au jeu : « Tel homme passe sa vie sans ennui, en jouant chaque jour peu de chose. Donnez-lui tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à la charge qu’il ne joue point : vous le rendrez malheureux. On vous dira peut-être que c’est qu’il recherche l’amusement du jeu, et non pas son gain. Faites-lui donc jouer pour rien, il ne s’y échauffera pas et s’y ennuiera.»

(9)

7 Varescon (2009) propose de définir les addictions comportementales comme: « le résultat d’un processus interactionnel entre un individu et un objet externe ou une activité banale, mis à la disposition de tous, qui conduit à une expérience sur laquelle se développe une dépendance principalement psychologique en raison des effets plaisants qu’elle procure et des fonctions qu’elle remplit. Cette dépendance, qui se traduit par la répétition de la conduite, la perte de contrôle, la centration et le besoin, peut entraîner des conséquences négatives pour la personne et son entourage ».1

Le DSM-5, publié en juin 2013, acte le rattachement des addictions comportementales au champ des additions en faisant pour la première fois rentrer le jeu pathologique (ou gambling) dans les « troubles de l’utilisation de substances et troubles addictifs ». Le jeu pathologique pourrait ouvrir la voie des troubles addictifs à bien d’autres addictions comportementales. Le DSM-5 apporte également plusieurs modifications intéressantes concernant les addictions. Il s’éloigne d’un modèle catégoriel de dépendance au profit d’une classification plus dimensionnelle attachée au processus addictif dans toutes ses expressions plutôt qu’aux conséquences des usages.

1.1.2 Historique du concept de dépendance à l’EP

C’est en 1970 que la notion de dépendance au sport commence à être pensée par Baekeland à l’occasion d’une étude qu’il mena sur la relation entre la privation d’exercice physique et le sommeil. Certains sujets étaient en effet incapables de se passer de leur EP.

En 1976 Glasser définit le concept de “positive addiction” pour les distinguer des addictions classiques considérées comme négatives (alcool, drogues…). Selon Glasser “une addiction positive est donc une activité qui augmente la force mentale, cependant lorsqu’elle n’est pas pratiquée, on remarque une espèce de douleur, de tristesse et de contrariété chez les personnes. Une addiction positive est agréable, mais ne domine pas la vie de la personne, comme c’est le cas pour une addiction négative” (Carmack et Martens, 19792). Veale en 1987, Szabo en 1997, Bamber en 2000 décrivent toutefois les effets négatifs de la privation d’exercice physique (culpabilité, dépression, irritabilité, anxiété…), ils notent pour certains la poursuite de l’exercice malgré les blessures. Glasser popularise le concept de dépendance à l’exercice physique par son concept d’addiction positive, puis, à sa suite, certains auteurs vont continuer dans sa veine en étudiant la dépendance positive à l’exercice physique (Carmack et Martens, 1979; Sachs et Pargman, 1979; Blumenthal et al, 1984; Chapman et Castro, 1990)

(10)

8 ou au contraire d’autres vont envisager ce concept comme une dépendance négative (Morgan, 1979; Hailey et Bailey, 1982; Yates et al, 1983; Waldstreicher, 1985; Veale, 1987; Rudy et Estock, 1989; Lyons et Cromey, 1989).

Hausenblas et Downs3 (2002) soulignent au travers de leur revue de littérature les difficultés de terminologies rencontrées pour ce nouveau concept d’addiction comportementale. Ils retrouvent en effet “exercise dependence”, “obligatory running”, “morbid exercising”, “running addiction” (Veale, 1987), “excessive exercising” (Loumidis et Roxborough, 1995), “compulsive athleticism” (Yates et al, 1994). Ils relèvent également les divergences en termes de définitions, d’instruments de mesures, d’échelles pour caractériser et étudier cette dépendance à l’exercice physique, ce qui a rendu toute comparaison difficile. De Coverley Veale fut le premier auteur à proposer une définition générale de la dépendance à l’exercice dès 1987, avec l’objectif d’homogénéiser la pléiade de définitions centrées sur différents sports et sur différentes dimensions. Il souhaitait rattacher la dépendance à l’exercice aux addictions comportementales classées dans les troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs au sein du DSM-III.

Il rejeta l’idée d’addiction positive dans laquelle le sport interviendrait comme une stratégie de coping régulant l’humeur car pour lui cette vision n’expliquait pas les dysfonctionnements physiques, psychiques et sociaux résultant d’une activité physique dont l’augmentation devient incontrôlable.

(11)

9 Il proposa les caractéristiques suivantes dans sa définition4 :

Hausenblas & Downs (2002) vont s’appuyer sur les travaux de De Coverley Veale (1987) afin de rapprocher la notion de dépendance à l’exercice physique des définitions successives de dépendance à une substance telles que décrites dans le DSM-III puis dans les DSM-IV et DSM-IV-TR. Ces auteurs considèrent que les définitions unidimensionnelles ne sont pas adaptées car trop restrictives. La dépendance à l’exercice physique est constituée d’un ensemble de facteurs cognitifs, comportementaux et physiologiques. Ils défendent donc une approche intégrative et justifient l’emploi d’une définition multidimensionnelle descriptive du comportement et de ses conséquences. Avec cette définition les auteurs avaient comme objectifs de donner à la dépendance à l’exercice physique une légitimité à appartenir au champ des addictions et de fournir un outil de comparaison scientifique valide. Elle est donc un type d’addiction comportementale, comme le sont le jeu pathologique, l’addiction aux achats ou au sexe.

DÉPENDANCE À L’EXERCICE (DEP)

1. Réduction du répertoire des exercices physiques conduisant à une activité physique stéréotypée, pratiquée au moins une fois par jour.

2. L’activité physique est plus investie que toute autre.

3. Augmentation de la tolérance de l’intensité de l’exercice, d’année en année.

4. Symptômes de sevrage avec tristesse lors de l’arrêt (volontaire ou contraint) de l’exercice physique.

5. Atténuation ou disparition des symptômes de sevrage à la reprise de l’exercice. 6. Perception subjective d’un besoin compulsif d’exercice.

7. Réinstallation rapide de l’activité compulsive après une période d’interruption. Symptômes associés :

8. Poursuite de l’exercice physique intense en dépit de maladies physiques graves causées, aggravées ou prolongées par l’exercice, et des avis contraires donnés par les médecins ou les entraîneurs et/ou difficultés ou conflits avec la famille, les amis ou l’employeur liés à l’activité sportive.

(12)

10 La définition que nous avons retenue pour ce travail est donc celle d’Hausenblas & Downs 3:

En accord avec l’approche d’Hausenblas et Downs, nous préfèrerons pour la suite de ce travail le terme de Dépendance à l’Exercice Physique (EP) qui évoque un comportement et ses conséquences, sans restreindre à une activité ni à une dimension addictive particulière. Le terme Dépendance renvoie à la définition du DSM-IV-TR. Le terme « Exercice Physique » ne réduit pas le concept à un sport en particulier.

1.1.3 Concept de dépendance primaire ou secondaire

En 1983 Yates et al.5 publient une étude soulignant les liens entre la pratique physique DÉPENDANCE À L’EXERCICE PHYSIQUE

Pattern de conduites dysfonctionnelles, associé à une détresse clinique significative, se manifestant par la présence de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de 12 mois :

1. Tolérance, c'est-à-dire le degré auquel la personne ressent la nécessité d’augmenter la quantité d’exercice physique pour atteindre les effets désirés.

2. Syndrome de sevrage, c'est-à-dire les effets psychologiques que la personne peut ressentir si elle arrête la pratique de l’exercice physique.

3. Intention, c'est-à-dire le fait de pratiquer un exercice physique de plus grande intensité ou sur une période plus longue que celle prévue initialement par la personne.

4. Perte de contrôle, correspondant à un désir persistant ou à des efforts infructueux pour mettre fin à la pratique d’exercice physique.

5. Temps important passé par la personne pour l’activité physique elle-même ou des activités liées telles que la récupération, le transport, l’achat de nouveau matériel, etc.

6. Centration, c'est-à-dire abandon ou réduction d’autres activités sources de plaisir ou d’intérêt comme les activités sociales, professionnelles ou de loisirs afin de s’adonner à l’exercice physique.

7. Persévérance ou continuité : la personne va continuer à pratiquer l’exercice physique malgré un problème physique ou psychologique persistant ou récurrent. Ce problème est susceptible d’avoir été provoqué ou aggravé par l’exercice physique.

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11 compulsive et les troubles du comportement alimentaire (TCA). Ils relèvent des caractéristiques de personnalité communes entre les deux troubles, telles que l’inhibition de la colère, la dépression, l’abnégation, un niveau d’exigence élevé. Coverley Veale4 en 1987 évoque également dans sa définition de la dépendance à l’exercice une adaptation du comportement alimentaire afin de répondre à l’exigence de la pratique : « Le sujet s’oblige à perdre du poids en suivant un régime, pour améliorer ses performances ». D’autres auteurs à leur suite, tels Thornton en 1990 ou Walberg en 1991, s’intéressent également aux relations entre ces deux troubles. La difficulté à comprendre la phénoménologie et les étiologies de ces deux pathologies pouvant être imbriquées, amène Veale à différencier la dépendance physique primaire de la dépendance secondaire4 en s’appuyant sur le Diagnostic and Statistical Manual for Mental Disorders (DSM-IV, 1994).

Comme cité ci-dessus, Veale inclut, dès ses premières définitions de la dépendance à l’exercice physique, la perte de poids comme un critère diagnostic associé, qui s’inscrit dans une recherche de performance. Le contrôle du poids via l’activité physique et le contrôle de l’alimentation sont au service de l’activité. La dépendance à l’exercice physique est dite primaire car la motivation intrinsèque de l’individu est l’activité.

L’anorexie mentale et la boulimie comportent, selon le DSM-IV-TR, l’hyperactivité physique comme conséquence de la volonté de maigrir et comme stratégie compensatrice des accès boulimiques. La démarche est donc inverse, la motivation est le contrôle du poids. Si l’hyperactivité physique provoque une dépendance, elle serait donc secondaire.

Cette approche, bien que critiquée, suggère qu’il est donc nécessaire de rechercher un TCA devant toute suspicion de dépendance à l’exercice physique6, le diagnostic orientera la prise en charge.

1.2 Outils de mesures et échelles

De multiples échelles existent à ce jour pour rechercher la dépendance à l’EP, les instruments sont qualitatifs (entretiens) ou quantitatifs (questionnaires), uni- ou multidimensionnels, s’interprètent donc de manières très différentes et n’apportent pas le même type de données. L’hétérogénéité des données ainsi obtenues rend très complexe voire

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12 impossible la comparaison des résultats des différentes études utilisant ces échelles comme le souligne Hausenblas3,6.

Les échelles unidimentionnelles, n’étudiant qu’un aspect de la dépendance, ont été développées à partir de 1979, comme « the Commitment to Running Scale » par Camarck et Martens, ou « the Obligatory Exercise Questionnaire » par Pasman et Thompson en 1988.

Les échelles multidimentionnelles correspondent à une approche plus complète du concept de dépendance comme « the Commitment to Exercise Scale » par Davis et Fox en 1993. Certaines échelles ne concernent qu’un type de sport comme « the Running Addiction Scale ».

L’EDQ ou « the Exercise Dependence Questionnaire » (Ogden et al, 1997), mesure 8 dimensions : interférence avec les activités sociales, familiales et professionnelles; récompense positive; symptômes de sevrage; contrôle du poids; connaissance d’un problème lié au comportement d’exercice; pratique physique pour des raisons sociales, pratique physique pour des raisons de santé; comportement lié à l’exercice physique stéréotypé. Cette échelle présente des qualités psychométriques satisfaisantes en dehors d’une dimension (comportement stéréotypé) qui manque de consistance interne6.

L’EDS-R ou « Exercise Dependence Scale-Revised » (Hausenblas et Downs, 20023) mesure la dépendance à l’exercice physique. Cette échelle est composée de 21 items, se regroupant dans sept dimensions : tolérance, sevrage, continuité, temps passé aux activités permettant de pratiquer (achats de matériel, déplacement...) et temps de pratique, intention, réduction des activités professionnelles, sociales, familiales afin de pratiquer, manque de contrôle. Cette échelle est un outil fiable et valide. Selon les auteurs cette échelle permet de catégoriser les individus selon trois groupes, les individus à risque, les individus non dépendants avec des symptômes de dépendance, les individus asymptomatiques. Le choix des critères correspondant aux trois catégories n’est cependant pas expliqué. Cette échelle a fait l’objet d’une traduction en français elle-même validée7.

L’EAI ou « Exercise Addiction Inventory » (Terry et al, 20048) est une échelle dont l’objectif, pour ses auteurs, est d’être rapide, simple et de séparer les individus en trois groupes :

• Ceux présentant un risque d’être dépendants : score >24

• Ceux présentant des symptômes de dépendance/d’exercice physique excessif : score 13-23

(15)

13 • Ceux sans symptômes de dépendance/d’exercice physique excessif : score 0-12

Elle est composée de six items (Annexe 2), explorant six dimensions. Elle conserve six composantes essentielles des addictions aux substances (Brown9, 1993) et comportementales

(Griffiths, 1997 et 2002) 10,11 :

• La salience, c’est-à-dire le fait qu’une activité domine toutes les autres et envahit la vie intérieure et sociale de l’individu ;

• La modification de l’humeur ;

• La tolérance, c’est-à-dire le besoin d’augmenter la « dose » pour ressentir les mêmes effets ; • Les symptômes de sevrage ;

• Les conflits interpersonnels, avec le travail et les conflits intrapsychiques générés par l’activité physique envahissante ;

• La rechute (relapse) : la tendance à récupérer de hauts niveaux du comportement en question après de longues périodes d’abstinence ou de contrôle.

Le mode de réponse est une échelle de type likert en cinq points (1 (pas du tout d’accord) ; 2 (pas d’accord) ; 3 (ni d’accord ni pas d’accord) ; 4 (d’accord) ; 5 (tout à fait d’accord)). Une analyse en composante principale montre que ces six questions expliquent 55,9 % de la variance, tous les poids factoriels (bêtas) sont élevés et significatifs (de 0,610 à 0,801). La consistance interne de l’échelle est de 0,90. Les qualités psychométriques sont donc satisfaisantes. Des réserves peuvent être émises notamment sur le fait que chaque dimension n’est illustrée que par un item.

1.3 Epidémiologie et prévalence

La recherche bibliographique n’est pas exhaustive, elle a été faite grâce à différents moteurs de recherche (PubMed, Cairn info, Google), nous avons sélectionné 40 articles en anglais et en français publiés jusqu’en mars 2017. Les mots clés utilisés étaient : « exercise dependance », « exercise addition », « sport dependance », « sport addiction », « excessive exercising ». Les articles cités par la suite le sont à titre d’exemple.

La prévalence de la dépendance au sport a une amplitude de variation importante selon les études: de 0,3% à 45%. Pour comprendre cette hétérogénéité des prévalences retrouvées dans les études il faut prendre en compte les particularités des populations étudiées. Une population étudiante n’est pas totalement comparable à une population d’adultes plus âgée, avec une activité professionnelle, ni à une population issue d’un échantillon national

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14 représentatif de la population générale d’un pays, ni a une population sportive. Une population étudiante est plus jeune et potentiellement plus active même si elle ne pratique pas un sport spécifiquement. Il faut également différencier les prévalences en fonction du type de pratique sportive : d’une part les études faites dans une population avec une pratique sportive des études en population générale, et d’autre part les études faites dans des populations sportives avec une pratique intensive, des études en population sportive avec une pratique modérée. En effet les populations sportives ne sont pas toujours comparables entre elles en fonction du type de sport pratiqué.

Certaines études comme celle de Monok12 en 2012 comparent la population générale à une population sportive et obtient une prévalence de la dépendance à l’exercice physique de 0,5% avec l’EAI et 0,3% avec l’EDS en population générale contre 3,2% avec l’EAI et 1,9% avec l’EDS chez les sportifs réguliers. Cunningham13 en 2016 s’intéresse également à la population générale, retrouve une prévalence de 6,4% et la compare à celle d’une population sportive qui est de 16%. Toutefois pour obtenir ces chiffres Cunningham fait un montage pour associer les résultats de deux échelles, l’EAI et l’EDS, il distingue également les dépendances à l’exercice physique primaire et secondaire. Nous développerons ses points par la suite. Meulemans14 (2014) étudie une population d’étudiants universitaires (18-25 ans) sans sélection selon la pratique sportive, il retrouve une prévalence de 3,3%. Cette population n’est cependant pas tout à fait représentative de la population générale car c’est une population spécifiquement jeune et d’une certaine classe sociale car ayant accès aux études supérieures. Mayolas-Pi (2017) compare des cyclistes avec une pratique intensive à une population non sportive15. Szabo quant à lui, étudie la population sportive en fonction de l’intensité de sa

pratique16,17, et retrouve des différences significatives : comme nous pouvons nous y attendre

la prévalence de dépendance à l’EP est plus importante chez les sportifs, d’autant plus si leur pratique est intensive. L’INSERM estimait, en 2008, à 4% le pourcentage de la population générale de sportifs susceptibles de développer une véritable addiction18, en se basant sur les travaux de De Coverley Veale4 (1987) et de Szabo19 (2000). Ces derniers tirent aussi comme conclusion de leurs travaux que les populations sportives « professionnelles » seraient plus vulnérables que la population générale de sportifs. Blaydon et Lindner en 2002 soutenaient ces résultats en se basant sur l’EDQ et retrouvaient plus de sujets « à risque » de dépendance à l’EP chez les professionnels (64%) que chez les amateurs (52%). Si les professionnels sont plus dépendants, nous pouvons nous demander si ce n’est pas ce qui a justifié leur professionnalisation. Cependant les amateurs dits « élites », sportifs encadrés et exerçant en club pour des évènements sportifs demandant une préparation intensive (Ironman,

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ultra-15 trail…), comptaient moins de dépendants que les amateurs « non-élites »20. La quantité de sport est bien sur corrélée à la dépendance à l’EP21–23, mais cette étude suggère que le lien entre la quantité d’exercice pratiqué et la dépendance à l’EP n’est pas linéaire : ceux qui pratiquent le plus ne sont pas forcément les plus dépendants. Les auteurs notent aussi que les sportifs amateurs qui sont moins ou non encadrés, ont plus de risque d’être dépendants. Zeulner en 2016 ne retrouve pas cette différence entre les élites et les amateurs24.

Nous constatons, et cela a été également décrit dans la littérature, que la prévalence de la dépendance à l’EP dépend de l’échelle utilisée. La littérature retrouve en effet une tendance pour l’EDQ et l’EAI à surévaluer ou « surcoter » la dépendance à l’EP par rapport à l’EDS. Weik25 (2009) montre en effet que l’EDQ évalue à 24,9% la prévalence de dépendance à l’EP chez des sportifs réguliers contre 11,90% avec l’EDS. Monok12 (2012) rapporte ces résultats lorsqu’il compare la prévalence de la dépendance à l’EP dans une population de sportifs réguliers et dans la population générale avec soit l’EAI soit l’EDS. Cunningham13 retrouve également dans une large étude (N=1497, population générale et sportive) de 2016 une tendance pour l’EAI à surcoter les sportifs en comparaison à l’échelle EDS-21 : l’EAI donne une prévalence de 7,41% contre 4,72% avec l’EDS.

Certains auteurs ont pu constater que le sexe du sportif pouvait également avoir une influence sur les résultats en termes de « risque de dépendance au sport en fonction du questionnaire utilisé. Ainsi Weik en 200925, Zmijewski en 200321, retrouvent que les femmes

ont des scores significativement plus élevés à l’EDQ que les hommes. D’autres études rapportent au contraire une prédominance d’hommes dépendants26, ou une absence de

différence liée au sexe22. Weik, dans la même étude de 2009, montre aussi que les hommes ont des scores significativement supérieurs à l’EDS-R que les femmes, ce qui est retrouvé par Müller en 201527. En revanche Cook en 2013 rapporte le contraire.28

La littérature est partagée pour l’influence du genre sur les résultats de l’EAI : cinq études retrouvent des scores plus élevés chez les hommes de manière significative pour quatre d’entre elles (Szabo, 2013 ; Lichtenstein, 2014 ; Cunningham, 2016 ; Mayolas-Pi, 2017)55,13,15,16 et non significative pour la dernière29,30. Youngman en 2014 est le seul auteur qui constate que les femmes cotent plus à l’EAI, de manière non significative31. Sicilia en 2013, Bruno en 2014 et Zeulner en 2016 ne constatent pas de différence dans les scores de l’EAI en fonction du genre24,32,33. Griffiths en 2015 analyse six études évaluant l’EAI dans 5 pays différents. Il note que le genre pouvait avoir une influence sur certains items du questionnaire et il suggère qu’il faudrait adapter les cut-off en fonction du sexe34.

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16 Le type de pratique sportive pourrait également influencer le risque de dépendance, certains auteurs ont montré que les sports en équipe comme le football, sont moins à risque de dépendance que les sports d’endurance (Lichtenstein, 201429,30 ).

Comme nous avons évoqué plus haut, le lien entre les TCA et la dépendance à l’EP a été beaucoup discuté et les notions de dépendance primaire ou secondaire au sport ont été proposées. Blumenthal en 1984 a comparé une population hospitalisée pour anorexie mentale avec une population de dépendants à la course à pieds. La prévalence de la dépendance à l’exercice physique chez les anorexiques était non négligeable mais ils ne retrouvèrent pas de trouble alimentaire chez les dépendants à la course : la dépendance à l’exercice physique est donc souvent secondaire des TCA mais l’inverse n’est pas vérifié dans cette étude35. Le sexe est souligné comme critère discriminant: la dépendance à l’exercice physique est plutôt primaire chez les hommes chez qui on ne retrouve pas de TCA comorbides dans 85% des cas, plutôt secondaire chez les femmes addictes chez qui un TCA est présent dans 40 à 70% des cas13,21,26. Selon Petit (2013), ces sujets avec une dépendance à l’exercice physique présentent une TCA subsyndromique, qui ne remplit pas tous les critères diagnostiques26. En revanche, Zeulner en 2016 ne retrouve pas le genre comme caractéristique discriminante parmi les 1031 athlètes, inscrits à des évènements sportifs, qu’il interroge : 18,9% de cette population est à risque de développer un TCA, soit légèrement supérieure à la prévalence en population générale en Allemagne. Il retrouve également une corrélation positive significative entre les scores de l’EAI et du SCOFF (échelle de dépistage des TCA), donc entre le risque de dépendance à l’exercice physique et de TCA24. Müller confirme la corrélation entre l’EDS et l’échelle de TCA qui n’est pas modifiée quand l’analyse est faite en fonction du genre27.

Il est à noter que certaines études ne contrôlent pas leur population de sportifs en fonction de la présence de TCA. Analyser les populations sans TCA permettrait d’éviter le biais de confusion entre les deux pathologies, d’écarter la dépendance à l’EP secondaire à un TCA. Cunningham13 en 2016 fait la distinction entre le « PE », « Pathological exercise » primaire et secondaire à un TCA au sein le groupe représentatif de la population générale de son étude. Parmi les 6,4% de personnes « à risque » de dépendance à l’exercice physique (montage EAI + EDS), les auteurs distinguent 1,4% de personnes avec un « PE » primaire et 5% avec un « PE » secondaire.

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Chapitre 2 : Recherches phénoménologiques

2.1 Neurobiologie

Les addictions au sens large ont toutes en commun la mise en jeu du système de récompense avec les notions de plaisir et de souffrance. Ce système est activé quotidiennement pour de multiples raisons (nourriture, travail, affection, sexualité…) et est susceptible d’être profondément modifié par des substances exogènes comme les drogues.

Le système mésocorticolimbique avec les structures neuronales dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale se projetant vers l’amygdale, le noyau acumbens, l’hypothalamus puis vers le cortex préfrontal, constitue ce système de récompense. Celui-ci permet via un jeu de stimulations/rétrocontrôles, d’anticiper des situations de plaisir, de le ressentir, le mémoriser, le renforcer, l’élaborer…il est constamment mis en jeu de manière physiologique et influencé par l’environnement.

Les drogues vont avoir pour effet d’entrainer une hyperdopaminergie et donc une hyperstimulation mésocorticolimbique à l’origine de désordres durables. Lors de la prise de drogue le « flash » va produire un pic de plaisir qui sera mémorisé puis recherché. L’hypodopaminergie, et donc l’hypostimulation à l’arrêt de la prise, engendrera les états de sevrage/manque/craving.

Les récepteurs opioïdes, cannabinoïdes, GABAergiques, cholinergiques du système nerveux central des neurotransmetteurs endogènes comme les enképhalines, cannabinoïdes, GABA, acétylcholine sont également la cible des drogues qui miment l’action de ces neuromédiateurs. Le système va se dérégler par des tentatives d’adaptations dépassées36.

Pour le phénomène de dépendance au sport l’hypothèse serait que l’individu devienne « accro à ses propres endorphines » par la répétition de stimulation dopaminergiques dans le système mésocorticolimbique. Nous pourrions parler d’une auto-addiction avec la surproduction des neuromédiateurs endogènes. C’est un modèle développé chez les coureurs de fond comme une auto-addiction aux enképhalines : ce serait le second souffle chez le coureur, « runner’s high » (Varescon1, p.237-267).

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23 Les différentes addictions dont les comportementales présenteraient donc une reproductibilité biologique. Le type de dépendance dépendrait de facteurs à la fois génétiques, environnementaux, socio-culturels…

2.2

Neuro-imagerie

Le développement de la neuro-imagerie remonte aux années 1990 voire 2000 et a permis de conforter certaines hypothèses neurobiologiques comme le craving ou la mise en jeu du système mésocorticolimbique. L’amélioration constante des techniques employées (IRM, IRM fonctionnelle, PET-scan) permet de décrire de plus en plus précisément les modifications structurelles liées à la dépendance ou les modifications dynamiques de l’activité cérébrale de l’addiction.

Cependant, à notre connaissance, aucune étude à ce jour n’étudie les modifications cérébrales fonctionnelles spécifiques liées à la dépendance à l’EP.

2.3 Modèles psychophysiologiques animaux

L’activité physique est susceptible d’avoir des effets bénéfiques sur des affections psychiques bien que nous ne connaissions pas les mécanismes neurophysiologiques sous-tendant ces effets. Des mécanismes neurobiologiques découverts par les modèles animaux, soutiennent cette hypothèse où l’activité physique influencerait l’état psychique, en suggérant également les potentiels effets néfastes d’une activité inadaptée.

Dishman (1997)37 montre que l’activité physique spontanée est associée à une élévation des concentrations noradrénergiques centrales au repos, à une meilleure déplétion noradrénergique face au stress et à une diminution de la densité de récepteurs GABA centraux. Ces résultats vont dans le sens d’effets positifs via des effets antidépresseurs et anxiolytiques de l’activité physique.

Zheng et al (2006)38 utilisent comme modèle des rats avec une dépression acquise car soumis pendant plusieurs semaines à des stress imprévisibles. Ces rats présentaient en effet des comportements dépressifs comme la baisse de l’exploration spatiale et des fonctions cognitives, une diminution du taux hippocampique de BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor), une augmentation du taux de corticostérone circulante. Certains rats, alors qu’ils étaient soumis à un stress identique, avaient accès à une roue d’exercice. Ceux-ci n’ont pas présenté de comportements dépressifs d’une part, et de modification des taux de BDNF et de

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24 corticostérone d’autre part. Il y a donc un effet significatif de l’activité physique sur les comportements dépressifs d’après les auteurs, pouvant être médié par l’axe hypothalamo-pituitaire-adrénergique et par le BDNF.

Ces études suggèrent donc des mécanismes neurobiologiques expliquant les effets positifs de l’activité physique, mais d’autres études évoquent la potentielle dépendance à l’EP chez les rats.

Ferreira (2006)39a proposé un modèle où les rats avaient libre accès à une roue de course, et suggérait le développement d’une véritable dépendance. La quantité d’exercice était croissante jusqu’à un plateau atteint en 30 jours. Les rats « hauts coureurs » étaient distingués des « bas coureurs ». La dépendance et le sevrage (rebond d’activité suite à une privation d’exercice) étaient significativement supérieurs chez les rats « hauts coureurs » qui étaient également davantage sensibles au stress (Test à l’amphétamine). La recherche de sensations n’était pas ressortie comme un facteur prédictif pour la dépendance à l’EP bien qu’elle soit modifiée par l’activité physique. Les résultats de ce modèle suggéraient qu’une dépendance à l’EP sans intervention pharmacologique était possible chez ces rats qui, par ailleurs, n’avaient pas tous le même risque de développer cette dépendance. Ils soulignaient également le développement d’une vulnérabilité probable à une dépendance pharmacologique chez les rats « hauts coureurs ».

Kanarek et al (2009)40 montrent que l’intensité des symptômes de sevrage, induits par la

Nalaxone, est directement proportionnelle à l’intensité de la course chez une population de rats ayant libre accès à la course. La Nalaxone, antagoniste opioïde, déclenche en effet un syndrome de sevrage chez les rats actifs et non chez les rats inactifs. Les résultats suggèrent que la dépendance à l’EP pourrait impliquer des circuits neurobiologiques communs avec d’autres addictions, avec l’apparition d’un syndrome de sevrage sous antagonistes des récepteurs aux opiacés. D’autres auteurs confirment ces résultats41. Les rats « hauts coureurs » soumis à une restriction alimentaire augmentaient d’avantage leur activité et présentaient des symptômes de sevrage plus intenses. Les auteurs soulignent le véritable syndrome de sevrage de l’activité physique et suggèrent une association entre la dépendance à l’EP et les troubles du comportement alimentaire.

Dellu et Piazza(1996)42 évoquent que la recherche de sensations plus ou moins marquée chez l’homme pourrait être impliquée dans le processus addictif en général. Pour justifier cela ils expliquent que chez les rats, les différences d’attrait pour la recherche de

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25 nouveautés/sensations influenceraient la réponse adaptative à un environnement plus ou moins complexe ou inhospitalier. Les rats à « haute réactivité», chercheurs de sensations, sont prédisposés à la prise de médicaments (auto-administration d’amphétamines), ils ont une sensibilité plus élevée au renforcement positif par la nourriture, ils ont une activité dopaminergique dans le noyau accumbens plus élevée (au repos ou après stimulation), et ont une sécrétion de corticostérone prolongée dans une situation de stress. Les auteurs font l’hypothèse que les rats à « haute réactivité » recherchent la nouveauté pour le renforcement corticotrope, mécanisme impliqué dans l’addiction.

L’ensemble de ses études soutient l’idée d’un mécanisme neurobiologique du processus addictif dans la dépendance à l’EP.

2.4

Caractéristiques de personnalités addictives

L’addiction concerne aussi bien des activités ou comportements que des drogues, c’est pourquoi différents auteurs évoquent l’existence d’un « profil » de personnalité addictive (Blaczynski et al., 1985 ; Gossop et Eysenck, 1980 ; Walker, 1992)6. Jacobs en 198643 rapporte que des théoriciens parlent même d’une « base biologique commune» pour une personnalité addictive. Il a réalisé lui-même une théorie générale des addictions selon laquelle cette personnalité est considérée comme un facteur de risque au développement de l’addiction. Le « syndrome de personnalité addictive » se diviserait en deux états : le premier, physiologique, oscille entre un « hypo-éveil » (porterait vers la dépression) et un « hyper-réveil » (vers l’excitation), la tension est donc permanente pour obtenir un état de repos. Cette théorie est proche des postulats sur la recherche de sensation de Zuckerman qui suggère qu’elle est un facteur de risque d’addiction et d’engagement dans des activités à risque. A partir de 1969 Zuckerman développe ce concept comme trait de caractère au sein d’une approche poly-dimensionnelle de la personnalité. La recherche de sensations contribuerait chez les individus présentant un bas niveau d’éveil cortical à atteindre un niveau d’activation optimum, par le biais de stimulations sensorielles recherchées pour elles-mêmes44. Elle regroupe la désinhibition, la recherche de dangers et d’aventures, d’expériences nouvelles, et la susceptibilité à l’ennui. Elle amène donc ces sujets à s’engager dans des activités à risques telles que les sports extrêmes45.

Le deuxième état, psychologique, comprend un sentiment profond d’inadéquation aux pairs, de rejet parental, est associé à un besoin de réussite et de reconnaissance, soutenu par des croyances erronées de toute-puissance sur leurs difficultés. L’engagement dans

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26 l’addiction serait une réponse pour faire face à la souffrance de ces deux états et serait considéré comme une modalité adaptative dysfonctionnelle face au stress.

Ainsi un type de personnalité serait associé à un risque de présenter un trouble addictif, quelqu’il soit (Mathers et Walker, 1999). Certains auteurs ont fait un lien entre un score élevé à l’échelle de dépendance à l’exercice et des scores élevés pour certains traits de personnalités comme l’extraversion et le névrotisme (Hausenblas et Giacobbi, 2004). Toutefois d’autres études donnent des résultats contradictoires6.

Cette notion de personnalité addictive peut donner des éléments étayant une approche intégrative de l’addiction. Cependant les recherches concernant l’existence de dimensions de personnalité à risque de développer une dépendance à l’EP se sont montréesdivergentes46,47.

2.5 L’approche psychanalytique

Volle et Seznec48 abordent la question de la dépendance à l’EP sous un angle psychanalytique : selon eux l’impact de la rupture sportive et psychique de deux anciens sportifs de haut niveau pourrait être à l’origine d’addiction de remplacement. L’arrêt de carrière des deux sportifs marque en effet la fin de la recherche identitaire, quasi pathologique, du sujet au travers de sa pratique sportive, ce que l’on retrouve dans les fonctionnements de type état limite. Deux mondes distincts entourent ces sujets: la famille sportive d’adoption et la cellule familiale. Les auteurs se posent la question d’une dissociation de ces deux mondes sur un plan psychique. L’arrêt du sport serait alors équivalent à une perte totale de soi-même et entrainerait une angoisse de séparation, puis une probable chute dans un vide social et addiction à des substances.

Szwec (1998) évoque dans son livre « les galériens volontaires »49 différents concepts pouvant apporter un éclairage sur les mécanismes de la dépendance à l’EP. Les procédés auto-calmants en font partie et sont à comprendre comme un comportement et donc comme un moyen d’action sur la relation d’objet quand les moyens psychiques mentalisés font défaut. Ils sont également à comprendre comme un arrêt, dans et par la répétition, de la résurgence de l’événement ayant eu initialement des effets traumatiques. Quand les fantasmes, autrement dit les capacités de liaisons psychiques ne sont pas possibles, les liaisons se font alors à un niveau comportemental pour retrouver le bercement maternel, qui n’a pas donné lieu, dans la petite enfance, à une introjection psychique de qualité suffisante. Les gestes répétitifs pourraient être une forme « d’auto-bercement ».

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27 Les sportifs ont recours aux procédés auto-calmants substitutifs par la recherche répétitive de l’excitation, voire la recherche de traumatismes, de manière volontaire ou par la répétition de mouvements. L’objectif est de donner un objet (au travers d’un environnement hostile) à une angoisse de détresse diffuse préexistante (dans le registre des angoisses archaïques). Les procédés auto-calmants sont une nécessité imposée par la détresse et non par l’angoisse objectale, leur mise en œuvre est liée à une surexcitation inintégrable, à une névrose traumatique sous-jacente. Ces procédés peuvent être interprétés comme une compulsion à vivre des états de détresse : ainsi les sportifs pourraient chercher à répéter les traumatismes pour tenter de les maitriser. Ils mettent leur corps à l’épreuve, jusqu’à un état de « désaide », « Hilflosigkeit », afin d’arriver à un stade où il n’y a plus rien à faire pour s’aider soi-même. Mais ils persévèrent malgré tout, pour se prouver qu’ils maitrisent leur corps et l’effort. La répétition d’un événement traumatique peut être considérée comme une modalité défensive pour tenter de maîtriser la situation en se donnant un rôle actif et ne pas être une victime passive.

Szwec prend l’exemple d’un marathonien : il fait le lien entre l’enfance du sportif pendant laquelle le père était absent, déprimé, la mère le battait, et ses symptômes névrotiques à l’âge adulte. Enfant, ce marathonien a vécu un désert affectif en état de détresse continue et d’insécurité. Dans la course, il chercherait à reproduire cet état, à en retrouver, éprouver les sensations. Ce marathonien serait l’exemple de ces « adultes traumatisés qui cherchent (toujours et encore) à aider les nourrissons désespérés qu’ils ont été. Ils cherchent l’abréaction rétroactive impossible à trouver des états de détresse qu’ils ont vécus et des souffrances autrefois endurées sans aucun secours dans un désarroi profond qui les ont définitivement marqués » (p47-48).

Les sportifs de l’extrême sont peut-être en train de revenir sur d’anciennes souffrances sans solutions, des désarrois très archaïques pour tenter de les conjurer. Ils peuvent alors atteindre le calme attendu de l’épuisement, mais sans parvenir à la satisfaction. La douleur, bien que fréquemment ressentie par les sportifs lors de leur pratique, n’est souvent pas suffisante pour interrompre l’activité physique. Elle peut être comprise comme un auto-sadisme anobjectal au travers de la recherche d’un besoin musculaire douloureux.

Lorsque les divers moyens de mise à distance des souffrances échouent, que le manque d’intériorisation de l’objet est trop réel, des comportements d’auto-sabotages comme l’anorexie, la boulimie ou la toxicomanie peuvent être utilisés pour tenter tout de même cette distanciation. Philippe Jeammet souligne « le risque que ces conduites s’auto-renforcent

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28 et que se reconstitue à leur égard la même relation de dépendance que l’enfant fuyait avec ses parents ». Il explique que « contrairement aux relations objectales, elles n’assurent aucun réapprovisionnement narcissique et (…) le bénéfice de maitrise qu’elles procurent n’a d’issue que dans le renforcement permanent de la conduite tandis que s’accroissent le vide intérieur et le besoin des objets »50 (p. 70). Ces conduites cherchent à mettre à distance l’objet en supprimant les liens avec lui et à devenir « des activités délibinalisées, de plus en plus mécaniques et sans activité fantasmatique sous-jacente ».

2.6 Autres approches métaphychologiques

La théorie de l’attachement propose également un éclairage sur la compréhension de la dépendance à l’EP. Les troubles infantiles comme les attachements insécures, évitants ou ambivalents, pourrait entrainer des difficultés d’individualisation au jeune âge adulte. Ces difficultés seraient à l’origine d’une tendance à préférer un objet de dépendance apparemment maitrisable et permettant des stimulations prévisibles, répétables à l’envie : l’addiction, à des relations interpersonnelles trop compliquées.

D’un point de vu psychosomatique le comportement addictif privilégierait la sensorialité au détriment de la représentation, comme une conduite auto-excitante51. Cette vision est assez comparable à la lutte contre l’alexithymie décrite dans l’abord cognitivo-comportemental de la dépendance à l’exercice physique.

D’autres auteurs ont proposé l’activité sportive comme une lutte contre la passivité, une « phobie de la position assise »1, un renforçateur narcissique par reconnaissance des pairs et modification du corps. Sur un plan pulsionnel le sport permettrait d’éprouver un sentiment de toute puissance. La question se pose alors des limites physiologiques du corps : le sujet chercherait à les repousser, arriverait alors le surentrainement, le dopage afin de maintenir les effets recherchés et d’éviter le sevrage et donc le manque.

Les approches cognitivo-comportementalistes sont basées sur le ressenti du sujet au décours de l’effort au travers de la régulation émotionnelle et de l’éprouvé corporel. La dépendance à l’EP constituerait l’aboutissement de comportements répétés de manière stéréotypée afin d’obtenir (ou de maitriser) ces ressentis. On peut alors comparer la dépendance à une rigidité adaptative face au stress.

La régulation émotionnelle passerait donc par la recherche du « flow »52 (Csikszentmihalyi, 2004) par les sportifs : état émotionnel obtenu lors de l’activité sportive

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29 (bien-être, perception modifiée de la réalité). Le comportement sportif permettrait de modifier la conscience de soi, processus renforcé par les transformations corporelles, et qui va contribuer à renforcer l’estime de soi1. L’exercice physique pourrait aussi constituer une fuite de la conscience de soi, visant à éviter les affects négatifs par l’épuisement physique. Ainsi la régulation émotionnelle permise par l’activité sportive pourrait être très efficace dans le traitement des troubles dépressifs et anxieux53,54.

Zuckerman, à partir de 1969, développe le concept de « recherche de sensations » comme un trait de caractère au sein d’une approche poly-dimensionnelle de la personnalité, qui regroupe 4 facteurs : désinhibition, recherche de dangers/d’aventures, d’expérience nouvelles, susceptibilité à l’ennui. Elle contribuerait, par le biais de stimulations sensorielles recherchées pour elles-mêmes, à atteindre un niveau d’activation optimal pour les personnes avec un bas niveau d’éveil. La prise de risque consentie souligne l’importance du ressenti émotionnel brut au détriment de l’élaboration de celui-ci. Plusieurs hypothèses neurophysiologiques sous-tendent l’existence d’un lien entre recherche de sensation et dépendance : des « rats chercheurs de nouveauté » auraient une hyperdopaminergie mésocorticolimbique face aux stimulations et au stress44, comme dans les addictions36. D’autre part il existerait une relation

inverse entre les taux de Mono-Amine-Oxydase (MAO) et la recherche de sensation ainsi que l’impulsivité et la psychopathie. Un taux bas de MAO serait à l’origine d’une dysrégulation dopaminergique, par hyperdopaminergie réactionnelle face au stress44. La recherche de sensation pourrait être un facteur de risque de dépendance à l’exercice, notamment dans le cas des sports extrêmes.

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Chapitre 3 : Prise en charge de la dépendance à l’EP

La dépendance à l’EP est actuellement reconnue comme une addiction comportementale et donc comme une pathologie nécessitant des soins. Comme toute addiction il est important de la prévenir auprès des populations à risque et de sensibiliser les professionnels de santé rencontrant ces dites populations à cette entité clinique et à ses co-addictions. Il est également important de repérer et de prendre en charge les comorbidités associées.

Il n’existe pas de prise en charge spécifique de la dépendance à l’EP, les outils utilisés sont ceux validés dans d’autres addictions. Le premier temps des soins inclut la prévention : informer les sportifs du caractère potentiellement néfaste d’une pratique sportive intensive. Le repérage des sportifs à risque doit être effectué par des professionnels sensibilisés et formés à cette question. Les sportifs « à risque de dépendance à l’EP » consultent rarement pour diminuer leur pratique mais plutôt pour des symptômes relevant de comorbidités ou de sevrage à l’arrêt de la pratique55.

Toutefois la dépendance à l’EP ne pourra être travaillée avec le sportif que s’il la reconnaît comme existante et source de souffrances, un travail motivationnel56 en plusieurs phases est primordial. Le premier temps est donc consacré à une aide pour la reconnaissance du trouble par le sportif, lui permettant le passage d’une attitude de déni à un engagement dans les soins (stades précontemplatif, contemplatif, préparatif). Il sera alors ensuite possible au sujet d’élaborer et d’acquérir des compétences lui permettant de modifier son comportement (changements actifs), de s’engager dans des soins. La dernière phase sera de permettre le maintien et le renforcement de ces changements (stades de maintien et de stabilisation). Il est important de comprendre le sportif dans son contexte de vie : les facteurs fragilisant, de risque (relations socio-professionnelles et familiales…), les facteurs de protections (régulation des émotions, résilience…), potentiels comportements de dopage.

S’il n’existe pas de prise en charge spécifique de la dépendance à l’EP, quelques particularités sémiologiques peuvent l’orienter. Les soins possibles lorsque le sportif se reconnaît patient, sont d’ordre psychothérapeutiques. Il n’y a pas à ce jour de traitement médicamenteux spécifique de la dépendance à l’EP, que ce soit pour le sevrage ou pour le maintien de la réduction de l’activité sportive. Berczik évoque l’apprentissage de l’autocontrôle et de la modération56, Kern parle d’un travail nécessaire sur la flexibilité cognitive et l’estime de soi55. Comme dans d’autres addictions comportementales, l’objectif

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31 de la prise en charge ne sera pas l’abstinence mais une pratique contrôlée du comportement, ici de l’activité physique. Celle-ci est reconnue comme bénéfique pour la santé lorsqu’elle est pratiquée avec modération. Que le sportif soit par exemple capable de respecter une interdiction médicale de sport ou de vivre sans souffrance un sevrage d’activité physique pour raisons professionnelles. Un sevrage d’EP pourra donc être particulièrement accompagné, des activités physiques alternatives peuvent être suggérées, permettent de solliciter d’autres groupes musculaires et tendineux, d’autres articulations, ce qui contribue à diminuer les risques de dépendance à l’EP57 et de réguler les affects sans les conséquences négatives. Il est également important de rechercher et de traiter d’éventuelles comorbidités associées à la dépendance à l’EP : un trouble anxio-dépressif, une co-addiction (alcool, cannabis), un trouble du comportement alimentaire... Chacune de ces pathologies demande des soins spécifiques. La présence d’un trouble du comportement alimentaire modifie le rapport du sportif à l’activité physique et donc précise le type de dépendance à l’EP. L’approche thérapeutique est par conséquent particulière et demande une prise en charge pluridisciplinaire spécifique.

Différents types d’approches psychothérapeutiques sont possibles et leur indication dépend de la sensibilité du sportif. Celui ayant des capacités d’élaboration pourra bénéficier d’une thérapie par exemple analytique, celui, plus alexithymique, pour qui l’accès et la verbalisation d’émotion sera plus difficile, profitera d’avantage de thérapies cognitivo-comportementaliste, de méditation pleine conscience ou médiées par le corps.

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Partie 2: Etude Clinique

1 Introduction

L’activité physique régulière a prouvé ses effets bénéfiques pour la qualité et l’espérance de vie, la prévention de nombreuses maladies physiques et psychiques18. Pourtant depuis quelques dizaines d’années des soignants rapportent également que cette activité pratiquée avec excès peut avoir des effets néfastes dont le développement d’une véritable dépendance avec les symptômes typiques comme le craving, la tolérance, le sevrage, la poursuite du comportement malgré les conséquences négatives... L’objet de cette thèse était de poursuivre le travail observationnel sur le lien entre la dépendance à l’exercice physique (EP) et une population spécifique de sportifs, les athlètes. La première partie ci-dessus expose l’état des connaissances actuelles sur le sujet de la dépendance à l’EP au sens large. La littérature nous confirme que la population générale n’est pas comparable aux populations de sportifs qui ne sont elles-mêmes pas comparables en fonction du sport pratiqué. La prévalence de la dépendance à l’EP est très variable en fonction de la population étudiée, de l’échelle utilisée, de la présence ou non de trouble du comportement alimentaire (TCA). C’est pourquoi nous avons choisi de réaliser notre étude sur la population spécifique des athlètes qui pratiquent une activité physique et d’endurance, d’intensité et de caractéristiques similaires en fonction de la discipline choisie. Qu’ils soient marathoniens, triathlètes, s’entrainant pour des trails, Ironman ou autres activités d’endurance, les sportifs sont exposés à une pratique physique soutenue. Nous avons choisi pour cette étude épidémiologique, observationnelle et transversale, une échelle facile et rapide d’utilisation, validée, multidimensionnelle et intégrative qui permet de prendre en compte la diversité du syndrome : l’Exercise Addiction Inventory (EAI). Cette échelle permet de dépister mais pas de poser un diagnostic de dépendance à l’EP. Les facteurs de risques de la dépendance à l’EP sont mal connus, que ce soit des comorbidités psychiques ou des traits de personnalité comme la recherche de sensations. Les liens sont divergents entre la dépendance à l’EP les comorbidités psychiatriques comme la dépression et l’anxiété46. Un fort lien avec les TCA a déjà été montré par de nombreux auteurs qui, soit considèrent la dépendance à l’EP comme secondaire à un TCA, soit considèrent le TCA comme un symptôme de la dépendance à l’EP dans un objectif de performance. Cette dimension est donc importante à prendre en compte lorsque nous nous intéressons à la dépendance à l’EP.

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33 L’objectif principal de cette étude est de définir la prévalence de la dépendance à l’exercice physique dans cette population particulière de sportifs intensifs et de rechercher quels sont les retentissements psychiatriques notables, les comorbidités addictives et psychiatriques qui s’y associent, comme les troubles anxieux et ou dépressifs, une consommation à risque d’alcool ou de cannabis, un TCA. Ces caractéristiques permettraient d’établir des validateurs externes qui viendraient souligner les différences entre sportifs avec une pratique sportive intensive bien tolérée, des sportifs dont la pratique provoque une dépendance. Ces validateurs pourraient faciliter le repérage des sujets à risque.

2 Matériel et méthode

2.1 Population

Il s’agit de sportifs adultes pratiquant une activité physique régulière et cadrée (dans des clubs de sport d’endurance en France) ou de manière spontanée. Nous incluons seulement les personnes majeures, quel que soit leur sexe, pratiquant un sport d’endurance de type athlétisme (marathon, triathlon, trail, Ironman…) du fait de l’importance en terme de quantité et de l’intensité des entrainements généralement réalisés par ces sportifs.

2.2 Objectif de l’étude :

Nous nous étions fixés comme objectif pour ce travail de thèse de définir quelle était la prévalence de la dépendance à l’EP chez les sportifs avec une pratique intensive et de rechercher quels étaient les retentissements psychiatriques ou comorbidités (EDM, anxiété, comorbidités addictives toxiques et comportementales dont l’addiction au sport…) chez ces sportifs à risque de dépendance. Autrement dit, nous recherchions des validateurs externes qui viendraient confirmer la différence clinique nette entre abuseurs et dépendants et donc permettre de les repérer.

2.3 Hypothèses

Pour répondre à cet objectif nous formulons trois hypothèses :

a. Nous faisons comme hypothèse que les sportifs à risque de dépendance à l’EP ont une pratique physique intensive importante mais que la relation n’est pas linéaire entre l’intensité de la pratique et l’intensité du risque de dépendance à l’exercice physique. Nous avions en effet pu constater (Poulnais, 2015) cette caractéristique de la dépendance à

Figure

Figure 2 : Score à l’EAI selon les troubles dépressifs
Figure 3 : Score à l’EAI selon les troubles anxieux
Tableau 2 : Nombre de sportifs avec ou sans risque de TCA, « à risque de dépendance » ou « symptomatique »
Figure 5 : Score à l’EAI selon la présence de douleur en lien avec la pratique sportive la semaine précédant la  réponse au questionnaire
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Références

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