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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La diffusion médiatique des sciences humaines et sociales : pistes de recherche pour un objet mésestimé

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

LA DIFFUSION MÉDIATIQUE

DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES :

PISTES DE RECHERCHE POUR UN OBJET MÉSESTIMÉ

Vincent BUOUS

Ecole de Journalisme et de Communication, Marseille

MOTS-CLÉS : SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES – MÉDIATIQUE DES SCIENCES – DISCOURS D’INFORMATION MEDIATIQUE – JOURNALISME

RÉSUMÉ : Cette communication souligne la persistance “ d’ignorances remarquables ” dans le champ de la diffusion publique des Sciences Humaines et Sociales (SHS). A partir de premiers résultats sera proposée l'hypothèse qu'existe une grande proximité entre productions des SHS et discours médiatiques d'information, et que cet encastrement masque en partie les problèmes et enjeux de la circulation sociale d’informations complexes.

ABSTRACT : This communication underlines the persistence of “remarkable ignorances” with regard to the field of public diffusion of Social and Human Sciences (SHS). From first results will be proposed the hypothesis of a great proximity between social sciences productions and media speeches of information, and that this embedding partly masks several problems and stakes of social circulation of complex informations.

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1. QUE SAVONS-NOUS DE LA MEDIATIQUE DES SHS ?

En résonance avec la thématique de ces journées, synthétisée dans l’intitulé "Ignorances et questionnements", cette intervention propose d'apporter un éclairage sur ce qui constitue en quelque sorte une "ignorance remarquable" : Que savons-nous de la médiatique1 des Sciences Humaines et Sociales, et quelle attention accorder à celle-ci, en tant qu’objet de recherche et de pratique ?

Il ne s’agit pas ici d’aborder frontalement une telle question, mais il semble cependant fertile d’en présenter les enjeux généraux - dont la définition est bien moins évidente qu’il ne pourrait y paraître au premier abord -, avant de rendre compte des recherches dans ce champ. Enfin, quelques pistes et premiers résultats de recherche seront proposés, à partir du regard des Sciences de l’Information et de la Communication, et plus spécifiquement à partir de travaux menés au sein du groupe de recherche sur les rapports entre Médias, Informations et Connaissances2.

2. LES SHS DANS UNE “ ZONE OBSCURE ” ?

L’existence d’une “ zone obscure ” en matière de vulgarisation des SHS, si elle est très souvent signalée par les chercheurs3, reste un peu paradoxalement inexplorée. Et cette lacune ne semble pas pouvoir être spécifiquement attribuée aux recherches françaises4. Il semble également utile de constater que la faible attention portée aux SHS concerne aussi les acteurs des espaces médiatiques. Pour l’essentiel des thématas et des débats liés à la diffusion scientifique, la “ divulgation ” des productions des SHS ne se fait pas, a priori, dans les mêmes termes que pour celle des SVM5. Se poser la question du traitement médiatique des SHS c’est finalement moins se demander s’il faut ajouter de nouveaux champs disciplinaires aux études de la médiatique des sciences que se projeter dans un changement du regard et donc des questionnements théoriques et praxéologiques face à la circulation sociale des productions scientifiques, qu’elles soient de la matière et du vivant ou de l’homme et de la société, comme nous y invite Bertrand Labasse dans ses nombreux travaux sur la question.

1 Le terme “ médiatique ” sera ici préféré à celui de médiatisation, la voie ouverte à partir des travaux de J. Guichard et J.-L. Martinand correspondant mieux à notre sens au travail de recherche théorique et appliqué nécessaire à l’analyse des dispositifs médiatiques dans lesquels on va retrouver les productions des SHS.

2 Groupe de recherche de l’Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille.

3 On en retrouve trace dans les travaux de Brigitte Le Grinou, Bertrand Labasse, Bernard Miège, Françoise Tristani-Potteaux, Philippe Roqueplo, etc.

4 Pour exemple, en trois ans de suivi de la liste de diffusion PCST (Public Communication of Science and Technology, qui rassemble une communauté internationale de chercheurs), nous n’avons pu identifier qu’une dizaine de messages concernant la vulgarisation des SHS, sur un total de plus de 500 messages à la fin 2003. Constat éloquent, même s’il n’a pas caractère de “ preuve ”.

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3. DES ENJEUX THEORIQUES ET PRATIQUES

Afin de caractériser plus précisément les enjeux de recherche, il importe de distinguer deux phénomènes, qui ne paraissent pas tout à fait indépendants : la faible attention portée à la médiatique des SHS est un premier phénomène. Le second est plus difficilement saisissable, et concerne la reconnaissance du rôle des SHS en société, en quelque sorte “ l’utilité sociale6 ” des SHS. Sur cet aspect, les interventions à un colloque organisé en 2001 par Robert Proulx7 peuvent être rapprochées des propos de Jean-François Marchipont, directeur de la Direction K de la Commission Européenne en 2003 (Société et Economie de la Connaissance). Il en ressort un motif central de reconnaissance des SHS en société et, par incidence, de soutien aux recherches : le “ contrôle de la maîtrise ”. Expression consacrée par Edgar Morin, identifiant une fonction première des SHS en société, qui serait de questionner voire même de donner les moyens de “ contrôler ” les avancées du progrès scientifique et technique.

Mais il serait probablement incomplet de n’y voir qu’une logique de contrôle, et on retrouve dans le prolongement l’idée selon laquelle les SHS joueraient le rôle de “ catalyseurs sociaux ” pour les sciences et les techniques.

Il est à cet égard significatif, voire central, de remarquer que dans les deux cas le rôle des SHS n’est défini qu’en “ creux ”, c'est-à-dire par rapport aux SVM. Tendance quelque peu unilatéraliste, qui a déjà été soulevée8 et traduit probablement des représentations des SHS qu’il est intéressant de questionner par ailleurs. Voici donc un premier enjeu, paradoxal s’il en est : il faut s’attacher à étudier et à pratiquer la médiatique des SHS pour pouvoir commencer à en cerner les rôles ou les utilités sociales spécifiques, mais dont on peut penser a priori qu’elles ne sont pas confinées à l’accompagnement de l’innovation technique et scientifique au sens classique.

Ce qu’il importe peut être de saisir ici c’est que ces apports sont “ naturellement ” très proches des discours d’information médiatiques9. Ainsi, le positionnement même des SHS les fait s’éloigner sensiblement des SVM, et appelle une piste de questionnement centrale pour nos travaux : quelles relations entretiennent productions des SHS et discours d’information médiatique ? En quoi ces

5 Outre la question de la fréquence des interventions liées aux SHS, on y retrouve très rarement, par exemple, le motif d’une “ nécessité sociale ” ou d’une nécessaire communication au grand public.

6 On préférera ici l’emploi du terme “ d’utilité sociale ” à celui de “ fonction sociale ”, qui présente le double avantage de faire quitter le registre fonctionnaliste ainsi que de souligner le fait que les productions des SHS offrent des potentialités au corps social, dont la concrétisation dépend du saisissement des acteurs impliqués.

7 Colloque “ L’apport des sciences humaines à la société du savoir : réalité, perspectives et défis ”, 69e Congrès de l’ACFAS, mai 2001, Université de Sherbrooke.

8 Voir par exemple les questionnements de Catherine Roth, qui constate dans un autre cadre que la mobilisation des chercheurs pour étudier les SVM n’a pas du tout l’équivalent que l’on pourrait attendre en ce qui concerne les SHS. Roth C. (2000). Etude sur le patrimoine scientifique : les enjeux culturels de la mémoire scientifique, commande de la Mission du Patrimoine Ethnologique – Sciences Ressources.

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relations ne peuvent être confondues ou assimilées avec celles qu’entretiennent productions des SVM et discours d’information médiatique ?

4. L’ETAT DES RECHERCHES

Si la vulgarisation des SHS s’étudie essentiellement, à partir des années 1960, au travers de la linguistique (terminologie)10, on peut considérer que l’intérêt s’est progressivement déplacé vers le champ des études sur le journalisme (études sur le recours à l’expertise des scientifiques ou sur les usages des documentaires audiovisuels, qui font la part belle aux SHS).

Ce déplacement ne masque pas les difficultés rencontrées pour identifier ou élaborer un corpus théorique et méthodologique apte à traiter la médiatique des SHS, même si l’étendue de la “ zone obscure ” doit être relativisée. On dispose bien d’une mosaïque d’études de cas, pistes stimulantes, mais qui ne constituent pas, en l’état, une grille de lecture satisfaisante de la diffusion médiatisée des SHS. L’ouvrage de Cheryl Haslam et Alan Bryman, “Social scientists meet the media”11 traduit bien cet aspect fragmentaire, qui situe la médiatique des SHS dans une sorte de période pré-scientifique. Prudence cependant, l’histoire de la vulgarisation des SVM montrant nettement qu’il est illusoire de vouloir fonder précocement un paradigme satisfaisant. Il s’agit peut être davantage de travailler à l’articulation entre différents modèles et problématiques, ce qui n’est bien sûr possible - et souhaitable - que jusqu’à un certain point.

Plus précisément, on peut identifier des entrées “ fondamentales ”, partagées avec les recherches sur la vulgarisation des SVM, en terme de contraintes du média par rapport aux temporalités, aux discours-types, à la métaphorisation, à la nécessité de l’impact médiatique, etc. D’autres entrées tiennent aux représentations des SHS chez les différentes parties prenantes des paysages médiatiques ou aux relations entre chercheurs et journalistes.

Ce que l’on peut noter, à l’instar de Brigitte Le Grignou,12 c’est qu’il y a une distinction fondamentale à opérer entre :

- des analyses internes, qui cherchent à cerner les effets de la diffusion sur la science elle-même. - des études externes, qui consistent à repérer et décrire les processus de transformation des réalités sociales sous l’influence de savoirs importés des sciences sociales.

C’est au sein de ce deuxième axe que l’on peut situer les travaux présentés ici.

9 Cette expression sera utilisée selon la définition de Pascal Charaudeau, in Charaudeau P. (1997), Le discours

d’information médiatique. La construction du miroir social. Coll. Médias Recherches, Editions de l’Institut National de

l’Audiovisuel, Paris.

10 Voir les travaux de Geneviève Petiot in La Vulgarisation, Revue Langue Française, Editions Larousse, février 1982. 11 Haslam C., Bryman A. (1994). Social scientists meet the media. Routledge, London & New York.

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5. PREMIERS RESULTATS ET PISTES DE RECHERCHE

Ces considérations générales sur la situation des SHS dans les espaces médiatiques conduisent à questionner les représentations des acteurs des milieux journalistiques et scientifiques13 à propos de la “ scientificité ” des SHS, de la place et de l’intérêt des savoirs issus des SHS dans les pratiques informationnelles et enfin sur la perception du rôle global des SHS et des SVM pour les publics. On peut isoler deux éléments saillants des entretiens réalisés avec les journalistes, qui tiennent d’une part au fait que les SHS sont considérées comme un “ ensemble flou ”, les journalistes rencontrant en effet de grandes difficultés à présenter les différentes disciplines des SHS14. D’autre part, pour la majorité des interviewés, les SHS ne relèvent pas du journalisme scientifique (16 journalistes sur 22), mais plutôt des rubriques “ culture ” et “ société ”.

Au niveau de l’utilité des SHS dans les pratiques informationnelles, les chercheurs en SHS sont souvent considérés comme des “ experts du social ” (l’expression est récurrente), qui peuvent ponctuellement décrire et illustrer un phénomène social. Le recours au chercheur permet parfois de présenter une position marquée face à un phénomène social, là où le journaliste préfère conserver une posture d’objectivité. On retrouve également une préoccupation directement liée aux conditions de travail journalistique, en situation “ d’économie cognitive ” optimale, qui rend souvent plus économique le recours à l’expertise d’un chercheur.

Dans les rapports entre scientifiques des SHS et journalistes, la confrontation entre les différentes temporalités est riche de questionnements : les journalistes sont globalement perçus par les chercheurs comme des “ nouveaux stakhanovistes de la production symbolique ”, selon l’expression de Pascal Fortin15.

Cette confrontation soulève les questions de la complémentarité et de l’articulation qui peuvent exister entre les deux milieux. On peut considérer que cet antagonisme fort au niveau de l’activité vécue et perçue a comme pendant une complémentarité fondamentale au niveau de la qualité du traitement de l’information “ humaine et sociale ”. Au travers de cette question de la complémentarité se repose la question de l’utilité sociale des travaux de recherche en SHS.

Il semble donc aujourd’hui particulièrement sensible de pouvoir penser théoriquement et praxéologiquement l’articulation entre recherche et journalisme et l’on peut proposer ici, pour clore cette contribution, une piste de recherche issue des travaux en cours :

13 Les entretiens semi-directifs ont étés réalisés auprès d’un panel de 22 journalistes (de la PQR, de la presse magazine et de publications universitaires mensuelles) ainsi que d’un panel de 15 enseignants-chercheurs en Sciences Humaines et Sociales de diverses disciplines, sur la période 2001-2003.

14 Alors même que leur formation initiale est souvent une formation en SHS (majoritairement en sciences politiques). 15 Voir l’article de Pascal Fortin (16 octobre 2003), Le journalisme en ligne au risque de l’argent, Uzine.

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Les entretiens, mis en relations avec d’autres matériaux de recherche (presse d’information générale et spécialisée, documentaires audiovisuels et débats télévisés), conduisent à relever un paradoxe qui semble jouer un rôle conséquent dans les phénomènes de diffusion sociale des SHS. Les productions des SHS circulent bien de façon ample et soutenue dans les espaces médiatiques mais en grande partie sous la forme d’une circulation implicite. Les éléments issus des SHS étant le plus souvent reformulés, tissés, avec les éléments de divers types de discours journalistiques.

On peut donc faire l’hypothèse selon laquelle la proximité, l’encastrement d’éléments de recherches en SHS avec les discours journalistiques masque en grande partie l’ampleur de la circulation sociale des SHS dans les médias, et ses enjeux de société et de recherche. Rapellons que Marc Paillet soulignait déjà en 1977 la proximité entre le journalisme et les SHS16.

La situation des productions des SHS dans le paysage médiatique français conduit donc à poursuivre et reformuler les interrogations sur les interactions entre informations scientifiques (en incluant SVM et SHS) et journalistiques. En pensant peut être ces interactions sur un mode que l’on pourrait qualifier de “ coopétitionnel ”, c’est-à-dire de compétition et de coopération entre les différents types et genres d’informations et de discours présents dans les espaces médiatiques.

BIBLIOGRAPHIE

CHARAUDEAU P. (1997). Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social. Paris : Editions de l’Institut National de l’Audiovisuel, coll. Médias Recherches.

GUICHARD J., MARTINAND J.-L. (2000). Médiatique des sciences. Paris : PUF, coll. Education et formation. Technologies de l’éducation et de la formation.

HASLAM C., BRYMAN A. (1994). Social scientists meet the media. Routledge, London & New York.

LABASSE B. (2002). Une dynamique de l’insignifiance. Les médias, les citoyens et la chose publique dans la “ société de l’information ”. Villeurbanne : Presses de l’ENSSIB, coll. “ Référence ”.

LE GRIGNOU B. (1992), Avant-Propos. Revue Quaderni, n°16, Hiver 1991-1992. Paris : Editions Laura Wind.

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