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Recherches sur les sols et l’érosion en Italie méridionale
(Lucanie).
Georges Bertrand
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Georges Bertrand. Recherches sur les sols et l’érosion en Italie méridionale (Lucanie).. 1965, pp.55-56. �hal-02610457�
Revue géographique des
Pyrénées et du Sud-Ouest
Les sols méditerranéens vus par un géographe : Bernard Kayser,
Recherches sur les sols et l'érosion en Italie méridionale (Lucanie)
Georges Bertrand
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Bertrand Georges. Les sols méditerranéens vus par un géographe : Bernard Kayser, Recherches sur les sols et l'érosion en Italie méridionale (Lucanie). In: Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 36, fascicule 1, 1965. pp. 55-56; https://www.persee.fr/doc/rgpso_0035-3221_1965_num_36_1_4794_t1_0055_0000_1
BIBLIOGRAPHIE 55 Les sols méditerranéens vus par un géographe
Bernard Kayser, Recherches sur les sols et l'érosion en Italie
méridionale (Lucanie). Paris, S.E.D. E. S., 1961, 128 p., 5 cartes h. t. La Lucanie, ou plutôt les cinq grands bassins-versants drainés vers le golfe de Tárente forment « une véritable exposition
d'échantillons écologiques méditerranéens de l'étage semi-aride à l'étage montagnard humide ». Sur les calcaires de l'Apennin, entre 1 200 m et 2 200 m, s'étale le domaine de la Hêtraie mésophile que surmonte une pelouse subalpine à Fétuques. Les précipitations dépassent 2 m et les gelées y sont fréquentes en hiver. Au dessous de 1 300 m, le « Pays du flysch » se caractérise par les larges affleurements d'argile scagliose à « la morphologie molle et en perpétuel mouvement ». Les Chênes chevelus (Q. cerris) et les formations dégradées à Spartium junceum colonisent ce milieu semi-montagnard encore humide (700 à 1 000 mm par an) . Plus bas, sur les collines marneuses de la Lucanie materane, le tapis végétal s'ouvre et prend un aspect xérophile avec la forêt de Pin d'Alep et un maquis à base de Lentisques et de Myrtes. En diminuant, les pluies deviennent violentes et irrégulières (pendant l'été le nombre de jours de pluie varie de 1 à 21). C'est la région des calanchi et des frane. Enfin, la Lucanie se termine sur le golfe de Tárente par l'aride plaine métapontine où les précipitations sont inférieures à 600 mm.
Avant d'aborder, dans un milieu aussi varié, l'étude des types de sols, B. Kayser consacre aux facteurs généraux de la pédogénèse lucanienne — et même méditerranéenne — un chapitre fondamental où les spécialistes et les non-spécialistes trouveront de nouveaux thèmes de méditation. D'abord, il « réhabilite » les influences
lithologiques et topographiques un peu négligées dans les classifications essentiellement zonales des pédologues russes et français. En Lucanie, la pente joue un rôle capital dans l'élaboration et l'érosion des sols. La rapidité « de l'ablation... entraîne l'immaturité ». Les chaînes de sol elles-mêmes sont perturbées par les phénomènes de glissement. De ce fait, de nombreux sols lucaniens sont allogènes, c'est-à-dire sans rapport avec la roche-mère sous-jacente. Enfin, l'influence de la lithologie se traduit par la libération en masse des colloïdes
(prédominance des sols argileux) et par une alcalinité presque générale (les complexes absorbants sont saturés) . Dans sa classification des sols, « qui n'est valable que pour la Lucanie », B. Kayser précise toutes ces influences et insiste toujours sur l'écologie des sols.
Dans les régions de montagne, à côté de quelques Rankers gorgés de matière organique, on trouve surtout des sols rendziniformes dont certains sont plus ou moins decarbonates. La rendzine noire forestière semble y constituer « un sol climacique très ancien et très stable ». Cependant, ce sont les sols bruns à Mull, plus ou moins évolués, qui représentent « la forme pédologique zonale de l'Italie méridionale ».
56 BIBLIOGRAPHIE
Ces sols bruns méditerranéens, comme l'a déjà montré Ph. Duchaufour, ont un pH plus élevé et sont moins riches en matière organique que les sols bruns de la zone tempérée (2 à 4 % : la forêt et surtout le maquis méditerranéen fournissent une litière peu abondante et,
certainement, très acidifiante). A côté de ces types classiques, B. Kayser introduit une « série » nouvelle, celle des « sols mouvants du flysch » (litho-sols pour la plupart, avec, parfois, quelques traces de lessivage). Enfin, des terres rouges méditerranéennes existent dans quelques secteurs très limités de Lucanie (terra rossa s. s. sur des calcaires compacts, sols rubéfiés sur des loess et des terrasses attribués au Wiirmien). Pour B. Kayser, il s'agirait de paléo-sols car les processus de rubéfaction ne seraient plus possibles sous l'actuel climat de la Lucanie. Par exemple, « la terra rossa joue elle-même le rôle de roche- mère par rapport à la pédogénèse actuelle de brunification ». C'est là un point capital pour l'étude des sols de la Méditerrannée.
Presque tous ces sols sont soumis à une violente érosion : battage, griffures, loupes de glissement etc. Parmi ceux-ci, B. Kayser étudie en détail les frane si caractéristiques des versants taillés dans les argiles scagliose. L'origine de ces mouvements de masse semble
complexe. A côté des facteurs lithologiques et climatiques, il faut faire la part des dégradations anthropiques (en particulier depuis la « bataille du blé ») et, surtout, de la tectonique et de la sismicité. « Plusieurs frane ne sont explicables que par le mouvement des couches profondes. » Ces derniers seraient aussi responsables de l'enfoncement des calanchi. Le mobilisme récent de la fosse bradanique semble donc jouer un rôle fondamental dans le déclenchement de l'érosion. Les sols peuvent d'ailleurs servir de repères pour retracer l'évolution
morphologique. C'est ainsi que la découverte d'un paléo-gley contenant des débris archéologiques datés du v-vie siècle, perché à une quinzaine de mètres au-dessus du cours actuel du Bradano, permet d'apprécier l'importance du creusement depuis l'époque de la Grande Grèce. Le climat devait alors être assez humide, ce qui expliquerait les traces de décalcification, de lessivage et de gleyification notées dans certains profils. La mobilité actuelle des frane et des calanchi ne paraît pas liée à une péjoration récente des conditions bio-climatiques. «
L'hypothèse la plus vraisemblable est sans doute que la dégradation s'effectue, en définitive, par paroxysmes localisés dans le temps et dans l'espace, suivis de grandes périodes d'acalmie » rythmées peut-être par les ajustements récents de la fosse bradanique.
Ainsi comprise, l'étude des sols de Lucanie déborde largement de son cadre pour participer à l'explication du milieu biogéographïque et morphologique méditerranéen. Du point de vue méthodologique, l'intérêt majeur de ce travail réside dans la place qui a été attribuée à la pente et à la lithologie dans l'évolution du sol. Les géographes ne sont-ils pas les mieux placés pour corriger ce que les classifications zonales des sols ont de trop systématique ?