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Facteurs émotionnels et motivationnels dans les processus d'enseignement-apprentissage

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Émotions et apprentissages

Facteurs émotionnels et motivationnels dans les processus d’enseignement-apprentissage

Victoria Prokofieva Jean-François Hérold

Résumé : De nombreux travaux de recherche mettent en évidence le rôle des émotions présentes dans les situations d’apprentissage et leur influence sur l’activation des processus cognitifs. Ces facteurs émotionnels et motivationnels susceptibles d’interférer dans les apprentissages sont importants à repérer et à en prendre en compte pour appréhender le processus enseignement-apprentissage. Certains phénomènes émotionnels les plus fréquemment rencontrés dans le contexte scolaire, tels que le stress scolaire, l’anxiété de la performance et le stress d’évaluation, seront étudiés plus en détail dans ce chapitre. L’importance des facteurs liés à la motivation des élèves, comme le sentiment de l’efficacité personnelle et académique, le but d’accomplissement, seront soulignés.

Mots clés : émotion, motivation, apprentissage, stress scolaire, anxiété d’évaluation.

Aperçu des recherches sur l’interférence des émotions avec le processus d’apprentissage

Jean Piaget considérait que l’affect et la motivation sont des facteurs indispensables au fonctionnement et au développement intellectuel de l’enfant et que, même s’il « n’y a pas de

mécanisme cognitif sans éléments affectifs…il n’y a pas non plus d’état affectif pur sans état cognitif » (Piaget, 1954). Il introduit la notion d’affectivité qui contient, selon lui, deux types

de phénomènes : les sentiments (ou les émotions) et les diverses « tendances supérieures », notamment, la volonté. Piaget postulait que l’affectivité et l’intelligence sont en constante interaction et que le rôle de l’affectivité peut se révéler « double » : elle peut soit accélérer soit perturber les apprentissages.

Suite aux travaux de Piaget et pendant longtemps, la plupart des théories d’apprentissage ont été élaborées sur la base d’une distinction entre émotions et cognition, voire d’une non prise en compte du rôle des émotions sur la cognition.

Le vrai tournant dans la prise en compte du rôle des émotions dans l’apprentissage est effectué quand Goleman en 1995 introduit le concept de l’intelligence émotionnelle. Plus tard, Mayer & Salovey (1997) et Shelton (2000) avancent le terme de compétence émotionnelle, comme étant « l’habilité à percevoir, comprendre et réguler ses émotions ». Selon ces

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auteurs, la compétence émotionnelle peut faciliter l’apprentissage. Dans le même sens, Postle (1993) souligne que l’incompétence émotionnelle peut inhiber l’apprentissage.

Pour les sciences cognitives qui ont pour objet l’apprentissage de connaissances et les mécanismes associés, il y a maintenant consensus sur le fait que l’individu est caractérisé par trois ensembles de facteurs : les facteurs cognitifs, les facteurs conatifs et les facteurs affectifs

(Reed, 2011). Les facteurs cognitifs (la mémoire, l’attention, le langage, l’interprétation des

situations, les fonctions exécutives) concernent les connaissances et les processus mentaux qui permettent à un individu d'acquérir, de traiter, de stocker et d'utiliser des informations ou des connaissances, notamment, dans la prise de décision ou la résolution de problèmes. Les facteurs conatifs sont d’ordre motivationnel, liés au but d’accomplissement (estime de soi, sentiment de l’efficacité personnelle, but de performance, but d’apprentissage). Les facteurs

affectifs relèvent des émotions ressenties par l’individu et susceptibles d’affecter son

comportement : plaisir, joie, tristesse, etc. (NKambou et al., 2007). Ainsi, dans la conception actuelle de la psychologie des apprentissages, l’apprentissage est vu comme un processus

complexe et dynamique mettant en jeu des dimensions d’ordre cognitif, métacognitif, motivationnel et émotionnel en interaction réciproque et continue (Crahay & Dutrévis, 2015). De nombreuse recherches ont ainsi mis en évidence l’impact des émotions sur l’apprentissage et leur influence dans la mise en œuvre de certains processus cognitifs (Boekaert, 1993 ;

Perkun, Goetz, Titz & Perry, 2002). Par contre, seuls quelques travaux ont étudié les états

affectifs, émotionnels et motivationnels en contexte académique (Pekrun et al., 2002 ;

Linnenbrink, 2006).

Schutz & De Cuir (2002) identifient dans la littérature trois niveaux d’analyse des états

affectifs en contexte scolaire : en termes de structure, de processus et de contexte sociohistorique. Schutz et ses collègues (ibid.) portent leur attention sur la régulation

émotionnelle en contexte d’évaluation, tandis que Pekrun et al. (2002) s’intéressent aux émotions dites « académiques », c’est à dire les émotions qui sont induites par l’activité réalisée en classe. Meyer & Turner (2002) considèrent les émotions ressenties par les élèves et l’enseignant en tant que processus. Op’t Eynde & Turner (2006) proposent de définir les émotions en termes de systèmes dynamiques et de prendre en compte les facteurs personnels et socio-historiques afin de mieux comprendre les émotions des individus (élèves et enseignants) en contexte d’interaction à école.

De nombreux chercheurs soulignent l’importance de l’influence des situations stressantes (qui activent les états d’anxiété) sur les mécanismes de la cognition, affectant les processus de perception, d’encodage et de rétention en mémoire de l’information apprise (Pekrun, 1992 ;

Tardif, 1999). D’autres soulignent le fait que les affects peuvent altérer la façon dont

l’information est stockée en mémoire, mais aussi comment l’information est traitée et comment la personne aborde la situation nouvelle (Bless, 2000 ; Forgas, 2000b ; Fredrickson,

1998). Tobias (1986, 1992) insiste particulièrement sur l’impact prépondérant des états

émotionnels négatifs (anxiété, angoisse, inquiétude) sur l’étape « post-processing » qui correspond au transfert et à l’utilisation des connaissances apprises et des compétences chez les élèves.

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La plupart des chercheurs reconnaissent que les émotions, induites ou non, contenues dans la tâche scolaire, influencent les performances de l’élève (Pons et al., 2010 ; King et al., 2015). Cependant, le consensus n’est pas encore trouvé au sujet de la nature de cette influence. Ellis

& Moore (1999), par exemple, parle de l’impact négatif des émotions de deux valences

(positives et négatives) sur les capacités attentionnelles lors de l’exécution d’une tâche difficile. Selon d’autres chercheurs, certaines émotions peuvent avoir une influence positive sur la performance scolaire, car une émotion active mobilise et motive le déploiement de son attention (Fiedler & Beier, 2014, par exemple). Ainsi, la nature de l’impact sur la performance de l’élève selon la valence de l’émotion, positive ou négative, n’est pas encore bien définie. Il est opportun de noter que le rôle de la motivation a été développé dans de nombreux travaux et est présenté comme étant directement liée aux états affectifs et cognitifs (Bandura,

1986 ; Reuchlin, 1990). Tout en prenant en compte la distinction entre la motivation

intrinsèque, qui correspond à l’intérêt et à l’inspiration interne de l’individu, et la motivation extrinsèque qui est mobilisée par une récompense extérieure à la personne (Lieury &

Fenouillet, 2013), on soulignera, également, le rôle que jouent dans l’apprentissage certaines composantes de la motivation, telles que le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1994) ou le but d’accomplissement. Le sentiment d’efficacité personnelle ou académique se réfère à la perception par l’étudiant de ses capacités, son efficacité à bien faire, dans une matière particulière (Marsh, 2006) ou à « la croyance que possède l’enfant en ses capacités à mener à

bien son métier d’élève » (Masson & Fenouillet, 2013). Le but d’accomplissement renvoie à

l’objectif que l’élève poursuit en s’engageant dans les apprentissages scolaires qui peut être fixé soit sur la performance afin de prouver ses capacités, soit sur l’apprentissage dans l’objectif de gagner en compétence. Les travaux en psychologie de Dweck et Legget (1988) ont clairement montré que l’élève qui poursuit le but d’apprentissage sera plus intéressé par une tâche difficile et fournira plus d’effort en cas d’échec, alors que l’élève fixé sur la performance sera plus fragilisé par l’échec qu’il attribuera au manque de capacités intellectuelles plutôt qu’aux efforts insuffisants fournis et aura une tendance à éviter les tâches complexes et difficiles. De tels élèves seront le plus souvent des sujets développant des traits et des symptômes émotionnels négatifs tels que le stress et l’anxiété d’évaluation.

Traditionnellement, la plupart des études des états affectifs en situation scolaire portent sur le rôle des émotions négatives sur l’apprentissage (Pekrun et al., 2007) et, plus particulièrement, sur l’influence négative de l’anxiété due à la pression de la performance dans les situations

d’évaluations et/ou d’examens, regroupées alors sous le concept d’anxiété d’évaluation

(Sarason, 1984 ; Wigfield & Eccles, 1989 ; Segool et al., 2013) ou l’anxiété liée à une

discipline particulère, telle que l’anxiété des mathématiques, qui est en lien avec le phénomène de stéréotypes de genre. Ces multiples phénomènes négatifs peuvent créer chez l’élève le stress scolaire.

Un exemple du phénomène émotionnel négatif à l’école : le stress scolaire

Bien qu’il n’existe pas dans la littérature éducative de définition claire du concept du stress scolaire, ce phénomène regroupe au sens large les états affectifs négatifs qui peuvent se

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manifester chez les élèves à l’école. De façon générale, la littérature sur le stress en milieu scolaire recouvre plusieurs phénomènes liés à l’école et à la situation d’apprentissage (Lassarre, 2001).

Les causes de tension y sont multiples et peuvent être suscitées par de nombreux facteurs : physiologiques, pédagogiques, socio-psychologiques, tels que, entre autres, les charges scolaires, les relations avec l’enseignant, le jugement des pairs, les exigences des parents ou même divers tracas quotidiens (« daily hassles ») dans des domaines variés qui peuvent affecter l’apprentissage : école, famille, pairs, avenir, etc. (Elias, 1989 ; de Anda, 2000 ;

Dumont et al., 2003).

Selon la plupart des recherches, le stress scolaire influence les trois variables de l’environnement éducatif de façon assez égale : l’adaptation émotionnelle des élèves, leur

comportement et leur performance académique (Kaplan et al, 1994, 2005). Ces variables sont articulées au sein de l’environnement scolaire, et leurs interactions concernent tous les acteurs de la communauté éducative : les élèves, les enseignants, les éducateurs, mais aussi les parents.

Les recherches montrent dans leur ensemble que le progrès académique est souvent affecté à la fois par le stress scolaire (« school-realted stress ») et par la pression que les élèves se mettent eux-mêmes vis-à-vis des résultats ou de l’anxiété qu’ils perçoivent chez leurs parents, leurs éducateurs et même leurs pairs (Zakari et al., 2008). La relation élève–enseignant ou élève-élèves (conflits interpersonnels, harcèlements, etc.) peuvent créer du stress chez les élèves. Néanmoins, la pression perçue par des élèves venant des enseignants constitue une des causes les plus importantes du stress scolaire par rapport à d’autres types de pression venant des parents ou des pairs (ibid). D’autres causes majeures, révélées par toutes les études, sont le stress face à la pression de la performance, la charge scolaire et les problèmes liés à l’apprentissage.

Elkind (1986) définit les catégories suivantes des sources du stress chez les adolescents : celles prévisibles et évitables (la consommation de drogues, la délinquance), celles

imprévisibles et inévitables (la mort des proches, les maladies) et celles prévisibles et inévitables (les contrôles et les évaluations). L’échec à faire face à l’une ou à plusieurs

sources de stress de ces catégories provoque chez l’individu des symptômes émotionnels tels que, respectivement, l’anxiété, la dépression ou la colère.

Les problèmes familiaux sont une très grande source de tension qui peut interférer avec le travail de l’enfant à l’école, de même pour ce qui est des problèmes d’ordre social.

Dans les travaux plus récents, le stress scolaire peut se définir comme un état de stress chronique chez des élèves s’étant fixés des buts inatteignables, à un instant donné de leur scolarité au regard de leurs capacités, ou dont la perception des attentes que peut avoir leur entourage, notamment les parents, dépasse leurs capacités (Ang & Huan, 2006 ; Zakari et al.,

2008). Certains chercheurs qui se penchent sur le problème du stress scolaire, ont introduit le

terme « burnout scolaire » (Meylan et al., 2015), phénomène initialement étudié chez l’adulte et faisant référence au burnout professionnel. Meylan et al. (2015) postulent que ce phénomène est dû à l’augmentation des exigences de performance et de réussite qui caractérise l’évolution des sociétés libérales modernes. Selon ces travaux, ces exigences mettent à l’épreuve les « ressources narcissiques » de l’individu et entraînent le stress qui génère les souffrances de l’enfant et l’adolescent à l’école (Jeammet, 2007 ; Stephan, 2011).

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Ainsi, le burnout scolaire correspond, pour ces auteurs, à un syndrome d’épuisement, de cynisme et d’inadéquation envers l’école : un épuisement émotionnel face aux demandes de l’école avec une fatigue chronique liée à une surcharge de travail scolaire ; du cynisme à l’égard de l’école, comme par exemple une perte d’intérêt et une incapacité pour l’élève à donner du sens à sa scolarité ; un sentiment d’inadéquation qui se traduit par un manque d’accomplissement dans le travail scolaire et dans l’école en général.

Un exemple de stress dans le cas d’une évaluation de nature sommative : un test de connaissances avec des élèves de 11-12 ans, en classe

Dans une recherche expérimentale sur le stress d’évaluation lors d’un test de catégorisation d’objets avec des élèves de 11-12 ans (Prokofieva et al., sous presse), il a été montré que même pendant un test de connaissances de courte durée, en classe, lorsque l’enseignant annonce que celui-ci va être noté, les élèves manifestent une augmentation considérable du stress (en terme de changement de la balance sympatho-vagale attesté par les enregistrements de la Variabilité du Rythme Cardiaque). La notation est donc un facteur de stress chez les élèves. Et même si le lien entre la présence, continu ou ponctuelle, de ce stress d’évaluation et la performance est difficile à établir, néanmoins, dans cette recherche expérimentale, les performances des élèves sur les tâches difficiles pendant un test noté se sont révélées inférieures par rapport au test non noté. Par ailleurs, la limitation du temps de réponse est un fort facteur de stress lors des contrôles de connaissance et évaluations faites en classe. Ce facteur de stress se révèle même plus fort que celui provoqué par la notation.

Dans les situations de classe ordinaires, pendant une activité régulière, la plus forte augmentation des réactivités émotionnelles a été constatée dans les situations de l’interaction de l’enseignant avec sa classe. Lorsque l’enseignant approche l’élève pendant une petite évaluation écrite en lui faisant une remarque, ou même pour vérifier s’il a bien compris la consigne, l’élève manifeste des périodes de stress et cette réactivité peut l’empêcher de se concentrer par la suite sur la tâche à réaliser. De plus, il a été observé que la classe réagit émotionnellement de manière très forte aux paroles de l’enseignant qui, en essayant de mobiliser les élèves pour bien réaliser le test écrit, insiste sur l’importance des résultats pour un bulletin trimestriel.

Nous avons aussi pu constater que les élèves manifestent plus de réactions de stress vers la fin de l’épreuve (quand il reste peu de temps), et ce stress augmente de manière significative lorsque l’enseignant annonce le temps restant à haute voix.

Cette recherche révèle que, dans la même lignée que l’importance de la prise en compte des facteurs susceptibles de provoquer chez les élèves un stress d’évaluation (temps de réponse limité, notation, etc.), le rôle de la relation enseignant-élève(s) ne doit pas être sous-estimée, car la figure de l’enseignant, sa posture, l’image qu’il renvoie, ses gestes, ses paroles influencent très fortement l’équilibre émotionnel des élèves.

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Une observation en situation de classe, dans le cadre d’une analyse de pratiques effectuées par un enseignant-chercheur, met en lumière comment le stress d’évaluation peut altérer le traitement cognitif chez un élève en le renvoyant vers des processus de traitement automatisés.

Il s’agissait d’une séance « classique » de correction d’exercices que des élèves de Terminale en Lycée Technologique avaient à faire en devoir à la maison. La thématique des exercices imposait de devoir faire des traitements arithmétiques relativement conséquents pour obtenir les expressions numériques demandées. Un élève a été désigné par l’enseignant pour aller au tableau afin qu’il propose sa solution aux exercices prescrits. Nous sommes donc dans une situation « classique », très fréquente dans les situations d’enseignement en classe. L’élève, envoyé au tableau, va alors se retrouver dans un processus d’évaluation à caractère formatif, processus pendant lequel l’enseignant va pouvoir observer ses comportements, sa production afin de lui proposer, par la suite, un accompagnement adapté (Allal, 1991).

A priori, cet élève n’avait pas fait le travail demandé.

L’élève, face à l’enseignant, devant les autres élèves de la classe, s’est donc rapidement retrouvé, a priori, stressé.

Ainsi, dans sa proposition de résolution d’un exercice, l’élève, à un moment donné, est confronté à devoir faire un développement arithmétique pour lequel un calcul sur des nombres relationnels, entre parenthèses, doit être effectué. La règle, ici, est bien évidemment la réduction au même dominateur pour les nombres relationnels.

Mais, ce n’est pas ce que fait l’élève qui se met à additionner les numérateurs entre eux, puis les dénominateurs.

Il semble difficile de penser qu’un élève, à un niveau Terminale, ne connaisse pas la règle du dénominateur commun, règle qui relève d’un apprentissage des premières années de sa scolarité.

Aussi, en fait, dans la situation observée, l’élève traite les nombres relationnels comme étant des entiers, des entiers « catégorisés » : on additionne les « numérateurs » entre eux, puis les « dénominateurs » entre eux. L’élève, puisqu’il est stressé, reproduit un comportement assez répandu lorsqu’on ne sait pas répondre, qui est de mobiliser des connaissances « familières » (Boder, 1992), c’est-à-dire des connaissances apprises depuis fort longtemps, souvent mobilisées, dans des situations diverses et variées, mais qui, dans le cas présent, comme bien souvent, sont inappropriées à la situation à laquelle le sujet est confronté. Ici, ce sont donc ses connaissances relatives au traitement arithmétique portant sur des entiers. Sauf que pour cet élève, dans cette situation, ce n’est pas qu’il ne sait pas que ces connaissances sont activées, mais c’est le fait d’être sous l’effet du stress. Mentalement, l’élève, parce qu’il est stressé, se retrouve en surcharge mentale, ou « surcharge cognitive » (voir exemples de travaux allant dans ce sens dans Chanquoy, Tricot et Sweller, 2007). Cet effet de surcharge cognitive amène son système cognitif à activer des connaissances « familières », donc d’un accès plus « facile » parce que fort connues, afin de soulager la charge cognitive imposée par la situation vécue par l’élève (Hérold, 2012, 2014).

Il peut être relativement facile pour un enseignant, avec un peu d’expérience, d’identifier le fait qu’un élève puisse être, effectivement, stressé dans ces conditions (voir éléments d’expression motrice présentés plus haut), comme, ici, le fait d’être seul au tableau à corriger

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un exercice. Néanmoins, peu d’enseignants essaient d’interpréter les réponses de leurs élèves dans ce type de situations. Or, essayer d’interpréter leurs réponses, dans ce cas, peut s’avérer utile pour identifier une situation stressante pour un élève qui ne le montre pas forcément, donc dont les éléments d’expression motrice et/ou faciale sont peu visibles.

A travers cet exemple, on voit que, pour l’enseignant, il est important de comprendre pourquoi un élève fait ainsi, de comprendre pourquoi telle ou telle connaissance est mobilisée par le système cognitif de l’élève dans une situation particulière. L’enseignant doit alors pouvoir analyser les caractéristiques de la situation dans laquelle un élève est amené à réaliser la tâche qu’il lui a lui-même prescrite, et de comprendre pourquoi des connaissances, pas toujours appropriées à la situation de la tâche prescrite, ont été mobilisées par l’élève. Il peut s’agir aussi de comprendre pourquoi l’élève s’est engagé dans un type de traitement plutôt qu’un autre.

Faire cette analyse de l’activité de l’élève en classe et comprendre le pourquoi de cette activité n’est, certes, pas chose aisée à faire par un enseignant, en classe, face à un une cohorte d’élèves plus ou moins importante. Mais, elle semble nécessaire pour aider tous les élèves à apprendre.

Conclusion : climat scolaire et bien-être à l’école, nouvel objectif des politiques éducatives

L’importance des facteurs émotionnels dans l’apprentissage à l’école montrée par la recherche est de plus en plus reconnue par les organismes internationaux qui visent l’évaluation de l’efficacité des politiques sociales et éducatives des pays développés. Les derniers rapports PISA de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique, (voir notamment les rapports de 2009 et de 2012), affichent clairement l’importance d’un bon climat scolaire comme étant une condition favorable aux apprentissages, et le rôle des facteurs émotionnels en tant que soutien des apprentissages est également souligné dans les rapports PISA 2015 qui visent à estimer les capacités « socio-émotionnelles » des élèves, composées des facteurs psychologiques et physiologiques. Le facteur de bien-être de l’élève est ainsi de plus en plus pris en compte comme étant un élément essentiel non seulement au développement des apprentissages individuels, mais également en tant que compétence socialement indispensable pour le parcours de vie de chaque élève, et pour la vie en communauté en général. En France, la nouvelle loi de refondation de l’École 2013 met au centre de sa préoccupation le bien-être de tous les acteurs (élèves, enseignants, parents, etc.), comme condition nécessaire pour la bonne réussite de tous.

De plus en plus de recherches en éducation s’intéressent au rôle des phénomènes émotionnels dans l’apprentissage. La recherche a déjà montré l’importance des émotions négatives et positives sur toutes les étapes de l’apprentissage. Cependant, il reste encore à approfondir la nature des effets de ces phénomènes sur les activités d’apprentissage et d’évaluation en classe. Quels sont des signes du stress chez les élèves que l’enseignant pourrait repérer dans leur activité en classe pour mieux comprendre et accompagner l’élève dans son apprentissage, comment l’enseignant pourrait améliorer sa pratique pour créer un meilleur climat scolaire

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favorables à tous, sont encore des questions auxquelles la recherche doit apporter ses réponses.

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