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Stratégies durables pour un service public d’eau à Paris : analyser et gérer les politiques d’hier, d'aujourd'hui et de demain

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-01150236

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01150236v3

Submitted on 22 Feb 2016

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Stratégies durables pour un service public d’eau à Paris :

analyser et gérer les politiques d’hier, d’aujourd’hui et

de demain

Julien Souriau

To cite this version:

Julien Souriau. Stratégies durables pour un service public d’eau à Paris : analyser et gérer les politiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Environnement et Société. L’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (AgroParisTech) - CIRED, 2014. Français. �NNT : 2014CIRED35024�. �tel-01150236v3�

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N°: 2009 ENAM XXX

Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED)

45 bis, Avenue de la Belle Gabrielle, FR-94 736 Nogent-sur-Marne

présentée et soutenue publiquement par

M. Julien SOURIAU

le 4 novembre 2014

Stratégies durables pour un service public d’eau à Paris

Analyser et gérer les politiques d’hier, d'aujourd'hui et de demain

Doctorat ParisTech

T H È S E

pour obtenir le grade de docteur délivré par

L’Institut des Sciences et Industries

du Vivant et de l’Environnement

(AgroParisTech)

Spécialité : Science politique (sociologie politique)

Directeur de thèse : M. Bernard BARRAQUE

Jury :

M. Rémi BARBIER, Professeur de sociologie, directeur de l’UMR GESTE, ENGEES Rapporteur M. Bernard BARRAQUE, Directeur de recherche émérite, CNRS-CIRED Directeur de thèse M. Gabriel DUPUY, Professeur en urbanisme, Université Paris 1 Président du jury Mme Géraldine PFLIEGER, Professeur en politiques urbaines, Université de Genève Rapporteur M. Mathieu SOUQUIERE, Directeur du Développement, EAU DE PARIS Examinateur M. Jacques THEYS, ancien Directeur de la Mission Prospective, MEEDDAT Invité M. Sébastien TREYER, Directeur des programmes, IDDRI Examinateur

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"Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre

écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Décider de ne rien faire, c’est décider d’accroitre le risque d’effondrement." (MEADOWS et al., 1972 : 286)

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L’école doctorale ABIES et l’établissement public Eau de Paris n’entendent donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse doctorale. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Remerciements

Je souhaite remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué à cette thèse et au plaisir que j’ai eu à la mener à son terme.

Mes remerciements vont tout d’abord à Bernard BARRAQUE : je pouvais difficilement rencontrer "par hasard" quelqu’un de plus inspirant et émérite pour encadrer ce travail de recherche. De même, j’ai eu la très grande chance que cette thèse soit réalisée au sein de l’équipe du projet de recherche EAU&3E : enseignants-chercheurs et doctorants de Bordeaux, Strasbourg, Montpellier et Paris, dont les connaissances et les réflexions ont été précieuses sur le plan intellectuel comme sur le plan amical tout au long de ces quelques années.

Mes remerciements vont aussi aux membres de mon jury de thèse, qui ont bien voulu prendre de leur temps pour lire ce document et pour l’évaluer.

Ce travail de recherche n’aurait pas vu le jour sans le soutien financier apporté par l’opérateur public Eau de Paris, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et par l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT). Je tiens notamment à remercier François CARLIER et Armelle BERNARD SYLVESTRE, ainsi que toutes les personnes au sein d’Eau de Paris qui m’ont accordé leur soutien et qui m’ont donné accès à leurs archives et à leur avis. Il me tient beaucoup à cœur de remercier aussi ma famille de naissance, à qui je suis éternellement redevable, ainsi que la famille bis formée par la joyeuse équipe de la salle des doctorants de l’ENGREF, avec qui j’ai partagé quotidiennement ces quelques années de thèse : Benoît, Karine et Laure, puis Olivier, Suzanne (relectrice assidue) et Pauline, Clément, Manu, ainsi que les inoubliables stagiaires. Un grand merci également à Chinh pour sa magie informatique, à M. BREGER pour sa dialectique, à Mme FIERS et à M. SELVAM pour leur disponibilité ; à Patricia pour tous les livres ; à Samuel pour m’avoir laissé entrer à l’ENGREF tous les jours et à Emmanuel pour m’avoir permis d’en ressortir libre à des heures trop tardives certains soirs. Mes remerciements vont enfin à mes ami-e-s pour leur soutien et pour leurs encouragements, en particulier à Ana qui m’a accompagné tout au long de cette thèse.

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Table des matières

INTRODUCTION...9

PREMIERE PARTIE : CADRE D’ANALYSE GENERAL ... 17

CHAPITRE 1 :ETUDIER LE SERVICE D'EAU COMME UNE ACTION PUBLIQUE...18

Section 1 : Inscription disciplinaire et positionnement épistémologique ... 18

Section 2 : Etudier un service public d’eau ...25

Section 3 : L’acteur et le système… et les choses...34

Section 4 : Temporalité, effets cumulés et pouvoir politique ...44

CHAPITRE 2 :DEFINIR ET EVALUER LE DEVELOPPEMENT DURABLE... 55

Section 1 : Méthodologie proposée...56

Section 2 : Définir la durabilité d’un système...64

Section 3 : Articuler sa propre durabilité avec celle des autres ...75

Section 4 : La durabilité, une capacité politique ...87

DEUXIEME PARTIE : LE DEVELOPPEMENT PASSE EST-IL DURABLE ? (ANALYSE RETROSPECTIVE) ...96

CHAPITRE 3 :COMPRENDRE LE DEVELOPPEMENT D’UN SERVICE PUBLIC D’EAU A PARIS. 97 Section 1 : Pourquoi un service public d’eau s'est développé à Paris ...98

Section 2 : Histoire de l’approvisionnement en eau à Paris ... 108

CHAPITRE 4 :ANALYSER LA DURABILITE DU DEVELOPPEMENT PASSE... 151

Section 1 : Stratégies pour être capable de durer... 152

Section 2 : L'épuisement de ce régime de développement historique... 158

Section 3 : Les limites à la croissance ? ... 172

TROISIEME PARTIE : LE DEVELOPPEMENT ACTUEL EST-IL DURABLE ? (ANALYSE CONTEMPORAINE) ... 188

CHAPITRE 5 :COMPRENDRE LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT DURABLE ACTUELLE..189

Section 1 : Expliquer cette politique de développement durable ... 190

Section 2 : La politique de développement durable du service public d’eau à Paris ... 200

CHAPITRE 6 :ANALYSER LA DURABILITE DE CETTE NOUVELLE POLITIQUE... 232

Section 1 : Politiques de développement durable et durabilité ... 233

Section 2 : Gouverner -et être gouverné- par des indicateurs... 238

Section 3 : Contrepoint : le cas du service public d’eau de Madrid... 254

QUATRIEME PARTIE : LE DEVELOPPEMENT A VENIR EST-IL DURABLE ? (ANALYSE PROSPECTIVE) ... 263

CHAPITRE 7 :LES GRANDES SOLUTIONS PREVUES SONT-ELLES DURABLES ? ... 264

Section 1 : Principales solutions envisagées ... 265

Section 2 : mutualiser et croître : le Grand Paris et l’eau potable... 278

CHAPITRE 8 :QUEL(S) SERVICE(S) D’EAU A PARIS A L’AVENIR ? ... 299

Section 1 : Proposer une étude prospective de l’avenir ... 300

Section 2 : Explorer l’avenir par divers scénarios possibles ... 313

CONCLUSION : LE SERVICE PUBLIC D’EAU A PARIS EST-IL DURABLE ? ... 333

PRINCIPAUX RESULTATS... 333

DISCUSSION : LIMITES ET PERSPECTIVES... 340

ABREVIATIONS... 344

BIBLIOGRAPHIE... 347

TABLE DES MATIERES DETAILLEE...371

INDEX DES TABLEAUX ET DES FIGURES... 378

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INTRODUCTION

"Comment ces réseaux naissent-ils, se développent-ils et, éventuellement, disparaissent-ils ?" (OFFNER, 1993: 11)

1. Contexte général

Le service public d’eau potable qui est actuellement disponible en France est l’un des plus développés au monde. Ses modalités de production et la qualité du service fourni font figures de réussites (CAS, 2013: 2), au point qu’ouvrir un robinet et disposer à tout instant d’une eau potable nous semble être devenu une évidence, un acquis, quelque chose de presque naturel (GARIEPY et MARIE, 1997: 15).

Cette normalité apparente est pourtant bien plus récente et singulière qu’on pourrait le croire. En effet, disposer d’un tel service d'eau a longtemps été un luxe réservé à une minorité d’usagers privilégiés, y compris en France. Prenons le cas de Paris : cette ville existe depuis près de 2000 ans, mais jusqu’à la fin du XIXe siècle la grande majorité de la population parisienne n'avait accès qu'à une eau trouble, puisée à même la Seine, dans des milliers de puits souvent pollués et dans quelques rares fontaines publiques souvent asséchées ; une eau acheminée à dos d’homme ou par charrette jusqu’aux usagers1… Or en quelques générations à peine ce service d'eau est devenu un

service collectif, fortement centralisé, reposant sur d’imposantes infrastructures techniques, régulées par une organisation complexe, captant d’immenses quantités d’eau à 100 km à la ronde de Paris, rendues potables et accessibles à près de 3 millions d'usagers par jour.

Le service public d’eau actuel est donc l’ultime étape d’une longue série d’évolutions déjà anciennes : il est hérité du passé, tout comme il constitue un héritage pour l’avenir. Or l'avenir de ce service public d’eau soulève des inquiétudes croissantes : les ressources naturelles en eau sont de plus en plus dégradées (quantité et qualité) ; les infrastructures techniques vieillissent et doivent constamment être renforcées ; le coût total du service d’eau augmente plus vite que l’inflation tandis que les recettes des opérateurs stagnent, et le prix moyen de l'eau s’envole, au risque de limiter l'acceptabilité et l’accessibilité de ce service d'eau pour les ménages les plus démunis ; la confiance dans la qualité de l’eau distribuée s'amenuise, l’efficacité des opérateurs et la légitimité du mode de gestion font l'objet de critiques croissantes, etc. (BARRAQUE, 1998 ; 2009). Cette crise, si elle s’aggravait, pourrait à terme remettre en cause le fonctionnement des villes telles que nous les connaissons, voir menacer leur pérennité.

1 Jusqu'en 1949 – il y a 65 ans à peine –, 50% des logements à Paris n'étaient toujours pas dotés de salle de

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C’est là un étrange paradoxe de notre époque : nous bénéficions d'un service d'eau de plus en plus développé, mais nous nous inquiétons de plus en plus pour sa capacité à durer : sa durabilité.

2. Question de recherche et problématique 2. 1. La question initiale

Face au constat ci-dessus, nous posons la question de recherche suivante : le développement actuel du service public d'eau potable à Paris est-il durable ?

Au cours de la dernière décennie, une abondante littérature académique et professionnelle s'est constituée autour de la question du développement durable (BOUTAUD, 2005 ; THEYS et al. 2009), proposant une "infinité croissante" de théories, de méthodes d’analyse, d'études de cas, et de solutions diverses. De même, la question du développement durable des services d’eau a aussi été abordée sous des angles très divers : gestion de la ressource en eau, gestion du patrimoine technique, performance, mode de gestion (ex: public-privé), moyens de financement, territoire optimal, tarification sociale, gouvernance, etc. (BARRAQUE, 1998 ; CAMBON, 1996 ; CANNEVA et LEJARS, 2008 ; CFE, 2009 ; PEZON, 2006 ; 2008).

En apparence, la situation serait relativement simple : le développement durable ? Tout le monde en parle, tout le monde est "pour", tout le monde en fait déjà… Cependant, dans la pratique on observe plutôt que "chacun tâtonne en s’efforçant d’introduire de la réflexion sur le développement durable dans

sa démarche habituelle de conduite de projet" (VOIRON-CANICIO, 2005: 2), souvent sans trop savoir

quoi faire, ni si cela sera pertinent, efficace ou suffisant. De plus, diverses résistances viennent visiblement limiter la concrétisation des projets de développement durable annoncés.

2. 2. Une analyse du changement

Dans cette thèse, nous nous intéressons à la question du développement durable, appliquée à un cas concret : le service public d'eau, avec Paris comme principal terrain d’étude.

Par service d’eau, nous entendons de façon générique toute action d’approvisionner en eau, par divers moyens, une population donnée sur un territoire donné. C'est donc une action collective2, qui

ne se limite pas à l'auto-approvisionnement individuel en eau : il s'agit d'une construction éco-socio-technique plus ou moins complexe, qui peut être observée lorsqu'il y a un regroupement humain. Ce qui change selon les lieux et les époques, c'est la configuration des moyens utilisés

2 Service d’eau : action collective qui assure "tout ou une partie de la production [...], de la protection du point de

prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d’eau destinée à la consommation humaine" (art.

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(hydrologiques, techniques, économiques, institutionnels, organisationnels, politiques, etc.) et des résultats de cette action collective, plus courrament appelée le développement d’un service d’eau. Plus précisément, cette thèse s'intéresse à une configuration plus spécifique : le service public d’eau actuel, une action collective qu'il nous faudra caractériser, et dont nous souhaitons analyser si le développement est durable ou pas.

Par développement durable, nous faisons référence au projet qui a émergé à la fin du XXe siècle face aux conséquences environnementales et sociales du développement industriel. Si le contenu précis de ce projet fait encore débat (cf. infra), convenons que tout développement "durable" propose a minima de dépasser le développement "tout court" qui était mené jusqu'à présent. Quelle que soit la définition retenue, le développement durable porte invariablement sur la question du changement/non changement (KATZNELSON, 1997:85 ; PIERSON, 2004: 103). D’une part, il porte sur la question du changement, car son objet est par définition de changer le développement passé pour le rendre "durable". D’autre part, il porte – paradoxalement – sur le

non changement, car tout développement durable vise aussi à prolonger le développement passé.

Cette thèse propose donc, en plus d'étudier les solutions envisagées ou envisageables, d’interroger de façon approfondie quels sont les moteurs, freins, inerties, résistances, limites, etc. (NILSSON, 2011 : 7) qui font qu’un développement est durable ou pas. Cette approche dynamique du développement durable permet d'aborder plusieurs questions peu souvent posées : comment un service public d'eau a-t-il pu perdurer pendant les 150 dernières années à Paris, s’il n’était pas déjà

durable avant ? Pourquoi s’intéresse-t-on à sa durabilité maintenant seulement et pas depuis plus

longtemps ? Pourquoi les politiques actuelles peinent-elles à modifier le développement "tout court", alors qu’il existe un si fort consensus en faveur du développement durable ? Sous quelles conditions le futur développement de ce service d’eau sera-t-il durable ?...

Par durable, nous désignons simplement la propriété d'avoir la capacité à durer (cf. infra : chapitre 2). Cette capacité n’est pas figée : elle peut évoluer, s’améliorer comme se dégrader. C’est cette capacité à durer et ses dynamiques que nous proposons d’analyser dans cette thèse, et notamment ses causes : les "forces" qui conditionnent la capacité à durer du service public d’eau à Paris, qui font ou défont sa durabilité. Quelles sont ces "forces" ? Qu'est ce qui les engendre ? Peut on agir sur elles et les orienter ?... Ou pour formuler autrement la problématique de cette thèse : qu'est-ce qui

gouverne

la durabilité de l'action collective de service public d'eau à Paris, et comment la modifier pour en assurer un développement durable ?

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Peu de travaux ont abordé cette question pour l'instant (JUUTI et KATKO, 2005: 52), or y répondre est fondamental pour pouvoir comprendre quelles actions "sur les hommes et sur les

structures" pourront permettre un développement durable d’un service public d’eau à l’avenir.

Cette thèse a ainsi une double finalité : d'une part une finalité académique, celle d’améliorer la connaissance scientifique sur le développement durable et sur les conditions de sa réalisation, ici pour le cas des services d’eau, en particulier à Paris (recherche). D'autre part, une finalité opérationnelle, celle de mettre en pratique ces nouvelles connaissances afin d’améliorer les outils d’aide à la décision et de guider les actions et les politiques menées (action). Ce travail de recherche vise ainsi l'interface entre la connaissance scientifique et la pratique professionnelle.

3. Hypothèses

Pour répondre à notre problématique, nous proposons de discuter plusieurs grandes hypothèses, énoncées ci-après sous une forme affirmative, falsifiable et vérifiable :

- Les méthodes et théories utilisées pour définir/évaluer si un développement est durable manquent trop souvent de fiabilité et d'objectivité. Afin d’éviter que notre propre analyse ne soit subjective (normative, relativiste) ou que descriptive (monographique), il nous faudra démontrer la qualité scientifique et la robustesse de nos propres théories, méthodes et conclusions, et valider leur objectivité à l'épreuve des faits. - Le développement d’un service public d’eau à Paris est une action collective en

partie (in)contrôlée. Le développement durable ne dépend pas des seules stratégies rationnelles des acteurs, ni des seuls déterminismes de divers systèmes (techniques, naturels, institutionnels...), mais d’un ensemble d’interactions complexes entre divers acteurs et ‘actants’, dans un environnement à la fois naturel, technique, social.

- Ces interactions éco-socio-techniques engendrent des configurations et des trajectoires qui contraignent la durabilité du développement étudié. Comprendre ces processus et leurs dynamiques va nous permettre d'identifier comment des évolutions passées contraignent les décisions et les actions présentes et futures, et nous permettre d'évaluer la capacité des politiques actuelles comme de divers projets envisagés pour l'avenir à orienter le service public d'eau à Paris vers un développement durable ou à l'inverse à perpétuer des dynamiques et des trajectoires qui orientent vers un épuisement des systèmes naturels, techniques et sociaux qui serait in(sou)tenable à terme.

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4. Plan de thèse : comprendre, évaluer, prévoir

Afin de discuter ces hypothèses et de répondre à la problématique formulée, notre analyse de la durabilité du développement du service public d'eau à Paris va s’articuler en 4 grandes parties : Partie 1 : cadre d'analyse général : après avoir précisé notre inscription disciplinaire et notre objet d'étude, nous discuterons du choix des méthodes et des théories utilisées pour analyser le développement et la durabilité du service public d'eau à Paris. Ce cadre d'analyse, nous l'utiliserons pour étudier chacune des 3 temporalités du temps long : passé, présent et futur. Partie 2 : comprendre le passé : tout d'abord, nous présenterons une analyse rétrospective du développement passé d'un service public d'eau à Paris, depuis sa création jusqu'à nos jours (ses origines, évolutions, acteurs, dynamiques, trajectoires, etc.). Cela va nous permettre d'étudier quelle a été la durabilité de ce développement par le passé : qu’est ce qui a duré, pourquoi et comment (changements et persistances), et avec quelles implications (conséquences et héritages). Partie 3 : évaluer les politiques présentes : nous compléterons notre étude par une analyse contemporaine, visant cette fois à comprendre dans quelle mesure les politiques actuelles parviennent à modifier les trajectoires passées, pour un développement durable. Nous analyserons notamment les origines des politiques publiques de développement durable, les limites de la démarche RSE actuelle, et le rôle de divers instruments utilisés pour ces politiques. Partie 4 : prévoir le(s) futur(s) : enfin, nous terminerons ce travail de recherche par une analyse prospective sur l’avenir du service public d’eau à Paris. D’une part, nous discuterons des grands projets qui sont actuellement proposés (ex : innovations technologiques autonomes, mutualisations territoriales, tarification sociale) et de pourquoi ils risquent d’apporter des solutions palliatives peu efficaces à terme. D’autre part, nous formulerons des scénarios prospectifs pour plusieurs grandes stratégies de développement qui pourraient encore être suivies à l’avenir, notamment face à la baisse de la demande d'eau observée à Paris depuis 1990, et nous analyserons les conséquences respectives de ces divers scénarios pour l’avenir.

Afin de faciliter la navigation du lecteur dans ce plan en 4 grandes parties, voici une représentation synthétique du cheminement intellectuel qui est proposé dans cette thèse doctorale (cf. Figure 1), sur le quel nous reviendrons plus en détail dans le chapitre 2 (cf. infra).

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Figure 1 : Structuration de cette thèse (inspirée de TREYER, 2006 : 22)

Le développement actuel du service public d’eau parisien est-il durable ? Comment l'évaluer et le mettre en oeuvre? C’est à ces questions que nous proposons d’apporter une réponse dans les suivants chapitres de cette thèse.

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PREMIERE PARTIE : Cadre d’analyse général

"La science ne poursuit jamais l'objectif illusoire de rendre ses réponses définitives ou même probables. Elle s'achemine plutôt vers le but infini, encore qu'accessible, de toujours découvrir des problèmes nouveaux, plus profonds et plus généraux, et de soumettre ses réponses, toujours provisoires, à des tests toujours renouvelés et toujours affinés"(POPPER, 1935: 287).

Comment s'y prendre pour analyser le développement durable d'un service public d'eau ? Dans cette première partie, nous allons présenter notre cadre d’analyse général : les théories et les méthodes mobilisées pour mener notre analyse tout au long de cette thèse.

Dans un premier chapitre, nous allons discuter de l’intérêt et de l’originalité d'inscrire notre travail de recherche dans une approche en sociologie politique, afin d'étudier pourquoi et comment un régime sociotechnique de service d’eau change ou résiste au changement (Chapitre 1 ou C1). Dans un second chapitre, nous allons compléter notre propos en discutant de la méthodologie que nous avons élaborée pour pouvoir définir et étudier le développement durable, et grâce à laquelle nous proposerons de formuler une théorie de la durabilité plus détaillée (C2).

Nous allons présenter et discuter les avantages et les principales limites de ce cadre d’analyse, qui sera ultérieurement complété, en fonction des besoins et des spécificités de chaque chapitre abordé.

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Chapitre 1 : Etudier le service d'eau comme une action

publique

Commençons par présenter quelle est l'approche disciplinaire que nous mobilisons pour mener cette thèse (Section 1 ou S1), avant de préciser notre définition d’un service public d'eau (S2), et enfin de discuter le cadre théorique et méthodologique élaboré pour mener l’analyser (S 3 & 4).

Section

1 :

Inscription

disciplinaire

et

positionnement

épistémologique

1. Inscription disciplinaire

La question du développement durable du service public d’eau à Paris peut être abordée par de nombreuses disciplines. Toutefois, l’approche retenue ci-après offre des perspectives originales.

1. 1. Diversité des approches possibles

Un état de l’art sur 350 recherches françaises portant sur le "développement durable" montre que cet objet d’étude est récent en France (MATE, 2002). Toutefois, un nombre croissant d’auteurs s’intéressent à ce concept, que ce soit en sciences humaines et sociales (SHS), en sciences de la nature ou en sciences des techniques : "chaque discipline a ses propres perspectives sur ce concept" (FABER, et al., 2005). Il en est de même pour le développement durable des services d’eau, qui est aussi abordé par différentes approches disciplinaires (DESTANDEAU, 2004 ; MATE, 2002).

Tableau 1 : Exemples d’entrées disciplinaires sur le développement durable des services d'eau (source : auteur)

Disciplines Exemples d’objets étudiés

Sciences de gestion Mode de gestion public/privé, performance, régulation, contrôle de gestion Économie Financement du service, tarification, rentabilité, économétrie

Psychologie Symbolique, perception de la nature et de l'avenir, comportement individuel Droit Cadre légal, droit à l’eau (accès au service), droit de l’eau (ressource en eau) Science politique Politiques publiques, gouvernement et gouvernance, idéologies, géopolitique

Sociologie Action collective, institutions, pouvoir, instruments de gouvernance Sciences de

l’ingénieur Hydraulique, dimensionnement du réseau, technologies, investissements Physique Résistance des matériaux, mécaniques des fluides, climat, hydrogéologie

Biologie Qualité de l’eau, méthodes de potabilisation, bactériologie

Malgré la diversité des entrées disciplinaires possibles, la question du développement durable des services d'eau était initialement surtout abordée par les sciences de l'ingénieur et de la nature. Toutefois, cette tendance a évolué, et depuis quelques années "une réévaluation radicale du

développement durable semble se profiler" (DAHAN et PINTON, 2008). Les approches

physico-mathématiques sont peu à peu rejointes par des approches de sciences sociales (ex : en économie, science de gestion, science politique, sociologie). Ces dernières sont plus qualitatives et

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interdisciplinaires que les précédentes, et elles sont aussi plus critiques envers le "développement

durable" visé, comme envers les modalités techniques et sociales proposées pour l'atteindre.

Quelle que soit la discipline mobilisée, le développement durable reste un objet d’étude transversal, difficile à appréhender. C’est pourquoi la recherche académique s'oriente vers des approches inter ou pluri disciplinaires. Par exemple, les projets WATER 21 (BARRAQUE, et al., 1997) et EAU&3E (BARRAQUE, 2009) étudient la durabilité de services d'eau en Europe par des méthodes et des outils de l'économie, de science politique, de sciences de l’ingénieur... Certains auteurs proposent même de dépasser les frontières académiques, afin de fonder une nouvelle discipline consacrée au développement durable (TODOROV et MARINOVA, 2009). Cette thèse s'inspire de plusieurs approches pluri/trans-disciplinaires. Et s'il est inutile de trop insister sur l'appartenance à tel ou tel territoire académique (leur définition varie selon les époques et les lieux), il est néanmoins intéressant de préciser quel est l’ancrage disciplinaire de ce travail de recherche, afin d’en présenter l’intérêt et l'originalité, par rapport à d'autres approches possibles.

1. 2. Ancrage disciplinaire

Dans cette thèse, nous avons fait le choix d’aborder le développement durable du service public d’eau à Paris par une approche qui peut sembler surprenante aux yeux des lecteurs plus habitués à une entrée par les sciences de la nature, ou par les sciences de l’ingénieur : la sociologie politique.

1. 2. 1 Une thèse en sociologie

Chaque discipline se singularise par l’objet d'étude qu’elle permet d’appréhender, par les méthodes et les théories qu’elle mobilise, et par les problématiques qu’elle interroge. Cette pluralité des approches possibles permet de développer la connaissance scientifique. Dans cette thèse, pourquoi choisir la sociologie plutôt qu’une autre entrée disciplinaire ? Principalement parce que nous souhaitons mener une étude scientifique du changement et du non changement au sein de la société : des dynamiques, des évolutions et des persistances, ainsi que leurs causes et leurs conséquences… Et c’est précisément ce que propose la sociologie.

En France, la sociologie s’est constituée en discipline académique autour des travaux d’Emile DURKHEIM, qui en a défini un objet d'étude (le fait social3) et des méthodes (étudier les faits

sociaux comme des choses, avec rigueur et objectivité). Toutefois, le social peut être abordé de

diverses façons (cf. ANNEXE), par exemple :

3 Un fait social : "toute manière d'agir, de penser, de sentir, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure; et, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau individuel"(DURKHEIM, 1894: chapitre 1).

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- comme une relation inter-individuelle entre plusieurs acteurs : l’étude du social porte alors sur "les interactions face-à-face entre des êtres humains individuels, intentionnels et réflexifs" (LATOUR, 2006: 281). Cependant, une telle approche permet peu d'appréhender les nombreuses limites de l’action individuelle : rationalité limitée, représentations, règles impersonnelles qui contraignent la façon de penser et d'agir des acteurs, etc.

- comme une "dimension sociale" des phénomènes observés. Le social serait un "ingrédient spécifique", distinct d’autres matériaux. C’est cette approche qui domine actuellement la sociologie (discipline), et que B. LATOUR nomme "science du social". - "Or il existe une autre approche, beaucoup moins connue, qui rejette l’axiome [précédent et affirme] qu’il

n’existe aucune espèce de ‘dimension sociale’, aucun ‘contexte social’, aucun domaine distinct de la réalité auquel on pourrait coller l’étiquette ‘social’ ou ‘société’" (LATOUR, 2006 : 12, 246). Le social est

alors à étudier comme "

ce qui tient ensemble

" et non plus comme la "colle" permettant que cela tienne (LATOUR, 2006 : 63).

C’est cette troisième acception du social – et de la sociologie – que nous retenons pour mener à bien ce travail de recherche. Nous considérons en effet qu’il n’y a pas une "explication sociale" à trouver, mais qu’au contraire "le social n’a jamais rien expliqué puisque c’est lui qu’il s’agit d’expliquer" (LATOUR, 2006 : 139). L’ajout d’une explication "sociale" sera donc soit superflu, soit le signe que l’explication proposée doit être étendue encore un peu plus loin (LATOUR, 2006 : 199).

Plus précisément, nous mobiliserons deux regards sociologiques complémentaires, dont nous discuterons les théories et les méthodes dans les sections ultérieures.

1. 2. 2 Combiner deux grands regards sociologiques

Le premier regard sociologique mobilisé dans cette thèse est celui de la sociologie politique, qui hybride la sociologie (l’étude des individus en interaction et des institutions) et la science politique (l’étude de toutes les formes politiques) (BRAUD, 2002: 17). En particulier, cette thèse s'insccrit dans une approche en sociologie politique de l’action publique : une "sociologie politique qui

s’intéresse à l’articulation de régulations sociales et politiques, aux conflits, aux ressources, […] des gouvernements et des gouvernants" (LASCOUMES et LE GALES, 2004: 9), utile pour étudier les politiques de

développement durable et de service public d’eau, qui constituent deux actions publiques (cf. infra) que nous souhaitons analyser et mieux comprendre.

Le second grand regard sociologique mobilisé pour cette thèse est celui de la sociologie des techniques, de l’innovation, de la traduction, de l’acteur-réseau, etc. : une sociologie des actants (cf. infra : Section 3). Pour B. LATOUR, ces approches ont en commun de revendiquer un

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élargissement de la sociologie à des domaines jusqu’alors réservés aux sciences dites "dures" (sciences de la nature, sciences des techniques, etc.). Rappelons qu'historiquement, "afin de se

creuser une niche, [les sociologues] ont abandonné au début du XIXe siècle les choses et les objets aux scientifiques et aux ingénieurs. [Dès lors] chaque objet se trouvait scindé en deux, les scientifiques et les ingénieurs se taillant la part du lion – efficacité, causalité, connexions matérielles – et laissant les miettes aux spécialistes du ‘social’ et de la dimension ‘humaine’" (LATOUR, 2006 : 119). Cette thèse s’inscrit dans la continuité d'approches

qui franchissent le "seuil interdit par tant de sciences sociales" entre social et non-social (ex : naturel, technique) (LATOUR, 2006 : 170), afin de proposer une analyse à la fois plus riche et plus fine des interactions complexes qui forment le social.

Cette combinaison disciplinaire a pour principal intérêt d’aborder notre objet d’étude (le développement durable du service public d’eau à Paris) au travers d’un ensemble de dynamiques à la fois sociales, techniques et environnementales, etc. pour en proposer une analyse scientifique.

2. Positionnement épistémologique

L’épistémologie peut être définie comme l’étude critique de la formation du discours scientifique : précisons comment nous comptons garantir la rigueur et l’objectivité de cette thèse.

2. 1. Positionnement intellectuel et méthodologique

2. 1. 1 "Objectiver l'objectivation"

Les sciences humaines et sociales (SHS) se distinguent des sciences "dures" (sciences de la nature et des techniques), notamment parce qu’elles ne fournissent pas de preuves expérimentales de

relations de cause à effet reproductibles et prédictives (BRAUD 2002 : 623). En effet, en plus des

difficultés inhérentes à toute recherche scientifique, en SHS l’étude de la "cause efficiente" doit aussi faire face à la "surdétermination" engendrée par le très grand nombre de variables causales possibles du social (ZUCKERMAN, 1997: 282), voir à "l'incertitude radicale" qui caractérise le social. Par conséquent, dans cette thèse nous viserons à identifier les "façons plausibles et fréquemment

observées par lesquelles les choses surviennent" et des "systèmes de facteurs" qui permettent d’expliquer des quasi-déterminismes sociaux, plutôt que des "lois sociales universelles" (PIERSON, 2004 : 6).

Cependant, les SHS peuvent être tout aussi objectives et rigoureuses que les sciences dites "dures", à condition de respecter une "attitude de vigilance épistémologique" particulière (BRAUD, 2002 : 581). Cette vigilance se retrouve par exemple dans la volonté cartésienne de remettre en cause toute connaissance (tabula rasa), ou dans la pratique d’une neutralité axiologique (WEBER, 1919), ou encore dans l’application d’une méthode sociologique stricte (DURKHEIM, 1894).

(24)

Cette neutralité volontaire visée par les SHS connaît cependant plusieurs limites. En effet, la conceptualisation, les biais inhérents au langage, le "filtre" des divers acteurs, l’impossibilité de se détacher complètement d’un contexte social et cognitif, etc. limitent la neutralité réelle du chercheur (BRAUD, 2002 : 584). Après tout, tout effort de distanciation par rapport à un objet d’étude reste, par définition, une relation subjective entre le chercheur et le monde… Par conséquent, la qualité scientifique d’un travail de recherche en SHS gagnera à ce que le chercheur interroge et explicite son propre positionnement : "objectiver l’objectivation"(BOURDIEU, 1980: 49), plutôt que croire – ou laisser croire – en une neutralité axiologique pure, mais idéalisée.

De même, cette vigilance épistémologique peut être grandement améliorée par le sens critique apporté par "l’engagement" (ELIAS, 1993). Précisément, la singularité des sciences sociales n’est-elle pas d'apporter un regard critique sur la "naturalité" des faits observés, comme sur les méthodes et sur les théories mobilisées pour les étudier ? Nous compléterons donc la recherche de la neutralité axiologique par l’objectivation et par un engagement critique : une "proximité

critique" (LATOUR, 2006 : 365) qui renforce l’objectivité et l’intérêt singulier du travail de

recherche en SHS. Voilà pourquoi nous prendrons soin d’expliciter et de baliser la subjectivité liée à la position et aux inclinaisons du chercheur (BRAUD, 2002 : 583) par divers moyens :

- L'étude du passé et d'autres cas d'étude que Paris favorise une distanciation à la fois temporelle et spatiale à notre objet d’étude, renforcée par le fait d’avoir travaillé et vécu plusieurs années dans des pays où les services d'eau ont d’autres formes qu’à Paris.

- Le choix de la sociologie politique favorise aussi cette distanciation, "à la fois comme une

entreprise d’affinement du regard qui permet de voir plus, grâce à la mise en œuvre de techniques d’investigation et de concepts rigoureux, et comme une réflexion constante sur les conditions de validité des résultats" (BRAUD, 2002 : 10-11). Il permet de questionner les relations de pouvoir

sous-jacentes aux choix technico-économiques présentés comme neutres ou a-politiques. - Enfin, si tout chercheur a bien évidemment des préférences et des inclinaisons

personnelles, cela n'empêche en rien un travail rigoureux et scientifique, face aux faits observés, aux théories et aux méthodes utilisées : c’est peut-être là que réside l’esprit même de toute recherche scientifique, quelle que soit la discipline mobilisée.

En somme, nous mobiliserons un outillage méthodologique et théorique scientifique conséquent, afin non pas de prétendre "

prédire

" le social, mais de démontrer l'objectivité et la fiabilité de notre analyse, validée à l'épreuve des faits et des théories (BRAUD, 2002 : 631).

(25)

Dans la pratique, cette vigilance épistémologique va se traduire par une recherche "conquise,

construite, constatée", comme énoncé dans la célèbre formule de Gaston BACHELARD.

Conquise : une première "rupture sociologique" va consister à remettre en cause les termes utilisés dans le langage courant, car ils sont flous et normatifs. C’est en cela que le discours scientifique se distinguera d’autres discours possibles sur la société (ex : discours militant, philosophique, officiel, sociologie spontanée) (BRAUD, 2002 : 587). Parallèlement, une seconde rupture va consister à établir une distanciation critique aussi vis à vis des concepts (ex : service d’eau, développement,

durabilité, service public, justice sociale), et des outils théoriques ou des méthodes de la sociologie. Cette

double rupture sociologique est indispensable pour pouvoir produire un savoir scientifique. Construite : l’étape suivante va consister à une re-construction de notre objet d'étude. La méthodologie durkheimienne insiste pour que le fait social qui est étudié soit théorisé préalablement à l’observation empirique. Pour ce faire, divers outils d’analyse seront utilisés : la théorisation des dynamiques sociales ; la conceptualisation d’idéaux types (WEBER 1919) ou de

réels types pour les décrire (GURVITCH 1977, cité par LOUBET DEL BAYLE, 2001: 166)... Ces

méthodes et théories formeront le cadre d’analyse élaboré pour mener ce travail de recherche. Constatée : enfin, la dernière étape va consister à tester la cohérence, la pertinence et la valeur démonstrative de notre analyse. L’objectivité implique de démontrer la validité de toute hypothèse à l’épreuve des faits (BRAUD, 2002 : 594-595), mais une simple observation de faits empiriques risquerait de reposer sur des postulats peu explicités. Seul un dialogue entre formulation d’hypothèses (théoriques) et observation des faits (empiriques) permet une démarche hypothético-déductive, "ni raison pure, ni expérience pure", que ce tavail de recherche va suivre.

2. 2. Positionnement matériel et pratique

Enfin, la qualité scientifique de tout travail de recherche dépend aussi des conditions concrètes dans lesquelles il a été mené. Précisons quelles ont été ces conditions, et leurs éventuels biais. Le projet de faire cette thèse est né de plusieurs années d’activité professionnelle sur le terrain, face à mes doutes sur la durabilité réelle du développement de services urbains collectifs sur lesquels je travaillais au Mexique, en Inde puis au Vietnam. J’ai souhaité mener une réflexion approfondie sur la notion de durabilité, sur son évaluation, et sur les stratégies qui permettent d’y parvenir. J’ai eu l’opportunité de m’y atteler de 2010 à 2014, grâce à ce travail de recherche. Cette thèse a été financée dans le cadre d'un partenariat entre l’ANRT, l'entreprise Eau de Paris (régie municipale de l’eau à Paris) et le Centre International de Recherche sur l'Environnement et le Développement (CIRED). En raison de ce co-financement, cette thèse a alterné d'une part des travaux de recherche sous la direction de M. Bernard BARRAQUE (CNRS), et d’autre part des

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études menées à Eau de Paris sous la tutelle de M. François CARLIER (responsable du pôle prospective sociale et environnementale, professeur d'économie à l'Université Paris VI).

Ce statut de "sociologue praticien", hybridant vie professionnelle et recherche académique, a favorisé de riches échanges entre des préoccupations opérationnelles et des cadrages académiques approfondis (GAGLIO, 2008), ce qui a pu présenter des avantages comme des inconvénients.

Avantages Inconvénients

- Financement assuré (CIFRE)

- Angle à la fois théorique et opérationnel - Activités d'expertise interne à l'entreprise, réutilisables pour la recherche académique

- L’entreprise a un intérêt limité pour les études qui ne sont pas directement liées à l'opérationnel.

- Les demandes d’expertise donnent peu de temps pour un travail de fond.

- Accès facilité aux informations, documents, personnels de l’entreprise (entretiens, observations participantes, etc.) - Bon accueil par les acteurs de l’entreprise

- Tentation de l'entreprise de contrôler la communication et l'accès aux acteurs externes (problème des SHS en CIFRE ?)

- Certains thèmes font l’objet de rivalités internes au sein de l’entreprise : des zones d’incertitude à étudier.

- Accès facilité à certains personnels externes (partenaires ou autres)

- Perte de "neutralité" du thésard face à certains acteurs externes (réactions biaisées : défiance, sollicitation, etc.) - Limitation des interactions avec certains acteurs externes ("pré carré" réservé, peur d'instrumentalisation). Enfin, cette thèse doctorale a été menée dans le cadre du projet de recherche EAU&3E financé par le programme ANR "villes durables", qui a réuni de 2009 à 2013 plusieurs équipes pluridisciplinaires pour étudier la durabilité des services d'eau dans les grandes villes en Europe (www.eau3e.hypotheses.org).

Pour autant, ce travail de recherche doctoral se veut autonome des milieux professionnels et académiques au sein desquels il a été réalisé. Certes, cette thèse s’est nourrie des travaux de EAU&3E comme des réflexions menées au sein d’Eau de Paris, mais avec un effort de vigilance constant et systématique, vis à vis des informations recueillies, des méthodes et théories utilisables, des orientations proposées et de l’instrumentalisation possible de cette thèse ; une

proximité critique pour assurer l'objectivité de ce travail de recherche.

Ces précisions vont permettre de mieux mesurer l’intérêt et l'originalité du cadre d’analyse proposé dans les prochaines sections, pour étudier le développement durable d’un service public d’eau à Paris.

(27)

Section 2 : Etudier un service public d’eau

"Dans toute société, on trouve un ensemble d’activités considérées comme étant d’intérêt commun et devant être prises en charge par la collectivité : le service public évoque cette sphère des fonctions collectives " (CHEVALLIER, 1987: 3).

1. Définir un "service d’eau"

L'objet d’étude de cette thèse est le développement durable du service public d’eau actuel à Paris. Commençons donc par préciser ce que nous entendons par service d’eau et par service public d’eau.

1. 1. Une action collective

Nous définissons un

service d’eau

comme toute action de mobiliser diverses ressources en eau, par divers moyens, pour fournir de l’eau à divers acteurs, sur un territoire donné. Il ne s’agit donc pas d’une action individuelle (auto-approvisionnement en eau), mais d’une

action collective

: une construction complexe "dont l’existence pose problème et dont il reste à expliquer les conditions d’émergence et

de maintien" (CROZIER et FRIEDBERG, 1977: 15) (cf. infra).

Qu'il s’agisse d’alimenter en eau deux personnes ou plusieurs millions d’individus, une action collective de service d'eau repose toujours sur des éléments qui sont inséparablement naturels (ex : ressources naturelles), sociaux (ex : un cadre institutionnel, forme d'organisation, perceptions, relations de pouvoirs) et techniques (ex : technologie, matériels et logiciels mobilisés). Cette configuration éco-socio-technique d’un service eau évolue dans le temps (NILSSON, 2011 : 6), et nous appelerons "régimes de développement" la succession de configurations relativement persistantes dans le temps (HOWLETT, et al., 2009: 201 ; SMITH et al., 2005: 1493).

Cette redéfinition permet de distinguer les deux sens inhérents au terme service d’eau : (i) l’alimentation en eau d’une population sur un territoire (finalité, résultats, etc.) et (ii) la configuration sociotechnique qui permet cette action collective (moyens utilisés, modalités, etc.). Cette redéfinition a aussi l'avantage d'être générique, soit de rester valable quel que soit le service

d’eau étudié, sans privilégier aucun régime de développement en particulier. En cela, elle permet

d'appréhender le service d'eau actuel à Paris non pas comme un développement préférable, idéal ou indépassable, mais comme une simple configuration possible et temporaire, vouée à évoluer.

1. 2. Politique publique, action publique

Une action collective de service d’eau est en partie liée à l’action – ou inaction – de l’autorité publique (ou Etat au sens large : gouvernements nationaux et locaux, législateurs, administrations, grands Corps d'Etat, services techniques, agences publiques...) qui permet ou pas sa mise en oeuvre.

(28)

Vous avez dit "politique" ? La politique (polity) : espace social où les interactions entre les individus sont soumises à la régulation d’une autorité ayant le monopole de la coercition légitime. Le politique (politics) : compétition pour le pouvoir politique.

Une politique publique (policy) : programme d’action –ou d’inaction – de l’autorité publique, sur un problème donné. Jusqu'en 1945, l’action de l’Etat était surtout étudiée sous un angle normatif : philosophie politique, droit public, etc. (GAUDIN, 2004: 144). Après la 2ème Guerre mondiale une "science de la

politique" s’est progressivement institutionnalisée pour évaluer et améliorer l'efficacité des

décisions publiques, avec une visée plus balistique (moyens disponibles  objectif à atteindre). Face aux critiques de coupure croissante entre l’expertise et la science (GAUDIN, 2004 : 153), une "science pour l’action et une science par l’action" d’inspiration anglo-saxonne s’est alors développée ("l'analyse des politiques publiques"), elle-même

critiquée par la "sociologie politique de l’action publique" (DUJIN et al., 2007) qui vise à analyser à la fois la politique publique (policy) et les relations de pouvoir (politics) qui y sont liées (PAYRE et POLLET, 2005 : 134) (cf. ANNEXE).

Les actions de l’autorité publique sont donc principalement étudiées comme des

politiques

publiques (policies)

, une catégorie analytique qui peut être définie par les éléments suivants (HOWLETT et al., 2009 : 3-10) : (i) une autorité publique (MULLER, 1990a: 24), (ii) mène une action/inaction, (iii) ce qui permet à un problème d’entrer dans l’agenda politique (cf. infra : C5). Pourtant, pour comprendre cette "série de décisions qui contribuent cumulativement à un résultat", nous préfèrerons à la notion de politique publique celle d’

action publique

(THOENIG, 1998: 47) ; un élargissement conceptuel (GAUDIN 2004 : 159) qui offre plusieurs avantages :

- passer d'une analyse centrée sur l'action de l’autorité publique seule (volontaire, unique, homogène et impartiale), à une analyse élargie à la multiplicité des acteurs et des processus qui participent à la construction et à la régulation de l’action collective (BRAUD, 2002 ; HOEFFLER et al., 2007: 4 ; LASCOUMES et LE GALES, 2007: 6) ; - dépasser le "fétichisme de la décision" pour analyser aussi les débordements de la décision à la

fois en amont (ex : mobilisations, mise à l’agenda, réformes institutionnelles) et en aval (ex : action collective multipolaire) des politiques publiques étudiées (GODARD, 2006) ; - passer d'une analyse top down et bottom up, à une étude plus transversale des arènes d’action

publique et de leurs capacités à réguler le social (THOENIG, 1998 : 48) ; aborder la politique publique non par une approche séquentielle – très théorique –, mais comme la reformulation ou "transcodage" qu’en font les acteurs (THOENIG, 1998 : 49) ;

- rappeler qu'une politique publique est toujours inscrite dans un contexte qui participe à sa définition et à sa réalisation, afin d’étudier l’intérieur et l’extérieur de son cadre officiel.

(29)

Enfin, passer de l'étude d’une politique publique à celle d'une action publique permet surtout d'élargir le périmètre de notre analyse, pour distinguer deux objets d’étude intéressants (GAUDIN, 2004 : 101 ; HOWLETT et al., 2009 : 27). D’une part, la politique publique : un

programme d'action

de l’autorité publique (

policy

), ce qui permet une étude positiviste de l’action formelle de l’autorité publique (objectifs, moyens, résultats) (GAUDIN, 2004 : 105). D’autre part, l’action

publique : les causes, implications et conséquences d’une politique publique, ce qui permet

une attention accrue sur la dimension politique (politics), notamment sur l’articulation entre la

politique publique de service d’eau et les relations de pouvoir politique qui y sont liées.

Nous étudierons donc l’un comme l’autre, afin de pouvoir appréhender cette nature doublement politique du service public d'eau (GUERIN SCHNEIDER, 2001: 37-38) (cf. infra : S4).

2. Définir un service "public" d’eau

Il reste à préciser que nous n’allons pas étudier tous les types de service d’eau possibles à Paris, mais une forme bien spécifique dont il nous faut préciser les contours : un service public d'eau.

2. 1. Une définition historique relativement instable

Pour qu’une action collective de service d’eau devienne une action collective de service public d’eau, il faut qu'elle acquière les propriétés caractéristiques d’un "service public". Cette notion de service public est cependant assez complexe (CHEVALLIER 1987), car son contenu et ses modalités peuvent varier fortement selon les lieux et les époques.

En France, ce terme désigne une activité dont l’autorité publique a décidé qu’elle relèverait de son champ d’action. Cette notion se retrouve en partie dans les banalités seigneuriales, ces services

collectifs du Moyen Age contrôlés par une autorité publique (ex : four, moulin, forge), qui

respectaient déjà des principes de continuité (ex : droit d'aller ailleurs si un moulin est en panne plus de 24 heures) et d'égalité (ex : passage par ordre d'arrivé, prix unique) (ESPAGNO, 1997). Sous l'Ancien Régime, la liste des activités qui relèvent de la puissance publique va s’accroître et peu à peu vont être distinguées des fonctions régaliennes (défense, justice, police) et des fonctions de

bien commun (BRACONNIER, 2007). Les "frontières d’intervention de l’Etat" vont peu à peu être

institutionnalisées par la loi et par la jurisprudence, puis dès la fin du XIXe siècle par un droit administratif qui va encadrer la responsabilité de l’Etat dans ses actions de service public.

Au début du XXe siècle, la doctrine du service public de Léon DUGUIT (cf. encadré ci-après) va créer un renversement copernicien de la théorie de l’Etat. Selon cette nouvelle doctrine juridique, l’Etat n’est plus une puissance publique supérieure et irrésistible qui délivre de manière arbitraire des services à ses administrés ; c'est un "administrateur du quotidien" dont l’action doit être au service des

(30)

La doctrine du service public : Un service public peut être défini comme "toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale, et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante"

(DUGUIT, 1928 : 61).

usagers, seule source de la souveraineté républicaine (DUGUIT, 1928). Le service public devient

alors "le fondement et la limite du pouvoir des gouvernants" (CHEVALLIER, 1987 : 22). La définition du service public va continuer d’évoluer,

notamment avec la jurisprudence de l’arrêt Bac Eloka (Tribunal des Conflits, 22 janvier 1921) qui distingue d’une part des "fonctions naturelles" de l’Etat soumises au droit administratif (Services Publics à caractère Administratif, ou SPA) et d’autre part des "fonctions accidentelles" de l’intervention de l’Etat dans la société soumises au droit civil (dont découlera la notion de Service Public à caractère Industriel et Commercial, ou SPIC). Mais cette distinction entre SPA et SPIC est historiquement peu stable

(BRACONNIER 1997 : 9). En effet, aujourd'hui le service public d’eau est considéré comme un SPIC (L2224-11 CGCT) qui relève d'un budget annexe (L2224-2 CGCT), doit équilibrer recettes et dépenses (L2224-4 CGCT), en principe financé par les factures des usagers (L1411-1 CGCT) et devant appliquer des principes de service public (DROBENKO, 2008: 94-95)... or de 1877 à 1956 des débats juridiques sur la nature du service d’eau vont établir que les activités industrielles et

commerciales ne relèvent plus du domaine des services publics, excluant dès lors les services d’eau de

cette catégorie… avant qu’ils ne redeviennent un SPIC suite aux arrêts du Conseil d’Etat de 1928 et 1956 (LORRAIN, 2004). Par conséquent, la nature industrielle et commerciale des services d’eau est réversible : elle suit les évolutions du droit et l'idéologie dominantes de la société.

A la Libération, une nouvelle distinction apparaît (OFFNER 1997) : des grands services publics

nationaux incarnent l’économie dirigiste de la Reconstruction (gaz, électricité, etc.)

(MONTEL-DUMONT, 2007), tandis que des

services publics locaux urbains

restent gérés au niveau local. Tableau 2 : Distinction entre grands types de services publics en France

Service public industriel et

commercial (SPIC) Service public administratif (SPA) Service urbain Eau potable, transports locaux Eclairage public, propreté

Service non urbain SNCF, Air France, EDF Défense, police, éducation nationale, santé publique, monnaie

A partir des années 1950, la conception française du service public va à nouveau évoluer, cette fois sous des influences européennes et anglo-saxonnes. Notamment, le droit européen va appliquer à un nombre croissant de services collectifs jusqu’alors gérés par l'Etat des "règles dérogatoires à la

concurrence" (cf. article 90 du Traité de Rome, 1957) (BAUBY, 1998: 177-178), avec pour objectif

(31)

cadre que vont être développés les concepts de

service d’intérêt général

ou SIG (années 1980), puis de

service d’intérêt économique général

ou SIEG (années 1990) que la jurisprudence de la CJCE définit comme un service collectif qui déroge à la règle de libre concurrence. Le SIEG conserve un objectif de cohésion sociale, mais il prétend y parvenir par des mécanismes de marché (BASLE et al., 1997) –péréquations de marché entre usagers, et non plus par la seule solidarité

publique–, et il y ajoute un objectif de performance économique (VAN DEN ABEELE, 2005).

Les clivages entre pro et anti SIEG vont s’accentuer au cours des années 2000, avec l’ouverture à la concurrence de divers services publics en Europe. Afin de dépasser ces clivages, de nouveaux concepts vont alors être proposés. Tout d’abord celui de

service universel

(SU) : introduit en 1993 dans le droit européen, ce concept postule que l’ouverture à la concurrence d’un service public

en réseau favorisera à la fois la baisse des prix et la hausse du nombre des usagers raccordés

(BASLE et al., 1997). En théorie, la concurrence entre les nouveaux opérateurs, l’effet de club induit (i.e. plus il y a d’usagers, plus les coûts fixes sont ventilés et donc les prix unitaires baissent) et la mise en place de subventions croisées entre les usagers, doivent avoir pour résultat de baisser les prix et de généraliser le service à l’ensemble de la population. Ce concept est pourtant fondamentalement distinct de la conception française du service public : (i) tout d’abord, ici c’est la "course [commerciale] aux connections et non l’intervention publique qui amène cette universalisation", donc c'est un mécanisme de marché (économie d’échelle, concurrence, etc.) et non un programme d’action publique ; (ii) ensuite, dans la pratique cette généralisation du service ne concerne qu’un "service de base" de qualité minimale, tandis que le "service de qualité" devient réservé aux seuls usagers qui peuvent le payer, ce qui correspond peu à "l'identité républicaine" du service public à la française (GUGLIELMI, 2007: 6) où l’Etat "garantit au plus grand nombre le progrès social"(WARIN, 1997: 99) ; (iii) enfin, la notion de SU confine l'Etat au simple rôle de fournisseur du service minimum aux ménages trop pauvres pour y accéder (BASLE et al., 1997), laissant alors les segments les plus lucratifs du marché au secteur privé, ce qui limite fortement les possibilités de péréquations… Le

service public est donc à la fois plus égalitaire et plus généreux que le SU.

Un dernier concept, le service essentiel (SE), est assez proche de la définition du service public à la française (BAUBY, 1998 : 179-180). Mais là encore ce concept n’explicite pas quelle est la

qualité de service qui est considérée comme "essentielle" (qualité de base ou avancée ?).

La conception française du service public – notamment le SPIC – conserve donc des spécificités, bien qu’elle intègre désormais aux côtés de son objectif initial d'intérêt général celui de performance économique (cf. ANNEXE). C’est pourquoi Olivier COUTARD propose de distinguer deux conceptions : d'une part une conception libérale, qui considère les services publics comme limités au service qu’ils rendent par leur réseau technique (donc sans lien avec le reste des

(32)

questions sociales) ; d'autre part une conception radicale, qui considère les services publics comme des institutions dont le rôle va "bien au delà de leur périmètre fonctionnel" car elles structurent la société (COUTARD, 2002: 13-15). C'est cette dernière conception que nous retiendrons, tout en propososant une définition plus pragmatique des critères qui définissent un service public.

2. 2. Une définition pragmatique

Le service public n'est donc pas un concept scientifique : c’est une norme, dont la définition varie selon les lieux et les époques. La définition actuelle n'est donc ni immuable, ni irréversible. Comment définir alors si le

service d’eau

étudié est -ou pas- un "service public" ?

2. 2. 1 Principaux critères de définition

Une première solution consiste à recenser les principaux critères employés dans la littérature pour définir un service public. Nous les avons regroupés ci-après en grandes familles (cf. tableau 3).

Tableau 3 : Principaux critères de définition d'un service public (inspiré de BRACONNIER 1997) Le responsable de ce

service

s’il est de la responsabilité de l’autorité publique, indépendamment de la nature de l’opérateur (public, privé) Approche

"organique"

L’opérateur de ce service

s’il est opéré par l’autorité publique (Etat, administration, etc.). Plusieurs justifications à cela (BAUBY 1998) : insuffisance du marché ; prérogative de l'Etat ; cohésion et solidarité, etc. Approche "fonctionnelle" ou "substantialiste" L’objet de l’activité du service

L’activité concernée est définie comme "d’intérêt général". Une ou plusieurs organisations prennent en charge cette mission de finalité externe, distincte de la finalité interne inhérente à toute organisation (GIBERT, 1994: 2). C’est généralement l’autorité publique qui gère l'intérêt général.

Approche "comptable"

Le mode de

financement de son activité

Lorsque le service est financé majoritairement par une redevance non liée au coût réel du service c’est un SPA ; s’il est financé en fonction de l’utilisation c’est un SPIC.

Approche "idéologique"

Le degré de solidarité

(et donc de

péréquation)

"l'essence du service public, c'est peut-être bien la péréquation" (GIBERT 1994 : 3). Un SIEG, un SU ou un SE s'appuient sur une péréquation locale entre usagers ; le service public repose en théorie sur une péréquation plus large entre usagers, contribuables, territoires, secteurs, etc.

Deux critères semblent échapper aux contingences historiques : (i) la responsabilité d'une autorité publique, et (ii) la reconnaissance d'une mission d'intérêt général. Cependant, certains services publics sont assurés hors de l’Etat, et la notion "d’intérêt général" a un périmètre variable…

Une seconde solution consiste à évaluer le respect de plusieurs principes de référence d'un service public : les "lois essentielles du service public" (DUGUIT 1928, CHEVALLIER 1987) :

Figure

Tableau 1 : Exemples d’entrées disciplinaires sur le développement durable des services d'eau (source : auteur)
Figure 2 : Evaluer dans quelle mesure un service d’eau fourni  est un service public (source : auteur)
Tableau 4 : Choisir une unité d’analyse entre acteur absolu et système absolu (source : auteur)  Unité d'analyse  Principales approches en sciences sociales correspondantes  Choix individuel seul  (approches hors sciences sociales : psychologie, neurologie
Tableau 6 : Exemples d'effets de causes et conséquences dans le temps (PIERSON, 2004 : 94)  Horizon temporel
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