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Stratégie organisationnelle à l'attention des gestionnaires visant la promotion de la santé des infirmières en contexte de décès périnatal

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

Stratégie organisationnelle à l’attention des gestionnaires visant la promotion de la santé des infirmières œuvrant en contexte de décès périnatal

par :

Claudia Maria Gonzalez

Faculté des sciences infirmières

Travail dirigé présenté à la faculté des sciences infirmières En vue de l’obtention du grade de Maîtres ès sciences (M. Sc.)

en sciences infirmières

option expertise-conseil en soins infirmiers

26 novembre 2014

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Université de Montréal

Faculté des sciences infirmières

Ce travail dirigé intitulé :

Stratégie organisationnelle à l’attention des gestionnaires visant la promotion de la santé des infirmières en contexte de décès périnatal

Présenté par : Claudia Maria Gonzalez

Au jury composé des membres suivants :

Madame Marie Alderson, inf., Ph. D., directrice de maîtrise, Madame Marjolaine Héon, inf., Ph. D., co-directrice de maîtrise

Madame Christine Genest, inf., Ph. D., membre du comité

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RÉSUMÉ

Le décès d’un enfant en cours de grossesse ou dans les jours qui suivent sa naissance, est un événement stressant qui affecte le personnel infirmier. Face aux émotions intenses des parents, les infirmières œuvrant en milieu périnatal doivent néanmoins continuer de prodiguer des soins, et ce, tout en gérant leurs propres émotions. Ce contexte de travail particulier peut affecter la santé mentale des infirmières. Les écrits existants reconnaissent d’ailleurs que le décès périnatal est une expérience éprouvante pour les infirmières qui prennent soin de ces familles. Pourtant, peu d’interventions visant l’amélioration de leur environnement de travail ont jusqu’ici été mises de l’avant. Ce travail dirigé a pour but de documenter les facteurs psychosociaux de l’environnement de travail, en contexte de décès périnatal, ainsi que leurs effets sur la santé des infirmières, afin de proposer une stratégie organisationnelle susceptible de contribuer à l’atténuation de ces facteurs stressants. À l’aide de ses concepts centraux : la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien de l’organisation et des collègues, le modèle exigences-contrôle-soutien de Karasek et Theorell (1990) a guidé l’analyse des écrits. De cette recension, il ressort qu’il serait bénéfique d’améliorer le soutien organisationnel au sein des unités de périnatalité et de mieux outiller les infirmières face aux défis posés par le décès périnatal et les soins prodigués aux parents endeuillés. Dans cet esprit, est proposée une stratégie organisationnelle pertinente pour diminuer l’impact des problèmes recensés.

En ce qui concerne ce travail dirigé, nos objectifs d’apprentissage visaient l’intégration des connaissances acquises et des compétences développées dans le cadre du programme de maîtrise. En particulier, nous cherchions à accroître et diversifier notre capacité de faire preuve de leadership en contexte clinique, et à consolider nos aptitudes liées à la recherche en sciences infirmières, telles que nos capacités d’analyse et de commentaire critique d’écrits scientifiques.

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ABSTRACT

The death of a child during pregnancy or in the days after birth is an event that affects nurses. Exposed to the intense emotions of parents, nurses in perinatal settings may find themselves simultaneously providing care for the family while managing their own emotional responses. This particular work environment can affect the mental health of nurses working there. The existing literature also recognizes that perinatal death is demanding and stressful for nurses who care for these families. Yet, few interventions aimed to improve the work environment have so far been put forward. This manuscript aims to review what is known about the psychosocial factors of the work environment when a perinatal loss occurs in perinatal setting and their effects on the health of the nurses in order to provide a strategy that can contribute to the mitigation of these stressors. Karasek and Theorell (1990) Demands Control Support model guided the entire reflection with its central concepts, namely: job demands, control and support of the organization and colleagues. Findings revealed that Organizations should improve their support and better prepare nurses so they can face the challenges of perinatal death and the care of the bereaved families. In order to prevent the adverse consequences of workplace stressors a strategy at Organizational level is proposed.

With regard to the manuscript, our learning objectives were the integration of acquired knowledge and skills developed in the Master's program. In particular, we sought to increase and diversify our ability to show clinical leadership and to consolidate our skills related to nursing research, such as our capabilities for critical analysis of scientific research.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... I ABSTRACT ... II LISTE DES FIGURES ... V REMERCIEMENTS ... VI

INTRODUCTION DU TRAVAIL DIRIGÉ ... 1

Objectifs du travail dirigé et objectifs d’apprentissage ... 4

MANUSCRIT... 5 Résumé ... 5 INTRODUCTION ... 7 MÉTHODE ... 10 Cadre théorique ... 11 DEMANDE PSYCHOLOGIQUE ... 12

Exigences émotionnelles dans un contexte de décès ... 12

Difficultés rencontrées lors de l’accompagnement ... 16

Manque de personnel ... 19

LATITUDE DÉCISIONNELLE OU AUTONOMIE ... 20

BESOIN DE SOUTIEN ... 22

PISTES D’ACTION RECENSÉES DANS LES ÉCRITS ... 24

PROPOSITION D’UNE STRATÉGIE ORGANISATIONNELLE ... 26

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CONCLUSION ... 34

CONCLUSION DU TRAVAIL DIRIGÉ ... 7

RÉFÉRENCES ... 37

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Liste des figures

Figure 1 : Proposition d’un plan d’intervention en cas de décès………30 Figure 2 : Modèle de Karasek et Theorell………..………43

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Remerciements

La réalisation de ce travail dirigé n’aurait pu se faire sans la collaboration, l’encadrement et l’encouragement de plusieurs personnes qui m’ont entourée et soutenue, tout au long de ce processus, à la fois laborieux et excitant.

Tout d’abord, je remercie sincèrement Mme Marie Alderson, inf., Ph. D., et Mme Marjolaine Héon, inf., Ph. D., directrice et codirectrice, pour leur rigueur, leur encadrement et leurs judicieux conseils et expertise, ainsi que pour m’avoir guidée jusqu’à la finalisation de ce projet. Également, je tiens à remercier Mme Christine Genest, inf., Ph. D., qui a généreusement accepté d’être membre du comité d’approbation et du jury de mon travail dirigé.

Je tiens à remercier mes parents Manuel et Lilian pour leur amour et leurs encouragements tout au long de mes études.

Un merci particulier à mon conjoint Sébastien, pour m’avoir soutenue sans relâche au fil de ce travail, malgré mes nombreuses crises de découragement.

Enfin, je suis reconnaissante envers mes collègues de travail : vos encouragements m’ont grandement motivée à poursuivre mon projet de travail dirigé. Un merci spécial à Monsieur Martin Mercier pour la révision linguistique de ce travail.

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Prendre soin d’une famille, à la naissance d’un enfant, est l’un des plus grands privilèges qu’il soit donné de vivre à une infirmière. Bien que la majorité des naissances se déroule bien, il arrive que certaines connaissent une issue tragique. Avec une mortalité périnatale de 5 pour 1000 naissances au Québec, en 2011 (Institut de la statistique du Québec, 2013), le décès d’un nouveau-né est une situation à laquelle les infirmières en périnatalité sont périodiquement confrontées.

Ce type de décès est généralement considéré comme la forme la plus douloureuse et traumatisante de deuil, car il est soudain, souvent inexpliqué (Chambers et Chan, 2000) et suscite d’importants efforts d’adaptation1 (Hughes, 2003). La douleur, la tristesse, la colère, la culpabilité (Clark Callister, 2006), l’incompréhension, le déni et l’anxiété sont autant d’émotions et d’états que peuvent expérimenter les parents, à la suite d’un deuil périnatal (Hughes, 2003). Au nombre des besoins qu’ils manifestent, on compte notamment celui d’exprimer leurs émotions et d’être soutenus durant ce deuil (Gaze, 2000).

Le décès d’un enfant, en cours de gestation ou dans les jours qui suivent sa naissance, est une épreuve affectant aussi le personnel infirmier : s’occuper des parents qui traversent un tel processus de deuil peut s’avérer difficile et stressant (Chan et Arthur, 2009). Par ailleurs, la complexité de ce travail et l’exigence émotionnelle élevée qui s’y rattache peuvent représenter d’importantes sources de stress pour les membres du personnel concernés car, si chaque perte est unique et dévastatrice pour les parents, ces décès peuvent être des expériences récurrentes pour le personnel infirmier (Wallbank et Robertson, 2008).

Dans ces circonstances, les infirmières sont appelées à prodiguer des soins aux parents endeuillés, et ce, tout en ayant à gérer leurs propres émotions (Mc Creigth, 2005 ; Roehrs, Masterson, Alles, Witt et Rutt, 2008). Vu sa nature, le travail en contexte de décès périnatal pose des problèmes particuliers pour les infirmières qui, devant la souffrance des parents, craignent notamment de montrer leurs émotions, redoutant que ce soit perçu comme un manque de professionnalisme (Bolton, 2000 ; Kaunonen, Tarkka, Hautamaki et Paunonen, 2000), et cette situation constitue évidemment une source de stress (Beck et Gable, 2012 ; Puia, Lewis et Beck, 2013).

1 L’adaptation au deuil périnatal est intense et implique un processus continu et récurrent au cours duquel les parents expérimentent des réactions émotives à des moments où ils ne s’y attendent pas (Cordell et Thomas, 1997).

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Dès l’annonce du décès d’un bébé, les infirmières sont appelées à demeurer plus présentes auprès de ces parents qui ressentent le besoin d’être guidés et accompagnés, au cours du processus de la mort et du deuil qui s’ensuit (Bolton, 2000 ; Puia et al., 2013). Dans une telle situation, la prestation de soins de qualité envers les parents endeuillés constitue un défi délicat à relever pour les infirmières (Roehrs et al., 2008). Les formes d’exigence émotionnelle inhérentes à l’accompagnement de ces parents sont d’ailleurs soulignées par plusieurs auteurs (Beck et Gable, 2012 ; Evans, 2012 ; Roehrs et al., 2008 ; Wallbank et Robertson, 2013).

D’autre part, notons qu’à l’heure actuelle, les preuves scientifiques sont insuffisantes pour statuer sur l’efficacité des différents types d’interventions qui seraient les plus utiles ou nuisibles aux parents endeuillés (Flenady et Wilson, 2009). De plus, des études révèlent un manque criant de connaissances en ce qui concerne le deuil chez les infirmières du milieu périnatal : le fait que le peu de formation qu’elles reçoivent ne semble pas suffire à les protéger contre les effets négatifs de ces événements représente une source de stress additionnelle (Wallbank et Robertson, 2013).

De fait, ces infirmières connaissent peu la problématique du deuil périnatal (MSSS, 2008) et rapportent se sentir démunies, voire incompétentes face à la souffrance des parents (Chan et Arthur, 2009). Enfin, les deuils multiples et l’exposition à la détresse des parents et des familles sont aussi évoqués en tant que sources de stress (Papadatou, 2001). Voilà autant de facteurs qui peuvent nuire à la santé des infirmières œuvrant dans un contexte de décès périnatal.

Comme ces études le démontrent, les infirmières sont confrontées dans leur travail à certains facteurs stressants. En particulier, des facteurs psychosociaux qui gagneraient à être davantage pris en considération. Car, pour le moment, les défis que pose leur travail sont peu ciblés par des interventions de prévention, qui pourraient limiter l’impact négatif de ces facteurs.

Dans le cadre de ce travail dirigé, en étudiant en particulier le cas des infirmières œuvrant en contexte de décès périnatal, seront d’abord documentés ces facteurs psychosociaux, jusqu’ici peu examinés, tels qu’ils se manifestent dans leur environnement de travail, ainsi que leurs effets sur la santé de ces dernières. Cela, afin de pouvoir ensuite proposer une stratégie d’intervention susceptible de contribuer à l’atténuation de ces facteurs stressants.

Le modèle exigences-contrôle-soutien de Karasek et Theorell (1990) a servi de toile de fond pour l’analyse des écrits considérés. L’analyse a été guidée par ses concepts centraux : la demande psychologique, la latitude décisionnelle (ou autonomie) et le soutien de la part des

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collègues et de l’organisation, qui constituent les plus déterminants facteurs psychosociaux d’un environnement de travail.

Leur analyse, comme en témoigne ce travail dirigé, a permis non seulement de recenser les interventions proposées dans les écrits considérés, mais également de proposer une stratégie organisationnelle, visant en particulier à renforcer le soutien organisationnel au sein des unités de périnatalité. La mise en place d’une telle stratégie organisationnelle, sous la forme d’un plan d’intervention en cinq étapes, pourrait vraisemblablement permettre d’atténuer significativement l’impact de ces facteurs stressants.

Objectifs du travail dirigé et objectifs d’apprentissage

Trois objectifs ont été poursuivis tout au long de ce travail dirigé. Le premier était de documenter les facteurs psychosociaux de l’environnement de travail des infirmières œuvrant en contexte de décès périnatal, à partir des écrits théoriques et empiriques. Le second objectif était d’analyser ces facteurs psychosociaux à l’aide du modèle de Karasek et Theorell (1990). Finalement, le troisième objectif était de proposer une stratégie organisationnelle susceptible de contribuer concrètement à l’atténuation de ces facteurs psychosociaux dans un contexte de décès périnatal.

Pour ce qui est des objectifs d’apprentissage, en ce qui concerne ce travail dirigé, ils étaient axés sur l’intégration des connaissances acquises et des compétences développées dans le cadre du programme de maîtrise. Le développement d’un leadership en contexte clinique était aussi recherché, ainsi que le raffinement de nos aptitudes liées à la recherche en sciences infirmières, telles que nos capacités d’analyse et de commentaire critique d’écrits scientifiques.

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Facteurs psychosociaux de l’environnement de travail et leurs effets sur la santé des infirmières œuvrant dans un contexte de décès périnatal

Résumé

Le décès d’un enfant, en cours de gestation ou peu de temps après sa naissance, est un événement qui affecte le personnel infirmier. Alors qu’elles sont confrontées aux émotions intenses des parents, les infirmières du milieu périnatal doivent aussi continuer de prodiguer des soins, et ce, tout en gérant leurs propres émotions. Ce manuscrit a pour but de documenter les facteurs psychosociaux de l’environnement de travail, en contexte de décès périnatal, et leurs effets sur la santé des infirmières, afin de proposer une stratégie organisationnelle susceptible de contribuer à l’atténuation de ces facteurs stressants. Le modèle exigences-contrôle-soutien de Karasek et Theorell (1990) a guidé l’analyse des écrits à l’aide de ses concepts centraux, à savoir : la demande psychologique, la latitude décisionnelle et le soutien de l’organisation et des collègues. Des réflexions exposées dans ce manuscrit, il ressort qu’il serait bénéfique d’améliorer le soutien organisationnel au sein des unités de périnatalité, et de mieux outiller les infirmières face aux défis que posent le décès périnatal et les soins prodigués aux parents endeuillés. En vue d’atténuer les problèmes recensés, une stratégie organisationnelle pertinente sera proposée.

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INTRODUCTION

Avec une mortalité périnatale de 5 pour 1000 naissances au Québec, en 2011 (Institut de la statistique du Québec, 2013), le décès d’un nouveau-né est une situation à laquelle les infirmières en périnatalité sont périodiquement confrontées.

Le décès d’un nouveau-né est généralement considéré comme la forme la plus douloureuse et traumatisante de deuil, car il est soudain, souvent inexpliqué (Chambers et Chan, 2000) et suscite d’importantes difficultés d’adaptation (Hughes, 2003). L’adaptation au deuil périnatal est intense et implique un processus continu et récurrent au cours duquel les parents expérimentent des réactions émotives à des moments où ils ne s’y attendent pas (Cordell et Thomas, 1997). Événement critique pour les parents, cette réalité ne l’est pas moins pour le personnel médical, et particulièrement pour les infirmières en périnatalité, à qui il incombe généralement d’accompagner les parents endeuillés (Gardner, 1999 ; Mc Creight, 2005 ; Puia, Lewis et Beck, 2013).

Le concept de décès périnatal n’est pas défini de façon consensuelle2, dans la littérature scientifique. Pour les fins de la présente recherche, le décès périnatal sera défini comme celui qui se produit lorsqu’il y a interruption non volontaire de grossesse entre la conception et le 28e jour de vie du nouveau-né (Malacrida, 1997 ; Rousseau, 1995).

Sous ses différentes formes, un tel décès périnatal aura des répercussions émotives intenses. Soulignons que soutenir les parents endeuillés est une expérience stressante et exigeante pour les professionnels de la santé (Chan et Arthur, 2009 ; Chan, Chan et Day, 2004 ; Wallbank et Robertson, 2008). En effet, les soins d’accompagnement prodigués par les infirmières, ainsi que le processus de deuil, sont complexes, car les différents aspects de cette réalité, dont l’impact est ressenti par toutes les personnes concernées, comportent une charge émotive importante3 (Gardner, 1999 ; Mc Creight, 2005).

Dès l’annonce du décès périnatal, les infirmières sont appelées à demeurer plus présentes auprès de ces parents qui ressentent le besoin d’être guidés et accompagnés, au cours du processus de la mort et du deuil qui s’ensuit (Bolton, 2000 ; Cormier, 2009 ; Puia, et al., 2013).

2 Bien qu’il survient à la suite d’un décès périnatal, les principales différences entre les définitions renvoient en particulier au nombre de semaines de gestation ou de jours de vie, au moment de la mort du fœtus ou du nourrisson. 3 En même temps que la perte de leur enfant, les parents sont du même coup confrontés à la perte de leurs espoirs, de leurs rêves et de leurs attentes face à celui-ci. Ils perdent une partie d’eux-mêmes, de l’un et de l’autre, de leur famille et de leur avenir (Côté-Arsenault et Dombeck, 2001).

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Dans un tel contexte, la prestation de soins de qualité aux parents endeuillés constitue un défi délicat à relever pour les infirmières (Roehrs, Masterson, Alles, Witt et Rutt, 2008). Les formes d’exigence émotionnelle inhérentes à l’accompagnement de ces parents sont d’ailleurs soulignées par plusieurs auteurs (Beck et Gable, 2012 ; Evans, 2012 ; Roehrs et al., 2008 ; Wallbank et Robertson, 2013).

Certes, au cours des trente dernières années, de nombreux écrits empiriques traitant du deuil périnatal et de ses répercussions sur le vécu du couple ont montré l’ampleur de ses conséquences sur les parents (Badenhorst et Hughes, 2007 ; Callister, 2006 ; Hughes, 2003). Divers besoins qui leur sont spécifiques ont ainsi été recensés, ce qui a permis de mettre en place, au sein des établissements de santé, plusieurs interventions pour les soutenir et répondre à leurs besoins4, avec des résultats probants.

Pourtant, en ce qui concerne le vécu des infirmières, lors de l’accompagnement des parents endeuillés, peu d’auteurs ont décrit précisément ce qu’elles vivent. Ceux qui l’ont fait s’entendent toutefois pour dire que la mort d’un enfant est l’un des deuils les plus difficiles à traverser pour les infirmières, particulièrement lorsque la mort survient subitement ou durant la grossesse (de Wailly-Galembert, Vernier, Rossigneux et Missonnier, 2012 ; Jonas-Simpson, Mc Mahon, Watson et Andrews, 2010 ; Kaunonen et al., 2000).

Il ressort également de certaines études que le soutien dont les infirmières bénéficient dans certains milieux, pour ce type de travail, s’avère déficient (Fenwick, Jennings, Downie, Butt et Okanaga, 2007 ; Murphy et Merell, 2009). Par ailleurs, elles sont aussi confrontées à des défis de taille en ce qui a trait à la concertation interprofessionnelle et au travail d’équipe, en particulier lorsque des désaccords surviennent à l’égard des soins spécifiques à prodiguer à la patiente.

Comme ces études le montrent, les infirmières sont confrontées dans leur travail à des tâches complexes, comportant une part d’incertitude, et se voient occasionnellement submergées par des sentiments auxquels elles ne s’attendaient pas lorsqu’elles s’occupent des parents endeuillés. Elles vivent ces réalités comme d’importants facteurs de stress. Pourtant, jusqu’ici, peu d’interventions concrètes ont été mises de l’avant en vue de contribuer à l’atténuation de ces facteurs de stress.

À la lumière de ces considérations, il s’avère pertinent d’identifier ces facteurs de stress, plus particulièrement les facteurs psychosociaux spécifiques à cet environnement de travail qui

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mettent le plus significativement à l’épreuve ces travailleuses et qui risquent d’entraîner chez elles des problèmes de santé.

Les facteurs psychosociaux de l’environnement de travail désignent l’ensemble des facteurs organisationnels, ainsi que les relations interpersonnelles qui peuvent exercer un impact sur la santé du personnel (Vézina, Bourbonnais, Brisson et Trudel, 2006). Les recherches traitant de la santé au travail, chez les infirmières, révèlent que certains facteurs psychosociaux de l’environnement de travail contribuent au développement de problèmes de santé mentale (Bourbonnais, Brisson, Vinet, Vézina, Abdous et Gaudet, 2006 ; Fillion, Desbiens, Truchon, Dallaire et Roch, 2011), tels que la dépression et la détresse psychologique (Bourbonnais et al., 2006). D’autre part, des études mettent en lumière le fait que des secteurs spécifiques des soins infirmiers, en particulier la périnatalité, sont davantage touchés par des sources de stress spécifiques lorsqu’un décès survient (Beck et Gable, 2012 ; Puia et al., 2013 ; Roehrs et al., 2008 ; Wallbank et Robertson, 2013). Certains auteurs affirment d’ailleurs que ces agents stressants et leurs effets sur la santé peuvent être considérables (Beck et Gable, 2012 ; Ben Ezra, Palgi, Walker, Many et Haman-Raz, 2013 ; Wallbank et Robertson, 2013).

Dans cet esprit, en étudiant en particulier le cas des infirmières œuvrant en contexte de décès périnatal, ce manuscrit aura d’abord pour but de documenter ces facteurs psychosociaux, tels qu’ils se manifestent dans leur environnement de travail, ainsi que leurs effets sur la santé de ces dernières, afin de pouvoir, ensuite, proposer une stratégie d’intervention susceptible de contribuer à l’atténuation de ces facteurs stressants.

En nous appuyant sur le modèle de Karasek et Theorell (1990), qui a permis de faire ressortir le rôle important joué par des facteurs psychosociaux précis dans divers milieux de travail, nous aborderons maintenant plus à fond, à l’égard du milieu infirmier, les particularités de :

a) la demande psychologique relative aux soins de deuil, vu la difficulté d’accompagner les familles endeuillées, notamment dans un contexte de manque de personnel ;

b) les défis posés par la latitude décisionnelle, dans un contexte de manque de formation à l’égard du décès périnatal ;

c) le besoin d’un soutien continu de la part des gestionnaires et des collègues dans l’environnement de travail, lorsque les infirmières sont soumises aux stress spécifiques du décès périnatal.

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MÉTHODE

La recension des écrits a été réalisée à partir des bases de données suivantes : MEDLINE,

ALL EBM Review-Cochrane DSR, PsycINFO et CINHAL, en ciblant les publications en anglais

et en français. Afin de recenser les écrits pertinents à l’égard de notre objet d’étude, les mots-clés utilisés ont été les suivants : perinatal death (décès périnatal), grief (deuil), psychosocial factors (facteurs psychosociaux), work environment (environnement de travail), stress (stress), nurses (infirmières), obstetric nurses (infirmière en obstétrique). Précisons que les critères suivants : « latitude décisionnelle », « demande psychologique », « soutien », qui auraient constitué des mots-clés pertinents, n’ont toutefois pas été retenus, puisqu’ils ne permettaient pas d’isoler les articles recherchés. Par contre, avec l’emploi du terme « facteurs psychosociaux », des écrits abordant ces aspects ont aisément pu être repérés.

Étant donné le traitement relativement récent de notre objet d’étude dans les écrits scientifiques, aucune restriction de recherche n’a été établie quant aux dates de parution. Ainsi, les articles retenus ont été publiés entre 1997 et 2014. Ces principaux critères d’inclusion et d’exclusion ont permis de cibler des études pertinentes à la problématique. Un total de 57 articles scientifiques ont étés identifiés. Après examen, tous les articles abordant le décès périnatal sans traiter de l’expérience des infirmières ont toutefois été rejetés, considérés comme non pertinents. Nous avons par la suite étudié les listes des références des articles restants pour en extraire les articles les plus pertinents.

Au total, 27 écrits ont été retenus. Parmi ces écrits, 23 proviennent d’études empiriques et 4 d’écrits théoriques. Les articles empiriques retenus constituent majoritairement des recherches d’approche qualitative, de niveau exploratoire ou descriptif. Les études recensées portent sur les infirmières de différents continents et un large éventail de pays : Australie, Canada, Israël, Chine, Singapour, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis.

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Cadre théorique

Le cadre théorique préconisé pour analyser les écrits et structurer la recension est le modèle « demande-contrôle-soutien » ou modèle de la tension au travail de Karasek et Theorell (1990). Il a été développé par Robert Karasek (1979) afin d’identifier les contraintes de l’environnement psychosocial au travail et leurs impacts sur la santé, puis complété avec la collaboration de Theorell (1990) pour y ajouter la prise en compte de la dimension du soutien. Ce modèle repose sur le croisement de certains facteurs qui, d’après Karasek et Theorell (1990), permettent d’évaluer les contraintes ressenties par les travailleurs, dans leur milieu professionnel : il s’agit de la demande psychologique au travail, de la latitude décisionnelle et du soutien social. Ce modèle stipule que les personnes disposant d’un faible niveau d’autonomie décisionnelle, soumises à une forte demande psychologique et bénéficiant d’un faible soutien social au travail, sont susceptibles de développer un sentiment d’impuissance qui les prédispose aux risques de stress (Karasek et Theorell, 1990).

L’intérêt de ce modèle, pour notre analyse, réside dans le fait qu’il permet de documenter les sources de stress provenant de l’environnement, particulièrement le caractère stressant d’une situation de travail comme le deuil périnatal. Ce modèle s’avère donc pertinent, puisqu’il fournit un cadre théorique utile au recensement, dans les écrits, des principaux facteurs propres à un environnement de travail donné, ainsi que les effets potentiels de ceux-ci sur la santé des infirmières qui prennent soin de parents endeuillés. De plus, il fournit un cadre théorique approprié au développement et à la mise en œuvre de recommandations visant à préserver la santé mentale des infirmières dans un contexte de décès périnatal.

Dans les prochaines sections de ce travail, seront successivement abordés plus en détail ces trois facteurs psychosociaux : la demande psychologique (exigences émotionnelles en contexte de décès, difficultés rencontrées lors de l’accompagnement de parents endeuillés, effets du manque de personnel) ; la latitude décisionnelle ou autonomie ; ainsi que le besoin de soutien de la part de l’organisation et des collègues. Nous passerons ensuite en revue les propositions d’intervention suggérées dans les écrits, puis décrirons la stratégie organisationnelle proposée, avant de discuter des forces et limites de cette recension.

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DEMANDE PSYCHOLOGIQUE

Selon Karasek et Theorell (1990), la demande psychologique fait référence à la quantité de travail, aux contraintes de temps, à la complexité de la tâche et aux exigences émotionnelles associées au travail. Dans cette section, il sera question des exigences émotionnelles dans un contexte de décès périnatal, des difficultés rencontrées lors de l’accompagnement des parents ayant perdu un enfant, ainsi que du manque de personnel ; autant de thèmes intimement liés à la demande psychologique et pouvant constituer des sources de stress chez les infirmières travaillant en périnatalité.

Exigences émotionnelles dans un contexte de décès

Les soins dispensés dans un contexte de décès périnatal sont particuliers et empreints d’émotions. Cette charge émotive peut être très difficile à assumer, et s’accompagne d’un certain malaise chez ces professionnels qui, s’attendant à partager les joies entourant la naissance, se retrouvent à côtoyer la mort (Goldbort, Knepp, Mueller et Pyron, 2011). En effet, dans un milieu de travail où participer aux naissances normales représente l’activité essentielle des professionnels, mais où l’éventualité de décès peut surgir de manière fortuite, contribue à affecter le rôle de tout intervenant œuvrant en périnatalité (Goldbort et al., 2011 ; McCreight, 2005). De fait, confrontées à la douleur et au désespoir des parents vivant un décès périnatal, les infirmières peuvent éprouver, lors des soins liés à l’accompagnement de ceux-ci, un vif sentiment de détresse émotionnelle, face à la souffrance des parents.

De nombreux écrits mettent d’ailleurs en évidence le fait que le travail en contexte de décès périnatal se caractérise par une charge émotionnelle élevée, comportant un risque de détresse, lorsque ces employés sont confrontés à la douleur des parents (Beck et Gable, 2012 ; Ben Ezra et al., 2013 ; Fenwick et al., 2007 ; Jonas-Simpson, Pilkington, MacDonald et McMahon, 2013 ; Puia et al., 2013 ; Wallbank et Robertson, 2013). En effet, le contact avec des personnes ressentant ou exprimant une forte souffrance est de nature à engendrer, chez les infirmières, des réactions psychologiques telles que des images et des pensées récurrentes du décès pouvant contribuer à induire un stress traumatique secondaire (Beck et Gable, 2012). Ce risque est aggravé lorsqu’elles sont placées dans une situation d’impuissance, sans possibilité d’agir pour supprimer ou alléger la souffrance dont elles sont témoins (Bolton, 2000 ; Wallbank et Robertson, 2008).

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En outre, dans leur étude quantitative menée au sein d’unités d’obstétrique au Royaume-Uni, afin de déterminer le niveau de détresse associé au fait de prendre soin de la mère, après un décès périnatal, Wallbank et Robertson (2013) rapportent que les médecins et les infirmières éprouvent eux aussi une détresse similaire à celle ressentie par leurs collègues œuvrant en oncologie ou aux soins palliatifs, par exemple. De fait, ces auteurs observent que 80% des répondants présentaient en termes de signes cliniques, des symptômes de détresse, allant de moyen à sévère, selon l’outil de mesure Impact of Event Scale (IES)5. Toujours d’après Wallbank et Roberston (2013), pour composer avec ces situations et atténuer la perception de la souffrance, certaines des stratégies d’adaptation que tendent à employer les professionnels de la santé, telles que le fait de se blâmer à l’égard du décès survenu, de recourir au déni et au désengagement, augmenteraient le niveau de stress chez ces travailleurs. En effet, selon ces auteurs, les professionnels qui ont tendance à se considérer en partie responsable du décès parviendront à faire face à la situation, mais aux dépens de leur estime de soi et de leur sentiment de compétence. Notamment, ces chercheurs ont constaté que de telles stratégies peuvent exacerber les effets négatifs des agents stressants du milieu, et accroître la morbidité psychologique.

Dans le même ordre d’idées, Ben Ezra et ses collaborateurs (2013) ont mené une étude quantitative longitudinale traitant de l’impact du décès périnatal sur les infirmières et ont observé que celles-ci présentaient des symptômes de stress aigu, suivant le décès d’un bébé : troubles du sommeil, difficultés de concentration, changements émotionnels correspondant à un mélange de colère, d’irritabilité et de déprime. Selon ces auteurs, les infirmières sont davantage susceptibles d’être affectées, des suites d’un décès périnatal, en raison de leur éthique professionnelle, c’est-à-dire de l’empathie qu’elles entretiennent envers les patientes, et vu qu’elles s’identifient à ces femmes en deuil, puisqu’elles aussi sont avant tout des femmes et parfois des mères.

L’étude de Beck et Gable (2012) réalisé aux États-Unis auprès des infirmières œuvrant en périnatalité, et portant sur la prévalence et la sévérité du stress traumatique secondaire (STS), à la suite d’un événement traumatique. Les auteurs en ont conclu que le décès périnatal ressort comme l’expérience la plus traumatisante, chez ces travailleuses. En effet, Beck et Gable (2012) mentionnent que le STS constitue un risque professionnel pour les infirmières qui, vu la nature de

5 Échelle utilisée afin d’évaluer les intrusions et les comportements d’évitement suite à un stress subit lors d’un événement stressant.

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leur travail, assistent à des situations où ils doivent prendre en charge les réactions émotionnelles aiguës et profondes des patients qui traversent des expériences traumatisantes. Autrement dit, pour Beck et Gable (2012), l’exposition continue et immédiate aux traumatismes de certaines situations cliniques vécues par les infirmières en périnatalité, particulièrement le décès périnatal, fait vivre à celles-ci une accumulation de réponses psychologiques face à des événements aussi intenses qu’inhabituels. Celle-ci peut les mener à développer des symptômes de STS.

À cet égard, dans une étude exploratoire qualitative réalisée au Canada et portant sur l’expérience des infirmières qui prennent soin des parents endeuillés, Jonas-Simpson et ses collaborateurs (2010) mentionnent que, contrairement aux infirmières œuvrant en oncologie, en soins palliatifs et dans les unités de soins intensifs, le fait d’être confronté à d’éventuels décès n’est pas caractéristique de la pratique quotidienne des infirmières en périnatalité.

Cette distinction est importante à établir car, lorsqu’un décès survient soudainement et de façon inattendue, les réactions émotives se révèlent plus intenses et complexes pour le personnel infirmier (Onstott, 1998). De fait, dans les circonstances où le décès se produit de manière inattendue, les infirmières n’ont pas le temps d’analyser la situation. Les familles affectées par cet évènement ressentent un important besoin de réconfort psychologique, émotif et spirituel, auquel les infirmières sont aussitôt appelées à répondre (Bolton, 2000 ; Murphy et Merrell, 2009 ; Wallbank et Robertson, 2008). De plus, les infirmières peuvent dans un premier temps vivre, par exemple, le retentissement émotionnel du diagnostic lors d’une échographie révélant l’absence de battements du cœur fœtal (Puia et al., 2013) puis, de nouveau, revivre ce choc au moment de l’annonce du décès par le médecin aux parents (de Wailly-Galembert et al., 2012). Elles doivent alors être témoins de ces faits troublants, tout en gérant leurs propres émotions (Gardner, 1999 ; Mc Creight, 2005 ; Puia et al., 2013 ; Roehrs et al., 2008). Au nombre de celles-ci, sont ressenties, entre autres, de la frustration, de l’impuissance, de l’incertitude (Gardner, 1999 ; Garel et al., 2008 ; Puia et al., 2013) et de la culpabilité (Ben Ezra et al., 2013 ; Puia et al., 2013 ; Wallbank et Robertson, 2013).

L’étude de Puia et ses collaborateurs (2013), qui s’est attardée à l’expérience vécue par des infirmières présentes lors d’un décès périnatal, a permis de mieux comprendre les sentiments ressentis par ces travailleuses de la santé, dans ce type de situation. Les participantes à cette étude ont exprimé, de manière unanime, un certain retentissement et un mélange d’émotions lors de la prise en charge des patientes confrontées à la perte de leur bébé. Les plus fréquemment ressenties

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étaient la solitude, la tristesse, la colère et l’impuissance. Par ailleurs, des symptômes physiques ont également été signalés, tels que des maux de tête, tensions musculaires et pertes d’appétit, accélération du rythme cardiaque. En outre, ces auteurs soulignent que les sentiments ressentis par les infirmières étaient différents d’une situation à l’autre. Par exemple, elles ne réagiront pas de la même manière face à une mort néonatale inattendue, c’est-à-dire lorsque le décès d’un bébé survient dans les quatre premières semaines suivant la naissance (Collège des médecins, 2002), car celle-ci est généralement plus traumatisante que la découverte de la mort fœtale, qui est le décès intra-utérin du fœtus (Collège des médecins, 2002).

Dans les situations de mort néonatale, Puia et ses collaborateurs (2013) constatent qu’en plus de se culpabiliser, les infirmières ressentent le besoin de rejeter la faute sur quelqu’un : que ce soit sur elles-mêmes, le médecin, la patiente ou un autre membre du personnel, alors considéré comme responsable de la mort de l’enfant. Elles se questionnent sur une possible négligence en matière de sécurité ou de qualité des soins, et redoutent que cet éventuel manquement ait pu mener à l’issue tragique (Puia et al., 2013). Autrement dit, les doutes entretenus quant au caractère adéquat des soins prodigués engendre un sentiment de culpabilité, chez certaines. Alors que, devant un cas de mort fœtale, les infirmières, au lieu de se sentir responsables et de se culpabiliser, considèrent plutôt que ces couples méritent des soins de qualité et empreints d’empathie. Elles tendent alors à se sentir impuissantes et frustrées, lorsqu’elles sont incapables de prodiguer des soins compatissants (Puia et al., 2013).

Dans une étude qualitative réalisée sur la souffrance ressentie par les sages-femmes en contexte de deuil, de Wailly-Galembert et ses collaborateurs (2012) concluent également que la demande émotionnelle est élevée, lors des morts fœtales, mais qu’elle le serait plus encore lors des morts néonatales précoces. Cela, en particulier à cause du doute qui peut subsister à l’endroit d’une éventuelle faute professionnelle, comme il en a été question plus haut. De plus, pour ces auteurs, ce qui rend le décès périnatal davantage traumatisant, c’est l’absence d’anticipation. Et lorsque l’anticipation est possible, notamment dans les cas d’interruption thérapeutique de grossesse (ITG), c’est l’accumulation de cas semblables qui devient une source de souffrance pour ces travailleuses de la santé (de Wailly-Galembert et al., 2012). Les situations décrites dans cette étude semblent très similaires à celles vécues également par les infirmières et, par ailleurs, l’aspect relationnel (qualité du rapport humain cultivé avec la patiente, approche familiale) de

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leur travail paraît justifier la transférabilité de ces résultats d’étude, du contexte de pratique des sages-femmes vers celui des infirmières.

Difficultés rencontrées lors de l’accompagnement

Les infirmières sont présentes à chaque étape, de l’annonce du décès ou de la malformation du fœtus (dans le cas des ITG), en passant par les phases du travail (de la dilatation du col de l’utérus à l’expulsion du fœtus ou du bébé et du placenta), jusqu’au congé donné à la mère (Bolton, 2000). Évidemment, cet accompagnement n’est pas sans conséquences sur leur état d’esprit (Bolton, 2000).

Comme il en a déjà été question, certaines recherches ont révélé que le décès d’un bébé est un évènement significatif pour toutes les personnes concernées et qu’il engendre des répercussions sur la vie des infirmières en périnatalité, tant sur le plan personnel que professionnel (De Montigny et Beaudet, 1997 : Jonas-Simpson, Pilkington, MacDonald et Mc Mahon, 2013 ; Wallbank et Robertson, 2008). Pour certaines infirmières, cet incident empreint d’une charge émotive se transpose dans leur vie privée : elles s’isolent et refusent de parler de leur travail à l’extérieur de leur milieu professionnel (Jonas-Simpson et al., 2013). D’autres manifestent des comportements de surprotection envers leurs enfants (De Montigny et Beaudet, 1997 ; Jonas-Simpson et al., 2013), affirment être plus conscientes de la fragilité de la vie, et disent apprécier davantage leur famille (Jonas-Simpson et al., 2013). Sur le plan professionnel, l’accompagnement des familles endeuillées aura toutefois une incidence sur les connaissances, les sentiments, les attitudes et les habiletés de l’infirmière, et sera souvent perçu comme une expérience enrichissante, dont certaines ressortent grandies (Simpson et al., 2013 ; Jonas-Simpson et al., 2010 ; Kain, 2012 ; Roechrs et al., 2008).

L’étude qualitative descriptive de Roehrs et collaborateurs (2008), réalisée auprès d’un groupe d’infirmières américaines, a également permis de valider la complexité des soins à prodiguer en contexte de deuil. Il ressort de cette recherche que des sentiments de tristesse peuvent submerger les infirmières, qui tendront alors à se sentir inaptes à affronter la situation. Lorsqu’elles savent qu’elles auront à côtoyer des mères qui éprouvent les conséquences d’un décès, les infirmières ressentent un malaise émotionnel d’une telle intensité que, parfois, certaines en viennent à craindre de débuter leur quart de travail. Les infirmières citées dans cette étude insistent sur le fait que la prise en charge de ces couples mobilise beaucoup d’énergie et requiert

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une disponibilité importante, parfois incompatible avec toutes les autres activités qui leur incombe dans les unités de périnatalité (Roehrs et al., 2008).

À ce titre, les auteurs constatent que certaines infirmières se sentent tellement dépassées par les exigences liées à l’accompagnement de parents aux prises avec un décès périnatal, qu’elles préfèrent se concentrer sur différentes tâches techniques et administratives, plutôt que sur l’aspect humain, et que cela peut même les pousser à négliger de prodiguer des soins relationnels6 qui seraient pourtant de mise. L’adoption d’une telle attitude affecte inéluctablement la qualité des soins qu’elles offrent aux familles. De plus, certaines infirmières peuvent tendre à s’éloigner de ces familles (Chan et Arthur, 2009 ; Chan et al., 2004 ; Gardner, 1999 ; Roehrs et al., 2008), dans le mesure où le désarroi exprimé par les proches du défunt bébé est susceptible de provoquer un grand inconfort chez elles (Chan et Arthur, 2009 ; Evans, 2012).

Par ailleurs, le travail des infirmières en périnatalité est sujet à des interruptions fréquentes, qui relèvent souvent de la nécessité de répondre à une situation perçue comme prioritaire par le personnel médical (par exemple, s’occuper d’une patiente qui accouche d’un bébé vivant, versus prendre soin de la mère d’un fœtus décédé). Un tel contexte exige, de leur part, d’adapter rapidement leurs paroles et attitudes, chaque fois qu’elles passent d’une patiente à l’autre (Garel et al., 2008), ce qui implique des efforts d’ordre affectif, cognitif et comportemental additionnels (Fenwick et al., 2007 ; Roehrs et al., 2008).

En effet, prendre en charge simultanément une patiente s’apprêtant à accoucher et une autre vivant un deuil périnatal, entraîne des situations amenant parfois les infirmières à agir en contradiction avec leur propre état intérieur (Roehrs et al., 2008). Elles doivent, par exemple, s’efforcer d’afficher un sourire auprès d’une nouvelle maman, alors qu’elles ressentent de la peine pour une autre qui vient de perdre son enfant. Notons, à ce titre, que le fait de se sentir heureux et triste en même temps augmente les tensions psychiques (Roehrs et al., 2008).

Enfin, il arrive quelquefois que, face à la détresse des patientes, les infirmières soient submergées par leurs propres émotions (Mc Creight, 2005 ; Roehrs et al., 2008). Elles éprouvent alors de l’anxiété et de la peur. Le contact avec la mort est, pour plusieurs d’entre elles, anxiogène ; parfois, l’anxiété alors ressentie les amène d’ailleurs à revivre des deuils personnels ou à appréhender d’éventuels décès périnataux (Gardner, 1999 ; Wallbank et Robertson, 2008).

6 De fait, diverses études rapportent qu’en raison de la charge émotive associée au décès périnatal, certaines infirmières ne prennent que le temps de s’occuper des besoins physiques immédiats des parents endeuillés (Wallbank et Roberston, 2013 ; McCreight, 2005).

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Quant aux peurs qui se manifestent, il s’agit souvent de celle de ne pas savoir quoi dire, mais aussi de celle liée à la possibilité que leurs gestes et paroles soient mal interprétés par les familles endeuillées ; autant d’aspects qui représentent un stress additionnel (Fenwick et al., 2007 ; Modiba, 2008 ; Roehrs et al., 2008).

Une autre dimension de l’accompagnement qui est un important stresseur pour les infirmières, est la prise en charge du corps du bébé (Bolton, 2000). En effet, en plus de vivre de près le deuil des parents, les infirmières font face à l’incertitude qui réside dans la prise en charge éventuelle de l’enfant, si des chances subsistent que ce dernier soit encore vivant, à la naissance (de Wailly-Galembert et al., 2012 ; Garel et al., 2008 ; Mc Creight, 2005). Passant de la peur de se trouver devant un fœtus possédant toujours des signes de vies à la crainte d’un démembrement du corps lors de l’accouchement, dans les cas de certaines pathologies ou de morts fœtales anciennes, l’accueil du corps est souvent source d’appréhension (Beck et Gable, 2012 ; Bolton, 2000). Manipuler le petit corps défunt, l’habiller pour le présenter aux parents et le prendre en photo, constitue aussi une démarche délicate pour les infirmières (Bolton, 2000). La peur de le toucher, et la crainte qu’il ne se disloque rendent la prise en charge du corps difficile (Bolton, 2000 ; de Wailly-Galembert et al., 2012). Certaines mettent des gants pour s’en occuper, contrairement à ce qui est d’usage, lorsqu’il s’agit d’un bébé vivant. Les infirmières ont, par ailleurs, souvent la délicate et prévenante tâche de recueillir des souvenirs, permettant aux parents de se rappeler de l’enfant défunt, comme des photos prises avant et après la mort ; les empreintes des pieds et des mains trempés dans l’encre ou dans le plâtre ; un bracelet d’identification ou un relevé du poids et de la taille du bébé à la naissance (Bolton, 2000 ; Société canadienne de pédiatrie, 2001). Durant cette prise en charge du corps, certaines infirmières affirment se sentir très seules (Bolton, 2000 ; de Wailly-Galembert et al., 2012). Pour certaines, ces situations restent d’ailleurs gravées dans leur mémoire, malgré le fait que plusieurs années se soient écoulées, depuis l’évènement (Puia et al., 2013).

À cet accompagnement, s’ajoutent certaines règles, protocoles et tâches administratives exigés des infirmières. Autant d’éléments qui viennent alourdir les soins liés à l’accompagnement de personnes vivant un deuil périnatal. De fait, Fenwick et al. (2007) et Roechrs et al. (2008) constatent que la complexité de la documentation à compléter lors d’un décès augmente le stress, et crée de la frustration chez les infirmières. En d’autres termes, les infirmières semblent éprouver comme une contrainte supplémentaire cet aspect administratif de leur métier, parfois en

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décalage avec le vécu actuel de la patiente. Par exemple, faire signer l’autorisation d’autopsie ou la demande d’obsèques leur semble inapproprié, durant le processus d’expulsion d’un fœtus décédé, et les mène surtout à craindre de faire une nouvelle fois violence à la patiente (de Wailly-Galembert et al., 2012).

En somme, s’occuper des parents endeuillés et du bébé décédé oblige les infirmières à considérer non seulement les soins médicaux qu’elles leur prodiguent, mais aussi, à les accompagner face à cette éprouvante situation (Bolton, 2000). Cet accompagnement exige, de la part des infirmières, une grande compétence professionnelle, mais aussi des qualités humaines : écoute, disponibilité, respect, engagement émotionnel (Bolton, 2000).

Manque de personnel

D’autre part, on peut noter que la demande psychologique est alourdie par la pénurie de personnel infirmier. À cet effet, dans une étude descriptive, Modiba (2008) indique que la quantité de travail et le manque de personnel sont des facteurs inhérents dans les unités de soins. Les unités de périnatalité n’échappent pas à ces contraintes, qui contribuent à augmenter le stress et l’anxiété, lorsqu’il y a un décès. Cette situation de pénurie de personnel permet difficilement de faire face aux exigences, en matière de soins, liées aux demandes spécifiques des parents endeuillés (Modiba, 2008 ; Murphy et Merrell, 2009 ; Wallbank et Robertson, 2008). En conséquence, il est ardu de créer ou de maintenir une relation thérapeutique avec les patientes. Ainsi, dans bien des cas, les infirmières n’ont pas le sentiment de faire convenablement leur travail (Fenwick et al., 2007 ; Murphy et Merell, 2009).

La prise en charge des parents endeuillés présente aussi des défis éthiques, pour les infirmières, enjeux qui vont à l’encontre de la réalité des milieux qui est fortement axée sur l’efficience des soins (McCreight, 2005). Dans une étude qualitative portant sur le ressenti des infirmières, McCreight (2005) observe que celles qui interviennent auprès des familles endeuillées considèrent que c’est leur rôle d’accompagner les parents dans le processus de deuil. Cependant, vu la charge de travail caractéristique du milieu dans lequel elles évoluent, il est difficile de prendre le temps de s’occuper de ces parents endeuillés (McCreight, 2005 ; Murphy et Merell, 2009).

Par conséquent, certaines risquent de se sentir impuissantes face à divers aspects de leurs fonctions et d’éprouver des difficultés à préciser leur rôle véritable dans ce contexte de soins,

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impliquant soudain l’accompagnement de parents vivant un deuil périnatal (McCreight, 2005). En fait, on demande d’une part aux infirmières de mieux soutenir les parents endeuillés mais, d’autre part, on réduit les effectifs ; on exige des soins de qualité de la part des infirmières, mais elles ne sont toutefois pas libérées de certaines tâches (De Montigny et Beaudet, 1997 ; Wallbank et Robertson, 2008). Cette situation quelque peu contradictoire, vécue par l’infirmière, influence négativement son état psychologique, engendrant stress et démotivation au travail ; elle mine sa performance et surtout, affecte la qualité des services qu’elle rend aux parents (Wallbank et Robertson, 2008).

À la lumière des écrits consultés, on constate qu’assurer les soins de deuil, en plus de leurs tâches régulières, nécessite de la part des infirmières une grande capacité d’adaptation, leur fait ressentir une myriade de sentiments intenses et les soumet encore plus fortement aux effets de la pénurie de personnel. Autant d’aspects caractéristiques d’un environnement de travail exerçant une demande psychologique élevée sur le personnel.

LATITUDE DÉCISIONNELLE OU AUTONOMIE

Selon Karasek et Theorell (1990), la latitude décisionnelle comporte deux sous-dimensions : l’utilisation des compétences et l’autonomie décisionnelle. La première réfère aux opportunités qu’a un employé d’utiliser et de développer pleinement ses compétences ; la deuxième correspond à la marge de manœuvre dont dispose un travailleur, en ce qui a trait à la manière de faire son travail, et à sa participation aux décisions qui s’y rattachent.

Des écrits considérés, il ressort que les infirmières sont peu préparées pour répondre aux besoins des parents ayant perdu leur enfant (Chan et al., 2004 ; Chan et Arthur, 2009 ; Evans, 2012 ; Mc Creight, 2005 ; Roechrs et al., 2008). C’est pourquoi elles se sentent fort démunies lorsqu’elles doivent faire face à une situation où elles constatent leur impuissance en tant qu’intervenantes. Notamment, lorsqu’elles accompagnent la famille endeuillée, les infirmières sont confrontées à leurs propres limites et peuvent alors douter de leur habileté à offrir de l’aide (Gold, Kuznia et Hayward, 2008). Dans le même esprit, Jonas-Simpson et ses collaborateurs (2010) énoncent que les infirmières craignent aussi de ne pas être à la hauteur et de commettre des maladresses lors de la dispensation des soins aux familles.

Pour leur part, dans une étude phénoménologique, Montero et al. (2011) rapportent que les infirmières se perçoivent comme n’étant pas assez bien outillées pour venir en aide aux

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besoins des parents endeuillés. Selon ces auteurs, les infirmières ne sont pas, non plus, suffisamment préparées émotionnellement pour prendre soin des parents traversant une telle épreuve. Certains chercheurs notent que la formation des infirmières les prépare peu, voire pas du tout, au fait d’être exposées à la mort dans le cadre de leur pratique et d’avoir à gérer la charge émotionnelle qu’impliquent les soins offerts dans ce contexte particulier (Chan et Arthur, 2009 ; Chan et al, 2006 ; Gardner, 1999 ; Jonas-Simpson et al., 2010 ; McCreight, 2005 ; Roehrs et al., 2008 ).

Wallbank et Robertson (2008), dans leur recension des écrits, indiquent quant à eux qu’il est en effet difficile, complexe et émotionnellement drainant pour les infirmières d’exercer leur travail dans un environnement où l’intensité des soins s’avère manifeste et où le degré de la charge émotive des parents endeuillés est élevé, sans avoir reçu, au préalable, une formation adéquate. Par ailleurs, dans une étude australienne portant sur les aspects « facilitants » et « non facilitants » des soins de décès périnatal, Fenwick et al. (2007) concluent également que le manque de confiance ressenti par les infirmières, au moment de prodiguer des soins auprès des parents endeuillés a entraîné, chez les participantes, la sensation que des soins de qualité n’ont pas toujours été dispensés. Des sentiments de peur, d’angoisse et d’impuissance ont été également rapportés par les participantes à l’étude, et plusieurs d’entre elles ont demandé des conseils à des chefs religieux, en dehors de l’hôpital (Fenwick et al., 2007). Ainsi, le fait de ne pas avoir l’occasion de développer suffisamment ses compétences professionnelles, à l’égard de ces problématiques, place l’infirmière dans une situation qui favorise une dévalorisation progressive, entraîne de l’angoisse et s’avère propice à la dépréciation de soi (McQueen, 1997).

À cet effet, dans leur étude quantitative descriptive réalisée au Singapour auprès de 185 infirmières, portant sur les attitudes de celles-ci envers les soins de deuil périnatal, Chan et Arthur (2009) ont constaté que les infirmières étaient plus susceptibles d’adopter des attitudes positives à l’égard des soins de deuil périnatal si elles possédaient des croyances religieuses, ou si elles entretenaient une bonne opinion à l’égard des politiques de l’hôpital et s’avéraient satisfaites de la formation dispensée en matière de soins de deuil. En général, 96% des participantes regrettaient de manquer de connaissances à ce sujet et affirmaient ressentir un besoin de formation sur les soins de deuil périnatal auprès des parents endeuillés et, plus particulièrement, vouloir acquérir davantage de connaissances et développer des compétences afin d’éprouver une autonomie accrue dans l’exercice de leurs fonctions.

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Par ailleurs, Puia et al. (2013) mentionnent que certaines situations de travail vont à l’encontre de la vision des infirmières, à l’égard des soins qu’il leur incomberait de dispenser. Par exemple, un médecin peut exiger qu’on attende quelques heures avant d’accélérer le processus d’accouchement chez une mère dont le fœtus a été déclaré mort, alors que l’infirmière souhaiterait accéder au désir de la parturiente d’expulser dès que possible le cadavre hors de son corps. Les auteurs notent que ce type de situations génère, chez l’infirmière, le sentiment que des mesures appropriées, en termes de soins, n’ont pu être prises auprès de certaines patientes. Cette étude révèle que de tels facteurs augmentent l’impact émotionnel négatif ressenti par les infirmières, qui éprouvent alors de l’amertume et de la colère envers les médecins durant ces situations (Puia et al., 2013). Il ressort de tels différends que la sensation des infirmières, quant à la perception de leur latitude décisionnelle en matière de soins, risque de s’en trouver d’autant affectée.

BESOIN DE SOUTIEN

Le soutien se compose de l’ensemble des interactions sociales se déroulant sur le lieu de travail, tant avec les collègues qu’avec leurs supérieurs hiérarchiques (Karasek et Theorell, 1990). Selon ce modèle, l’aide et la collaboration de la part des supérieurs et des collègues feraient en sorte que la tension au travail aurait moins d’effets sur la santé des travailleurs. Le soutien social contribuerait à atténuer la tension au travail (Karasek et Theorell, 1990).

À ce sujet, les résultats de l’étude qualitative de Gardner (1999), réalisée auprès d’infirmières œuvrant en périnatalité dans trois pays différents (États-Unis, Royaume-Uni et Japon), révèlent que les infirmières ont besoin d’être soutenues à la fois spirituellement, psychologiquement et émotionnellement, afin de pouvoir à leur tour prêter assistance aux parents endeuillés. Par ailleurs, après s’être occupées de ces derniers, les infirmières doivent disposer de temps pour se recentrer et donner un sens à cette situation (Simpson et al., 2013 ; Jonas-Simpson et al., 2010 ; Kain, 2012 ). D’autres études révèlent que celles-ci ont souvent exprimé le besoin de discuter des événements survenus mais que, dans les unités de périnatalité, il s’avérait généralement difficile de donner suite à leur demande, faute de temps et de personnel (Kain, 2012 ; Puia et al., 2013 ; Roechr et al., 2008).

À cet égard, plusieurs infirmières soulignent que leur charge de travail habituelle ne favorise pas la création d’un contexte leur permettant de s’arrêter un moment sur ce qui a été

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vécu en rapport avec un décès périnatal (McCreight, 2005). Jonas-Simpson et al. (2010) soutiennent que, chez les infirmières qui réussissent à parler à des compagnes de travail, la compréhension et l’écoute reçues de la part de leurs collègues leur accordaient un moment pour prendre du recul et se ressaisir. Ces auteurs observent que les infirmières expriment également le besoin de s’arrêter et de se prendre en main après avoir s’être occupées d’une famille qui a connu un décès. Mais les réalités du milieu font qu’elles risquent d’être immédiatement affectées à une autre famille qui, elle, expérimente la naissance d’un bébé vivant et en santé. Pourtant, les études recensées révèlent que les infirmières doivent laisser s’exprimer l’émotion qui les habite, plutôt que de tenter d’oublier ou de remettre à plus tard ce ressenti (Modiba, 2008 ; Puia et al., 2013).

De toute évidence, selon Wallbank et Robertson (2013) les infirmières évoluent, dans un environnement de travail où l’on reconnaît peu le fait que prendre soin de parents endeuillés implique des sentiments intenses et un certain inconfort. Cette perception relève du fait que les unités de périnatalité sont vues comme des environnements joyeux, où seuls des événements heureux semblent se produire (Wallbank et Robertson, 2013). Les infirmières qui y évoluent peuvent alors percevoir comme éprouvant le fait d’exercer leur travail sans vraiment disposer de la possibilité d’exprimer leur détresse émotionnelle (Wallbank et Robertson, 2013). Cette situation peut alors rendre plus ardue la tâche de dispenser des soins auprès de parents endeuillés. Dans le même esprit, Fenwick et ses collaborateurs (2007) identifient le manque de soutien efficace, de la part des collègues et de l’organisation (en particulier des supérieurs), comme l’un des aspects les moins facilitants pour les infirmières. Ces auteurs notent, entre autres, que l’absence de soutien de la part des collègues, ainsi que les problèmes de communication interpersonnelle vécus, constituent de profondes sources d’insatisfaction pour les infirmières, qui se sentent alors laissées à elles-mêmes.

Par ailleurs, certains chercheurs soulignent que, lorsque survient le type de situation clinique où une infirmière doit s’occuper de plusieurs patientes simultanément, le manque de soutien de la part des collègues et des gestionnaires peut accroître la détresse émotionnelle chez cette dernière (Kain, 2012 ; McQueen, 1997 ; Roechr et al., 2008 ; Wilson et Kirsbaum, 2011). Cette détresse peut aussi s’exacerber progressivement, en particulier lorsque le fait de l’exprimer semble inapproprié. Notamment, lorsqu’elle entre en conflit avec la culture propre à certains milieux de travail, où il est mal vu de laisser paraître ses émotions, au moment de prodiguer des soins (Fenwick et al., 2007 ; Mc Creight, 2005 ; Puia et al., 2013). En contrepartie, lorsque cette

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détresse est exprimée, il est souvent difficile d’en tenir compte dans les situations où les infirmières sont très sollicitées, par exemple lorsqu’elles doivent s’occuper simultanément de parents endeuillés et de parents qui vivent une naissance sans complications (Puia et al., 2013).

PISTES D’ACTION RECENSÉES DANS LES ÉCRITS

Nous savons désormais que le décès d’un fœtus ou d’un nouveau-né a des conséquences importantes sur les infirmières. Développer et mettre en place des stratégies d’intervention pour aider et soutenir les infirmières qui œuvrent dans un contexte de décès périnatal répondrait donc à un besoin réel. Dans cette section, seront présentées les propositions recensées au sein des écrits consultés.

Tout d’abord, rappelons que la nécessité de disposer d’une formation sur les soins de deuil a été mentionnée par plusieurs auteurs (Chan et Arthur, 2009 ; Chan et al., 2006 ; Evans, 2012 ; Jonas-Simpson, 2013 ; McCreight, 2005). Chan et Arthur (2009) et Chan et ses collaborateurs (2006) ont identifié qu’il était important d’offrir la possibilité aux infirmières de bénéficier de programmes de formation axés sur les soins de deuil, favorisant l’acquisition de connaissances sur les théories du deuil et le processus de communication, dans un tel contexte.

Pour leur part, Jonas-Simpson et al. (2010) et Jonas-Simpson et al. (2013) suggèrent que la formation continue des infirmières pourrait être améliorée en leur permettant de participer à des séminaires sur le décès périnatal et les soins de deuil, tout en y incorporant des discussions afin d’examiner leur rôle et leur vécu dans la relation de soins, d’exprimer les éventuels sentiments de perte, de trouver des moyens pour faire face à ces sentiments et de résoudre les préoccupations ou problèmes en suspens. Des formations sous forme de séminaires peuvent fournir des opportunités aux infirmières de réfléchir de façon critique sur leurs soins en matière de deuil périnatal, et ainsi en venir à comprendre le caractère unique de l’expérience de deuil périnatal du patient (Kain, 2012 ; Jonas-Simpson et al., 2010). De plus, la mise sur pied de programmes de mentorat, à l’égard du deuil périnatal, s’adressant aux nouvelles infirmières, se dégage comme une mesure des plus nécessaires à adopter (Chan et al., 2006 ; Gardner, 1999 ; Jonas-Simpson et al., 2010 ; Jonas-Simpson et al., 2013 ; Kain, 2012). À cet égard, Roehrs et ses collaborateurs (2008) ont également reconnu que les infirmières novices gagneraient à être encadrées par du personnel plus expérimenté, afin de développer leur pratique et de se sentir soutenues et écoutées, lors de situations éprouvantes.

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Pour sa part, McCreight (2005) constate que les infirmières plus âgées et expérimentées sont davantage en mesure de prodiguer des soins appropriés aux parents endeuillés. Cette auteure a également souligné que les infirmières expertes devraient être vues comme des modèles inspirants et des personnes ressources appelées à jouer un rôle actif dans la formation des autres infirmières. De plus, McCreight (2005) suggère de compléter l’enseignement reçu par des conférences multidisciplinaires sur les causes de décès et sur les interventions les plus efficaces utilisées dans les circonstances les entourant. Ces thèmes devraient être abordés et discutés sur une base régulière dans les départements (McCreight, 2005). La formation, ainsi que le mentorat par des infirmières d’expérience, méritent aussi d’être validés et reconnus par les infirmières gestionnaires et les éducateurs, ainsi que par les directeurs et cadres des établissements (McCreight, 2005). Selon cet auteur, de telles stratégies peuvent contribuer à l’amélioration des bienfaits psychologiques des soins sur les parents.

Le besoin d’être soutenu par ses collègues et par l’employeur, de façon formelle ou informelle, a également été soulevé par plusieurs auteurs (Gardner, 1999 ; Modiba, 2008 ; Jonas-Simpson et al., 2010 ; Puia et al., 2013 ; Wallbank et Robertson, 2013). Jonas-Jonas-Simpson et al. (2010) et McCreight (2005) énoncent que les infirmières ont besoin de partager leurs expériences de deuil avec leurs pairs. En effet, le partage d’expériences est apparu comme une nécessité, pour atténuer les effets de la détresse ressentie. Le partage offre l’occasion de donner un sens à l’expérience et d’apprendre de celle-ci (Jonas-Simpson et al., 2010). Il permet d’effectuer un retour sur la relation qu’elles ont eue avec la famille. À cet effet, Beck et Gable (2012) suggèrent la création d’un groupe de soutien et d’échange pour les infirmières, animé par un professionnel : une travailleuse sociale ou un psychologue, par exemple. Ces groupes de soutien sont propices à l’ouverture de soi, ils aident les participantes à échanger à l’égard des émotions ressenties en leur offrant la possibilité de verbaliser le ressenti engendré par certaines situations difficilement vécues, et leur permettent de réaliser qu’elles ne sont pas seules à se sentir ainsi. De plus, ces groupes ont pour effet d’améliorer les relations interpersonnelles au sein de l’équipe de soins et, ainsi, de rendre chacun de ses membres plus sensible aux besoins des autres (Dietz, 2009).

Pour sa part, Puia et al. (2013) proposent la mise en place de sessions de bilan (debriefing) pour les infirmières, dans les 72 heures suivant un évènement tragique. Effectuer ce type de compte-rendus peut aider les infirmières à verbaliser leurs pensées et les émotions ressenties, et à prendre le temps de réfléchir à l’impact de cet évènement sur elles (Puia et al., 2013). Par ailleurs,

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