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Le complexe d'Oedipe dans le cycle de Thérèse Desqueyroux /

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

(

(

,1 r' - r f , ,

Le complexe d'Oedipe dans le cycle de Th@rêse Desgueyroux , .

by

@Maria

NIETO

A thesis sûbmitted to the

Facul ty of Graduate Stud1 es and Research in partial fulfillment of the requirements

f,or the degree of

Master of Arts

(2)

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LE COMPLEXE D'OEDIPE DANS LE CYCLE DE THERESE DESgUEYROUX

/

Nous nous 'Proposons dans ce travail, d'~tudier le rOl"e de l'inconscient dans l~ cycle de Thêrèse DesgueYroux.

(1 Nous analyserons d'abord l'enfa»ce de Thêrèse: nous verrons dans quel

~t~~isse-et d'inten~it~ intêrieure cette enfance s'est dêroul~e.

Plus tard,

a

l'age adulte, Tn~rèse est toujours

a

la recherche 'de l'a-mour et de J'~,ttenti on qu' ell en' a pas reçus dans son en~ance,. A travers son êpoux, elle cherche donc l'amour et l'attention d'un p~re. Son affectivitê psychologique est bloquêe au state du narcissisme primaire., Aussi, Thérèse· ramène-t-èll. t~ut

a

s~ propre personne.

Pour Jh~rèse autrui n'existe que s'1l joue un ,rôle ~ans sa destinée. Si cet autrui la déçoit, elle cherche alors à se venger. Si,

au

contraire, elle

se sent aimée par qu~lqu'un, elle le manipule et essaie par tous les moyens de se prouver qu'elle est aimêe. Ainsi, les choix amoureux de Thérèse sont tous de nature narcissique.

Thérèse Oèsqueyroux est un juge-pénitent: elle fait souffrir pour re-cèvo1r un ch3timent. Elle est sado-maso~h1ste.

A la limite, ce comportement la pousse au crime: eTle tente d'empoi-sonner son mari

a

qui elle reproche d'accorder une certaine attention

a

sa fa,"; lle.

Notre travail vise

a

montrer comment cette tentative de meurtre -- qui occupe le centre ,même de l'oeuvre - s'explique p~r un mouvement régressif et

.. t" , ,

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narcissique qui caractérise toute la vie de Thérèse. ~

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LE COMPLEXE D'OEDIPE DANS LE CYCLE .DE THERiSE DESQUEYROUX

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Jhe purpose of this thesis will be to analyze ,the part played by the subconsciousness in Th~rèse Des ue roux's cycle.

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l'I'l

a

first step, we will study Thê~se's cnildhood and see in what '\ state of

a~x~Y

and of emotional int sity her. character grew throughout this

periodr; \

.

-Later, S an adult, Th!r~se will still be seeking the love and care \

she never encouhtered as, a child. In her husband, she, will be looking for the love and affection ,of a father. ~er psychological affectivity never went beyond the stage of an elementary narcissism. Therefore Th!rèse pi'ctures

herself as the center of everything. '

-______________ ~ --- '1

For Thêrèse, 'the other$. exis't only--as----faras~de-vote their existence ' to her destiny,"If,they disappoint her, she seeks revenge. If, on the contrary, she feels love by someQne, she manipulates him and tests his love~ Thêrèsels choiees of partness are a11 of a narcissistic, n~ture. ' t

Thêrèse Desqueyroux is her own _punishing judge: she hurts people ih order to be punishéd. In other words. hêr attitude is of a s~domasochist;c

nature.

r/

-In the extremeJ th;s kind of attitude leads her to commit a murder: she tries to poison her husband, resenting the attention he gives tC.his family.

The g6al of this essay is to show how this attempted murd~r - which is the center of the whole cycle - can be explained by a regressive and narcissistic process which éharacterizes Thêrèsels whole life.

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CHAPITRE 1 - Une enfance dou1dureuse

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5

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---1- La solitude

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1.1- Le couvent .•...•...•••...••.. " ... .

1.2- Les vacances , dt Arge 1 ouse et 1 e pAre de Thérêse ...

.

5 7 9 2- U~e pr~sence silencieuse ... : •....•.•.• ld

-

---~:-l-- Tante Clara ... 10

2.2- Anne ... Il . . . . • . • . • . . ,, • . • . . . • . . ,. . . . , . . . . I l . . . . 12

CHAPITRE 2 -.0 TMrêse Larroque • • • • 110 • • • • • • • • • • il . . . . 16

1- Thérêse avant le mariage

...

16

1 • 1- 1 Anne de La Tra ve •.•... " ... -.... ~ ... .

f

1.2-. Bernard Des"queyroux ... 19

2- Thêrêse Desqueyroux

...

28

2.1- le mariàge et l'angoisse de Thérêse ...•••.•••..•• 28

2.2- Le refus de 1 a séxua l i té ... 31

C~APITRE 3 Les relations avec autrui • • fi • • • • • • • fi .. & . . . . 33

1- ThérAse et 1 a fami 11 e ... 33 1. 1- Monsieur Larroque ... 33 1. 2- Bernard Desqueyroux ...

~

... 35 ~

--"l_

Thêrêse et la sociét~ .••••.••.•...•....•..•.•..•.•..••. 45 2.1-2.2 .. Jean Azêv.êdo • • 11 . . .

.

fi • • • • • • • • • • • • • • , • • • • 46 Le pr! tre ... ,. ... ,. ... ~ . . . .. 56 1 _

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CHA~TRE

5 -~\ 1- 2.3- 2.4-Georges Mondoux , ' , .. \ t \ " 59 • ~ . . . ., • • III . . . ! . . . t::t.~ .. • • • • • • • • • \\1 }L " 68 ···~"···l·~···

.. ···,····

Un regard toun~ vers soi-mime .•. ~ ••• ~ ••••.•• '. • • • • • • • • •• 71

1 . :) , Lena rc i s si sme •.•••• •••••••••••• ~t

. . . ... '. . ..

71 1. 1-lt 2- 1.3-1.4 ..

L~ besoin d'ltre aimêe d'un (amour unique ••.•..••• 72

Choi x amoureux ...

~

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... ' ...

r 75

\

Le refus dl aimer et de donner ... 94

Le besoin de possession; sa j,~lousie et sa

vengeance ...•...•. 110 • • • • • • • • • ) • • • • • • • • Il . . . 100

L lempo1sonn~ment ... ~ ... ;. ... 11~

L'instinct de mort ... , .. [ ... 113

2-' Le poison administrt!

â

Bernard •• ' ... -.. 126

CONe L US l ON •• ~ • " • • • • Il • • • • • ". • • • • • • • • • • • • • • • • • • ' • ., • • .. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 134 BIBLIOGRAPHIE •••••••..•.••. ' .•. : . \ ••••••••••••••••••••••.••••••••••••• ,'38

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.-J'observais sur cette enfance, ~stêr1euse: faut partir pour tout ,je.

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figure d!~ruite une "C'est,de la qu'il comprendrel! me

disafS-François Mauriac, dans l'essai judigiaire, l'Affaire.

Favre-1Y.ll1

Dans , e r0'!'8n Thêr~se DesQueyroux, nous trouvons cette réflexio\n:

\

. , on

est , e conmencement de' nos actes?

J .

Thêrèse remon~era-t-el1e jusqu'a son enfance? 1

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Nous nous proposons ici, de remonter le cours de llenfa~ce de Th!rêsé,

1

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non pas pour tout comprendre, mais au moins pour êluc1der dans quelle ango,isse

, 1 ~ \

et dans quelle intensitê' de viè 1ntêrieure s'est dêroul!e son enfance. C'ést aussi

a

partir de son angoisse que nous comprendrons que' a qulte de Thêrêse se trouve dans son inconscient.

L'angoisse diffère de la peur. Cette dernière nous est connue et pro7 vient de l'extêrieur, e1le est motivêe par un être, un Objet ou un hênement -dont nô-us redoutons l'host11it! et qui sont sjtu!s dans le,monde .. Par contre,

1- François Mauriac, Thérêse Oes~ueyroux. (Paris: Ed. Grasset, coll.

(8)

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.

,

. 1 / l'angoisse est l'expression d'UA conflit, d'un. dêbat dans,l'inconscient, m~is

la fause de 'la douleur ne peut !tre intelligible au sujf!t.puisque c'est le 'pri- ~ v.i1!ge de l'inconscient que de refouler tout ce qui pourrait êtré

"inaccep-ta-•

bl'e pour le conscient" 2. Dans cette perspective, le moi qui contient tout le système de perception-conscience appara1t comme

.

,

\ .•• un clown de c~ueJ qui par des gestes, cherche ~ persuader l'assistance que tous les changements qui se

produi sent dans 1 e manège sont~des effets de sa vol ontê " et de ses commandements. Seulement, il ne réussit ~ convaincre que la partie enfantine dé l'assistance. 3

Et cela même quand 1 e mo i accepte 1 es symptômes 1 es plus 1 ndés i r:ab 1 es qui s' i.m-posent

a

lui, comme lorsqu'il accepte l'angoisse.

-

---Dans ce travai 1 " nous allol')s êtudier le cyc1 e de Thêrese Desgueyroux en ·fonction du comportement de l'hêro'ne. '

Notre premier chapitre portera sur l'enfancé de Thérèse. L~ nous

ver-<.:

rons que Thérèse est une enfant malheureuse,et angoissée. D~tachêe du monde,

~ ~ \ ~

elle est plus attentive

a

ce qui se passe

a

l'intérieur d'elle-même. La

pré-\

sence des êtres que la jeune Thêrêsé dêsirerait, elle en est privêe. Nous

~constateron~

que Thérèse doit vivre'son enfance dans la solitude et le silence.

2-~~leJ

le moi moraliste n'acceptera pas

d~èndances ~rotiqUeS

ou " . agressives. Le travail de l'inconscient slra de ne pas laisser

con-naître ces tendances en les fusioQnant en lui. Elles deviennent alors des forces qui, retenues. se manifestent par une sorte de douleur

ap-pe l êe angoi sse. - ~ " é f '

3- S. Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse. (Paris: P.U.F., 1965),

(9)

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r 3. "

(

Au cours du second chapi tre, nous connaTtrons l'adolescence de Thêrêse.

/

TMr~se cher:otfe J travers son ami e Anne de La Trave une compagne. Aussi, A

trav~rs/l;/soumission

que Tht!rêse d!montre vis-!-vis d'Anne, nous dêcelons le\

. / t ~ ,..

~ sen~timent d'inf~riorité qui caractérise" la personnalité de Thêrêse. Chez

Bernard Desqueyroux, l'homne que Thérèse épousera, la jeune adolescente cherche. la protection, l'amour et l'affection d'un père. Et nous verrons que le jour

L

où TMrèse êpouse Bernard, elle se sent perdue: ' el1~ a peur d'@tre êpouse. Dès l o'r,s , nbus constatons la frigidité' et l'angoisse que l'acte sexuel éveille chez la jeune fenrne.

Par la suite, nous conna'itrons une TMrêse jalouse, possessive, voulant ramener tbu'tâ· el1 e-même. Les rehti ons de Thêrèse avec autrui nous montrent' lune fois de plus son sentiment d' infériorité. Nous 1 a verrons aussi habitêe

par un sentiment de culpabilité. Thérèse nous rêvélera. son caractèr.e ,agressif, ses tendances sado-masochistes. Le besoin-de dominer et de posséder autrui se -manifesteront chez Thérèse sous divers masques.

!'

Enfin, les tendances agressives de Thêr.êse se manifestent souvent et fortement, aussi bien contre autrui que ·contre elle-même. Nous percevons une personne qui veut

a

tout pri x atre reconnue importante et uni que vi s-a-vi s des Hres qu' elle dés; re. Nous verrons que Thêrèse utfl i se tous -1 es moyens pour

,

parvenir

a

rêgner dans la vie· de la personne qu'elle a choisie. ,.

C'est donc

a

la/lumière de son comportement que nous pourrons voir com-ment elle est sous la dêpendance de l'angoisse et d'un complexe de culpabilité ai ~u. A parti r de là, nous verrons conunent l es effets de sa condu, te sont

(10)

(

d~va$tateurs. Finalement, nous constaterons que Thêrlse est mue par son

1n-, ~

conscfent dont elle est la victime. C'est sans doute ~e qUi: donne.

a

cette oeuvre de Mauriac, son caractêre poignant 'et authentique.,

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' CHAPITRE 1

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CHAPITRE 1 - Une enfance douloureuse

1- La solitude

-

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1

1

Dès sa jeune enfance, Th~rèse interroge son être, cherche

a

décou-vrir d'où provient ce silence, cette angoisse qui émerge du plus profond

o d'elle-même:

,Que lui dirait-elle~ Par quel aveu commencer? Des paroles suffisent-elles

a

contenir cet enchaf-nement confus de désirs, de résolutions~ d'actes im-pr~Y; sibles. l

Pour penser, pour réfléchir, Thérêse souhaite demeurer seule dans sa chambre 00 "souvent il avait suffi

a

tante Clara d'entrouvrir la porte, pour se sentir importune" 2 •• Au lycée, Th~rêse vit

a

l'~cart de ses compagnes. Les

\

menues tragédies qui .déchirent ses camarades ne 1 1 intéresse pas. Elle vit

a

"

l'écart et "conme absente" dans ce milieu scolaire. "Qu'est-ce donc que cette

. .

angoisse?" 3 .. Thérèse n'arrive pas

a

rendre intelligible ce noeud qui l'étouffe,

,-

François Mauriac, Thérèse DeS~UeYroux.

Livre de Poche,

1927),

p.

5.

2- Ibid., p. 133. 3- Ibid •• p. 37.

/

(Paris: Ed. Grasset, cofl.

1

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(13)

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..

qui renvoie la question à l'infini. Du plus loin qu'e1~e puisse aller,

Thê-rèse s'efforce, fouille, "elle revient au bord de la' route vide auss1 loin que pouvait aller son regard" 4. "Une muraille sombre de for~t. Dlun talus

a

l!autre les cimes des premiers pins.se rejoignent, et sous cet arc, s'en-D " fonçait la route mystérieuse" 5. ilLe silence n'êtait pas plus profond pour [sa tante] sourde let] ill1TlObile

~vec]

les mains croisêes [ •.. ] que pour cette fi 11 e un peu hagarde" 6.

Depuis son enfance Thêr~se est perpétuellement en procès, elle cherche

a

dêchiffrer le secret de son destin. Elle se sent enfennêe d,~s. un b·rouil-lard, troublée, menacée. Adolescente, elle revait "qu'une erreur l'obligeait

à subir les épreuves du brevet simple ~.::r elle s'éveillait la poitrine dila-têe"

7:

Comment Thêrêse rendXit-e11e cette angoisse intelligible? Comment ne serait-elle pas sous ce tribunal. dans ce lacis inextricable, dans-.ce

la-, /

byrinthe? La rêponse

a

toute sa souffranc~ est enfou~~~ ~conscient

..'

et l'objet de sa Quete ne se trouve nul1 e part ai lleurs 'que dans "l ui -m!me" .

4- François Mauriac, Thérèse DeSjUeyroux. Livre de Poche,

1927J,

p.

7.

(PariS: Ed. Grasset, coll.

5- Ibid. , p. 12. -1 6- lb; d., p. 38.

(

Ibid., 2l. 0 7- p. 6 .

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Thérêse ne pourr.a pas savoir dloO provient son angoisse.

i~

"--Llenfance de Thér~se, c'est "de la neige

a

la source du fleuve le plus salill 8. C'est cet enfant qui questionne le néant. C'est l'appel de

l'amour et le silence- déraisonnable des @tre,qui -l'erytourent. 11 faut que

vous compreniez, dit-elle, comme j'ai vécu ~tran9ère

a

ce père veuf, qui mé- ?

9,. " 1 0

î

pri se les -fel11Tles ,-, \: .

J

et, ~ quoi bon 1 ui parler? Il ne m'écoute pas... '1

/

Que lui importe. ce que Thérèse ~prouve? 11

Mais qui importe

a

un misogyne ce qu,réprouve une fenrne? Car IIquel mépris des fenmes: m@me de TMrêse a l'époque 00 ch~cun louait son iDtelligencell

12

1 . 1- Le couvent

Son père a voulu que Thérèse fréquente le couvent où elle v~cut êtran-gêre aux choses et aux êtres.' TMrêse vivait parmi les 'être qui peuplaient

,

ce couvent cOl1llle somnambule; "elle avait paru vivre indifférente et conrne

absente des menues fragêdi es qui dêchi rai ent ses compâgnes II' 13. Ce somnambul i sme

8- François Maurtac, Thérèse DeS~UeYroux. (Paris:' Ed. Grasset. coll. Livre de Poche,

1927),

p.

6.

9- François Mauriac, Conscience. Instinct divin in Oeuvres Complètes, tome·

III.' (Paris: Arthême Fayard,

1950-52),

p-:-s16. .' 10- \françois Mauriac. Thérèse Desrueyroux. (Paris: Ed. Grasset. coll.

1

Livre de Poche,

1927),

p.

2.

1> 11- Ibid), p: 13. 12- Ibid., p. 79. 13- Ibid .• p. 2~. ,

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(15)

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8. "

ce mutism! de Thérèse, dans l'éloignement et rla ~1itude 00. elle existait faisaient croire

a

ses professeurs qul

el1e chérchait la "joie de rêa)iser en elle un type d'hum~nitê supérieure" 14. Ma,is -quOi que préten-dfssent ses ma'ttresses, pense'Thêrllse, "je souffrais, je faisais souffrir" 15

Thérèse se plaint de l'êducat10n religi~use qu ' e11e a reçue: Pour qui connatt mon pl!re. écrit-elle au prêtre 16,

rien ne têmoigne mieux de ce mêpris des femmes que l'éducation religieuse qu'il a bien voul~ que je subis-se 17, .. ] il repête sou\Jent que les fenmes ne méri tent 1.

pas mieux. 18 ~

Mais, ajoute-t-elle:

... i L eS~~i'rai aussi que durant sa dernière maladie, ma ml!re avait exigé de lui la promesse que je s~_rais

êle-vêe dans ce m@me couvent oD el1 e se souvenai t d' avoi r été heureuse. 19

,

Ici, Thérl!se, semble excuser et pardonner! son père de l'avoir en~ voyêe au couvent. Ce dernier l'ayant 'fait pour exaucer les voeux de sa defun-te femme.

14- Françoi s Mauriac, Thérèse Desgueyroux. (Pari s: Ed. Grasset, coll.

Li vre de Poche, 1927), p.

2. '

15- lbi d ..

'16- Il s'agit de ce qui fut le p-remier jet de Thérèse Desgueyroux: Conscience instinct divin.

17- L'emploi de ce verbe dans la bouche de la protagoniste connote bien une

18-

19-pl ai nte. '

De la part d'un anticlérical comme Monsieur Larroque, le fait d'envoyer sa fille ,au couvent démontre une ambiguité et certes les paroles qu'il prononce: "Une femme ne mérite pas mieuX'!" justifient bien l'adjectif par lequel Thérèse le qualifie: misogyoe .

François Mauriac,

Livre de Poche, Thérèse DeSjUeyroux. , 927), p. 4 .

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(Pari s: Ed. Grasset, coll.

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1

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(16)

1.2- Les vacances d'Argelouse et le père de Thérèse

Pendant les vacan~es, 10rsqu~ Th~rêse dé1ivrêe du lycée, aurait pu être en compagnje de son père, celui-ci se r~jo~uiss~i't de ce que Thêrêse .pas-serait les v6cances hors du logis: "Arge1ouse

r: ..

j'e débarrassait de sa

fillell

20 Argelouse': domaine 00 Jérôme Larroque ne voulut rien changer parce

.

qulil 111ui venait de sa femme (morte en couch~~ alors que Thérèse était encore

r,

au berceau)" 21. Arge.10use, demeure relQplie dlabsence. Inondée par la présen-ce dlun mort. Imprégnée sans doute du dernier soupir de présen-cette o mêre que Thé-rèse ne connu~ jamais., Soupir, absent:

r

Le snence dl Argelouse! Les gens qui ne connais-sént pas cette lande perdue .ne savent pas qul,est- le silence: il cerne la m~ison, comme so11dif1~e dans cette masse épaisse de/'for~t 00 ~ién ne vit, hors par-fois une chouette ulutante (nous croyons entendre, dans la ·nuit le sanglot que nous retenions).' 22 '".

.

Le couv~nt et Argelouse, lieux gr!ce auxquels, Monsieur Larroque, éloigne sa fille de lui. Les voeux qulil rend

a

sa défunte femme, le fait qul]l ne parle jamai.S

a

Thêrêse ainsi que le mépris qu'il lui

compte d'un mur de 'pierres construit solidement entre le père Ainsi, pour Thér.èse, le silence est absolu. Et lion pourrait

1

témoigne rendent et la fille.

~

dire ici, que

François Mauriac, Thir,se Desvueyroux. {Paris: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche,

19

7

1 p.

3 ..

20-21- ,- Ibid., p. 30. 22- Ibid," p. 30. " . , _ _M~ _ _ ~_ ~ _ _ _ ~~ "

,

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(17)

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10.

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dans' cette . -mai son d,1 Àrge louse, le p~re tien un linon-lieu", c'est-A-dire aucune ,

place. TMrêse a' un"p~re a~s1 absent 9ue cette mêre morte en couches.

2- Une prêsence si·1encieuse

#

2.1-Dans n d'Arge~ouset Th~r~se est sous la garde de tante

Cl ara, soeur" a"n~e de son pêre. Tante Clarà, "empu~e vi vante" 23;

l ,

•.. en guerre ouverte contre l'Etre i nff ni qui avai t , permis qu'elle f~t laide et soùrde, 24~

vieille fille ~.J qui aimait

l ... )

cette solitude parce qu'elle n y voyai~ pas, disàit-el1e, les

l~-vres des autres remuer 5 et , r conme font les sourdes J par1 ai t sans arr~t pour que

TMrêse ne 1 ui parl at pas. 26 J ~ • 1

Thêrêse a t!t~ rêduite aù secret; elle' a v~cu corrme dans un lieu cachê, sans communication avec l'extêrieur. pne enfance 00 rêgnait la loi du silence. Repli~e aux trêfonds d'elle-même, Th~rêse debout, vigilente, immobile, comme rendant hommage ~ un mort, attendait la dêlivrance.

,

!

23- François Mauriac, Thê~se Des~ue~ro~~. (Paris: Ed. Grasset. coll.

L ivre de Poche,

1927),

p.

i

2.

~ 24- Ibid., p. 80. 25- Ibia. , p. 30. 26- Ibid. , p. 37. ...

1

!

1

(18)

(

Petite fille pratique, elle avait h!te de trouver sa place d~finitive; elle voulait être rassur~e contre e}l1,e ne savai t quel péri 1. 27

- /

Trois piliers couleur de cendre soutiennent la voute de la maison d'Argelouse. Trois piliers sans ombre, 'informes, invisibles et pr~sents comme la vapeur d'e~u dans l'atmosphère de Mars.

Se remplaçant par leur absence, trois fantômes entourent Th~rêse. Fan-tôme, son père l'est par son insensibilft! et son silence" envers Thérêse; par

~ l'abse;;e de p~roles et d'1nt~rêt

a

l'egard de sa fille. Parce que pour

~ur Larroque, constate Therèse, "cela seul compte: son ascension vers le Senat" 28. La mère, morte en couches, dans cette demeure d'Argelouse, est aussi un fantôme par la volonte de son mari qui ne voulut rien chang{~~ans cette maison où elle rendit l'ame. Fantôme ~galement, ,tante Clara qui ne peut entendre et qui vit dans les caves profondes du silence d'Argelouse.

Que n'est-elle pas d'aotant plus pr~sente cette mère morte que par cette absence du père pour Thérèse ... En 'effet; Monsieur Larroque fait revivre

ra morte. Cette mère revit en Th!rêse quand son père l'envoie, selon le voeu de la d~funte, au couvent~ Il la fait revivre' pàrce qu'il en~oie Thêrêse q~i

.

revient du couvent

a

la même place où la mère mourut en couches. Il la fait exister quand iT ne veut rien· change~

a

cette demeure. La mort de la m~~e est

27-,

François Mauriac, Therèse Des2yeyroux. . Livre de Poche,

1927.),

p.

4 .

28- Ibid., p. 13~

(Par~s: Ed. Grasset, coll.

/

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(

12.

d'autant plus douloureuse et ressentie du fait que son p~re ne v1~nt jamais ' dans cette demeure.

Si

bien que, lA encore, l'absence .du père jait· re~;yr.e lia

,

.

morte. Ainsi, 'la p~ê~ence d~ la ~re est inscrite par le p~r~ efface. Poûr TMr~se" ce- pêre est 'au~i effacé, aussi absent que les

tinte-"

ment~..' les battements e't,les.sons du monde pour cette soOrde qu'"ilTlllObile et • ,. '1\ -

-les mains croisées sur l~:'-ta~'~ semble attendre elle aussi une sorte de dé-, '. t -'\

iivrance. Ici la surdit~'de tante C a est un symbole frappant. En effet, le rapport entre le monde et tante Clara est u

Thérèse et le père.

édoublement du rapport entre

.

/"

".

En tant que symbole, la surdité de tante Clara, rend compte de cette lourde présence du souvenir de la morte et de l'absence du père qui est elle aussi une présence fantôme pour Thêr~se. Et pas autre chose qu'un silence absolu et profond ne répond ~ Thérèse quant

a

son besoin d'amour. Thêrèse aurait voulu appuyer sa tate sur une poitrine humaine. Elle aurait voulu pleu-rer entre les bras d'un être vivant.

2.2- Anne

-Anne, qui est la 'jeune soeur de Bernard Desqueyroux, l' hOll1l1e 'que plus t~râ Thérèse épouse, est aussi la seule compagne de'Thérèse pendant son enfance.

Quand le souvenir de Thérèse, dans ce train cahotant qui la ramène au

\ "

29-: François Mauriac, Thérèse Des3ueyroux.

Livre de Poche,

192",

p.

3 .

(Paris: Ed. Grasset, coll.

1

~

Il

!

(20)

.

~

1 ogi 5 conj uga 1, remonte vers son enfance, elle revoi t son ami e Anne:

. ,

"Petite soeur Anne·

t.

~ quelle place vous occupez dans. cette his.toire~" 30. Oui, quelle place peut-elle bien remplir dans l'enfance de Thêrêse?"Aucun goOt commun, hors celui d'être ensemb1ell 31.

~~iS

Anne vit,

b~uge,

parle.

jacasse, rit, respire, crie; êvoque la joie enfantine d'une jeunè fille heu-reuse; un @tre vivant enfin!

Pourtant, Anne ne suffira pas a rempl,ir le vide, le manque de Thêr!se. Trop indêpendante comme le sont les enfants heureux, Anne cherche son plaisir et son bonheur,où et quand elle le dêsire. Thêrêse voudrait bien voir son amie tous les jours. Mais Anne a autre chose

a

faire .•• Elle ne veut pas venir chaque jour: "Pourquoi se voir tous les jours" 32 disait Annè. Puis, elle disparaissait joyeuse sur la route faisant sonner le grelot de sa bi-cyclette.

Aucune communication rêe11e avec Anne. A l'oppose de Th!rêse, Anne "ha'ssait 1~ lecture

l-.J

Aucune idêe sur rien" 33. Anne n'est pour Thêrêse qu'un substitut de bonheur; l'espoir pour Thêrêse que la vie existe; que les

.

~tres de sang et de chair sont de ce monde. Espoir que son imagination l'ai-dait ~ concevoir "qu'il y aurait la, pour elle aussi peut-être un bonheur pos-sible" 34.

30- François Mauriac, Thêrêse DesTue~roux. (Pari s: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche,

1927>,

p.

2 .

' ' 31- -Ibid. , p. 35. 32- Ibid. , p. 37. 33- Ibid. ~ p. 34. 34- lb; d. , p. 45. - ~ - l _ .1Jo ,

1

}

(21)

. "

.(

~(

Il

Il va sans dire que TMrêse eut une enfance malheureuse. Privfe de dialogue,' privêe d'amour et surtout privêe de tl~mour qu'aurait pu lui têmoi-gner son père. Des paroles, des regards, des rêcompenses qui auraient ftê autant, pour la jeune Thêrèse, des caresses que des preuves d'amour. Des preuves qu'elle êtait acceptêe, aimêe, valable. Ma'is Thfrêse nia rien eu de tout cela. Comment elle ne serait pas devenue ce qu'el'e est?

Peut-il exister des monstre a,ux yeux ,de

celui-la

t.

~ qui s,ait pourquoi ils existent, corrment' ils se sont faits, et comment ils auraient pu ne pas se fa; re. . . 35 '

...

Certes, comme nous le disions plus haut, les paroles, les regards, les rêcompenses sont autant pour un enfant, des caresses que des preuves dia:

14.

mour. Des preuves qu'il est acceptê, aimê; qu'il vaut quelque ·chose. Ce sont des preuves si nous les obtenons, que 'nous sonmes

A

bons nous-m~me~ • pleins de

1 \

choses bonnes, et que nous sommes aussi en retour, digne~ d'amour, de respect et d'honneur. En même temps que des preuves, ce sont aussi des garanties con-tre nos craintes d'un vide intêrieur, concon-tre nos tendances malignes qui nous font êprouver le sentiment ·d'!tre mauvais et plein de èhoses mauvaises pour nous et pour les ,autres:

35-

36-~

. , r

Les maTtres, es proposaient aux lycêennes

11 exemple de T êrèse Larroque: "Thêrêse ne deman-de point d',aûtre rêcomp~nse que cette joie de rfa- . 1 iser en elle un type dlhumanit~ supêrieure". 36

<,

Charles Sàudela1ré, citê par François Mauriac, Th;rêse Desguexraux. (PariS: Ed. Grasset, to11. Livre de Poche,192 ), p.

5.

François Mauriac. Th~rêse D'~gUeyroux. (Paris: E~ass~t, coll. Livre de Poche,

1927),

p. . \oI.~,

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1

(22)

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~,

Mai,

Thêr&s~

doute qu'11 y ait en elle

qUelq~e

chose de bon. de si

.dmir;bl~>'"

"

'-cf

Elle ~e croit pas être'digne de l'amour ou du respect que semblent lui tf-moigner ses mattresses:

~ ment il qui lui

,

'Etais-je si heureuse? Etais-je si candide? f ..

J

Quoi que prétendissent mes mattresses, je souffrals, je faisais souffrir. Je jouissats du mal que je causais et de celui qui me venait de mes amies: pure souffr~nçe qu'aucun remords n'alt~rai~. 37

Toute la vie, l'enfant "mal aim~" cherchera un refuge 38. ,Inconsciem-a l,Inconsciem-a recherche de l,Inconsciem-a' protection et de l',Inconsciem-amour "p,Inconsciem-arent,Inconsciem-al"

ant ses premières ann~es. Il se verra déposSédé, mar-. qué d'un manque, d'un vie l'angoissera.

L'an-'-,

1

goisse, conme nous l'avons vu au cours de notre introduction, est une peur inconnue' l'

mais aussi elle provient d'une co1~re refou1~e, d;une agressivité violente ou d'un d~sir dont le sujet lui-même a peur. Le vide que l'enfant ressent au plus profond de lui-m!me, 'il cherchera a le combler. De la nattra son besoin , .d'avoir, de tout avoir, de possêder. Le fait de posséder donnera-1i

i1lusion au sujet d'~tre égal sinon sup~r1eur a celui pa'r, qui il s'est senti dépossédé.

o

S'il aimera quelque chose ce sera l'amour du pouvoir.

~

37- François Mauriac, Thérèse Desgueyroux. Paris: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche,

1927J,

p.

27.

.-- liCe qui l'avoit pré'cipitêe (Thêr~se), n'êtait-,

... elle avait hate d'avoir pris son rang, tro ~ sa plaée dêfiniti-ve; elle voulait @tre rassurée contre elle ne sa it que1 péril. Jamais elle ne parut si raisonnable qu'a l'êpoque d es

les: elle s'incrustrait dans u~ bloc familial, 'elle elle entrait dans un ordre. Elle se s-auvait."

Ibi d.~ p. 40. 1

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CHAP ITRE 2 - Th~rèse Larroque

1- Thérêse avant le mariage

L'app.el humain, la p.1ainte de l'erifant et le silence d~raisonnable

des êtres qui entourent Thérèse, comme nous venons de.le voir, font la tragique' ~

condition de son enfance. ' )

)

, "

Thér~se Larroque est réellement seule, priY~e d'amour, d~saisie, an-goissée. Elle ne peut c,omprendre le tounnent de son ame: Rien n'apaise son an9?isse. Tout est sHence pour Thérê~e. \,

Comme au temps de son enfance, pendant sonladolescence et durant toute son éxistence, Thérèse sentira au fond de son être le "vide que devâi t rempl i r

,

l'amour parental. Ce vide sera chez Thérèse la caijse, inconsciente, de sa souffrance et de son ,comportement.

,

.

Pour sortir d'une réalité dou1eureuse, par la présence d'un 'autre,"Thê-' rèse tentera de faire taire ce silenc~. Elle. prêtera ! cet autre des qualités illusoires dont sa fantaisie aura besoin pour fuir là réalité. Mais Thêr!se se verr~ sous la dépendance d'un jeu. Jeu désespérant autant que nécessaire, pour obtenir d'autrui aussi bien l'amour que l'acceptation de sa propre

per-:, L.

~"

(25)

(

'1 \ 17. 1. 1- Anne de La Trave /

La r!compense de TMrêse c' était

a

la saison brD- 1

lante, de ne pas se~tir indigne dlAnne qulelle 1

rejoignait sous les chê~louse. 1 '-, (

---

\

M@~

si aucun "goDt conmunll

ne rapprochait eleS deux filles,

~e

fai sait

, .

le bonheur de Thérêse. Auprès d' Anne et sous les ch@nes 00 1 es jeunes fi 11 es vont se recuei11ir, Thérèse aime le silence et l'inaction. Mais impatiente de chasser et de courir, clest ta,ujours Anne qui la premi~re, rompt le silence et leur inaction, qùi met fin

a

ces moments de bonheur dont Thér~se ne se lasse pas.

Anne la première s'étirait, impatiente de tuer des alouettes t,.

J

Thérèse qui ha fssait ce jeu, l a sui vait pourtant, i nsati ab le de sa présence ~.

J

Thérèse se "" bouchait les oreilles; un Cl'; ivre s'"nterrompait dans

le bleu, et la chasseresse ramassait T'oiseau blessé, le serrait d'une main précautionneuse et carressant de ses lèvres les plumes chaudes l'étouffait. 2

Thérèse constate qui il y a 'un désaccord entre ce qu' elle éprouve en l a présence d' Anne et co/ qu' elle devrait épro~ver 3. MaiS Thêrêse, auss i consciente qu'elle p·uisse @tre de leurs caractères et de ;leurs goOts tout

a

fait opposés, ne saura pas éclaircir d'où lui

vient<~e

bonheur: cetteloie d' être avec Anne. .

1- François Mauri ac, Thêrêse Des

2

uevroux. (Pari s : Ed. Grasset, coll.

~~J Livre de Poche,

'92,j,

p.

7 . .

?-

Ibid

r .

36. ,

3- IIThêrese regarde ces jours

t.

J

auprès d' Anhe: d' oi) 1 ui venal t ce

~onheur? Anne avait-elle un seul des goOtsde Thêrèse? Elle ha'ssait

, la lecture, n'aimait que coudre, jacasser,et fire. Aucune idée sur rien, tandis que TMrèse dévorait du même app~tit les romans de Paul de Kock, les Causeries du lundi, l'Histo1re du consulai'

f: ..

J

Aucun

900~

conmim.

h7i

Ntre enseliib, e ." lbl

d..

p.

3 .

(26)

)

18.

--COllllle toutes les questions que Thêrèse se pose, le "pourquoi ce bonheur" en 1 a prêsence d'une personne avec qui e 11 en' a pas de vrai s êchanges aura

pour r~ponse un non-sens. En effet, Thérèse ne peut que cO,nstater que ce ' bonheur n'a pas de sens. ~ais comment pourrait-elle élucider le sens de ce bonheur? El1 e n-e pourra pas plus comprendre ce bonheur que son angoi sse. Le bonheur et l' abs urde, di sait Camus, sont deux fil s de l a même terre. Pour Thêrêse, le sens de ce bonheur provient lui aussi, CorFme celui de son angoisse, de son inconscient. Et, nous l'avons vu, toute la quête de Thêrêse rêside dans

l' i nconsci ent de son être.

Nous constatons que Thêrêse se soumet au bon plaisir de sa jeune amie. Bien qu'elle trouve les jeux d'Anne cruels, elle se plie ~ leurs exigences. Anne ne vi ent pas tous 1 es jours voi r Thêrêse et cell e-ci , ui en demande rai-son:

Pourquoi se voir tous les jours? Elles fini-raient, disait Anne, par se prendre en grippe. 4

la raison qu'Anne donne

a

TMrêse aurait pu entralner une autre question, si-non une rêplique aussi directe que celle d'Anne. MaB Thêrêse soutient son amie sans la contrarier:

4-

5-Oui •.• " '5-Oui.. • surtout ne t'en fai s pas une ob 1 i gati'on: revi ens quand le coeur t'en di ra ... quand tu n'auras rien de mieux. 5

François Mauriac, Thêrêse DeSjUeyroux. (Paris: Ed. Grasset, coll. Livre ge Poche,

19271,

p.

7.

Ibid ..

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,

\

(27)

(

Ce "rien de mieux" nous semble vouloir dire que Thêrèse pense qu'il

y a bien mieux qulelle et qulelle accepte dlltre pour Anne comne quelqué chose que lion 'fait ou que ,Ion p,rend en' attendant d'avoir la vraie chose. Elle se voit corrrne un genre de

pal1iat~u;.

provisoirement,

apport~rait

à Anne une satisfaction. Et on co~prend que Thérèse se sente inférieure et Si attribue bien moins de valeur autant vis .. A-vis d'Anne qu'aux choses et aux êtres qui sont

a

1 a portêe de cette derni ère.

Aussi, quand Anne repart,':-lhêrêse êprouve un sentirrlent d'angoisse . 19.

./ Elle se sent conrne elle s lest toujours sentie: seule, rejetée. La jeune fille ne reviendra pas demain. D~s lors, Thêrèse nl,a plus envie de lire, nia plus

.'

envie de rien. Elle regarde avec tristesse la route par oil Anne est partie.

1 .2- Bernard Desguevroùx

Thêrèse Larroque accorde ~ Bernard des qualitês pour stimuler chez elle la motivation nécessaire

a

se rendre désirable aux yeux de cet homne qu'elle doi t épouser un j our selon 1 e voeu des deux famil1 es .

Selon Thêrêse, Bernard est comme tous les

~omnes

de

-~ande.

Il s

vi-1

1

1

1

1

1

vent entre eux et ne Si affinent guère. Ils

,

sont trl!s' 1nfi!r1eurs aux femmes et~ la lande leur procure.' !

rien nlexiste pour eux que les plaisirs que

Nêanmoi ns, Thêrèse va 1 qri se Bernard par rapport

a

tous 1 es autres hom-

1

mes de ces terres et lui attribue des qualitês qui la rassurent. En effet.

(28)

(

\

1

chez lui un hOllllle fort et plein de bont~. Un hOIMle qui ne parle point de ce

qu'il ne connatt pas. Bernard, dit-elle, accepte ses limites. Elle ne le trouve po1nt laid et plus acharné au travail qu'il nlest curieux des jeunes '10'

, fil 1 es.

\ Th~rêse remarque aussi que Bernard n'est pas très attach~ ! sa famille:

. /

l'hiver, ce garçon raisonnable suivait des cOtlrs de droit; 1 'été, il ne donnait que peu de j~urs

a

sa fa- • mille: Victor de la ~rave l'exaspérait, que sa mêre

veuve, avait épousé 'sans le sous"t.a Sa demi-soeur Anne lui paraissait t op jeune alors pour qu'il put

lui accorder quelque ttention. Songeait-ï1 beaucou~

pl us ~ Thér~se? 6

Ainsi, Thêrèse, aidée par la rêalitê, par les conclusions qu'elle en tire et par les qualités de coeur et d'esprit qu'elle ~ttribue ~ aernard, peut

en effet, s'imaginer qu'il . . . . beaucoup plus 3, elle. Dès lors, elle voit en Berna rd un pos si b 1 e amour.

Th~rêse a-t-elle reconnu une certaine ressemblance entre le "coeur" de son père et celui de Bernard? A-t-elle voulu conquérir un homme, qui comme son père, ne s'inUressait pas aux felTl11es? ConqUérir un "Hippolyte vouê

a

Di ane", telson pire voué 3 1 a mêmoi re de sa dêfunte fe/'llTle? Nous tenterons de r~pondre ~ ses questions en analysant ]a psychologie de Thérèse.

'6- François Mauriac, Th~rêse Des~feyroux.

Li vre de Poche, ,

927),

p. • (PariS: Ed. Grasset, coll.

J

..

t

i l

1

(29)

(

21.

C'est tout d'abord dans Conscience, Instinct divin 7. cette lettre que

Th~rèse adresse

a

un prêtre, que nous allons trouver une affinit~ entr&

Ber-n~rd et Monsieur Larroque.

Au cou~s de cette confession êcrite, Thêrèse essaie de rendre intelli~

gib1e le cri~e qu'elle a, à son insu 8, tenté de commettre sur la personne de

son mari.

Par la voie de l'écriture et en tant qUé~:s1on, Thérêse entre-prend une ~preuve de vérité. Bien qu'elle ne pUisse pas comprendre ce qui l'a

. , (

entra'nêe A vouloir empoisonner son époux; ce qui est logique puisque. et nous l'avono/sou1ignê dans un ch~pitre précédent. la raison de sa pulsion agressive se trouve dans son inconscient. Thêrêse passe d'un homme ft l'autre, c'est-a-dire qu'elle parle de son père, puis de son mari, fait marche arrière et revient a-son père, etc. Par la relation même qu'elle fait entre les deux hommes, nous percevons la ressemblance par laquelle Thérèse semble les rêunir.

P~ndant cette confession, donc, Th~rèse parle tout a tour d~n père et de son mari ... puis elle "s"égare" et reparle de son mari. pour s'êgarer

, of'

encore et revenir a son père; s'égare de nouveau; pour revenir A son père et A

son mar:i:

7- conscience

a

Instinct divin "est le premier jet de Thê~se Desgueyroux.

conçue 'abord,comme une chrétienne, dont la confession écrite eut été adressée! un prltre." François Mauriac, Conscience~ Instinct divin in oeuvre~ Comp1êtes, Tome Ill. (Paris: Arthême ayard,

l§èo-s!j,

p.

50 .

8- "Moi, je ne connais pas mes crimes. Je niai pas voulu celui dont on me

charge. Je ne sais pas ce que j'ai voulu." François Mauriac, Thérèse Desgueyroux. (Paris,: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche, 1927), p ..

22.

-J

)

(30)

(

"

Mon pire dêsirait nion; "ell e allait de soi". Ne craignez pas que je m'égare, il faut que vous com-preniez comme j'ai vêcu étrangère

a

ce p~re veuf,

affai-ré, qui méprise les fel1J11es

t.

J

Un lien pourtant existe entre ce père et moi: d1ai11eurs, je ne m'explique pas très bien! moi-meme pourquoi c'est en cela que je re-'connais, de lui A moi, une filiation: ce politicien,

cet homme d'affaire, si étranger

a

tout scrupule reli-gieux. est to~t de même moraliste dans ses propos, et bien qu'il fredonne parfois un refrain de Béranger, je le crois d'une Jndifférence peu commune

a

l'égard des femmes. Mon mari tient de son propre père qui ~tait

l'ami d'enfance du mien, que cet anticl~rical s'est ma-rié vierge, et depuis qu'il est veuf, ces messieurs

m'ont~~uvent répSt~ qu'on ne lui connatt pas de mat-tresses

t ..

J

mai s j' i gn'Ore ce qui me pousse

a

des

con-fi~ences que peut-être vous jugerez vaines. 9

Thérèse s'égare encore puis revient en disant:

Je m'arrête me voici s~r le point de mentir. la Et voici'son mari:

Pourquoi" ai-je épousé Pierre? Vous savez ce qu'est Arge' ouse

t .

J ...

Je m'a rr!te: me VOl ci encore sur 1 e

point de mentir. Le Pierre de ces vacances-la, "Hippo-lyte mal léché 11, ne s~inquiétait pas des jeunes filles,

t ..

J

non, pas m@me l'Hippolyte de Racine, car nulle

Aricie n'avait pu encore l'émouvoir. C'était "adolesceot grec, un enfant vierge et voué a Diane la chasseresse. 12

9- FranÇois Mauriac, Conscience. Instinct divin in Oeuvres Complètes, Tome III. (Paris: Ârthême ~ayard,

19S0.S!r,

p.

516.

W-

Ibid ..

11- Mal léché: mal aimé? On se demandera en effet si Thérèse ne fart pas allusion ~ son propre !tat d'Ame. 'Car comne Th!rèse. Bernard est lui aussi orphelin d'un parent: "Bernard donnait peu de temps a

sa famille: Victor de la Trave l'exasp!rait, ~ue sa mère veuve, avait !pousé "sans le sous" ...

12- François Mauriac, Conscience, Instinct divin in Oeuvres Complètes, Tome III. (Paris:" Arthême Fayard,

19SO-521,

p.

517.

.,

J

1

1

(31)

(

j 23.

~

.

Nous constatons· pourtant que, dans cette confession, la protagoniste "joue" avec les mots, ce qui" a pour effet, chez le lecteur, de r pprocher leS' deux hOlTl11es: le p~re de Thér!se "s'est marié vierge"; l~ mari d Thêrêse êtait avant le mariage lIun enfant viergell

• Il se serait donc m rié viergè.

Si Monsieur Larroque n'a pas "connu de maftresse" après la mort de sa fellllle

.

-et qu'il est d'une indiff~rence peu cOlTlllune ~ l'~gard des femnes, le jeune

,

Desqueyroux IIne s'inquiétait pas des jeunes filles". Etant ce dernier "vouê A Diane" il est tout cOlTllle Monsieur Larroque vouê l quelque chose d'inexistant.

(

En effet, Diane la chasseresse appartient ~u mythe comme un mort peut n'ap-partenir qu"a la mêmoire d'un vivant. Et l'on se souvient que Monsieur Lar-roque ne voulut rien changer

a

cette demeure d'Argelouse 13 car elle lui venait de sa" femme morte en couches. Sans que Thérèse dise que son père est youê

a

la mêmoire de sa dêfunte femme, l'on peut, aussi, t~~s bien dêceler cette image lorsqu'on entend Thêrêse dire: "Il est vrai qu'il [son père] , avait promis

li ma'mêre de m'envoyer au m~me couvent.oO elle se souvenait avoir Hé heureusell •

.(

13- Argelouse, propri êtê de la mère morte, jamai s connue 00 Thérèse a II vêcu, souffertll

,

Thérèse, comme nous verrons, tentera d'empoisonner son mari. Elle pas-sera en justice. Mais grace A Bernard elle pas-sera jugêe non coupable. Pourtant, ce dernier la chasse d'Argelouse. Thêrèse fera tout pour y

r'evenir et elle rêussit:

a

la fin de sa vie, Thér~se revient)nourir

~ Argelouse -- nom 00 l'on retrouve ARGILE - JALOUSE (terre jalouse, possessive). Pour l'être humain, la natu~e et ses lois, reprêsentent

inconsci~lJIJlent l'image .maternelle. M~re "mauvaise", refoulée elle fait retour symboliquement tantOt de l'instinct de m,rt, tan6t de la IIcruelle nature".

IIJ'aurais dU partir, une nuit

t.;)

-J'aurais dU marcher A travers les

pins rachitiques de cette 'terre mauvaise.-u François Mauriac, ~

pesgueyroux. (Paris: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche, 1927~

p. 180. ...

(32)

(

Lorsque Tfl~r~se,' en parl ant de son père et sans prêambu1 e fai t appa-ra'itre son mari en disant que ce dernier "tient de son propre pêre qui êb1t l'am;- d'enfance" de san père

a

elle, il va sans dire que Thérèse réunit les deux hOll1lJes par le biais de la f.iliation. Nous percevons nettement l'image

~

de-son mari quand elle parle de son père autant que nous percevons ce dernier lorsqu'elle parle de son mari.

~

On

no~a

aussi que la .protag8'niste n'a pas sitôt fini d'êvoquer la

i:

mémoire de son père que déjà elle se demande pourquoi elle a épousé Pierre.

'.

Et.i qu'en guise de réponse, elle investit dans le souvenir d'Argelouse, IIcette

terre mauvaise". En tenant compte qu'Argelouse est la propriété de la mère morte 14, elle est aussi, dans l' i ncons'ci ent de TMrêse, 1 e symbole de cette

e

mère. Cette mère, cOlTlTle nous l'a vans noté en d'autres termes, es t chère, i

n-séparable et toujours intacte; c'est ..

a ..

dire vivante chez le père de Thérèse .. le pourquoi du choix de cet époux, connote sinon un désir inconscient 15, une peur inconsciente 16 puisque la reponse aboutit à la "mère-nature",

a

"cette

14-" Constatons qu'Argelouse est dé~rite avec Un vocabulaire qui exprime. la mort: âme désencornée; couleur de couche incolore; -chouette ulutantei pays des ombres;. carti er 00 toute route vient mouri r; pays de 1 a soif. 15- Qui serait le'désir de se disculper du choix de son mari en incd1pant

la mère: "Pourquoi ai -je épousé Pierre? Vou~ connaissez Argelouse

{

.. J

/1 François Mauriac, Conscience. Instinct divin in Oeuvres

Com-,p'êtes, Tome III. (Paris: Arthême Fayard,

1950-52),

p." ~i6.

Mais, aussi, qui serait le désir de conquérir un homme issu de cette même Argelouse et qui ne s'int~resse

a

autre chose qu'aux plaisirs de

l a chasse et de 1 a p~che que cette terre cachée aux fonds des b-oi s lui

procure. Un homme dont le coeur et l'esprit appartiennent aux Landes. C'est aussi en esprit que Monsieur Larroque demeure ,attaché

a

sa

dé-funte f e m m e . ' 1

16- La peur proviendrait du dêsir plus haut mentionné, c'est-A-dire, la peur d'être chatiê par cette terre ca'statrice du fait que Thérèse lui

enlè-ve "son" h~. ! 1 ,1 , î

1

(33)

, (

.

'1:;) 25.

;

terre mauvaisell

et donc castatrice car conme ajoute Thêr~se, IIdonne des pins

rachitiques" .

Dans le ,~yc1e de Thêr~se Desqueyroux, le thême de .la mère-nature,

Arge-lo~s~ ~urtout. revient de "maniêre persistante" 17. Pour cette raison, nous '

,

croyon! qu'en effet, Argelouse symbolise la mère. C'est donc cette m~re, cette Argelouse qui semble servir de IIcordon oroil ica111

entre Thêrêse et les deux

J

honmes.

Qu' ils' agi sse de 1 a confess i on de Thérèse adressée au pr!tre 18 ~u 'COlTllle nous allons le voir du roma~ lui-même: TMrêse Desgueyroux. nous

dêce-1 ons to~j ours une ressemblance entre 1 e père et l'époux de Thêrêse.

Monsieur Larroque est un honme public et Bernard est docteur en droit. Ce sont aussi deux hommes pudibonds qui ne supportent pas que l'on toucheO

.de-vant eux

a

certains sujets. Bernard quitte, un soir,

a

Paris, la salle d'un music-hall parce que le spectacle l'avait choqué 19. Si l'on parle devant

17- ilLe symbole diffère-t-il de l' 'image' et de la 'mêtaphore'> en quelque ma-ni Are importante? Fondamentalement. il en di ffêre. croyons nous: par sa rêcurrence et sa persistance. On a le droit de parler de métaphore une fois A propos 'd'une irnagè. Mais si cette image revient de mani~re

persistante,

a

la fois COI1llle présentation et représentation, elle

de-yient sYI!Po1e, ou meme parfois élément d'un système symbolique (ou my- , thigue) (c'est nous qui sou1ignonv Il écrivent René Wallek et Austin

Warre, La TMorie littéraire. (Paris: Seuil, coll. Poétique, 1971), p. 264. l (

18- C'est-à-dire ce qui est le premier jet de Thérêse Desgueyroux:

Conscien-

19-ce, Instinct divin.

En quittant la salle du music-hall, Bernard est furieux et s'inquiête car les étrangers jugent les Français d'aprês les spectac1~es osés qu'ils voient dans les bottes de nui,t et Thérêse "admirait que cet hOlTlTle pud:ique fut le marne dont il lui faudrait subir, dans moins d'une h-eure, les patientes inventions de l'ombre".. François Mauriac, Thé-rèse Desgueyroux. (P&ri s~ Ed. Grasset, COll. Livre de Poche, 1~,

p. 44. °

l

! i i 1 1 1 î

(34)

,k,

Mons i eur Larroque de ce qui touche ! 1 a chai r, il dev; ent pourpre comne un adolescent. Monsieur Larroque comme Bernard siinquiêtent beaucoup du

IIqu len dira-t-on". Pour Monsieur Larroque, clest le nom de la famille qu'il

faut ,sauver. Pour Bernard, l'honneur de la famille avant tout. Comme Monsieur

~

L~rroque, Bernard, apr~s Si être sêparê de TMrèse, ne connaîtra pas dl a'utres

felTlTles et i l di ra 1 ui -m!me :

Chaque gênêrati on de Desqueyroux 20 a eu son vi eux garço'n! Il fallait bien gue ce fat moi. J'ai toutes les qualités requises . . 21

• 1

En outre, Bernard regrette d'avoir eu une fille, ! cause du nom qui va finir.

Il est intéressant de constater, auss), que Bernard, dans Conscience. Instinct divin porte le nom d~ Pierre, nom qui se conjugue aisément avec le nom de famille du père de TMrêse: l,arroque.

..

Thérèse entreprendra la conquête de Bernard en se comportant vis-!-vis de lui, non pas comme une femme, mais comme une enfant. Elle nladoptera pas non plus le comportement traditionnel de la femme coquette qui veut plaire.

~

TMrl!se sait que Bernard est un homne timide, un honme qui se sent inf~rieur

l ".-'

vis-a-vi.s d ' elle et que pour cetté raison

..

il est allé s'instruire li Paris •

20-

21-A cet égard, on peut se demander slil n'existe pas une relation entre le verbe espagnol desguerer qui signifie cesser d'aimer ou ne pas être

aimé et 1 é nom Desqueyroux?

Françoi.s Mauriac, Thérèse Des§uevroux'. (Paris.: Ed. Grasset, coll.

U~ de Poche, 1927), p.

i

~. - ._--~~-l 1

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1. ~ .~ ';

(35)

(

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,

27.

qu'il a fait plusieurs voyages culturels. TMrêse sait aussi que, cOllIne tout le village, Bernard reconnalt en elle une femme intelligente, un esprit fort. Elle a souvent constat~ que Bernard n'ose pas la regarder en face et que lorsqu'elle lui parl.e il dêtourne son regard. Après la conquête de cet honme, TMF-ês-e' ne doute pas qU'el,le lui devienne indispensable. Elle est sare de la défaite de cet hOl11Tle et de sa soumission 22. J

• Habile et intelligentet Thérêse, flattera ce

garçon

p~hement

, ,

~

de la soumission 23. Avec diplomatie~ elle le mènera vers des sentiers OQ-~~ Bernard se·sentira flatte 23, plus "grand" qu'elle. Elle fera en sorte qu'il

.

:---' , puisse répondre aux questions qu'elle lui pose. Enfin, Thêrêse se fera petite

pour que Bernard se sente grand. Elle posera des questions dé petite fille •

qui êveillent chez Bernard autant la tendresse que le goOt de la protêger~

Est-ce vrai que les fougêres contiennent de

l'aci-qe

prussique?

t ..

J

Vous avez envie de mourir?

Elle avait rit et Thérèse se souvient qu'elle a~ait

fermé les yeux, tandis que deux gr~ndes mains enser-raient sa petite tête, et qu'une voix disait contre son oreille: "11 y a la quelques idees fausses."

Ene avait ~pondu: liA vous de la dêtrui re Bernard. Il 24

22- IIJe dev; ns i ndi spendab 1 e au bonheur de ce garçon qui naguêre encore ne me regardai s pas'

t.

J ,

je ne songeais pas un instinct! mettre en en doute l a défaite de Pierre et sa soumission. Il François Mauriac,

Conscience, Instinct divin in Oeuvres Complêtes, tome III. (Paris: Arthême Fayard, 1950~52), p:--S20.

l::3- "Oui, elle avait ~tê en adoration devant lui: aucune attitude gui deman-dU moins d'effort (e'est nous qui soulignon~ . Dans le salon dtÂrge-louse ou sous lesch!nes au bord du champ, elle n'avait qu'a lever vers lui ses yeux quec'était sa science d'emplir de candeur amoureuse. Une

\;l telle raie

as

s ieds flattait ce ar on [c'est nous qui soulignoilf"".

ranç01s Maur1ac, ~rêse Desgueyroux. Paris: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche', 1927), p.

39.

24- Ibid., p. 41. t j

J

-1

(36)

(

!

C l

les deux faces de la,~daille sont ,vues par, l'attitude et la r~ponse

de Thêrêse: cette petite t@te est

a

vous Bernard~ VOus pouvez changer ce qui ne va pas. refaire mon education. Mais aussi,. j'ai besoin de protection. Bernard. et je vous la demande en me remettant 'entre vos' mains.

2- Th~rêse DesQueyroux

2.1- Le mariage et l'angoiss~ de Thérèse

L~,)our du mari age, Il ce fut ce jour-

n.

que Thêrêse' se 'sè-nt1~ Jjerdue"

25.

Thérèse retrouve dans ce nouveau monde le même silence. la même solitude,,,-

En-·T-='~::" "',

."..,' >---core U, TMrêse se sent dê~aisiel aliên~e, exil~e. Ce monde n'est pas celut-,

---.. ,.<'~

qu'elle esperait, ce n'est pas celui qu'elle voulait. Le mariage n'est pas pour Th~rêse un monde 00 son imagination l'aidait

a

croire qu'il y aurait

la

pour elle aussi un bonheur, une paix, un repos enfin.

.

TMrêse redevi ent êtrangêre dans ce monde 00 e 11 e entre; ~trangê~e au

monde et A elle-même. Separ~e de tout de tous:

25-Aucun visage sur qui reposer ses yeux, dans .cette foule. 26 ,

François Mauriac, Therèse DeSjUeyroux. (Paris: E,d. Grasset, coll. Livre de Poche,

1927),

p.

4 .

26- Ibi d.. , 1 '1 l 1 i 1

\

(37)

1 ~ ) 1 , (

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,

1 1 1

\

29. J~

Th~rêse est pass~e de l'autre c15t!, du cOt~ oi) elle attendait un bonheur •.• Mai s dêsormais ce bonheur qui elle attendait, devient $ouffrance, 'd~ce,t;on,

frustration, angoisse. Tout lui devient mêconnaissable. Tout est irra-tionnel. Elle est une autre:

Elle 9'e se ressemblait pas. c'~tait une aut,re per-Sonne 2

les "forces obscures de son coeur", plus que jamais, le jour des

no-o

ces, envahissaient, TMrêse au point de transfonner son visage. Ce visage de "brOlée vive", brOlêe par la torche que la jeune femne a creée dans cette fou-le faite de IIplns" qu'elle embrase de sa passion inasouvie, désespérante. Crispation, souffrance, refus .•. encore

un~.

00 est ThJrêse?

on

est la vraie Thêrêse?

. Elle parut

a

tout, ce jour-la, laide et m@me affreuse. 28

"1 1"

Th~rèse ne vo~t aucun visage sur qui elle pourrait poser ses yeux

1

Pourtal)t, il y a Bernard, dêsbnnais son mari. TMrêse ne semble pas le voir. Pour Thêrêse, ce jQur de-s noces, Bernard n'existè pas plus que la foule qo1 • l'entoure. Anne ... Oui, Anne est U. Mais ce visage ne console 'pas Thêrêse

du d~sespoir. Au"contraire, la jeune soeur de Bernard semble etre la pour

1

rappeler à T~êrêse que elle fera, et dês ce soir, partie "du~ troupea'U de celles 1.

François Mauriac. TMfêse DeSiueyroux: (Paris: Ed. Grasset",coll. Livre de Poche,

1927),

P"

4 .

27-28- Ibid., ,p. Aj. ~ ,~_ --,.... 1 • ---~-~-~-

(38)

-'-~-~~~----~~~-~--~-(

(

ï

qui ont servi " 29. La "joie enfantine de la jeune fille" 30 devenait souf-fra-nce pour Thêr!se,' angoisse,

a

cause de ce que "son corps innocènt allait

"

.

subir dlirr~mêdiabl~" 30. "Anne demeurait sur la rive, ob attendraient .les êtres intact~1I 31 •

Ici, nous sentons chez- la jeune mari~e le d~sir de retrouver sa

"forme" ant~r;eure.' En effet, la Pl'ainte de Th~rêse-est celle de l'enfant per-du, de l'enfant qlR cherche! retrouver le lieu dloO elle est partie. Therese, visiblement, désire retrouver l'enfance et donc revenir chez elle. On notera aussi les images de culpabilité et le sentiment d'inf~rforit~ que gentre la , perspecti ve de " acte sexuel. \ 32 •

29-t

François Mauriac, Thêrêse DeSiueyroux. (Paris: Ed. Grasset, coll. . Livre de Poçhe,

1927),

p.

4 .

30-· Ibid .• } 31-

32-.'

lbi d ••

"Ellè -êta; t entrAe somnambule dans la cage." "Ce fut ce jour-lA que Thêrêse se sentit perdue." "Celles qui ont servie."

"Cette ineffçabable salissure. C'est le mariage que j'ose dêsigner

ai nsi. Il • ' .

"Anne attendait sur 1 a ri ve des i!tres. intacts. \1

"Visage de brOlêe vive." "Laide et même affreuse. Il

Un enfant se sent inférieur s'il remarque qu1

i1 nlest pa~ aimê et ce sentiment dl,infériorité cofttinue d'exister

a

l'3ge adulte.

-Il est difficile de délimi ter le sentiment de culpabi1 ité avec celui de l'fnfêriorité, mais Freud et Adler soulignent 1a parenté de ces deux sentiments.

f

(39)

1-( 1 ) \ 1 2.2- le refus de la sexualité 33 ;1

Comme nous venons qe le votr, Thêr~se désire retroûver l'enfance.

~ce

que "son corps innocent a11 ai t subi r" 34, Thérèse le ressent conwne une saliisure 35. E\le ne voit plus que cette séparation d'avec les @tres in-tacts, purs eb. innocents. LI hfnme qui est devenu son mari, cet objet d' amour qui pouvait (dans son imagination), la satisfaire, 1 'homme qu'elle

7

a conquis, qu'elle a d'une certaine façon possédê, cet homme ne ,1 'intêresse

1

plus. C'est lui qui maintenant allait la posséder; è1le allait "se rvir".

D!-sonmais, elle ne pourrait plus duper Bernard:

Un fiancé se dupe aisément; mais un mari! N'im-porte qui sait proférer des paroles menteuses; les

mensonges du corps exigent une autre science. Mimer ~~~ le désir, la joie, la fatigue bienheureuse, cela

n'èst pas donné

a

tous. 36

"""t.e désir de retrouver l'enfance, implique non seulement re~rouver la pureté, retourner chez elle, rejoindre Argelouse et son p~re mais aussi le re-fus d'as'sumer le rôle d'épouse. de femne, le rere-fus de la sexualité.

33- Le refus d'@tre épouse' ou le refus de deveni r fenme.

34- François Mauriac, Thérèse Deà4ueyroux. (Paris: Ed. Grasset, coll. Livre de Poche,

1927),

p. .

35- "Cette ineffaçable salissure des nocis. (C'est le mariage que j'ose

36-désigner ains-i) ". François Mauriac, conscience~ Instinct divin in Oeuvres Complètes, tome III. (Paris: Arthême ayard,

1950-52),-p.

512.-François Mauriac, Thêrêse oes~ueYroux. Livre de Poche,

1927},

p.

4 .

(Paris: Ed. Grasset, coll.

31.

/.

1

(40)

(

Les relations de rhêr~se avec ses semblables, comme nous allons le voir au cours du prochain chapitre, seront dêpourvues de profondeur vêritab1e et n'engendreront aucune richesse chez elle. Th~rêse aura toujours besoin d'aller vers les êtres qu'elle idêa1ise mais dès qu'elle s'en approche, elle, , les perçoit indêsirables, absents, supêrieurs ou inférieurs A elle.

L'inter-,

dépendance avec'son milieu ne sera pas possible. Autour d'elle, Thérèse créera un néant, une absencë; elle se mettra en marge de la famille ainsi que de la société. C'est ~ussi

a

travers ses relations que seront perceptibles les traits de caractère de la personnalité de Thérèse Desqueyroux. En effet, nous consta-terons chez la jeune femme des sentiments d'infériorité 37, de culpabilité 37, des tendances possessives, sadiques ou masochistes 37, jalouses et agressives. La frigidité de la jeune femme nous sera révélée par les relations amoureuses avec son époux.,

37- Ce sont la des symptômes qui relèvent du complexe d'Oedipe mal rêso1u. Le sentiment de culpabilité conscient ou inconscient implique un be-soin d'auto-punition. Ce dernie~erme implique une tendance

a

l'a-néantissement du sujet. Le sujet possessif tentera de mener son

objet avec lui vers l'anéantissement. Le sentiment d'infériorité "peut désigner un étant affectif consécutif

a

un acte que le sujet tient pour répréhensive

t.J

on peut montrer qu'il existe un'Ruissant sentiment de culpabilitltinconsciente] , existant avant le (Jélit et qui n'en est

1-.

J

pas la conséquence mais lelmotif, comm~ jjÏ le sujet ressentait lune sorte d~ soulagement de pouvoir rattac~ ce sentiment inconscient de cu1pabilitê a quelque chose de réel et d'actuel" êcrivent J. Laplan-che et J.-B. Pontalis, Vocabulair9 de la psychana11se, Op. cit" pp.

140-141. -, .

Le jour des, noces, "soudain la misérable enfant se rêveil1ait. Rien ,de changé, mais elle avait le sentiment de ne, lus ouvoir se erdre seule [c'est nous qui soulignons] ". Franç01,s

De~9ueyroux.

,riS:,

Ed. Grasset, coll. livre 44.

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