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Les femmes et le système juridique en Inde : entre l'idéologie et les faits: analyse anthropologique de la conception des droits à travers les transactions économiques au moment du mariage

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Lesfemmes et le système juridique en lade: entre l'idéologie et les faits.

AnalJ'se anthropologique de la conception des droits àtravers les transactions éCOIIOllliqlles ail mOlllellt dll "",,iage.

Mémoire de maîtrise

Kari ne Bates

Département d-anthropologie Université McGill

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Table des . .~. . Résumés Remerciements Introduction Partie 1 Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 1

L'lBde co.Dlelind'ftude 3

Lesthéories sur la dot 6

Lecontexte juridique 9

Statutsdesfemmeset contexte socio.

économique: différences entre le Nord& le "

Soo

t.

Chapitre 4 Lesfemmes au Mabarashtra 26 Chapitre 5 L'importance du droitdepropriété 29

PartieZ Métllodologie 32

Chapitre 6 6.1 Débat surles droits de l'Homme et anthropologie juridique

6.1Descriptionsdesméthodes utilisées 35

Partie3 ADalyse 40

Chapitre 7 Premier cas: la mort de Kalindi 40

Chapitre 8 Deuxième cas: la mortdeSurekha 48 Chapitre 9 L'étude comparative de la jurisprudence et

des ethnographies

54-Chapitre 10 Laviolenceparles femmes 60 Chapitre Il L'attitude des tribunaux face aux femmes 64

Conclusion 65

Notes 67

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Abstrad

Around the worlel, scholus and politicians are engaged in a pwionate debate conceming the universality of Human Rigbts. The problem of inequality between men and women concemiDg property rights is also ~ of tbis dispute. The transposition of human rigbts in anotber cultural context may create contlicts with

new

fundamental values. Ina cultural contexttbat ditfers from the western one9 tbose rigbts don't always

have their place or they may be reinterpreted aœordingly witb different cultural visions ofwhat is ajust society.

In orderto get a better understanding of this probl~this research is proposing an analysis oftherelation of Indian womeDwith the courts regardiDgdowrydea1h cases, especially in Maharashtra The increasing number of those death cases are a contemporary manifestation of inequality. The apparition of this very indian crime is linked with the augmentation of the frequency of the dowry practice despite the Dowry

Prohibition Act (1961). Tbrough the study of jurisprudenœ, etbnograpbies and some interviews conducted with Indian women living in Montreal, it is possible 10 identify factors influencing the relationsbip of women with respectto their rigbts and the Indian legal system.

The proposed study shows that case anaIysis, combined with other research techniques, is an essential tool for understanding the dynamics between laws and practices. Ali findings lead to the following conclusion: legal anthropology can bring light into the debate conccming the universality of Human rigbts.

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Résumé

Universitaires et politiciens à travers le monde sont engagés dans un débat passionné sur l'universalité des droits de l'Homme. La problématique de l'inégalité du droitdepropriété entre hommes et femmes fait partiedecedébat. Latranspositiondeces droits dans un autre contexte culturel peut toutefois créer des conflits avec des valeurs culturelles fondamentales. Dans un contexte culturel différent, ces droits n'ont pas toujours leur place ou peuventêtre réinterprétés selondes visions culturelles différentes de ce qu'est une société juste.

Pour mieux comprendre ce problème, la présente recherche propose une analyse de la relation des femmes indiennes avec les tribunauxdansles cas dedécèsliés à la dot, notamment au Maharashtra. Le nombre grandissant de ces décès est une manifestation contemporaine de rinégalité. L'avènement de ce crime uniquement indien est lié à l'augmentation de la pratique de la dotmalgrélaLoi sur l'interdiction de la dot de 1961. A travers une étude de la jurisprudence, des ethnographies et

de

quelques entrevues réalisées auprès de femmes indiennes de Montréal, il est possible de déterminer des facteurs qui influenœnt la relation des femmes avec leurs droits et le systèmedejustice indien.

L'ensemble de la démarche démontre que l'étude de cas, jumelée à d'autres techniques de recherche, est un outil essentiel pour comprendre la dynamique entre les lois et la pratique. Toutes les infonnations recueillies entraînent la conclusion suivante: l'anthropologie juridique est nécessaire pour apporter un éclairage nouveau au débat concernant l'universalitédesdroitsdel'Homme.

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Remerciemeaa

La réalisation dece mémoiredemaitrise futrendue possible grâce à l'appui, aux conseils et à l'encouragement de mon comité aviseur composé du directeur du Département d'anthropologie de l'Université McGill, le professeur D.W.Attwood et des professeurs LaurelBossenet John Galaty.

Je tiens également à remercier le Département d'anthropologie de l'Université MeGill pour le soutien financier qu'il m'a foumi en m'octroyant deuxpostesd'assistante

à l'enseignement Les appuis techniques et financiers de STANDD et de PASE furent également extrêmement appré<;iés. En effet,grâceà PASE , jepounaieffectuer durant la période estivale de 1998, une recherche sur le terrain en Inde. Cette opportunité me permettta d'approfondir mes connaissances en vuedepoursuivre ces recherches dansle

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Les fe• •esetlesystèlBejuridiqueesJade: eatrel'idéologieetlesfaits

Analyse aatllropologiquedelaeoaœptioadesdroits' tnvenles tra_dioas écoao.iques au aoaestdu . .riage

Introduction

L'inégalité entre les hommes et les femmes prend différen~formes en Inde. Le

nombre grandissant de décès liés à la dot est un~ manifestation ~ontemporaine de l'inégalité. Ladot est le moyen privilégié, sinon unique, parlequel les femmes recevront des biensde leurs parentsl. Loin d'être équivalents à ceux que recevront leurs frères lors

de 1'héritage, ces biens ne restent pas la propriété des femmes après le mariage. Pourtant, les textes légaux classiques de l'Inde prévoient qu'elles devraient en avoir la possession. Pendant plusieurs siècles, la pratique a eu tendance à s'accorder avec la règle prescrite. Cependant, au cours des deux dernières décennies, la belle-famille de la jeune épouse tendàs'approprier les biens de celle.ci.

Malgré la Loi sur l'interdiction de la dot (1961), non seulement la dot est davantage pratiquée qu'auparavant, mais on constate en plus une augmentation de son coût. Ainsi, bien que la pratique de la dot ne soit pas un phénomène récent dans certaines régions de l'Inde, cette double inflation caractérise la pratique actuelle de la dot. Par ailleurs, la pratique de la dot prend une tournure tragique puisque des femmes sont tuées lorsque leurs parents n'arriventpas à satisfaire les attentes de la belle-famille.

Les transactions économiques liées au mariage ont été le sujet de nombreuses études anthropologiques. En ce qui concerne la dot, plusieurs théories ont été élaborées pour expliquer pourquoi cette pratique existe dans certaines régions de l'Inde plutôt que d'autres. Ce~théories permettent de mieux saisir la variation sur la condition des femmes en Inde. Si la dot, et les décès liésàcettepratique permettent de mieux saisir le statut des femmes, ils sont aussi le point de départ privilégié pour explorer la relationdes femmes avec le droitdepropriété.

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principalement réalisé au moment du mariage~ c'est-à-dire à travers la dot. Le Hindu Succession Act (1956) prévoit que les filles ont le droit d'hériter au même titre que leurs

frères. Cette loi mettait finàune inégalité flagrante car sous le droitsbastrique~une veuve ou une fille ne pouvaitpas hériter (Sivaramyya 1983: 52).Néanmoins~malgrécette loi, la dot est généralement le seul moyen ... lequel les femmes héritent de leurs parents (Attwood 1998). De plus,cettepratique tendà se répandre mêmedansles régions où elle n'existaitpas, comme au Maharashtra et dans le suddel'Inde.

La problématique de la dot, et la violence contre les femmes qui y est liée, ne permettentpas uniquementdemieux comprendre les relations des femmeshindouesavec le droit de propriété et les facteurs qui influencent cette relation. EUe permet aussi d'étudier la relation des femmes avec l'appareil législatif indien2• Étant donné que cette

pratique persiste malgré les lois, il est possible de se demander comment ces lois sont mises en vigueur et comment elles sont perçues par les membres de la société. En fait, bien que plusieurs intellectuelset des organisations pour le droit des femmes se soient penchés sur l'efficacité des lois indiennes concernant les femmes, aucune étude connue ne s'estàce jour penchée sur le fonctionnementdesinstancesde résolution de conflit par rapport aux femmesdans une perspective anthropologique.

La pratique de la dot en relation avec le système de droit sera étudiée dans cette perspective. La principale méthode utilisée sera l'examen de décisions judiciaires dans les cas de décès liés à la dot au Maharashtra L~analyse de la jurisprudence est une technique de recherche utilisée en anthropologie juridique. Pourtant, malgré l'intérêt grandissant de plusieurs anthropologues sur les questions de droit, cette méthode est peu utilisée. Laprésente maitrise se propose donc comme le point de départ d'une recherche plus approfondie sur le droit de propriété des femmes en Indeàtravers l'anthropologie juridique. L'analyse envisagée nécessite l'utilisation d'autres méthodes: les ethnographies et entrevues réaliséesà Montréal.

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Première partie: L'Inde comlDe lieu d'itude

Les transactions économiques liées au mariage sont unaspedtrès importantdela vie indienne. Elles constituent une forme de transfert de propriété très importante, principalement pour les femmes à uavers la pratique de la dot Le mariage hindou accompagné d'une dot n'estpasune pratique récente enInde. En fait, la nouveauté réside dans l'inflation du prix de la dot depuis environ deux décennies et dans l'expansion de cette pratique à travers toute l'Inde alors qu'elle était auparavant concentrée dans le Nord.

La dot consiste en un transfert de biens à la jeune épouse par ses parents au moment de son mariage(Goody" Tambiab 1973: 62). Par tradition, ces biens sont des bijoux en or, des vêtements et des articles ménagers (vaisselle, ustensiles). Les Hindous incluent aussi de l'argent lorsque leur situation financière le permet alors que les Musulmans n'ont adopté la dot que récemment. Depuis deux décennies, le prixde la dot a beaucoup augmenté. Pour des raisons qui seront présentéesau coursdecette étude, les parents du fiancé ont tendance à demander de plus en plus d'argent à la famille de la fiancée et ce, même après le mariage. Dans le contexte indien, les sommes demandées sont parfois énonnes. De plus, les demandes ne cessent pas au moment du mariage. Au contraire, la demande constante d'argent est, dans certains cas une véritable extorsion. L'expansion de la pratique de la dot est causée par différents facteurs, ceux-ci étant illustrés tantdans la jurisprudence quedansles ethnographies et les entrevues.

La jurisprudence fournit des exemples des montants d'argent et des objets actuellement demandés en dot Cinq des dix-huit arrêts de jurisprudence pris en compte dans cette étude offrent de tels détails. La moyenne est de 9 OOOrs (roupies) avec une variation allant de 5 OOOrs à 11 OOOrs3. En plus de l'argent demandé, des objets peuvent

être exigés, tels des bijoux en or, des motocyclettes, des réfrigérateurs, des téléviseurs, des magnétophones. Pour fournir un portrait plus exact, il faut préciser que les dépenses pour le mariage sont généralement payées par le père de la mariée et qu'elles peuvent atteindre une somme faramineuse allant de 6 000 à 7 OOOrs. Dans un arrêt de jurisprudence cette somme a même atteint3S OOOrs.

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Ladot devient définitivement le principal moyen par lequel les femmes héritent de la propriété de leurs parents, mais pIS de la terre de leur père (Goody 1973: 1 ; Attwood 1998). Cependant, ce qui était auparavant considéré comme étant la propriétéde

la femme devient de plus en plus souvent la propriété de sa belle-famille. En effet, la jeune mariée ne conserve pas toujours le contrôle de la dot puisque la belle-mère ou d'autres membres de la belle-famine ont souvent accès à la dOl Cette pratique se retrouve actuellement à divers degrés dans tous les états de l'Inde et dans toutes les classes économiques alors qu'elle était auparavant pratiquée surtout par les propriétaires terriens du nord del'Inde (Agarwall994: 136).

n

y a cependanttoujours eudes familles, même aisées, qui refusaient d'accepter une dot par principe ouparce qu'elles militaient en faveur d'idées PrOgressives concernant les femmes et qu'elles estimaient cette pratique dépassée. Diverses anecdotes recueillies lorsdesentrewes confirment cette réalité.

L'appropriation de la dot se produit de différentes façons, les principales étant les suivantes. La belle-mère transfère parfois une partie de la dotà ses propres filles. Selon JetTery,dansle nord de l'Inde, les sœursdu mari préfèrent les objets PrOvenant de la dot obtenue au moment du mariage de celui-ci (Jeffery & al. 1989: 138). Par exemple, lorsqu'une des belles-sœurs donne naissance à un enfant, elle appréciera davantage les cadeaux provenant de la dot d'une autre belle-sœur. Donc, non seulement la propriété des parents n'est pas répartie de façon égale entre les frères et les sœurs (notamment parce que les femmes sont généralement exclues de l'héritage de la terre) mais en plus, les femmes perdent souvent le contrôle sur leur dot (Agarwall994).

La pratique de la dot reste largement répandue malgré laLoi sur l'interdiction de

la dol de 1961 qui la rend illégale. Le Centre indien des sondages anthropologiques a etTectué une étude de huitanssur les habitudes et coutumes indiennes. Le rapportfinal de cette étude démontre que40% des 4 635 communautés recensées respectaient la tradition de la dot (India Today, 15 avril 1993: 50-52).

Au cours des deux dernières décennies, un nouveau phénomène lié à la pratique de la dot estapparu: celui des décès liés à la dot. Depuis que le mouvement féministe a réveillé l'opinion publique concernant les décès liésà la dot, au début des années '70, les décès de jeunes mariées sont régulièrement rapportésdans les journaux des grandes villes de 11nde (Calman 1992: 124; Jeffery" al. 1989: 62 029). Chaque jour les médias parlent

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des cas de décès liésàla dot(Kumari 1989: 1).

En 1986, les législateurs ont introduit dans le Code pénal indien l'article 304-B qui prévoit une pénalité pour

un

crime uniquement indien: les déœs liés à la dot Bien quecesactesdeviolencese produisent surtout en milieu urbain, ils s'étendent rapidement aux régions rurales. Au niveau national, on dénombre 990 cas de décès liés à la dot en 1985, 1316 en 1986 et 1790 en 1987 (Ca'man 1992: 127). Mais ces chiffres ne représentent que les cas enregistrés à la police comme étant des meurtres alors que les décès des jeunes filles ne sont presque jamais enregistrés ainsi. Os sont plus souvent classés comme étant des suicides oudes accidents (Cahnan 1992: 127) étant donné les difficultés de prouver qu'il s'agit d'un cas de décès lié à la dot ou de cruauté au sens du Code pénal(Calman 1992: 132).

Alors que la pratique de la dot se répand, on assiste simultanément à une diminution de la pratique duprixde la fiancée et ce même dans le sud et l'ouest de l'Inde, régions où cette pratique était beaucoup plus répandue avant l'industrialisation. Étant donné que la dot subit une inflation, qu'elle estdavantage liéeà la violence et que cette violence est l'objet de poursuites devant les tribunaux, la présente étude met l'accent sur la pratique de la dot

Dans le but d'apprécier la place qu'occuPe lapratique dela dot en anthropologie, voici cinq théories élaborées pour expliquer la présence de celle-ci. Cette présentation sera suivie d'une description du contexte législatif indien sur les droits des femmes. Puis, un court chapitre présentera les différences destatut entre les femmes du nord et du sud de l'Inde. Enfin, deux chapitres présenteront respectivement les particularités du Maharasbtra et l'importance du droitdepropriété.

(15)

Chapitre 1. Les théories surladot

La pratique de la

dot

fut étudiée pli' plusieurs anthropologues. Étantdonné qu'elle n'existe pas uniquement en Inde, desthéoriesfurent formuléespourexpliquerpourquoi elle

se retrouvedanscertainesrégionsdumondeplutôtqued~autres.Commeilserapossibledele constater, ces théories peuvent partiellement expliquer le phénomènedeladottelqueconnu en Inde. Elles ont d'ailleurs inspiré des théories s'appliquantspécifiquementàl'Inde. A partir deces théories générales sur la dotetdesthéories spécifiquesà l'Inde, voici un portraitdela variation entre lenordetlesud del'Inde.Ce portraitsera complétépard'autœsthéories sur la conditiondesfemmesdans leNordetle Sud. Voici donc une brève présentation de cinq théories générales sur la dot. Elles forment un point de départ intéressant dans la littérature anthropologique sur la dot.

n

s'agit donc d'une introduction aux approches utilisées pour aborder la question.

La première hypothèse sur la raison d'être de la dot a été élaboréeparBoserup en 1970. Elle émit l'hypothèse que la dot existe dans les sociétés où la participation des femmes est peu élevée dans la production de subsistance. Dans les sociétés où la technologie agricole privilégiée est la chanue, les femmes participent moinsàcetteactivité carelleestsurtoututiliséepar les hommes(Boserup 1970). Ladot serait donc un paiement par la familledelafemme palU'assurerson supportetceluide sesenfantsdans un contexte où elle ne participe quettès peu à la productiondesubsistance. Elle suggère également que

dansces régions,lavaleurdesfemmes reposentdavantagesur lamaternitéque sur le travail,

ce qui les entraîneà mettre l'accent sur la fertilité. L'hypothèse de Boserup est vérifiable,

dans une certaine mesure, au plan empirique. Mais elle n'explique pas pourquoi dans d'autres sociétés où les femmes participent peu à la productionde subsistaDce, la dot n'est

paspratiquée.

Tout comme Boserup, Harris émet l'hypothèse que la dot peut se retrouverdans une société où la participation des femmes à la production de subsistance n'est pas élevée. fi

ajoute un élément à cette donnée: la valeur de la reproduction doit aussi être basse. Cette

valeur est basse parce que le taux de fertilité est déjà élevé. La dot serait donc une compensation pour la famille du mari car la jeune épouse deviendrait un poids pour lui (Harris 1980).

(16)

Goody, qui adopte une théorie strueturaliste-fonctiona1iste, suggère que la dot se retrouve dans les sociétés où les relations liées à la propriété sont stratifiées (Goody &. Tambiah 1973). Selon l~ les structuressociales etéconomiques expliquent ces J8Ïements. Ainsi, dans une sociétéégalitaire(parrapport au droit depropriété) il n'ya pas dedot Par contre, lanaissancede hiérarchiedans unesociétécausesouventl'émergence de

ta

pratique deladot(Goody&.Tambiah 1973: 46 ). Seloolui,ladot(et le prixde lafiancée)impliquela redistribution de la propriétéau moment du mariage. Elle doit donc être analysée dans le cadrepluslargedesrelationsliéesàlapropriété(Goody 1973: 1).

Vingt

ans

aiRs

l'~ deBoserup,GauIin&.Bosterontproposé

un

modèlebasé sur le modèle de l'écologie comportementale(behavioraJ eco/ogy). Leurthéorie, fondée sur le modèle de lacompétition eutre femmes pour certains hommes,

piédit

que ladot existe dans les sociétésstratifiées oùlesmariagessont nonpolygames4.Usconfirment que la dotest liée à l'agriculture avec lacbamleet la fiuble participationdes femmes • la production de subsistance (Gaulin& Boster 1992: 1(00). L'hypothèsedeGaulinet Boster estplusjuste que celledeBoserup,carles facteursretenuspennettentdeprédire plus exactementdansqu'JeUes sociétésladotexistera Cependant,eUe n'expliquepaspourquoiiln'y a pasdedotdanstous les pays stratifiés avec mariage non polygame (Bernard 1995: 112). De plus, la tbéorie est baséesur une étudecompuativedes994 sociétésde"l'Atlas ethnographique". Leproblème

de

cene

méthodologie est qu'elle traite SW' lm même pied d'égalité les sociétés peu

nombreusesetles sociétéstrèspopuleuses commel'Inde.Parconséquent, eUe nepeutdonner un aperçu delaproportiondela populationqui pratiquela~t

La théorie d'Adams (1993) rejoint ceUesdeBoserup,Harris et Gaulin &. Boster. Elle conclutquedansles sociétés oùil ya une agriculture avec la charrue, unehautequalitédes terres agricoles etune densité de la population plus élevée, le rôle reproductifdes femmes devrait avoir une valeur plus basse. Jmnelés à la résidence patrilocale, ces éléments font en sorte que l'arrivée d'June nouvelle mariée est une responsabilité de plus. C'est pourquoi on demande unecompensationsous formededot(Adams 1993).

Les cinqthéories présentées ci-haut ne sont pas directement élaboréesàpartirdu contexte indie~mais elles sont tout de même utiles pourmieux le comprendre.

n

s'agit plutôt d'June série d'études dont l'Jobjectifest de trouver des règles générales pour prédire dans quel type de culture la dot apparaît Ces théories ont inspiré plusieurs recherches

(17)

• ayant comme objectif d'expliquer les raisons de la pratique de la dot dans certaines régions del'Inde. Si les théories décrites ci-haut sont putieUement vérifiables en Inde, eUes n'expliquent pas toute la variation entre les régions et à l'intérieur des régions. EUes ne fournissent pas non plus d'explication sur les cbaDgements qui se sont produits dans la pratique de ladot, dumariage etdes conditioos des femmes. EIJ ce quiconceme la doten Inde,ilmanqued'informationsS)'$tématiquessur sa variation. Aucune étude comparative n'a parailleursétértaliséeà l'intérieurdel'Inde sur ce sujet. C'estdoncà travers lesdécèsliésà ladotque la variationdanslapratique deladotentrele Nordetle Sud seraabordée.

-Comme le concluentM~Guio etDrèze,leCOI'ISbastequiexisteentreleSudetle. reste du pays quant aux préjugés sur les enfants de sexe féminin ne peut être expliqué entièrementque par le taux d'alphabétisation des femmes, leur

tauX

de participation dans l'économie ou d'autres facteurs démographiques (Murtbi & al. 1997: 387). Les auteurs suggèrent plutôt que les différences dans le système de parenté, le droit de propriété et d'autres caractéristiquesde l'économie et de la société indienne doivent être étudiées pour comprendre ce contrasteentrele Nordetle Sud (Murtbi

"al.

1997: 387). Cette constatation ne s'applique pas uniquement à la question de la mortalité infantile. Plusieurs facteurs culturels et économiques doiventêtrepris en lignedecompte pour saisir lephénomènede la dot et les décès qui Y sont liés. Le contexte législatifest aussi un fadeur d'influence qui affecte cette pratique. C'estpourquo~avantde présenterles variationsinhérentesaustatutde la femme enInde, voici un portrait du développementde l'appareil judiciaire indien etdes positions législatives surla dot, ledroitdepropriétéetle droitàl'égalité.

(18)

Chapitre 2.LeCODieSÎejuridique

L'Inde a unehistoire législative qui remonte à plusieurs siècles. Étant donné que l'objectif de la présente étude est de mieux saisir la relation des femmes avec les tribunaux dans les cas de décès liés à la dot il est important de mettre en perspective l'évolution légale de la définition de la dot Voici donc un aperçu des principaux textes de l'Inde ancienne danslesquels la dot a été définie et commentée. Cette description des textes légaux sera suivie d'une descriptiondes changements de pelspedÏve ayant eu lieu quant aux droits des femmes avant, pendant et après la colonisation britannique.

Les textes légaux classiques de l'Inde concernant le droit hindou, dont les

Dharmashastras, décrivent la notion de droit de propriété de la femme, stridhan ou do~ comme étant complémentaire au droit de propriété de l'homme (Goody&,Tambiah 1973: 67). Ces mêmes textes légaux décrivent la dot comme étant la portion de la fortune des parents qui revient aux filles. fi s'agit d'une compensation correspondant au quart de la portion qui revient au fils (Goody 1990: 198). Dans le sud de l'Inde et au Sri Lanka, le droit de propriété de la femme inclut les biens mobiliers et immobiliers alors que dans d'autres régions, il inclut seulement les biens meubles tels que des bijoux, des vêtements et des articles de maisons(Goody&,Tambiah 1973: 68, 85).

Le stridhan, au plan juridique ancien, est la propriété exclusive de l'épouse et peutêtre considéré comme étant une fonne d'héritage. Lepère du fiancé n'est pas censé garder cet argent pour lui-même ou pour marier ses propres filles. S'il faisait cela, la dot serait l'équivalent d'une vente du fils. Mais une telle vente n'est pas prévue ni permise

parles textes légaux classiques. Si le père garde l'argent, il ne doit le faire uniquement que comme curateur du nouveau couple (Derrett 1963: 146).

En théorie le mari et les membres de la parenté de celui-ci n'acquièrent aucun intérêt dans le slridhan et ce sont les filles de la femme qui doivent hériter du slridhan de leur mère au moment de sa mort (Goody &, Tambiah 1973: 71). Mais l'interprétation légale des textes classiques rapportée par Derrett indique clairement que la dot a pour objectif de servir de fortune de départ au nouveau couple. Cette interprétation légale implique un changementdansla nature du droit de la femme à la propriété exclusive du

stridhan..

(19)

Ainsi? les biens offerts au moment du mariage sont-ils destinés à faire partie du capital conjugal. Cela n'implique cependant pas nécessairement que le mari et son épouse ont une propriété commune même si les revenus peuvent être partagés en commun (Goody & Tambiah 1973: 63). Mais cette question n?est pas résolue par les textes légaux classiques. Comme le mentionne Goody, l'idée que le stridJum puisse accompagner le" don d?une vierge" semble contredire la version des Dharmasastras qui stipule que le stridhan, ou dot, est la propriété de la femme (Goody 1990: 198). Selon Goody, il n'est pas impossible que la jeune vierge reçoive un don pour elle-même. Le

problème vient plutôt de I?apparente contradiction entre le droit de propriété de la femme sur sa dot et le fonctionnement de la famille hindoue indivise. Cette question a donné naissance à beaucoup de discussions dans les textes juridiques anciens, sans qu'il y ait une conclusion définitive sur la question.

Durant la période médiévaie, la dot était considérée comme faisant partie de la fortune commune de la belle-famille dans laquelle la jeune fille entrait. Autrement dit, les biens appartenant à la mère étaient considérés comme faisant partie de la fortune familiale (Sontheimer 1977: 1(0). Selon les commentaires j1iiidiques les plus influents en Inde, les Mila/csartr, écrits entre 1121 et 1125, les femmes~,les filles non mariées et les veuves étaient exclues de la famille natale, c'est-à-dire qu'elles n'étaient pas considérées comme des partenaires de la propriété familiale (Goody 1990 : 199). Certains auteurs estiment donc que le stridhan pouvait être mis dans la communauté de biens du mari et de l'épouse alors que d'autres estiment que le stridhan est immunisé contre l'appropriation des biens par l'époux (et les agnats) (Sontheimer 1977: 132; Lardinois 1986: 522,524 dans Goody 1990: 2(0). Un texte Marathi (le Lilacaritra) du 13ièmcsiècle confirme la dernière position. En effet, il est rapporté qu'une femme avait bien fait de refuser de donner ses ornements à son mari pour que celui-ci puisse rembourser ses dettes, car les ornements en question étaient la propriété de l'épouse et qu'elle pouvait en disposer à sa guise (Goody 1990: 198).

La femme est donc censée avoir le contrôle sur ses biens même si son mari peut avoir le droit d'administrer la propriété de son épouse (Goody &. Tambiah 1973: 62). Tambiah note également que les femmes doivent demander le consentement de leur époux pour disposer de ses biens (Goody &. Tambiah 1973: 63). Théoriquement, la femme pe~ ~tgarder sa dot en cas de divorce, car la dot a toujours étésapropriété selon les

(20)

textes légaux classiques (Goody&,Tambiah 1973: 64).fi Ya doncdesdifférences entre la pratique et certaines interprétations législatives en regard à la pratiquedela dot

Selon Tambiah, même si le droit moderne a un peu modifié les pratiques traditionnelles, elles restent dominantes. Selon lui, il Ya continuité entre le présent et le passé (Goody & Tambiah 1973: 74). Cette continuité n'est cependant pas synonyme d'absence de tous changements. En effet, l'auteur souligne que la pratique de la dot contemporaine ressemble plus qu'avant à

une

vente du fils parce que, surtout dans les classes moyennes en milieuurbain, les parents demandent une dot plus élevée au moment du mariage de leur fils pour compenser les investissement faits pour lui. Ces investissements sont surtout liés à l'éducation car, afin de répondre aux exigences de la modernité, il est nécessaire que le fils ait reçu une meilleure éducation pour s'assurer un emploi en milieu professionnel ou administratif Tambiah, qui tenait

ces

propos dès 1973, émettait une hypothèse qui allait s'avérer engrandepartie exacte :

ParenlsmayIherefore fiellhat Ihese .. investmenls •• on Iheir sons should be U recouped •• al their ma"iage. Such developmenlS con be

expecled to manifest Ihemse/ves fully among the urban midd!e classes ,ather lhan their poorer brethren. Thisisan instance where modemization

may accenluate and distort a trat!ilional Q"angement rather thon erat!icote il! (Goody& Tambiah 1973: 63).

Pour ces raisons, Srinivas précise qu'il est très important de faire la distinction entre le

stridhan traditionnel, soit les cadeaux faits à la mariée au moment de son mariage, et la dot moderne qui consiste endescadeaux luxueux au fiancé et à sa famille (Srinivas 1984: 11). Dans le contexte actuel, la dot est devenue une véritable enchère par laquelle on tente "d'obtenir" un gendre éduqué et engagé dans un secteur formel en milieu urbain. Selon Bossen cette situation équivautàun prix de la fiancé (groomprice) (Bossen 1988: 141)6

L' Inde indépendante a pris des mesures législatives pour remédier à l'inflation de la pratique de la dot et à d'autres sources d'inégalité entre femmes et hommes. Mais avant d'examiner les mesures prises et la façon dont elles sont mises en vigueur, voici quelques informations sur le fonctionnement du système de justice britannique durant la période de colonisation en Inde. Au moment de l'indépendance, en 1947, le

(21)

gouvernement indien a largement utilisé le modèle britannique pour façonner son système juridique, aussibasésur la common /aw.

Les juges britanniques en Inde auront uniquement accès aux textes de droit classique hindou vers 1770. Les traductionsdeces textes viendront au cours des ans, mais jusqu'en 1867 le droit hindou sera administré par les tribunaux britanniques avec l'aide des Brahmanes pandits (Goody lt. Tambiah 1973: 74). Les Britanniques appliquèrent les principes de droit hindou dans tous les domaines concernant l'héritage, le mariage, la famille conjointe, lescasteset les institutions religieuses. Les Britanniques ont recherché la continuité avec l'ancien régime qui était souslagouverne des Mogols (Cobn 1996: 17). Ainsi, dès la fin du 1

i

èrœ siècle, l'orientation des Britanniques était claire: les indiens devaient être gouvernées selon les principes indiens, particulièrement en matièrede droit (Cohn 1996: 26). Avec le temps, certaines modifications et des amendements ont été apportés au droit hindou pour l'ajuster aux situations contemporaines. Les Britanniques ont donc développé, durant le 19iàDe siècle un système de droit qui peut être reconnu comme étant un droit anglo-hindou puisque également inspiré par des règles de droit anglais (Goodylt. Tambiah 1973: 74).

Les Britanniques trouvaient en général que les femmes étaient malttaitées en Inde. ns s'indignaient, entre autres, du jeune âge des filles au moment de leur mariage, de la pratique de l'immolation des veuves et de l'infanticide des nouveaux-nés de sexe féminin. Une des facettes de l'idéologie de colonisation britannique était sa "mission civilisatrice" en Inde: les coutumes locales etaient en effet décrites comme étant dégénérées et il était du devoir des Britanniques de remédier à la situation (Chatterjee 1989: 622; Cohn 1996). Ils dénoncèrent donc avec véhémence les nombreuses formes de mauvais traitements faits aux femmes et perpétrés non seulement par les hommes mais aussi par toute une culture aveuglée pardes croyances religieuses qui conduisaientà des pratiques barbares (Cbatterjee 1989: 622). Lediscours tenu parles Britanniques au sujet des femmes indiennes combinait deux types d'éléments. D'abord, il exprimait de la sympathie pour les femmes, les oppressées, puis il impliquait une condamnation morale des traditions indiennes(Chatterj~1989: 623).

A partir du milieu du 19ièmc siècle, quelques réformateurs sociaux militaient en faveur d'une plus grande éducation des femmes dont Dhondo Keshav Karve. En 1935, au Maharashtra, il fonda la première université pour les femmes de l'Inde. Ce projet était le

(22)

fruit d'une longue lutte. Malgré les critiques, il continua, durant les années '40, à ouvrir des écoles en milieururalau Maharashtra (phadke 1985: 47).

A la fin du 1~ siècle, en réponse à l'image négative de l'Inde créée par les Britanniques, les nationalistes créèrent une autre dichotomie: celle entre le matériel et le spirituel. L'Occident étant associé au matériel, l'Inde fut associée au domaine du spirituel. Les nationalistes désiraient donc améliorer la coDD8Ïssance technique et la capacité matérielle parce que l'Inde était supérieure à l'Occident au plan spirituel (Cbatterjee 1989: 623). Dans la vie quotidienne, cette dichotomie entre le matériel et le spirituel correspondait au monde extérieur (bah;r, en bengali) pour les hommes et au monde intérieur ou domestique, soit la maison (ghar), pour les femmes. Le monde extérieur était associé au matériel, la maison au spirituel. Les femmes étaient donc les premières responsables du maintien de la supériorité de la culture indienne au plan spirituel (Chatterjee 1989: 627). Leur complète occidentalisation n'était donc pas souhaitlb~ucationdes femmes était considérée comme nécessaire afindeleur inculquer les vertus essentielles pour qu'elles conservent l'image de supériorité spirituelle de l'Inde (Cbatterjee 1989: 629f. En fait, les réformes encourageaient les femmes à avoir plus d'autonomie au plan économique et à 8.cquérir une plus grande éducation. Mais, contrairement aux memsahib, les femmes indiennes ne mettaient pas en danger l'unité familiale en ayant un emploià l'extérieur de la famille (Cbatterjee 1989).

C'est dans cet esprit que les réfonnes législatives concernant les femmes furent entreprises par le gouvernement de l'Inde indépendante. Les femmes étaient considérées comme protectrices du caractère particulier de l'Inde. Les réfonnes législatives concernant les femmes, entre autre par rapport à leur droit de propriété, furent aussi influencéesparla conception du droit occidental qui implique la notion d'individu. Mais, comme le démontre Béteille, l'Inde a ajusté cette notion de droitàla réalité indienne qui conçoit l'individu comme faisant partie d'un tout (Béteille 1986).

Un des idéaux emprunté par le droit occidental est le concept d'égalité qui implique la notion d'individualité. Le contexte culturel dans lequel les droits de l'Homme ont évolué fait en sorte que la notion de droit implique la notion d'individu. Mais selon Béteille, le concept de droit à l'égalité n'est pas lié à un sens très grand de l'individualisme (Béteille 1986). En fait, l'individualisme n'est pas très valorisé en Inde. La notion de droit àl'égalité va de pair avec le concept de devoir envers la famille, la

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caste, la communauté. Droit et devoir vont l'un avœ l'autre. Autrement dit, le concept de droit implique. une notion de devoir. Comme il le fut précisé par une des femmes indiennes rencontrées en entrevue à Montréal, si les devoirs sont bien remplis, alors il est possible d'avoir des droits. La même personne donna l'exemple suivant pour illustrer la logi~ue entre droit et devoir en Inde.. Si une jeune fille (ou un jeune homme) a la possibilité d'étudierparce que ses parents le lui permettent ou qu'ils en ont les moyens, alors elle a le devoir de s'appliquerdans

ses

études et de réussir les examens. Elle a ce devoir envers ses parents et envers elle-même. Donc, elle n'a pas uniquement un droit à l'éducatio~eUe a aussi un devoir de bien faire ses études. Et ce droit n'existe que dans la mesure où elle remplit ses devoirs.

Dès leur naissance, les Indiens se voient attribuer des droits selon leur caste ou leur sexe. Us ont donc tendance à croire que les capacités intellectuelles ainsi que les qualités morales et émotives leur sont attribuées dès la naissance. Par exemple, les

Dhannashastra prévoient que les Brahmanes ont un tempérament différent des autres

castes notamment parce que le végétarisme entraine une plus grande clané intellectuelle (Wadley 1994). Les mêmes textes prévoient aussi des tempéraments différents selon le sexe. Laphilosophie indienne offi'e une explication supplémentaire de la non popularité de la notion d'individu en Inde. En effet, ces droits ou qualités attribués à la naissance vont à l'encontre d'une philosophie individualiste, puisqu'ils impliquent qu'une personne fait partie d'un tout et qu'elle est, à tout le moins en partie, prédéterminée. Au contraire, le concept d'individu en Occident implique l'autonomie et l'autosuffisance.

Après l'indépendance, l'idéal occidental du droit à l'égalité est devenu une partie prenante des droits fondamentaux de la Constitution indienne. Trois articles de la Constitution précisent la portée de ce droit fondamental8. Dans le cadre de la présente

étude, l'article 1S est le plus pertinent.

n

interdit différentes formes de discrimination, dont celle basée sur le sexe. La position de plusieurs indiens sur la notion d'égalité est souvent empreinte d'ambivalence. Comme l'exprime si bien Béteille,

The most striking feature of Indian society today is the co-existence of divergent, even contradictory, beliefs and values. Hierarchical values are in evidence everywhere; yet people proclaim loudly, and not always insincerely, that equolity shou/d he placed abOlie every other consideration. Indilliduals compete with each other and c/aim their dues as individuals in a growing number offields,· yet /oyalty to

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caste. tribe. sect. clan, /ineage.and family have a continuing, and in some fields an increasing. hold over people. (Béteille 1986: 123).

La Constitution a pris en considération cette tension entre les droits de l'individu et l'existence d'une hiérarchie sociale. En effet, les législateurs étaient coDSCients

que

les articles 14, 15 et 16 ne seraient pas suffisants pour assurer le droit à l'égalité. C'est pourquoi l'article 17 de la Constitution abolit l'intoucbabilité et assimile toute incapacité provenant de l'intouchabilité à une offense punissable au sens de la loi (Béteille 1991: 199).

Malgré l'apparente volonté du gouvernement de rendre les femmes égales aux hommes, peu de choses ont été faites par rapport au droit de propriété des femmes. En fait, seule laLoi hindoue sur la succession de 1956 a abordé cette

facette

desdroits de la femme. Cette loi accorde aux femmes hindouesdesdroits de succession égaux9(Agarwal 1994: 211-212). L'état du Mabarashtra a reformulé cette loi pour la rendre encore plus précise. Celle~i permetàune fille d'hériter des biens de la même manière qu'un garçon.

Lebutde cette loi était d'enrayer la discrimination reliée au sexe et à la pratique de la dot. Cependant, il n'y a pas de disposition particulière relativement au droit de succession des veuves.

En ce qui concerne la dot, le gouvernement indien a promulgué la Loi sur l'interdiction de la dot en 1961. Cette loi rend la pratique de la dot illégale. Voyant le peu

de succès de cette loi, le gouvernement indien a fait plusieurs amendements au cours des années. Le plus significatif fut l'amendement de 1986 ql't a créé un crime uniquement indien : les décès liés à la dot ou ~~dowry death ". Ce crime se retrouve à l'article 304-8

du Code pénal indien. Mais, malgré les intentions de laLoi sur l'interdiction de la dOl, la

pratique de la dot est grandissante en Inde et on trouve de plus en plus de violence rattachée à celle-ci. Alors qu'elle se retrouvait principalement dans le Nord et qu'elle était liée davantage aux castes supérieures, elle est désormais présente partout bien qu'elle soit pratiquéeàdifférents degrés selon les régions etàl'intérieur des régions10.

Étant donné que le concept d'égalité réfère originellement au concept de l'individu, que la culture indienne modifie le sens de l'égalité et que, jusqu'à présent, plusieurs réformes législatives inspiréesparce concept se sont avérées inadéquates, l'Inde est un milieu riche pour étudier l'impact des lois qui ont été inspirées par l'idéologie occidentaledans un contexte culturel différent.

(25)

Quant aux droits des femmes et à la pratique de la dot, l'intérêt de la culture indienne réside particulièrement dans les différences au niveau des COnditiODS des femmes selon les régiODS. En effet, les situations d'inégalités entre hommes et femmes persistent à divers degréau Nord et au Sud. Pour apprécier la société sur laquelle l'étude est menée etpoursaisir les particularités duMabarasbtra, leprochain chapitre dresse un portrait des variations dans le statut desfemmes.

n

présente également les facteurs qui, selon certains auteurs, expliquent la diversité de la réalité des femmes dans cette région du monde.

(26)

Chapitre 3. Statuts des feallDes et CODtestesoeio-écoBo.ïque : ditréreDc:es

atm

le Nordet leSud

Durant de nombreuses années, les ethnologues perlaientpeu des femmes. Ce sujet étaitabordé principalement lors des discussions sur le mariage, la famille et le système de parenté (Dubé 1959; Mayer 1966; Oreinstein 1965; Wïser 1971). Par exemple, les ethnologues supposaient que les femmes étaient associées au statut de leur mari. Cette hypothèse avait entre autres pour conséquencede nier lavariétéà l'intérieurd'une caste en plusdenier l'expérience puticulière des femmes comp8l8tivement • cellede leurépouxou de leurs fières. Au début des années 1970 (période qui coJncide avec l'émergence des mouvements féministes), les anthropologuesont colllllleDCéàétudierde façon systématique le statut des femmes et leurs rôles dans différentes sociétés. Plusieurs de ces travaux ont d'abord présumé qu'à travers le monde, les femmes sont subordonnées aux hommes, impliquant ainsi une expérience homogène pour les deux sexes. Cette période a donné naissanceà différentes théories sur l'inégalitéentre les sexesainsi que sur l'originede cette

inégalité(parexemples:Boserup1970;Harris 1980; Schlegel 19n).

Dans lecontexte desétudessur l'Inde, ce D'estqueIécemment que les etImograpbies tiennent compte de la variété de l'expérience des femmes (Dandekar 1986; JetTery & al. 1988; JetTery& al. 1996; Maclachlan 1983;Mintum 1993; Wadley 1994). Cette expérience varie chez les hommes mais aussi entre les femmes. Avaut de tenir compte de ces deux fonnes de variation, les différentes ethnographies assœiaient souvent l'expérience des femmes avec celledeleurépoux.Deplus, la vie quotidiennedecelles-ciétaitsurtoutabordée dansles chapitres sur la vie familiale, sur le mariageetsur le système deparenté.

Dans les ouvrages plus récents, les anthropologues tiennent compte du fait qu'il y a des différences entre les femmes selon leur caste et leur classe, leur cycle de vie, leur occupation, leur niveau d'éducation et la région où elles habitent (Dyson & Moore 1983; Maclahlan 1993; Miller 1982, 1992; Nanaumi 1995).Cetteperspective est plus réaliste car la viedesfemmes n'estpasprésentée commeétantunifonneethomogène.

Afin d'apprécier les informations recueillies sur les femmes (mêmedans les ouvrages anthropologiques), il faut préciser que les tennes et les concepIs utilisés dans le cadre de certaines théories sur l'inégalité ne sont plIS toujours présents dans d'autres contextes

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culturels. OnpensepU'exempleàcelui "d'autonomie"qui réfèreàlanotion d'individuet qui poseun problèmedans lecontexte indienoùlesliens avec lafamille sont très importantset où l'individu n'ade raison d'êtrequ'àl'intérieur d'une culture familiale. Pourtant, le niveau d'autonomiedesfemmes estutilisé danscertaines théoriespourmesurersi eUesontunstatut

égalàceluides hommes(Dyson& Moore1983; Schlegell977).

Les droits des femmes en Inde ont été le sujet de plusieurs études. Mais à cejour,

aucun ouvrage anthropologique n'a été trouvé sur ce sujet. Les ouvrages sur les droits des femmes en Inde sont souvent inspirés parles mouvementspourles droits des femmes (Pal 1987). Bien qu'ils fournissent des informations perbnentes, il fautmentionner que lapensée

féministe en Inde est une pensée urbaine et que c'~1davantage l'expérience des femmes éduquées quia inspirécestravaux. Cette penséereflètemaltadynamique ruraleetlesfaçons depenserdesfemmes qui sont moinséduquées. Comme plusieurs anciennes edmograpbies, ces ouvrages féministes ont ten<fana::à généraliser la conditiondes femmes et à créer une division profonde entre le monde des hommes et des femmes, créaDt ainsi une opposition entre ces deux mondes. Par ailleurs, la situation des femmes est décrite comme étant désastreuse à travers toute l'Inde, alors que les recberehes en anthropologie démontrent

depuis de nombreuses anlfts que le statut des femmes varie considérablement selon la région où elles habitent, leur âge, leur milieu économiqueetleur religion.

Cependant, il n'y a pas quedes ouvrages féministes sur les droits des femmes. Des membres d'autres disciplines comme l'économie ou la sociologie se penchent sur cette question (par exemples, Agarwall994; Abuja 1992; Mwthi&,al. 1997).Ladot, lespratiques

de succession pour les femmes, et le droit de propriété sont décrits comme étant problématiques pour les femmes. Mais il n'y a pIS d'étude anthropologique ou ethnographiquesurcesaspectsdela vie quotidienne. Parexemple, le sociologue indien Ram Abuja démontre qu'une fiuble proportion des femmes en milieu rural du Rajasthan connaissent leurs droits constitutionnels, sociaux, économiquesetpolitiques. Toutefois, dans cette même étude, Abuja n'aborde pas les mécanismes de résolution de conflit et la dynamique entre les "droits traditionnels"etles droits œtionaux. Puisque dans la majoritédes ouvrages sur les droits des femmes, seuls les droits nationaux sont présentés comme étant légitimes, la question de la légitimité ou de l'efficacité des pratiques loc:ales n'est pIS

abordée.

(28)

Par ailleurs, l'étudedu développement se penche de plus en plus sur la p1ace des femmesdans lesdifférentesstructuresayantpour but le développement À titred'exemples, Dandekar, dans

son

etbnograpbie duvillagedeSugao

au

MabarashtlaetAgarwal, dans une étude éoonomiquedes femmeset dudroitde propriété,discutent des changements subispar les femmes à travers le temps et selm les changements socio-économiquesqui eurent lieu comme ceux provoqués pli' l'industrialisation. Dans lDl même ordre d'idée, \Dl ouvrage

récent réalisé sous la diJœtionde l'économiste Sen, présente un portrait de lavariation du statut des femmes en Inde. L'ouvrage cherche notamment àmesurer l'implCtde différents phénomènes tels l'éducation, le taux de participation des femmes dans l'économie, la pauvretéetl'wbanisation

sur

le taux demortalitédes fillettes (Murtbi&.al. 1997: chapitre5).

De façon générale, les ouvrages sur le statutdes femmes

délDontrent

qu'il y a

une

grandevariation entre les conditions devie des femmes duNordet du Sud. Même lors des entrevuesàMontréal,lamajoritédesfemmes ontmentionnéqu'ilYa une différence entrele traitement faitauxfemmes dunordde l'Indeet celuidureste du pays. Larestrictiondansles déplacements- des femmes est

une

des principales caractéristiques de la vie des

femmes

au Nord. Cette restriction s'explique par divers fadems: les taux d'alphabétisation et de participation des femmes àl'économie moins élevés qu'au Sud, la présence dupurdoh, la possibilité d'une plus grandedistance entre les deux familles impliquéesdans le mariage, la tendancehypergamique des mariagesetfinalement,lapratique plus courantedeladot.Cette variation entre le Nord et le Sud dépend de plusieurs facteurs, chacmt d'eux ayant une importance plus ou moinsgrandeselon la théorie formulée.

n

n'y a pasde théorie sur la variation dans la pratique de la dot entre les régions. C'est pourquoi les théories pour expliquer la variation dans la condition des femmes seront celles élaborées pour expliquer desphénomènes tels que la différence du taux de mortalité entre les sexes et la baisse du taux de fertilité. Bien que la dot n'est pas le sujet principal de ces théories, ces dernières fournissent des informations sur la dot. L'absence de théorie sur la dot n'est pas le seul élément qui fait en sorte qu'il est difficile d'en dresser un portrait exact On ne peut que décrire des tendances entre différentes régions. Plusieurs auteurs ont élaboré des théories sur la variation de la condition des femmes entre les régions (Miller 1981; Dyson &. Moore 1983; MacLachlan 1984;). Les ethnographies procurent des données permettant d'expliquer la variation à l'intérieur

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d'une même région. Mais les ethnographies ne sont pasconsistantes sur les informations concernant le mariageetladot C'est pourquoi, pour illustrer la variation entre le Nordet le Sud, il est préférable deseréférer aux statistiques. Ces dernières devant être complétés par des ethnographies. Ceci dit, même des études comparant les districts à l'intérieur d'un même état n'élucident pas la question de la variation entre districts. Quantifier la variation entre les régions et à l'intérieur des régions est une tâche pratiquement impossible. Par exemple, en général les gens ne déclarent pas qu'ils ont dOIU'.é ou reçu une dot, cette pratique étant illégale dansun sens commedansl'autre. Aussi, la demande d'une dot est de plus en plus indirecte.

n

est donc parfois difficile de savoir s'il s'agit véritablement d'une dot ou non.

Pour illustrer les différences entre le Nordetle Sud,j'utiliseraî les exemples de deux états: le Kerala au Sudetl'Uttar PradeshauNord. L'UttarPradeshestun exemple typique du Nord. Par contre, bien que le Kerala représente le modèle du Sud, il se situe à un extrême favorable pour la condition des femmes. Comme il sera possible de le constater, les caractéristiques particulières de cetétatillustrentjusqu'àquel point plusieurs aspects d'une culture influencent la condition des femmes. Le Maharashtra., à l'ouest, se situe

non

seulement géographiquement au centre de l'Inde; il occupe aussi une position mitoyenne entre le Nord et le Sud. A travers cette présentation, il sera possible de vérifier, au plan empirique, la validité desfacteurs considérés comme les variables expliquant la dichotomie entre le Nord et le Sud. Selon certaines théories sur le statut des femmes, ces principaux facteurs sont:

1. Leniveaudeparticipationàl'économie; 2. Letauxd'alphabétisation;

3. Facteurs démographiques: le tauxdefertilitéetletauxde mortalité; 4. Facteurs culturels: lepurdahetle type de mariage;

1. LeDiveaudepartici. .tioDà l'koaOlllÏe

La participation des femmes dans l'économie est présentée par plusieurs auteurs comme étant le facteur déterminant la condition des femmes. La culture du blé est le principal type d'agriculture dans le nord de l'Inde. Ce travail nécessite l'utilisation de la charrueetestsurtoutexécutéparles hommes.Letauxdeparticipation desfemmes(SOAt) est, par conséquent, moins élevé que chez les hommes (Murthi 1997: 378; voir aussi

(30)

Machlachlan 1993: 18). Cestauxne sont pas les mêmesdanstous les groupes. Eneffet,afin

d'augmenter leurs revenus, les femmes des castes inférieures ou

.-uvres

travailleront à l'extérieur de la maison, contrairement aux femmes de castes supéri~ puisque dans cell~ic'est un déshonneurquededevoirfairetrawiller les femmes. Parconséquent, si le taux departicipation des femmes à l'activité économique est moins élevé en Uttar Pradesh qu'au Maharashtlaou qu'auKerala, ilya unegrande variation entre lescastesà l'intérieur mêmedel'Uttar Pradeshetcellesdesautres états. Ainsi, danscetétat, les femmesdescastes inférieures ont plus d'indépendanceà causedeleur libertédemouvementetdeleur capacité

degagnerdel'argent (Sharma 1978: 84).

La moyenne nationale est de 14,3%. Au Sud, dans l'état du Kerala, le taux de participation des femmes estde 13,1% alors quedans l'état du Maharashtra il est de 26,2%. Dans l'état du Maharashtra, le taux de participation des femmes dans les travaux ruraux est un des plus élevé en Inde(Murthi"al. 1997: 378). Ceci s'explique entre autre parce que, contrairement au nord de l'Inde où on cultive surtout du blé, le millet et le riz sont principalement cultivés au Maharashtra. Ces deux cultures sont plus souvent pratiquées parles femmes que par les hommes (Agarwall995: 19). Selon Miller et Dyson&, Moore, dans ce contexte agricole, les femmes ont plus d'autonomie et de liberté dans leurs déplacements (Miller 1991; Dyson &, Moore 1983). Ces mêmes auteurs affirment que dansle norddel'Inde, les pratiques culturellesetagricoles font en sorte qu'il faudra une dot assez importantepour pouvoir marier sa filleparcequelaculture du blé implique une moins grande désirabilité des filles puisqu'elles participent moins à l'agriculture alors qu'au sud, c'est la culture du rizquiest prédominante.

Maclahlan suggère plutôt que,mise à part les forêts, les montagneset les déserts, les régionsdel'Inde peuventêtreregroupées en trois ensembles agricoles: le blédansles plaines du Nord-ouest, le rizdansl'estdel'Indeetdans leszonescôtières duSudet le milletdans le Nord central et les terres intérieures du Sud. En vérifiant la proportion des sexes d'âge juvéniledanschacunedeces régions, il découvre que dans les régions où le bléestcultivé, il y a moinsde filles quede garçons. Dexplique celaparle fait qu'il existe peude travail pour les femmesdansces régions (Maclachlan 1993: (7).

Ces hypothèses ignorent la diversité à l'intérieur d'une même région, le degré de travail des femmes variant selon leurcaste et le statut économiquede leur famille. L'écart entre laqualité des conditions de vie des femmes du Kerala et de l'Uttar Pradesh est plus

(31)

élevé queladifférencedetauxdeputicipetiOll (Maclachlan 1993; Murthi 1997). Deplus, au Maharashtra, le taux de puticipetion des femmes à l'économie est plus élevé qu'en Uttar Pradesh car le Mabarasbtra fait partie de la zone semi-aride où la culture du millet exige davantage de désherbage (ouvrage où les femmes jouent un rôle majeur). fi existe une corrélationentrece tauxetles conditionsdeviedes femmes. D'autn:: part, les conditionsde vie auxKeralasont plus avantageusespourles femmesqu'auMabarasbtra alors que leur taux departicipationdansl'économieestmoins élevé.

1.Letau d'alplulWtilatioB

Latauxnational d'alpbabétisationdesfillesestde 22,1% comparativementà44, ']0,4 chez les hommes. Au Kerala, les filles sont instruites à 66% et ies hommes à 75,4% contrairement à l'UttarPradesh où les femmes sont instruites à 14,"'''' comparativement à 50,2% pourleshommes. AuMaharashtra,l'écartentre les deux sexesestmoinsgrandqu'en Uttar Pradesh mais plus élevé qu'au Kerala. Le Mabarashtra compte 31,80,4 de femmes instruiteset56,4% d'hommes (Murthi 1997: 378).

Au Kerala,ladistributiondel'éducation entre hommesetfemmesestplus égale que dans d'autœ5états. Ladistribution inégaledel'éducation entre hommeset femmesdans les autresétatss'explique en partieparl'augmentation du nombrede paysans commerciaux, ce groupe désirant avoirdes fils instruits. Selon Attwood, ce désirgrandissant d'éduquer leurs fils vient du fait qu'il y a plus de sécurité,de mobilité, de prestige et d'influence possibles

dans les milieux urbains de classe moyenne (Attwood 1992: 313). Ces avantages viennent démontrer l'influencede labureaucratie indienne.

Les régions à l'intérieur desquelles il y a un falble taux d'alphabétisation, soit généralement au Nord, ladot est plus courante. Cet étatdefaitestintéressantetles questions sur la portéedel'éducationdesfemmes seront analysées plus loin.

3. Facteurs déIDographiques: letaude fertilité et letaude mortalité

Letauxdefertilité en Uttar Pradesh estde5,89010 compamtivement au Kerala oùilest de3,4%. Au Mabarashtra, cetauxestde 4,34% (Murthi "al. 1997: 379). Si on se réfère à ces chiffres, letauxdefertilité est plus élevé au Nord oùladotestplusélevée.

Selon Murtbi, GuioetDrèze, une fille en Inde a 5,3% plusdechancequ'Wlgarçonde mourir avant Pâgedecinq ans. Au Kerala, la situation est très différente du reste de l'Inde:

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les filles ont 10,5% plus de chance de survivre que les garçons avant l'âge de cinq ans. L'Uttar Pradesh représente le deuxième taux le plus élevé de désavantage des femmes soit 15,3%. En Haryanailest de 17,5%(Murthi" al. 1997: 378). AuMaharashtIa,les filles ont 2% plus de chance que les garçons de survivre avant r'âge de cinq ans. Ces chifties impliquent que le taux de mortalité infantile desjeunes fiUes a tendance à être plus élevé dans les régions où la pratique de la dot est fréquente. Elles sont donc désavantagées par

rapportaux garçons.

4. FacteancaItu.reIs:

le""'"

etletypede . . . .

Dans le nord de l'Inde, on retrouve la pratique dupurdah, surtout dans les castes supérieures. Le purdah implique que le déplacement des femmes

ést

limité et il y a des restrictions aux contacts qu'elles ont avec les étrangers et surtout avec les hommes. Dans les villages où Mintum, letTery et Wadley ont fait leur recherche, les femmes de castes supérieures pratiquent le purdah. Cette pratique est aussi liée à une moins grande participation des femmes à l'économie de subsistance,

car

c'est une atteinte à l'honneur des familles de caste suPérieure de faire travailler leurs femmes. C'est pourquoi les femmesdes castes inférieures observent moins lepurdah(Sbarma 1978).De plus, même dans les familles où le purdah est pratiqué, certaines familles sont plus strictes que d'autres (Sbarma 1978: 164). Au Maharashtra, cette pratique dupurdah n'existe pas. Cet état ressemble plus au Sud où les femmes ont plus d'autonomie et où elles sont plus respectées quedansle nord de l'Inde même si les hommes et les femmes ont des sphères d'activités économique et sociale séparét,'s (Attwood 1992: 242-243).

Adams (1993) soulève également que la résidence patrilocale est un facteur influençant la pratiquedeladot La résidence patrilocaleestprésente surtoutdans le nord de l'Inde,mais aussi au Maharashtra et dans le Sud. Au Sud cependant, il y a Wle plus grande

tendance à se marier à l'intérieur ouprochedu village dela fille. La dot est surtout présente dans les endroits où la résidence post-maritale est patrilocale. Mais le facteur le plus significatifestla possibilitédemariageentre membres de la même famille. Dans les cas où le mariagedansla même parentéestpossible, ladotestmoins pratiquée carilest plus difficile dedemander une dotàW\membre delamême famiUe.

Les mariages entre cousins croisés sont avantageux pour les femmes (MacLachlan 1983: 45), car eUes vivront chez leur tante et oncle. Lorsque les membres d'une même

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famille semarient, la femmeestmoins éloignée de sa famille ethabitera aussi plus prèsde ses parents. La distance au moment de mariage a aussi W1 impact sur la condition de la femme après son mariage. SelonGoody, les différencesentrelestypesdemariageau Nordet au Sud existeà cause delapiospéritééœnomiqueque le Suda connugrâceà laculture du riz au lliàœ siècle. Cette prospérité a permis d'augmenter le transfert de propriété aux femmes, cequia encouragé lemariageentreparentsproches(Goody 1990: 310-312).

Au Nord, non seulement les mariagessont à plus grande distauce que dans le Sud, notammentàcause desmariages à l'extériew- du villagedenaissancedes femmes, mais en plus, lesoontadsentreles famillesdes deux épouxne durentpaspendantdesgénérations. Au

Sud, les alliances entre mêmes familles persistent pendant des générations. Les liens sont donc très forts entre les deux familles, d'autant plus qu'eUes n'habitentpastrès loin.Laforce desliens au Sud explique en partiequeladot Yest moinspratiquéecar le mariage équivautà un échange entre deux familles, ce qui dimininue la nécessité d'\Ul don d'argent

n

faut préciser que le prixdela fiancéeestmoinsélevé que le montant demandé endot

En Inde, la pratique de la dot fut associée au phénomène d'hypergamie. Historiquement, l'hypergamie permettait d'étendre les alliances politiques à travers les

régions (Fox 1971: 168). L'augmentation du statutdansle Nordfutdetout temps recbeœhéà

travers des mariagesà plusgrande distance qu'au Maharasbtra oudansle Sud. Ladistance au Maharashtraest de S à 10 milles (Malhotra 1980; Rao & Chowdhury 1988). À l'Est etau Sud, la distanceestmoinsgrande.Par exemple,auKamataka, étatausuddu Mabarashtra, la distanceestde0 àS milles (BeaIs 1962; Claus 1972; Epstein 1962; Harper 1971; Ishwaran 1968). Au Nord, ladistanceest généralementde 10 millesetplusIl (voir Agarwai 1994: table

8.2;Jeffery& al 1988).

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5.CODdasioD

Dansla mesure où l'ongardeàl'esprit qu'il Ya desvariantes selon les régioDS, les théories comme celles élaboréespar DysonetMoore, MilleretMaclachlan peuvent aider à saisir la subtilité de situations précises et de la variabilité à l'intérieur d'une région donnée.

n

faut aussi garderà l'espritleslimitesdeces théories (Nanaumi 1995: 7-9).

Ladotest unedesfacettes dudroitde propriété des femmes. De plus, enétudiantle fonctionnement du système de justice, il est possible de réfléchir sur plusieurs concepts culturels ayant une influence sur la vision du droit de propriété des femmes et sur leur capacité de recourir aux tnbunaux. Enfin, en comperantlajurisprudence, lesethnographieset les entrevues, il sera possiblede mieux comprendre l'importance de-certains aspects de la société indiennesurle droitdepropriétédesfemmesetsurlapratique deladot.

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Chapitre 4. Les fem.es au Mabarashtra: positioD aitoyeDDe eDtre le Nord etleSud Le Maharashtra est particulièrement intéressant dans le contexte de la présente étude puisque, tel que mentionné par Kosambi, U Through much of ils hislory

Maharashtra, expecially the Deccan. was10play a significant role as a bridge between

the north and the south of lhe subcontinent. in terms ofpolitical processes as a/so of commercial and cultural exchange" (Kosambi 1988: 4). Le chapitre précédent a démontré la place mitoyenne que cet état occupe entre le Nord et le Sud. Actuellement, le Maharashtra est l'état le plus urbanisé et industrialisédel'Inde. Néanmoins, sa principale activité économique reste l'agriculture. Mais à cause de l'ari~té des terres et des ~~heresses, la situatl'ln de la population rurale est caractérisée par une constante migration de plusieurs membres de la commUlU'uté, notamment des hommes (Valunjkar 1966).

Par exemple, 500A. des hommes de Sugao travaillent à Bombay. Dans ce village, où la terre est sèche, les familles d'agriculteurs envoient principalement leurs fils travailler à Bombay (Dandekar 1986). Cette tradition n'est pas récente mais elle augmente au cours des années, à cause de la diminution de certains métiers traditionnels comme les services, et parce que les métiers rapportant de l'argent sont devenus une nécessité pouracheter certains produits manufacturés qui étaient autrefois fournis par les ressources du village (par exemple, les engrais, bois de chauffage, le textile). Cette migration implique qu'il est plus fréquent que les femmes cultivent elles-mêmes la terre. L'augmentation des responsabilités des femmes dansl'agriculture n'a pas encore modifié fondamentalement la division du travail entre hommes et femmes.

La participation aux travaux ruraux reste influencée par la division traditionnelle du travail liée à la division des sexes (Maclachlan 1983). Même si les femmes des castes inférieures travaillent auprès de leur mari, il y a des tâches qu'elles ne peuvent pas faire. Par exemple, dans les champs, tous les travaux lourds avec les boeufs reviennent aux hommes. Les travaux réservés aux femmes sont reliées à l'éducation des enfants, à l'accomplissement de tâches ménagères (comme faire la cuisine, le ménage) et à

certaines tâches agricoles telles que moissonner les champs, arracher les mauvais herbes et garder le bétail (Attwood 1992: 21n8 et 151n9).

Contrairement à ce qui caractérise les castes supérieures du nord de l'Inde,

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l'honneur de la famille n'est pas amoindrie si les femmes travaillent dans les champs. Elles travailleront surtout au champ si la famille possède une petite terre. A Malegaon, lorsque la terre irriguée équivaut à moins d'un acre, les hommes et les femmes auront d'autres emplois comme celui de laboureur (Attwood 1992: 242). Les familles qui possèdent plus de terres ont les moyens d'engagerdes laboureurs ne faisantpas partie de la famille et conséquemment les femmes travaillent moins la terre.

De manière générale, peu d'emploi rapportant de l'argent sont disponibles aux femmes des villages. À Sugao, seul le domaine de l'enseignement procure des emplois payant aux femmes. Cependant, les postes ne sont pas nombreux; jusqu'à ce jour, on compte seulement deux enseignantesà Sugao. AMalegao~ les efforts des hommes etdes

femmes, ainsi que ceux de toutes les générations, sont combinés pour maximiser la rentabilité de l'entreprise familiale (Attwood 1992: 17). Dansce village, l'industrie de la canneàsucre a causé des changements rapides dans la communauté (Attwood 1992: 23). La participation des femmes à l'économie est donc essentielle et il y a plus de choix d'emplois pour femmes quedans les villages plus montagneux de Sugao etdes districts de Mulsbi et Vélhé.

Lescaractéristiques particulièresduMabarashtra sont pertinentesdans lecadre de la présente étude sur les décès liésà la dot, puisque ces décès surgissent dans un contexte marqué par des changements économiques importants, l'Inde étant de plus en plus industrialisée. Ce processus d'industrialisation a considérablement modifié le marché du travail. Lesemplois de la fonction publique sont plus prisés que la possession des terres parce qu'ils sont plus stables (Caldwell &.al. 1988). De plus, afin d'acheter des biens de consommation, il y a plus de personnes qui tentent d'obtenir des emplois payés en argent. C'est pourquoi les parents de la jeune fille préfèrent un mari instruit ayant un emploi salarié, à un mari agriculteur (Caldwell &. al. 1988: 86; Dandekar 1986). li est aussi désirable que le futur mari ait des contacts en milieu urbain. Les mêmes changements existent aussi dans le Nord (Wadley 1994:241).

Au plan social, il y a également d'importants changements, non seulement au Maharash~mais aussi dans toute l'Inde, les principaux étant l'augmentation du taux d'alphabétisation chez les hommes et les femmes depuis rindépendance, la baisse du taux de fertilité et du tauxde mortalité. En ce qui concerne le mariage, comparativement

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