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La notion de causalité chez les enfants de 20 semaines

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Academic year: 2021

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VALÉRIE BROCHU

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LA NOTION DE CAUSALITE CHEZ LES ENFANTS DE 20 SEMAINES

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de Psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

JUILLET 2002

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Résumé

La perception de la causalité a été examinée chez 30 enfants de 20 semaines à l’aide de la technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté où un événement causal (le lancer direct) et deux événements non causaux (les lancer sans collision et lancer avec délai) ont été présentés. Les résultats montrent que les enfants de cet âge ne perçoivent pas la dimension causale du lancer direct. Cependant, à la lumière de la comparaison avec certaines études antérieures, les données recueillies suggèrent la possibilité d’un stade intermédiaire entre la perception des caractéristiques spatio-

temporelles et la perception de la caractéristique causale. Finalement, ces résultats seront analysés d’après différents modèles théoriques.

Stéphan Desrochers, Ph.D. Directeur de recherche Valérie Brochu, B.A.

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TABLE DES MATIÈRES

Page

RÉSUMÉ... i

INTRODUCTION... 1

Modèle de Piaget... 2

Procédure de la technique de Γ habituation visuelle-réaction à la nouveauté... 2

Technique de T habituation visuelle-réaction à la nouveauté pour étudier la notion de causalité chez le bébé... 4

Méthode de la comparaison... 5

Méthode de l’inversion... 10

Aspects développementaux... 12

Études chez les bébés de moins de six mois... 13

Objectif et hypothèses de recherche... 15

MÉTHODE... 16 Sujets... 16 Stimuli... 16 Dispositif... 17 Procédure... 17 RÉSULTATS... 20 DISCUSSION... 23 RÉFÉRENCES... 28

ANNEXE A : Formulaire de consentement parental... 30

ANNEXE B : Lettre d’approbation du comité d’étique de l’Université Laval... 32

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La notion de causalité chez les enfants de 20 semaines

Ce n’est pas d’hier que l’homme s’interroge sur la façon dont les bébés traitent !’information du monde qui l'entoure. Les recherches expérimentales portant sur des notions spécifiques au développement cognitif des nourrissons sont toutefois relativement récentes. La notion de causalité, par exemple, est-elle innée ou s’acquiert-elle plutôt graduellement au cours du développement ? Suivant la seconde hypothèse, à quel

moment au cours de son développement l’enfant saisit-il qu’un événement peut causer un effet sur un autre événement distinct sans qu’il soit lui-même impliqué ?

Le but de la présente recherche est d’évaluer si les bébés de 20 semaines

perçoivent des différences entre différents événements causaux et non causaux présentés. Dans un premier temps, le modèle de Piaget sur la notion de causalité externe sera exposé brièvement, suivi de la procédure et de la technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté développées pour étudier la notion de causalité. Les sections suivantes

aborderont les deux méthodes les plus couramment employées dans le domaine, soit la méthode la comparaison et celle de l’inversion, le tout accompagné des études effectuées à l’aide de ces méthodes. S’ensuivront ensuite deux sections portant sur les aspects développementaux et les études chez les bébés de moins de six mois. Finalement, l'objectif et les hypothèses de recherche seront définis.

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Modèle de Piaget

Piaget (1937) a été l’un des premiers à s’intéresser à la notion de causalité externe chez les nourrissons. Sa proposition, élaborée à la suite de !’observation minutieuse de ses trois enfants et basée sur les six stades du développement de !’intelligence sensori- motrice, suggère que la capacité à reconnaître une relation causale externe ne s’acquière que graduellement durant les deux premières années de la vie. Il propose que ce n’est que vers l’âge de quatre mois que l’enfant commence d'abord à se distinguer du monde externe. Durant ce troisième stade, il s’attribue néanmoins systématiquement l’origine de tous les effets observés; c’est le stade de la causalité magico-phénoméniste. Finalement, l’enfant ne peut apprécier son indépendance à l’égard des causes et des effets de son environnement que vers 12 mois, soit au stade V de la causalité sensori-motrice (Desrochers, Ricard & Gouin Décarie, 1995; Piaget, 1937). L’âge de 12 mois selon lequel un enfant a la capacité de concevoir qu’un objet peut causer un événement est toutefois remis en question par de nombreux chercheurs depuis l’avènement de la technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté dont découlent certaines méthodes permettant d’étudier l’activité cognitive des bébés, entre autres la notion de causalité.

Procédure de la technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté

La procédure de la technique de l’habituation visuelle-réaction à la nouveauté fait appel à la durée de fixation visuelle du sujet au cours de deux phases, permettant ainsi de

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considérer Γattention de l’enfant face aux stimuli qui lui sont présentés. La première phase consiste à présenter de façon répétitive un stimulus à l’enfant afin que ce dernier s’habitue à l’événement présenté et qu’il s’en désintéresse. L’objectif de cette première phase, appelée « phase d’habituation », est atteint lorsque l’on observe un déclin de son temps de fixation, selon un critère préalablement établi. Le rationnel sous-jacent est que la diminution de !’attention reflète !’apprentissage du stimulus par le nourrisson; on dit alors qu’il est habitué. La seconde phase, la « phase-test », présente au bébé un nouveau stimulus où une réaction, telle une récupération de !’attention visuelle, est attendue. L’augmentation du temps de fixation implique alors que l’enfant a comparé certains aspects du nouveau stimulus par rapport à l’ancien, témoignant qu’il a effectivement passé par une phase d’apprentissage. Il a emmagasiné de !’information sur le stimulus familier et la remontée de !’attention est la conséquence de cet apprentissage. L’intérêt des chercheurs porte sur les différences perçues par le bébé entre les événements présentés lors des deux phases expérimentales.

Généralement, le procédé privilégié est dit contrôlé par le sujet, c’est-à-dire qu’un essai commence lorsque le bébé regarde le stimulus et se termine lorsqu’il cesse de le regarder (Lécuyer, 1994). Le nombre d’essais durant la phase d’habituation est déterminé par le nourrisson. Cela permet de s’assurer que l’enfant s’est bel et bien habitué au stimulus, puisque l’épreuve s’est effectuée à son rythme, et permet également d’éviter qu’il ne se lasse de l’exercice et manifeste son insatisfaction à poursuivre la session expérimentale. Il importe cependant d’avoir des critères stricts pour assurer l’atteinte du seuil d’habituation. On considère généralement que l’enfant est habitué

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lorsque pour trois essais consécutifs le temps de fixation est inférieur à 50 % du temps de fixation des trois premiers essais.

Finalement, la procédure idéale comprend un groupe contrôle chez qui Fon présente le même événement en phase-test et en phase d’habituation. Ce groupe permet d’éliminer la confusion possible entre le regain soudain de la durée de fixation visuelle chez le bébé dû au hasard et la récupération de !’attention recherchée, c’est-à-dire attribuée à l’analyse du bébé qui perçoit une différence entre les stimuli familier et nouveau. Les analyses statistiques de comparaison des groupes expérimentaux versus le groupe contrôle permettent de vérifier ces différents aspects.

Technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté pour étudier la notion de causalité chez le bébé

Michotte (1954) a observé que les adultes percevaient la nature causale ou non causale de différents événements présentés. L’idée d’effectuer le même type

d’expérimentation auprès des enfants a alors vite été retenue. Inspirés par ses travaux, quatre types d’événement, plus précisément des objets présentés sur un écran sous forme de lancers, ont été mis au point. Le lancer direct consiste à présenter un objet se

déplaçant pour rejoindre un second objet immobile; au moment du contact, le deuxième objet se met immédiatement en mouvement. C’est en modifiant ce lancer de nature causale que les trois autres lancers (non causaux) ont été créés. Tout d’abord, il y a le lancer avec délai, pour lequel on impose un laps de temps entre le contact des deux stimuli et le déplacement du second objet. Ensuite, il y a le lancer sans collision, pour

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lequel le second objet se met en mouvement avant l’arrivée du premier objet.

Finalement, il y a le lancer avec délai sans collision, qui combine les caractéristiques des deux derniers types de lancer, c’est-à-dire que le premier objet s’immobilise avant d’atteindre le deuxième stimulus, qui lui ne se met en mouvement qu’après un certain laps de temps.

Deux méthodes utilisent la technique de !’habituation visuelle-réaction à la nouveauté pour étudier la notion de causalité : la méthode de la comparaison et celle de l’inversion. La première est basée sur la comparaison entre deux lancers différents. La seconde, mise au point en réaction à la première, consiste à présenter au bébé le même événement lors des deux phases (habituation et test), mais en présentant le lancer en sens inverse (de gauche à droite et vice versa) lors de la phase-test.

Méthode de la comparaison

La méthode de la comparaison consiste à présenter au bébé un lancer quelconque lors de la phase d’habituation et un lancer différent du premier lors de la phase-test. Si l’enfant est capable de distinguer les deux types d’événements (causal et non causal), la déshabituation sera plus importante si !’événement de la phase-test diffère en termes de causalité de l’événement de la phase d’habituation, comparativement au cas où les deux événements sont de même nature. Dans la même perspective, l’enfant qui obtient des temps de fixation différents entre la présentation du lancer causal et celle d’un lancer non causal perçoit la causalité. Par exemple, une expérimentation de Leslie (1984), dans

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laquelle il utilisait des blocs de couleurs différentes, a montré que les enfants de six mois et demi avaient une plus grande réaction lorsqu’ils étaient habitués au lancer direct et testés au lancer avec délai sans collision (soit un événement causal en phase d’habituation et non causal en phase-test), que lorsqu’ils étaient habitués au lancer avec délai et testés au lancer sans collision (soit deux événements différents mais de type non causal). Leslie conclut alors que l’enfant attribue un statut particulier à la caractéristique causale du lancer direct.

Oakes et Cohen (1990) ont utilisé la même technique auprès de bébés de six mois et de dix mois, en utilisant cette fois des objets réels pour créer les événements. Les auteurs remarquaient que les objets utilisés par Leslie (1984), soit des blocs de couleurs en mouvement, ne pouvaient être rencontrés dans le monde réel. Leur idée était que des stimuli réels et plus complexes faciliteraient la tâche de l’enfant à reconnaître l’existence des relations causales. Les résultats montrent que les enfants de dix mois ont réagi plus fortement à la nouveauté lorsqu’ils étaient testés selon une caractéristique différente de la phase d’habituation, c’est-à-dire habitués en causal et testés en non-causal ou vice versa, comparativement aux bébés habitués en non-causal et testés avec un événement différent mais toujours non causal. Ces résultats n’ont pas été obtenus chez les sujets de six mois; ce qui indique que seuls les plus vieux perçoivent la dimension causale du lancer direct. La différence entre l’étude de Leslie (1984) et celle de Calces et Cohen (1990) portant sur les enfants d’environ six mois peut s’expliquer tout d’abord par la complexité des stimuli dans la seconde étude par rapport aux stimuli simples, même si improbables dans la réalité, présentés dans la première étude. Par ailleurs, les deux semaines de différence

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entre les sujets de Leslie (1984) et ceux de Oakes et Cohen (1990) peut laisser croire que l’âge de six mois correspond à une période critique dans le développement de la

compréhension de la causalité impliquée entre deux objets externes.

Lorsqu’ils renouvellent 1 ’expérimentation en 1993, Cohen et Oakes obtiennent des résultats différents. En effet, les enfants de dix mois n’ont pas eu plus de réaction dans le cas d’un événement causal suivi d’un événement non causal, que dans le cas de la

présentation de deux événements non causaux différents. Cette différence dans les résultats pourrait s’expliquer par le fait que, contrairement à 1 ’expérimentation de 1990, chaque essai présentait des objets différents. En 1994, Oakes a tenté de répondre à la contradiction entre les résultats obtenus dans les études de Leslie (1984) et de Oakes et Cohen (1990). Elle a repris 1 ’expérimentation avec des stimuli simples et a observé que les enfants de sept mois avaient une plus grande récupération de !’attention visuelle lorsque l’événement de la phase-test n’était pas de même nature que celui de

!’habituation, pour autant que l’événement soit présenté dans une trajectoire rectiligne. Finalement, Cohen et Amsel (1998) ont observé que les bébés de quatre mois et de cinq mois et demi ne semblaient pas reconnaître la dimension causale du lancer direct à l’aide de cette méthode.

L’hypothèse sous-jacente aux résultats obtenus lors des diverses expérimentations précédentes soutient l’idée que la perception de la causalité implique que les événements non causaux, quels qu’ils soient, sont perçus de façon équivalente. Dans ce cas, seul le lancer direct amène une différence qualitative par rapport aux trois autres événements

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non causaux. Leslie et Keeble (1987) mettent en doute l’hypothèse selon laquelle cette méthode est apte à déceler adéquatement la capacité des bébés à percevoir une relation causale lors du lancer direct. Ils se basent sur le fait que les enfants peuvent utiliser un autre indice plus simple pour discriminer les événements présentés, c’est-à-dire le degré de continuité spatio-temporelle.

D’abord, il est possible que, dans l’événement causal, le nourrisson ne perçoive pas deux mouvements successifs mais un seul, à cause de la continuité dans le

mouvement, contrairement aux autres types de lancers où l’arrêt (temporel et/ou spatial) dans le mouvement de l’animation incite à percevoir deux mouvements. La distinction entre les types de lancers de nature différente réside alors dans le nombre de

mouvements, soit un seul dans le lancer direct et deux dans les autres types de lancers non causaux. Dans le lancer direct, lors du contact avec le second stimulus, le premier est confondu avec le second pour ne former qu’un seul mouvement. Cette hypothèse ne sera toutefois pas retenue longtemps par Leslie (1984), une expérimentation en deux parties ne permettant pas de la soutenir. Dans la première partie de son étude, les bébés habitués à une relation causale, comparativement à ceux habitués au mouvement d’un seul objet, ont une plus grande réaction à la nouveauté lors de la présentation de leur inversion

respective. L’inversion du mouvement de l’objet unique change seulement sa

composante spatiale, alors que l’inversion de la relation causale implique au moins une modification additionnelle, soit sa composante de priorité temporelle. Leslie conclut temporairement que les enfants perçoivent bien deux mouvements. La seconde partie de l’étude a été mise au point afin d’infirmer l’hypothèse selon laquelle le bébé perçoit le

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lancer direct comme le mouvement d’un seul objet mais qui change de couleur en cours de route. Dans cette deuxième partie, on présente à un groupe expérimental un objet unique rouge en mouvement, qui change de couleur (vert) à mi-parcours. Lors de la phase-test, on utilise le lancer direct, pour lequel le contact du premier objet rouge met en mouvement le second objet vert. Les temps de fixation de ce groupe sont ensuite

comparés à ceux d’un groupe contrôle qui a été habitué au lancer direct et que l’on a testé avec ce même lancer non inversé. Les résultats montrent que le groupe expérimental a eu un regain significatif de !’attention lors de la phase-test, contrairement au groupe

contrôle. Ces résultats permettent de conclure que les enfants perçoivent effectivement deux mouvements distincts dans le lancer direct. La première hypothèse qui consistait à prétendre que le lancer direct est perçu comme un seul mouvement, comparativement aux autres lancers non causaux, ne tient pas.

Malgré ces résultats, Leslie persiste et affirme que les résultats obtenus avec la méthode de la comparaison peuvent s'expliquer autrement que par !'attribution d'une dimension causale au lancer direct par les bébés. Il est toujours possible que la différence entre les lancers s’explique par les différents degrés spatio-temporels. Il propose alors d'ordonner les quatre événements sur un continuum de continuité spatio-temporelle. Le lancer direct se situe à une extrémité, le lancer avec délai sans collision à l’autre, et les deux autres lancers (lancer sans collision et lancer avec délai) sont insérés quelque part entre les deux. Les deux extrêmes se distinguent sur deux dimensions (spatiale et temporelle), contrairement à leurs relations avec les autres lancers, qui ne diffèrent que sur un plan seulement (spatial ou temporel). Une expérimentation menée par

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Leslie (1984), dans laquelle on compare la réaction à la nouveauté d’un groupe habitué au lancer direct et testé au lancer avec délai à celle d’un groupe habitué au lancer avec délai sans collision et testé au lancer sans collision, confirme cette organisation spatio-

temporelle des lancers. En effet, la réaction à la nouveauté est la même dans les deux groupes expérimentaux, le contraste spatio-temporel étant le même entre le lancer direct / le lancer avec délai (la différence se situant selon une composante temporelle) et le lancer avec délai sans collision / le lancer sans collision (la différence se situant selon une composante spatiale). La méthode de la comparaison ne permet donc pas d’attribuer automatiquement la reconnaissance de la dimension causale du lancer direct.

L’avènement de la méthode de l'inversion (Leslie & Keeble, 1987) fait suite à ces constatations mitigées à l’égard de l’évaluation de la perception causale. Cette méthode permet de contrer l’effet possible de la différence des simples caractéristiques spatio- temporelles entre les essais d’habituation et les essais-tests.

Méthode de l’inversion

La méthode de l’inversion permet justement de maintenir les mêmes conditions spatio-temporelles entre la phase d’habituation et la phase-test. Elle consiste à inverser la direction des stimuli de la phase d’habituation à la phase-test, ce qui permet d’isoler la composante causale du lancer direct, le degré de continuité spatio-temporelle restant identique durant les deux phases. Le raisonnement de Leslie et Keeble (1987) est le suivant : lors de l’inversion du lancer direct, la direction spatiale (déplacement de gauche

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à droite ou vice versa), la priorité temporelle (la première balle à se mouvoir devient la deuxième et vice versa) ainsi que la direction causale (la balle qui propulse devient celle qui est propulsée) de Γévénement sont inversées. Par contre, lors des lancer avec délai et lancer sans collision, seules la priorité temporelle et la direction spatiale sont inversées. L’événement causal produisant une différence additionnelle, on devrait alors s’attendre à ce qu’il y ait une plus grande réaction lors de l’inversion du lancer direct que lors de l’inversion des autres lancers.

Deux études ont pu confirmer cette hypothèse auprès des enfants de six mois. Leslie et Keeble (1987) ont observé que les bébés se déshabituent davantage lors de l’inversion du lancer direct que lors de l’inversion du lancer avec délai; l’étude de Daigle- Bélanger et Desrochers (2001) montre, quant à elle, qu’ils se déshabituent davantage lors de l’inversion du lancer direct que lors de l’inversion du lancer sans collision.

Cependant, malgré les tendances qui vont dans le même sens, aucune différence

statistique significative n’a été établie entre l’inversion du lancer direct et l’inversion du lancer avec délai dans 1 ’expérimentation de Daigle-Bélanger et Desrochers (2001). Desrochers (1999) a utilisé cette méthode d’inversion auprès de bébés de trois mois et demi et les résultats n’indiquent pas qu’ils soient aptes à percevoir la dimension causale dans le lancer direct.

La méthode de la comparaison a été largement utilisée pour évaluer la notion de causalité chez les nourrissons. La méthode de l’inversion possède toutefois un avantage majeur par rapport à l’autre méthode; elle permet de minimiser et de contrôler l’effet de

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la différence des caractéristiques spatio-temporelles des événements présentés. La rigueur de ce procédé, qui rend possible l’isolement de la composante causale, nous a incités à l’utiliser dans la présente étude.

Aspects développementaux

Leslie (1986) et Leslie et Keeble (1987) ont développé une théorie dite

« modulaire », qui entre en contradiction avec l’idée que la perception de la notion de causalité change au cours des mois chez le nourrisson. Selon cette théorie, l’enfant possède un mécanisme perceptuel inné qui lui permet d’isoler la composante causale d’un événement lorsque nécessaire. Ses travaux montrent que les enfants de six mois et demi attribuent un statut particulier au lancer direct. Selon lui, un mécanisme visuel,

responsable de la perception de la causalité, est opérant dès cet âge et permet à l’enfant de détecter certaines composantes liées aux relations causales observées. Cette conception suggère que la perception de la causalité est indépendante de la particularité des objets utilisés pour refléter la relation causale et ne change pas avec le temps.

Les résultats cités précédemment suggèrent néanmoins que !’acquisition de la notion de causalité serait plutôt tributaire d’une progression développementale au cours de la première année, peu importe la méthode utilisée. Par exemple, Oakes (1994) a observé que les bébés de sept mois percevaient la causalité entre deux objets lorsque ceux-ci sont impliqués dans une trajectoire rectiligne, mais non lors d’une autre sorte de trajectoire, contrairement aux enfants de dix mois qui ne sont pas influencés par la

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trajectoire. De plus, seuls les enfants de dix mois, comparativement à six mois,

percevaient la relation causale de stimuli complexes (Oakes & Cohen, 1990). Ces mêmes auteurs ont conclu en 1993 qu’à dix mois la relation causale n’était pas perçue lorsque les objets différaient d’un essai à l’autre durant la phase d’habituation.

Par ailleurs, il est impossible de démontrer une sensibilité à la dimension causale du lancer direct avant l'âge de six mois (Cohen & Amsel, 1998; Desrochers, 1999). Une option alternative à l'idée d'un fonctionnement modulaire automatique chez le bébé, serait de croire que les enfants testés avant l’âge de six mois perçoivent de façon différente les événements observés. Par exemple, on pourrait remarquer une préférence avant six mois pour les caractéristiques spatio-temporelles au détriment de la perception de la causalité. Dans cette optique, les aspects spatio-temporels seraient les précurseurs de la capacité à percevoir la causalité et on pourrait observer une phase de transition entre ces deux types de traitement.

Études chez les bébés de moins de six mois

Desrochers (1999) remarque que les nourrissons de trois mois et demi ne voient pas la dimension causale du lancer direct. Cependant, il a observé que les temps de fixation de l’événement causal ne différaient pas significativement de chacun des

événements non causaux, tandis que les temps de fixation des deux événements de nature non causale étaient significativement différents entre eux. Ces résultats amènent

l’hypothèse selon laquelle les enfants de cet âge sont sensibles aux conditions spatio- temporelles se distinguant sur deux plans entre les événements non causaux (contact et

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délai), mais pas à celles se distinguant sur un seul plan (contact ou délai). Ces données appuient donc notre hypothèse d’une transition possible entre la perception des conditions spatio-temporelles et la perception de la causalité au cours des six premiers mois de vie.

Cohen et Amsel (1998) ont aussi observé que les bébés de quatre mois et de cinq mois et demi ne semblent pas voir la dimension causale du lancer direct. Ces auteurs n’ont pas utilisé la méthode de l’inversion, privilégiant plutôt la présentation d’un événement lors de la phase d’habituation, suivie de tous les types de lancers lors de la phase-test. Durant la phase-test, les sujets âgés de quatre mois regardaient

significativement plus longtemps le lancer direct que les deux lancers non causaux, même les bébés ayant été habitués au lancer direct. La seule hypothèse envisagée par Cohen et Amsel est que les enfants de quatre mois ont tendance à suivre le mouvement continu du lancer direct, contrairement au mouvement discontinu des autres lancers qui incitent l’enfant à détourner le regard lors d’une interruption à la suite d’un délai temporel (lancer avec délai) ou d’une caractéristique spatiale (lancer sans collision). Ces résultats se retrouvent également chez les bébés de cinq mois et demi qui, à l’instar des nourrissons de quatre mois, montrent une préférence envers un mouvement continu. Là où les résultats diffèrent, c’est au niveau de la réaction à la nouveauté par rapport aux

événements de type non causal. Les bébés de quatre mois habitués à un type de lancer non causal n’avaient pas de rétablissement d’attention lors de la présentation en phase- test du second type de lancer non causal (lancer avec délai/lancer sans collision et vice versa), contrairement aux bébés de cinq mois et demi. Ainsi ces derniers résultats démontrent encore une fois cette transition d’un traitement des conditions

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spatio-temporelles avant six mois, au détriment de la nature causale ou non causale des

événements. Cependant, mis à part les expérimentations de Cohen et Amsel (1998) et de Desrochers (1999), la plupart des études portant sur la notion de causalité ont été

effectuées auprès de sujets âgés de six mois ou plus, ce qui laisse peu de place pour Γinstant à Γinterprétation de la progression développementale.

Objectif et hypothèses de recherche

La présente étude vise à évaluer si les bébés de 20 semaines perçoivent la relation causale dans le lancer direct et, dans le cas contraire, comment ils distinguent les

différents événements. La méthode de l’inversion est privilégiée dans cette étude de par sa capacité à maintenir la continuité spatio-temporelle des événements. Jusqu’à présent, seules trois expérimentations ont été effectuées avec cette méthode; l’une à trois mois et demi et les deux autres à six mois. L’âge de 20 semaines se situe donc à un niveau intermédiaire par rapport aux autres études.

Comme il y a très peu de données sur les enfants d’environ quatre mois, il est difficile d’émettre des hypothèses sur la réaction des nourrissons de cet âge. Cependant, on peut s’attendre à des résultats similaires à ceux obtenus par Cohen et Amsel (1998) concernant la préférence des bébés de quatre mois et cinq mois et demi à regarder le lancer causal. On peut aussi s’attendre à ce que ce soit les caractéristiques spatio- temporelles qui influencent les temps de fixation des nourrissons.

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MÉTHODE Sujets

Afin d’obtenir un échantillon de 30 bébés (15 garçons et 15 filles), 33 enfants âgés de 20 semaines ± sept jours (moyenne en jours = 142,7;

écart-type = 3,6), nés à terme et sans complication, ont été rencontrés. Deux ont été exclus de l’étude après avoir pleuré et un a été exclu pour s’être endormi durant 1 ’expérimentation. Le recrutement s’est fait grâce à la collaboration de la Régie de !’assurance maladie du Québec qui envoie aux parents, en même temps que la carte d’assurance maladie de leur nouveau-né, une lettre de notre laboratoire les invitant à participer volontairement à une expérimentation. Les parents acceptant de participer nous ont contacté par téléphone pour prendre rendez-vous et se sont présentés au laboratoire de l’Université, où s’est déroulée 1 ’expérimentation.

Stimuli

Une balle bleue de 4 cm de diamètre et une balle jaune de 4 cm de diamètre, situées à l’écran, constituent les stimuli. Trois événements ont été retenus : le lancer direct, le lancer avec délai et le lancer sans collision.- Dans le lancer direct, une balle se met en mouvement, entre en contact avec une autre et la propulse. Dans le lancer avec délai, un laps de temps de une seconde a été introduit entre le moment de l’impact et la mise en mouvement de la seconde balle. Finalement, dans le lancer sans collision, la seconde balle se met en mouvement sans contact, c’est-à-dire lorsque la première balle est à environ 4 cm de la seconde. Les deux balles sont préalablement immobiles. Lorsque l’essai commence, une balle se met en mouvement à une vitesse de 28 cm/s en direction de la seconde balle. À la suite de la collision, la seconde balle se met en

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mouvement à la même vitesse dans la même direction et disparaît au bout de l’écran. La première balle continue sa trajectoire à une vitesse moindre (9 cm/s) et disparaît au même endroit que la deuxième. Cette séquence se répète continuellement jusqu’à la fin de l’essai.

Dispositif

Le dispositif utilisé est celui de Lécuyer, Humbert et Findji (1992). L’ordinateur génère les images et les transmet à l’écran du téléviseur de 85 cm placé horizontalement devant le sujet. Les images sont réfléchies sur un miroir unidirectionnel, placé à environ 100 cm du sujet. Incliné à 45° au-dessus du téléviseur, le miroir unidirectionnel crée l’illusion d’un écran normal (voir à l'annexe C une vue schématique du dispositif). Ce dispositif permet de dissimuler derrière le miroir une caméra qui enregistre les regards du sujet. L’image du bébé apparaît ainsi sur le petit moniteur auquel 1 ’expérimentatrice se réfère afin de juger si le sujet regarde ou non en direction des stimuli. L’ordinateur gère les différentes unités temporelles : temps de fixation (en centième de seconde), critère d’habituation, début et fin des essais. Un cabinet muni d’un rideau isole le sujet de toute autre activité et sert de cloison à l’appareillage. Une telle disposition assure que seul le sujet voit les stimuli, 1 ’expérimentatrice étant ignorante de la condition présentée.

Procédure

A son arrivée, le parent signe le formulaire de consentement en deux exemplaires (voir le formulaire de consentement parental ainsi que la lettre d’approbation du comité d’étique de !’Université Laval aux annexes A et B) et remplit la fiche de renseignements

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personnels. Il place ensuite le sujet dans le cabinet et demeure dans le laboratoire tout au long de Γ expérimentation. L’expérimentatrice ajuste le siège sur lequel est placé le bébé et ferme le rideau. À partir de ce moment, tout se déroule dans le silence. L’ordinateur assigne aléatoirement chacun des sujets à un des trois groupes expérimentaux (lancer direct, lancer avec délai ou lancer sans collision) à raison de huit sujets par groupe. Le sujet se trouve face à une image visant à attirer son attention. Une fois celle-ci captée par l'enfant, 1 ’expérimentatrice débute les essais. Elle appuie sur une souris quand le sujet regarde et la relâche lorsque ce dernier ne regarde plus en direction des stimuli. Un essai débute quand le sujet regarde les stimuli pendant au moins 0,5 seconde et se termine lorsqu’il détache son regard pendant au moins 1 seconde consécutive. Le sujet contrôle donc, d’une certaine manière, le déroulement de 1 ’ expérimentation.

Un sujet est considéré comme habitué aux stimuli si la moyenne de ses trois derniers essais en habituation est d’au moins 50 % inférieure à la moyenne de ses trois premiers essais. Une fois le critère d’habituation atteint, le sujet se trouve soumis à trois essais-tests, c’est-à-dire que le même événement est présenté, mais en sens inverse. La direction initiale des événements est contrebalancée parmi les enfants, et ce dans les trois conditions expérimentales.

Pour éliminer la probabilité d’une fluctuation attribuable au hasard lors du passage aux essais-tests, le protocole de recherche comprend !’utilisation d’un groupe contrôle de six sujets contrebalancés au niveau du type d’événement présenté. Une fois le critère d’habituation atteint, le même événement est toujours présenté au sujet, sans inversion.

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Un deuxième observateur, indépendant et aveugle quant à la condition attribuée aux bébés, encode de nouveau la moitié des images conservées sur bande vidéo. Le taux d’accord inter-juges sur les temps de fixation globaux est très élevé (r = 0.99, p < 0,01).

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RÉSULTATS

Le tableau 1 présenté ci-dessous rapporte les temps de fixation moyens et les écarts-types obtenus durant la phase d’habituation et la phase-test selon chacun des quatre groupes. On note d’abord une tendance systématique à regarder davantage le lancer direct au détriment des lancers non causaux au cours de la phase d’habituation. Par contre, lors de la présentation des nouveaux événements en phase-test, cette préférence se perd au profit de deux temps de fixation extrêmes entre les deux lancers non causaux (les temps du lancer direct se situant entre les deux autres lancers). Pour tenter de confirmer ces tendances, une série d’analyses statistiques ont été effectuées. Un taux de

signification de p < 0,05 a été utilisé pour tous les tests statistiques. Les premières analyses ayant révélé que le sexe de l’enfant n’a aucune influence, ce facteur n’a pas été retenu dans les analyses présentées dans les paragraphes suivants.

Tableau 1. Durée moyenne des temps de fixation et écart-type en secondes selon chacun des quatre groupes.

Groupes Lancer direct

#=8

Lancer avec délai A=8 Lancer sans collision M=8 Contrôle Premier essai 83,5 (37,3) 28,8 (15,3) 19,9 (7,2) 24,0 (8,0) Trois premiers essais 103,9 (40,3) 48,0 (14,0) 52,2 (12,3) 68,9 (18,5) Durée moyenne 21,6 (8,0) 11,8 (2,3) 14,1 (4,4) 15,3 (3,9)

Essai le plus long 84,0 (37,1) 39,3 (14,2) 45,3 (18,4) 47,7 (16,5)

Durée totale 129,6 (48,0) 101,8 (14,5) 95,0 (30,3) 105,2 (28,4)

Dernier essai 14,1 (9,2) 3,0 (0,5) 4,5 (1,7) 3,1 (0,5)

Premier essai-test 18,7 (17,3) 22,6 (33,7) 13,9 (9,5) 10,6 (14,6)

Moyenne des

trois essais-tests 11,2 (7,3) 11,3 (11,9) 7,8 (4,4) 6,5 (7,0)

(24)

Phase d’habituation

Un test t pour échantillons dépendants effectué entre le premier et le dernier essai d’habituation a permis de confirmer que les sujets de tous les groupes se sont habitués (t (1,29) = 2,74, p < 0,05) à l’événement présenté durant la phase d’habituation.

Cependant, malgré la tendance mentionnée précédemment à observer davantage le lancer direct au cours de la phase d’habituation, aucun test statistique (paramétrique ou non paramétrique, sur données brutes ou transformées en logarithmes) ne révèle des différences significatives entre les groupes.

Phase de réaction à la nouveauté

Les sujets expérimentaux obtiennent une augmentation significative du temps de fixation entre le dernier essai d’habituation et le premier essai-test (t (1,23) = -3,75, p < 0,05), et entre le dernier essai d'habituation et la moyenne des trois essais-tests (t (1,23) = -3,83, p < 0,05). Cette réaction à la nouveauté chez les sujets expérimentaux n’est d’ailleurs pas due à un regain soudain d’attention, puisque les sujets du groupe contrôle n’ont pas présenté une augmentation significative du temps de fixation au cours des essais supplémentaires après l’atteinte du critère d’habituation.

Cependant, aucun test statistique (paramétrique ou non paramétrique, sur données brutes ou transformées en logarithmes) ne révèle des différences significatives entre les groupes en ce qui concerne leur réaction à la nouveauté (premier essai-test - dernier essai

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d’habituation; moyenne des trois essais-tests - dernier essai d’habituation). Seul l’indice de la plus grande racine de Roy de la MANO VA, qui comprend les deux variables de la phase-test transformées en logarithmes (premier essai et moyenne des trois essais) est significatif (F (2,21) = 3,68, p < 0,05). Néanmoins, les analyses subséquentes ne

permettent pas d’identifier une seule variable significative. Seul le score global composé des deux variables dépendantes montre un résultat concluant. Il est donc permis

d’affirmer que les deux extrêmes, c’est-à-dire les deux événements non causaux, sont statistiquement différents.

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DISCUSSION

La présente étude ne permet pas d'affirmer que les enfants de 20 semaines sont en mesure de reconnaître la dimension causale d’un événement. La réaction à la nouveauté lors de l’inversion du lancer direct est loin d’être la plus importante. Le taux de

recouvrement de !’attention du groupe auquel l’événement causal était présenté se situe plutôt à un niveau intermédiaire entre les deux événements non causaux. Néanmoins, malgré le fait qu’on n’ait pu démontrer une sensibilité à la causalité externe à cet âge, certains résultats coïncident avec la littérature.

D'abord, la durée des essais lors de la phase-test concorde avec les résultats obtenus dans l’étude de Desrochers (1999), menée auprès de bébés âgés de trois mois et demi. Dans cette étude, la réaction à la nouveauté a été la plus forte lors du lancer avec délai inversé et la moins forte lors du lancer sans collision inversé; la différence était d’ailleurs statistiquement significative. On observe la même tendance dans notre étude. L’explication la plus plausible pour ce résultat est que l’enfant fait la distinction entre les deux événements non causaux en fonction de deux aspects, soit le contact physique et le délai temporel, mais distingue chacun des événements non causaux du lancer direct en fonction d’un seul, soit le contact physique ou le délai temporel. Le manque de puissance

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statistique dans notre étude, dû au faible nombre de sujets composant notre échantillon, peut peut-être expliquer Γimpossibilité de confirmer statistiquement nos données. Par ailleurs, il importe de souligner la grande dispersion des durées de fixation, qui indique que les bébés ne se situent pas tous au même niveau, malgré leur âge similaire.

D’ailleurs, si on ne considère que les durées de fixation allouées aux essais-tests, on obtient des différences statistiques entre les deux lancers non causaux. Par contre, Desrochers avait observé que cette différence significative entre les deux lancers non causaux était déjà présente au cours de la phase d’habituation, ce qui n’est pas le cas dans la présente étude. Mentionnons néanmoins qu’à six mois, avec cette méthode de

l’inversion, cette préférence envers un type particulier de lancer au cours de la phase d’habituation disparaît (Daigle-Bélanger & Desrochers, 2001; Leslie & Keeble, 1987). Notre groupe se comporte ainsi de façon intermédiaire, révélant des comportements caractéristiques des bébés de trois mois et demi et de six mois. L'âge de 20 semaines correspond peut-être à une période de transition, entre une tendance à porter toute son attention sur les seules caractéristiques spatio-temporelles des événements et le début de la reconnaissance de la causalité externe. Évidemment, cette hypothèse se doit d’être analysée à la lumière de nouvelles études.

Enfin, mentionnons que certaines tendances se rapprochent étrangement de celles observées par Cohen et Amsel (1998). Les bébés de quatre mois et de cinq mois et demi de cette étude regardaient significativement plus longtemps l’événement causal que les événements non causaux lors de la phase-test. Dans notre étude, une préférence pour le lancer direct a plutôt été observé tout au long de la phase d’habituation. Aucune

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différence statistique entre les groupes n’a cependant été rapportée, peut-être à cause du manque de puissance statistique comme mentionné précédemment. Cependant, notons que les deux études n’ont pas utilisé la même méthode, Cohen et Amsel ayant privilégié la méthode de la comparaison.

Ces résultats sont-ils compatibles avec les différents modèles théoriques existant sur la notion de causalité ? L’approche modulaire de Leslie (1986) suggère que l’enfant a les capacités de reconnaître la dimension causale lors du lancer direct grâce à un

mécanisme de perception inné qui s’enclenche, en quelques sortes, lorsque les

caractéristiques liées à la notion de causalité sont observées. Cependant, les données de plusieurs études (Cohen & Amsel, 1998; Cohen & Oakes, 1993; Daigle-Bélanger & Desrochers, 2001; Desrochers, 1999; Oakes, 1994; Oakes & Cohen, 1990), dont la nôtre, ne permet pas d'appuyer cette idée puisque les bébés de six mois ou moins ne décèlent pas automatiquement la particularité causale du lancer direct. On ne peut donc plus affirmer que le processus impliquant la compréhension de la notion de causalité externe est inscrit à la naissance. Il paraît plutôt sensible à différentes caractéristiques selon l’âge.

La proposition de Cohen (Cohen, 1991; Cohen & Oakes, 1993; Oakes, 1994) diffère considérablement de celle de Leslie (1986), dans ce sens que la perception de la causalité des événements se développe à mesure que l’enfant apprend à traiter

!’information. Ainsi, ce processus se fait graduellement au cours des premiers mois de la vie. Cohen suggère qu’avant l’âge de cinq mois, les bébés ne perçoivent pas la relation

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entre deux objets, mais s’intéressent davantage aux différentes parties d’un objet. Ce n’est que vers l’âge de six ou sept mois que les enfants commencent à percevoir cette relation entre les objets; la notion de causalité ferait donc son apparition initiale au cours de cette période. La perception de la relation causale se développe ensuite entre l’âge de sept et dix mois, lorsque l’enfant comprend graduellement que la relation entre les objets forme un événement. Dans la présente étude, les enfants de 20 semaines n’ont pas perçu la causalité. Néanmoins, tout comme dans l’étude de Desrochers (1999), ils ont réagi à la nouveauté lors de l’inversion des lancers. Cette réaction démontre qu’à cet âge, ils sont capable de porter attention à la relation entre deux objets et réagissent à sa modification éventuelle.

Finalement, le modèle de Piaget (1937), basé sur les six stades du développement de !’intelligence sensori-motrice, s'accorde bien avec les résultats obtenus dans cette étude. En effet, à 20 semaines, l’enfant ne reconnaît pas la causalité externe. Cet âge correspond au troisième stade, au cours duquel l’enfant s’attribue la cause de tout événement extérieur à lui. Puisque cette étude a utilisé une procédure contrôlée par le sujet, il ne serait peut-être pas faux de prétendre que les bébés de !’échantillon ont perçu une relation entre les lancers et eux-mêmes, en déclenchant l’événement à chaque fois qu’ils regardaient l’écran. Selon Piaget, ce phénomène constitue une première forme de causalité, bien que ce ne soit pas une causalité dite « externe ».

Les résultats obtenus avec la technique de l’habituation visuelle-réaction à la nouveauté ne peuvent s’inscrire pour l’instant que dans une approche théorique

(30)

développementale. Avant l’âge de six mois, les enfants seraient sensibles aux

caractéristiques spatio-temporelles des événements. La perception de la relation causale débuterait vers six mois pour s’affiner graduellement; par exemple, depuis la causalité de stimuli simples jusqu’à celle de stimuli plus complexes. Ceci dit, des recherches

ultérieures avec des échantillons plus grands et des enfants de moins de six mois sont nécessaires pour confirmer ces hypothèses. De plus, il serait intéressant d’observer des groupes d’enfants âgés de trois à six mois, en laissant un intervalle de deux semaines entre chaque groupe, pour examiner à quel moment s’amorcent les changements dans la compréhension de la notion étudiée. On pourrait supposer qu’une différence de deux ou de quatre semaines est minime, mais comme l’observait déjà Piaget (1937), les

nourrissons sont constamment en apprentissage et acquièrent rapidement des notions et des habiletés nouvelles, et ce, en l’espace parfois d’à peine quelques jours.

(31)

Références

Cohen, L. (1991). Infant attention : An information processing approach. In M. J. Weiss & P.R. Zelazo (Eds.), Newborn attention : biologica constraints and the influence of experience (pp. 1-21). Norwood, NJ : Ablex.

Cohen, L. & Amsel, G. (1998). Precursors to infant’s perception of the causality of a simple event. Infant Behavior & Development. 21. 713-732.

Cohen, L. & Oakes, L. (1993). How infants perceive a simple causal event. Developmental Psychology. 29. 412-433.

Daigle-Bélanger, N. & Desrochers, S. (2001). Can six-month-old infants process causality in different types of causal events ? British Journal of Developmental

Psychology, 19. 11-21.

Desrochers, S. (1999). Infants’ processing of causal and noncausal events at 3.5 months of age. The Journal of Genetic Psychology. 160. 294-302.

Desrochers, 8., Ricard, Μ. & Gouin Décarie, T. (1995). Understanding causality in infancy : A reassessement of Piaget’s theory. CPC. 14. 255-268.

Lécuyer, R. (1994). Nouveauté et organisation des connaissances. Dans R. Lécuyer, M.G. Pêcheux et A. Streri (Eds), Le développement cognitif du nourrisson (pp. 147-203). Paris : Nathan.

Lécuyer, R., Humbert, R. & Findji, F. (1992). Un dispositif original pour l’étude de la perception et des processus cognitifs chez le jeune enfant. Année Psychologique. 22.225-232.

Leslie, A.M. (1984). Spatiotemporal continuity and the perception of causality in infants. Perception. 13. 287-305.

(32)

Leslie, A.M. (1986). The necessity of illusion. In L. Weiskrantz (Ed.), Thought without language (pp. 185-210). Oxford : Clarendon Press.

Leslie, A.M. & Keeble, S. (1987). Do six-months-old infants perceive causality? Cognition. 25. 265-288.

Michotte, A. (1954). La perception de la causalité. Paris : Edition Enasme Oakes, L.M. (1994). Development of infants’ use of continuity cues in their perception of causality. Developmental Psychology. 30. 869-879.

Oakes, L.M. & Cohen, L.B. (1990). Infant perception of a causal event. Cognitive Development. 5. 193-207.

Piaget, J. (1937). La construction du réel chez T enfant. Neuchâtel, Suisse : Delachaux et Niestlé.

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Annexe A

(34)

Formulaire de consentement parental

Je soussigné(e)... consens librement à ce que mon enfant,... , participe à la recherche intitulée : « La notion de causalité chez les enfants de 4 mois et trois semaines ».

La nature et les procédés de la recherche se définissent comme suit :

1. La recherche a pour but de mettre en évidence la capacité des enfants de quatre mois et trois semaines à percevoir la relation de causalité impliquée dans une collision entre deux objets en utilisant la technique de !’habituation visuelle.

2. Comme participants, nous nous rendrons une fois au Laboratoire du développement cognitif du nourrisson de ΓUniversité Laval, à Ste-Foy. La visite durera environ 1/2 heure. Dans le cadre de cette expérimentation, j’accepte que mon bébé soit filmé pendant qu’on lui présentera deux objets en mouvement sur un écran de télévision. Mon bébé sera libre de regarder ces images ou non, et à son propre rythme. J’accepte également que différents aspects de son comportement (durée de ses regards, son intérêt, sa réaction à la nouveauté) soient évalués et je consens à fournir certains renseignements concernant mon bébé (âge, sexe, problèmes à la naissance) et moi-même (téléphone, adresse, emploi occupé, éducation). Si je dois débourser des frais pour le stationnement, ceux-ci me seront remboursés (2 $).

3. Je pourrai me retirer de cette recherche en tout temps, sans avoir à fournir de raison ni à subir de préjudice quelconque.

4. Comme avantage, la participation à cette recherche me fournira une occasion d’observer mon bébé dans une situation particulière, et d’en apprendre sur sa capacité d’apprentissage visuel.

5. Comme cela lui arrive probablement à l’occasion au cours de sa vie quotidienne, il se peut que mon bébé pleure durant la session. Dans ce cas, nous serons obligés de mettre fin à sa participation pour la session concernée. Comme inconvénient, je devrai me déplacer à l’université Laval.

6. En ce qui concerne l'anonymat des participants (es) et le caractère confidentiel des renseignements fournis, les mesures suivantes sont prévues :

- Les noms des participants (es) ne paraîtront sur aucun rapport;

- Un code sera utilisé sur les divers documents de là recherche. Seuls (es) les chercheurs (ses) auront accès à la liste des noms et des codes;

- Si les renseignements obtenus dans cette recherche sont soumis à des analyses ultérieures, seul le code apparaîtra sur les divers documents ;

- En aucun cas, les résultats individuels des participants (es) ne seront communiqués à quiconque. 7. Un court résumé des résultats obtenus parviendra aux répondants (es) en ayant fait la demande. Cette recherche est faite sous la direction de M. Stéphan Desrochers, professeur à l’École de Psychologie de !'Université Laval (656-2131 #5068), à qui toute question pourra être adressée.

Signature du (de la) participant (e) Valérie Brochu, étudiante à la maîtrise Date :__________________ _______________________________ Numéro d’approbation du comité d’éthique : 188-2000 Stéphan Desrochers, professeur

(35)

Annexe B

(36)

VICE-RECTORAT À LA RECHERCHE

Comité d'éthique de la recherche

Cité universitaire Québec, Canada G1K7P4

Sainte-Foy, le 22 novembre 2000

Madame Valérie Brochu École de psychologie Université Laval (Québec) G1K 7P4

OBJET : Projet de recherche intitulé : «La notion de causalité chez les enfants de 4 mois et trois semaines» 188-2000

Madame,

Le comité de déontologie de la recherche de !’Université Laval a approuvé votre projet de recherche pour une durée d’un an.

Ce projet ne présente aucun problème quant à l’aspect déontologique et nous sommes heureux de formuler un avis déontologique qui lui est favorable.

Le comité d’éthique devra être informé et devra réévaluer ce projet advenant toute modification ou l’obtention de toute nouvelle information qui surviendrait à une date ultérieure à celle de la présente approbation et qui comporterait des changements dans le choix des sujets, dans la manière d’obtenir leur consentement ou dans les risques encourus.

Le projet devra être réévalué un an à partir de la date d’approbation, le chercheur indiquant brièvement l’évolution et le déroulement de sa recherche, les résultats à date, le nombre de participants recrutés et si les perspectives de cette recherche se déroulent tel que prévu.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Guy Pelletier M.D. Ph.D. Président

Comité de d’éthique de l’Université Laval

Local 1040, pavillon Agathe-Lacerte

Téléphone :(418) 656-2131 poste 4506 - Télécopieur :(418) 656-2840 Courriel : guy.pelletier@crchul.ulaval.ca

(37)

Annexe C

(38)

MIROIR 1 SEMÍ-TRANSP, Eclairage,

ORDINATEUR

MAGNÉTOSCOPE

Figure

Tableau 1. Durée moyenne des temps de fixation et écart-type en secondes selon chacun  des quatre groupes.

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