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Les étapes de la sédentarisation dans la steppe syrienne (1930-2000).

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Texte intégral

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Les étapes de la sédentarisation

dans

la

steppe

syrien

Olivier Aurenche (Archéorient - Maison de l’Orient, Lyon)

On se propose d e retracer les principales é tapes d e la sédentarisation d e populations d'éleveurs nom ades d e petit bétail (moutons) do n t le territoire s'étend à l'est de Hama e t au sud-est d 'A le p (Fig. 1). Il s'ag it des premiers résultats d 'u n e enquête réalisée sur le terrain entre 1996 e t 2001 pour la mission

Marges arides dirigée par B. Geyer.

Le m o d e d e vie d e ces popula tions est actuellem en t le suivant (Fig. 1) : elles effe ctu e n t un parcours saisonnier qui les co n d u it du coeur d e la steppe (pâturages d'hiver e t d e printemps) vers des zones agricoles périphériques (été e t autom ne sur les

chaum es d e cham ps d é jà moissonnés). Un

c o m p lé m e n t alim entaire (co n ce n tré s) est fourni aujourd'hui grâce à des cam ions ou à des tracteurs,

selon les besoins (Leybourne 1997). C haque saison est m arquée par un h a b ita t différent ; maison en dur construite dans la steppe pour le séjour d'hiver, tente pour les cam pem ents successifs de printemps, d 'é té e t d'a u to m n e . La situation actuelle est le résultat d 'u n long processus dans lequel l'ad option, temporaire, d 'u n h a b ita t en dur, co n d u it progressivement, à terme, à une sédentarisation. Ce sont les étapes d 'é vo lu tio n d e l'h a b ita t en dur que nous allons retracer.

Dans sa phase a ctuelle, le processus de sédentarisation dans la steppe syrienne d a te de l'é p o q u e o tto m a n n e , la Sublime Porte é ta n t soucieuse d e mieux con trô le r ces populations remuantes, dans tous les sens du terme. Le M andat

A ep

Carte 8.1. Les routes de migration de la famille II (oct 1991-sep 1992).

Oct: les restes du coton irrigué Mars : les concentrés et les parcours Août: les chaumes_______________

Dêc: les concentrés M ai: l'orge verte

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français a poursuivi la m êm e politique, reprise globalem ent, jusque vers 1980, par l'é ta t syrien. Dans la mém oire co llective recueillie lors de l'enquête, le d é b u t d e la sédentarisation est associé à « l'é p o q u e des français ».

Le choix du site

Le point de fixation du premier h a b ita t en dur n'est pas choisi au hasard. Il correspond, le plus souvent, à un site d 'h a b ita t d é jà o c c u p é aux époques historiques anciennes où des formes de sédentarisation sont bien attestées : Â ge du Bronze e t période byzantine constituent, com m e l'a montré l'e n q u ê te d e B. Geyer, les deux périodes où la steppe a été le plus intensément o c c u p é e (Geyer 2001). On utilise alors les éléments présents sur le site : matériaux d e construction e t/o u citernes creusées. À défaut, on se fixe à proximité d'installations « naturelles », cavités creusées dans le substrat rocheux. Ruines e t grottes p euven t d'ailleurs coexister sur un m êm e site.

La grotte constitue très souvent le premier point d 'a n c ra g e (Fig. 2). C ette grotte remplit plusieurs fonctions, sim ultaném ent ou successivement : abri des animaux, abri des hommes, abri des réserves alim entaires pour les uns e t les autres. Dans la m ém oire collective, plusieurs hivers rigoureux (1925- 1927 e t 1930-1933) o n t incité à l'a b a n d o n — tem poraire — d e la tente, seul h a bitat digne du bédouin. Ces grottes, au d é p a rt naturelles, fo n t l'o b je t d 'a m é n a g e m e n ts : niches, m angeoires (Fig. 3), orifice d 'a é ra tio n dans le plafond (Fig. 4), escaliers d'a ccè s, murets d e fermeture. Des traces de fum ée signalent parfois une o ccu p a tio n prolongée. Ce n'est qu'après avoir o c c u p é ces cavités p e nda nt plusieurs saisons que l'on se d é c id e à construire en dur, e t com m e le bédouin ne dispose pas, a priori, d 'e x p é rie n c e a rch ite ctu ra le , il fa it a p p e l à des sédentaires installés dans des villes ou des villages agricoles situés en bordure d e la steppe. Les prem ières constructions re flè te n t alors, dans les formes com m e dans les techniques, l'architecture dom inante. M êm e après l'éd ification d e la première « maison », la grotte continue à être utilisée com m e bergerie ou com m e réserve.

Première é ta p e (1930-1950) : la maison à coupole

La zone é tu d ié e est située dans la zone d 'in flu e n ce d 'A le p e t d e Flama où la maison à co u p o le est bien im plantée.

C e t h a b ita t, très spécifique, est

particulièrem ent bien a d a p té à un environnem ent

Fig. 3. A m é n a g e m e n t (mangeoires) dans une ca vité naturelle

Fig. 4. Orifice d 'a é ra tio n creusé dans le p la fo n d d 'u n e c a v ité naturelle

Fig. 2. Cavités naturelles aménagées. A l ’arrière-plan, les pièces construites a tte sta n t de la poursuite de la

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dépourvu de bois d'oeuvre. Les pièces, d e plan circulaire ou carré, sont couvertes d 'u n e coup o le en encorbelle m ent réalisée en briques crues sur un soubassement d e pierre (Fig. 5). C haque coupole recouvre une seule pièce, d 'a b o rd unique, munie d 'u n e seule ouverture et les pièces qui s'ajoutent a ve c le temps sont juxtaposées les unes aux autres (Fig. 6). La circulation d 'u n e p ièce à l'autre s'effectue d o n c par l'esp ace extérieur. On rencontre parfois deux pièces com m unicantes (Aurenche 1999, fig, 3, 7 et 9). Les pièces de taille inégale remplissent ch acune une fonction différente : h a b ita t pour les hommes (cas des deux pièces com m unicantes), h a b ita t pour les animaux (moutons, poules), réserves alimentaires, cuisine. La « maison » s'ag grandit au fur et à mesure des besoins, les pièces, d e construction identique, c h a n g e a n t alors d e fonction. L'espace extérieur se structure progressivement : retour perpendiculaire d 'u n e série d e pièces, m uret d e clôture (Fig. 6). Rien ne distinguera alors c e tte maison d 'u n e maison d'a griculteur sédentaire, sinon la présence d 'u n e tente m ontée à proxim ité ou d e portes murées lorsque les habitants « a b a n d o n n e n t » la maison pour la transhum ance saisonnière. Selon les saisons, on rencontre ainsi dans la steppe des villages, parfois étendus, c o m p lè te m e n t vides plusieurs mois de l'année.

Deuxièm e é ta p e (1950-1970) : la maison rectangulaire à toit plat

Le d é ve lo p p e m e n t des transports m écaniques (tracteurs, camions, citernes) m odifie sensiblement le m ode d e vie dans la steppe : les déplacem ents de troupeaux sont moins nécessaires puisque l'eau e t les com plém ents alimentaires peuven t désormais être transportés à l'endroit où se trouve le troupeau. Non seulement c e processus favorise la sédentarisation, mais il p e rm e t l'a c h e m in e m e n t d e nouveaux matériaux de construction : la maison à toit plat, qui nécessite l'em ploi d e poutres inconnues dans la steppe où les arbres sont inexistants, re m p la ce désormais la maison à c o u p o le (Fig. 7). Les maisons sont construites en pierres g râ ce au remploi d e pierres trouvées dans les ruines, mais aussi au transport m écanisé depuis des carrières. Les murs sont revêtus d e torchis, et la couverture en terre repose sur une c h arpente d e poutres e t d e roseaux acheminés depuis la périphérie de la steppe (Fig. 9). Pièces à cou p o le et pièces à toit p la t coexistent souvent dans une m êm e maison. La « nouvelle » p ièce abrite alors les fonctions d e réception e t de couchag e, les pièces à coupole conservant la fonction de pièces de service.

Fig. 5. Pièce à co u p o le

Fig. 6. Maison à c o u p o le ; au prem ier plan, enclos à bétail a v e c mangeoires

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Troisième é ta p e (1970 — > ) : la maison rectangulaire en parpaings de ciment

L'introduction d e matériaux « modernes » ne m odifie ni la form e d e la maison ni le processus de sédentarisation, sinon pour l'accélérer. L'emploi de béton, sous form e d e parpaings pour les murs et d 'u n e dalle pour le toit, facilite l'entretien. Il s'y ajoute une notion d e prestige : l'utilisation de ces matériaux nouveaux constitue, pour le bédouin, une form e d'investissement en m êm e temps qu'une marque extérieure d e richesse (Fig. 10). On voit ainsi, les bonnes années (en 1980, par exemple), fleurir une peu pa rto u t dans la steppe des blocs de béton isolés ou d é jà groupés p ré fig u ra n t un futur site de sédentarisation. Si l'investissement est insuffisant, le b â tim e n t restera inachevé plusieurs saisons, jusqu'à c e q u 'u n e nouvelle « bonne » année perm ette d e le terminer. Dans son é ta t transitoire, sur le site choisi pour se fixer, la maison inachevée sert d e silo de sto cka g e pour les com plém ents alim entaires du troupeau (Fig. 11). La notion d e prestige va jusqu'à l'ére ction d e véritables « palais », a ve c un étage, d o n t les silhouettes se profilent à l'horizon de fa ço n parfois surréaliste. La pièce en béton coexiste a vec les autres pièces en matériaux traditionnels, et c'e st la fonction de réception — prestige oblige — qui s'y transporte (Fig. 12).

Quel que soit le typ e de construction, l'espace y est divisé e t utilisé com m e dans la tente : p ièce des hommes, pièces des femmes, enclos pour les animaux, réserves alimentaires, en utilisant un vaste e s p a ce extérieur. L 'o rientation est la m êm e (ouverture à l'est en to u rn a n t le dos aux vents dominants), e t l'im plantation des nouveaux villages reproduit e xa cte m e n t celle d 'u n ca m p e m e n t : les maisons sont alignées et éloignées les unes des autres d e plusieurs centaines d e mètres. Ce n'est que progressivement que l'esp ace villageois se densifie. L'arrivée d e l'électricité, l'im plantation d 'u n e école, l'am élioration des voies d e circulation sont a u ta n t d 'é lé m e n ts destinés à e n co u ra g e r une sédentarisation définitive.

Le processus est ce p e n d a n t loin d 'ê tre achevé e t l'une des caractéristiques de la steppe syrienne reste c e tte versatilité d e l'ha bitat, tente et maison en dur co n tin u a n t à être o ccu p é e s en alternance. L'enjeu est d e savoir si, sur la longue durée, ce processus constitue un nouveau cycle des relations entre nom ades e t sédentaires, com m e on en a connu plusieurs dans l'histoire (Aurenche 1993).

Fig. 8. C harpente d 'u n to it p la t

Fig. 9. Les différentes étapes d e la sédentarisation : au prem ier plan à droite, l'e n tré e a m é n a g é e d 'u n e cavité naturelle : au fo n d à gauche, une p iè c e à co u p o le a ve c sa p o rte murée ; au centre, une p iè c e rectangulaire à toit

p la t ; au prem ier plan, le m ur de l'enclos à bétail

Fig. 10. Une maison en b é to n ; les pièces sont juxtaposées e t la com m unication se fa it p a r l'e sp a ce extérieur co u ve rt

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Eléments bibliographiques

A u re n c h e O. 1993. Du n o m a d e m a g n ifié a u n o m a d e m ystifié : p o in t d e v u e sur l'histoire d e la ste p p e . In : R. B occo , R. J a u b e rt e t F. M étrai éds., Steppes d'Arabie, Paris, PUF, p. 19-34.

A u re n c h e O. 1999. Plabiter la s te p p e syrienne, a u jo u rd 'h u i. In : F. Braemer, S. Cleuziou e t A. C o u d a rt éds. H a b ita t e t société, Antibes, é d . APDCA, p. 67-82.

G e ye r B. éd . 2001. C onquête de la steppe e t appropriation des terres sur les marges arides du Croissant fertile, TMO 36, Lyon e t Paris, M aison d e l'O rie n t e t d e B o cca rd . Le ybo urne M. 1997. La steppe syrienne. D égradation e t

a d a p ta tio n , th è s e n o u v e a u ré g im e , Univ. Lum ière- Lyon 2.

Fig. i 1. Maison inachevée servant d e silo à fourrage

Fig. 12. Pièce de réception dans une maison en parpaings. Le mobilier, ici tapis sur un soi en ciment, est le m êm e que

Figure

Fig.  1.  Carte des déplacem ents saisonniers d 'u n e   famille d e  bédouins dans la steppe (d'après M
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