Le Cadre Commun de Référence,
les contrats de services et la
profession d’avocat
Prof. Dr. Benoît
Kohl
Professeur (Université de Liège)
Professeur invité (Université de Paris II)
Avocat (Stibbe Bruxelles)
Introduction
Petit retour en arrière : les projets européens
et le contrat de service
1990 : Proposition de directive sur la responsabilité
du prestataire de services
(COM (1990) 482 final, J.O., C 012/8 du 18 janvier 1991) Objectif : apporter une meilleure protection pour les
consommateurs qui subissent un dommage résultant de services défectueux.
Caractéristique principale : système uniforme de
responsabilité pour les prestataires de services basé sur le renversement de la charge de la preuve à l’avantage de la personne ayant subi le dommage.
Introduction
Petit retour en arrière (suite) : les projets
européens et le contrat de service
Contrat de construction : travaux du GAIPEC (1992) et
thèse de C.E.C. Jansen (1998)
.
Pour mémoire : E.P.C.L. (O. Lando e.a.)
Study Group on European Civil Code (c. Von Bar)
(2003-2007)
« Tilburg Working Team on Services »
Publication en 2007 des PECL SC
Intégrés presque sans modifications dans le DCFR : Livre
Plan
Le contrat de service dans le DCFR
Incidence sur la pratique de la profession
LE CONTRAT DE SERVICE
DANS LE DCFR
Difficultés préalables (cfr. M. Loos) :
Réglementation rudimentaire du contrat de service dans nombre d’Etats membres.
Ex : § 675 BGB ; Art. 1779 Code civil (France / Belgique) -> De nombreuses dispositions du Chap. IV.C formalisent une jurisprudence habituelle en France/Belgique
Contrat de service d’importance limitée à l’époque des codifications
Processus de « reclassification » des contrats spéciaux autour du contrat de service
(ex : J. Sénéchal (France) ; W. Goossens (Belgique))
Multiples réglementations autonomes en dehors des Codes (ex : assurance,
construction, contrats médicaux,…)
Bird’s eye view
Focus : influence of the rule of incompatibility/independance on the validity of
the linked contracts
Is the regulation still accurate ?
Autres difficultés :
Préférence de la Commission Européenne pour une
approche « sectorielle » des services (ex: services
bancaires, voyages forfait, timesharing, marchés
publics,…).
Cfr échec de la proposition de directive « responsabilité du
prestataire de services »
Préférence pour une élaboration de l’harmonisation au
départ de l’acquis communautaire en droit de la
consommation
Cfr « Acquis group »
Cfr Projet de directive relative aux droits des consommateurs Cfr, pour l’harmonisation du droit de la construction, B. Kohl
(Bruylant et LGDJ, 2008)
Structure du DCFR à propos des contrats de
service
Règles générales:
Chap. IV.C.1 : Généralités
IV.C.1:101 : « This Part of Book IV applies: (a) to contracts
under which one party, the service provider, undertakes to supply a service to the other party, the client, in exchange for a price; and (b) with appropriate adaptations, to contracts under which the service provider undertakes to supply a
service to the client otherwise than in exchange for a price.
IV.C.1.:102 : « This Part does not apply to contracts in so far
as they are for transport, insurance, the provision of a security or the supply of a financial product or a financial service ».
Chap. IV.C.2 : Règles applicables à tous les contrats de
service (cfr infra).
Structure du DCFR à propos des contrats de
service
Règles applicables à certains contrats de service:
Chap. IV.C.3 : Contrat d’entreprise de construction
immobilière ou mobilière
Plans fournis par l’entrepreneur (D&B Contracts) ou par le client Pas applicable au contrat de « services » portant sur les
immeubles
Aussi la construction « mobilière » ou « incorporelle » (ex:
machines, sites web,..), avec les adaptation nécessaires
Chap. IV.C.4. : Contrat « d’entreprise » (« processing »)
IV.C.4:101 : « … the processor undertakes to perform a service on an existing moveable or incorporeal thing or to an
immoveable structure ».
Contrat de construction lorsque le prestataire « materially alter » un bien immeuble existant.
Règles applicables à certains contrats de service
(suite):
Chap. IV.C.5 : Contrat de dépôt (« storage »)
Pas applicables aux immeubles, ni aux choses durant leur
transport, ni aux fonds.
Chap. IV.C.6. : Contrat de conception (« design »)
Design de choses mobilières (ex : design industriel) ou
immobilières (plans d’immeubles).
Chap. IV.C.7. : Contrat d’information et de conseil
(« information and advice »)
Applicable aux prestations de conseil des avocats
Règles également applicables de manière subsidiaire si
l’information ou le conseil sont accessoires à une obligation principale (ex. : contrat entre une banque et son client ; contrat entre un médecin et son client, lorsque les règles du chapitre IV.C.8. ne prévoient rien de particulier)
Chap. IV.C.8 : Contrat de soins (« Treatment »)
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:101 : Prix
Contrat à titre onéreux, lorsque le prestataire est un
professionnel
Le fait que le prix ne soit pas mentionné n’empêche
pas qu’il y ait contrat de service (prix fixé a posteriori ; critère du tarif applicable généralement)
Les règles applicables au contrat de service en
général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:102 : Devoir précontractuel d’avertissement
A charge du prestataire
Lorsque le professionnel prend connaissance du fait que le service
(i) ne pourrait pas atteindre le résultat prévu ou envisagé, (ii) pour préjudicier le client ou (iii) pourrait prendre plus d’argent ou de temps que ce à quoi le client pourrait raisonnablement s’attendre
Si le prestataire n’avertit pas le client, la modification unilatérale
ultérieure du service par le prestataire est sans effet, sauf s’il démontre que le client aurait de toute manière contracté (sans préjudice de l’annulation du contrat pour vice de consentement)
A charge du client :
Lorsqu’il est informé de « faits inhabituels » de nature à accroître
le coût ou la durée de la prestation, ou de nature à causer dommage au prestataire
Sinon, D-I au profit du prestataire + ajustement prix / durée
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:102 : Devoir précontractuel
d’avertissement (suite)
Relation au droit belge :
Vices de consentement (dol / erreur) : la partie préjudiciée
peut demande l’annulation du contrat
Obligation d’information dans le droit de la consommation Culpa in contrahendo
Nombreuses applications (ex : devoir précontractuel
d’information de l’architecte ou de l’entrepreneur, de l’informaticien, etc.)
Secteur de la construction : sujétions imprévues mais
connues du MO (si les circonstances (ex : état du sol) sont, non notoires, mais connues du MO, ce dernier doit en avertir l’entreprise).
Les règles applicables au contrat de service en
général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:103 : Devoir de collaboration
Le client doit fournir une information suffisante et
adéquate
Information à propos de ses besoins
Information à propos de l’environnement et des circonstances
dans lesquels les services seront prestés
Obligation de fournir les permis, licences, etc..
Le prestataire doit donner au client l’opportunité de
contrôler le service durant l’exécution (pour rendre efficace le devoir du client « to notify anticipated non conformity » (art. IV.C.-2:107)
Exception d’inexécution
A défaut de collaboration par le client : indemnisation du
dommage subi par le prestataire et délai supplémentaire
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:104 : Sous-traitants / matériaux
La sous-traitance est de droit même sans accord du
client, sauf intuitu personae, à déterminer par le juge
Obligation d’utiliser des outils et matériaux conformes
au contrat et aux lois, et « fit to achieve the particular
purpose for which they are to be used ».
En cas de sous-traitants imposés ou de matériaux
fournis par le client, application de l’art. IV.C.-2:107 (« instructions du client ») : voy. infra
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:105 : Obligation « of skill and care »
Principe : obligation de moyen(s) (en fonction de ce
qu’il est raisonnable d’attendre d’un tel professionnel (règles de l’art) et conformément aux dispositions légales), …
… sauf si l’interprétation du contrat permet de considérer
que les parties ont eu en vue un résultat
….sauf si le prestataire prétend fournir des services d’un
standard plus élevé que les autres prestataires
… sauf si le prestataire relève d’un groupe de professionnels
dont les standards ont été fixés par la loi ou par le groupe lui-même (ex : chartes/labels de qualité , etc..)
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:106 : Obligation de résultat (« to achieve
result »)
Obligation de résultat:
Lorsque, avant la formation du contrat, le cliente demande
expressément du prestataire qu’il atteigne un résultat que le ce dernier ne conteste pas que le service permettra de
l’atteindre
Lorsque, si les parties n’ont pas évoqué la question, un
prestataire raisonnable devrait s’attendre à ce que le client s’attende à ce que le résultat soit atteint
Lorsque le client n’avait pas de raison de croire qu’existait un
risque important que le résultat ne soit pas atteint
Cfr critère de l’aléa en Belgique
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:107 : Instructions du client (« Directions of
the client »)
Obligation du prestataire de suivre les instructions,
données en temps utile
En cas d’inexécution (ex : défaut) résultant des
instructions que le prestataire devait suivre, ce dernier n’est pas responsable, si le client a été dûment
informé (IV.C-2:108)
Les instructions peuvent entraîner une modification
unilatérale du contrat (IV.C.-2:109), donnant lieu, à délai ou indemnité complémentaire.
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:108 : Obligation contractuelle d’information
du prestataire :
en cas de risque que le service (i) ne permette pas
d’atteindre le résultat, (ii) entraîne une dommage ou (iii) demande plus de temps/argent que prévu
que ce risque résulte d’instructions/informations
fournies par le client, de la collecte d’informations préalable à l’exécution ou d’autres événements
Obligation de s’assurer que le client comprend
l’information
Sanctions: cfr droit des contrats en général; en outre,
impossibilité de réclamer délai/paiement
supplémentaire (et donc, compensation impossible)
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:109 : Modification unilatérale du contrat
Droit pour chaque partie, si cette modification est
raisonnable en tenant compte du résultat à atteindre, des intérêts des deux parties et des circonstances.
Changement « raisonnable » si :
Il est nécessaire pour l’accomplissement du résultat
Il est la conséquence d’une instruction du client, non révoquée
suite à l’avertissement donné par le prestataire
Il constitue la conséquence de l’information donnée par le
prestataire en application de l’art. IV.C.-2:108
Il est justifié par un changement de circonstances au sens de
l’art. IV.C.-2:110
Ajustement du prix ou du délai
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:110 : Obligation du client d’informer en
cas de non-conformité prévisible (« obligation to
notify anticipated non-conformity »)
Devoir d’informer le prestataire si le client prends
connaissance durant l’exécution que le prestataire n’atteindra pas le résultat
Application du principe de bonne foi
Les règles applicables au contrat de service
en général (Chap. IV.C.2)
IV.C.-2:111 : Droit de résiliation du client
A tout moment en informant le prestataire Indemnité ou non selon que la résiliation est« justifiée », ce qui est le cas:
Lorsque le contrat l’autorise à résilier
Lorsque le contrat est à durée indéterminée
A défaut, le prestataire est, autant que possible,
replacé dans la situation qui eut été la sienne si les obligations contractuelles avaient été poursuivies jusqu’au terme (damnum emergens, lucrum cessans)
LE DCFR ET LA
PROFESSION D’AVOCAT
Préambule : Importance de la déontologie
La relation contractuelle sera généralement
qualifiée de contrat de service, et plus précisément
de « contrat de conseil » (Chap. IV.C-7).
En cas de représentation, application des règles du
« mandate » (Chap. IV.D). Dans ce cas, les règles
du mandat seules s’appliquent (voy. IV.D.1:101 § 5).
Ex:
IV.D.5:102 : Conflit d’intérêts :interdiction de principe d’agir pour
deux mandants ayant des intérêts opposés
IV.D.1:104: Révocation ad nutuum sauf mandat irrévocable (ex :
clause, intérêt commun,…)
IV.D.3:103 : Obligation de moyen, sauf clause ou absence d’aléa
DFCR et profession d’avocat
Constat général : Sous réserve des
précisions opérées infra , les dispositions du
DCFR relatives au contrat de service /
mandat / conseil s’écartent peu des règes
de droit civil applicables de lege lata à la
profession d’avocat en droit belge.
Exécution du contrat: standard à atteindre :
Art. IV.D.-3:103 (mandat)(« care and skill that theprincipal is entitled to expect under the circumstances).
Art. IV.C.-2:105 (services) (« care and skill which a
reasonable service provider would exercise under the circumstances »)
Importance similaire des normes déontologiques (art.
IV.C.-2:105(3) et IV.D.-3:103(3): degré plus élevé de compétence
Formation du contrat: devoir précontractuel
d’information
Art. IV.C.-2:102 et IV.C.-7:102 :
Devoir d’avertir le client du risque que le service demandé
pourrait ne pas permettre d’atteindre le résultat souhaité ou pourrait être plus long ou onéreux que prévu.
Devoir de l’avocat de récolter des données à propos,
notamment, des besoins spécifique du client sollicitant le conseil, de la décision dont dépend le conseil à fournir, de la situation personnelle du client, …
Obligation d’informer le client des raisons pour lesquelles
les informations sont sollicitées.
Les règles de déontologie de l’avocat ne suffisent-elles
pas ?
Exécution du contrat: devoir de résultat ?
Selon l’article IV.C-2:106, l’avocat est tenu « to achieve the
specific result stated or envisaged by the client at the time of the conclusion of the contract ».
Le littera b prévoit une exception : « specific result to be achieved,
provided that in the case of a result envisaged but non stated (…) (b) the client had no reason to believe that there was a substantial risk that the result would not be achieved by the service ».
Cette disposition est-elle suffisante pour relever l’avocat de son
obligation de résultat ?
Fréquents différents sur la discussion entre avocat et client à propos
des risques et chances de gain
Risque d’accroissement de la responsabilité de l’avocat
Risque accru vu l’article 7:105 : « The factual information provided by
the information provider to the client must be a correct description of the actual situation described » : obligation de résultat lorsque
l’information est purement factuelle (ex cité : revirement de
jurisprudence récent oublié dans une consultation) -> l’avocat est responsable si sa base de données n’est pas à jour !
Exécution du contrat : conflits d’intérêt
L’article IV.D-5:101 ne rend pas pleinement compte de la
finesse des règles déontologiques.
Pas en soi une difficulté dans la mesure où il est admis
que les règles de déontologie reçoivent la préférence au regard des principes du DCFR
Honoraires et frais
Art. IV.D.-2:103 (mandat) : contrairement à la pratique :
« when the agent is entiteld to a price, the price is
presumed to include the reimbursement of the expenses the agent has incurred in the performance of the
obligation under the mandate contract »
Hypothèse des frais d’huissier, etc.
Fin du contrat
Principe : IV.C-2:111 : le client peut mettre fin au contrat à tout moment
Voy. cependant IV.C-2:111(4) et IV.D-6:101(6): obligation pour le client de payer des dommages et intérêts à l’avocat si le client n’était pas fondé à mettre fin à la relation contractuelle.
En sens inverse : art. IV.D-6:101 : l’avocat chargé d’un mandat peut mettre fin au contrat, avec DI s’il n’était pas fondé à y mettre fin
Dans les deux cas: obligation de payer le lucrum cessans et le
damnum emergens.
Or, à l’heure actuelle:
Le client ne paye pas de DI à l’avocat si il met fin à la relation sans motifs. Selon l’art. 3.1.4. du Code de déontologie du CCBE : « l’avocat ne peut
exercer son droit de ne plus s’occuper d’une affaire à contretemps de manière telle que le client ne soit pas en mesure de trouver une autre assistance judiciaire en temps utile ».