CHRONIQUE
UNION ACADÉMIQUE INTERNATIONAL E
Du compte-rendu de la Neuvième session annuelledu Comité (21-23 mai 1928), nous détachons le procès-verbal des séances de la Commissio n nommée pour étudier les questions relatives au Dictionnaire du lati n médiéval, procès-verbal qui intéresse particulièrement tous ceux qui s e préoccupent du succès de notre entreprise .
« Au nom de la Commission, composée du Comité central et des délé-gués qui s'y sont adjoints', M . Nicolau d'Olwer donne lecture du rap -port suivant :
Sur la table M . Goelzer dépose le procès-verbal de la réunion du Comité central tenue à Paris les 23 et 24 janvier 1928 et le fascicule 1 du volume IV du Bulletin Du Cange (Archivum latinitatis medii aevi) .
La réunion de cette année était particulièrement importante, car ell e devait trancher une question qui, soulevée à plusieurs reprises, avai t pris corps à la dernière séance de Paris . Sur la proposition de M . Pi -renne, et après une discussion longue et serrée, on s ' était mis d ' accor d en janvier pour rédiger un questionnaire dans des termes tout à fai t objectifs et pour l 'adresser sans plus tarder aux divers comités natio-naux . Ledit questionnaire comprenait deux points étroitement liés :
1" Croyez-vous qu ' il soit désirable d ' élargir le champ des dépouille-ments de textes, et si oui, jusqu ' à quelle époque @tes-vous d ' avis d e descendre ?
20 Dans l'affirmative, y aurait-il lieu de modifier le système adopté pour le dépouillement, et, si oui, de quelle manière ?
Sur la demande de M . le Président, avant que rapport soit fait de s réponses des Comités nationaux consultés, M . Pirenne expose les rai -sons qui ont motivé sa proposition, afin que les membres de la Commis-sion qui ne se trouvaient pas à la réunion de Paris en saisissent tout e
1 . La commission était composée de MM . Baxter (Grande-Bretagne), Beeso n (Mats=Unis}, d'Ales (Espagne), Goelser (France), Aude (Danemark), Jusseran d (France), Kohl, (Norvège), Michalski (Pologne), Nicolau d'Olwer (Espagne), Pi-renne (Belgique), Pottier (France), Salverda de Grave (Pays-Bas), de Sanetis (Ita-lie), président, Tille (Tchécoslovaquie), Ussani (Italie) .
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la portée . M . Pirenne croit qu ' après l ' expérience acquise pendant les six ans qui se sont écoulés depuis la mise en train des travaux relatifs a u Dictionnaire du latin médiéval, on est à même, beaucoup mieux qu' aupa-ravant, de voir les inconvénients pratiques de l ' entreprise telle qu ' ell e a été conçue . D 'abord, il signale que la date «aux environs de l ' an 1000 » , qu 'on avait fixée comme terminus ad querra, répondant à des réalités po-litiques et non à des réalités littéraires ou linguistiques, est tout à fait arbitraire . Il trouve, d ' autre part, que la méthode employée — dépouille -mentcompletdetousles textes — exige un travail trop grand et un déla i trop long pour aboutir à. un résultai trop modeste : car unDictionnair e du latin médiéval arrêté à l'an 1000, qui ne serait que le dictionnaire d'une partiedu latin médiéval, n ' intéresserait qu ' un public trop restreint de lettrés consacrés à l ' étude de la littérature latine du haut moyen àg e et deviendrait inutile aux historiens, aux juristes et à tous ceux qu i s ' intéressent au bas moyen àge, lesquels sont beaucoup plus nombreu x que les autres . Pour toutes ces raisons le Comité belge, et M . Pirenn e en son nom, propose de faire le dépouillement moins complet, et quan t aux textes (se bornant aux plus importants) et quant aux mots (se bor-nant aux plus intéressants), mais d ' aller dans le dépouillement jusqu' à la Renaissance .
M . Jusserand adhère sur ce point aux vues de M . Pirenne .
Par contre, le Comité national français, d ' après le procès-verbal d e sa séance du 16 mars 1928, duquel M . Goelzer donne lecture, considé-rant que la proposition de M . Pirenne ne fait que reprendre un proje t soutenu au début de l ' entreprise, mais écarté par l ' U . A . I . réunie en assemblée générale à Bruxelles en mai 1922, estime qu ' il n'y a pas lie u de revenir sur les résolutions qui ont déterminé le plan du Dictionnair e latin du haut moyen âge et la méthode à y appliquer . En effet, — ajout e M . Goelzer, — en 1922 deux conceptions différentes se sont affrontées : celle des historiens, qui visait à refaire le Du Cange, et celle des philo-logues, qui cherche à étudier l ' évolution de la langue latine qui abouti t à la formation des langues romanes . Chacune de ces conceptions a, pou r réaliser son travail, ses méthodes à elle . On ne peut pas les mélanger ; un choix s'impose, et le choix a été fait en 1922 .
M .Baxter, qui, au nom du Comité britannique adhère aux paroles d e M . Pirenne, rappelle que le premier projet de Dictionnaire du latin médiéval est né au Congrès international d ' histoire de Londres (1913 ) et conçu du point de vue historique . Le Comité britannique ne voudrai t aucunement rompre la collaboration de travail établie depuis six ans : il voudrait l ' élargir, par l ' accession des pays dans lesquels la littératur e et la documentation latines ne commencent qu ' au xt" ou au siècle , car seuls les peuples du midi de l ' Europe ont tine tradition écrite,
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8 9 non interrompue, depuis les temps de l 'Empire . II voudrait surtou t donner un instrument de travail qui satisfît le plus grand nombre pos-sible d ' érudits, — ce qui, d ' autre part, fournirait un plus grand nombre de collaborateurs .
M . le Président souligne les inconvénients de tout ordre qu'il y aurai t à changer le but et en conséquence la méthode d ' une entreprise à laquell e 1 ' U . A . I . travaille depuis longtemps . M . Koht observe à ce propos qu 'il ne s'agit pas d'un changement, mais d'une extension . La Norvège serai t heureuse de se la voir accordée, car cela lui permettrait une collaboratio n beaucoup plus intense à l' entreprise . Tel est aussi l ' avis de M .Michalski , qui offre d ' ores et déjà l'apport de la Pologne, où l'on ne peut travail-ler que sur des textes bien postérieurs à l'an 1000 .
M . Nicolau d'Oh\ er, se rapportant aux décisions du Comité cata-lan prises à Barcelone le 29 mars 1928, observe qu'à partir du lx(' siècl e on est vraiment en face de deux langues : celle des textes littéraires , qui tache de se rapprocher du latin de l ' Empire, et celle des chartes , très différente de la première et très différente aussi d ' un pays à l' autre , car elle n ' est bien souvent que la latinisation des langues vernaculaires . Ce latin-ci possède ses documents les plus nombreux et les plus riche s après l'a pi 1000 . Si l ' on tient donc à s ' arrêter à cette date, il faut se borne r aux textes littéraires . Arrêter le dépouillement des chartes à l ' an 100 0 c ' est couper en deux un corps vivant . Si l ' on veut faire un Dictionnair e utile surtout aux historiens et aux linguistes, nourri par le dépouillemen t des chartes, il faut: porter la limite de ce dépouillement bien au delà d e l ' an 1000, jusqu ' à la fin du moyen âge littéraire, c ' est-à-dire jusqu ' à l a Renaissance : il est bien entendu que celle-ci a une date différente dan s chaque pays et même dans chaque genre . Il y a donc deux entreprise s aussi intéressantes l 'une que l ' autre, mais qu ' on ne doit pas mélanger .
M . Salverda de Grave lit. une communication de M . deGrootd'aprè s laquelle le Comité néerlandais est hostile à l ' élargissement chronolo-gique du dépouillement . Tel est aussi l'avis du Comité américain, donn é par M . Beeson, et celui de M . Aude, au nom du Danemark .
M . Ussani expose d ' une façon très documentée les motifs pour lesquel s le Comité italien s ' est vu dans la nécessité de rejeter la proposition d e M . Pirenne .
Même en laissant de côté le fait qu ' on travaille depuis des années su r un plan que l ' on considérait comme arrêté et que brusquement on veu t discuter à nouveau, le Comité italien et, comme lui, M . Pio Rajna ne peuvent pas accéderhic et nuncà la proposition de M . Pirenne relativ e à un Dictionnaire total et immédiat du latin médiéval, d ' abord en vertu de raisons d ' ordre pratique .
En effet, on a de bonnes éditions pour la période avant l ' an 1000, 7
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lesquelles font défaut, en général, pour les temps postérieurs . D ' autr e part, cette limite chronologique n ' est pas plus arbitraire et convention -nelle qu ' une autre, car après l'an 1000 on aperçoit comme la formatio n d 'une conscience nouvelle : on pourrait dire qu ' avant, ce sont les temp s anciens qui meurent ; après, les temps nouveaux qui naissent . Cette dif-férence, on l ' aperçoit aussi dans la langue, car avant l ' an 1000 le lati n est la seule seule langue littéraire vivante, tandis que plus tard, bie n que la latin continue à être une langue littéraire vivante, dans tous le s pays de la Romania occidentale, en réalité, il y a deux langues litté-raires vivantes : celle des clercs (le latin) et celle des laïcs (le vulgaire) . M . Ussani ne croit pas, d'ailleurs, qu ' en élargissant le plan on par-vienne plus rapidement au but ; car bien qu'il soit possible de trouver plus de collaborateurs, le nombre des textes à dépouiller serait auss i beaucoup plus considérable . Il n' accepte pas non plus que le dépouille -ment puisse se réduire aux mots les plus intéressants des textes les plu s importants et adhère à l ' argumentation de M . Krumbacher lorsqu ' i l réclamait au nom de la science pour le Thesaurusgrec un dépouillemen t complet de tous les textes .
Pour le bas moyen àge (c ' est-à-dire après l ' an 1000), M . Ussani , d 'accord avec MM . Strecker, Rajna, Scialoja, Calisse, est adversaire de cesser la collaboration internationale et d 'entreprendre les lexiques nationaux, car dans ceux-ci la plupart des mots seraient répétés . O n pourrait, par contre, envisager des lexiques partiels du bas moyen lige en vue d ' un Dictionnaire complet ou bien plusieurs Dictionnaires pa r spécialités (latin des juristes, de la scolastique, etc .) . Il regrette encor e une fois qu ' on laisse de côté les noms propres dans le dépouillement de s textes, du moins dans la plupart des Comités .
La discussion parvenue à ce point, on constate (lue, malgré les diver-gences, il y a une certaine unité, du moins sur deux points : vouloir poursuivre la collaboration internationale et le travail entrepris, e t apprécier l' intérêt que pourrait avoir un Dictionnaire du bas moyen tige . Résumant ces deux points, et en même temps toute la discussion , aussi vive que courtoise, M . Pirenne rédige une nouvelle propositio n qui est approuvée à l'unanimité . Elle est conçue en ces termes :
« L ' Union académique décide que leDictionnaire du latin médiéval,te l qu'il est entrepris et continué jusqu'à ce jour, sera achevé suivant l a méthode déjà adoptée .
Il sera entrepris, à côté de lui, par les Comités nationaux, travaillan t d' accord avec le Comité central, le dépouillement des textes postérieur s jusqu ' à la Renaissance, par la collaboration de travailleurs nouveau x qu ' ils sont invités à recruter dans le plus bref délai possible . La méthode de ce nouveau travail sera étudiée par les Comités nationaux, de manière
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9 J qu'elle puisse être soumise en janvier prochain au Comité central, à Paris . a
Le rapporteur ,
L . NICOLAU n 'OLw13n . Co rapport est. adopté ÉIl 'unanimité avec les propositions qu ' il
com-porte .
NÉCROLOGI E
REV . CHARLES PLUMME R
Once again the British Du Cange Committee has suffered a grievous loss by the death of its chairman . The Rev . Charles Plummer, Follo w and Chaplain of Corpus Christi College, Oxford, was appointed to suc-ceed Sir Paul Vino ;radon' and he had held this office for only a year . Dr Plummer, who was once of the original members of the Britis h Committee, gave to it, both before and after his nomination to th e Chairmanship, the guidance of a profound and wide scholarship an d of a zealous and active interest . Ilis own life was spent in the study of the literature and the hagiography of Saxon Britain, and his edition s of Bede's Hístoria Ecclesiastica and of the Vitae Sanctorum Hibernae at-tained at the moment ofpuhlication the position of classics . In the page s of the Bulletin Du Gangehe gave evidence of the valuable contributio n
he could make to early medieval lexicography, and his list ofcorrigenda
and addenda to Du Cange were are among the earliest and the mos t useful of the kind and the give the pages of ALMA some of their pecu-liar value . But Dr Plummer was far more than the mere scholar . Ther e was no more familiar or better-loved figure in all Oxford, and his quiet , simple Christian character, his unostentatious interest inhis fellows an d
the broad, sweet charity of his nature endeared him to all vho kne w him, not least to his colleagues on the Du Gange Committee . They wil l miss his interest and inspiration, but they can be grateful that in th e formative years of their undertaking they had his warm and generou s assistance, and, for a period all too short, enjoyed the benefit of a
scholar who gave to the literary side of their work the same skilfu l and incomparable guidance that Sir Paul Vinogradoff was so well abl e to give on the legal side . In both the Bristish Committee has bee n fortunate, but the loss, at such a short interval, of two such distinguishe d leaders, robs it of expert and precious guidance which can ill be spared .
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AVI S
Pour nous permettre de donner ix nos lecteurs une information biblio-graphique complète, nous prions instamment les auteurs et les éditeur s d'ouvrages, dissertations, publications de textes, collections, périodiques , etc ., touchant par quelque point aux études de philologie latine médiévale , d'adresser ix M . Henri Goelzer, 32, rue Guillaume Tell, Paris, XV1I e , o u a la librairie Champion, 5, quai Malaquais, Paris, VP, uN ouneux exemplaires de leurs publications . Nous prions aussi nos lecteurs et nos col -lègues universitaires de tous pays de signaler autour d'eux l'intérél de notre demande .