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Re-Tailles

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Re-Tailles

Volume 2

Dominique Lafortune Master of Music

Schulich School of Music McGill University Montréal, Québec

August 2014

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Music.

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Résumé / Abstract

La pièce Re-Tailles pour orchestre symphonique vise à transposer dans le monde musical le concept de retaille appartenant au domaine des arts plastiques. Nous avons d’abord tenté de cerner ce qui définit une retaille, puis de déterminer les façons dont ses propriétés peuvent suggérer des analogies musicales et, éventuellement, générer une forme. Différents sous-concepts ont été dégagés de l’idée centrale et des fonctions spécifiques leur ont été attribuées dans le discours musical. Enfin, ces concepts ont dicté les caractéristiques que le matériau musical devait nécessairement posséder afin de créer l’analogie désirée.

Un mode de sept sons et des progressions harmoniques provenant de projets précédents ont été utilisés pour bâtir le langage harmonique de la pièce. Les principaux matériaux musicaux de Re-Tailles ont été façonnés à partir de ces progressions en suivant les principes dictés par nos concepts de base. Quatre objets complexes, dont les éléments constituants sont en relation de complémentarité entre eux, forment la base de la pièce. Ces objets sont déconstruits, reconstruits et recombinés au fil de l’œuvre dans des contextes visant à suggérer l’idée de retaille sous différentes perspectives.

Re-Tailles for symphony orchestra is an attempt at adapting to music a concept pertaining to plastic arts – that of paper « retaille » (« scrap shred » – a direct translation does not exist). At first, we tried to find the fundamental characteristics of a retaille; then, to determine how its different properties could suggest musical analogies and, eventually, a form. A variety of subconcepts have been derived from this main idea, and specific functions in the musical discourse were associated with each. Finally, these concepts dictated which characteristics were needed for enabling the main musical material to effectively create the desired analogy.

A seven-step mode as well as harmonic progressions, both taken from previous works, were used as the basis of the piece’s harmonic language. Re-Taille’s main musical material was built upon these progressions while following the rules derived from our basic concepts. Four complex objects, whose constituents complement each other, laid the basis of the work. Throughout the piece, these objects are deconstructed, reconstructed and recombined in a variety of contexts meant to present the concept of retaille under different lights.

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Remerciements

Nous tenons d’abord à remercier notre directeur de thèse, Denys Bouliane, pour son aide, son soutien et sa patience lors de la composition de Re-Tailles et de la rédaction de ce texte. Son apport fut essentiel à la pleine fructification des concepts à la base de la pièce et des idées musicales qui en découlèrent.

Nous voudrions également remercier notre famille pour leurs encouragements ainsi que leur soutien indéfectible tout au long de ce projet, et tout particulièrement notre grand-père, Claude Lafortune, dont l’amour du papier est à l’origine de l’idée centrale de Re-Tailles.

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Table des matières

Résumé / Abstract ... 2

Remerciements ... 3

Table des matières ... 4

Introduction ... 6

Chapitre 1- La retaille dans les arts plastiques : Concepts généraux et implications musicales ... 7

1.1 Définition de la retaille et possibilités de transpositions musicales ... 7

1.2 Dualité « présence-absence » comme transposition de la dualité « vide-plein » et nécessité du conditionnement ... 7

1.3 Principe de complémentarité comme critère de base pour la construction d’objets musicaux 8 1.4 Dégagement de concepts généraux ... 9

1.4.1 L’objet initial ... 9

1.4.2 La taille, l’objet taillé et la retaille ... 9

1.4.3 Les contours interne et externe ... 10

1.4.4 Les retailles pleines, les retailles partielles et la dentelle ... 10

1.5 Implications musicales des concepts entourant l’idée de retaille ... 11

Chapitre 2- Organisation harmonique comme fondement pour la création d’objets musicaux ... 14

2.1 Mode utilisé dans Re-Tailles ... 14

2.2 Structures harmoniques et progressions comme matériau de base ... 14

2.2.1 Les cinq progressions de base utilisées ... 15

2.2.2 La transposition et l’inversion comme principaux outils d’expansion harmonique ... 16

2.2.2.1 Principe de transposition en fonction du mode (mappage) ...16

2.2.2.2 Principe de transposition par régions ...16

2.2.2.3 Principe d’inversion en fonction du mode ...17

2.2.2.4 Déplacement du mode dans l’espace chromatique ...17

2.2.3 Tableau des progressions harmoniques et nomenclature des accords ... 18

Chapitre 3- Les quatre objets musicaux, leur nature et structure ... 19

3.1 Objet-Arcs ... 19

3.1.1 Principaux constituants ... 19

3.1.2 Structure et variations harmoniques ... 20

3.1.3 Retailles de l’Objet-Arcs ... 21

3.1.4 Processus de conditionnement et étapes ... 21

3.2 Objet-Blocs-Homophoniques ... 23

3.2.1 Principaux constituants ... 23

3.2.2 Structure et variations harmoniques ... 24

3.2.3 Retailles de l’Objet-Blocs-Homophoniques ... 25

3.2.4 Processus de conditionnement et étapes ... 26

3.3 Objet-Dents-de-Scie ... 27

3.3.1 Principaux constituants ... 27

3.3.2 Structure et variations harmoniques ... 27

3.3.3 Retailles de l’Objet-Dents-de-Scie ... 29

3.3.4 Processus de conditionnement et étapes ... 31

3.4 Objet-Segments ... 32

(5)

3.4.3 Retailles de l’Objet-Segments ... 36

3.4.4 Processus de conditionnement et étapes ... 37

Chapitre 4- Principes prégnants de forme : Conditionnement, attentes comblées ou déçues; vers la recombinaison ... 38

4.1 Principaux enjeux formels ... 38

4.2 Schéma formel de Re-Tailles ... 38

4.2.1 Les dix phases de conditionnement : proportions, relations et impacts sur la forme globale ... 40

4.2.2 Les quatre phases de retaille ... 42

4.2.3 Les deux phases de recombinaison ... 44

4.2.3.1 La phase de recombinaisons en sept hybrides ...45

4.2.3.2 Recombinaison téléologique ...47

Conclusion ... 48

Bibliographie ... 49

Annexes ... 51

Annexe A – Tableau formel de Re-Tailles ... 51

(6)

Introduction

Ce projet tire son origine dans notre amour des arts plastiques, et particulièrement du découpage de papier, matériau « non-noble » à la base, dont notre grand-père nous apprit à explorer les possibilités. Par ailleurs, notre grand-père étant une source intarissable de retailles de papier, dans lesquelles nous avions le loisir de découper ensuite, c’est de notre fascination, enfant, pour les formes diverses et souvent mystérieuses découpées dans des papiers aux couleurs et textures variées qu’a germé l’idée d’une pièce musicale qui en ferait l’analogie. Les idées de vide, de silhouette, de découpage (ou taille) et de collage furent les points de départ du projet.

Or, alors que le profil d’une tête de cheval ou d’une aile d’oiseau sont des silhouettes reconnaissables instantanément par la vue, le jeu musical impose des règles différentes à la mémorisation et à la reconnaissabilité.

Ce texte retrace nos stratégies pour transposer l’idée de retaille en une pièce musicale pour orchestre, d’une durée d’environ 15 minutes, et en propose ensuite une analyse éclairée par l’explication de nos concepts principaux.

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Chapitre 1- La retaille dans les arts plastiques : Concepts généraux

et implications musicales

1.1 Définition de la retaille et possibilités de transpositions musicales

Considérons une feuille de papier vierge, dans laquelle l’on découpe une forme. Le papier laissé derrière une fois la forme façonnée est la retaille : c’est le reste du papier, qui porte l’empreinte de la forme qu’on y a découpée. Cette même empreinte, qui sera l’un des points centraux de notre projet, consiste elle-même en un trou, un vide délimité par la silhouette de la forme découpée dans la feuille.

Comme ces idées de « vide » et de « reste » ne peuvent trouver d’équivalent direct dans le monde musical, il faudra plutôt les suggérer en employant la métaphore, à partir de laquelle des processus musicaux suggestifs pourront être créés.

Fig. 1 : Une retaille et la forme qu’on y a découpée

1.2 Dualité « présence-absence » comme transposition de la dualité « vide-plein » et nécessité du conditionnement

Le plus proche équivalent du vide en musique, à prime abord, nous aura semblé être le silence. Or, le vide que nous désirons suggérer dans ce projet possède sa propre silhouette; il est, en quelque sorte, « sculpté ». En ce sens, bien qu’il soit facile de reconnaître d’un coup d’œil la silhouette d’un trou en forme d’ovale ou de cheval, il est difficile en musique de sculpter le

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silence pur de telle sorte que ses limites (de manière analogue au contour du trou) soient mémorisées et reconnues par l’auditeur.

Cependant, un principe musical qui peut s’approcher de cette idée de vide, et qu’il est possible de manipuler de différentes manières est celui de la cadence – ou, dans ce contexte non-tonal, disons plutôt le geste – rompu. En effet, lorsqu’une attente de l’auditeur, fondée sur une certaine mesure de conditionnement (par exemple, conditionnement aux règles de résolutions du système tonal, dans le cas de la cadence rompue), est déçue, l’auditeur vit une expérience double : d’une part, l’expérience du manque (en d’autres termes, l’expérience active d’une certaine absence); d’autre part, l’expérience « extrapolée » de l’objet de l’attente, celui qui a « échoué » à

apparaître. De cette façon, le vide ressenti par l’auditeur revêt une identité dépendant du contexte.

Ainsi, le silence pur n’est plus nécessaire pour suggérer le vide; nous privilégierons plutôt un matériau malléable et offrant davantage de contrôle. Toutefois, afin de créer ce sentiment d’attente déçue chez l’auditeur, pour peu qu’un système fonctionnel référentiel préexistant à la pièce ne soit utilisé (tel que le système tonal), l’auditeur devra être conditionné à entendre – et à anticiper – certains passages ou processus musicaux qui, le temps venu, seront « rompus ».

1.3 Principe de complémentarité comme critère de base pour la construction d’objets musicaux

Si l’on reprend la métaphore de la retaille de papier, la forme qu’on y a découpée et sa retaille s’emboîtent, partagent une certaine part de leur contour, et peuvent ensemble reconstituer la feuille originale. Cette idée d’un tout qui se scinde en parties complémentaires aura été un principe central à la création des objets musicaux qui constituent la pièce.

Il fallait produire, en effet, différents matériaux dont les constituants s’appellent entre eux, dans une sorte de rapport de causalité (ou au moins une impression). De plus, il était nécessaire que ces objets (ainsi que les liens entre leurs constituants) soient aisément mémorisables après un minimum de répétition (il s’agit de laisser une empreinte cognitive tout en ne lassant pas l’oreille, devant être conservée en mode « actif »), afin que les attentes créées au cours du conditionnement puissent être trompées.

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1.4 Dégagement de concepts généraux

Nous examinerons ici quelques concepts tirés de la métaphore d’origine. Nous entendons : l’objet initial, l’objet taillé, la taille, les contours interne et externe, la dentelle, ainsi que les retailles pleine et partielle.

1.4.1 L’objet initial

Revenons à notre feuille de papier découpée. Tel que mentionné plus haut, le surplus de papier qui reste une fois la forme découpée dans la feuille est la retaille. La feuille de papier, en revanche, le matériau original dans sa forme originale, sera nommé objet initial. C’est ce terme que nous emploierons pour désigner les différents matériaux de base (quatre objets, en

l’occurrence) sur lesquels se base la pièce.

1.4.2 La taille, l’objet taillé et la retaille

Ainsi, la feuille de départ est l’objet initial dans lequel on découpe une forme. Cette action de découpage, nous la nommerons par le terme consacré dans les arts plastique : la taille. Celle-ci, dans notre adaptation, est la séparation des différents constituants d’un objet initial, ainsi que leur mise en évidence en tant que sous-entités complémentaires. L’excédent de papier, comme

expliqué plus haut, est la retaille, alors que la forme découpée, celle dont la retaille est le surplus, est l’objet taillé, puisqu’il est le résultat (et, surtout, le but) de la taille.

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1.4.3 Les contours interne et externe

Considérant la feuille de papier (objet initial), la forme de son pourtour est ce que nous

appellerons le contour externe, par opposition à la forme de l’objet taillé, que nous nommerons contour interne. Comme l’illustre la figure 3 ci-dessous, le contour interne est partagé par l’objet taillé et la retaille; le contour externe, en revanche, se retrouve entièrement dans l’objet initial (et, potentiellement, entièrement dans la retaille), et n’apparaît (partiellement) dans l’objet taillé que si la retaille ne l’inclut pas entièrement (sinon, le contour externe n’apparaît pas du tout dans l’objet taillé). Géométriquement comme métaphoriquement parlant, le contour externe est donc ce qui caractérise l’objet initial, alors que le contour interne est à la fois ce qui caractérise et ce qui lie l’objet taillé et sa retaille.

Fig. 3 : Contours internes et externes

1.4.4 Les retailles pleines, les retailles partielles et la dentelle

Toutefois, la reconnaissabilité d’un contour comme interne ou externe dépend du type de retaille, à savoir pleine ou partielle. La retaille pleine est celle pour laquelle les contours interne et

externe ne coïncident pas ou tout au plus en un seul point (ou segment). Un cas particulier de retaille pleine mérite toutefois d’être isolé : celui de la dentelle. Celle-ci consiste en un matériau dans lequel de nombreuses petites tailles ont été effectuées : pour chacune, le contour interne

Contours internes Contours externes

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n’est pas de créer des formes (ou des objets taillés), mais plutôt une texture au sein de l’objet initial.

Par ailleurs, si les contours interne et externe coïncident en deux points ou plus (voir figure 4, retaille de droite), la retaille est fragmentée en plusieurs morceaux, et chacun de ces morceaux n’est qu’une partie de retaille, donc retaille partielle : dans ce cas, le contour externe est perdu. Il devient impossible, en isolant une retaille partielle, de déterminer la nature de son contour, de deviner la forme qu’arborait l’objet initial, et encore moins de déterminer la forme de l’objet taillé. Il devient intéressant, toutefois, de noter la relation de complémentarité qui se crée entre les retailles partielles issues d’un même objet initial, complémentarité d’un ordre différent de celle entre la retaille et l’objet taillé.

D’autre part, si l’on reprend la métaphore de la feuille de papier, la retaille partielle perd ses attributs individuels une fois qu’elle est réassociée à ses complémentaires : une fois remise en contexte, elle n’est plus vraiment partielle.

Fig. 4 : Retailles partielles et leur objet taillé respectif

1.5 Implications musicales des concepts entourant l’idée de retaille

Afin de générer une forme musicale à partir des concepts décrits ci-dessus, il est nécessaire de faire correspondre à chacun une fonction dans le discours.

Nous parlerons de différents types de fonctions qui sont en réalité des éléments syntaxiques du discours musical :

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2- fonction-objet-taillé 3- fonction-contour-interne 4- fonction-contour-externe

5- fonction-retaille (pleine, partielle ou dentelle)

Comme mentionné plus haut au point 1.4.1, le matériau musical de base sera formé de quatre objets initiaux – donc, quatre entités musicales divisibles en éléments qui s’appellent les uns les autres (suggestion de complémentarité). Les objets initiaux n’apparaissent donc pas

nécessairement dans leur entièreté dans la pièce. Si c’était le cas, ce serait pour remplir l’une des deux fonctions suivantes : le conditionnement de l’auditeur ou, après un geste rompu (une retaille), la résolution de l’attente de l’auditeur (impliquant la confirmation de la nature du matériau qui doit « remplir le vide »). Dans ces deux cas, on parlera de fonction-objet-initial.1

Fig. 5a: Extrait d’objet initial Fig. 5b : Retaille tirée de ce même objet (omission de l’écho)

La représentation musicale d’un objet taillé, quant à elle, dépendra de la nature de l’objet initial dont il est issu. Or, c’est surtout par son absence qu’un élément musical donné revêtira la fonction-objet-taillé. Pour un exemple simple, prenons le geste ci-dessus (Fig. 5a). Ce type de                                                                                                                

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montée finissant sur une sorte d’écho en quintolet de noires est entendu à plusieurs reprises au cours de la première partie de la pièce. Plus tard, une montée similaire sera entendue sans l’écho (Fig. 5b), qui lui-même aura été entendu assez souvent auparavant pour que son absence soit remarquée. Lorsqu’il apparaît finalement quelques mesures plus tard (voir mm.151-157 de la partition), cet écho revêt alors la fonction d’objet taillé – et la montée, celle de la retaille – , ce qui n’était pas perçu comme le cas au début de la pièce. Nous verrons plus en détail chaque fonction-objet-taillé dans le chapitre dédié à la forme de la pièce.

Les notions de contours interne et externe prendront également différentes formes musicales en fonction de l’objet initial rattaché. Ce que nous désignerons comme la fonction-contour-interne et la fonction-contour-externe est, respectivement, la matérialisation musicale (ou, dans plusieurs cas, la mise en évidence) du lien entre l’objet taillé et sa retaille, et de l’envergure d’un objet initial dont n’auront été présentés jusque-là que des fragments. On peut donc considérer que la fonction-contour-externe est un cas particulier de la fonction-objet-initial, où l’accent est mis sur le tout englobant ses parties; de la même manière, la fonction contour-interne est un cas

particulier de la fonction objet-taillé.

Enfin, tout moment musical visant à créer un manque chez l’auditeur ou la reconstitution mentale d’un élément musical omis revêtira la fonction-retaille. Comme dans notre analogie, cette fonction se manifestera en musique sous trois formes : la fonction-retaille pleine, partielle et la dentelle, qui se caractériseront par le niveau de fragmentation de l’objet initial dont elles sont issues. La retaille pleine présentera une portion suffisante son objet initial pour que l’auditeur l’y associe, alors que la retaille partielle ne permettra pas une remise en contexte précise (les contours interne et externes ne seront plus reconnaissables comme tels). La dentelle, quant à elle, sera un cas très local de retaille, ayant un effet plus esthétique que formel et ne visant pas nécessairement à créer un manque.

D’autre part, concernant le cas de la retaille partielle (tel qu’expliqué au point 1.4.4), une fois l’objet initial dont elle est issue mémorisé par l’auditeur, elle cesse de revêtir cette fonction, et devient une retaille pleine, car l’auditeur peut arriver à la contextualiser.

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M1 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7 M4 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7

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M2 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7 M5 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7

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M3 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7 M6 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7

Chapitre 2- Organisation harmonique comme fondement pour la

création d’objets musicaux

2.1 Mode utilisé dans Re-Tailles

Le mode formant la base de la structure harmonique de la pièce consiste en une gamme non-octaviante de sept sons qui se répète à la septième mineure. Sa structure est illustrée dans la figure 6 ci-dessous.

Fig. 6 : Mode en six régions

Ainsi, le mode nécessite six itérations consécutives avant de se répéter sur les mêmes « pitch classes » (classes de hauteurs de sons), couvrant cinq octaves dans le processus. Si l’on considère cette gamme de quarante-deux sons comme le mode en soi, chacune des itérations de la gamme initiale de sept sons devient une région de ce mode, et sera étiquetée « M1 », « M2 », et ainsi de suite. Chaque degré de ces régions correspondra à un chiffre d’un à sept, et sera donc étiqueté « M1.1 », « M1.2 », « M1.3 », et ainsi de suite. Ainsi, puisque les régions partagent entre elles de nombreuses notes communes, chaque pitch class permet un certain nombre de pivots entre des régions où elle occupe un degré différent.

2.2 Structures harmoniques et progressions comme matériau de base

Le matériau musical de Re-Tailles est généré à partir de cinq progressions harmoniques, ou encore basé sur des champs harmoniques tirés de celles-ci. Ces progressions, inscrites dans le mode, seront ensuite variées en fonction du mode afin de créer de nouvelles progressions

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conservant une similitude avec l’originale, conférant une cohésion harmonique à tout matériau musical qui en découlera.

Fig. 7 : Exemple de progression harmonique

2.2.1 Les cinq progressions de base utilisées

Ces cinq progressions harmoniques de base sont tirées d’une danse elle-même tirée de notre pièce Mélité pour quinze instrumentistes (mm.64-116), qui fut la première à être basée sur le mode présenté ci-haut. Les accords à quatre sons formant ces progressions sont pour la plupart formés d’une tierce ou d’une quarte structurelle (modale), superposée à une tierce ou quarte structurelle tirée d’une autre région du mode, de façon à ce que chaque accord combine la couleur de deux régions différentes. La figure 8 ci-dessous illustre ces progressions, numérotées de 1 à 5 et désignées par la notation « PR#x ». (voir aussi l’Annexe B).

Fig. 8 : Cinq progressions tirées de Mélité

     

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2.2.2 La transposition et l’inversion comme principaux outils d’expansion harmonique La structure harmonique de Re-Tailles ne se résume pas à ces cinq progressions. Afin d’élargir les possibilités harmoniques de la pièce, la transposition et l’inversion ont été utilisées pour créer des variations conservant une similitude avec les progressions originales. Nous avons utilisé deux types de transposition : celle que nous appellerons « en fonction du mode » (mappage), et celle « par régions ». Le mode lui-même pourra également par endroits se déplacer dans l’espace chromatique par souci de contraste.

2.2.2.1 Principe de transposition en fonction du mode (mappage)

Ce premier type de transposition consiste à effectuer une translation d’un nombre donné de degrés (par exemple, ajouter une tierce structurelle à chacune des notes d’un motif, d’un accord ou d’une mélodie, voir la figure 9). Ce type de transposition permet de mettre en évidence la couleur spécifique du mode, et de créer des relations hiérarchiques harmoniques s’apparentant à celles de la tonalité dans un contexte donné. La notation utilisée pour la transposition en fonction du mode désigne le nombre de degrés ajoutés ou soustraits (« +1 », « +2 », « -1 », etc.).

Fig. 9 : Exemple de transposition en fonction du mode

2.2.2.2 Principe de transposition par régions

Cette manipulation consiste en une transposition directe d’une région du mode à l’autre en conservant les degrés mélodiques. Puisque chaque région se situe à une septième mineure de la suivante, cela ne correspond ni plus ni moins qu’à une transposition exacte sur l’échelle de la gamme par tons. Or, puisque cette échelle est intrinsèque à la structure du mode, elle fait partie intégrante de sa couleur caractéristique et permettra de faire contraste avec le glissement du

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P

R#5 Original In1 In2 In3 In4

mode dont il sera question au point 2.2.2.4. Concernant la notation, une transposition vers le haut d’un nombre « x » de régions sera notée « xM --> », et conséquemment, une transposition vers le bas d’un nombre « x » de régions sera notée « xM <-- ».

2.2.2.3 Principe d’inversion en fonction du mode

Cette manipulation consiste en l’inversion d’un intervalle structurel par nombre de degrés du mode. Ainsi, la quarte structurelle Do (M1.1) – Mi (M1.4) s’inverse en la quarte structurelle Sol (M6.5) – Do (M1.1). Dans le cas des accords à quatre sons qui forment nos progressions de base, ceux-ci seront inversés à partir de chacune des quatre notes les constituants. Une inversion faite en se basant sur la fondamentale de l’accord sera notée « In1 »; une inversion basée sur la seconde note (à partir du bas), « In2 », et ainsi de suite. La figure 10 ci-dessous illustre ce processus pour un accord (notez que la note de l’accord servant d’axe à l’inversion change de position au sein de l’accord – par exemple, la fondamentale devient la note supérieure une fois l’accord inversé).

Fig. 10 : Exemple de l’inversion d’un accord à quatre sons sur chacune de ses notes

2.2.2.4 Déplacement du mode dans l’espace chromatique

Considérant le mode de quarante-deux sons, puisque sa structure interne se répète sur chaque degré de la gamme par tons, il n’est transposable, à la façon de certains modes de Messiaen, que d’une seule manière : à la seconde mineure. Or, pour simplifier, le terme « transposition » sera réservé, dans ce texte, aux manipulations intrinsèques au mode. Il sera plutôt question ici d’un « déplacement » du mode. Ainsi, chaque région peut être déplacée sur un nombre impair de demi-tons, ce qui sera surtout utilisé pour des effets de contraste. Cette manipulation, dans l’analyse, sera indiquée par l’usage de « régions-diésées » : « M#1 », « M#2 », etc.

(18)

2.2.3 Tableau des progressions harmoniques et nomenclature des accords

Le tableau joint à l’Annexe B dresse la liste complète des progressions, de leurs transpositions et de leurs inversions. La nomenclature utilisée pour chaque accord est une combinaison des notations expliquées plus haut : ainsi, l’inversion basée sur la 3ème note de l’accord b de la progression PR#4 sera nommé « In3PR#4b »; l’inversion de la progression entière (sur la même note) sera notée « In3PR#4 ».  

(19)

&

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œ œ œ œ œ#

œ œ œ ‰

fioriture

Chapitre 3- Les quatre objets musicaux, leur nature et structure

Re-Tailles comporte quatre différents objets initiaux, lesquels seront chacun présentés et taillés dans des contextes différents.

Ils se nomment respectivement : 1- Objet-Arcs 2- Objet-Blocs-Homophoniques 3- Objet-Dents-de-Scie 4- Objet-Segments. 3.1 Objet-Arcs 3.1.1 Principaux constituants

L’Objet-Arcs est formé d’une accumulation d’arpèges, chacun desquels se termine sur une courte fioriture [0-2-5-6-5]. Cette accumulation est créée au moyen d’un canon, au sein duquel les différents « arcs » sont en relation de transposition par régions – inscrits, donc, sur l’échelle de la gamme par tons, et partageant tous la même structure mélodique. Un exemple d’arc est représenté dans la figure 11 ci-dessous.

Fig. 11 : Un arc

De plus, grâce à l’accumulation, un motif émerge de l’ensemble des sommets des arcs, lesquels se détachent de la texture et forment ledit motif dont le rythme et le contour mélodique

dépendent des intervalles de temps et de transposition entre les voix du canon. Ce phénomène est illustré dans la figure 12 ci-dessous.

(20)

& & & & ! Ó. ‰ œ œ œ œb œb œ œ# œ œ œ œ œ# œ œ œb œ œ œ Ó " œ œb œb œ œ# œ œ Ó. œb ‰. +2 f # # +2 # +2 # In2Pr#5(a+b) 2M <--MO MO Motif émergent œ œb œ œb œ œb œb œ œb œ œ œ œ œ œ œ œb œ œ# œ œ œ œ# œ œ œb œb œb œb œ œb œ œ œ œ# œ œ œb œ œ œb œb œ œ# œ œ œ œ# Œ " œb ‰ ‰ œœb " Œ f -2 # f # -2 f # œ œb œ œb œb œ œb œ œ œ œ œb œ œ œb œb œ œ œ# œ œb œb œb œ œ œ œ œb œ œ œb œb œ œ œb œb œb œb œ œb œ œ œ œ# œ œb œ œ ‰. œb Œ œ ‰. Œ f +1 # f # +1 -2 f #

Fig. 12 : Quelques arcs basés sur la combinaison d’accords In2PR#5(a+b) et un exemple de motif émergent (notez la présence de transposition à la fois en fonction du mode et par régions : la

mention « MO » signifie que la ligne est présente dans ses régions de mode originales)

3.1.2 Structure et variations harmoniques

L’Objet-Arcs est basé sur un champ harmonique créé en combinant les accords In2PR#5a et In2PR#5b (voir Annexe B). Un arc est ensuite écrit à partir des notes obtenues, de telle sorte que les intervalles soient grands à la base et aillent en rapetissant vers le haut, et de façon à obtenir la fioriture [0-2-5-6-5] au sommet. Pour un même moment musical, trois différentes transpositions par régions de mode sont présentes, délimitant habituellement un accord augmenté (par exemple, M1.1 sera transposé à M3.1 et M5.1). Or, ces transpositions conservent la structure harmonique interne de chaque arc : des variations harmoniques internes seront éventuellement créées en transposant tous les arcs en présence d’un nombre donné de degrés (de -3 à +3 inclusivement : chaque région comportant sept sons, la totalité des transpositions possibles est ainsi couverte).

(21)

&

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In2Pr#5b In2Pr#5a M.2.6 M.3.1M.1.1 M.1.4 M.4.3 M.4.5M.1.2 M.1.5

œ œ

œ œ# œ œ#

œ œ œ œ œ#

œ œ œ ‰

M.1.4 M.1.1M.2.6/M.1.5 M.3.1 M.4.5 M.1.2M.1.4 M.2.6/ M.1.5 M.4.3 M.4.5M.1.2M.1.4 M.2.6/ M.1.5 M.1.4 In2Pr#5(a+b)

Fig. 13 : Exemple de structure harmonique d’un arc

3.1.3 Retailles de l’Objet-Arcs

L’Objet-Arcs a le potentiel de former deux types de retailles, selon le contexte. Dans le premier cas, le motif émergent (et/ou la fioriture qui l’entoure) est soustrait à la texture afin de créer des trous (par exemple, aux mm.166-167, notez l’absence de percussions). Le reste de la texture (soit principalement la montée de chaque arc) devient une retaille, dans la mesure où l’oreille était accoutumée à prévoir l’apparition du motif émergent à chaque apparition de l’Objet-Arcs. Inversement, dans un autre contexte, c’est le motif émergent qui peut jouer le rôle la retaille. En effet, au fil des phases de conditionnement basées sur l’Objet-Arcs, l’auditeur s’accoutume à l’émergence a posteriori du motif : ainsi, une présentation directe de ce dernier, dénué de ses arcs, crée un effet métonymique (la partie référant au tout) où l’oreille reconstruit l’arc autour du motif devenu indépendant (par exemple, mm.169-179, où les arcs disparaissent graduellement aux cordes).

3.1.4 Processus de conditionnement et étapes

Le conditionnement à l’Objet-Arcs se produit en trois étapes, lesquelles présentent l’objet en partie, puis dans sa totalité. Les sections qui y sont dédiées sont construites chacune sur une série de modulations harmoniques, elle-même couplée à un processus graduel de troncature du motif de l’arc, qui donne une direction au matériau et distrait l’auditeur, pendant que son oreille s’accoutume aux arcs et au motif émergent.

(22)

La première étape survient aux mm.29-43, et présente la partie inférieure de chaque arc, qui est constituée de la montée décrite en 3.1.1 (voir la figure 11). Le bas de chaque montée est

graduellement tronqué, pendant que l’ensemble de la texture glisse vers l’aigu grâce à une transposition répétée par régions (un arc dont la structure harmonique est basée sur M1 passe à M6 qui, octaviée, se situe un ton plus haut, puis à M5, puis M4, et ainsi de suite). De plus, une série de tenues apparaît puis disparaît au sommet de chaque montée à mesure que la texture s’épaissit puis s’amincit. Ce triple processus occupe l’oreille et annonce le motif émergent qui, s’il n’est joué tel quel par aucun instrument de l’orchestre pendant cette section, est légèrement accentué par les tenues aux cordes.

La seconde phase de conditionnement est mise en place aux mm.72-99. Cette fois, ce sont les arcs entiers qui sont présentés, et le motif émergent est mis en relief au moyen d’une doublure sélective aux cuivres et marimba. Les arcs sont encore une fois graduellement tronqués à partir du bas au cours de la section, ce qui ne laisse progressivement que la fioriture du sommet de chaque arc, qui n’était pas présente dans la première phase de conditionnement. Afin de produire un contraste plus grand encore avec la première étape, les champs harmoniques demeurent ici plus stables, si ce n’est que de deux transpositions en fonction du mode, appliquées à la texture entière une couche à la fois, qui surviennent aux mm.79 à 86 alors que les cuivres et le marimba commencent à émerger de la texture. À la mesure 92, de plus, les arcs disparaissent pendant un temps et demi, ne laissant que le motif émergent – ce qui n’est pas vraiment une retaille, mais plutôt une mise en évidence de ce qui le deviendra au cours de la prochaine phase.

En effet, la dernière étape du conditionnement de l’Objet-Arc aboutit à une retaille. Cette section de la pièce, qui couvre les mm.158 à 179, est la seconde à présenter une retaille, et constitue donc en quelque sorte la première variation sur le principe (voir Annexe A). Cette phase, à l’inverse des deux autres, commence sur le motif émergent (toujours aux cuivres et percussions, avec renforcement aux vents), dont la structure harmonique change ici rapidement au moyen de transpositions en fonction du mode. À ce motif se greffe ensuite (m.162), seule, la fioriture du sommet des arcs, les harmonies se stabilisant pour que l’oreille n’en soit pas distraite et se dirige plutôt vers les processus qui seront mis en place. L’objet est repris, en quelque sorte, là où il avait été laissé à la phase précédente et la brièveté relative des arcs, par comparaison, crée une

(23)

sorte d’effet de strette. Apparaît ensuite un jeu de présence-absence entre la fioriture et le motif émergent jusqu’à la mesure 168, après quoi une taille survient (et une retaille apparaît) par un effacement graduel de la fioriture, que l’esprit de l’auditeur reconstruit autour du motif émergent. Pour accentuer l’effet, la fioriture de l’arc est parfois accélérée et le motif émergent épouse le mouvement, sorte de tenon et mortaise qui s’imbriquent pour mettre en évidence la

complémentarité des deux éléments en présence. Ici, donc, le motif émergent revêt la fonction-retaille, alors que la fioriture de l’arc celle de fonction-objet-taillé.

3.2 Objet-Blocs-Homophoniques

L’Objet-Blocs-Homophoniques, comme son nom l’indique, est formé de blocs, de masses sonores monolithiques qui se succèdent immédiatement dans un ordre donné. Celles-ci, contrastantes et au nombre de trois, suivent une progression harmonique complexe décrite au point 3.2.2.

3.2.1 Principaux constituants

Chaque bloc est construit sur un unique accord, auquel est ajouté une texture donnée. Le premier est caractérisé par un motif de notes répétées en staccato, au sein duquel des accents seront insérés afin de créer différents motifs rythmiques. Le second bloc, quant à lui, se distingue par un motif de trille, dont la vitesse pourra fluctuer. Enfin, le dernier bloc sera toujours attribué aux cordes, verra son harmonie distordue au moyen de quarts de tons et contiendra presque toujours un vibrato large (éventuellement remplacé par un glissando pour suggérer un ralentissement du vibrato, et inversement).

L’ordre d’apparition de ces masses sonores demeure inchangé jusqu’à la dernière grande section de la pièce (mm.265-386; voir 4.2.3). Dans sa forme initiale, l’Objet-Blocs-Homophoniques arborera donc la structure suivante : bloc notes-répétées, bloc trille, bloc accord-microtonal, séquence reprise en boucle jusqu’à l’apparition d’une retaille ou d’un autre objet. Un exemple réduit de chaque bloc est illustré dans la figure 14 ci-dessous (les microtons étant un effet plus orchestral que structurel, ils ne sont pas inclus dans cette réduction).

(24)

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Fig. 14 : Exemple de réduction de chacun des blocs

3.2.2 Structure et variations harmoniques

L’harmonie de l’Objet-Blocs-Homophoniques est déterminée par une structure de base qui utilise les progressions In1PR#5 et In2PR#5 (voir Annexe B). Ces deux suites d’accords sont juxtaposées dans une boucle où chaque accord fait un temps. Puisque ces progressions ont huit harmonies chacune, la boucle ainsi créée fait 16 temps. Ensuite, une sorte de « contrepoint » systématique est créé sur trois lignes : l’une joue et tient chaque harmonie présente aux deux temps à partir de la structure de base (ainsi, seules les harmonies portant les lettres a, c, e et g sont présentes dans cette ligne). La seconde ligne joue et tient les harmonies aux trois temps, et la troisième ligne, aux cinq temps. Un extrait de ce « contrepoint » est illustré dans la figure 15 ci-dessous (voir p.25).

Ensuite, ces trois lignes sont réunies de sorte qu’il n’y ait plus qu’une seule harmonie audible à la fois (chaque nouvelle harmonie remplace la précédente). Il en résulte une grande progression harmonique, au sein de laquelle certains accords (ceux portant les lettres a, c, e, g) apparaissent plus fréquemment, créant ainsi une sorte de hiérarchie, difficile à cerner mais tout de même présente à l’écoute (le rythme de la progression est ensuite varié, mais l’ordre des accords demeure intact dans la version orchestrée). Enfin, ces harmonies sont attribuées aux trois blocs dans l’ordre (note-répétée, trille, accord-microtonal), et le rythme de la progression est altéré pour augmenter la musicalité du matériau.

(25)

& & & & & œœœœb œœœœ# œœœœ#n œœœœbb ˙˙˙˙b n ˙˙˙˙# ....˙˙˙˙ b œœœœbb wwwwb ˙˙˙˙b n œœœœ# œœœœbb a d In1PR#5 a c In1PR#5 a b c d In1PR#5 a In1PR#5

Boucle de 16 accords (progression de base)

a

In1PR#5

c d

Ligne résultante

"contrepoint" harmonique à trois voix

œœœœb œœœœb œœœœbb œœœœn# ˙˙˙˙b ˙˙˙˙bb ˙˙˙˙ ˙˙˙˙bb œœœœ ....˙˙˙˙b œœœœb œœœœb ˙˙˙˙bb g g e f g h e f e f g œœœœb œœœœ#n # œœœœbb# œœœœnn ˙˙˙˙b ˙˙˙˙b# œœœœ ....˙˙˙˙# ˙˙˙˙ # ˙˙˙˙bb œœœœb œœœœ#n # ˙˙˙˙bb b In2PR#5 c a In2PR#5 d c b a In2PR#5 c In2PR#5 a In2PR#5 b c œœœœb œœœœ œœœœ œœœœbb ˙˙˙˙b ˙˙˙˙ ... . ˙˙˙˙b œœœœbb ....˙˙˙˙ œœœœbb ˙˙˙˙b œœœœ œœœœbb h e g e h g f e h e g h œœœœb œœœœ# œœœœ#n œœœœbb ˙˙˙˙b n ˙˙˙˙# ˙˙˙˙ n ˙˙˙˙# wwww ˙˙˙˙b n ˙˙˙˙# a b c d In1PR#5 a c In1PR#5 c In1PR#5 In1PR#5 a c In1PR#5 œœœœb œœœœb œœœœbb œœœœn# ˙˙˙˙b ˙˙˙˙bb œœœœ ...˙˙˙˙b. wwwwb œœœœb œœœœb ˙˙˙˙bb f g h e g e f e etc. etc. etc. etc. e f g etc.        

Fig. 15 : Extrait de la structure harmonique de base de l’Objet-Blocs-Homophoniques

3.2.3 Retailles de l’Objet-Blocs-Homophoniques

Comme pour l’Objet-Arcs, l’Objet Blocs-Homophoniques générera deux différentes formes de retailles. Dans le premier cas (le plus fréquent des deux), il s’agira de l’omission complète de l’un des trois blocs, laissant un trou dans la séquence (par exemple, mm.201-203). Les deux blocs restants constituent la retaille, alors que celui qui est omis revêt la fonction-objet-taillé. Le second cas s’applique spécifiquement au bloc notes-répétées et concerne les motifs rythmiques formés par les accents. En effet, la brusque disparition de chacune des notes non-accentuées ne laisse derrière que le motif rythmique (par exemple, mm.196-197), que l’oreille « remplit » instinctivement (étant donné le conditionnement préalable), ou alors réassocie, de façon métonymique, au bloc notes-répétées, même dans les cas où il n’est pas présent à priori. Cette retaille est un premier cas de dentelle : elle ne joue pas un rôle formel prépondérant, ni ne crée de fort sentiment de manque, mais permet d’instaurer un jeu de retaille à deux niveaux (de

(26)

petits vides dans le matériau lui confèrent une texture, autour du plus grand vide qui caractérise la fonction-retaille).

3.2.4 Processus de conditionnement et étapes

L’Objet-Blocs-Homophoniques, dernier à être présenté dans la pièce (si ce n’est de quelques minuscules fragments qui l’annoncent), ne présente qu’une seule phase de conditionnement, laquelle aboutit sur – et coïncide avec – des retailles. Cette présentation brusque et

monolithique, d’une part, fait un contraste appréciable avec les phases plus graduelles de conditionnement des autres objets, et s’accorde d’autre part avec le caractère même de l’Objet-Blocs-Homophoniques.

C’est à la m.180 que survient cette phase unique de conditionnement. Chaque bloc est d’abord relativement long (considérant que le cycle des trois blocs ne doit faire lui-même que quelques secondes afin de laisser une empreinte suffisante sur la mémoire pour que l’absence d’un bloc crée un manque), et va en se raccourcissant jusqu’à la m.197, où le cycle est présenté trois fois de façon très condensée. Par ailleurs, afin d’occuper l’oreille pendant son conditionnement, un processus graduel est mis en branle pour chaque bloc. Dans le cas des notes-répétées, des accents sont introduits et le rythme ainsi créé est éventuellement (mm.190 et suivantes) mis en évidence par une retaille locale, sous forme de dentelle (voir 3.2.3 ci-haut); ceci est l’origine du

chevauchement susmentionné entre les phases de conditionnement et de retailles de l’Objet-Blocs-Homophoniques. Quant au bloc trille, sa vitesse est variée au sein de différents gestes musicaux; enfin, dans le cas de l’accord-microtonal, joué d’abord senza vibrato, un glissando est introduit, se transformant ensuite en vibrato large.

À la m.201, la première retaille par omission de bloc survient (ici, le bloc accord-microtonal), et est répétée afin de mettre l’accent sur le vide créé. À la m.204 (cordes), comme pour compenser pour son absence (et pour combler le manque : on parlera donc ici de fonction-objet-taillé), le bloc accord-microtonal occupe les trois prochaines harmonies de la progression de base. La section qui vient ensuite (mm.206-214) forme une accumulation qui aboutit sur un grand climax, ce qui annonce la dernière grande section de l’œuvre, laquelle sera basée sur une recombinaison de différentes retailles et/ou objets taillés.

(27)

3.3 Objet-Dents-de-Scie

Cet objet, à la manière de l’Objet-Blocs-Homophoniques, est constitué de trois éléments juxtaposés dans un ordre précis et ayant chacun sa caractéristique propre, auxquels s’ajoute cependant une gamme descendante pour offrir une sorte de toile de fond à l’ensemble.

3.3.1 Principaux constituants

Tous les constituants de l’Objet-Dents-de-Scie sont formés d’une série de dyades, en dents de scie, allant de l’aigu vers le grave. Ces éléments, que nous nommerons couches car

superposables, ont chacun une valeur de note ainsi qu’un motif qui leur est associé. La première de ces couches est jouée en triolets de noires, et ne présente qu’une seule itération de chaque dyade. La seconde est jouée en quintolets de croches et répète chaque dyade, alors que la dernière est jouée en double-croches et présente trois itérations de chaque dyade. À cause du motif de descente en dents de scie, la première couche donne une impression de pulsation à la noire de triolet; la seconde, une pulsation de noires de quintolet (chaque noire subdivisée en deux croches); la dernière une pulsation à la croche pointée (chacune étant divisée en trois double-croches). À cela s’ajoute la gamme descendante nommée en 3.3 et dont la valeur rythmique sera tantôt une noire régulière, tantôt fluctuante. Ces différentes superpositions de rythmes et de pseudo-pulsations donnent l’impression à l’écoute que, plus que des motifs, ce sont des vitesses qui différencient les couches de l’Objet-Dents-de-Scie – vitesses qui seront éventuellement variées (par augmentation rythmique proportionnelle). Nous désignerons donc chacune des couches par leur valeur rythmique associée : couche-triolet, couche-quintolet, couche-double-croche. Les éléments constituants de l’Objet-Dents-de-Scie sont illustrés dans la figure 16 ci-dessous (voir p.28).

3.3.2 Structure et variations harmoniques  

Harmoniquement, les trois couches en dents de scie de cet Objet sont bâties sur une alternance entre deux harmonies de quatre sons (la quatrième couche, celle de la gamme descendante, est

(28)

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œb-In2Pr#5a

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In2Pr#5b In2Pr#5a In2Pr#5a

Ï

In2Pr#5b In2Pr#5a

Ï

In2Pr#5b In2Pr#5a In2Pr#5b M.6.7

F

Couche-triolet Couche-quintolet Couche-double-croche Gamme descendante

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3:2 3:2 3:2

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œ#-In2Pr#5b In2Pr#5b In2Pr#5a In2Pr#5b In2Pr#5a M.5.7 etc.

Fig. 16 : Quatre couches de l’Objet-Dents-de-Scie

une simple itération du mode (décrit au chapitre 2) à partir du degré M6.7). Deux notes de l’harmonie sont jouées (et/ou répétées), puis les deux autres restantes; l’harmonie suivante apparaît ensuite de la même manière, de façon à créer un contour en dents de scie. Ce cycle est répété en renversant les harmonies au besoin, mais toujours de façon à inclure les quatre sons de chaque accord. Dans la plupart de ses apparitions, l’Objet Dents-de-Scie tire ses harmonies de la progression In2PR#5 (voir annexe 2), en alternant deux accords adjacents (a-b-a-b, c-d-c-d, etc.) ou leurs transpositions dans le mode.2 Un exemple démontrant cette structure harmonique est illustré dans la figure 17 ci-dessous.

                                                                                                               

2  Ces transpositions en fonction du mode valent toujours (à l’exception d’un effet basé sur un brusque changement harmonique) pour l’itération entière d’une des couches, afin que chaque

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&

a

œœœœb

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b

M2.6 M3.1 M1.1 M1.4 M4.3 M4.5M1.2 M1.5

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J

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œœn> œœb>

J

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J

œœ œœ#>

3:2 3:2 3:2 3:2 In2Pr#5b In2Pr#5a In2Pr#5b Couche-triolet M4.5 M4.5 M1.5 M1.5 M4.3 M4.3 M1.2 M1.2 M1.1 M2.6 M1.4 M3.1 etc.

Fig. 17 : Exemple de structure harmonique d’une couche

3.3.3 Retailles de l’Objet-Dents-de-Scie  

Les deux cas de retailles générées par l’Objet-Dents-de-Scie ressemblent beaucoup, d’une certaine manière, à celles de l’Objet-Blocs-Homophoniques. En effet, dans le premier cas, l’omission entière d’une couche créera un manque, et dans le second, ce sont les éléments constituants eux-mêmes (dans ce cas-ci, les couches) qui seront taillés afin de produire une dentelle.

Or, alors que dans le cas de l’Objet-Blocs-Homophoniques, la disparition des blocs se fait de manière brusque et en fonction de critères surtout arbitraires, celle des couches de l’Objet-Dents-de-Scie se fait de manière plus systématique. En effet, des événements musicaux seront

introduits (apparition d’un geste, changement harmonique, etc.), lesquels feront office de

« stimuli » auxquels réagit l’objet. Deux stimuli ont été choisis, et un « marqueur » musical a été attribué à chacun, afin de diriger l’attention de l’auditeur sur leur apparition.

Le premier stimulus est le changement directionnel de la ligne : les couches en dents de scie, au lieu d’avoir une tendance descendante, vont ascendant (mm.241-248). Toutefois, le contour en dents de scie empêche le changement directionnel d’être perçu immédiatement (au moins trois dyades sont nécessaires afin d’extrapoler la tendance de la ligne), et fait obstacle à la perception de ce dernier comme la cause d’un effet ultérieur, même si ledit effet advient immédiatement. C’est pourquoi un marqueur (mm.230-254 aux bois et piano) aide cet effet : une ligne en notes rapides, épousant la direction générale des couches en présence, accentue le changement

directionnel de la ligne (voir mm.241-242 et mm.249-250), et est aisément associée par l’oreille à la disparition prochaine (ou à la réapparition, lorsque la ligne redevient descendante) de l’une des couches.

(30)

Le second stimulus est une brusque saturation harmonique (voir mm.254-258). Dans ce cas, chaque couche est superposée, de manière homophonique, à son propre glissement dans l’espace chromatique. Les harmonies ainsi créées, étrangères au mode, donnent un effet de cluster et font immédiatement contraste avec les dyades de l’Objet Dents-de-Scie. Le marqueur de ce stimulus devait donc aussi être immédiat : un accord3, joué staccato et fortississimo (par exemple, m.258 et m.261), accentue l’arrivée et le départ de la saturation.

Ainsi, lorsque survient le stimulus du changement de direction de la ligne, la couche-quintolets disparaît (mm.242-249), alors que dans le cas du stimulus de saturation harmonique, il s’agit de la couche-double-croches4 (mm.254-258 et, de façon intermittente, aux mm.261-263). Dans les deux cas, la gamme descendante (quatrième couche) disparaît de concert avec la couche en dents de scie omise, afin de créer un vide plus poignant.

Le second cas de retailles de l’Objet-Dents-de-Scie, tel qu’énoncé plus haut, est obtenu par la taille de chacune des trois couches en dents de scie (la gamme descendante ne subit pas ce

processus). De petits vides sont introduits systématiquement dans chacune des lignes (voir m.218 et suivantes), de manière à créer des motifs répétitifs (non seulement rythmiques, comme pour le bloc notes-répétées, mais également mélodiques, en raison du contour en dents de scie), aisément reconnaissables. Cette dentelle, contrairement à celle de l’Objet-Blocs-Homophoniques, n’est pas utilisée dans un jeu de présence-absence et, si elle crée en manque, ce n’est qu’à sa première apparition5. Plutôt, les motifs ainsi créés ont pour but d’augmenter la reconnaissabilité de chaque couche (les vitesses créant un contraste, mais ne pouvant pas, dans ce contexte, permettre une identification rapide et infaillible), facilitant également leur mémorisation et accentuant ainsi le manque ressenti lorsque l’une d’elles disparaît.

                                                                                                               

3 L’accord augmenté, ici, a été choisi indépendamment du mode et en fonction de sa seule couleur, puisque les harmonies qui suivent y sont également étrangères.

4 La couche-triolets, parce qu’elle attire beaucoup moins l’attention en raison de son motif plus simple, ne créerait que difficilement un manque et ne disparaît donc pas.  

5 La phase de retailles de l’Objet-Dents-de-Scie survenant après celle de l’Objet-Blocs-Homophoniques, l’auditeur attentif se sera peut-être habitué à ce jeu très local de dentelle et pourra éventuellement reconstruire mentalement la version originale de chaque couche, mais ce

(31)

3.3.4 Processus de conditionnement et étapes  

Les quatre apparitions de l’Objet-Dents-de-Scie précédant sa phase de retailles font cas d’exception au sein de l’œuvre, dans la mesure où deux d’entre elles n’ont pas pour but le conditionnement de l’auditeur, mais servent plutôt de marqueur formel : il s’agit de

l’introduction (mm.1-5) et de sa reprise lors du climax central (mm.215-218). C’est dans ces deux courtes sections que les couches sont entendues en parfaite superposition (les harmonies des dyades sont synchronisées entre les couches), et que le terme « couche » prend son sens.6 Les deux autres apparitions de l’objet (mm.54-75 et mm.218-265), quant à elles, ont bel et bien pour but le conditionnement, et la seconde est fusionnée avec la phase de retailles qui la suit immédiatement.

La première de ces étapes survient à la m.54 et fait une présentation successive des différentes couches. À ce stade, les couches sont « entières » (aucune dentelle) : il s’agit d’une fonction-objet-initial. La gamme descendante (mm.54-70; pizzicati aux cordes éventuellement doublées au xylophone) suit la pulsation régulière d’une noire décalée, et la seule variation de l’objet apparaît du dernier temps de la m.63 à la m.70 lorsque les cuivres font une version augmentée de la couche-double-croches (la double-croche devient une croche pointée). Cette première phase de conditionnement sert avant tout à présenter l’objet initial à l’auditeur mais ne crée pas

d’attentes : la fenêtre temporelle du cycle complet entre les trois couches est trop grande pour que leur ordre d’apparition soit mémorisable.

La seconde étape (mm.218-265) présente la succession des couches dans une fenêtre temporelle plus courte et dans leur version taillée (création de motifs au moyen de la soustraction de

certaines dyades – la dentelle décrite au point 3.3.3). L’auditeur connaît déjà l’objet, mais cette fois, il est aisément mémorisable. Ce second conditionnement mène donc directement (après une courte réinsertion du bloc notes-répétées à la m.229, qui annonce une recombinaison prochaine des différents objets) à la phase de retailles de l’Objet-Dents-de-Scie; ces deux phases peuvent être considérées comme fusionnées.

                                                                                                               

6 Perceptuellement parlant, les éléments de l’Objet-Dents-de-Scie deviennent des couches dans les mesures qui suivent le climax des mm.215-218, où chacune est entendue séparément immédiatement après la superposition.

(32)

3.4 Objet-Segments  

Le quatrième et dernier objet de Re-Tailles, l’Objet-Segments, occupant le plus de temps dans la pièce à cause de la complexité et la longueur de ses constituants, est, comme l’Objet-Blocs-Homophoniques, constitué de trois éléments juxtaposés. Or, chacun de ces éléments constitue en soi une phrase musicale d’une ampleur beaucoup plus grande que celle des blocs, et qui appelle la suivante de manière fluide au lieu d’y être simplement juxtaposée.

3.4.1 Principaux constituants  

Chacune de ces trois phrases musicales est ici nommée segment. Ces trois segments sont formés de matériau contrastant, articulé d’une manière différente, et sont associés à un registre

particulier (grave, moyen et aigu, respectivement).

Le premier segment, que nous nommerons segment-boule-de-neige, est basé sur un processus d’accumulation, où trois (ou quatre) harmonies sont permutées entre elles dans un rythme d’abord irrégulier, puis de plus en plus continu. De même, ce segment débute toujours par des dyades dans le registre extrême grave et le processus d’accumulation le fait couvrir

progressivement jusqu’au registre aigu. Ce segment est présenté deux fois (avec des harmonies différentes) : après une première tentative avortée (mm.117-118), la seconde accumulation aboutit (mm.124-125) sur le segment suivant.

Ce deuxième segment est ainsi façonné de façon à ce qu’il semble découler du premier :

l’accumulation mène à un climax local, qui se perd en écho (mm125-129). Ainsi, ce segment est constitué d’une sorte de délai (au sens électro-acoustique du terme) écrit dans le registre moyen (en quintolet de noires), suivi d’une tenue qui aboutit sur une micro-anacrouse (m.130) qui permet de « relancer » l’écho. Nous nommerons cette phrase segment-écho-délai.

La dernière anacrouse du segment-écho-délai (m.136), une montée qui se rend jusqu’au registre aigu, appelle la dernière phrase de l’Objet-Segments, qui arbore la forme d’un thème, et plus particulièrement celle d’une « sentence ».7 Ainsi, une idée de base (sorte de gazouillis (m.137)                                                                                                                

7 CAPLIN, W. E. (1998). Classical form a theory of formal functions for the instrumental music of Haydn, Mozart, and Beethoven. New York, Oxford University Press.

(33)

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Fig. 1 : Une retaille et la forme qu’on y a découpée
Fig. 2 : Une retaille et son objet taillé : leur combinaison forme l’objet initial.
Fig. 3 : Contours internes et externes
Fig. 4 : Retailles partielles et leur objet taillé respectif
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