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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'enseignement de la théorie de l'Évolution: un exemple d'éducation à la citoyenneté

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L'ENSEIGNEMENT DE LA THÉORIE DE L'ÉVOLUTION

UN EXEMPLE D'ÉDUCATION

À

LA CITOYENNETÉ

Corinne FORTIN

Lycée Jean Moulin, Torcy - Université Paris 7

MOTS - CLÉS:ÉVOLUTION - APPRENANT - CONCEPTION - IDÉOLOGIE

RÉSUMÉ: Suite à un travail de thèse (Fortin,1993), il est apparu que les apprenants onl des conceptions bien arrêtées sur l'Évolution : les uns y croient, les autres pas. Si la Théorie de l'Évolution, qui est au cœur-même de la Biologie relève de la simple croyance, alors loutes les dérives idéologiques sont possibles. D'où l'impérative nécessité d'envisager une "alphabétisation" scientifique qui redéfinisse les enjeux de la Biologie de l'Évolution.

SUMMARY : Through a thesis work (Fortin, 1993)itappears that pupils have very decided views about the Evolution; sorne believe in il, others don't.Ifthe Evolution Theory, which is the heart of Biology, depends on a simple belief, then all ideological drifts are possible. Il follows a imperative necessity to forecast a scientific way of leaching in order10redefine the stakes of the Evolution's Biology.

A. GIORDAN, J-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XVI, 1994

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1. INTRODUCTION

L'alphabétisation en matière de Biologie de l'Évolution doit pennettreà tout citoyen d'avoir les moyens cognitifs de porter un regard critique sur l'exploitation idéologique de certains concepts scientifiques. En effet, la Théorie de l'Évolution (au sens générique) dès sa naissance a été sourcede

polémiques. Comment aujourd'hui prévenir les dérives idéologiques dont elle est encore l'objet (eugénisme, darwinisme social, sociobiologie, etc ... ).

2. CONCEPTIONS DES APPRENANTS SUR L'ÉVOLUTION

On peut considérer que l'essentiel de la problématique évolutionniste concerne la filiation ou généalogie des différents "embranchements" (zoologiques et végétaux). C'est à partir des différentes modalités de filiation proposées par les élèves que nous avons pu clairement identifier 4 conceptions (Fortin, 1994) : évolutionniste, transmutationniste, non-évolutionniste, et anti-évolutionniste. On trouvera aussi un complément sur les conceptions en Biologie de l'Évolution chez les étudiants d'université dans le travail de thèse de Zaim-Idrissi.

2.1 L'élève "évolutionniste"

Il utilise généralement à bon escient les tennes d'espèce, de mutation, de sélection, d'adaptation, et cite Darwin comme le fondateur de la Théorie de l'Évolution (Lamarck est généralement un inconnu). Pour lui, tous les êtres vivants dérivent d'un ancêtre unique, et ilétablit une filiation inter-embranchements à partir d'une origine commune. Le moteur de l'Évolution està ses yeux la mutation, car elle provoque, pense-t-il, l'adaptation. S'il n'y a pas de mutation, l'adaptation devient impossible et c'est alors l'extinction.

2.2 L'élève "transmutationniste"

Il imagine la Nature comme un Super-Organisme qui se développe par étapes successives, depuis un ancêtre commun jusqu'à aujourd'hui. Ici, la filation inter-embranchements est linéaire et continue. Et contrairement à la conception précédenteiln'y a pas d'extinction car les changements écologiques induisent des mutations donc de nouvelles adaptations. Autrement dit,àpartir d'une origine unique, et grâce à une succession de "transmutations:' (on pourrait dire aussi de métamorphoses), les organismes se transforment au cours du temps sans jamais s'éteindre. Ainsi, les dinosaures n'ont pas disparu mais se sont seulement transformés en nos actuels reptiles; de même les mammouths en nos actuels éléphants. Selon la conception transmutationniste : "Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme" .

2.3 L'élève" non.évolutionniste"

Il décrit une "évolution" uniquement à l'intérieur d'un embranchement. Pour lui, tous les embranchements étaient représentés dès l'origine de la vie; certains ont survécu, d'autres se sont

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éteints. S'il n'envisage pas une origine commune à tous les embranchements, il reconnaît une filiation entre l'Homme et le "Singe" car tous deux sont des primates. Et dans ce cas de figure-ci, il évoquela

mutation comme mécanisme de transfonnation et donc d'Évolution.

2.4 L'élève "anti·évolutionniste"

Tout comme l'élève non-évolutionniste, il accepte l'idée d'une transformation intra-embranchement sans origine commune. Mais il nie formellement une quelconque filiation entre le "Singe" et l'Homme, tout simplement parce que celà est contraireàsa conviction religieuse. Selon les Ecritures, l'Homme n'a pas pu évoluer, dans la mesure où dès sa création il était biologiquement parfait, et donc non perfectible. Et si "évolution" il y a pour les animaux (1' homme n'étant pas un animal ), cela ne peut être que le fruit delavolonté divine.

On remarquera que l'Évolution est toujours analysée par les élèves, quelle que soit leur conception, comme un progrès, un perfectionnement permettant une meilleure adaptation.

2. L'ENSEIGNEMENT DE L'ÉVOLUTION DE 1945 À 1988

Les différentes conceptions identifiées montrent que l'enseignement n'est pas vraiment efficace, et ce pour deux raisons :

- parce que l'enseignement de l'Évolution reste encore très marginal (en Terminale),

- parce que les programmes occultent les obstacles épistémologiques ou idéologiques propresà l'Évolution.

À ce titre un bref historique des programmes entre 1945 et 1988 est significatif. Seuls les observations, faits ou expériences sont valorisés, tandis que la Théorie est pour ainsi dire reléguée au rang d'une simple spéculation.

Depuis l'après-guerre, les programmes ont privilégié les nouvelles connaissances (en particulier en biologie moléculaire, B.D. n055 du 1-11-45, n038 du 23-10-58, n031 du 4-8-66, n021 du 2-6-88), mais la progression pédagogique, quant à elle, est pratiquement restée inchangée pendant toutes ces décennies, à savoir;

a ) l'observation des faits évolutifs,

b ) l'explication des faits (adaptation, sélection, mutation, etc ... ),

c ) la présentation anecdotique des théories lamarckienne, darwinienne et néo-darwinienne.

Il est donc recommandé de traiter des faits indépendamment des théories (Compléments des programmes dans le B.O. n04 du 26-01-89).Àremarquer aussi que dans le projet du nouveau programme de Terminale Scientifique pour la rentrée de 1994-95, le sort des théories est définitivement réglé semble-t-il,puisqu'elles ont été purement et simplement supprimées!

Les programmes se fondent sur l'existence d'une construction linéaire et progressive des connaissances scientifiques. C'est pourquoi ils suggèrent que l'accumulation de faits évolutifs, de

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plus en plus nombreux, produit différentes théories: à chaque nouveau fait, une nouvelle théorie. Celle présentation est un héritage positiviste où les faits sont auto-producteurs de théories. TI s'ensuit que le rôle réflexif de la Théorie est évincé: l'élève estcondamné à admettre l'évidence de l'Évolution, alors même que Lamarck et Darwin eurent tant de peineàfaire partager leurs vues.

3. CONSÉQUENCES IDÉOLOGIQUES D'UN ENSEIGNEMENT DOGMATIQUE 4.1 Chez les élèves non et / ou anti-évolutionnistes

Ces élèves renvoient dosàdos conception scientifique de l'Évolution et conception non-scientifique (la Genèse, par exemple). Pour eux, l'Évolution n'est pas de l' ordre de la science, mais de celle de la croyance (Thuillier, 1981). On croit ou nonàl'Évolution,.tout comme on croit ou nonà l'astrologie. Le premier effet perceptible de l'enseignement, tel qu'il est actuellement pratiqué, est véritablement une remise en cause de la pensée rationnelle.

4.2 Chez les élèves évolutionnistes et transmutationnistes

L'enseignement généralement trop dogmatique présente l'Évolution comme une vérité absolue, devant laquelleilfaut s'incliner sans contester. L'esprit critique n'est donc pas de mise. Dans ces conditions, lerisque d'une dérive idéologique est d'autant plus affirmé que certains idéologues peuvent en profiter et déclarer avoir trouvé une justification scientifiqueà des pratiques de pouvoir.

Àtitre d'exemple, nous avons posé la question suivante aux élèves: qu'est-ce que l'Évolution? et parmi les réponses obtenues, l'une d'entre-elles nous a paru significative des enjeux idéologiques que véhicule le concept biologique d'Évolution quand il n'est pas pleinement explicité.

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Cette analogie entre progrès technologique et progrès biologique est symptomatique de l'impact d'une idéologie basée sur la concurrence (ou sélection) comme étantà l'origine de tout perfectionnement. Sélectionner suppose trier, éliminer pour ne garder que le "meilleur".

Ainsi le concept de sélection naturelle, iden.tifié dès le XIXe siècleà la lutte pour la vie (ou même la survie), peut légitimer aux yeux de certains ce que l'on appelle la guerre économique (résurgence moderne de la colonisation, et la conquête de nouveaux territoires en termes de nouveaux marchés). Qui dit sélection naturelle dit aussi sélection artificielle, et parfois même sélection sociale (Clark, 1988) ou encore sélection génétique et parfois eugénisme. Si la sélection est synonyme de perfectionnement, d'amélioration, quels sont alors les critères de la normalité? Et améliorer, pour qui, pourquoi? Autant de questions auxquelles la science est incapable de répondre. Il s'agit ici de problèmes de société qui concernent tout un chacun, et qui ne peuvent être abordés que dans le cadre d'un débat démocratique, et pas seulement par décret de l'expert scientifique. Sans quoi, l'idéologie discriminative qui distingue deux humanités, les élus et les autres, ira chercher sa justification au totalitarisme, au racisme,à l'esclavage, aux banques de sperme pour prix Nobel, etc... dans le détournement de concepts scientifiques.

De même la sociobiologie doit faire l'objet d'une critique objective. Wilson, fondateur en 1975 de cette pseudo-science a raison quand il dit que l'homme, comme tout autre animal, a des comportements qui résultent à la fois de l'hérédité et de la phylogénèse.. ; mais a-t-il pour autant le droit de préconiser une extension du darwinisme pour justifier scientifiquement d'une gestion rationnelle des sociétés humaines (Ducros, 1980) ? Là encore si la science pouvait résoudre tous les problèmes et conflits sociaux, alors la culture ne serait que l'expression de nos gènes. N'est-ce pas un schéma trop réducteur, et que dire alors de l'interaction génotype / phénotype?

La place de l'homme dans la nature et celle de l'individu dans la société ne relèvent pas de la même problématique. Dans le premier cas, il s'agit effectivement d'un questionnement à caractère évolutionniste, mais dans le second la voix du scientifique n'a pas de raison d'être prépondérante sur celle de tout autre citoyen.

5. CONCLUSION

La Théorie de l'Évolution n'est pas un dogme, mais un modèle soumis à la critique et à la vérification. On ne peut d'emblée imposer l'idée d'Évolution comme une évidence. Il serait donc souhaitable que tout enseignement prenne en compte les conceptions des apprenants et les confronte : - àla lumière des acquis de l'Histoire des Sciences, pour susciter un débat entre le fixisme (voire même le créationnisme) et le transformisme (lamarckien) ou évolutionnisme (darwinien),

- aux données épistémologiques, où la théorie est une construction de l'esprit, seule capable de rendre pertinents et intelligibles des faits, des expériences, ete...

- aux apports de la Théorie dans notre compréhension du fonctionnement de la biosphère (passé, présent, et éventuellement futur ).

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BIBLIOG RAPHIE

CLARK L., Le darwinisme social en France,LaRecherche, 1988, i96, 192-200.

CONRY Y., De Darwin au darwinisme: Science et idéologie, Paris: Vrin, 1982.

DUCROS A., Biosociologie et évolution, in Colloques du C.N.R.S., 1980,599, 229-232. FORTIN C., L'Évolution: du mot aux concepts, Thèse de doctorat, Université Paris 7, 1993. FORTIN C., Du bon usage des conceptions en Biologie de l'Évolution, in Giordan A., Girault Y., Clément P., Conceptions et Connaissances, Berne: Peter Lang, 1994, 157-170.

THUILLIER P., Darwin et Co, Bruxelles: Éd Complexe, 1981.

WILSON O.E., Sociobiology, The Belknap Press of Harvard University Press, 1975.

ZAIM-IDRISSI L.K.,Lareprésentationdela théorie de l'Évolution chez des étudiant(e)s en biologie à l'université, Thèse de doctorat, Université de Laval, Canada, 1987.

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