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Laissons la religion en dehors de la science

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© Les génies de la science

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e nombreux scientifiques déplorent une montée des croyances « irra-tionnelles », mystiques et religieuses, ainsi que la crédulité des citoyens face aux « pseudo-sciences », l’as-trologie et les médecines « paral-lèles ». Cependant, ils devraient d’abord nettoyer leurs propres écu-ries. Car, sous couvert de vulgarisa-tion scientifique, certains d’entre eux alimentent cet irrationalisme, en mêlant science et religion.

En effet, plusieurs ouvrages, aux titres révélateurs, ont été commis par des physiciens de renom depuis la fin des années 1980.Par exemple, The Anthropic Cosmological Principle (Le principe cosmologique anthropique, 1986) des cosmologistes John Barrow et Frank Tipler, prône une vision anthro-pomorphique de la nature : si celle-ci existe telle qu’elle est (avec ses lois, ses constantes, etc.), c’est que l’homme devait y apparaître. En fait, les auteurs présentent comme un mys-tère ce qui n’est qu’une tautologie. Autre exemple :Physics of Immortality (La physique de l’immortalité, 1995), par Frank Tipler, propose une démons-tration de l’immortalité de l’âme. Des dizaines de pages d’équations, incom-préhensibles pour le lecteur moyen, simulent une démonstration mathé-matique. Citons encore The Mind of God (L’esprit de Dieu, 1992), publié par le cosmologiste Paul Davies, auteur de nombreux autres ouvrages « révélant » le rôle de Dieu dans les origines de l’Univers et de la vie. Le fait que l’auteur soit un physicien reconnu, encore en activité, donne plus de crédibilité à des positions qui, venant d’un inconnu, seraient per-çues comme extravagantes.

Les ouvrages de ce type rencon-trent un grand succès aux États-Unis.

Ils sont en outre encouragés par la fondation américaine Templeton, qui promeut depuis 1987 les liens entre science, théologie, spiritualité et reli-gion. Cette fondation accorde chaque année des subventions de milliers de dollars pour favoriser l’étude des relations entre science et spiritualité. Elle décerne également un prix annuel de plus d’un million de dollars à une personnalité ayant contribué « à une meilleure compréhension de Dieu et des réalités spirituelles ». Le premier scientifique à avoir obtenu le prix Tem-pleton fut P. Davies en 1995.

Par ailleurs, le lien entre science et religion est exploité dans certains titres, même en l’absence de moti-vation mystique. Leon Lederman, prix Nobel de physique, a intitulé en 1993 son ouvrage The God Particle (La par-ticule de dieu, traduit par Une sacrée particule aux éditions Odile Jacob en 1996) alors que son but était politique. Il s’agissait de s’assurer des appuis publics pour construire un superac-célérateur coûteux, à la recherche du boson de Higgs, particule censée aider à comprendre l’origine de la masse dans l’Univers ; d’où la méta-phore de « particule de Dieu ». Ce pro-cédé est aussi employé par Stephen Hawkin, qui a prétendu un jour voir Dieu dans ses équations.

En somme, les scientifiques criti-quent la montée du mysticisme, mais restent indulgents envers leurs confrères, comme si tout était bon pour promouvoir les sciences, y compris les allusions mystico-religieuses.Ainsi, sur l’ouvrage The Physics of Immor-tality, la revue Science a publié un compte-rendu d’une page et demie dépourvue de tout regard critique : rien n’était dit sur la fausse démonstra-tion mathématique !

Les scientifiques qui font œuvre de communication ont un devoir de réalisme. Une vulgarisation scienti-fique « honnête » ne doit pas se pré-occuper de Dieu. Le propre de la science est de proposer une vision naturaliste du monde qui le rend com-préhensible sans en appeler à une intelligence transcendante. On gagne-rait à revenir à ce principe.

Les scientifiques contribuent au retour du mysticisme, soit directement dans leurs écrits

destinés au grand public, soit indirectement en fermant les yeux sur ce procédé.

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Yves Gingras est professeur à l’Université du Québec à Montréal, membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technolgie (CIRST). Y. Gingras, Nouvel Âge et rhétorique de la scientificité, in Interface, vol. 18, n° 2, p. 6-8, mars-avril 1997.

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© POUR LA SCIENCE - Trimestriel novembre 2004 - février 2005

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