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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Peut-on enseigner la critique de la science et des scientifiques à des Étudiants d'un premier cycle universitaire ?

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Academic year: 2021

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(1)

PEUT-UN ENSEIGNER I~ CRITIQUE DE ~ SCIENCE ET DES SCIENTIFIQUES A DES ETUDIANTS D'UN PREMIER CYCLE UNIVERSITAIRE ?

Pierre CLEMENT

responsable de l'Option

I I I

"Saie,we et SocihP'

DEUG-B,

Universit~

LYON

l . (1)

Nous avons pu mettre sur pieds un enseignement (1) qui va presque à contre-courant dans un DEUG scientifique: il insiste moins sur des c0nnais-sances nouvelles

a

acquérir, que sur une démarche, inhabituelle pour les étudiants, scientifique en fait: non plus une acceptation passive et béate de tout ce qui est présenté sous des apparences scientifiques, mais un es-prit critique, afin de chercher

a

voir ce qui se cache sous de telles apparences. Bref une démarche que nous mettons quotidiennement en oeuvre en faisant notre travail de chercheurs scientifiques, mais qui nous aide aussi à être des citoyens qui voulons mieux comprendre le contexte dans lequel nous vivons.

Des expressions telles que "critique de la Science et des scien-tifiques" évoquent un parfum post-196B (2). Cependant, ce n'est que très récemment que se sont développés des enseignements, au sein même d'Uni-versités scientifiques, qui tiennent A la fois de l'épistémologie et de la sociologiedes sciences, et qui se sont nommés "Science et Société"(3).

(1) Le DEUG-B est centré sur les Sciences Naturelles (biologie, biochimie, phy-siologie, géologie). Les enseignants de l'Option III "Science et Société" sont tous, actuellement, des chercheurs ou universitaires dans ces disci-plines: B~ES N., BLAINEAU S., CLEMENT P., DEBARD E., JOURDAN F. et LUCIANI A. C'est l'ensemble de cette équipe enseignante que désigne le "nous" utilisé dans cet article

L'option III "Science et Société", créée en 1974-75, est choisie depuis par une centaine d'étudiants chaque année (parmi onze Options III proposées: les étudiants doivent en suivre une en première année et une autre en seconde année du DEUG: soit près d'un dixième de leurs horaires d'enseignement, ainsi que de leurs notes â l'examen).

Pour tout courrier, s'adresser à: P.Cl~ment.

Laboratoire d'Histologie

et de Biologie Tissulaire,

Universit~

[bon J,

69622

VILLEURBANNE .

(2)

Etant donné l'espace ici imparti, je présenterai le plus

briève-ment possible le contenu et la pédagogie de l'Option III du DEUG-B de

l'Université Lyon l, et je terminerai par quelques remarques sur l'in-térêt et les limites d'une telle expérience.

Il Les thèmes abordés.

Ils varient chaque année, en fonction des désirs des enseignants et de ceux des étudiants également. Voici une énumération des principaux

thèmes abordés en six années. (4)

Comment différencier ce qui est scientifique de ce qui ne l'est

pas: analyse des fondements de certains savoirs dits "scientifiques" ou ·'parasctentifiques".

A quoi et à qui sert la Science? : qui finance la recherche et

pourquoi 7 : Science et industrie; Science et armée. Le statut des experts scientifiques: en médecine, agriculture, dans les administrations .•.

L'image de la Science et de la Technique: véhiculée par la publicité, par la littérature pour adultes ou pour enfants, par l'enseignement. Les

rapports homme-machine (sur des exemples précis, ou dans la littérature); la pollution (marée noire, acroléIne ..• ), etc •..

Qui produit la Science, et pourquoi 7 : approche sociologique du

milieu scientifique. Analyse de l'organisation du travail dans les labora-toires de recherche. Analyse du pourcentage de femmes dans les différentes catégories du personnel; et chez les étudiants de différentes disciplines. Science et idéologie: les grands débats qui traversent la biologie. Hérédité de l'intelligence: le Q. I., l'effet Pygmalion; "doués" et "surdoués";

(2) cf. JAUBERT A. et LEVY-LEBLOND J.M.: (Auto)critique de la Science, éd.du

Seuil 197J ; ou encore les revues Labo-Contestation, puis Impascience.

(J) Les enseignants impliqués dans des enseignements "Science et Société"

des-tinés à des étudiants scientifiques se retrouvent régulièrement A l'échelon national depuis mars 1979. Quatre réunions se sont ainsi successivement tenues à Lyon, Marseille, Strasbourg, Lyon, regroupant 20 à 40 enseignants

de sept Universités.

(4) Nous possédons des polycopiés sur plusieurs de ces thèmes. Nous avons peu

publié jusqu'à présent. Notons cependant, entre autres:

CLEMENT P., Remarques sur la formation de la force de travail. Les Temps Modernes, 340 , p.J84-407 (1974).

CLEMENT P., /\propos des publications scienti fiques; et: Débat avec J. BAU-BEROT sur théorie et idéologie. Cahiers du CPO (79 Celles/Belle), ~ ,

p.20-24 et 18-19 (1974).

CLEMENT P., La recherche scientifique, le savoir scientifique .•. et nous.

Cahiers du CPO, 25 , p.15-28 (1974), ou Parole et Société.3-4 (1977).

CLEMENT P. et RAMOUSSE R., Acteurs et criHres dans le systè;;;;-de production

des publications scientifiques. Analyse de systèmes, 3 (J), p.J6-22 (1977).

CLEMENT P.,BLAES N. et LUCIANI A., Le mythe tenace du chromosome du crJme. â parattre dans Raison Pr~sente. avril 1980 (25p.l.

(3)

travaux sur des enfants adoptés; sur des jumeaux homozygot..r" B\lRT . . . Fondements biologiques et s.ociaux: du crime, de l'agressivlt~,du viol; de la famille; des différences entre hommes et femmes . . .

Le comportementalisme (behaviorisme): les thérapies comportementales; les systèmes de rt~compenseset de renforcements A l'école ...

Fondements et dangers: de la psychochirurgie et de la neurobiologie, de l'insémination artificielle, des manipulations génétiques ...

2/ La pédagogie.

2-1 : L'illusion pédagogique de départ: conférences-débats et polycopiés. En 1974-75, nous avons monté cet enseignement sur un modèle classi-que: en définissant un programme, un contenu, et en travaillant avec de nombreux intervenants extérieurs pour que tous les points du programme soient abordés par des conférences-débats, et développés de façon plus complète par des polycopiés. Le contenu portait d'une part sur "Science et un secteur social précis"(industrie, agriculture, médecine, armée, ensei-gnement, vulgarisation ..• ); d'autre part sur une approche plus épistémolo-gique de certaines disciplines (physique, biologie, sociologie .•. )et de "parasciences".

Or i l s'est avéré, dans les évaluations de fin d'ânnée, que cette formule était peu efficace: les étudiants, trop nombreux, discutaient peu après les conférences, et le volume trop important des polycopiés ne pouvait pas être mémorisé par l'étudiant.

Nous avons donc, d'année en année, diminué la part de ce type d'in-terventions: actuellement, nous conservons uniquement quelques rares confé-rences, mais leur contenu est ensuite repris en petits groupes d'étudiants. Nous conservons également, au cours d'une demi-journée du premier stage, quelques éléments de sociologie, afin que les étudiants ne soient pas tota-lement nalfs lors des interviews et enquêtes qu'ils effectueront ensuite. Durant ces enquêtes, ils restent d'ailleurs en relation avec les enseignants, ce qui favorise la mobilisation, voire la critique, de ces quelques éléments de sociologie.

2-2 Tout centrer sur des travaux de groupe, qui débouchent sur un stage. Des groupes de 3 A 6 étudiants se consU.tuent au cours d'un premier stage de deux jours, qui permet â chaque groupe de choisir un thème précis de travail, et de commencer à cerner ce thème avec l'enseignant (ou les deux enseignants) qui suivra (suivront) le groupe.

Pendant plusieurs mois, les étudiants travaillent ensuite collecti-vement. sur ce thême, 8. p,{tir de documents divers, d'interviews, d'enquêtes.

(4)

Trois réuniolls minimum sont prévues avec l'enseignant qui suit le groupe: pour corriger le tir aIl fur et à mesure, essayer de 8urmollter certaines di fficultés, échanger des informûtions, faire le point. Très souvent, le 1I0mbre de ces réunions est bien supérieur à trois. Les étudiants rédigent aillsiun rapport collectif: sa critique et son amélioration sont l'occasion de divers aller-retours entre étudiants et enseignants. Ils rédigent ensuite un texte d'une page qui résume leur travail, et sera distribué à tous les étudiants. Ils préparent enfin une présentation originale de leur travail: montage audio-visuel ou magnétoscopé, sketches . . . : l'ensemble de ces présentations constitue le deuxième stage, qui cloture l'enseignement. Durant la première demi-journée de ce stage, chaque groupe réalise des affiches (avec dessins, photos . . . ), qui resteront aux murs de la salle principale durant les trois jours du stage (5).

En fin d'ann(>p, les enseignants ont assez d'éléments (rapport écrit, son résumé d'une page, affiches, présentations orales, assiduité) pour noter chaque groupe. Cette n0te est ensuite discutée avec le groupe, après le second stage, pour savoir si les étudiants veulent ou non la moduler en fonction du travail inégal qu'ils auraient éventuellement fourni.

3/ Intérêt et limites de cet enseignement.

Chaque année, nous sommes surpris par la qualité de ce que produi-sent nombre de groupes étudiants. Cette qualité témoigne d'un enthousiasme qui s'exprime aussi au cours des évaluations (écrite et orale) effectuées à la fin du second stage.

Les enseignants eux aussi sont enthousiasmés par cette expérience pédagogique, que nous vivons comme une véritable recherche. Nous effectuons cet enseignement en plus de nos recherches et enseignements scientifiques, et sommes chacuns rémunérés environ 12 heures complémentaires par an (6), alors que nous en passons plus d'une centaine en présence des étudiants.

Il est extrèmement difficile de trouver des critères pour meSurer l'impact d'un enseignement. Dans plusieurs cas, nous avons rencontré par hasard des étudiants qui ont quitté l'Université au niveau du DEUG: ils nOUS ont dit que "Science et Société" avait été pour eux l'activité la pl's utile par la suite lors de leur intégration dans la vie active. Plus

(5) JI est frappant de voir que l'architecture de l'Université n'a pas prévu ce type d'activités: les seules salles qui peuvent accueillir cent étudiants sont des amphis. Nous devons donc louer hors du Campus (au CCO) une grande salle, proche de petites salles permettant des réunions en petits groupes. (b) Dans plusieurs Universités, les enseignements d'Options 1:1 sont considérés comme statutaires (et non complémentaires) pour les enseignants non ext~­ rieurs A l'Université: nous souhaitons qu'il en soit de même A Lyon 1.

(5)

nombreux sont les étudiants que nous retrouvons ensuite dans un troisi~me cycle (alors qu'un dixième A peine des étudiants du DEUG atteignent ce ni-veau): Ils considèrent que cet enseignement a été très important pour eux, et regrettent qu'il n'ait été prolongé par aucune U.V. en 2" ou J" cycle.

Ces encouragements ne doivent pas nous faire oublier les obstacles auxquels nous nous heurtons régulièrement:

1") Difficultés qu'éprouvent les étudiants à travailler en groupe: problè-mes d'horaires, de salles, d'habitudes de travail. Dans quelques cas, les réunions oil nous les retrouvons et le second stage sont les moments les plus collectifs de leur travail.

2") Difficultés qu'éprouvent les étudiants à distancier, et oser critiquer, un discours ou texte d'apparence scientifique. Nous essayons pour celA de leur proposer des textes scientifiques qui soient contradictoires entre eux. Encore faut-il qu'ils les lisent et les travaillent: il est arrivé qu'ils ne retiennent que ceux des textes avec lesquels ils étaient a priori d'ac-cord. La critique de leur premier rapport écrit, et le second stage, sont alors l'occasion d'un renouvellement de leur travail.

J") ~calages entre les désirs des étudiants et ceux des enseignants (qui proposent les sujets). Nous avons plusieurs anecdotes A cet égard. Par exemple, lorsque plusieurs thèmes ont été proposés pour analyser la relation homme-machine: le microscope électronique a en fait servi de prétexte A des étudiants pour se renseigner sur les possibilités de devenir chercheur. Tandis qu'un autre groupe a réalisé d'excellents documents magnétoscopés sur les distributeurs de billets du métro, mais surtout pour le plaisir de jouer avec un magnétoscope ~ Ils déduisaient de leur enquète que deux tiers des gens ne savaient pas utiliser ces machines, et "étaient donc stupides, puisqu'il suffisait de savoir lire" ... Là encore, la critique de leur rapport et le second stage ont permis d'essayer d'aller un peu plus loin.

4°) Problèmes enfin qui se posent au niveau de l'équipe enseignante, car nous n'avions au départ aucune formation officielle en pédagogie, psycholo-gie, sociolopsycholo-gie, épistémologie ..• Nous avons suivi plusieurs stages, et avons pendant les premières années travaillé en étroite liaison avec des sociolo-gues, tandis qu'une psychologue était intégrée à notre équipe. Actuellement, nous commençons A travailler avec deux psycho-pédagogues, pour mieux cerner les aspects fantasmatiques de tout enseignement, et du nôtre en particulier (7).Nous espérons ainsi être mieux armés quand nous travaillons avec un

(7) Nous travaillons pour celA à partir de deux numéros de la revue InconscJent et culture, Dunod ed .. 1976, reéditée~..n l'no, par I<J\ES R.. ANZIEU D. et al : "Fantasme et Formatlon"(en particulier p.I-71 1 I<J\ES R., Quatre études sur la fantasmatlque de la formation et le désir de formerl,"Oésir de former et format.ion du savoir".

(6)

qroupc d'étuùiants en ayant un statut tr~s spécJ.al. pour un enseignant, r1llisql.le nous Ile dp.veloppons pas des diseGurs visant à transmettre un

c'olltellu, des cannai5sances; mais nous aidons seulement les étudiants pour (Ju'i 18 développent des déma.rches act ives afin de rassembler et de cri tiquer

des informations sur un tltbne qui a priori les intéresse. Or, pour que les

étudiants effectuent cette démarche, il faut qu'ils la découvrent et la

pratiquent eux-mêmes, sans que nous ne la leur imposions. Ce qui rend notce

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