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De la personnalité: esquisse d'une théorie d'ensemble.

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(2)

B Y T H E C O M M I T T E E O X

(Sraouate StuMes.

*

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(4)
(5)
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(7)

D E

P E R S 0 5 J Â L I T

ESQUISSE D«U3gE THEORIE DÎENSEÏ£BLE

TOME I D E F I N I T I O N 0O0 Thèse de Droit Université McGill MONTREAL

(8)

A V A N T - P R O P O S

•Parum est enim jus nos»

se, si personae quarum causa constitutum est i-gnorentur•"

Inst?» Justi., par» 12.

Personne, j'espère, ce croira que j'ai eu la prétention de traiter ici de la "personnalité," au sens plein de cette expression»

Cheville ouvrière des sciences qui,

éle-vant leur champ de vision au-dessus de la matière inerte, interrogent avec inquiétude le monde cons-cient, c'est-à-dire les états intellectuels et vo-litifs, la personnalité intéresse à la fois

(9)

l'es-thétique, la philosophie et les institutions so-ciales (l). L'intellect en quête de renseigne-ments utiles se verrait entraîné à des considéra-tions véritablement immenses s'il voulait faire le tour de chaque idée qu'elle remue ; pour la reproduire intégralement, il faudrait tout un au-tre livre, et peut-êau-tre plusieurs : je me garde d'un dessein aussi téméraire»

Ce que je cherche, c'est à mettre en

jre-lief la simplicité des voies de l'esprit en matiè-re de personnification juridique, et à

administrer une,preuve de plus de la compénétra-tion des sciences (2). L'hirondelle ne pond ja-mais le même oeuf, et cependant tous ses oiselets

(l) a) Gde Encyclopédie, vo Personnalité. Èncyclopaèdia Britannica, vo Personal!ty. L. Duguit, 1 l'Etat, p» 228 in fine.

*b) Scott-James, Personal!ty ïn Lite-rature, London, 1913.

Grenville KLeiser, Personality in Speaké ingt New-York, 1912.

c) Bergson, Conférence sur la "Théo-rie de la personne," Etudes, 20 nov. 1911, p» 449 et s»

C. Piat, la Personne humaine, faris, 1897. B.Bosanquet, Value of the Individual,19l3. JS.Merrington, Pro'talem of Personality,1916. P.Myers, Human Personality, N-York, 1907.

d) Business Han's Lihrary, vol, 9,Per-sonality in Business, Chicago, 1907.

(2) A» Gratry, lés Sources, c. VI.

(10)

-sont semblables par les caractères de l'espèce, de la race, voire par des traits accidentels ; ainsi, nous constatons que le Droit produit des personnes qui se ressemblent toutes, malgré leur distinction individuelle. Négligeant,donc, de propos délibé-ré, les attitudes exceptionnelles, les formes

con-entes, je m'élèverai autant que possible à une vue systématique de l'ensemble de ce phénomène de la personnalité que l'on trouve identique partout dans son fondement, quoique variable dans ses ma-nifestations.

Notre temps aime l'étude du détail, je le sais» L'on ne saurait nier pourtant que les com-positions plus vastes aient leurs avantages et

s'imposent quelquefois» Quand, en face d'un ta-bleau de maître, nous avons longuement pénétré les

expressions, étudié les poses, savouré les nuan-ces, un geste incinetif nous jette en arrière pour donner à notre oeil la fête d'un long regard d'ensemble» Alors les fonds s'enfuient , les teintes se fondent, les groupes s'animent, et l'on a la sensation du chef-d'oeuvre» Mais, si cette vue générale, qui recueille, en les hiérarchisant, les impressions de détail, est utile à la

compré 5 compré

(11)

hension d'une toile ou d'une fresoue, combien plus est-elle coinnandée par la complexité d'une lé-gislation qui prétend retenir dans son filet sou-ple et colossal tous les faits sociaux.

Le Moïse laïque a, en effet, monumenté tout son système de règles sur la double Table de la personnalité politique et civile, tous les rap-ports sociaux étant anaJLysés en des droits et de-voirs, et ces prérogatives et obligations ratta-chées à des personnes comme à leurs supports (l)»

La technique actuelle consiste non pas à déclarer tel acte licite pour tel individu, mais à qualifier certains êtres de sujets et à les repré-santer comme liés les uns aux autres par des rap-ports dont ils sont bénéficiaires ou qui pèsenlysur

eux, qui leur permettent ou leur défendent certains gestes ou encore les obligent à une manière d'être précise*.

La personnalité est un des piliers(2)du

(l) Cpr. W.J» Brown : "The cardinal

distinction of jurisprudence is between,, rights or duties, and the holders or sujjects of rights or duties. Such sujpjects are persons in law."

21 The Law Quaterly Review 367»

(2) Demogue, La notion du sujet de droit, Revue trimes, de Droit civ, 1909»

(12)

Temple de la Loi, le nucléus solaire autour duquel gravitent toutes, les créations du Législateur.

Le sujet est d'importance et l?étude que

que nous en coruïençons vient, en outre, à son heu-re»

Si longtemps on n'a même pas songe a mettre en doute le bien fondé de la théorie person -nelle, depuis quelques années elle rencontre des négateurs» Des Hiering, des Brinz et des

Bek-ker, des Duguitt la dénaturent. Tout penseur que

l'avenir du Droit intéresse # ne manque pas de

prendre parti pour ou contre ; on se ligue , on constitue jusqu'à des Ecoles, sur le cartouche desquelles se lisent par exemple : Humanisme, Ger-manisme, ou : Fiction, Réalité» Honte à nous &'£

tre indifférents à la controverse.

Quels sont les traits spécifiques de cet-te personnalité tant débattue et quels en sont les éléments constitutif ; quelle place ell J occupe dans le Droit, au milieu d'autres phénomènes; quelles sont ses origines, son rôle, ses tendan-ces ; quels sont les défauts des définitions actu-ellement en cours et les divisions que l'analyse permet et impose : ramener toutes ces questions à

(13)

-trois chefs , savoir : Définition, Essence, Exis-tence, - et les approfondir tour à tour, tel est mon objectif.

En le poursuivant, je travaille avec le désavantage de n'avoir aucun modèle» Aucune co-lonne de feu ne guide ma marche» Autant que j'ai pu m'en assurer, personne n'a encore tenté

d'écri-re une oeuvd'écri-re analogue, sur les mêmes données, a-vec la même amplitude» On trouve bien un assez grand nombre d'études se référant à des points particuliers de la théorie, que j »aui?ai l'occasion

d'indiquer en cours de route, mais aucun ouvrage d'ensemble ne lui a jusqu'à présent été consacré^ à ma connaissance» Aussi la seule existence dé

cette lacune serait-elle déjà une raison suffisan-te de présensuffisan-ter dans un essai l'ensemble de la ma-tière»

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TOME I DEFINITION DE LA PERSONNALITE *vant-pror>os Chapitre 1 : technique Ch» 2 : . Histoire Ch. 3 : Philosophie TOME 2 SSSENCE DE LA PERSONNALITE Ch» 1 : Eléments constitutifs Section 1 : Du But ou des Pins

Sec» 2 : Des Moyens ou Patrimoines Sec» 3 : De la Volonté

Ch» 2 : Eléments de

cons-tat ion et de détermination (Identité) Du Nom De la. Nationalité Du Domicile De la Qualité Sec» Sec» Sec. Sec» 1 2 3 4 TOME 3 EXISTENCE DE LA PERSONNALITE Ch» 1 : Création Ch. 2 : Vie Ch. 3 : Extinction

(15)
(16)

AVANT-PROPOS Nature de la question a) Son étendue b) Son importance c) Son actualité Manière de l'auteur Plan de l'ouvrage TECHNIQUE

Définition préliminaire de la personnal ité a) Etyraologie

b) Sens usuel

c} Sens philosophique d) Notion juridique

Distinction entre la personne, l'objet - et le rapport de droit

Place que la personnalité occupe dansl'en-semble du Droit (Graphique)

Division première des personnes en sujets actifs^ en sujets passifs et en tiers

Pas de droit subjectif (définition de ce droit) sans un double sujet actif et passif

Du sujet passif ^tout le monde", et du su-jet passif spécifique

Appliquation de l'idée de personnalité "al Son étendue

b) Absence de synonymie entre les mots "homme" et "personne"

(17)

sonnes morales

e) Distinction entre ces dernières De la personne physique a) Individuelle b) Es-qualité c) Des animaux De la personne morale a) Caractère général b) Des Immeubles c) Des Successions d) Des Meubles e| De la Fondation f) Du Navire

f) Des Services ou Ponctions

| De la Corporation Simple-i) De la Corporation Multiple Des individus non personnalisés

a) Des Esclaves b| Des Serfs

c) Des Morts civils

Des groupes non personnalisés a) De l'Indivision

b) Du Trust De la Famille De l'Etat

Angle propre sous lequel le Droit envisa-ge la personne individuelle et

laper-sonne collective

Personnalité base de la classification du Droit classique

Résumé du chapitre

HISTOIRE

Position de la question

:-Le droit subjectif réside-t-il en dé-finitive dans la personne

(18)

individuel-Personnalité signe par excellence de la civilisation

But de la civilisation consiste à confé-rer au plus grand nombre possiblela personnalité

La République idéale Des Sociétés primitives La Grèce antique

La Rome anœienne

L'Avènement du Christianisme Les Barbares

Le Moyen $ge

Les Temps modernes

L'Epoque contemporaine Conclusions

PHILOSOPHIE

Position de la question :

-La personnalité juridique est-elle un fait de nature ou bien une cons-truction technique ?

Variété infinie des systèmes Systèmes dominants

Théorie de la Réalité Théorie de la Fiction Celle de la légation Celle de la Technique

(19)
(20)

Afin de reconnaître partout la matière de nos investigations et de la distinguer de tout le reste, i£ importe de s'entendre, au prélude même, sur le sens du mot "personnalité" : toute recher-che bien conduite part d'une définition qui la circonscrit pour arriver à une définition qui la conclut (l).

Si l'on se reporte à l'étymologie du mot

personne, à savoir au ©atin p e r s o n a, voca-ble qui désignait originairement le Masque dont les acteurs se couvraient la tête et qui était fait de façon que la voix portât au loin, per quam vox personabat (2), et plus tard, le Rôle même que

l) A» Rey, la Philosophie moderne 16» 2) Aulu-Gellef Nuits attiq», v. 7.

(21)

-jouait l'acteur, parce que la face du masque re-présentait le type, le personnage donné en

specta-cle (l), - la personnalité pourrait se définir ce qui rend un être capable de jouer un rôle dans le drame de la vie universelle, ce qui lui confère u-ne physionomie propre et uu-ne action distincte dans l'ensemble des êtres auxquels il est mêlé. Les décors, les figurants, les comparses, n'ont pas de rôle, n'ont pas de personnalité théâtrale : ne sont des personnes, au sens étymologique du mot, que les acteurs engagés dans l'action dramatique dont ils suivent et déterminent, chacun pour sa part, les vicissitudes (2).

2

Dans la langue usuelle d'aujourd'hui le terme "personne" désigne un être humain complet , fait d'un corps vivant et d'une âme libre et im-mortelle» Par suite, on nie la personnalité aux

esprits purs et aux âmes des défunts qui attendent la résurrection de la chair, car ils sont

dépour-l) 0» Navarre, Dionysos, p.140 s. 2) Dictionnaires Bescherelle, La-rousse et New British;

(22)

vus d'organisme tangible ; on la refuse également aux idiots, parce qu'ils n'ont pas l'usage de la

raison 2 aux maniaques, qui ne jouissent pas de la liberté d'esprit, et aux animaux, si .'intelligents soient-ils, parce que le caractère humain leur fait défaut. Selon qu'ils appuient davantage sur l'un ou l'autre trait de la notion ainsi posée, la psychologie, la morale, la théologie et le Droit développent tous, plus ou moins différemment, le concept de la personnalité (l)»

3

La personnâ. ité, au sens philosophique du mot, c'est ce qui fait qu'un être humain diffère des choses, ou même des autres êtres de son espèce; ce qui constitue son individualité non seulement physique, mais morale et sociale» A ce point de vue on peut distinguer deux stades dans l'analyse de l'idée de personnalité. Au premier degré , p e r s o n n e s'opposant à c h o s e , on en-tendra par personnalité l'ensemble des caractères par lesquels une personne se distingue d'une cho-se ; au cho-second degré, u n e personne s'opposant à

(l) Williams James, Appleton's Cy-clopaedia, vo. Personality.

(23)

-PUBLIC PRIV3 • \ — — - , j — _ SUBSTAITT p1 • -|ADJECTIP NATI01IÂL NATIONAL 1 DROIT 1 POSITIP | DROIT | SUBJECTIF ACTIF PASSIP (Droit) | IDevoir)

i

PERSONNE RAPPORT OBJET

=1

(24)

une a u t r e personne, on entendra ce par quoi une personne se distingue d-3 ses semblables,

ca-ractère qui consiste à avoir non seulement s$t$£S(

la conscience en général, mais une certaine cons -cience particulière, la sienne, "vis sui conscia , sui compos" (l)» Ainsi défini le mot personnes-signe tout être humain et eElusivement l'être hu-main, comme dans le langage coure,nt (2)»

4

La personnalité, dans la langue technique des juristes, comporte les mêmes attributs mais plus d'extension» Elle prête un masque, une voix, un rôle distinc1^>aux libertés et aux intérêts qui

s'agirent et se heurtent dans l'amphithéâtre ju-risprudentiel ; elle crée des sujets indépendants de droit, et les sci^ndent du reste des choses \ piautonomes, comme au temps de la. Genèse, l'Esprit

créateur, passant sur les eaux, séparait les ondu-lations marines des immobilités terrestres ; elle

suppose un s u j e t exerçant un pouvoir effec-tif et un objet sur lequel s'exerce ce pouvoir, et

l) Leibnitz.

2) Aristote, Métaphysique, S» Augustin,

V. Cousin. 18

(25)

-fait surgir ainsi les trois éléments irréductibles du droit subjectif qui sont : les sujets, les ob-jets et les relations les unissant les uns aux autres.

5

lia personnalité marque différemment les personnes elles-mêmes* Elle les classe en trois

catégories, selon les relations qu'elles soutien-nent à l'égard d'une même faculté juridique. Les

deux premières catégories embrassent les partis directement engagés dans l'action, les antagonis-tes descendus dans l'arène : ce sont les êtres ca-pables d'avoir des droits leur appartenant en pro-pre ou des obligations leur incombant, en d'autres termes les sujets a c t i f s et les sujets p a s s i f s ; quant à la troisième e catégorie,

elle comprend tous les sujets qui sont restés- en dehors des deux autres, la foule A impressgrionïiarte des spectateurs, toujours prêts à intervenir, à prendre fait et cause, à savoir les t i e r s .

6

Il arrive que la première et la -deuxième classe se confondent» C'est ainsi que dans le

(26)

droit de propriété absolu, le titulaire exerce sa maîtrise à l'encontre de tout le monde. Ce phé*» nomSne permet d'analyser un d r o i t s u b -j e c t i f en un rapport obligatoire entre deux personnes à l'occasion d'un même objet. "Hominis ad hominem puoportio," écrivait déjà Dante dans

son traité De monarchia. Mais un/r droit ne se conçoit pas cornue existant sans un sujet auquel il appartienne et un autre sujet qui le respecte (l). Personne ne peut s'olîiger envers lui-même, con-fondre dans son moi l'incidence et l'inhérence du droit, l'impératif et l'attributif, nulli res sua servit. Il faut deux plateaux à la balance de Thémis ; le Droit naît du contact entre lès hom-mes : ubi societas, ibi jus» Là ou se dresse-rait une personne unique, la loi positive perddresse-rait sa raison d'être. Le droit ne se manifeste que dans le conflit entre l'homme et l'homme,ou plutôt entre l'homme et les hommes. On sait que c'est3a doctrine de Kant, qui définit le Droit l'ensemble des conditions da,ns lesquelles la liberté de

(27)

vague du rôle attribué à la nature , il

pou-ra se dire qu'il a vis-à-vis d'elle des droits correspondants au rôle individuel qui lui appar-tient à lui-même et à ce qu'il doit, en quelque

sorte, au développement de sa personnalité. Il au-ra conscience d'avoir des droits, par opposition au sentiment plus ou mons vague des -.obligations

qui pèsent sur lui» Mais ces obligations n'exis-tent encore que sur le terrain de la morale, ou plutôt sur celui de la religion» Car, si l!liom« me, même à l'état isolé, semble attribuer à l'uni-vers des droitB qui s'opposent à sa volonté indi-viduelle, ce ne peut être qu'à raison d'un princi-pe de finalité inhérent à la nature elle-même ; et

ce ne sera jamais que le fruit d'une théorie reli-gieuse. Nous sommes sur un terrain très différent

de celui du droit socia.l» N O B S suppo© ns un

hom-me en prsence des conceptions qu'il se fait de la divinité et der: rapports de la nature avec xiieu ; et, ce que nous appelons ses droits ne sont plus que Ses libertés que Dieu est censé lui avoir oc-troyées» Ce n'est plus dans sa liberté, qu'il puise l'idée du droit, mais dans sa dépendance vis-àvis d'un Etre supérieur à lui, et faisant à

(28)

tous deux leur part (l). 7

En outre de la diâfision des personnes en sujets actifs, en sujets passifs et en tierces personnes^ il en est une autre qui se rattache à la division des droits en droits réels et en droits de créance. Selon qu'il s'agit de l'un ou de l'autre de ces derniers, la «erminologie s'appli-quant à la personnalité varie, de même que les dis-positions de la loi»

Celui qui est investi d'un droit réel peut bieai, d'une façon générale, être qualifié de titulaire de tel droit, mais il ne sera désigné clairement que si on emploie les expressions de propriétaire, d'usufruitier, d'usarer» Celui qui a un privilège ou une hypothèque est appelé créancier hypothécaire, créancier privilégié ; ici domine

l'i-dée de droit personnel, l'obligation absorbe le droit réel. Celui qui est investi d'un droit personnel est, en thèse générale, appelé

créan-cier, expression qui désigne suffisamment le sujet actif de tout droit de cette nature.

8

On a coutume de dire que le droit person-(l) Saleilles, Personnalité jurid.p$10»

(29)

-nel, plus compliqué que le droit réel, a seul un sujet passif, le débiteur ; que le droit réel, portant immédiatement sur la chose, jus in re, peut se concevoir, abstraction faite de toute personne autre que le bénéficiaire (l).

Il y a là un défaut 'd'observation. Il est aussi difficile de concevoir Robinson proprié-taire que Robinson créancier, car il n'est pas de droit possible, comrie nous l'avons démontré tout à l'heure d'une façon générale, en dehors de la vie sociale» D'ailleurs l'homme réduit à ses seules ressources ne peut retirer de sa propriété les a-tentages qu'elle comporte et a nécessaires nt

be-soin de quelqu'un pour l'aider à cultiver, pour a-cheter les fruits qu'il a en escès, pour acquérii les objets qui ont cessé de lui plaire (2)»

9

On ajoute que le jus in re est absoli3

opposable à tous, à la différence du jus in perso-nam, droit relatif, opposable à une seule personre

1 Prér^^J^n*+aJnr— ?• Baudry-lacantinerie,

J. Précis de Droit civil, nos 1201-1202.

(2) Accarias, 1 Précis de Dr. romain •

(30)

-connue d'avance» Et cette différence est si

tranchée, dit-on, qu'on peut retfnoneer aux vieilles dénominations de droit réel et de droit de créan-ce, pour adopter les formes équivalentes, mais ra-jeunies, de droit absolu, droit relatif»

Cette manière de voir est communément re-çue ; mai s, comme la vérité a des droits impres-criptibles et que nous jugeons que le raisonnement pêche par défaut d.'analyse, nous essaierons de l'écarter.

Il méconnaît, en effet, une idée fonda-mentale, à savoir que tout droit a un sujet pas-sif» Le sujet passif du droit réel, c'est l'en-semble des personnes vivant dans l'Etat» L'obli-gation corrélative à tout droit consiste, en la matière, ad patiendum, c'est-à-dire en une

absten-tion général et collective, en une obligaabsten-tion de laisser le titulaire retirer tout le profit qu'il peut de son droit, de ne pas gêner ou troubler cet

exercice ( c'est parce que la propriété nepeut

con-traindre ad faciendum, qu'il n%y a pas de

servitu-des in faciendo (l)), obligation d'ailleurs sanc-tionnée civilement et pénalement (cela esfe si vrai

(l) Code civil, art. 555» 23

(31)

-que certains sociologues demandent la suppression de la propriété comme portant atteinte au droit

qu'a tout homme d1agir'comme bon lui semble). En

conclurons-nous que le droit réel est absolu . Nullement (i'i

Il en est de même du droit personnel» En effet, si ce droit confère une obligation très

importante, la plus essentielle, à la charge d'une personne déterminée, tenue à un fait précis, il

confère, en tant que droit en général, la même o-bligation collective correspondant à tout droit réel» Il est donc, en ce sens, aussi absolu que lui» La vérité est qu'il y a, en matière person-nelle, deux sujets passifs : la masse* tenue à un

simple fait impersonnel, négatif, corrélatif de tout droit : ne ras empêché de jouir ; le débiteur tenu à un devoir personnel et positif : faire ou ne pas faire . que cette dernière obligation ait une importance capitale, nous nele nierons pas mais ce que nous contesterons, c'est qu'elle

ab-sorbe l'obligation générale : elle la masque

(32)

plement» La preuve est que nous en pouvons dé-duire des conséquences pratiques : a) si un tiers détruit la chose due, la créance est éteinte ; mais il devra des dommages-intérêts, de même que

s'il avait détruit la, propriété d'autrui : b) même observation, en cas de destruction de l'ins -trumentum qui constate la créance ; c) si un tiers, par violence ou dol, ou se croyant à tort cessionnaire, empêchg^le débiteur de se libérer entre les mains du créancier, il serait passible envers ce dernier de dommages-intérêts» Dante ré-sume assez bien toutes ces remarques dans la ..dé-finition du droit que nous avons citée^en par-tie, plus .haut : le droit, dit-il, "est realis atque personal is hominis ad hominem proportio,quae

servata, servat societatem.tt

10

Dans le langage du peuple et da.ns celui des philosophes, les hommes seuls, avons-nous re-marqué, sont des personnes. En jurisprudence , homme et personne ne sont point synonymes» On y appelle personnes tous ceux auxquels la loi confè-re ou confè-refuse des droits en considération de leur 4

(33)

-état (1)» Toiite fltttité cois tituée à titre suffi-samment autonome, et productive d'activité juridi-que, devient un sujet de droit, dès qu'elle a une volonté qui lui soit affectée pour exercer les pouvoirs qui lui sont attribués (2).

Le type, jen'ai pas besoin de le dire,est la créature de Dieu de l'un ou de l'autre se-xe, telle qu'elle nous apparaît sous sa carapace faite de l'anatomie des membres avec leurs os et leurs chairs, laquelle est, en elfce-même, le but et la fin detous les droits, puisque la société étant composée- d'êtros humains n'existe que pour assurer à ses membres un développement de vie et de personnalité , alors que, d'autre part, la p e œ sonna ité humaine possède une volonté, au moins virtuelle, susceptible d'exercer le pouvoir qui s'appelle le droit, ou même, à défaut de capacité de vouloir, en peut emprunter le service fonction-nel à une volonté similaire, qui s'identifie à ses intérêts et sache les réaliser»

Mais à côté de l'homme, et par une exten-sion de l'idée contenue dans le mot personne on

(l) Coin-Delisle, Traité des person-nes, p. 4, art. 3.

(2.) Saleilles, Personnes morales, pas-sim.

(34)

reconnaît la qualité à des g roupemert s d'individus ayant des intérêts communs, ou plutôt à des uni-versalités de biens, choses matérielles, capacités physiques, intellectuelles ou morales, jouissant d'un organe volitif commun qui lesoriente vers un but déterminé et permanent (l).

Par cela seul que ces groupements sont capables de posséder des intérêts collectifs dis-tincts des intérêts privatifs de leurs membres, la loi leur concède la personnâ. ité et leur donne le nom de personnes m o_jr_a l'è s , pour les distin-guer des autres personnes qui reçoivent celui de personnes p h y s i q u e s (2)»

Ceraines entreprises ne sauraient être facilement, ou pleinement réalisées par les forces d'un seul individu et exigent un plus ou moins grand nombre de concours* La forme rn^me de

l'as-sociation ne suffirait pas à leur réalisation si chacun des membres conservait jusque dans ce grou-pement son individualité distincte, ses droits et ses obligations propres» Son administra ion in-térieure et les rapports de l'association avec les

(1) Dig. 22,(46,1) et 9, par. 2. Dig. 4. 2.

(2) Code civil, art. 17, section 11 ; et art. 352.

(35)

-lesiiers seraient trop compliqués, s'ils devaient nécessiter l'intervention de chacun des associés ;

son crédit serait trop resserré, puisqu'elle n'au-rait pas de biens qui fussent exclustvementla"pro-priété de ceux-ci ; elle serait à la fois sans u-nité et sans surface»

Or, pour remédier à cette infirmité, on peut former de tous les éléments actifs un

faisceau si étroit qu'il leur fasse perdre leur indi -vidualité personnelle au profit de' l'association,

qui a seule alors une réalité, des organes spé-ciaux, un patrimoine propre (l)» L'universitas a besoin^ d'organes pour manifester •.-. extérieurement

son activité, mais ce qui constitue le caractère de l'universitas c'est que sses organes, au "lieu

d?^tré, comme pour l'individu, de simples parties

de son corps, sont eux-mêmes des individus qui ré-unissent ces deux caractères à la fois d'Stre mem-bres de l'universitas, et aussi, personnes autono-mes et distinctes»

La personnalité apparaîé ainsi comme la figuration juridique et l'expression abrégée

d'in-(l) Marcien, Dig. 6, par. 1, (l,8).

(36)

térêts communs, auxquels elle apporte en . même temps lapuissance d'une forte concentration (l)»

11

Personnes physiques et personnes morales ne sont pas sur le même pied. Les personnes

phy-siques ont une f i n e n s o i ; elles sont le but et la mesure du droit, lequel e~t anthropocem» trique» Les personnes morales, au contraire , ne

sont que des m o y e n s à l'usage des premières pour faciliter le perfectionnement de leur nature»

Auguste Comte n'a vu dans 1'individuqu'un infiniment petit oui doit s'annuler devant l'ai semble» liais pour d'autres, dont nous sommes , le Droit a pour objet &e protéger et de développer la personne humaine, d'assurer le libre jeu de ses activités, de la mettre en état d'accomplir ses devoirs.

Le principe moraJL qui fonde le droit *

c'est lfinviolabilité de la personne humaine •

"L'homme, pose^existe comme fin en soi,,et non pas seulement comme moyen pour l'usage arbi -traire de telle ou telle volonté»" Par suite, l'homme ne doit jamais traiter les autres

in-(l) 1 Baudry-Lacantinerie, 328»

(37)

-dividus comme des moyens pouvant être employés uniquement pour ses fins à lui ; il doit toujours leur reconnaître pratiquement la qualité de fins en soi. L'impénétrabilité réciproque est la loi suprême du monde moral, comme elle est une des as-sises de l'ordre physique.

Hegel (l), Fouillée $2), se sont plu à placer le dernier fondement du droit dans le.res-pect de la volonté libre (Nous verrons dans le se-cond chapitre l'évolution de cette idée à travers les âges). "Le droit, formule Proud'hon, c'est le respect spontanément éprouvé et réciproquement garanti de la dignité humaine, de quelque personne que ce soit, en quelque circoa tance qu'elle se trouve compromise et à quelque risque qu'expose sa défense."

A la base del'édifice social et juridique se trouve l'individu, c'est-à-dire une volonté !•*• bre. De cette volonté libre tout procède, à exie

tout aboutit» Aussi loin que ce soit, ce -. n'est pas elle qui a besoin d'être justifiée, ce sont ses

/ (l) Naturrecht und Staatwissentchaft,

âder Grundlinien der Philosophie des Rects 1821.

(38)

limitations qui seules doivent être

légiti-mées1.

Ces idées ont trouvé dans le titre du Co-de civil traitant Co-des contrats une consécration qui a dispensée les commentateurs d'y insister. Elles ont rencort ré leur appui dans les théories

sociales contractuelles populaires émises par J. J. Rousseau, et promulguées dans la Déclaration des droits de l'homme , qui a conçu le Droit comme le régime de coexistence *^es libertés naturelles.

Picard étiquette à bon droit ce corps de doctrine du nom d'Hominisme (l)»

12

L'être humain est donc, comme tel, attri-butaire de droits, mais rien n'empêche qu'il ne le soit à d'autres titres. Alors la personne est moins l'individu lui-même que le rôle qu'il occupe. Le même iiidividu peut constitué autant de personnes qu'il a de tutelles répondant à une mission p-rmanente particulière, à caractère écono-mique, administratif ou autre et chacune de ces

(l) Les grandes fresques du Droit, p. 1, 1919.

(39)

-personnes peut avoir des droits et des obligations distincts.

Il y a, en procédure, une expression usi-tée qui suppose et en même temps indique très bien cela» Une personne passe un acte, contracte une obligation, acquiert une chose, est jugée è s-q u a l i t é , c'est-à-dire de telle sorte s-que l'acte produit seulement ses effets eu égard à la qualité en laquelle la personne gc a figuré. Ainsi un tuteur est poursuivi en justice comme

représen-tant du mineur et il est condamné. La condamna-tion ne l'atteint que ès-qualité, c'est-à-dire en tant que tuteur ; sa personne comme tuteur est distiœ te de sa personne comme individu . Ainsi encore un administrateur, un maire, un gérant de société passe un acte ès-qualité, c'est-à-dire que

les conséquences de l'acte reotent étrangères %a

l'individu en dehors de la qualité en laquelle il y a pris part»

Nous citerons encore l'exemple du mari qui, comme administrateur du ^oien de sa femme , dans le plus grand nombre der régimes nuptiaux,

pos-sède une personnaL ité distincte de celle qui lui appartient dans ses propres affaires, et nous

(40)

remarquerons que cette distinction est si bien faite que lorsque le mari fait, comme représentant de sa femme, un acte excédant ses pouvoirs , il peut poursuivre lui-même l'annulation de cet acte

sans qu'on puisse lui opposer la maxime d'après laquelle quem de evictione tenet actio, eumdem a gentem repellit exceptio.

L'exemple le plus remarquable,peut-être , est cependant celui qui se rapporte au roi. Le roi, nous dit Southcotey 6- deiix capacités, car il a deux corps, dont l'un est naturel et mortel et l'autre politique et immortel (1J • Ainsi s'es»-pliquerfnt les maximes au premier abord étranges oui énoncent que le roi ne meurt pas, qu'il n'est ^ jamais mineur, -qu'il a le don d'ubiquité, qu'i 1 ne fait pas de ikort et, (nous dit Blackstone ), £g) ne pense pas de mal»

Est-ce que la, personne de chaque associé ne se dédoublé pas elle-même, suivant qu'on laeon» sidère par rapport à son patrimoine individuel ou par rapport à celui de l'association ? La

per-(l) PLowden, 234.

(41)

sonnaiité étant un rapport abstrait peut se frac-tionner en plusieurs rapports parallèles suivantlt.s objets qui se relaient au sujet, par sonséquent sié vant qu'il y a un ou plusieurs patrimoines distinct

se reliant au même sujet juridique (l)» 13

Seuls les individus constituent des per« sonnes physiques, c'est-àédire d-s êtres revêtus de la personnalité en vertu de leur organisation intime, de par nature» Les animaux n'en sont pas» "Il faut avoir une volonté pour revendiquer le droit de faire respecter sa volonté» Avant d'être un citoyen dans le monde, je dois d'abord sentir dans ma onscience que je suis une personne "(2)»

Les animaux ne forment pas d'ailleurs a-vec nous une société homogèéie» Le Droit ( qui peut très bien être philosophiquement conçu comme la projection dans nos consciences de la loi su-prême qui régit la teste mécanique du Monde, est

susceptible de degrés : il est possible que notre

(l) Touillier, 1 Droit civ. no 182.

Ortolan, 1 Instituts de tfustinien, no 23. C» Beudant, 1 Cours de droit civil, p. 6. Saleilles, loc. cit», p. 205»

Pillet. Personnalité en d. privej.nter.no29» (2) J» Simon, le Devoir, p» 14»

(42)

droit humain soit inférieur à un droit pratiqué par des sociétés éparses dans l'univers, nous dé-passant d'autant que nous dépassons l'animal ; in-versement aû-desous du droit humain il n'est pas absttide de concevoir l'existence d'un droit animal pratiqué pacr exemple dans les râches d'abeilles et les fourmilières ; il peut y avoir un droit mi-hu-main, mi-animal, que d'ailleurs des Codes

religi-eux antioxues ont consacrés (l)» Darwin ne

recon-naissait-il pas un sentiment religieux et une pra-tique du culte daHs les allures soumises et véné-rantes du chien à l'égard de son maître» D'au-tres, qui ont étudié les républiques de fourmis et de guêpes, disant qu'il s'y pratique des devoirs soumis à la coercition, allant jusqu'à la peine ca-pitale» Certains oiseaux ont au sujet de la fidé-lité conjugaJLe, de l'adultère et de ses conséquen-ces pour la famille, des idées, semble-t-il, voisi-nes des nôtres. Un écrivain anglais raconte que, tous les oeufs d'une cigngne ayant été pris par un chirurgien et remplacés par des oeufs de poule, le

(l) Paul Janet, la Morale, II, 5.

Ed» Engelhart, de l'Animalité et de son droit, 1900, et Rev. de droit public,1878, t» IX, p» 456»

(43)

-mâle se trouva fort surpris en voyant éclore des poussins à la place de cigories : après réglexion ,

il alla chercher des camarades, qui vinrent en mas-ses, s'assemblèrent auprès de la fan elle et l'a? écutèrent» Voici un fait du même genre obser-vé aux environs de Berlin : un oeuf de cic&orfê fut pris dans un nid et remplacé par un oeuf d'oia L'oeuf vint à bien et l'oison Ait son apparition» La cigogne mâle, en le voyant parut extrêmement

troublée, -et puis s'envola en poussant des cris féroces» La femelle continua à donner ses soins à l'oison» Au matin du quatrième jour, après le départ du mâlei on vit dans un champ voisin une grande assemblée de cigognes ; il y en avait bien cinq cents oui jacassaient avec volubilité, en a-yant l'air d'écouter les harangues d'une autre en face d'elles» Pendant de longues heures, il se détacha successivement du groupe diverses cigognes qui haranguèrent tour à tour leurs camarades, et enfin toute la ba.nde, poussant de grands cris , s'éleva, s'en vint au nid où la femelle était res-tée, évidemment très effrayée, et extermina suc-cessivement la mère, l'oison et enfmn le nid (l).

(44)

quoiqu'il en soit, le droit ne s'applique pas aux animaux» C'est à l'homme que vont d'em-blée les préoccupations juridiques et il semble

que c'est à lui seul que le droit est destiné» Les législateurs archaïques ne se faisaient pas scru-pule ,' il est vrai, de pcrter la peine 2Le mort

se-lon les rites3solennels, contre les bêtes qui

s'é-taient rendu coupables d'homicide» "Si un boeuf piquent de ses cernes un homme ou une femme,il".doit mourir, est-il écrit au litoe de l'Exode : on lui jettera des pierres et sa chair ne souillera pas la bouche des mortels" (l). Caligula fit consul

?*on cheTal» Un recudil de lois veut cque isi le cuien mord un mouton ou un homme, on lui coupe, la première fois, l'oreille gauche ; la deuxième,l'o-reille droite ; la troisième, on l'entaille au pied droit,^la quatrième au pied gauche ; la cin-quième,' on lui tranche la queue» " H y eut aussi, dans le même ordre de tendances, nous ra -oorte Pi-card à oui nous empruntons .quelques - unes acte ces citations, durant la période médiévale, les

pro-(1) Bible, Exode, 7JCI, 28. Platon, Lois, 873»

Justinien, Inst» ïv. 9» Salmonds, Jurisprudence.

(45)

-ces contre les insectes destructeurs, chenilles ou charençons, traités à ce point en véritables sujefe de droit, qu'on les assignait par huissier comme des plaideurs ordinaires, qu'on observait à leur égard toutes les formes de la procédure et qu'on leur nommait des défenseurs d'office qui les dé-fendaient vaillamment et usèrent, à leur profit, de manoeuvres chicanières aussi ingénieusement et aussi opiniâtrement que s'il s'était agi de clièrts humains»" (l) Le Droit appliqué par l'homme à

ses frères les chiens, à ses cousins les insectes, comme diéait si passionnément saint François d'As-sise, est simplement ridicule l Hominis causa omne jus costitutum (2)» La loi est portée pour les hommes, et ne tolère pas de liens obligationnels

entre eux et les animaux inférieurs (3)» Il ne suffit pas d'avoir des droits pour être une pe3* sonne,il faut encore être capable d'obligation :or

\1) Picard, le Droit pur, p. 69 s.

,2} D» 1.5.2.

,3) Roguin, la Règle de droit, no 218 et s.

J. M» Guyau, Pages choisies,

Colin, p. 213, 1906» ^ * (4) Boistel, < W s de philosophie

(46)

il est impossible d'imposer des devoirs à l'ani-mal (î). Le tort causé à une bête, les cruautés

exercées sur elle^ peuvent être à préjudice à son propriétaire, ou à la société en général, "à la

sensibilité" humaine, et être punis comme tels, mais ils ne causent pas d'injures réparables à la brute. Le Droit règne sur l'Humanité»

14

Le trait caractéristique de la personna-lité physique, c'est d'être une fin en soi, un corollaire de l'existence d'une volonté qui anime le corps humain et cherche à atteindre par l'en-tremise des M e n s extérieurs la satisfaction de ses besoins, la réalisation dé ses idéals terres-tres et éternels ; celui de la personnalité morale, c'est d'être, au contraire, un moyen mis à la dis-position des individus, moyen:: essentiellement ca> tingent, variable dans le temps et dans l'espace , en un mot d'être une réalité d'ordnre purement ju-ridique» Dans le monde réel, elle a toutefois un point d'attache, qui est pour elle ce qu'est le

corps £our la personne humaine : c'est l'entreprise à laquelle elle se voue, l'entreprise avec snn nom,

son but, son patrimoine, avec le corps

(47)

-trateurs (l)» C'est cettte entreprise qui e;.t personnalisée, et non pas Jeécisèment le group r

d'hommes qui la poursuit. Autrement on ne pour-rait, sel n moi, expliquer l'existence des socié-tés par actions, du navire-personne, des fonda-tions, et de la corporation simple, et même de la corporation multiple où le personnel se renouvelle incessamment, alors que la personne demeure.

Par exemple, les immeubles sont réelle-ment et dans certains cas de véritables sujets ,

titulaires de droits et débiteurs d'obligations» Les servitudes, les hypothèques, re oss^nnt pour ainsi dire sur la tête d'un immeuble, son sur cel-le de son propriétaire, qui n'est tenu que propter rem, ès-qualité de possesseur-détenteur {2). Il en est de même des obligations du voisinage» Les immeubleB ont un état constitué par la désignation, parfois un nom, la contenance, les confrontations, état constaté par de véritables actes de l'état civil qui sont les registres de transcription. U s

(l) Otto-Mayer, Die jurifiische Per-son»

(2) Code civil, art, 555, 2075. 40

(48)

-ont aussi une sorte de capacité, ils s-ont libres ou bien grevés de servitudes, de privilèges et d'hypothèques ; ils ont leurs juges auxquels ne peut les enlever l'arbitraire de=5 plaideurs (l).

Les successions, les meubles mêmes, pour-vu qu'ils présentent un élément suffisant de co-hésion, de stabilité et de permanence, personae vicem sustinent. C'est le cas des fondations ,

orgare s institutionnels érigés le plus souvent sur

la base dfune somme d'argent affectée à v.n but

re-ligieux, philanthropique, patriotique ou autrement humanitaire, pour un laps de temps quelque fois

indéfini, toujours considérable» Les fonds ain-si constitués seront bien administrés par des gé-rants ; mais ces gégé-rants ne seront pas des associ-és & qui appartiennent les fonds eux-mêmes, si ce n'est nominalement en droit anglais», Et, de mê-me qu'ils ne gèrent pas pour eux-mêmê-mes, ils ne

gè-rent pas davantage^»«Â pour un individu, nfi^pour le profit, si l'on peut dire, de la fondation, c'est-à-dire pour la réalisation de son

affecta-(l) Raoul Brugeilles, 8 Revue

tri-mestrielle de droit civil, p.'301-316.

(49)

-tion et dé son but statutaire (l).

On peut en dire autant des navires. Les navires on un nom, ils ont même un âge, un

domi-cile et une nationalité : ils peuvent être grevé s personnellement d'obligations. Il suffit de se

référer aux théories de l'abandon et du délaisse -ment pour en être convaincu (2).

N'y a-t-il pas jusqu'à des agrégats d'ac-tivités personnelles, d'autorités, de privilèges, qui puissent se couvrir du masque de sujet de droit, à la condition d'offrir des garanties de continuité. Telles sont les fonctions publiques que l'on considère comme des unités juridiques, en ce sens que les droits qu'elles acquièrent réguli-èrement ou que les obligations qu'elles contractent par le ministère de leurs porte pa.role n'a -vantagent pas ou n'obèrent pas les fonctionnaires

qui les occupent, mais les s rvices organisés eux-mêmes (3)»

Ainsi la corporation sim_ le ( corporation sole) ne saturait être regardée comme une personne

(l) De Lapradelle, Des Pondations, Paris, 1884.

(2) Poignet, Manuel de droit inter-national, ch. du droit maritime.

(3; Blakstoftss Comm. L» 1, c.18. Michoud, Responsabilité de l'E-tat, Revue du Droit public, 1895, t.2, p.2»

(50)

collective : son personnel ne comprend qu'une per-sonne humaine à la fois ; il n'y a qu'un roi à un moment donné qui porte la couronne, et la couronne forme une corporation (l); de même 3ie diocèse de Montréal ne compte pour tout membre que

l'archevê-que actuel. La corporation simple n'est pas une personne physi<$ e : il est impossible qu'une per-sonne physique ne s'éteigne pas, et la corporation simple peut subsister même après la disparition de son représentant officiel, et c'est même sa note caracterisstique que sa perpétuation à travers la série de ses organes. On sait le dicton : »Le roi ne meurt pas (en tant qjre roi, car, porte le statut anglais II. Geo. II, c. 30, il meurt comme personne juridique individuelle), ou "Le roi est mort, vive le roi • " (2).

De même encore dans la corporation ordi-naire ou multiple, il serait illogique de dire que c'est le groupement qui est élevé à la dignité de personne, puisque la corporation est un être distinct des individus qui la composent. Les mem

-(1) JJaitland, 17 The Law Quaterly Review, p. 131.

H. Moore, 20 ibid. p. 351.

\Z\ Cousineau, Corporation, thèse,

de Montréal, p. 44. 43

(51)

-bres d'une compagnie d'exploitation minière n'ont aucun droit direct de propriété sur la mine ou sur

l'outillage, ets4uelqu'un d'ettx se comportait en

maître à l'égard des biens, il s'exposerait à une action pour trouble» Dirons-nous que tout action-naire du chemin de fer du Grand Trunck est en vé-rité propriétaire individuel d'une part indivise de chaqie mille de voie , et dé chaque locomotive

et:voiture qui y roulent ? Certes non. Que

no-tre homme s'avise de Voyager sur le bout de ligne qu'il prétend sien, sans acquitter son passgge, et vous verrez quel traitement il s'attèrera»

Distincte de ses membres pris un à un,la corporation l'est encore de ceux-ci envisagés

com-me tout. Entre autres pceuves nous pou1© ns citer

les suivantes :

a) Tous les membres de la corporation peuvent être solvables sans que la corporation ne le soit»

b) Les mêmes individus qui constituent telle compagnie peuvent en constituer autant d'au-tres qu'il leur plaira» Or si la compagnie ;é!i-dentifiait à la somme de ses membres,ils ne

(52)

-raient évidemment en former qu'une seule»

c) Le patrimoine d'une corporation suit le sort de celle-ci quel qu'il soit, et jamais la fortune bonne ou mauvaise des actionnaires» C'est la corporation (non les particuliers )qui est cfé-an^cière et débitrice : "Si quis universitati debe-tur, singulis non debedebe-tur, nec quod débet univer-sitas singuli debent.* (l)

Y a-t-il là un échec au principe de bon' sens d'après lequel les droits ne profitent en dé-finitive qu'aux individus ? Non. Il est bien évident qu'on ne saurait attribuer aux immeubles ni aux navires l'émolument d'un droit dans leur intérêt propre. liais si l'on veut élaborer une théorie déductive et abstraite du Droit, ce qui est possible avec les élément* innombrables au-jourd'hui accumulés, il est extrêmement commode de

considérer dans certains cas ces objets comme des sujets, pour généraliser certaines règles juridi-ques et en réduire le ttonfbre (2).

(l) Ulpien, D, 3, 4.

(2) Austin (Jurisprudence, 5e éd., 1. 354) divise les personnes morales en trois classes qui sont

:-1. Collections d'individus, e.g. corpo-rations multiples.

2. Choses, e.g. le praedium dominans. 3» Collections de droits et devoirs, e. g. l'hérédité jacente.

(53)

-15

Qu'on n'aille pas déduire de ce qui pré^ cède que l'application du concept de sujet de droit tant aux individus qu'aux entreprises, soit. nécessaire.

Il a existé durant de longs siècles des hommes - esclaves, serfs, morts civils- auxquels le

droit ne reconnaissait aucune personnalité. Ce n'est qu'en 1848 que la Prance abolissait l'escla-vage dans ses colonies, et le 9 mars 1916 que la province de Québec abrogeait la mort civile. • Il y a à peine un siècle où l'on peut dire que tout partial lier est d e p i a n o un membre auto -nome de l'Etat.

Pour les groupes cela est plus évident en-core. Des collectivités ont vécu et vivent enco-re sous l'empienco-re d'une technique autenco-re que celle qui découle de l'idée de personne, ité morale, soit sous le simple régime de l'indivision, copropriété qui laisse subsister un rapport immédiat et di-rect d'appropriation entre lesdroits patrimoniaux

et les individualités réunies qui les possèdent en

commun et qui en restent-les sujets distincts (l),

(l) Istrati N. Vicesco, la

Personna-liténmorale et l'Indivision (Thèse, Paris, 1907).

(54)

soit sousla forme si développée dans les pays an-glo-saxons du trust, c'est-à-dire avec des biens qui sont officiellement'urunuiers (l).

16

Parmi les groupes sociaux sujets de droit il en est de permamaents, d'organiques,qui-ï se sort t dégagés de bonne heure» Ce sont surtout la fa-mille et l'Etat, la première aujourd'hui déchue de

son éclat et la seconde en voie proba/ble d'ac-croissement.

La preuve que la famille était une per-sonnemorale se retrouve dans l'histoire notamment au point de vue pénal, par la solidarité de ses membres dans la législation germanique (2), au point dé vue économique,par la coproprété famili-ale, dont la notion bien comprise du patrimoine n'est que la survivance surtout apparente dans 3e droit successoral.

(l) Haitland, Trust und Korporation, 1905.

(2) P. de Coulanges, Cité antique, 5e éd., p. 118, 126.

Thonissen, Organisation judiciai-re de la loi salique, 158 et s. ;

Id., Droit criminel des anciens peuples de l'Orient, 1, passim.

(55)

-La famille moderne, réduite au couple hu-main et à sa progéniture, n'est plus reconnue, à

tort diront quelques-uns(l), comme une personre ju-ridique. La communauté conjugale, association de biens entre deux époux, fonctionne sans que jamais les jurisconsultes ressentent le besoin de l'élever à la dignité personnelle» On admet qu'il s'agit ici d'une simple copropriété indivise, au moins lato sensu, établie par les époux pour la durée dô leur union, et dont le Qode civil a réglé le mode particulier d'administration»

La plus vaste et la plus haute de -ces personnes raora,les, c'est l'Etat, ou la nation, ou la Société. C'est elle qui est le sujet dans le droit international public, le récipiendaire du droit'de punir, du droit d'autorité politique. Elle est aussi grevée d'obligations et de devoirs vis-à-vis des autres groupes et de l'individu . Au-dessous* et en la considérant au point de vue

politique, elle se subordonne les personnes admi -nistratives, province^municipalités, utilités pu-bliques» Au point de vue civil, elle contient di-verses sociétés, corporations, syndicats,

(56)

tives, etc., soumis & des conditions spéciales pour devenir sa^ets détroit s l ' E t a p e reconnaît pas indistinctement tous ses enfants (l)»

70

La personnalité juridique ne se différen-cie pas de la personnalité nue l'on rencontre dans d'autres branches des connaissances humaines seu-lement par l'étendue de son application, elle se distingue encore pat l'habit sous lequel elle se présente aux yeux de l'observateur.

L'homme peut être envisagé au point de vue de la constitution et du fonctionnement de ses or-ganes, par l'anatomie et la physiologie ; on peut étudier en lui l'être sentant, pensant et voulant; ce qui est l'objet de la psychologie ; ses travers, son automatisme, ses passions, ce qui est l'objet du théâtre» Le Droit étudie lès limitations qui sont imposées à la volonté humaine au n^m de la jus-tice, par une organisation investie du pouvoir, et qui résultent du fait nécessaire de la vie en so -ciété; le Droit étudie en même temps les sanctions énergiques par lesquelles l'Etat assure le libre es»

(l) Platon, Lois, VIII, 828.

(57)

-ercice de cette volonté dans les limites qu'il a tracées. L'homme "envisagé sous le rapport du droit," c'est-à-dire au point de vue des limita-tions imposées à sa volonté par le pouvoir social,

et des sanctions qui en assurent l'exercice, prend le nom de "personne."

Les groupements peuvent, comme les individus, êtres considérés à des points de vue dif -férents. la science qui étudie leur constitution, leur pouvoir de fait, leurs modes d'action, c'est la sociologie (l) ; le Droit les considère au mê-me point de vue que les individus, ^^dèzirtf ÎM

CLvdfVtrov (2) \^e même quel'Etat d'une part a

li-mité les facultés naturel/es des individus pour a-assurer l'ordre dans la société et le maintien de l'unité politique, et d'autre part les a sanction-nées, c'est-à-dire en a garanti, au besoin par la force, le libre exercice ; de même^ il a limité et sanctionné les pouvoirs des groupements. Ceux-ci, en effet, se comportent comme des êtres distincts

(l) Gustave LeBon, Psychologie des

foules» et L'Homme et les Soci-êtes.

(2) Platon, loc, cit.» 50

(58)

-des individus qui' les composent: leurs intérêts, ^ souvent différents de c&ux des individus, leur sont parfois contraires (lj»

18

De lanature des personnes et du rôle qu'el-les soutiennent découle la classification classique

du Droit tout entière»

Les personnes en présence sont-elles des Etats, le Droit s'appelle alors le droit

interna-tional ; sont-elles, au contraire, l'Etat et les citoyens, le droit est dit constitutionnel et ad-ministratif : toutes branches du droit public, à

cause de la préséance du bien commun directement en jeu dans chacun de ces cas.

Que les personnes jouent un rôle non pas général, comme nous venons de le voir, mais bien

un rôle individuel, un rôle particulariste, et ce

sera le droit privé ou uivil qui les régira ; le droit entre-vifs, si toutes sont vivantes, et le droit à cause de mort, si l'une d'elles stipule en vue du temps où elle ne sera pli s ; le droit patri-monial ou obligationnel, s'il s'agit de propriétair

res ou de créaniers en tant que tels ; le droit

(l) Mestre, Personnes morales, c. 1» 51

(59)

-familial, s'il s'agit de maris et d'épouses, de parents e£enfants, de pupilles et tuteurs ; le

droit commercial ou maritime, s'il s'agit de com-mençants sur terre~*ou par eaux ; et enfin le droit

procédural et pénal (encore dit le droit adjectif) au cas où il faut réprimer par la force les per-turbateurs de l'ordre établi par le droit substan-tif (l), c'est-à-dire de- la paix publique/ et pri-vée (2).

19 Ré sumons-nous.

On entend par personnalité l'ensemble des conditions sou.s lesquelles un être du monde exté -rieur revêt la toga civilis, le rapport même qui s'établit entre cet individuum et l'appropriation des droit s.

Par suite, la personne désigne un être autonome, distinct de tous autres et conscient de lui-même, libre de régler ses propres affaires • et maître de développer sa nature dans le cercle

d'action tracé par la loi»

Sous tout droit gît une personne de ce

(l) Munro Smith, Appléton's Cyclo-paedia, vo Jurisprudence.

(60)

genre, simple ou composite. Lorsqu'on a en vue un .particulier la personne est simple» Lorsqu'un

faisceau de prérogatives repose sur la nation ou sur une portion du peuple ou sur un groupe de so-ciétaires, et que ces avantages sont pratiquement séparables de ceux qui compétent a# membres, il est au moins commode et il est souvent nécessaire, pour les fins légales, de considérer l'association comme un tout indivisible : nous avons ainsi la personnalité morale, personnalité oui s'attache à l'Etat et à ses démembrements dits c o' r p s p o-l i t i q u e s , o u aux communautés voo-lontaires à but lucratif ou désintéressé dites c o r p o r a

t i o n s c i v i l e s » Dans l'Europe conti -nentale, les biens qu'on affecte à un but reli-gieux, littéraire, philanthropique, ou éducationnel ne dépendent pas de fiduciaires (trustées) pour ce

investis de la personnalité (universitates perso-narum), comme il sepratique dans le d roi anglais

et le nôtrt } mais le patrimoine lui-même, l'oeuvre, l'institution, forme, sous le nom de f o n -d a t i o n le sujet -d'inhérence (pia causa) (l)»

(l) Aubry et Rau, 1, par. 59, p. 252 ; Demolombe, 1, n. 132 ; Demante, 1, n. 13 ; Laurent, 1, n. 287; Hue, 1, n. 96, 202 ; Seudant, 1, n. 1 ; Planiol, 1, n. 362 ; Surville, 1, n. 82 ; Capitant, p. 51 ; Bouvier's LawrDict., vo Persons ;

Mignault, if p. 129.

(61)
(62)

A Lawyer who leàves what hé has learnt from history ard

science behind him when he opens his Law Reports is me-rely postponing a difficulté

W. Jethro Brown.

Le Droit est sorti de l'His-toire.

Saleilles, op. cit., p.55k Le droit réside-t-il en définitive dans l'individu, dans la société ou les groupements hu-mains ? Ces thèses ont été soutenues tour à tour dans l'histoire et ont reçu des solutions alterna-tives. La question• dépasse d'ailleurs l'ordre juridique : elle relève aussi bien de la métaphy-sique et de la morale. Les moralistes grecs, at-tachant peu d' intérêt aux individus comme tels, mirent la perfection dans la s subordination des ci-toyens à l'Etat. A leur dire, l'homme n'est

in-violable qu'en sa qualité de politikon Jwon. Les idéalistes subséquents appulrant a.u contraire ssur la valeur intrinsèque de la personne . humaine et

(63)

placèrent le summum bonum dans la réalisation du m o i . Mais le cosmopolitisme et 1'évolutionisme

contemporain»-retournent à la théorie hellène, en autant qu'ils tendent à amoindrir l'importance de l'individu par l'instauration de fins ultimes de l'organisme social, de»l'humanité, fins qui, selon

eux, seraient 3,a base et le critérium des princi-pes de droit. La détermination du sujet de droit n'est donc pas résolue»

Hiàtoriouement il est remarquable de no-ter que la notion dé personne a appartenu au grou-pe avant d'appartenir à l'individu (l). Le pa'ien a pu dire, non sans mélancolie : Tout mon être et toute mon oeuvre m'attachent, indissolublement, à la vie générale, ce grand océan inconnu d'où je monte commeune simple vague, et dans lequel je me perds aussi avec ses flux, ses reflux, les chagge-ments perpétuels de sa surface qui cachent sa pro-fonde et monotome uniformité.

La notion juridique d'individu ne s'est éveillée que tard chez les hommes, avec la passion de vivre pleinement et entièrement leur propre mcÊL

1) Henry mai ne, Âncient law.

(64)

Elle s'est lentement dégagés à la faveur du

Christianisme. Elle a grandi dans le sillage des invasions germaines» Au matin de la Re -naissance et de la Réforme elle s'ett é p a n o u i e tout à coupi mais pour '^o^ompor soudainement sur

elle-même comme une rose au crépuscule. Puis el-le s'est reprise, elel-le a évolué pour att'eiii re son

zénith et se faire consacrer par les Révolution s contemporaines* La fin du XVIIIe siècle vit tri-ompher aux Etap-Unis d'Amérique et en Terre d e Prance les conceptions individualistes qui.

eonstituent ce qu'on appelle les i d é e s m o d e r -n e s et qui, formulées d'u-ne ma-nière éloque-nte par la Déclaration des droits de l'homme et du

ci-toyen de 1789, ainsi nuepa Déclaration d'Indépendance des colonies anglaises d'Amérique, c o n s t i -tuent le Droit idéal sur lequel se modèlent les lé-gislations actuelles»

Despote oriental, César romain, Napoléon français, passent comme des ombres et le soleil de la liberté finit toujours par resplendir. L'heu-re de la délivrance sonne, cha,que fois que la lu-mière descend des collines jusqu'aux ravines pro-fondes où le prolétariat s'embourbent dans le

(65)

li-mon des irs tincts et groupit dans l'ignorance» Le communiste, d'autre part, ce tyran sans corps ni êr me, a moins de prise sur l'homme à mesure que celui

ci s'élève : il s'éclaire et dévient capable d'agir parlui-même, sans tout espérer de l'Etat» L e

sculpteur devrait ciseler sur la porte des temps futurs l'apostrophe de Michelet : "Qu'on me rende mon moi ; j'y tiens" ; ou bien encore l'appel de Max Stirner : "Réalise ta personnalité."

2

La personnalité est, en effet, le sign e par excellence de la civilisation ; elle est le véritable triomphe de l'homme sur le déterminisme aveugle, car trois choses, essentielle. ;ent c o n-traires à la fatalité, la coêtituent : le caractè-re, point de résistance où viennent se briser les accidents extérieurs ; la liberté, mouvement volon-taire de' l'esprit et arme d'action* ;ctl'originali-té, qui différencie i*âme d'une autre âme, la sé-pare pour ainsi dire du genre auquel elle appar-tient et la. marque d'un signe reconnais sable. Quand ces trois attributs, caractère , indépendan-ce, originalité, apparaissent chez un homme, v.une personnalité est constituée. L'homme cesse alors

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d'être un phénomène obscur, né d'une loi générale, se rattachant dans tous ses actes à une loi géné-rale i il est un être qui porte en lui-même sa loi,

ou qui, pour mieux dire, se gouverne en la faisant personnelle d'impersonnelle qu'elle était, et

mo-rale de matérielle (l).

Que raconte l'histoire ssinon les annales de quelques milliers de personnes. Les affaires prennent une nouvelle direction avec chaque

per-sonnalité nouvelle. C'est un nouveau plan

poli-4

tique, une nouvelle méthode de penser, une manière neuve de vivre. Cette variété que présente la

scène du temps indique dans chaque individu la présence d'une force particulière, e n t i è r e m e n t personnelle, qu'aucun autre homme n'a possédée, et

qui par conséquent doit déterminer toute une série d'actions dont elle est la cause, et qui sans elle n'existerait pas. Comme le dit très judiciseuse* ment II. Tarde, "toute coutume est une série d'ac-tes répétés- ; et toute série suppose un premier terme et ce premier terme est forcément un acte individuel."(2)» La civilisation est suspendue à

«

(l) Cpr. E. Hello, l'Homme, p. 56 et s., 12e édi.

(2) Revue philosophique, nov. 1901 , p. 464, art. La Réalité sociale.

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-l'acte de spontanéité comme au premier anneau de sa chaîne.

De nons jours, on a essayé de^bouleverser les lois de l'histoire"; on a prétendu, par une fausse application des principes démocratiques, faire l'histoire des peuples et non celle des

in-dividus (l);mais il est remarquable que cette ten-tative n'a jamais pu se réaliser, et que l'histo-rien est obligé, malgré lui, de nous présenter , non des masses Indistinctes, non ces êtres de

rai-son qui s'appellent peuples, foules, nations, mais des acteurs déterminés, distincts , frappés du chaud rayon de la vie, des personnalités en un mot dont les images restent dans notre souvenir plutôt par ce qu'elles ont de différent que par ce ou'el-les ont de semblable. L'histoire n'est composée

que de personnages, et le genre humain n'y appa-raît que comme le fond du tableau, comme la matiè-re pmatiè-remièmatiè-re sur laquelle l'individu grave s o n nom (2).

Le but de la civilisation est dès .lors

(l) G. de Pascal, Lettres sur l'His-toire de Prance, p. 2 et s.

(2)f E. Faguet, Politiques et

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trouvé : il consiste à créer le plus grand nombre d'individualités possible, à conférer au p l u s grand nombre cet inestimable bienfait de la

per-sonna -ité, à amoindrir le plus possible la .tribu animale du genre humain. C'est le but de la

dé-mocratie, j'imagine, ou elle n1en a aucun. 'Nos

modernes docteurs qui voient le progrès dans la destruction de l'individualité, nos modernes phi-lanthropes, collectivistes, soviets ou a.utres, qui voient l'avenir de l'humanité sous 1&. forme d'un paternel absolutisme, et, sous préteste de proté-ger les masses, réduisent autant qu'ils le peuvent l'individu à l'inaction, tournent le dos volontai-rement ou involontaivolontai-rement à la tradition de l'hu-manité, et nous ramènent à la première étape des

sociétés, à l'époque où l'individu était obligé d'inventer des moyens de forcer l ' o b é i s s a n c e .

Lorsqu1aujourd'hui nous nous prononçons contre la

liberté, nous avouons deux choses également tris-tes et qu'il faut oser dire tout haut : que le grand nombre, c'est-à-dire les masses, est incapa-ble de civilisation, et que le petit nombre,

c'est-à-dire les individus, est capable seule&eèt

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-d'oppression, de tyrannie ou, comme on disait il y a quelques années, d'exploitation»

Je connais l'objection vulgaire : "La so-ciété qui accorde trop à l'individu contient un germe d'aristocratie et par conséquent est direc-tement opposée à la démocratie. En outre, l'in-dividu est une sorte d'exception anormale qui, pour se développer, doit naturellement écras er toutes choses autour de lui." Rien n'est plus faux. Pour être une personnalité, s'agit-il donc d'être un grand conquérant, un grand politique, ou un grand poète ? S'agit-il de s'appeler

Alexan-dre, Richelieu ou Shakespeare ? Non , certes • ^individualité humaine existe partout où nous

sentons la marque d'un^me originale et indépen -dante. Le potier qui imprime son cachet à un vase d'argile, le laboureur dont le champ révèle par son aspect différent de l'aspect des champs voisins les soins d'un travail l i b r e , sont':

des personnalités, au même titre, sinon au même degré, que le conquérant ou le poète. Nous n'a-vons -donc pas besoins, pour être des personnes,

d'être des oppresseurs, des tyrans ou des orgueil-leux; nous n'avons pa.s besoin de faire des

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ac-tions extraordinaires et de nous manifester au monde avec grand fracas : nous n'avons besoin que

d'avoir une âme, une âme à nous, et le plus léger signe la fera reconnaître.

La république idéale, est donc, selop. nous, celle où tous sont égaux, où l'obéissance s'accor-de, mais n'est jamais conquise par la force, où les liens qui rattachent les hommes entre eux sont une chaîne de devoirs réciproques, où le verve im-personnel i l f a u t , expression d'une

néces-sité fatale et signe d'une infériorité morale chez ceux auxquels il s'adresse, est remplacé par le verbe j e d o i s , expression d'une volonté li-bre et signe d'une conscience en possession d'el-le-même (l). C'est par le libre jeu des forces, par la balance des convoitises et des intérêts a-vec les idées de droit et d'équité en suspens dans les âmes que s'élaborent, dans la douleur, de puissantes et durables organisations. Toute ci-vilisation, dans son parfait épanouissement, est une synthèse de forces opposées.

Comment alors les hommes arrivent-ils" à

(l) Montégut, Essai sur le temps pré-sent, Revue des Deux Mondes, 1853»

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-perdre leurs droits d'individus, à être moins qu'un chiffre, une abstraation, à s'absorber dans un être de raison qui s'appelle Etat ? C'ésttlà un fait historique très important, et qui mérite attention. Nous n'entreprendrons pas de le décri-re en détail ; la tâche serait au-dessus 'denosnos forces. Q,u"'il suffise d'indiquer quelques points essentiels de l'évolution.

4

Dans les sociétés primitives, l'organisme politique pris en bloc, clan, gens ou Etat, est u-ne personu-ne et la seule. La société est l'unité; l'individu la fraction. Il n'y a pas de droits privatifs existant contre le groupe (l) A l'in-verse de nos sociétés où la vie est toute privée

et close dans l'enceirt e de la maison, les cchoses • se passent en plein air devant les>citoyens

assemblés. La, civilisation d'alors est une civilisa -tion publique (2). La vie individuelle est su-bordonnée à la vie collective. Le droit public

et la morale privée s'identifient avec la religion nationale, dont les prescriptions s'étendent à tout : l'homme est fait pour la Cité, il n'a

d'ex-il TJ7.Wilson, 1 l'Etat, no 1408.

2) E.Renan, Origines du Christi-anisme.

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istencé qu'en elle ; ij. n'a aucun domaine qui lui soit réservé, rien nui lui appartienne en propre, ni ses enfants, ni ses biens, ni sa pensée. L'E-tat pense pour tous et prétend imposer sa pensée à

*ous (1).

5

Les Grecs autant que les Orien t aux n e coH&jfeissaient pas de limites à l'omnipotence de l'Etat, et celui-ci avait, sous le régime

républi-cain, dans les-démocraties les plus radicales, des pouvoirs égaux à ceux des monarchies despotiques ou des théocrâti .s de l'Asie. Voiei ce qu'en dit Pustel de Coulanges : "La cité avait été fondée sur une religion et constituée comme une Eglise. De là sa force, de là aussi son omnipotence et l'empire absolu qu'il exerçait sur ses membres. Dans une société établie sur £e tels principes, la liberté individuelle ne pouvait exister. Le ci-toyen était soumis en toutes choses et sans nulle réserve à la cité; il lui appartenait tout entier. La religion, qui avait enfanté l'Etat, et l'Etat

qui entretenait la religion, se soutenaient l'un l'autre et ne faisaient qu'un ; ces deux puissances associées et confondues formaient une puis

-(l) E. Paguet, 2 Politiques, 9e édi», p. XIV;

,Seaillas, Affirmations,de la cons-cience moderne, CHï individualité.

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-sance presque surhumaine à laquelle l'âme et J.le corps était également asservis. Il n'y a v a i t rien dans l'homme qui fût indépendant ; son corps appartenait à l'Etat et était voué à sa défense; à Athènes et à Sparte le service militaire était dû toute la vie. Sa fortune était toujours à la disposition de l'Etat. Si la cité avait besoin d'argent, elle pouvait ordonner aux femmes de lui livrer leurs bijoux ; aux créanciers, dé lui abandonner leurs créances ; aux possesseurs d' oli -viers, de lui céder gratuitement l'huile qu'ils a-vaient fabriquée. La vie privée n'échappait pas à cette omnipotence de l'Etat. Beaucoup de cités grecques défendaient à l'homme de rester céliba-taire» Sparte punissait non seulement celui qui ne se mariait pas, mais celui qui se mariait tard» L'Etat pouvait prescrire à Athènes le travail", à

Sparte l'oisiveté. La loi défendait aux homme s de feoire du vin pur & à KiletJ à Marseilles, elle le défendait aus femmes. Il était ordinaire que le costume fût fixé invariablement par les lois de chaque cité ; la législation de Sparte réglait la coiffure des voyages. A Rhodes, la. loi défendait de raser la barbe*; à Bysance, elle punissait

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