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Approches microéconomiques du développement économique local : prise en compte de la notion de capital social dans l'analyse des espaces périphériques

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Academic year: 2021

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économique local : prise en compte de la notion de

capital social dans l’analyse des espaces périphériques

Jean-Marc Callois

To cite this version:

Jean-Marc Callois. Approches microéconomiques du développement économique local : prise en compte de la notion de capital social dans l’analyse des espaces périphériques. Economies et finances. Université de Bourgogne, 2005. Français. �tel-00011296�

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Année 2005

THÈSE

pour obtenir le grade de

Docteur en Sciences Economiques

Présentée et soutenue publiquement

par

Jean-Marc CALLOIS

Le 15 novembre 2005

Titre

APPROCHES MICROÉCONOMIQUES DU DÉVELOPPEMENT

ÉCONOMIQUE LOCAL : PRISE EN COMPTE DE LA NOTION DE

CAPITAL SOCIAL DANS L’ANALYSE DES ESPACES PÉRIPHÉRIQUES

Directeur de thèse : M. Bertrand SCHMITT

JURY

Marius BRÜLHART, Professeur à HEC Lausanne

Philippe DULBECCO (rapporteur), Professeur à l’Université d’Auvergne Marc GUERIN, Chef du département « Gestion des territoires », Cemagref Jean-Marie HURIOT, Professeur à l’Université de Bourgogne

Bertrand SCHMITT (directeur de thèse), Directeur de recherche à l’INRA, Dijon Antoine SOUBEYRAN (rapporteur), Professeur à l’Université de la Méditerranée

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« Mes frères, restez fidèles à la terre, avec toute la

puissance de votre vertu ! Que votre amour qui donne

et votre connaissance servent le sens de la terre ! Je vous

en prie et vous en conjure.

Ne laissez pas votre vertu s'envoler des choses terrestres

et battre des ailes contre des murs éternels! Hélas ! Il y

eut toujours tant de vertu égarée !

Ramenez, comme moi, la vertu égarée sur la terre - oui,

ramenez-la vers le corps et vers la vie, afin qu'elle donne

un sens à la terre, un sens humain ! »

Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

(De la vertu qui donne)

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Avant-propos et remerciements

Cette thèse est l’aboutissement d’un long cheminement débuté lors de ma première expérience professionnelle au Secrétariat Général pour les Affaires Régionales de Champagne Ardenne. Jeune ingénieur au service de l’Etat, responsable des politiques européennes de développement régional, je m’étais pris de passion pour la correction des inégalités entre territoires et le développement des zones rurales. Grâce à ma mutation au Cemagref en mars 2001, j’ai pu réaliser mon projet d’approfondir mes connaissances sur les facteurs du développement des zones périphériques.

Lorsque j’ai débuté ce travail de thèse, j’étais encore tout imprégné de discours emphatiques sur le développement « par le bas », glorifiant la structuration durable des territoires, les dynamiques partenariales locales ou encore les réseaux intégrés d’acteurs… Mais l’approche microéconomique, avec sa rigueur et l’élégance logique de ses raisonnements, a fini par me convaincre, par sa capacité à proposer une interprétation cohérente d’une part aussi importante des phénomènes économiques.

J’admets avoir été un temps séduit par les approches holistes, illusionné par la perspective de travailler à quelque chose de semblable à la thermodynamique classique en économie. Mais j’éprouve désormais une certaine méfiance à l’égard des théories qui prétendent décrire le comportement d’entités collectives sans chercher à expliciter comment ce comportement découle des actions des individus qui les composent. Non que je sois totalement convaincu que cette démarche soit vouée à l’échec, encore que je subodore qu’elle le soit. Mais surtout, en suivant Karl Popper, il me semble que l’épanouissement de certaines de ces théories peut tendre à faire oublier l’individu derrière le groupe, que cela prenne la forme de la dictature du prolétariat, de la promotion du communautarisme comme remède à l’insuffisance de l’Etat, ou de la folklorisation des campagnes. Qu’il s’agisse de classes sociales, de territoires, ou de groupes ethniques ou religieux, réifier une entité collective et lui attribuer des propriétés idéales irréductibles aux individus qui la composent peut aboutir à vouloir défendre la préservation desdites propriétés, au détriment de l’épanouissement d’êtres humains de chair et de sang. Aussi, je souhaite que ce travail contribue à promouvoir l’intérêt pour la prise en compte du social dans les raisonnements économiques, mais également à prendre en compte les dérives possibles des pensées à tendance communautariste, qui peuvent in fine non seulement causer des inefficacités économiques, mais surtout être des facteurs de discrimination et d’exclusion.

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Mes remerciements vont tout d’abord à Bertrand Schmitt, qui a accepté de diriger ma thèse, travail dont il s’est toujours acquitté avec application et efficacité, malgré ses nombreuses responsabilités. Il a tout particulièrement contribué à l’étude économétrique. Je le remercie en particulier d’avoir su me faire comprendre l’intérêt des démarches ancrées dans l’économie de marché, et surtout d’avoir veillé à canaliser ma tendance à vouloir trop embrasser et mal étreindre dans mes spéculations intellectuelles… Comme le lecteur le découvrira bien vite, il n’y est pas totalement parvenu, et la faute m’en incombe entièrement.

Je remercie également la « garde rapprochée » qui m’a suivi avec patience pendant ces trois années de thèse, et en particulier Francis Aubert et Carl Gaigné. J’ai également bénéficié des conseils avisés de Jean-Louis Combes, Philippe Dulbecco, Eric Giraud-Héraud, Antoine Soubeyran et Jacques-François Thisse.

Je remercie en outre tous mes collègues du Cemagref et de l’UMR Cesaer, qui m’ont encouragé et conseillé pendant les périodes d’hésitation et de doutes, et tout particulièrement Olivier Aznar, Christophe Déprés, Gilles Grolleau, Serge Herviou, Philippe Jeanneaux, Etienne Josien, Catherine Macombe, Naoufel Mzoughi, Virginie Piguet, Stéphanie Truchet, et Dominique Vollet, ainsi que Karine Cellard, Claire Guilbert, Sandrine Lagoutte, Cécile Millien et Cécile Moreau pour leur aide technique et administrative. Enfin, cette thèse n’aurait pu se réaliser aussi rapidement sans le travail de qualité effectué par les stagiaires qui ont enquêté sur les six terrains d’étude, Estelle Gallot, Sylvie Lavigne, et Marjolaine Mondon.

Je voudrais également remercier les collègues avec qui j’ai travaillé en Champagne-Ardenne, ainsi que les représentants des « territoires » ruraux dont j’ai eu à suivre les projets. Mes pensées vont tout particulièrement aux regrettés José Rey, qui m’a accueilli dans la DRAF Champagne-Ardenne qu’il dirigeait alors, et Eric Degrémont, préfet de région. Tous deux m’ont donné le goût du service public et ont achevé de faire de moi un républicain convaincu.

Je suis également grandement redevable à mes supérieurs à Châlons-en-Champagne, qui m’ont fait bénéficier de leur expérience, notamment Gérard Farcy, Marc Michel et Michel Thénault. Les travaux empiriques de cette thèse ont été en partie financés par le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, ainsi que par l’UMR CESAER (INRA-ENESAD). Une partie des données utilisées dans l’étude empirique a été fournie à titre gracieux par le Centre Quételet (LASMAS). Les autres soutiens financiers et matériels ont été apportés par le Cemagref.

  

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« La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs »

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Sommaire

Introduction générale... 2

Partie I ... 7

Chapitre 1. L’analyse microéconomique de la localisation des activités en zone périphérique : quelle place pour les facteurs non marchands ?... 8

Chapitre 2. Le développement local, alternative aux raisonnements économiques ? ... 20

Chapitre 3. La notion de capital social comme moyen d’introduire des aspects sociologiques dans les raisonnements économiques ... 31

Partie II ... 53

Chapitre 1. Le rôle des liens extérieurs dans le développement régional ... 54

Chapitre 2. L’arbitrage entre effets positifs et négatifs du bonding... 77

Chapitre 3. Le rôle de l’hétérogénéité des agents dans l’effet du capital social ... 102

Partie III ... 115

Chapitre 1. Vers une stratégie de test du rôle du capital social dans la performance économique ... 116

Chapitre 2. Analyse comparative de monographies... 142

Chapitre 3. Etude économétrique ... 174

Conclusion générale ... 197

Bibliographie... 200

Annexes ... 216

Annexe 1. Calculs du modèle du chapitre II.1 ... 217

Annexe 2. Calculs du modèle de la section II.2.1 ... 223

Annexe 3. Calculs du modèle de la section II.2.2 ... 225

Annexe 4. Les zones d’étude... 229

Annexe 5. Liste des institutions enquêtées lors des études de terrain... 230

Annexe 6. Questionnaires et guides d’entretien... 231

Annexe 7. Profil des échantillons enquêtés... 237

Annexe 8. Quelques résultats d’analyse probit et de régression multiple sur les enquêtes sociologiques ... 238

Annexe 9. Indicateurs utilisés et statistiques descriptives... 239

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Introduction générale

Le développement des zones périphériques n’en finit pas de poser problème aux théoriciens comme aux praticiens du développement. L’augmentation des disparités de niveau de vie entre pays du monde ou entre régions d’un même pays, malgré des politiques nombreuses affichant un objectif de réduction des inégalités, constitue à la fois une énigme et une menace potentielle pour l’équilibre social, voire parfois politique.

Les tentatives pour trouver des régularités (convergence, loi de Kuznets…), ou d’édicter des méthodes générales (planification, plans d’ajustement structurel…) en matière de développement se sont révélées dans l’ensemble assez décevantes. Les success stories ont en général été inattendues, et les tentatives de les reproduire rarement convaincantes, qu’il s’agisse des districts industriels italiens ou des dragons asiatiques.

Certains modèles théoriques prédisent que même en l’absence de différences de dotations naturelles, une divergence entre régions ou nations (en termes de niveau de vie ou de niveau d’activité) peut perdurer indéfiniment. Cependant, une grande partie de la littérature récente sur le développement insiste sur certains facteurs négligés dans la littérature économique, comme l’importance des institutions et des réseaux sociaux dans la performance économique. Dans certains pays en développement, les hypothèses habituelles en microéconomie concernant la circulation de l’information ou le respect des contrats sont tellement mises en défaut qu’une modification importante des raisonnements économiques semble incontournable. Dans les zones rurales des pays développés, certains phénomènes suggèrent également un rôle important des facteurs sociologiques ou institutionnels, notamment le maintien dans certaines zones d’une industrie rurale forte ou les différences de capacités de valorisation de produits de terroir ou touristiques entre régions.

Du côté des praticiens du développement, le discours sur les vertus du développement local connaît une popularité qui se maintient depuis son émergence dans les années 1970. Ce discours repose sur l’idée que des ressources latentes seraient à valoriser dans les régions périphériques, et que leur valorisation permettrait d’enclencher un développement. Il est bien difficile de faire la part des choses entre le discours incantatoire qui vise parfois avant tout à se persuader soi-même, et la réalité de ces ressources latentes, rarement explicitées, mais qui incluraient notamment des capacités d’organisation, un esprit d’entreprise adapté aux potentialités locales ou encore l’existence de réseaux d’acteurs capables d’apporter des idées et ressources nouvelles. Bien que ce type de discours s’avère bien souvent tautologique – ce qui implique qu’il ne peut être démenti et explique la pérennité de sa popularité – il a tout de même le mérite de poser la question du rôle de facteurs sociologiques dans le développement des zones périphériques. En

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différences de caractéristiques sociologiques entre régions pourraient induire des différences significatives de dynamique de développement.

Au moins deux politiques importantes mises en œuvre en France parient plus ou moins explicitement sur cette hypothèse. Il s’agit, d’une part, des trois générations de programmes d’initiative communautaire (PIC) Leader, d’autre part de la politique des « pays ». Depuis le lancement du premier PIC Leader (Liaison Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale) en 1989, le principe de base est resté le même. De petites régions rurales se dotent d’une structure de réflexion, un Groupe d’Action Locale (GAL), incluant élus locaux et acteurs de la vie socio-économiques. Chaque GAL réalise un diagnostic de son territoire et élabore une stratégie de développement accompagnée d’une demande de financements pour des projets précis, auprès des financeurs publics, dont des fonds européens. Dans l’esprit des concepteurs du programme, la demande de fonds européens, dont l’enveloppe est modeste, est surtout un prétexte : c’est toute la procédure de réflexion et de concertation qui y aboutit qui joue le plus grand rôle dans la mobilisation collective des énergies locales et sa focalisation vers un objectif commun de développement (en pratique, il faut reconnaître que l’effet d’aubaine a été important, les crédits Leader servant souvent à compenser l’inéligibilité à d’autres programmes…). La politique des pays est basée sur une idée similaire. Initiée par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 1995, elle est reprise comme un axe majeur de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire de 1999. Elle est basée sur la reconnaissance d’ensembles ayant « une cohérence géographique, culturelle, économique ou sociale », qui formulent un projet commun. Un pays peut aussi bien être urbain que rural. Toutefois, ce sont surtout les zones rurales qui sont visées dans l’esprit de la loi. L’existence d’une cohérence territoriale est supposée par les concepteurs de la loi être un facteur éminemment favorable à la mise en œuvre d’une gouvernance locale efficace, et favorable à une dynamique de développement.

La question du rôle des facteurs sociologiques dans le développement économique des régions périphériques présente donc d’importants enjeux à la fois scientifiques (évaluer l’approche du développement local) et pratiques (orienter les politiques de développement local). Cette thèse vise à y contribuer, tant sur le plan théorique qu’empirique, avec pour objet d’application les zones rurales françaises.

La prise en compte de caractéristiques sociologiques dans l’analyse économique est typiquement prônée par des courants considérés comme « hétérodoxes » en économie. Prenant le contre-pied de ces approches à vocation pluridisciplinaire, la démarche choisie dans cette thèse s’ancre résolument dans l’analyse économique des interactions de marché. En effet, le marché parfait reste considéré comme le mode d’allocation le plus efficace des ressources, même si les dotations initiales peuvent générer des inégalités. C’est en étudiant les imperfections de marché que le rôle potentiel des facteurs sociologiques dans le développement peut être mis en évidence.

Outre le fait que les facteurs sociologiques peuvent être invoqués pour expliquer des différences de performance économique, les zones périphériques sont un terrain de choix pour étudier l’intérêt de leur intégration dans l’analyse économique. En effet, qu’il s’agisse des pays en

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développement ou des zones rurales des pays développés, les zones périphériques sont généralement considérées comme possédant une sociabilité et des solidarités plus fortes que dans les régions développées ou les espaces urbains. Cette idée reçue est à relativiser car, comme nous le verrons dans la partie empirique, l’intensité de la vie sociale présente en réalité de grandes variations entre pays et/ou entre régions périphériques. Mais c’est précisément cette variabilité qui permet d’envisager un test du rôle des facteurs sociologiques sur le développement.

L’ambition de cette thèse est d’apporter une contribution à la compréhension du rôle des facteurs sociologiques dans le développement des zones périphériques, à la fois par des considérations théoriques et par une étude empirique. Etant donnée la complexité du sujet, les réflexions de cette thèse se limiteront à trois thèmes dont l’approfondissement paraît particulièrement pertinent.

Le premier thème est le rôle des relations sociales extérieures aux zones périphériques dans leur développement. Alors que de nombreux débats en économie du développement concernent le rôle de l’intégration interrégionale et internationale des marchés, les réflexions sur le développement local sont souvent concentrées sur les caractéristiques internes des régions. Or, l’ouverture à l’extérieur peut être un élément essentiel pour activer une dynamique de développement, et négliger son rôle peut être une erreur importante.

Un deuxième thème est celui du rôle négatif des relations sociales. Alors que beaucoup de raisonnements économiques négligent le rôle des liens sociaux, les travaux sur le développement revendiquant une intégration d’aspects sociologiques ont parfois tendance à insister de manière excessive sur les vertus de la sociabilité et l’esprit communautaire. Or, si les liens sociaux peuvent remédier à des imperfections du marché, ils peuvent également créer de nouvelles imperfections, notamment en favorisant des comportements de capture de rente.

Le troisième thème est celui de l’importance de l’hétérogénéité des agents économiques dans la compréhension des processus de développement. Lorsque « l’esprit collectif » est invoqué comme un remède à la stagnation, la tentation peut être grande de considérer la région que l’on étudie comme une entité organique dont les éléments (les agents économiques) partageraient des intérêts communs. Or, non seulement il est évident que des divergences d’intérêts existent entre différents agents, mais en outre omettre de considérer la diversité des agents présents sur une région peut aboutir à des conclusions fausses sur les mécanismes de développement.

La première partie de cette thèse décrit le cadre méthodologique général utilisé pour traiter la question du rôle des facteurs sociologiques dans le développement économique. Dans un premier chapitre, les principaux mécanismes expliquant la localisation des activités économiques sont présentés, et l’intérêt de l’introduction de phénomènes sociologiques est discuté. Les outils disponibles dans le cadre d’une approche microéconomique sont également présentés. Le deuxième chapitre décrit plusieurs programmes de recherche qui visent à prendre en compte des phénomènes sociologiques dans l’étude du développement local. Il montre notamment les limites

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Le troisième chapitre de la première partie mobilise la notion de capital social comme fil conducteur de l’élaboration de la grille de lecture des mécanismes étudiés dans cette thèse. Le capital social est défini comme un ensemble de ressources économiques disponibles pour les individus à travers la structure sociale. A partir de cette définition, les mécanismes par lesquels le capital social peut influer sur la performance économique au niveau d’une région sont discutés. L’analyse théorique de ce chapitre montre que si le capital social est par définition positif pour l’individu (c’est une ressource), il n’en est pas de même au niveau agrégé, où le capital social peut avoir des effets négatifs pour le développement. A partir de la typologie de mécanismes élaborée dans ce chapitre, deux formes principales de capital social sont distinguées. La première, dénommée bonding, consiste en des liens sociaux forts internes aux régions. Du point de vue économique, ces liens ont pour principale utilité de stabiliser l’environnement des agents, en fournissant des services tels qu’une assurance informelle ou une loyauté qui ne nécessite pas le contrôle d’institutions formelles. La deuxième forme de capital social, souvent négligée dans les travaux sur le sujet, est dénommée bridging, et consiste en des liens dirigés vers l’extérieur de la région. Le bridging a pour intérêt d’amener un renouvellement des idées et plus généralement des ressources nouvelles dans la région.

La deuxième partie de la thèse présente plusieurs essais théoriques visant à approfondir certains phénomènes pertinents pour l’étude du développement régional. Les trois chapitres de cette partie correspondent aux trois thèmes énumérés plus haut. Le premier chapitre se concentre sur le rôle des liens sociaux extérieurs (i.e. du bridging) dans le développement. Les différents mécanismes d’action du bridging sont d’abord présentés. Ensuite, un modèle d’économie géographique étudie un mécanisme plus particulier, à savoir la capacité des réseaux sociaux à diffuser de l’information sur les produits des régions périphériques dans les marchés des régions avancées. Les résultats montrent que la définition du bridging doit inclure non seulement des liens sociaux entre régions, mais aussi des caractéristiques internes aux régions. En outre, ils montrent que l’histoire et les considérations dynamiques peuvent avoir un rôle important à jouer dans l’efficacité du bridging. Le deuxième chapitre de la seconde partie traite des effets négatifs du capital social, qui concernent essentiellement la fermeture due à un bonding excessif. Deux modèles théoriques sont présentés dans ce chapitre. D’abord, un modèle d’économie industrielle étudie l’arbitrage entre effets positifs et négatifs de la proximité entre firmes dans un district industriel. Le principe est qu’une plus grande proximité permet de faire des économies de coûts fixes (ou de manière équivalente de diminuer la variabilité de l’environnement), mais limite l’ouverture aux idées extérieures. Ce modèle met en évidence une relation en « U inversé » entre l’intensité d’encastrement social (ou de bonding) et la performance collective, et l’existence d’un seuil au-delà duquel les effets négatifs du bonding prédominent. Le deuxième modèle du deuxième chapitre, inspiré de la littérature sur les effets de voisinage, étudie la captation d’une rente par un commerçant local, lorsque les consommateurs recherchent l’interaction sociale qu’ils trouvent à fréquenter son commerce. Ce modèle montre que l’existence d’une préférence pour l’interaction sociale peut en effet permettre le maintien d’une activité économique locale, mais que cette caractéristique peut aboutir à terme à fragiliser le tissu économique. Le troisième chapitre de la seconde partie est consacré à l’étude de l’importance de l’hétérogénéité des agents dans les considérations de développement régional. Il ne contient pas de modèle formalisé, mais

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discute différents aspects de cette hétérogénéité : la présence de différents types d’agents et de différents secteurs, la répartition spatiale des agents, et les effets induits entre secteurs.

La troisième partie de la thèse présente les résultats de deux types de travaux empiriques conduits sur l’espace rural français. D’une part, six études de cas menées afin d’examiner l’existence sur le terrain des mécanismes d’action du capital social, ainsi que la possibilité de mesure du capital social par des indicateurs statistiques. D’autre part, une étude économétrique testant l’impact du capital social sur le dynamisme économique des espaces ruraux français. Ces deux approches, monographique et statistique, se sont révélées complémentaires pour saisir ce phénomène aussi délicat à observer et à mesurer qu’est le capital social. Un premier chapitre justifie la méthodologie choisie et présente les principaux résultats de la littérature empirique sur le sujet. Il en ressort un manque important dans la prise en compte du bridging, ainsi que des difficultés considérables à disposer d’indicateurs pertinents de capital social. Dans le deuxième chapitre, les six études de cas sont présentées. Elles mettent en évidence l’existence de plusieurs des mécanismes par lesquels les caractéristiques sociologiques influent sur la performance économique. Cependant, elle montrent que le capital social a des effets assez différents selon les secteurs, et que sa variabilité spatiale peut être importante. C’est pourquoi l’étude économétrique du troisième chapitre utilise un niveau spatial assez fin et tient compte de la structure économique. Ses résultats suggèrent un impact positif et robuste du capital social sous ses deux formes principales, bonding et bridging.

Au final, les contributions théoriques et empiriques de cette thèse convergent vers des résultats cohérents. Toutes montrent l’intérêt qu’il y a à tenir compte des phénomènes sociologiques lorsque les marchés présentent des imperfections que les institutions formelles traitent mal. Elles montrent en outre l’importance de tenir le plus grand compte des relations sociales extérieures aux régions périphériques dans l’analyse de leur développement, ainsi que des effets négatifs des relations sociales. Enfin, elles montrent qu’il est nécessaire de situer l’analyse au niveau le plus proche des agents économiques, en tenant compte de la diversité de leurs caractéristiques économiques.

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Partie I

Le cadre méthodologique

Cette première partie vise à justifier la grille d’analyse théorique qui a été retenue dans cette thèse pour l’analyse du rôle des facteurs sociologiques dans le développement régional. Le premier chapitre brosse un tableau synthétique de l’analyse économique de la localisation des activités, pour montrer l’intérêt de prendre en compte des facteurs non marchands, en particulier dans l’étude des régions périphériques. Le deuxième chapitre passe en revue diverses approches théoriques possible et argumente le choix d’une démarche centrée sur les mécanismes marchands. Enfin, le troisième chapitre justifie l’intérêt de mobiliser la notion de capital social, et présente la grille d’analyse théorique qui sert de fil conducteur aux travaux des deux parties suivantes.

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Chapitre 1. L’analyse microéconomique de la localisation des activités en zone

périphérique : quelle place pour les facteurs non marchands ?

Ce premier chapitre présente un état de l’art des connaissances et des grandes questions relatives à la localisation des activités en zone périphérique. La notion de zone périphérique sera à ce stade définie de manière très générale, comme une zone moins bien dotée en activités économiques et en niveau de revenu, relativement à d’autres zones qualifiées de centrales ou développées. Après avoir rappelé les grandes forces économiques influençant la localisation (1.1), il montre la pertinence de s’intéresser aux aspects non marchands dans l’étude du développement des régions périphériques (1.2). Enfin, il présente les différents outils disponibles pour analyser ces aspects non marchands avec une formalisation microéconomique (1.3).

1.1 Bref panorama de l’approche économique de la localisation des activités

Cette section brosse un tableau synthétique des grandes approches et modèles de base pour expliquer la localisation des activités économiques. On rappelle d’abord rapidement les modèles classiques de l’économie spatiale et régionale (1.1.1), avant de détailler les avancées dues aux travaux de la nouvelle économie géographique (1.1.2). Enfin, quelques éléments sont donnés sur la relation entre espace géographique et relations sociales (1.2.3).

1.1.1 Les modèles et mécanismes de base

En termes formels, la modélisation de l’espace consiste en l’introduction l’un des deux éléments suivants : la distance (le transport est coûteux) et l’hétérogénéité (il y a des ressources différentes en différents points de l’espace). Avant les efforts de synthèse réalisés par la nouvelle économie géographique, les travaux en économie spatiale ont été développés dans des cadres très divers : - Le modèle de Von Thünen (1826), ancêtre de l’économie urbaine à la Alonso (1960). Il

explique la répartition spatiale d’activités (ou de ménages) en fonction de l’arbitrage entre coûts d’accès au centre urbain exogène (où sont réalisés les profits/salaires) et coûts fonciers. - Les modèles de localisation des firmes issus des travaux d’Alfred Weber (1909) : ils

expliquent la localisation d’activités par l’arbitrage entre coût de transport des matières premières (dont la localisation est exogène) et proximité des marchés (également exogènes). - Le modèle de Hotelling (1929) sur la différenciation spatiale compétitive.

- Les travaux sur la hiérarchie urbaine de Christaller (1933) et Lösch (1940), qui introduisent des économies d’échelle dans la production pour expliquer l’existence de centres urbains de tailles différentes.

- Le modèle Hecksher-Ohlin-Samuelson (1933), modèle de commerce international, qui vise à expliquer la spécialisation des nations dans les échanges en fonction de leur dotation en facteurs. Il n’y a pas en général de coût de transport dans ce type de modèle.

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Ces travaux permettent d’expliquer un grand nombre de phénomènes de localisation à divers niveaux géographiques d’analyse. Cependant, ils nécessitent en général d’introduire de manière exogène une hétérogénéité. De plus, ils ne permettent pas de modéliser de manière satisfaisante la rétroaction positive entre offre et demande, qui est intuitivement évidente pour expliquer la stabilité des configurations spatiales d’activité et de population. Ces difficultés sont traitées par la nouvelle économie géographique.

1.1.2 Les apports de la nouvelle économie géographique

L’origine de la nouvelle économie géographique remonte aux travaux de Krugman (1991). Son modèle permet de formaliser de manière simple la rétroaction positive entre offre et demande, les consommateurs recherchant la proximité des firmes et inversement. Aucune hétérogénéité exogène entre les différents points de l’espace n’est nécessaire : la présence d’une rétroaction positive garantit l’existence d’équilibres multiples avec une répartition asymétrique des activités et de la population entre les régions.

En plus de son intérêt académique, une des avancées importantes du modèle de Krugman est qu’il fournit un résultat en apparence contre-intuitif, mais largement corroboré par les faits : une diminution des coûts de transport entre régions aboutit à un accroissement de la polarisation. La raison essentielle de ce résultat est que la baisse des coûts de transport fait disparaître l’effet protecteur de l’espace contre la concurrence. Un autre mécanisme qui n’est pas apparent dans le modèle de Krugman (1991) est que la baisse des coûts de transport donne la priorité aux économies d’agglomération sur les considérations de marché local et de concurrence : puisqu’il est moins coûteux d’exporter, il est avantageux de se localiser là où la production est la plus efficace.

Dans le modèle de Krugman (1991), la principale force d’agglomération est liée à la préférence pour la variété des consommateurs, qui fait que ces derniers recherchent à s’implanter en un lieu où les biens proposés sont nombreux. Les travaux ultérieurs ont incorporé d’autres forces d’agglomération, et en particulier les relations verticales entre producteurs de biens intermédiaires et de biens finaux (Krugman et Venables, 1995). Un des objectifs de ce programme de recherche est de donner corps aux intuitions d’Alfred Marshall sur les effets d’agglomération. Les effets d’agglomération s’interprètent comme la conséquence de rendements croissants internes (indivisibilité ou coût fixe) ou externes. Ces derniers peuvent être dus à des rétroactions positives entre offre et demande, mais aussi à la possibilité de mettre en commun des ressources (biens intermédiaires, biens publics, risques), ainsi qu’à des effets purement technologiques (« atmosphère industrielle »), qui font que la présence de nombreuses firmes et d’une main-d’œuvre qualifiée favorise la diffusion de connaissances et de savoir-faire, ainsi que l’innovation. La modélisation de ces trois types de mécanismes est présentée en détail par Duranton et Puga (2004) sous les intitulés respectifs de matching, sharing, et learning.

Du côté des forces de dispersion, en plus de la présence d’une demande fixe dans toutes les régions (population immobile) et de l’effet de concurrence locale, certains modèles introduisent

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des coûts de congestion, et/ou des coûts liés au transport de produits liés au sol (« agricoles » ou « traditionnels »).

Un des grands résultats théoriques de cette littérature, en ce qui concerne les régions périphériques, est le caractère définitif de la polarisation, donc des inégalités spatiales. La propriété du modèle de Krugman (1991) selon laquelle une baisse des coûts de transport favorise la polarisation (et donc la diminution d’activité/de population des régions périphériques) se retrouve dans la plupart des modèles théoriques. Elle semble donc avoir une bonne robustesse, d’autant plus qu’elle caractérise non seulement les modèles de type Dixit-Stiglitz (qui est le cadre utilisé par Krugman) mais se retrouve aussi avec des formalismes différents, comme celui développé par Ottaviano, Tabushi et Thisse (2002), où les mécanismes économiques introduits sont également légèrement différents. Il est vrai qu’on observe souvent (notamment lorsque la population est fixe géographiquement) un effet de « U inversé » : lorsque le coût de transports devient très bas, on a une certaine convergence entre les régions. Malgré tout, cette convergence n’est jamais complète, et la région la plus développée le reste1.

Les modèles classiques combinés aux apports de la nouvelle économie géographique donnent donc une vue remarquablement complète des mécanismes de localisation (Fujita et Thisse, 2002), qui peut se résumer très schématiquement de la manière suivante :

- Il existe des différences purement exogènes de dotations en facteurs (grandes plaines alluviales, mines) et d’accessibilité (fleuves et leurs embouchures). Ces dotations ont historiquement déterminé la localisation d’activités de production et de commerce.

- Les effets d’agglomération et la concurrence basée sur les dotations en facteurs ont favorisé le développement de certains de ces lieux au détriment des autres.

- Le mouvement séculaire d’intégration économique contribue à figer la hiérarchie des centres d’activité, tout en renforçant les plus grosses agglomérations, dans la limite des coûts de congestion.

Une application importante de la nouvelle économie géographique concerne les questions de politique économique. En particulier, certains travaux visent à étudier si une intervention publique sur la localisation des activités entre les régions serait ou non utile socialement. Les résultats sont souvent très sensibles aux hypothèses (polarisation insuffisante ou excessive selon les cas), ce qui incite à penser que la question du soutien aux régions périphériques relève avant tout de la décision politique. Avant de se focaliser sur l’étude de zones périphériques, il convient de faire quelques remarques sur le lien entre localisation et sociologie.

1

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1.1.3 Localisation et relation sociale : une association « naturelle » ?

Dans cette sous-section, on s’interroge sur la diversité des interprétations de la distance dans les modèles économiques, qui seront utilisées dans la suite. La notion de distance peut être généralisée facilement à des aspects non géographiques sans modifier le formalisme mathématique. En effet, le coût de transport dans les modèles d’économie spatiale comprend en réalité tous les obstacles à l’échange, y compris les obstacles culturels (langue, pratiques commerciales) et institutionnels.

Distances géographique et sociale sont souvent supposées être étroitement liées. Les travaux théoriques sur la ségrégation urbaine (cf. la revue de littérature de Durlauf, 2004) montrent, sous des hypothèses très variées, la tendance des populations similaires socialement à se regrouper dans l’espace. Inversement, la proximité géographique rend en général les échanges plus faciles, donc l’établissement de relations privilégiées.

Comme nous le verrons dans la section 3 de ce chapitre, les économistes commencent depuis peu à s’approprier les réseaux sociaux entre agents économiques, qui sont un outil privilégié de la sociologie. Dès qu’ils comportent de nombreux agents, les réseaux sont difficiles à concilier avec les raisonnements microéconomiques (ou de théorie des jeux) classiques. En revanche, la localisation d’agents dans un « espace social » (plutôt que l’usage de graphes modélisant explicitement des relations entre agents) est beaucoup plus maniable, et a été utilisée par exemple par Akerlof (1997). Le principe est de dire que l’intensité de relation entre deux agents est une fonction décroissante de leur distance. Bien que cette représentation limite les configurations sociologiques possibles (à moins de se placer dans un espace qui a autant de dimensions que d’agents (moins un) !), elle est cependant déjà très riche. C’est l’approche qui sera choisie dans le chapitre 2 de la partie théorique.

Ainsi, l’étude de la répartition spatiale des activités économiques et l’introduction de relations sociales dans les phénomènes économiques, bien qu’a priori très différents par nature, connaissent néanmoins des rapprochements naturels. Nous allons voir que c’est encore davantage le cas dans les espaces périphériques.

1.2 Le cas des zones périphériques et des lacunes de l’analyse limitée aux mécanismes marchands

Cette section commence par rappeler les résultats généraux des modèles classiques, concernant les zones périphériques (1.2.1), avant de détailler quelques caractéristiques spécifiques qui orientent leur vocation économique possible (1.2.2). Enfin, l’intérêt de l’étude des aspects non marchands dans les zones périphériques est introduit et justifié (1.2.3).

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1.2.1 Les zones périphériques comme élément résiduel

La plupart des modèles d’économie spatiale ou régionale comportent une portion de l’espace qui peut être considérée comme « périphérique ». Cette zone est soit exogène (la zone périphérique du modèle de Von Thünen, la zone d’extraction de matières premières du modèle de Weber), soit endogène (les zones les plus basses de la hiérarchie urbaine chez Christaller-Lösch, la ou les régions périphériques dans la nouvelle économie géographique). Cette zone a un caractère résiduel : ce n’est pas là que se passent les choses les plus « intéressantes ».

Dans les modèles d’économie géographique, la polarisation se traduit soit par une désertification de la région périphérique (si la population est mobile), soit par des inégalités de revenu réel (si la population est immobile). La baisse des coûts de transport tend en général à amplifier ces inégalités, ou en tout cas à les pérenniser. L’affaire semble donc entendue : les zones périphériques le resteront, et sont vouées à accueillir essentiellement des activités peu sensibles aux économies d’échelles ou intensives en matières premières.

Cette prédiction est particulièrement « désespérante » pour les zones périphériques des pays développés, tout comme pour les pays en développement. Cependant, elle reste basée sur des modèles très généraux, où les dotations en facteurs exogènes sont symétriques et les biens de consommation ont des caractéristiques également symétriques. En particuler, si des ressources spécifiques existent dans les zones périphériques, le développement de certaines activités peut être envisagé. De fait, l’analyse des variations d’emploi récentes en France suggère l’existence d’avantages spécifiques des zones rurales (Gaigné et al., 2005).

1.2.2 Les spécificités des zones périphériques : une valorisation parfois difficile

Une spécificité des zones périphériques qui peut être importante est la disponibilité en espace, qui peut permettre une accessibilité plus facile au foncier. Cette caractéristique concerne notamment le développement des zones périurbaines ou du moins peu éloignées des grands centres d’activité. Dans les zones plus excentrées, l’activité économique dans les zones périphériques est souvent basée sur les ressources naturelles. L’enclenchement d’un processus de développement économique est alors pour le moins aléatoire. Trois types de ressources naturelles peuvent être distinguées : les ressources du sous-sol, les ressources agricoles et forestières, et les ressources touristiques (souvent désignées par le terme d’« aménités »). Enfin, une ressource évidente des zones périphériques est l’espace : ces zones peuvent être idéales pour implanter des activités à nuisances environnementales fortes. Comme il s’agit d’activités typiquement non souhaitées par les habitants locaux, elles ne seront pas considérées dans la suite.

Concernant les ressources du sous-sol, il est vrai que les mines ont été la base du développement de nombreuses agglomérations. Cependant, la forte diminution des coûts de transport et le caractère très standardisé de cette industrie limite aujourd’hui la possibilité d’effets induits importants. Dans les pays en développement, ces ressources apparaissent souvent comme une rente bénéficiant à une petite élite sans retombées positives importantes pour l’économie.

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L’agriculture, secteur classiquement considéré comme à faibles économies d’échelle, est de plus en plus concentrée grâce aux gains de productivité permis par une mécanisation toujours plus performante. Les produits agricoles sont collectés sur des surfaces de plus en plus grandes et souvent rapidement exportées vers les marchés extérieurs importants.

Les ressources touristiques, tout comme les ressources du sous-sol, peuvent en théorie être génératrices d’effets induits importants, mais elles peuvent aussi être simplement l’objet d’une « prédation » de la part d’entrepreneurs extérieurs. Par exemple, Matteudi (1997) compare la station de ski de Beaufort-Arêches, pilotée par des entrepreneurs et propriétaires locaux, et celle de La Plagne, totalement contrôlée de l’extérieur et avec des retombées locales très faibles. Par ailleurs, la mise en valeur des ressources touristiques implique souvent des problèmes importants de coordination, du fait de la présence de fortes externalités. C’est notamment le cas de l’entretien du paysage, qui est une composante importante de l’attrait d’une région. Par ailleurs, les ressources forestières, notoirement sous-utilisées dans certaines régions françaises, font l’objet de problèmes de coordination du même type (Prévot, 1997).

Ainsi, pour une valorisation des ressources spécifiques favorable à l’ensemble de l’économie locale, l’élément humain est déterminant. Tout d’abord, en termes de capital humain, les zones périphériques peuvent présenter des spécificités recherchées par les entreprises. Ainsi, la forte stabilité de l’industrie rurale s’interprète comme une conséquence d’un bon appariement entre firmes et salariés (Aubert, 1997). Il s’agit cependant d’une propriété qui a tendance à s’éroder avec le temps et est assez vulnérable à l’évolution de l’environnement extérieur. Gaigné (2001), distinguant dans un modèle d’économie géographique main-d’œuvre non qualifiée et qualifiée, montre que l’industrie de la zone périphérique peut se maintenir même à bas coûts de transport, résultat cohérent avec l’idée de délocalisations dans les pays à bas coût du travail.

En revanche, pour développer des activités nouvelles, les capacités d’organisation pourront se révéler un élément crucial, plus que les compétences techniques spécifiques. Une organisation efficace peut prévenir la prédation de ressources par des agents extérieurs et favoriser les retombées locales, gérer les problèmes de biens communs et de free-riding, ou encore favoriser le maintien de la main-d’œuvre agricole et/ou le développement de nouveaux produits. Ces caractéristiques organisationnelles relèvent pour beaucoup d’aspects non marchands. Or, les zones périphériques pourraient précisément avoir un avantage en la matière.

1.2.3 Les aspects non marchands, un élément potentiellement crucial en zone périphérique

Selon Jayet (1996), l’espace rural des pays développés serait un type d’espace où les interactions sociales seraient plus importantes que dans les zones urbaines. Il présenterait une diversité sociologique plus faible, mais des liens plus forts. L’image des pays en développement est assez similaire : celle de pays où les solidarités sont restées fortes, du fait des habitudes et des nécessités de travail en commun en agriculture et d’entraide pour faire face aux aléas climatiques. Une ressource spécifique des zones périphériques serait donc leur forte sociabilité,

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qui favoriserait des actions collectives utiles au développement économique. Il est donc tentant de la considérer comme un « avantage comparatif », qu’il conviendrait d’utiliser à bon escient.

L’exemple « mythique » du lien entre caractéristiques sociologiques et développement économique est fourni par les districts industriels de la Troisième Italie, étudiés dans les années 1980 par Brusco (1982) et Beccattini (1988) entre autres. Il s’agit de systèmes industriels situés loin des grandes agglomérations, et qui ont émergé à partir d’un artisanat rural traditionnel. S’ils ont suscité tant d’enthousiasme, c’est qu’ils sont restés très performants alors même que la grande industrie du Nord de l’Italie était en crise. Or, comme plusieurs auteurs l’ont remarqué (Michelsons, 1989 ; Lazerson, 1993), la zone où sont concentrés la plupart des districts italiens correspond à peu de choses près à la partie de l’Italie caractérisée par la présence d’un métayage important, qui recouvre également la zone dominée par la forme familiale communautaire (Todd, 1990). Cette observation semble appuyer l’idée d’un fondement sociologique aux districts.

Les districts italiens (source : Becattini, 1988)

Le métayage (source : Todd, 1990)

La famille communautaire (source : Todd, 1990)

D’autres exemples moins emblématiques de relations entre caractéristiques socioculturelles et développement ont été relevés, tel que l’impact du protestantisme sur le succès du Land de Bade Württemberg (Herrigel, 1993), ou encore la célèbre étude de Saxenian (1999) sur la Silicon Valley. Pour autant, l’existence de corrélations telles que celle décrite ci-dessus pour les districts italiens n’éclaire guère les mécanismes qui pourraient relier ces caractéristiques socioculturelles et l’apparition des districts ou d’autres dynamiques de développement. D’ailleurs, les nombreuses autres régions d’Europe caractérisées par l’association entre forme familiale communautaire et métayage n’ont guère brillé par leur capacité à produire des systèmes productifs du même type. Il n’existe donc pas de lien mécanique, ou tout au moins n’est-il pas direct.

En outre, les zones périphériques sont de toute évidence inégales dans leur capacité à mobiliser une action collective dans le sens d’un développement économique. Comme le montrera la revue de littérature empirique de la troisième partie, des différences importantes d’attributs sociologiques ont été relevées entre pays en voie de développement.

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sociologiques, sur le développement des zones périphériques. Avant de présenter les travaux qui ont déjà été réalisés sur ce sujet, ce premier chapitre se clôt par l’examen des possibilités de prise en compte de phénomènes sociologiques dans les modèles microéconomiques. L’enjeu de cette thèse sera alors de mobiliser ces outils en les combinant avec les raisonnements sur la localisation d’activités économiques présentés dans la première section.

1.3 Microéconomie et interactions personnalisées

Cette section examine les outils qui peuvent être mobilisés pour appréhender des relations personnalisées (ou « sociales ») dans un modèle formalisé. Elle présente tout d’abord un historique des travaux microéconomiques prenant en compte des relations entre agents économiques (1.3.1), avant de donner une liste plus systématique d’outils utilisables (1.3.2). Enfin, quelques programmes de recherche non basés sur l’approche microéconomique sont brièvement discutés (1.3.3).

1.3.1 Bref historique

Bien que les modèles microéconomiques soient typiquement basés sur des agents prenant des décisions rationnelles (basées sur l’intérêt matériel individuel) et indépendants, de nombreux travaux peuvent s’interpréter comme l’introduction de relations sociales (ou tout du moins personnalisées) dans l’analyse. Il est possible de faire remonter ces réflexions à la théorie des coalitions dans les années 1950. Cependant, le retour de l’engouement pour les réseaux sociaux entre agents économiques est surtout remarquable à partir de la fin des années 1990.

Théorie des coalitions : années 1950

Dès l’origine de la théorie des jeux, Von Neumann et Morgenstern (Theory of Games and

Economic Behaviour, 1944) distinguent jeux non coopératifs et coopératifs. L’approche

coopérative suppose que les agents peuvent communiquer et former des coalitions. Dès lors, il devient naturel de chercher à modéliser les comportements collectifs dans la production et le partage de ressources. Ce sont les travaux de Lloyd Shapley (1953), suivis par d’autres contributions comme celle d’Aumann et de Myerson, qui ont fondé la théorie des coalitions.

Les modèles de théorie des coalitions reposent sur la définition d’une valeur associée à chaque partie d’un ensemble d’agents. Cette valeur s’interprète comme la production totale du groupe lorsque les agents se fédèrent en « groupes de travail » ou coalitions. L’apport principal de Shapley a consisté à définir une règle d’allocation (la valeur de Shapley) qui attribue à chaque agent une fraction de la valeur totale du jeu, le principe étant de lui attribuer sa « contribution marginale moyenne » à la valeur de la coalition.

La littérature sur la théorie des coalitions est très abstraite, mais possède de nombreuses applications possibles, non seulement dans la gestion de biens collectifs, mais aussi dans l’étude des jeux de pouvoir dans les processus politiques par exemple. La critique principale adressée à

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cette théorie est l’absence de spécification du processus de formation des coalitions, et l’insuffisance relative à la stabilité des coalitions (l’approche étant coopérative). Ce n’est que récemment que ces travaux ont été remis à l’honneur, mais avec une approche non-coopérative, où les incitations individuelles sont pleinement prises en compte (cf. infra sur les réseaux).

Expliciter les interactions entre agents : années 1970 puis années 1990

C’est dans les années 1970 qu’ont eu lieu les premiers travaux microéconomiques significatifs visant à « rompre le voile du marché », à expliciter le rôle des interactions entre agents économiques dans la formation des grandeurs marchandes. En l’absence de courbes d’offre ou de demande, la détermination des prix se fait selon deux modalités possibles : le marchandage (lorsque les agents se rencontrent deux à deux) ou l’enchère (lorsqu’un agent peut échanger avec au moins deux autres agents). Les contributions fondatrices sont celles de Diamond (1971), Feldman (1973), et Föllmer (1973). Elles visent essentiellement à examiner dans quelles conditions on retrouve les résultats classiques avec marchés atomistiques, en particulier la propriété de Pareto-optimalité. L’article de Feldman (1973) modélise une série d’échanges bilatéraux, visant à retrouver un équilibre général sans « commissaire priseur ». Il n’a donc rien de « sociologique », et n’a pas donné lieu à d’autres travaux qui pourraient être utile dans le cadre de ce travail de thèse.

La lignée de Diamond (1971) est basée sur des appariements aléatoires avec échange unique : les agents quittent le marché dès qu’ils ont réalisé l’échange. Des variantes incluent les contributions de Butters (1977), ou d’autres plus récentes comme Kultti (2000). Souvent, plusieurs essais d’appariement sont possibles, et les décisions d’échange sont motivées par l’incertitude sur les appariements futurs éventuels. Rubinstein et Wolinski (1985) proposent une approche plus complexe où la procédure de marchandage est explicitée dans le cadre d’un jeu stratégique. Cette lignée est la source de la littérature sur les frictions du marché (qui empêche le marché de s’équilibrer), et a donné lieu à de nombreuses applications, notamment en économie du travail, pour expliquer le sous-emploi. Le modèle Diamond (1982) est l’un des premiers et des plus connus. Il a été l’un des premiers à modéliser le sous-emploi par des problèmes d’appariement. Ces modèles, même s’ils explicitent une interaction personnalisée, ne peuvent être considérés comme prenant en compte une structure sociale. En effet, l’interaction est en général non (ou peu) répétée, et l’appariement est aléatoire. Cependant, des travaux plus récents présentent un aspect davantage « sociologique », comme le modèle de Calvó-Armengol (2001). Ce dernier propose d’étudier l’échange bilatéral dans un cadre très général, où des relations entre agents peuvent avoir une certaine stabilité.

Les travaux issus de Föllmer (1973) sont plus proches d’une approche en termes de réseaux sociaux. Ils imposent un cadre d’interaction stable entre agents, donné de manière exogène. Föllmer a montré qu’il peut ne pas exister d’équilibre de marché lorsque les interactions entre agents sont trop fortes. L’intérêt pour cette approche a repris à partir des années 1990 jusqu’à aujourd’hui. Blume (1993) approfondit ces travaux, mais avec une approche évolutionniste (les choix des agents sont faits par stratégie adaptative simple). Durlauf (1997) généralise l’approche

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concerne l’étude des interactions de voisinage et de l’apparition de ségrégation entre groupes sociaux ou entre groupes de revenu (Durlauf, 2004 ; Becker et Murphy, 2000).

Les réseaux : fin des années 1990

Les travaux cités plus haut modélisent les interactions de manière simple (grille, ensemble de voisinages). Une formulation plus générale consiste à permettre toutes les configurations possibles en matière de liens entre un ensemble d’agents. La littérature sur les réseaux est en pleine expansion depuis les années 1990, et contribue grandement à rattraper le retard de la théorie économique sur la prise en compte des interactions sociales. L’origine de cette théorie remonte essentiellement à la théorie des coalitions, et peut être vue comme une tentative de concilier approches coopérative et non coopérative en théorie des jeux.

Les problèmes traités par la théorie des réseaux se formulent en général de la façon suivante (Jackson, 2003). Il existe un nombre fini d’agents, qui peuvent se connecter par le biais d’un réseau, lequel peut être soit orienté, soit non orienté (auquel cas l’existence d’un lien est conditionné par l’accord des deux agents). A chaque réseau est associée une valeur, qui représente la production totale que permet ce réseau. Typiquement, plus le groupe est grand et ses membres connectés entre eux, plus la valeur est grande à cause des économies d’échelle. D’autre part, à chaque valeur est associée une règle d’allocation, qui définit la façon dont la valeur totale est partagée entre les agents. La règle d’allocation peut être fixée a priori (par exemple égalitaire par composante, i.e. qui partage le résultats entre tous les membres d’une composante), ou résulter d’un marchandage ou d’un processus de marché explicite.

Ce courant de littérature est pour beaucoup focalisé sur le dilemme entre efficacité et stabilité des réseaux, ce dilemme étant dû à l’existence d’externalités. Les contributions fondatrices à cet égard sont Jackson et Wolinski (1996) pour les graphes non orientés, et Dutta et Jackson (2000) pour les graphes orientés. Le processus de formation des graphes reste difficile à expliciter, et beaucoup de travaux théoriques discutent des différentes notions d’équilibre utilisables (voir la revue de littérature de Jackson, 2003). Dans les modèles qui explicitent la formation des graphes, le choix des agents consiste en général simplement à définir avec qui ils veulent être connectés. Les modalités de choix des agents (annonce simultanée ou séquentielle…) ont souvent une grande importante sur le résultat (cf. par ex. Chatterjee et al. 1993).

Parmi les recherches récentes, on trouve des résultats intéressants sur l’émergence d’agents centraux, qui sont en mesure d’extraire un surplus significatif par leur rôle de « pont » entre les autres agents (Goyal et Vega-Redondo, 2004). Ces travaux constituent de véritables avancées dans l’étude des phénomènes non seulement économiques mais aussi sociologiques. Certains travaux s’écartent considérablement de la théorie des jeux classique. Ainsi, Ioannides (1990) propose un modèle basé sur des réseaux aléatoires, et montre la possibilité de coexistence d’une méga-composante (le « marché ») et de composantes plus petites. Cette approche est également utilisée par Jackson et Rogers (2004) pour expliquer certaines propriétés des réseaux rencontrés dans la réalité.

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Malgré son intérêt et son actualité, ce courant de recherche sur les réseaux est d’une application difficile à des problèmes de développement régional et ne sera donc pas mobilisé dans cette thèse. On se contentera ici d’étudier l’impact de caractéristiques sociologiques données sur la performance économique, sans chercher à étudier la formation et la stabilité des structures sociales, lesquelles seront représentées de manière plus abstraite et plus simple.

1.3.2 Les principaux outils : vue synthétique

Cette sous-section résume les principaux outils mobilisables pour incorporer des aspects sociaux dans les modèles microéconomiques, en précisant lesquels seront mobilisés dans cette thèse.

La théorie des jeux fournit un cadre naturel pour étudier la formation et le maintien de normes de coopération, lorsque l’intérêt individuel immédiat est de ne pas coopérer. Il est bien connu que c’est la répétition de l’interaction qui facilite la coopération, mais certaines situations d’information imparfaite le permettent aussi (Kreps et al., 1982 ; Kreps et Wilson (1982a).

La modélisation de flux d’information entre agents encastrés dans une structure sociale peut être facilement incorporée à un modèle microéconomique dans lequel l’information est incomplète, bien que comme nous le verrons, il existe encore peu de travaux en ce sens.

Il y a également la possibilité de poser une utilité avec composante sociale, c’est-à-dire qui dépend de caractéristiques d’autres agents. Ainsi, Akerlof (1997) introduit une préférence pour la proximité d’autres agents, qui sont situés dans un espace continu à une dimension. Une approche similaire est employée par Schiff (1999) dans un modèle à deux régions. Akerlof et Kranton (2000) élaborent une réflexion sur la notion d’identité dans un esprit similaire.

Il existe une littérature importante prenant en compte un goût pour la réciprocité dans les préférences des agents, incluant donc une recherche d’équité dans la définition de l’utilité, ainsi que parfois des comportements de vengeance « gratuite » (Rabin, 1993 ; Sethi et Somanathan, 2003). Levine (1998) modélise quant à lui l’altruisme, dans un esprit assez voisin. Le principe consiste toujours à faire dépendre l’utilité des agents du gain (matériel) des autres joueurs. Ce courant de recherche s’est développé en parallèle des travaux d’économie expérimentale, qui ont mis en évidence des paradoxes dans les jeux de partage (Fehr et Gächter, 2000).

Les modèles inspirés de la physique statistique où l’utilité des agents est influencée par le choix des autres agents (Durlauf, 1997) peuvent être interprétés comme une préférence pour la sociabilité. C’est l’approche qui sera choisie dans le chapitre 2 de la partie théorique de cette thèse.

Toutefois, il sera parfois nécessaire de procéder à une modélisation davantage de type « boîte

noire » de l’effet des liens sociaux entre agents, c’est-à-dire qui n’explicite pas directement les

interactions des agents entre eux. Ce sera notamment le cas du deuxième modèle du chapitre 2 de la partie théorique de cette thèse.

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1.3.3 Travaux connexes non basés sur l’approche microéconomique

Cette sous-section cite pour mémoire d’autres travaux formalisés, proches de la thématique de la thèse, mais néanmoins trop éloignés par leur objet ou leur méthode. Il y a d’abord certains travaux macroéconomiques, dans la lignée de Cooper et John (1988), qui modélisent des problèmes de coordination dus à des complémentarités, lesquelles peuvent être assimilées à des effets sociaux. On trouve aussi par exemple les travaux de Lordon (1996) sur la modélisation de l’évolution des formes institutionnelles, et qui se rattachent à la théorie de la régulation. Le problème des approches purement macroéconomique est bien connu, à savoir qu’il s’agit souvent de formulations ad hoc de relations entre agrégats.

Le terme d’économie des réseaux s’emploie surtout pour des travaux sur les relations entre clients et fournisseurs dans un système de production, où apparaissent des effets de complémentarité. Economides (1996) présente une revue de ces travaux. Une de leurs applications concerne notamment les questions d’intégration verticale des firmes. D’autres travaux plus récents étudient la formation de la demande lorsque les consommateurs s’influencent mutuellement dans leurs préférences (par exemple Curien, 2003).

Comme les phénomènes sociologiques peuvent s’écarter fortement des hypothèses de rationalité, les agents étant très imparfaitement informés, et mus par des considérations très différentes de l’intérêt matériel, un recours à des approches évolutionnistes peut être envisagé. Cette approche a l’avantage de concilier une approche formalisée avec des règles de décision variées. Par exemple, les modèles d’imitation ont été fortement développés pour expliquer l’apparition de structures d’échange (cf. par ex. Orléan, 1998)). Ces travaux doivent recourir largement à la simulation numérique, d’où des difficultés de généralisation (cf. par exemple Rouchier et al (2001) sur l’émergence d’une réputation dans un système de don-contre don). Cependant, Masanao Aoki (1994 ; 2002) a développé une approche inspirée de la physique statistique, pouvant donner lieu à des solutions exactes.

Enfin, il faut citer quelques travaux formalisés issus de la sociologie américaine. Harrison White (2001) a proposé une approche des réseaux de firmes qui repose sur des raisonnements diamétralement opposés à ceux des économistes, où les marchés sont représentés comme des entités collectives. White fut l’un des premiers à théoriser l’idée à la base des trous structurels, développée ensuite par Ronald Burt, et qui sera développée au chapitre 3.

En conclusion, de nombreux outils économiques sont potentiellement disponibles pour étudier le rôle de facteurs sociologiques dans la localisation des activités en zone périphérique. Alors que le présent chapitre se focalise sur les outils économiques mobilisables pour analyser les phénomènes de localisation, le chapitre suivant aborde au contraire les approches du développement qui ne sont pas fondées sur les mécanismes marchands.

Figure

Tableau 2.1. Mécanismes positifs du capital social
Tableau 2.2. Effets positifs et négatifs du capital social  Fondement du
Figure 1.1. Equilibre et optimum de densité de liens extérieurs
Figure 1.3. Relation entre  θ   et  λ  quand t > t ∗
+7

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