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L'expression narrative du doute dans le Tiers livre de Rabelais

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(1)

r - - - ... --"--~---,---~--,

,

'UNIVERSI'ΠMCGILL

, ,

L' EXPRESSION NARRATIl/E DU DOUTE DANS LE TmftS

@

LIVRE pE R~IS

UN MEMOlREtREDIGE POUR LA FACULTE DES ETUDES AVANCEES

ET DE LA RECHERCHE

DEPARTMENT DE LANGUE ET LITTERATURE , FRANCAISES

PAR~

EVELYN' EVBUAWEMWENRUHE ERHAHON SOUS LA DmECTION DE E. KUSHNER.

, MONfREAL, QUEBEC SEPlDBRE 1979.

...

, ..

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'l

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' "

(2)

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. ' 1 \ . /

o

=

~~',---.'

i (a)' ,. RESQMf!i

Un des plus importants as,pect&: de l'humanisme,

à

la , R.naissance, Cl est sa

~éaction

contre le princlpe d'

aut~ri

té,

,

..

.

, " ét tout d'abord en matière d'interprétation des textes. Dans

11! "

-",' ,c-e sens, ,~abelaisfest par excellénce l'humaniste nou~ri par.' la ,-,' p.,nsée' d'Erasme et touché également ,par l' espri t de li'Qre

éxamen q~i a inspire la révolte d~ Luther et Calyin.

~ ' \

DeQ'que

la

vér1té se compl~xifie. la recherche de la vérité , devient elle a~ssi plus difficile, plus complexe et plus diverse.

, ~~

Dans l~ Dessein de RabelAis, Saulnier a déjà montré comment.au travers de la quête d'une réponse

à

la question bien précise · du destin du mariage de Pànurge. Rabelais rac~nte aussi t~ute quête de vérité. Panurge représenterait alors tout c,hercheur

• de vérité.

Dans toute l'oeuvre romanesque de Rabelais, la narration est traduction de la pensée humaniste. Ainsi- la guerre de

Picrochole-serait une mise en oeuvre des idées de Rabelais sur

i

la guerre; ou encore le programme de Gargantua serait une ,

narrativisation des idées pédagogiques dè Rabe~is.

\

o •

même, le Tiers'Livre p~t être lu comme la

narrativi-r

sation des problèmes de la connaissance. Panurge consulte , tQu,tes les sources d' autori té disponibles aUx hommes de son

(

(3)

,,,' -:' lo.}>f, .. .-." . 'P''., , . ',', ... cr''' " J I " t / , '

...

-, .', .. \ ''.,,1 ) "

c-• i " ii(a) "époque .

....

'.

Elles nous paraissent se distribuer ~n trois catégo~ ries de tentatives 1 tentative divinatrice et Intui tive, tentè.--/ tive savante et tentative spirituelle. ,Mais qtl, que soit le

tyt>e de consultation, un même "pattern" se sJ,ég ~ l ,un' bal~ce­

ment entre

te

_"otH,1 ,:et

le

"non1

' ; 1:mage même

dlune

démarche

/

'-hésitan,te, du ~outè en action.

On pourrait penser que la seule résolution possible Be

trou~e dans 1'1 épisode de, RaminagrobiS;;Le poè-te mouraht qui, au

seuil de l'au-delà, apprend que là résolution du doute n'est pas du domaine humain.

\

,

, " J /l, ~ , , 1 , ' ' , - , ! " , ' , ~ " , ~ 1 ~ , ' • .J w

'". E l ... #sm:;œw ... .-àot* __ ... _ _ _ _ _ _ -~:, ... ~-"i- C""""'·-:._~, J ... : _ _ _ _ _ _ _ . . , ! I I i , 4..:_' •.. ~t""'".,!'I'!JA.A.l":t"k~,,, !!'iI1" l;~!M?!!':'~.'~.1. ... ~} Mt .. 1:!"E-:";...,,.:;.., -::;".~,;""; __:._..:--....",.."

(4)

. ; 1 , , , , ~ _~1I _ _ ~_! _ _ _ _ _ _ _ "'_"-'_4 t_. _ _ _ ~_t ... _ _ .. __ ~. , '

.

ABS-TRACT t

One of the MOSt important aspects of Renaissance

humanism is 1ts reaction against the principle of authority,

~tarting wi th matters of text interpr~tation. In thi s sense,

,

Rabelais is Rar excellence the humanist nourished by Eras'mien -thought and also motivated by the spirl ~ o'f free inquiry which'

p

inspired the revoIt of Luther 'and Calvin.

When truth becomes complexifled, the search ~or truth

. :'

'

, t

,-also becomes more difficul t., more complex and more di,verse. In his Dessein-de Rabelais, Saulnier has already d~monstrated how in the guise of the que,s~ for

an

ansWer, t~ the p~ecis~'

question of the fate o:f Panurge,' s marriage, Rabelais" âlso, '

~ates every quest o:f truth. I:f sa, Panurge"- would émbod,y

t anyone in search of truth.

l'hroughout the :fictionàl' work o:f' Rabelais, narration', Is used to translate humanist 'thought.' l'hus the w~ of,

Pi'cro-• J

choIe un:folds in ~ction Rabelais~ ideas on war. Or a@ain,

, , , \ ... '1

Gargantua's programme of etudies might be viewed as a,riarrati-, ' , v'1satlon o:f' Rabelais' "pedagogical ideals.

Similarly the Tiers Livre can' be, percelved' as fictiona:'"

vi i)

. j l '3 _ "

~ 11zing the probl.ems, of knowledge. Panurge consul ta éver~ ,source_

, ,

,-

, , , " 't ' , '\...--' ' , " 1~.-,-__ q,.:L~~>iso.'~}; :' " _ .ÎI'..- .

.

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(5)

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.

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<1 • \ J , \ ·c

..

, .. /) .j,---,--, ' 11 (b) - 1

of authori'ty open to ·the men of hls time'. They' $e$m

ta

be

dis~ibutea among three categprres of attemptsl attempt ta ,

kn~w by divin:tion and intuitton, attempt t~know,~hrough

science and a ttempt to know sPiri tually •

.

. .

But whatever the type of consultation, the same

.

.

patt~rn emerges 1 a balancing be'tween

,

~Iyes" and "no", the very

image of a hesi tant advance of doubt ~ action.

'

.

It might be thought that the only possible res~lutiGn

resides in the episode picturing ~aminagrobis, the dying poet ./ who o,n the' ~hreshold of eterni ty learns that the resolution

of do~p.f; doe& nat belong to

man'

s realm.

" 1 '., ... / ~~/ ; ' "

--

/ ;

(6)

0"

,.

~ .

o

,REMERCIEMENTS j

\

J • aimerais remercier- en premier lieu Mme le profe~seur

Eva Kushner d' avoir accepU de elir_er mes recherches

.

à un • encouragement et le soutien n6cessaires

a

la rédaction de

\, "

"

Les cODseils de M. Jean-:Pierre Duquette. d~rectèur des'

"

\. \ l

.. '

't

des de 2e et 3e cycles et la coopér~~on des secré~1res du DEpartement de langue et littérature françaises"

Ja~~à~lne.

'),

\ ,

.

Lou se, Paule et ~ylvie. m'ont été utiles et je les en r~ reie.

,

,"

\

\,

" \'D

Je remercie 4galement Mme Christie lyelobu 'du\ soiu èt

d~

la paU nee dont elle a

fai~

preuve pour

dactYlOgr~p~\r

ce

t.ra~~l;

• Je r ercie aussi M. Alex Yongu de m· avoir aidée

a

v\r1fier q\le", li'

J\

BUis \

\

\

\

les ci!atio~s sO,ient correetemeut dactylographiées.

re~onna\~sçte l Mme -Josiane Leralu d'avoir accepté de relire ce

m6m0ire ~e fois dactylographié.

\

\

Eufi~\j

e remercie mes soeurs MIlle :Florence Odigie

e~\~rie

.

\

Erhahon de 'avoir encouragée au long de mes longues annêes' d 'ltudes. \ \ , \ \ \ \ Hontdal, le lO septesabre 1979

'\

\

\

\

1 .1 , , \ 1 1 ~" , .

(7)

'r,

c

(

') ~ , \

A mes Parents et

à

tous ,

es\

\

'n \

.Professeurs ~urtout ceux m'ont appris à parler et

la' Langue française.

\

.

.

\

\

.

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.

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(8)

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I!', ... ---~ .~~ ---~--

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10

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\

\ PREFACE \ ./ \

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\ \ \ '. .1 \ , ! •

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(9)

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.iI.

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(

vi O. ., h

tmna~eel

Notions l'oeuvre

Etudier l'ou age d' un auteur afin 'de pouvoir juger du , " fond de sapénsée ést , -

un

travail, difficile 1

et

délicat. La

... ~ .. ,

mé;thbde'

à

"adopter doit être conforme

à

la na1:;ure du phénomène étudié.

-Or,

l~ mot n'doute". tombe dans le domaine abstrait et il

appartient

à

la fois au ni Veau de l' espri t et de l'assentiment personnel. C'est à ~ravers un~ écriture que ~abelais. exprime ses idées, ses sentiments, ses' sensations et ses volontés.

Puisque la pensée profonde de Rabelais ne saurait être dégagée aisément, il faudra scruter les

.

te~tes d'aussi-près

. /

que possible et ~i~ultanément tenir-compte de certains aspects ,de la langue, de 1 'histdire' sociale, religieuse et surtout

in-i

tellectuelle de l'époque et essayer de ir ~omm~nt Rabelais,

à

travers ses personnages, surtout Panurg , a réagi fac!3 aux problèmes les ,plus controversés de son tem s (entendons ici 'surtout le ,problème de la. vérité).

et son Milieu, l'Humanisme statut

e au temps de Rabelals

'"

Une des caractéristiques les plus

impor

,tes de l'-huma-nisme, ë'est une volonté de resti~er ltauthefi icité des textes

\-\

I~

'.

\

\

(10)

o

. 1

()

, ' , . ---..:-~---. -- ,-vii , ,

malgré l'opposition des autorités ecclésiastiques, surtout la Sorb0J'!l1e', l' humanisme met ert question 1 t exacti tude \

Le" pro~lème était gravè; le 5 mai 1533, le je~ne ami

"

d'Erasme, Julius Pf1ung. 0.499-1564) , lui ayant écrit pour lui

o

demander 'son avis sur la situation de l'Eglise, Erasme-a--écrit

'1.

.

. en réponse: Sur la Conèorde gui doit régner dans l'Eglise.

..

,

,

Dans ce tra,i té, EraSme expose ~ son ami, sa pensée sur

,

l'Eglise et sur les voies qui conduiraient à la réconciliation

~tre partisans et adversaires de la Réforme. ,0

.

.

Favorab~eI,llent accue~~i par .le pape Clément VII, le traité

rencontra, pourtant, de l'opposition chez , certains~ ca~dinaux , de la

cu,rie 1 romaine. En

1570,

les censeurs ,de l'Inquisition romaine

o •

ont trouvé trop osées certaines affirmations d'~~aàme concernant .des

pol~ts

précis de do'ctrine, et c'étai t sur

l~s

, mêmes questions ,

que le Concile de Trente s'étai·t déjà prononcé'.

o

..

Ou tre.l ' ouvrage sur la Concorde de 1 "tglise, Erasme a

1 ' . " ' ' \

écri t . également "Sur l' !nterdiicti'on de Mang'er' de 18; viande et

, '

sur

ù-!autres institutions humaines semblables." 1

1 J .M. De Bujandat Roiand Galibois

et'Pier~e,

COllinge, . @ EnSIle de Rotterdàin. Liberté et Uni té .danS L'Eglise,

p.

27.

"

.

[3

, ,

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(11)

\ • 1 "

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.

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,

----_-...:..--'>--'--- ---- -viii Q

([) Dans l'enseD)ble, Erasme accuse les théologiens d'avoir o

enlevé ~ la science sacré~ son espri~ religieux et de la remplir de complications inutiles. Il oppose ouvertement pne théologie "dogmatique qui méprise et condamne ses ~dversaires comme

héré-, "

tiques.

Erasme proclame avec véhémence que l'Ecriture Sainte doit

~tre le fondement non seulement de la vie spirituelle, mais aussi

1

des é.tudes théologiques. Il-favorise la tr~ductiond~ Bible en langue vulga~re. On peut donc dire qu'il est le prqmoteur par excellence d'une étude scientifique du texte sacré qui

pré-s~ une connaissance non seulement du latin mais aussi du grec

~t de l'hébreu. N'oublions pas surtout qu'on a longtemps refusé aux érudits l'autorisation d'apprendre le grec car, il· tallait, les empêcher de lire la Bible eux~mêmes et d'interpréter eux-·

mêmes les textes sacrés. ,. ,

Oe n'est pas l'Eglise en tant qu'institution que critique Erasme, mais les abus dans son administration, dans son culte' insti tutjpnnalisé et en fin de compte dans sa culture et se~

mé-1

~ ;j 'r ~

thodes de pensée, héritières de la scolastique déqadente.

Erasm~ croit à la liberté individuelle mais il n'est· pas

1 '-homme engagé d'un parti ou d'une cause comme c' ,est le c~s de Martin Lùther, ci'Ignace de Loyolà ou de Calvin. Ré~iste, il

se voit souvent comm~. "un gibelin pour les guelfes. et un gt,te.lfe

(J

( "

(12)

~---~--~---o

\

o

l' li '" --~'. ---~ -,...--~- - -~ - 1- - - _ ... (....-...-... _~ -- .. ~-ix

po~ i.s

gibe'lins"l

!

l '

-1 La liberté individuelle

es~

t.e

des idées

~ui dOmin~t

la

1 1

1

vision d'Erasme.

polé~~ues qu'il

religieux.

C'est ce souci }le liberté qui a motivé les

soutie~tdans

IJs

~omaines

politiques et

1

!

1

, Ainsi, en écrivant "Sur l'Interdiction de Manger de la , Viande ... 2, Erasme affirme la liberté de tout chrétien

à

l'égard des lois ecclésiastiques tout autant qu'à l'égard des

no~ve1leslinterprétations du message évangélique .

't<

'~ Ce qu'Erasme craint ~e plus, ce sont des éléments

extré-" #

mistes catholiq~es et protestants qui peuvent empêcher une ré-conciliation. Humaniste, il faït continuellement appel au bon

"

sens,

à

l'esprit de compréhension. Il demande

yn

retour à la simplici té et à la libérté de 1 'Eyangile, lequel permet à chacun •

\ "

une, adhéêion personnellf selon sa,.-_propre compréhension., Dans cet esprit,\Erasme conçoit une églis~ ouverte aux revendications

\ ~ -' , '

des réformés',quoique fidèle' aux traditions romaine's.

1

., Il est d'accord avec' Luther sùr le' fai t que l'Eglise doi t être transformée , d~ l' lntérieur. Selon l'observation de

1

Galibois, Erasme explique la justificationt;;par la foi de façon

1

, Ibid •• p.l? 2 Suprat p. iii

0;. .. ' ~

r"H ~-_"'::~~~';;;:>';:' .... =_=_~"""",~,!Îl'!ez!!,!""", ""!!_",-~C._"t~; 21 ... 'III!;k!"':. , _ _ _ i . . : -,,_::-,"r;p-::;::I>t:t;l-~m;A\;;;;~;:;;;M~t~~',~\/~~~·5~~,".:n~~}I;0iaWl1~1

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(13)

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.( ~ ti· ~. ---~----_._-_. x

à

n'être en contradiction ni avec la doctrine de Luther, ni aveê ~es enseignements des théologiens cathoiiques. Il remar-que qu'Erasme insiste sur le rôle primordial de la foi au Christ mais qu'il croit aussi que les oeuvres sont nécessaires bien

• • <1 ....

qu'il ne nous précise pas si elles sont la cause, l'effet. ou le signe du salut.

"

On peut dire donc ,qu'Erasme garde une po~i~ion conciliari~e.

Tout en mettant l'accent sur la grarui té du salut, il parle- a.ussi

de la récompense et des mérites. Il blâme les extrémist'es pour

,

leur fanatiSme aveugle car, d'un côté il y a des' protestants qui veu1ent'tout·changer et de l'autre les catholiques qui s'opposent aux moindres changements.,

, ,

'*

Dans l' en'semble, Erasme fait appel à la modération. et

à

la tolérance. ,De même, Rabelais souhaite la modération en ' toutes choses. C'est donc dans le sens d'une réf~exion critique vis-à-vis de l' autori té, du dogme et des vérités reçues que

l'influence d'Erasme s'exerce sur Rabelais en particulier. et sur son époque en général.

1

Brasme (1466-1536) est venu

à

Paris vers

1495.

y fit ses a;

débuts et y publia les premières éditions de ses Adages (1500) et de-·son Eloge de. la Folie (1511).

Mais il Y avai t déj~ des humanis:f;êS

à

Paris avant Erasme, notamment Jacques Lefèvre d'Etaples (c,1450 - 1536) •. ou Faber

(14)

()

_ _ _ _ _ __ o.

-xi

Stapt11.ensis, nom sous lequel il était déjà reconnu dans le

~

domaine d'une philosophie encore scolastique,..\ avant d' avoir a ttein t l'âge de quarante ans.

Vera

1490,

sa vie intellectuelle changea d'orientation.

,

Il a appris le grec, i l est allé en Italie, il a abandonné la scolastique et commença.

à

puôlier. Lefèvre êtai t plus éditeur qu'écrivain. C'est dans lefi œ.\NreB de ses amis et de ses

nom-breux disciples qu' on doit chercher des idées et des valeurs à cette époque - les oeuvres de Clichtove, Bouelles et de Budé.

\<- • . .

Guillau~e Budé

(1468-1540),

bibliothécaire du roi

~ran-,

çois 1er iJlsi~tè auprès de celui-ci sur l'importance d'acquérir la "sapience" par l'étude de la B~ble et des textes classiques.

Le prince doit étudier l'éloquence Jl'art oràtoire) pour pouvoir facilement convaincre et commander. Il doit également protége"r ies arts; sans Mécène, il n'y aurait pas de poètes.

~~

est grace

à

Budé et

~

ses efforts prolongés que

Franç~is'

1er a

~

fondé le COllège royal où i l nomme des' "lecteurs royaux". pour 1

l'enseignement du grec et de l' hébreu

(1530):

première étape de la diffusion des textes anciens et bibliques en particulier, dans les langues d'origine;

Il a été bien souvent remavqué que la Renaissance et la RéfOrillation avaie.,:t des caractères identi9,ues ~mportan~s. Les humanistes ainsi que les réformateurs désirent un retour

.

.

....

.

,..

(15)

" " i, , /~ \ - - - -~-~---~---~ 1 * ~---. ---,1 , xii',

à

l'antiqUitJ.ClaSSiqUe et à l'Eglise'primitive et mettent en

(,

valeur la vie intérieure,1 la Renaiss~ce fut aussi l '

e:xpres-~religieUS~ d'un changement ,psychologique général, d'une

prise de conséience 'indivi~uelle qui allait se répandre.

Les humanistes et les r~formateurs croyaient énormément':

au pou~oir du mot soit-écrit soit oral, et ils donnaient

beaucoup d'importance aux textes ancien.s,.-

à

la Bible et

à

'1 • exa-men critique des textes: autre fonction du doute, qui porte

l'humanist~

à

vouloir restituer les textes

à

leur état primitif,

et 'à les libérer des,,~loses et des interprétations traditionnel-les.

C'est dans cet esprit que Lefèvre d'Etaplés instaure une "renaissalfce" religieuse t le, rétablissement de l' _Eglise primi ti ve

et le rétablissement de "la lumière de l~'Evangile", grâce

à

la renaissance d'études,grecques et hébrâfques fondées sur une phi-lologie précise.

A l'instar d'Erasme, Lefèvre critique le culte Œs reliques et la croyance aux prières stéréotypées, pour lui aussi" la

f

religion n'était pas faite de rites mais d'attitudes en matière de foi et de vie.

Dans les armées 1520, Lefèvre s'écapte-/de plus en plus

, l'

(16)

, r \ ; L

o

xiii

_____ '.publi'er des éditions latines, Lef~.vre'" conÏmença ~ traduire la Bible en français pour le g:rand public.

.'

, Il inclinait vers l'acceptation de la doctrine luthérienne

1 ,J

de la justificatfon

par

la' foi. Son cercle n'était plus composé

,

d'humanistes comme Bouelles ou Champier, mais de "Luthériens" ou \. "Bibliens"', ce17cle centré sur Guillaume Briçonnet, e1ï son group!3

de Meaux auquel fut associée Marguerite de Navarre (1492-1549)..

Il est significatif que la Farce des Théologastres se

~oque abondwmment des interprétations ~llégoriques de la Bible.

Par exemple, Texte se plaint qu'il.a été tant interprété,

"anag~riquement", "tropologiquement" et 'allégoriquemen~' qu'il ne

sait plu's où il en est, et ainsi de suite.

1 •

1 Mais la farce loue Erasme, "grand textuaire" et ridiculise la religion traditionnelle et formaliste qui n'est rien que

"cér.émo-nie juda~que".

A cette époque +'université de Paris s'est'divisée en

~'deux parties - en "Q-rec~1t humanistes et "Troyens" anti-humanistes,

/

.

d'où l'insistance de Guillaume Budé sur l' insti tution des "lec-teurs royau~tI, objet d'une protection spéciale de la part du roi.

En AlLemagne une telle division existait déjà avant" l'affaire Reuchlin • . Celui-ci était un

allemand'ha~~e

dans

tf~---'-.~;;';4-~~:-~~: .. ~~ J;~:lf!!l':;':'~~ ~ ~

..

I~~~~"~~.. 'f''' ~.

\

1

(17)

i -\

1 ". , l. xiv'

l'étude de la langue hébraïque e~ des textes religieux. En

151J.

il a été appelé en justice par l'inquisiteur' de Coiogne sur oune,charge d'hérésie.

,

La question était de décider s'il était tolérable

d'étu-t

.

1

dier la Bible comme les autres textes~par un retour aux sources 'pour vérifier la signification voulue par les écrivains originaux.

Ce n'était pas seulement Reuchlin qui était/en jeu"; c'était

égaleme~t toute l'orientation critique "de l'humanisme.

En 1514, un comité é'iu par la Sorbonne fut chargé de consi-.. dérer le cas. . Son verdict tut 'contre Reuchlin bien que

Lefèvre,-membre du comité. fÛt de son côté:

En 1521, la Sorbonn~ a censuré Erasme et Lefèvre tout à

la fois. En

1526,

Lefèvre a été aCèusé d'être disciple de Wyclif et sectateur de Luther, et 'ses quarante-huit propositions ont été· condamnées par la ~orbonne.

Berquin a été arrêté trois fois, et l'intervention de Margueri te de Navarre et même celle du ro~ François Ier en sa faveur ne l'a pas empêché d'être brûlé vif en 1529 •

..

La Sorbonne a meme essayé d'interdire en

l.5JJ

le Miroir dé l'âme pécheresse de Marguerite. mais le roi n'a pas donné

\

(18)

, . '-, ....

.

,

----;,....,

.---,..

.,

\

xv

C'est ~s cette atmosphère qUe naquit l'oeuvre rabelai-'

l ,

,sienne, ët. en premier lieu, le Pantagruel (1532)' s'fi v ( de

Gargantua

~1.53j?

et du T'iers

Li~e ~n

1546.

Rabelai~inscrit

donc dans un vaste mouvement de réaction contre le dogmatisme du Moyen Age dont il va créer l'expression littéraire.

l ,

Son humanisme tend à rejeter l'autorité établie pour

interpréter~les textes. La curiosi~é et les méthodes de son

,humanisme s'apparentent

.

à l'esprit de, libre examen qui a inspiré la révolte de Luther et de Calvin après avoir nourri l'oeuvre. d 'Erasme'. C'est là une des raisons pour lesquelles on

consi-, consi-, . s.

dère parfois Rabelais comm~ un ecr~val~ qui met fin au Moyen Age 1.ittéraire.

, ,

,Le Moyen 'Age 1 en effet', se pré'sente coIilme un siècle dé

fo'!,' de croyance basée sûr une conc~pti-ori singuliè:re du carac'-'tère de l" être vivant;

à

savoir que Dieu a créé tout homme à sa

propre i~e, c'est-à-dire à' l'imag~ de son fils unique. Mais, 'cette image, es't b.rouillée par la' ,chute. Néarunoihs, 1

'IncaIna-tion rétablit pour ~" homme la possibilité dé regagner son uni té perdue. Avec Adam, nous sommes tous perdus mais à l'arrivée du Christ, le deuxième Adam, nous avons tous l'occasion de réparer les effets de la chute; et, comme le dirait Saint Paul, de supprimer ~e vieil homme pour le remplacer par le nouveau.

Une te~le attitude présume qu'il y a une analo~ie entre

Dieu et l'homme. Aujourd'hui, l'homme accompli est

ce~-qu~

1

1

_ L,

(19)

1 1. , '.

j:.

--~----;---~---·'''''M'f'''~~\~t'~~''''·'M'''''''''~.t'JIl''M''''''1.'I",''''jNb_''._ • • _''' Bb4 _ _ _ _ _ _ _ ., ... __ • _ _ xvi

\

·peut se distinguer des autres par le déve10ppelflent de ce ~ ui . lui est partioulier. Au contraire. les chretiens du Moyen Age

..

\

croyaient qu'un homme accompli est celui qui était prêt à mettre de côté tout ce qui lui est s~ngulier et

à

se laisser pénétrer par l'image de Dieu.

. Les intellectuels, au Moyen Age" reconnaissaient les deux

co~cepts et iis pen~aient l'un en relation avec l'autre. Ils

, .

envisageaient le premier comme un démenti de la véritable nature de l'homme, mais surtout un déni qui, depuis la Chute,' est parti-, " culier à l' homme.

L

Tenir à ses· traits individuels était simplement retomber

;

dans le péché d'orgueil oommis par Lucifer et ensuite par Adam, et c'était croire également qU'ii est possible de vivre sans reconnaître Dieu.

Selon

l'6~servati~~

de G.

JOSipov~ci,l

chacun d'entre

1 nous

a

son oôté Adam ~t SDl1 côté

l'homme à choisir la bonne part

Christ, et pour aider il existe deux livres - 'la BIble et Le Livre de la 'Nature; or les deux ,ilivres" démontrent" les ouvrages merveilleux de Dieu dans le monde.

Si Dieu se manifeste par l'hist~ire, sa présence s'es~

également manifestée partout dans le' monde qui nous ento~re.

, 1 dans son arti'cle "From Analogy to Sceptioismtt paru

. ·.dans French Litera ture and Its Background l (The Sixteenth / Century) annoté Par John Cruickshank,

Pre....

U.Oxford, 0~ ',s

London. Oxford, New York, ~968.

(20)

-()

xvii

,

Dieu est donc', dans l' ho.mme , dans l' hi stoire et dans la nature. Témoin l'art du Moyen Age qui reste surtout anonyme dans

-.

la plupart des cas, et le fait que les peintur~s médiévales sont

r dépouillées de traits individuels. Emile Mâle, historien de 1

-l'art français partage les mêmes opini~~ quand il écrit son commentaire sur les peintures de la Vie du Christ.

L'insti~on

du Corpus Christi

~n

1268 soumet .davantage

encore l'individu croyant

à

l'Eglise. De la croyance selon laquelle il n'y a pas de salut hors des sacrements de l'Eglise

à, la croyance selon laquel,le il suffit de

parti~iper

aux

sacre-,

ments pour s'assurer le -salut, il n',y avait qu'un pas.

Au cours de la dernière moitié du Moyen Age, les procédés mécaniques pouvant procurer le salut se sont mult~pliésl pardons, reliques, indulgences étaient partout à vendre et posséqaient, à ce qu'on '~aisait"croire, le pouvoir de faire obtenir quelques avantages spirituelS 'aux possesseurs. On appelai t "au secours:" au "nom de Saints, surtout de Saint Christophe que l'on invoquait assez fréquemment pour échapper aux accidents.

Pour réagir- contre cette mécanisation répandue de la

religion, un nouveau mouYement pieux fut inauguré au quartorzième

s~ècle sous le nom de Devotio Moderna. Inspiré par Gérard Groote

aux Pays - Bas, ce mouvement d~ naissance à celui des Frères de la Vie Commune. Thomas

à

Kempis, membre du groupe a écrit l'Imitation du Christ (c.1418). Dans ce livre, on peut voir clairement·tous

(21)

..

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1 , li. 1 , , " 1

(

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---

- - -

_________ 'to xvlii

les compoàants du mouvement, une grande 'insistance Sur la~iété indi ~duelle et sur fa vie intérieure 'de l'esprit. En

consé-\ '- 0

quence,se manifeste un certain manque d'intérêt

à

l'égard de l'Eglise et par conséquent aussi

à

l'~gard de ses sacrements.

Pour l'auteur du livre, les symboles visibles et les actes formels sont considérés. sans valeur,

à

moins qu'ils ne

,

soient accompagnés d'un fort séntiment intérieur. La notion du caractère humain comme le concevait 'L'Imitation du Christ est

, ,

à

l'opposé de celle de l'Eglise médiévale. L'accent n'y est pas sur le mystère de l'Incarnation mais sur la bonté morale du Christ homme, non sur sa passion. et sa résurrection mais sur ses paraboles et ses enseignements., .

Une telle insistance sur l'imitation implique une perte de confiance vis-à-vis dU monde phénoménal et une perte de croyance en l'idée de l' homme créé

à

l'image de Dieu. C'est

,

·par.ailleurs Thomas

a

Kempis qui a commencé

à

valoris~r l'indi-vidui c'est-à-dire

à

le considérer non seulement'comm~ un être

"

capable de bonté, mais aussi et surtout comme un être responsa-, ble de lui -même.

Au seizième siècle en Italie 'les. artistes-peintres commen-cèrent

à

s' intéresser davan~e à la notion d"imitation artlsti:' que. La compétition d'alors leur~permettait de -peindre d'autres tableaux que ceux qui leur étaient commandés. L'artiste devient

(22)

-...

,

_ _ _ _ . . • " _ _ _ ~ .• _. _ _ .JL" _ _ _ _ _ _ _ _ "_" __ "

()

1 xix

alors un

individu qui, face au public, crée même p~ur plaire

~

.. i "

, a lu -mem~. Il gagne dOl1c sa liberté _de' choix soi t dan~ le

su'jet choisi, soit dans la mani~re dont il veut peindre; c'

est-à-d~re, tout d'abord, qu'au lieu d'interpréter, il inventé.

"

J ~' Les points de vue des artistes eux-mêmes reflètent la

nouvelle situation. Par exemple, Léonard de Vinci insiste sur le fait que l'artiste doit suivre s~ propre image intérieure et il compare la faculté inventive au pouvoir de Dieu, Créateur de l'univers.

Néanmoins,' Léonard dé~e~d'au peintre de se perdre ~ans son imagination; ce qu'il invente doit toujours être une imitation exacte de la nature. Mais la vraisemblance ne doit jamais être" prise pour la seule mesure, carosi précis que le peintre soit dans son imitation de la nature, une question se pose toùjours, à savoir la-raison pour laquelle il a choisi, de préférence, un sujet à imiter plutôt qu'un autre.

Une fois que le peintre- sent en :lui-même cette liberté de . peindre ce qu'il veut, il pose en même temps le problème de la vérité et la signification d~ ce qU'il peint. Pour le choix

du

sujet" et la' façon dont il faut le traiter, il faut chercher un autre 'critère que la vraisemblance.

,J

Ainsi les artistes - peintres allaient se fier de plus en plus au pouvoir suffisant de l'imagination de l'artiste. Mais

~

'"

(23)

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'\ l ,

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-~--- --~-r---~---; ..

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\

xx

chez

Ra~is'

r'omancier, lee deux mouvements, la Devotio ,

Maderna et l'Individualisme en art, se rattachent

à

.la crise du

jugeme~indi

viduel

~

Il. se

de~de

par exemple . pourquoi

~'image intérieure d'un homme particulier doit forcément être

considérée comme véritable ou significative. Voyons la célèbre

" .

scèn~ où P~tagruel fait une visite au tombeau de son ancêtre

Geoffroy "à la grand dent." Là, il voit un portrai t. de GeOffroy

.

..

"

qui le cnoque:

...

Car il

'f

est en ymage copune d'ung homme furieux,. tirant a demy son grand malchus de la guainne,

qui

Et demandait la cause de ce. Les chanoines dudict lieu luy dirent qu'il nO, y avoi t point d'autre -cause sinon que "Pictoribus atque Poetis", etc: c'est-à-dire que les painctres et les poètes ont liberté de paindre à leur plaisir ce qu'ilz

veullent. Mais il ne s'en contenta pas de leur responce, et dist l "Il.n' est ainsi painct sans

cause, et me doubte què à sa mort on luy a faict quelque tord, dont il de~ande vengeance~à ses parens." (1)

Les moine 8 (PlOient

~e '~in~~pe

familier de la Renaissance favorise l '

i~ntion.,

Pantagruel est d' accord mais il demande encore ce que signi~~e le portrait. L'imitation attentive d'une

~

..

réalité externe semble c~cher plutot que révéler la significa-tion. Ainsi le monjÏe. ~isque de' devenir dans sa représentation littéraire une énigme sans clef,

A

cette époque, la question de la vérité se pose non

seulement dans l'art mais aussi en religion. La derniere période

sur le Genève

1 ... "i\)

Rabelais, Pantagruel Première. publication critique texte original par V.L. Saulnielj' ~ibrairie Droz,

1965 p.28. \

A

(24)

o', ru

-'

()

'" "1 , ---~-xxi

du. Moyen Age voi t

s~ accroltre l' 9PPosi tion entre la valeur

interne et l'observ~ce externe d~ la religion.

~

x

X X

.-.

E,n 1519 avait ~onné i'heure du debat de Martin Luther J • avec ses antagoniste's ca~holi~ues. A Leipzig, ~uther nie

l' autori té "du pape et dans son Appel

à

la Nobless~allemande,

"-il soutient que l'Ecriture Sainte est plus 'importante que le

\ -,

pape lui-mêm~ pouz: d.é eider, de ce qui ,est bon ou mauvai~ ~ La

.~.

véri té est ce que la conscience est porté~

à

croire' en lisant l'Ecri tUJ:"e Sainte et non ce que disent le pape et les Conciles.

~

Mais les catholiques ne tardent pas

à

remarquer que la , conscience personnelle est cho~e.difficile

à

discerner et que

le' fait que les exégètes ne- sont pas d'accord sur l '

interpréta-I -~ J

,tion des passages scripturaux indique qu'il n r y a aucun moyen

de savoir l'interprétation - ~orrecte

.

sane.recourir

à

l'Eglise. . Comment distinguer entre l'interprétation ':correcte" et l ' inter-. ,

prétatJ,on "fausse" sans la d~rection de 1 'Egl~se? Les Réforma-teurs, ,répondent par une 'au-t;re question - '9urquoi présumer que

-(

l'Eglise doivf3. toujours avoir. raison?

Le probl.ème du semblai t insoluble. Pou l'Eg1fee comme le

,

de la vérité posé'par'Luther

.

~

qu'il Y' ai~ Ul\ groupe qui accepte ,

corps du Christ" 1 le ~roblème du

cri tère

ne

serl;li t pas" grave mais avec la dlspa:rltion de cette··

:r'!-"" . '.

(25)

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~i ?~ .... , -" " '-~ ,.'

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croyance~~u fait ,de l'opposition croissante entre l'assentiment intérieur et l'observance extérieure au cours de la dernière , 0

Il

,-moi tié du MOyEm Age, le probl~.me devient rinévi table. A ce propos, n'importe quelle institution qui prétend être en communication

.

avec le divin, s'attribuant par conséquent le rôle d'autorité, sera tenue pour hypocrite.

"

Philosophiquement, le problème du critère ne pe~t être résolu d'une manière absolue ni en termes catholiques, insistant

.

, sur l'àuto:ri té externe, ni en termes protestants insistant sur une autorité intérieure.

principe d'autorité."

Calvin appoitleœ au, protestantisme le

/

, t i .

Au ce~~re de sa prédication, le protestantis~e, place la

doctrine de-la prédestination, selon 1aque1

7

e Dieu dé~igne

d'avanc~ ses élus: une telle ~dulgence à l'égard d'un être

- "

irrémédiablement souillé par le péché originel révèle la'miséri-.- corde immense et ~ratui te de Dieu.

Les ré~?rm~s interprètent la Rédemption en se fondant sur

la doctrine de la just~fication par la foi. Les catholiques

admettent surtout la justification par' les oeuvres; ,e' esî:-à-dire ' 4)

qu'ils' estiment que l' nomme peut travailler

à

son salut. A

leu~s\yeux, par exemple, la richesse, le succès et l'accès aux

,\ ! \

honri~urs

dans la ci té c<?nsti tuent autant de

pre~

visibles de

l'action de la grâce et par là

àe

la particUlière

pr~tection

4eDieu ,

à l'éogard de ses ~lus. L~es catholiques cro~ent que Dieu nous doit "

(26)

-()

en quelque sorte le salut en échange et pour récompense de nos actes.

xxiii

Au con~raire, les protestants considèrent les efforts

de l'h~mme comme vains, et placent son seul espoir dans la confiance en Dieu. On conçoit dès lors qu'ils s'en remettent

~clusi vement

à

l' autori té souveraine de l' Ecri ture, et qu'ils

récusent l~autorité pontificale.

DI alltre part, .-les dî vergences sont aussi nombreuse s qùe -~ les' points 'communs entre l' humanisme et la Réforme. Celui-là

valorise l'homme tandis que ce11e-o,i soutient l,a notion de "Rédemption." A cet égard, la rupture entre Erasme et Luther est significative: "Si nous croyons que le Christ

à

racheté les hommes de son sang, nous sommes obl~gés de confesser que la nature humaine entière était perdue. fi (1) écrit Luther.

Désormais les humanistes seront obligés'" de choisir. Ou protes-tants ou catholiques, ils seront mêlés, bon gré mal gré, aux

grandes luttes du siècle.

Poür sa part, Rabelais était prêt

à

soutenir la vérité "jusqu'au feu exclusivement", de quelque côté qu'elle fût. Il

1

Cit~

par

P.

Brunel,

Y.

Bellenger,

D.

Conty Ph.Sellier

et M. Truffet dans leur Histoire de la littérature Française

t Bo~das 1972, p. 87.

(27)

~; ,. , '

)

, '

(

) 1 1 1 !

(

" 1

'n 1 est pas donné

à

l"homme de décider qui va au ciel. ou ,bien

qui va èn enfer.

Un

tel point de we fait qu Ion a pu considérer Rabelais comme un véritable sceptique, Rabelais s'engage dans la lutte religieuse de son époque; surtout à propos ~e l.a question de

l'i~ortklité

de

l'~e.l

De son côté, Rabèlais

'/

croi t que dans la religion, il faut lutter contre tout ce a qui

ni est pas de. Dieu. La plus grande"audace de Rabelais, dans les ,domaines philosophiques et religieux, s\~\étai t manifestée par son enthousiasme avoué à l'égard de la

~~re et~par

ses

, \ sympathies

à

l'égard de la Réforme commençantè' ...

Néanmoins, Rabelais ne prend pas posi "tion pour Genève çontre Rome. Pour

lu~est

assez loin en ce qu'il ne vit pas physiquement dans le mo~de, et les hommes ont une grande liberté de jugement sur terre. 2 Rabelais donc doute de l~inter­ vention directe de Dieu dans les affaires de$, hommes. Les per-sonnages de Rabelais, en effet, invoquent constamment Dieu,

souvent Jésus-Christ: ils prient, ils prononcent des professions ,

de foi. Mais le Dieu auquel ils s'adressent n'intervient, guère dans leurs affaires. Il 1eur laisse

ra

loisir de prendre posses-sion du monde et d'en tirer leur bonheur.,

De même, Pantagruel et les autres "consultants'" veillent

à

ne pas prendre la décision pour Panurge: Quand Pantagruel:

0'

",1 Ce n'est pas la doctrine de Platon qui et l'âme. Clestlle Christianisme.

2 Voir les illustrations et,CJinfra,

sépare le corps

p.182.

(28)

o

.. ---;

xxv

c

porte"'p~role de Rabelais, dé'cide de mouvoir "toute pierre",

','

il parle en h~i~te~ A mon avis, le doute est le point de départ de l'esprit critique de l'humanisme et Rabelais est humaniste. Panurge n'est dans la réalité que lorsqu'il inter-roge et il pose de plus en plus des questions parce qu'il doute.

, , . ~

De fait, dans le Tiers Livre, l'agencement des épisodes est rendu possible par le doute; la première phrase du chapitre

nI

du Tiers Livre nous montre Panurge comme un homme têtu et indécis. "Je ne pensoys (dist Pantagruel) jamais rencontrer 1 homme tant obstiné

à

ses apprehensions comme ~e vous voy. Pour

toutefoys vostre doubte<;' esclarcir, suys d' advis que mouvons toute pierre".l

, En tant qu'un homme qui doute, Rabelais lui-même crée un personnage irrésolu, ce qui va lui permettre- de mouvoir "toute pierre" c' est-à-dire de consul ter toutes les sources possible

~

d~ ~voir'

dans l'espoir de pouvoir convaincre ce personnage

qui se nomme Panurge; c'est-à-dire d'éclaircir son doute. Toutes les consultations qui vont suivre font partie de cette "toute ,Pierre" que Pantagrue1, et Panurge 'vont mouvoir. ~

C'est en réaction contre les extrémistes de toutes sortes

, ,

que se développe une attitude sceptique surtout chez Erasme. Celui-ci dit que, puisqu' ii n' y a pas moyen, dans le monde ~ de savoir tout

à

fait ce qui est la vérité défini ti ve ~ la plus prudente ligné de conduite à adopter s~rait d'accepter les

-

.

1 Rabelais, Le Tier,s Livre, Garnier - Flammarion, Paris,

1970, p.120. C'est moi qui souligne.

"

,

.

1

(29)

~

:

c

"

)

(:

f

xxvi

-solutions traditionnelles offertes par l'Eglise, mais sous

Jf

toutes réserves.

Erasme, comme Rabelais après luf, déteste les extrémds-tes. Chez lui, pour mener la bonne vie, c'est la bonté du

Chri~i est à imiter', point de vue que Luther regarde comme tout ~ fait laïque puisque le natur~l et le d~vin ne vont pas d. palr L'opposition des deux doctrines 'cortribue elle-m&m ..

à

faire échec aux dogmatismes, co~ent a

f

e

1

ter une .. op~nion

qui définit la vérité en termes négatifs? 1 l apparal. t a ceux

,

.

qui résistent aux dogmes que si soigneusemen que nous

cher-chions parto~t dans le monde naturel, il ne nous révélera j~is

son secret. Il ne nous rendra que nos propres pensées. Comme remarquera plus tard Montaigne.

l ,

Or, nostre estat accommodant les choses a soy et les transformant selon soy, nous ne scavons plus quelles sont les choses en v~rité;car rien ne vient

à

nous que falsifié et altéré par nos sens-- L'incertitude de nos sens rend incertain tout ce qu'ils prOduisent (ApOlogie de Rai~nd

Sebond) . ) \

-En dehors de la foi, quelle que soit son orientation confession-nelle, l'homme est livré

à

ses propres moyens de connaître et se heurte immédiatement

à

leurs imperfections.

Rabelais, pourtant, exalte la connaissance dans.ses deux premdères oeuvres. Il n' y a pas de temps polir le doute dans le

(30)

()

---xxvii

!. .

~

programme de Gargantua. ~'es"t qu'au Tiers Livre qU'appa-raIt l'hésitation devant la démarche intellectuelleefuorale à

suivre.

C'est l~ qu'à mon aVis,"lfa curiosité, le doute et les hésitations du personnage romarlésque créé par Rabelais, Panurge, s' assimUe11lt tous enfin à la curiosité et

à

l' espri t cri tique de

-l'humanisme. On trouve chez Rabelais, sous le couvert de "gamineries", un engagement profond déVls ~a lutte des idées 'de son temps. C'est ce qu'il veut nous transmettre à travers

la narration du problème du mariage de Panurge.

Dans Pantagruel et Gargantua Rabelais ne parle guere ,

..

de la femme a l'exception de quelques chapitres sur l'Abbaye de Thélème. Si, dans le Tiers Livre, Rabelais introduit la femme, c'est en apparence . pour rester fidèle

à

une forme trâdi tionnelle ~.

du Moyen Age, celle de farce et du fabliau.

(~ t

En grps, le Tiers Livre de Rabelais traite de la ques-tion de savoir si Panurg~ do~t se marier ou non, et du sort que

lui réserve le mariage. Ce sont les deux \uestionsr,auxquelles le$ consultants vont répondre. Panurge, "las de guerre" et à

la recherche du bonheur, veut savoir la vérité pour pouvoir adopter la bonne ligne de conduite. La question était la sui-vantel à qui faut-il se fier à une époque où tout le ,monde réclame l'autorité en matiére de connaissance~

(31)

,'" " 10 " ,"

\ l'

l

xxviii

~1us il Y a doute, plus il y a possibilité de différentes

solutions~tpluS il est difficile·de se laisser persuader. Dans

le Ti~rs Liyr~, on remarque que Panurge est

à

la fois têtu et . (,./

" , / f

hésitant. Cet entêtement'et cette hésitation sont dans le

dessein narratif et le dessein de pensée de Rabelais.

L'agence-/

ment des épisodes entre eux est un fait de structure. La forme du doute commande la forme de la narrat~on. A la fin de chaque

Il

consultation la situation reste ,ouverte puisque le con~ultant

n'arrive pas

à

donner des répons~catégoriques,d'où la nécessité ou la possibilité d'aller

à

la rencontre d'un autre consultant .• '

\

Dans son Dessein de Rabelais, V.L. Saulnier fait "un~ essai d'interprétation générale de ce que fut le dessein de Rabelais dans l' ensemble

de~

cinq

li~

du Gargantuàt Pantagruel. mais particulièrement dans l'articulation des Tiers et.Quart Livre •.. " (p. 7). Un p~u plu~ loin, il poursuit.

Au point de départ de notre recherche, s'est posée la simple idée d'essayer de comprendre' Rabelais en faisant fond, non pas sur quelqueg

lignes d'un chapitre, quelques chapitres d'un livre, ou quelques livres de l'ensemble mais sur l'ensemble des livres et des chapitres. Dans la cohérence présumée d'un tout. (p.8)

J'ai ci té ces passages tirés de l'" avani'-propos" de l'ouvrage de Saulnier pour montrer que son projet est d'une plus grande dimension que celle proposée dans le mémoire que voici. A l'instar de Saulnier, j'essaierai de "comprendre"

(32)

"

()

1 .

xxix

'.

Rabelais en me basant tout spécialement--sur -quelques texte-s de chapitres du Tiers Livre où Panurge, effectue seS consulta-tions. Mes objectifs sont donc de ré'-examiner Penquête de Panurge

à

~a lumière des recherches de Sau1nier,

à

savoir ' àurtout que la Querelle des Femmes,n'est pas le sujet unique ou même fondamental de l'ouvrage de Rabe1àis et de montrer, .

,

en fin de compte, comment un ouvrage nar~atif peut., cie manières

~iverses,dramatiser la curiosité intellectuelle, l'esprit

critique, le doute ou le ,scepticisme qui caractérisent, l'homme de la Renaissance en quête de la vérité. Panurge'serait-i1

le h~ros d'une quête burlesque dont l'enjeu serait la validité

du savoir humain?

Notre Méthode et la Structure narrative du Tiers' Livre

Etant donné que la langue est

à

la fois corps et esprit,'

j. aimerais partir de la "grammaire narrative" et par le procédé d'une anà1yse littéraire de textes cités du Tiers' Livre de Rabelais, arriver aux idées prOfondes de l'auteur. Encore

est-:~

il indispensable d'étudier le prologue de l'auteur pour la simple raison que là. c'est l'auteur lui~même qui s'adresse directement au 'lecteur et que, d'ailleurs, le prologue polarise l'orientation profonde du livre.

En génér8J., l'idée à exprimer s'insère d'anef> des schèmes psychologiques. Chez Rabelais~ par exémp1e, on trouve, malgré

(33)

"

1"'<l!'1lt _ _ .'I"!@i; .... hJ4'IMm""' .... ""'s,.. . . . -.toJ/oo'J!lld .... _ ... , ... _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ••

xxx:

l'apparente bouffonnerie, Jies considérations de portée grave. Ce n'est que par l'étude approfondie du langage de l'écriture et des épisodes du Tiers Livre que l'on peut rsmon~er jusqu'au mécanisme de la pensée de-l'auteur. Par delà la "lettre" des

a _ . .

-plaisanteries du Tiers Livre " et les m.éandres du probleme matrimonial de Panurge,'le lecteur est invité ~ chercher

l'es-••

sentiel du sèns et 1a signification d fun ensemble J

"car il n'est pas d'oe\lvre littéraire qui se dispense d'une cohérence interne, d'une propre 1ogique ••.. L'oeu~e littéraire est toujours d'a-Q..ord une aventure' d'un homme 1 aventure

inte~ctue11e, effective,' active, et poursuivie

d'un début à une fin."(l)

Pour preuve 1e plan interne ou la structure profonde du Tiers Livrel Panurge, à la recherche du mei11eur consei1, fait trois types de tentatives dans le but de résoudre son hésita-tion vis-à-vis du mariage: tentative divinatrice et intuitive, tentative savante, ~t tentative spirituelle. Toutes les ~onsul­

tations du Tiers Livre entrent dans ces catégories et

à

mon

avis, il y a une hiérarchie voulue, de la part de Rabe1ais, dans, ~ , la structure interne de l'enquête de Panurge.

Le Tiers Livre est parf9is considéré comme une sorte d'allégorie de li homme en quête de la ~ véri té. Ce mémoire 8'9

,

propose de, suivré ~ysté~tiquement Panurge et ses hé si tations 1 V.L. Saulnier', Le Dessein de Rabelais, Paris, Société dJEdi tion 4,'Ense'ignement supérieur, 1957 t In - 16, p.12.

(34)

( ) 0 à travers ses' consultations auprè,s de toutes les autorités de

()

son temps et d'examiner l'expression narrative du doute dans chacune de ces rencontres, donc les structures narratives e11es-mêmes comme signifian~es.

l'

Finalement nous espérons, en fin de compte, pouvoir contredire l'opinion de quelques

lec~rs

de Rabelais qui lé considèrent J à l'

inst~

de Vol tà.ire, comme

(~le

premier des

bouffons" 1 , "un p'hilosophe ivre qui n'a écrit que dans, le temps de son ivresse". 2 Nous espérons qu'ils découvrir.ont désormais en lui,"comme Làzare Sainéan, "l'homme qui a vécu, agi et' douté. ,,3

1 Jugement ci té par Dr. William Nicarti, Rabelais Notre Maitre. ed. Quo Vadis,

p.t

O•

~~ 2 Ci té par Manuel 'De Diéguez, Rabelais Par Lui-même,

éd..

du Seuil,' coll., "Ecrivains de Toujours," 1960 p.175.

3

L. Sainéan, La Langue 'de Rabelais, Tome I. Civilisation de la Renaissance, Paris 1922. Editions de E Boccard. Anciennes

(35)

l

1 'f.' "'1 ' ~ç ~~ , 1

,

1

(

'.< l' , " CHAPITRE' l .1 "

ETUDE DU PROLOGUE DU TIERS LIVRE

.~

/

(36)

\",-

-,

o

2

o ,

Puisq~e ~ette recherche prétend puiser partiellement

dans l'intention de l'écrivain lui-même, il dev~ent indispen-sable de commencer par étudier le "Prologue de l'autheur M. François Rabelais, pour le tiers livre des falots et dicts

Heroïqu~'s du bon Pantagruel "1.

f

Le prologue. tient une place importante dans'l'ouvrage. De fait, le prologue epglobe toutes les idées principales qui vont suivre dans l'ouvrage lui-même~

Dans le prologue du Tiers Livre, Rabelais pose

+9

code pour le décoder par la suite. Il propose aux buveurs-lecteurs

-de "boire" J c'est-à-dire d'entrer dans une ambiance d'

inspira-~~tion, d'où cette image "antique" de l "'ivresse". L'ivrogne

lutte. De même, Rabelais invite les lecteurs à boire,

c'est-•

à-dire

à

lutter,

à

s'engager dans 'la lutte des idées de leurs temps, surtout au plan religieux; mais

à

reèonnaitre leur limitation en tant qu.' êtres' humains ou vivants.

Rabelais doute de l'infaillibilité de l'homme et cela est très important du point de vue de la narration, tant dans son contenu que dans son langage.

1 Rabelais, Le TThrs Livr"e, p.36. -, , 1

l'

l, r 1 , 1 j

(37)

t 1

,1

,* _.

-Dans son langage dynamique et vivant, ~ travers la fiction· de l' orali té, Rabelais s'adresse aux "Bormes gens,

Beuveurs tresillustres" et aux géns qui sont prêts à apprendre" parce qu'ils savent qu' i].8 ne sont pas parfaits. Il veut leur

raconter l'histoire de-Diogène~ d'où son appel pour entre~_ ~en vin," son lnvi tation à boire. Le vocabulaire rabelaisien de la beuverie est d'une abondance et d'une variété 'uniques.

Comme. Rabelais lui-même, Diogène, en son temps, "feut philosophe rare' et 1 joyeux entre mille." Rabelais donne tout

de sui te son avertissement l "S'il avoi t q~elques imperfections,

aussi avez vous, aussi avons nous. Rien n'es.t, sinon Di1eu,

perfaict."l Cette cit~tion,~ située en,tête de tout ce que

1

l'auteur va raconter, est très importante' pour l.' ensemble. de la philosophie de Rabel.ais. Elle mé.ri t~ donc

d'

être étudié e. Le "si" qui ouvre cette phrase a' une valeur de - "admettons que"

, " (

tandis que le mot "aussi"

à

l'intérieur de la phr~se,

J

celle' de Il également. " La structure "aussi .... aussi" sous-entend une

idée d'équilibre. Rabelais fait' as'sez souvent des phrases qui prêtent de l'équilibre et du rythme

à

son écriture. On peut traduire la ph~ase citée ci-dessus·- comme sui ta "S'il avai 1;

quelques imperfections, vous aussi, vous avez quelques imper-fections; nous aussi, nous avons quelques imperfections."

- \

Ces "imperfections,j devienn~nt, sous la plume dé Rabe-lais, le 1acteur commun des sujets. prénoms "il", "vous" et,

1 Ibid., p.;?

(38)

..

()

"'

..

~ 1

.

.

4

par. là de l'auteur lui-même. Le "nous'" suggère' l '

identifica-ti~~ de l'auteur avec les autres simples citoyens, le public

et avec

nou~

1es lecteurs

~

Rabelais.r

Le

.balancement . "aussi, ..:_- aussi" marqu~ l' éqouilibre du fai t d~ avoir

! m~mes défauts.

les

Plus important que l'intérêt grammatical de cette cita-ti'on· est la morale qu'elle nous oifre.à côté de "--- .,..Rien n'est, sinon Di'eu perfaict." Observons le contraste qui en résu~ te 1

. \

Rien n' es MAIS (sous-entendu)

_ Dieu est par "il" - Diogène

(imparfai t) inégal Dieu (parfait) "vous" - "Bonnesgens" inégal

(pas pariai ts)

l'

nous (lecteurs, spectateurs)

(y inclus Rabelais lui-même) (pàs pariai t,s)

Dieu

(:parfai t)

inégal Dieu . ~'

(parfait) .

'. Rabelais s'identifie 'dolJ,e aux hommes de bonne volonté qui admettent' leur petitesse devant Dieu, créateur de l" univers •.

. Ce't:e 6i tation' prend une vale'ur engoré plus

~~port~

quand on considère le fait qu'à l'époque de Rabelais régnait·

. , "

encore un peu

p~tout

le principe

'd~autorité,

que ,ce fût celle

• J ,

de l' Egli se et ide sa . trad! tion, 'ou celle plus nouvellement

découverte,

de;~~):~NVai~S .anti~ues. Paradoxalement~

le recou+s

. ;, r.

J) • . '

a'U.~ écriyains .,,~trr~tques, s' il est excessif ou abus'if, peut

'cons-( ; 1 . . . . if , 1

ti

tuer ·un fr..ein tàu progres, un obstacle a la pent;lée libre et ,

.

(39)

'f ,

,

1 ; " f j Î, ,

'"

"', 1 1 . "~' "

5

)

une barri~,re

à

la rec,her'che indépendapte.

(

r

Au seuil d~_Tiers Livre, Rabe1ais suivait de près

la

J

politiqu~ royale. Dans 1iexaltatibn patriotique qui caracté-\ rise "le pro1ogue du Tiers Livr'e, on peut voir une intention 1 _ j

,d'ordre politique. Il s'agiss~it, chez'Rabelais, d'émettre un

r,

appel à l'opinion publique pour l'amener

à

accepter les sacri-, 0 ,

f'i~es demandés par le ~ouvernemen:t royal,-aux citoyens pour

'couvrir 'les dépenses des travaux de f'ortification. ~i

.impor-, • • 1

, 1

-tai t alors d'engager les habitants deer villes

à

s' incliner devant

. ,

1es néc,essi tés àupéri~ures -en po~rvolant. 1 sans mu~ure,

à

la

sécurité des villes et du royaume.

Le devoir s'imposait 'à tous sans distinction de profes-sion ni de mé~ier. En montrant avec force la légitimité des " mesures prises pour la, défense du s01 français, le prol..~,gue du

Tiers 'Livre servait une cause chère au roi. Devançant son

li - 0

s).ècle, Rabelais préconise la notion toute moderne de la nation armée. Il nous raconte l'histoire de Diogène co~e celle de la' participation de tous

à

la défe~se de la ,cité •. PhiliPp~ de Macédoine J. se bat contre les Corinthiens, comba:ttants

courageux. Diogè~e, yoyant travailler les, autres. citoyens, même sans l'ordre de leurs magistrats', "éontemp1a par quelques

jours leur contenance sans mot dire.Hl

lIbid., p.38 C'est mO,i qui souligne'.

(40)

< ,

,/)

'\

.

" \

()

" " ,

---"-,

-'.', ._._--- -- _ ". ______ ~ l' ~_ ; " 6

Cette locution adverbiale "sans mot dire", qui' décrit

.

-

-la manière dont Diog~ne les avait êontemplés nous alerte sur " . l' atti tude du doute chez Rabelais. Plusieurs fois, dans le 'Tier.s Li vre ~ Rabelais parle. de "silence f i . Ces momehts de

Bile]lce'~ du point de vue de la grammaire, dénotent'

à

la surface', une locution "ZERO". Mais ce si.lence a un but

i

il vise,

à

mon avis, la, sagesse de l ' homme qui doute '. qui ne dit 'rien et, qui

ne fait rien sans y réfléchir longuement.

-Ainsi ,Diogène est""il resté quelques jours dans l'état \ ' d'un homme qùi ne sai t pa~ enc~re ce qu'il doit faire,. faee

à

une situation aussi grave ,qûe fa guerre. Pour no:tre 9:uteur, ce silence est très important pour ce qui , , '~ui t au hout "du quat- -rième jourl

Puys, comme excité d' espri t'Martial. céigni t son palle en escharpe'~, recoursa ses manches

jusques es coubtes, se troussa en cuilleur de pommes. bai:lla

à

un s~en compaignpn vieulx sa bazasse, ses livres et opistographes,. feit hors la ville tirant VeTS le Cranie (qui est , une colline et promontoire lez Corinthe) une

belle esplanade, y roulla le tonneau îictil qui pour maison luy estoi t contre les injures du Ciél, et, en vehemen,ce d'ésprit desployant ses braz, le tournoit, viroit. brouilloit, ' barbouillott, hersoit, ~ersoit, renversoit,

nattoit, gratto~t, flattoit. barattoit, basto~t.

Qoutc;>it, tabustoit, cullebuttoit,

,-"'-~---.";;'--_ caparal;Jsonnoit.---(l), ---... , .' ' . - " ~ l Ibid.,

pp.)8-39.·

. , ., '

-

"

(41)

, ~Y- A!but.tEas: iJtJuz . . . . u il I I I . n • • 1 y 1 , , , ' A ,..1 ; , , '" i'

,

'/

î

,

.

·1;'~ ,,--?

Devant le problème de leurs époques respec~ives,

',Rabelais èoncède aUX hommes le droit de s'informer. Dfogène

l

, s' informe' ~out d'abord et 'agi t~la sui te. : Rabelais mul tiplie et manipule les verbes.

Remarquons comment Par l'emploi de : mots onomatopéiques,mots qui sont tous d'ailleurs e~ployés

à

l'imparfait de l 'indicatif1 , l'auteur veut montrer les étapes

1

1 par lesquelles Diogène 'est passé du silence pour arriver au 1

bruit, de la vie inactive pour arriver

à

la vie active, de la

1 vie de contemplation

à

une vie d'industrie pal1tagruélique.

L'inspirfltion vient avec le silence. On peut garder le silence

o

et en'même temps s'inspirer et se munir d'outils de travail. pi'ogène travaille parce qu'il ne veut pas être paresseux et

-oisif tandis que tous les autres travaillent. Le message que Rabelais veut nous transmettre ici, c'est q:u' il faut a~r" J,et

ceci est bien dans l'esprit de la Renaissance •

Rabelais se compare

à

Diogène s "Je

pareillemelft----__ ".2 Ici, le "Je" du roman se confond avec le "Je" de l'auteur.

Le prénom s' a:ppli,que

à

Rabelais tandis que le "pareillement" veut dire "de même' façon que Diogèn~". Pour Rabelais, écrire

.

~

c'est son tonn~'au diôgénique; sa maniè:re de contribuer quel- ( que' chose de' valeur

à

la société au &min de laquelle il vit.

lE~

général, l'imparfait montre une action en train de se dérouler dans une portion du passé. Surtout, ici dans le passage SUr"DiOgène,!l permet de 'faire voir plusieurs actions

se déroulant ensembl • . "

(42)

o

'.

/ ' " ---jII.: 8

D'où la signification de son "pareillement." __ Comme Diogène, Rabelais a subi une période "d'incubation", selon les phrases

1 1

qui' ouvrent l' i~oduction de J. Pouilloux au Tiers Livre:

"eritre ,les deux premiers romans, le Pantagruel et le Gargantua, et la suite du cycle ainsi entrepris et annoncé, s'écoule un

long silence de douze années." 1

Je vois en ce "silence", non pas, un silence voulu pro-prement dit, mais un silence imposé par le fait d'avoir

de l'oppression que les pouvoirs publics avaient opposé à

l'égard des écrits novateurs. Rabelais lui-même avait encouru les foudres de la Sorbonne.

1

Mais avee le temps, Rabelais a osé écpire non pas sous le'pseudonyme d'Alc~fribas Nasier,2 mais sous son nom propre de Rabelais. Notre livre a pour titre: Le Tiers Livre des faicts et dicts Heroiques du bon Pantagruel: composé par M. Franc. Rabelais doctéur en Medicine.3

S'avoue .. r ainsi l'auteur du Tiers Livre revient à affir-Iller

à.

haute voix que

:J.'

on n'a rien'

à

se reprocher ni

à

crain-dre. Mais Rabelais est tout

à

fait saisi par le désir d'écrire,

1 Ibid •• p.9. r

2 Anagramme de François Rabelais (dans le Pwnta~~) qui attendr.a Le ~iers Livre (1546) pour signer ses ouvrages de

son nom propre •.

:3 Rabelais, Le Tiers Livre,- p.,3!.

- - - - , --,;-,", ~---,-- ~- ~-... ---... ~---

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