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Des enseignants en éducation physique font de l'esprit sportif un levier d'éducation morale : une recherche-action collaborative

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Des enseignants en éducation physique font de l'esprit

sportif un levier d'éducation morale : une

recherche-action collaborative

Thèse

Benoît Tremblay

Doctorat en psychopédagogie

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Des enseignants en éducation physique font de

l’esprit sportif un levier d’éducation morale : une

recherche-action collaborative

Thèse

Benoit Tremblay

Sous la direction de :

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Résumé

Les comportements inopportuns qui marquent les pratiques sportives contemporaines exigent que les différents intervenants en éducation physique et sportive (ÉPS) assument le mandat de contribuer au développement moral des jeunes sportifs. À cet égard, l’esprit sportif, un vecteur éducatif omniprésent en sport, présente un potentiel pour concrétiser une éducation morale en ÉPS. Malheureusement, rares sont les études qui renseignent sur les stratégies qu’exploitent de leur propre chef ces intervenants pour favoriser, à partir des enjeux et des valeurs associés à l’esprit sportif, le développement moral des jeunes. Qui plus est, aucune étude, à notre connaissance, ne s’est penchée sur des stratégies de formation à préconiser pour amener ces spécialistes de l’éducation par le sport à exploiter, à des fins d’éducation morale en ÉPS, le potentiel éducatif que revêt la notion d’esprit sportif. Cette dernière lacune a justifié la pertinence de mener un projet de recherche-action collaborative destiné à soutenir des enseignants en éducation physique (ÉP) dans la planification et l’implantation d’activités visant le développement moral d’élèves par l’apprentissage d’un meilleur esprit sportif.

Quatre enseignants en ÉP du système scolaire québécois, accompagnés par un formateur-chercheur dans le domaine de l’éducation morale en ÉPS, ont pris part au projet de recherche-action. Dans le cadre de la démarche d’accompagnement proposée, ces enseignants ont : 1) revisité leurs conceptions de l’esprit sportif en plus de s’approprier les exigences à respecter pour la planification d’activités vouées au développement moral d’élèves; 2) planifié des activités d’apprentissage destinées au développement moral; 3) implanté les activités planifiées en contexte réel d’enseignement; 4) réfléchi sur la contribution des activités implantées pour le développement moral des élèves. La notion d’esprit sportif proposée par Guay (1993) ainsi que le modèle de l’action morale (Rest, 1984) ont été utilisés pour orienter les contenus des rencontres avec les enseignants. Ces rencontres d’accompagnement collectives et individuelles conduites par le formateur-chercheur, de même que les séances d’enseignement pour l’implantation des activités d’apprentissage, ont été enregistrées sur support numérique (N=32). Des questionnaires ont également été utilisés pour recueillir les perceptions des élèves et des enseignants en regard des activités d’apprentissage proposées.

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Dans un premier temps, l’analyse des activités d’apprentissage implantées par les enseignants (en badminton, en soccer, en football) a conduit à l’élaboration d’un cadre didactique pour la planification d’activités inédites en matière d’éducation morale en ÉPS. Ce cadre didactique regroupe les principaux éléments constitutifs d’une activité vouée au développement moral des élèves par l’apprentissage d’un meilleur esprit sportif.

Dans un second temps, l’analyse des perceptions des élèves (N=93) a révélé qu’environ 71% d’entre eux disent avoir beaucoup apprécié l’activité novatrice proposée par leur enseignant en ÉP. Qui plus est, plus du trois quarts des élèves rapportent un niveau de participation très élevé tout en jugeant très pertinente l’activité proposée. Par ailleurs, les commentaires des élèves révèlent une contribution signifiante des activités pour la création de conditions d’apprentissage plus favorables en contexte d’éducation physique scolaire. En fait, les activités implantées semblent avoir engendré une pratique sportive plus équitable, plus motivante et plus signifiante.

Dans un troisième temps, l’analyse du processus d’accompagnement des enseignants a permis d’établir des constats (N=15) destinés à documenter et à réguler le processus d’accompagnement initial proposé par le formateur-chercheur.

En définitive, la démarche d’accompagnement des enseignants en ÉP révèle une dynamique de transposition d’un savoir populaire – à savoir l’esprit sportif tel que conçu initialement par les enseignants, les élèves et le formateur-chercheur – en un savoir didactique qui peut être exploité pour concrétiser une éducation morale en contexte d’ÉPS. Dans cette perspective, les résultats de l’étude supportent l’idée qu’il est possible, et vraisemblablement judicieux, d’implanter dans des classes d’ÉP des activités visant le développement moral des élèves par l’apprentissage d’un meilleur esprit sportif. Mots clefs : esprit sportif, éducation morale, éducation physique, enseignant, recherche action

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Abstract

The inappropriate behaviours that mark contemporary sport practices require that physical educators and other actors in sport assume the mandate of contributing to the moral development of youth in sport. In this regard, the concept of sportspersonship, an educational vector ubiquitous in sport, may be a means of addressing moral education in physical education and sport (PES). However, there has been limited study on strategies that physical educators or coaches use to encourage the moral development of youth through using the concept of sportspersonship and the values associated with it. Also, to our knowledge, no study has examined strategies that could be recommended to these specialists of education through sport for using the educational potential of the sportspersonship concept as a means of moral education in PES. This absence justified the relevance of an action research collaborative project toward supporting physical education teachers in planning and implementing activities for the moral development of students through learning better sportspersonship. Four physical education teachers from the Quebec school system, accompanied by a trainer-researcher in moral education in PES, participated in the action research project. As part of the accompaniment process, the teachers: (1) re-examined their understanding of sportspersonship as well as familiarised themselves with the planning requirements for activities dedicated to student moral development; (2) planned learning activities dedicated to moral development; (3) implemented the planned activities in a real teaching setting; and (4) reflected on the contribution of the implemented activities to the moral development of students. The concept of sportspersonship (esprit sportif) prosed by Guay (1993) as well as a model for moral action (Rest, 1984) were used to guide the content of the meetings with the teachers. The individual and group accompaniment meetings conducted by the trainer-researcher as well as the teaching sessions incorporating the learning activities were recorded digitally (N=32). Questionnaires were used to gather the perceptions of the students and the teachers regarding the implemented learning activities.

Firstly, analysis of the learning activities implemented by the teachers (in badminton, in soccer, and in football) led to the development of a didactic framework for planning novel learning activities for moral education in PES. This didactic framework includes the principle elements of a learning activity dedicated to the moral development of students through learning better sportsmanship.

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Secondly, analysis of the perceptions of students (N=93) showed that approximately 71% said that they very much enjoyed the novel activity proposed by their PE teacher. More than three quarters of students reported a very high level of participation while also judging the proposed activity to be very pertinent. Student comments also revealed that the learning activities meaningfully contributed to creating better learning conditions. In fact, the implemented activities seemed to result in sport practice that was more equitable, more motivating, and more meaningful.

Thirdly, analysis of the teacher accompaniment process permitted the identification of findings (N=15) intended to document and regulate the initial accompaniment process proposed by the trainer-researcher.

Finally, analysis of the accompaniment of the PE teachers showed a transposition process from a folk knowledge – sportsmanship as initially conceived by the teachers, the students, and the trainer-researcher – to a didactic knowledge that can be used to achieve moral education in the PES context. From this perspective, the results of the study support that it is possible, and perhaps wise, to implement activities aimed at student moral development in PE classes through learning better sportspersonship.

Key words: sportspersonship, sportsmanship, moral education, physical education, teacher, action research

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iv

Table des matières ... vi

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Liste des abréviations ... xii

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 4

1.1 La valeur éducative du sport ... 4

1.2 Le mandat d’éduquer moralement les jeunes sportifs ... 5

1.3 L’éducation morale en ÉPS ... 7

1.3.1 Les bases théoriques ... 8

1.3.2 La littérature sur le thème de l’éducation morale en ÉPS ... 13

1.4 Le potentiel éducatif de la notion d’esprit sportif ... 20

1.5 Problème et objectifs de recherche ... 26

Chapitre 2 : Méthodologie ... 27

2.1 Cadre épistémologique de l’étude ... 27

2.1.1 Une recherche qualitative/interprétative ... 27

2.1.2 Une recherche-action ... 28

2.1.3 Une approche collaborative ... 29

2.2 Équipe de recherche ... 30

2.3 Déroulement du projet ... 32

2.3.1 La clarification de la notion d’esprit sportif et des conditions requises pour la planification d’activités d’apprentissage contributoires au développement moral des élèves (Phase 1) ... 33

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2.3.2 La planification et justification des activités d’apprentissage (Phase 2) ... 41

2.3.3 L’implantation des activités d’apprentissage planifiées (Phase 3) ... 42

2.3.4 La réflexion sur la contribution des activités d’apprentissage pour le développement moral des élèves (Phase 4) ... 44

2.4 Précautions méthodologiques ... 44

2.5 Considérations éthiques ... 47

Chapitre 3 : Résultats ... 49

3.1 Les activités d’apprentissage implantées par les enseignants ... 49

3.1.1 La cueillette des données ... 49

3.1.2 L’analyse des données ... 50

3.1.3 Les résultats ... 51

3.1.4 Conclusion ... 69

3.2 Les perceptions des élèves ... 72

3.2.1 La cueillette des données ... 72

3.2.2 L’analyse des données ... 74

3.2.3 Les résultats ... 75

3.2.4 Conclusion ... 91

3.3 La régulation de la démarche d’accompagnement ... 97

3.3.1 La cueillette des données ... 97

3.3.2 L’analyse des données ... 99

3.3.3 Les résultats ... 100

3.3.4 Conclusion ... 122

Chapitre 4 : Discussion ... 134

4.1 Des retombées pour la formation ... 134

4.1.1 Un modèle didactico-pédagogique de l’esprit sportif ... 135

4.1.2 Un cadre didactique pour la planification d’activités ... 142

4.2 Des pistes de recherche... 144

4.2.1 Valider le cadre de référence de l’esprit sportif ... 144

4.2.2 Mesurer les effets d’activités vouées à l’apprentissage d’un authentique esprit sportif ... 145

4.2.3 Améliorer le cadre didactique pour la planification d’activités vouées à l’apprentissage d’un authentique esprit sportif ... 146

4.2.4 Identifier les préoccupations d’élèves lors de l’expérimentation d’activités vouées à l’apprentissage d’un authentique esprit sportif ... 147

Conclusion ... 148

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ANNEXES ... 165

ANNEXE A : Annonce de recrutement ... 166

ANNEXE B : Formulaire de consentement ... 168

ANNEXE C : Questionnaire d’événements marquants (Enseignants) ... 172

ANNEXE D : Questionnaire d’événements marquants (Élèves) ... 174

ANNEXE E : Exercice de classification proposé aux enseignants ... 176

ANNEXE F : Liste de conduites sportives tirées des histoires des élèves ... 178

ANNEXE G : Classification des conduites sportives tirées des histoires des élèves ... 180

ANNEXE H : Tableau de planification ... 182

ANNEXE I : Questionnaire préimplantation (Enseignants)... 184

ANNEXE J : Questionnaire postimplantation (Enseignants) ... 186

ANNEXE K : Questionnaires postimplantation (Élèves) ... 188

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Liste des tableaux

Tableau 1. Formation académique et expérience professionnelle des enseignants ... 31

Tableau 2. Principales caractéristiques des phases de la recherche-action ... 32

Tableau 3. Conceptions de l’esprit sportif issues de l’analyse des événements marquants rapportés par les élèves ... 34

Tableau 4. Dimensions utilisées pour l’analyse des activités d’apprentissage implantées par les enseignants ... 50

Tableau 5. Comparaison des activités d’apprentissage implantées par les enseignants ... 64

Tableau 6. Exemples de privilèges accordés au joueur négligé et de contraintes que s’impose le joueur favori ... 66

Tableau 7. Propos d’élèves dits comblés suite à leur participation au tournoi de badminton ... 78

Tableau 8. Propos d’élèves dits ambivalents suite à leur participation au tournoi de badminton .... 79

Tableau 9. Propos d’élèves dits récalcitrants suite à leur participation au tournoi de badminton .... 80

Tableau 10. Propos d’élèves dits comblés suite à leur participation au tournoi de soccer ... 83

Tableau 11. Propos d’élèves dits ambivalents suite à leur participation au tournoi de soccer ... 84

Tableau 12. Propos d’une élève dite récalcitrante suite à sa participation au tournoi de soccer ... 85

Tableau 13. Propos d’élèves dits comblés suite à leur participation au mini-match de football... 88

Tableau 14. Propos d’élèves dits ambivalents suite à leur participation au mini-match de football ... 89

Tableau 15. Propos d’élèves dits récalcitrants suite à leur participation au mini-match de football ... 90

Tableau 16. Recommandations pour améliorer l’implantation d’un tournoi de badminton où des élèves se devaient de gagner honorablement ... 94

Tableau 17. Recommandations pour améliorer un tournoi de soccer où des élèves devaient pallier à un manque de parité entre des équipes ... 95

Tableau 18. Recommandations pour améliorer un mini-match de football où des élèves devaient être fiers de leur performance ... 96

Tableau 19. Répartition des heures d’enregistrement selon les rencontres collectives et individuelles ... 98

Tableau 20. Constats issus de l’analyse des rencontres collectives et individuelles du processus d’accompagnement des enseignants ... 101

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Tableau 21. Motifs et illustrations d’interventions des enseignants auprès des élèves lors des séances d’implantation ... 116 Tableau 22. Principales caractéristiques d’une démarche d’accompagnement professionnel pour la planification et l’implantation d’une activité visant le développement de l’esprit sportif en tant que vertu ... 123 Tableau 23. Des exemples d’interventions pour accompagner les élèves dans leur

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Liste des figures

Figure 1. Chronologie des phases du projet de recherche-action ... 29

Figure 2. Chronologie des rencontres individuelles avec les enseignants ... 41

Figure 3. Chronologie du processus d’implantation des activités d’apprentissage... 43

Figure 4. Feuille de match utilisée par les élèves (badminton) ... 53

Figure 5. Feuille de tournoi utilisée par les élèves (soccer) ... 56

Figure 6. Fiche de sélection du district utilisée par les élèves (tir à l’arc) ... 62

Figure 7. Cadre didactique pour la planification d’activités d’apprentissage vouées au développement moral en ÉPS ... 71

Figure 8. Illustration du questionnaire utilisé pour le tournoi de badminton ... 73

Figure 9. Appréciation par les élèves du tournoi de badminton ... 76

Figure 10. Appréciation par les élèves du mini-tournoi de soccer ... 81

Figure 11. Appréciation par les élèves du mini-match de football ... 86

Figure 12. Modèle didactico-pédagogique de l’esprit sportif ... 137

Figure 13. Illustration de l’utilisation du canevas didactique pour la planification d’une activité visant l’apprentissage de l’esprit sportif (dans sa forme authentique) ... 143

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Liste des abréviations

ÉP Éducation physique

ÉPS Éducation physique et sportive

MÉES Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur MÉLS Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport

MÉQ Ministère de l’Éducation du Québec PES Physical Education and Sport

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À mon père, qui a bien tenté de nous enseigner l’art du discernement.

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Et à ma mère, qui nous a appris à être plus subtils que notre père.

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Remerciements

Il me tient avant tout d’exprimer toute ma gratitude à l’endroit de mon directeur de thèse, Denis Martel, pour son aide et son soutien tout au long de ma démarche. Je lui suis extrêmement reconnaissant d’avoir accepté de me suivre dans cette aventure et le remercie d’avoir dirigé mon parcours avec souplesse et générosité. Il est évident que ses nombreuses propositions ont, au final, grandement contribué à la clarté et à la pertinence de mon propos.

Parce que leur collaboration est à la base de cette étude, j’offre pareillement mes profonds remerciements aux enseignants en éducation physique qui ont accepté d’y prendre part. Je leur suis réellement reconnaissant du temps qu’ils m’ont consacré et leur souhaite bonne chance dans la mise en place d’activités visant le développement moral des élèves par l’apprentissage d’un meilleur esprit sportif.

J’adresse par ailleurs de sincères remerciements aux membres du jury pour avoir assumé cette responsabilité malgré leur lourde tâche professorale. Merci donc à Guylaine Demers (Université Laval), Jocelyn Gagnon (Université Laval) et Sylvie Beaudoin (Université de Sherbrooke) pour le temps consacré à la juste appréciation de la présente thèse.

Je remercie également ceux et celles qui, ici et là, ont su me supporter dans les moments plus pénibles. Du coup, je demande à mes parents, Jacques et Jocelyne, d’accepter mes remerciements pour leur support indéfectible comme j’invite mon frère et ma sœur à les accueillir pour leurs perpétuels encouragements. Je remercie par la même occasion mes beaux-parents, Jean et Élisabeth, ainsi que mes collègues Andréa Woodburn et Judith Papillon en raison de leur généreuse contribution de dernière minute.

Enfin, j’estime que la présente thèse n’aurait pu être complétée sans la complicité de quelques êtres chers qui partagent mon quotidien. Je remercie donc de tout cœur Anaève et Sara-Jade pour leur indulgence ainsi que ma conjointe Caroline pour la grande sollicitude dont elle a fait preuve ces dernières années.

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Introduction

En quête d’une nouvelle épistémologie de la pratique, Donald Schön (2011) use de l’analogie suivante pour traiter de ce qu’il intitule le « dilemme de la rigueur ou de la pertinence » (p. 201) :

Dans le paysage varié de la pratique professionnelle, on trouve de hautes terres au sous-sol sous-solide, où les praticiens peuvent faire un usage efficace des théories et des techniques issues de la recherche; mais on rencontre aussi de basses terres marécageuses, où les situations sont des « chaos » techniquement insolubles. Ce qui complique tout, c'est que les problèmes situés en hautes terres, bien que présentant un grand intérêt sur le plan technique, sont d'une importance toute relative pour le monde en général alors que ceux qui préoccupent le plus le genre humain poussent en terrains marécageux. Et le praticien, lui, que doit-il faire ? Rester en hautes terres où il pourra pratiquer tranquillement en donnant au mot rigueur tout le poids qu'il lui plaira, mais en traitant uniquement des problèmes sans grande portée sociale ? Ou bien descendre jusqu'au marécage où il traitera de problèmes épineux de grande importance, mais où il devra accepter de sacrifier la rigueur technique ?

Certains praticiens choisissent les basses terres. Ils s'engagent délibérément dans les problèmes complexes mais cruciaux et, si on leur demande de décrire leurs méthodes d'investigation, ils parlent d'expérimentation, d'essais et d'erreurs, d'intuition et de débrouillardise.

D'autres praticiens optent pour les hautes terres. Avides de rigueur technique, dédiés à une image de compétence professionnelle solide ou craignant d'entrer dans un monde où ils ont peur de ne savoir que faire, ils se confinent volontairement à une pratique professionnelle étroitement technique. (p. 201).

La réalisation de cette thèse m’a maintes fois confronté au dilemme des « hautes terres » ou des « basses terres »; à celui, autrement formulé, de la « rigueur » ou de la « pertinence ». Source constante de doute et d’inconfort, ce dilemme m’a conduit, en tant que praticien-chercheur, à visiter plus d’une fois mon rapport aux savoirs d’action et aux savoirs théoriques.

Aux balbutiements de mes travaux, j’ai d’abord questionné la légitimité de définir un projet de recherche à partir d’idéaux théoriques qui marquaient – et marquent encore – ma posture d’éducateur. Pouvais-je alors concevoir une étude où il serait possible, de concert avec des praticiens, de revisiter certains lieux communs pour oser faire autrement ? Pouvais-je me permettre d’en appeler à mes propres expériences de praticiens pour justifier, du moins en partie, une recherche dite « scientifique » ? De

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quelle manière, du coup, pouvais-je m’assurer que ma subjectivité de praticien n’allait pas contaminer mon objectivité de chercheur ? Enfin, était-il seulement possible de proposer une recherche susceptible de transformer des manières de faire plutôt que de les décrire ou de mesurer leur impact ?

Plus tard, au moment d’accompagner les enseignants de l’étude dans une démarche réflexive, j’ai eu à considérerla place que devait occuper l’expertise pratique des enseignantsen comparaison de mon expertise théorique de formateur-chercheur. Dans cette perspective, j’ai tantôt « fait confiance » aux enseignants sans être toujours certain qu’ils partageaient totalement les ancrages théoriques que je proposais; tantôt eu l’impression de les « bousculer » quand je souhaitais qu’ils se distancent des représentations issues de leurs expériences du terrain.

Tandis que le projet de recherche prenait place, j’ai par ailleurs pris conscience – et dû accepter – les limites d’une intervention préparée dans le confort de mon bureau. Aussi soignée avait-elle été, ma planification a nécessité des ajustements et des correctifs. Jusqu’à quel point pouvais-je alors me permettre de déroger de mon plan initial pour techniquement m’adapter aux disponibilités limitées des enseignants, à leur horaire de travail variable, à leurs décisions vacillantes, à leurs doutes chroniques, à leurs intérêts non avoués, à leurs incompréhensions persistantes et, surtout, à mon inexpérience et aux limites de mes propres connaissances ? De quelle manière devais-je traiter ces impondérables pour éviter qu’ils ne portent ombrage à la « scientificité » de mon projet ?

Enfin, au moment d’analyser les données du projet et de rédiger mon rapport final, je me suis encore questionné sur mon rapport aux savoirs. Plusieurs fois je me suis interrogé sur l’importance que je devais a posteriori accorder à toutes ces adaptations en cours d’action. Constituaient-elles, et si oui à quelles conditions, des « données de recherche » qui devaient faire l’objet de mes analyses ? Et au moment de rendre compte des résultats, devais-je, par souci de transparence, scrupuleusement les rapporter au risque de perdre le lecteur dans un dédale de considérations tantôt anecdotiques, tantôt nécessaires à une juste compréhension des tenants et aboutissants de mon projet ? À quels critères pouvais-je précisément ici me référer pour discriminer « l’essentiel » de « l’accessoire » ? Devais-je, en dernier lieu, formuler mon propos de manière à servir le chercheur qui voudrait donner suite à mes travaux ou à nourrir la réflexion du praticien désireux de parfaire sa pratique professionnelle ?

Loin de moi l’idée de vouloir contrarier le lecteur en lui soumettant ces questionnements de nature épistémologique en début de lecture. En marge de l’analogie de Schön, le partage de mes

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questionnements visait plutôt à lui fournir un avant-goût de quelques réalités intangibles (imprévisibilité, doute, tâtonnement, non-dit, adaptabilité, conflit de valeurs…) qui ont freiné – et enrichi – ma démarche de recherche. Puisse désormais cet avant-goût disposer le lecteur à comprendre les postures épistémologiques et choix méthodologiques que j’ai privilégiés au cours de l’étude et lui permettre d’accueillir en conséquence mon récit; un récit assurément plus houleux qu’il ne le laisse finalement paraitre.

Le premier chapitre concerne la problématique de la recherche. Il y est établi que le potentiel éducatif du sport pour contribuer au développement moral de la personne réside dans la capacité des éducateurs physiques à lui faire servir explicitement cette cause. Les principales bases théoriques qui marquent la littérature scientifique et professionnelle dans le domaine de l’éducation morale en ÉPS y sont présentées et la notion d’esprit sportif y est investiguée en tant que levier potentiel d’éducation morale. Au terme de la problématique, le manque de connaissances portant sur des stratégies opérationnelles pour éduquer moralement en contexte d’éducation physique révèle la pertinence de mener une recherche-action collaborative.

Le deuxième chapitre présente et justifie la méthodologie privilégiée au cours du projet de recherche. Le cadre épistémologique de l’étude y est détaillé ainsi que les quatre étapes d’une démarche d’accompagnement visant à soutenir des enseignants en éducation physique (ÉP) dans la planification et l’implantation d’activités propices au développement moral d’élèves par l’apprentissage d’un meilleur esprit sportif.

Le troisième chapitre rend compte des résultats de la démarche de recherche-action menée en partenariat avec les enseignants en éducation physique. Plus précisément, ce chapitre présente, dans l’ordre, les résultats, l’analyse et la discussion: (a) des activités d’apprentissage implantées par les enseignants pour contribuer au développement moral de leurs élèves; (b) des perceptions des élèves à l’égard de ces activités d’apprentissage novatrices; (c) de la démarche d’accompagnement mise en place pour accompagner les enseignants en ÉP.

Enfin, le quatrième chapitre expose des contributions que le projet de recherche laisse désormais entrevoir pour la formation en matière d’éducation morale en ÉPS ainsi que des pistes de recherche futures.

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Chapitre 1 : Problématique

Il est de croyance populaire que le sport contribuerait positivement au développement de la personne. Il est entendu qu’il serait « porteur de valeurs humanistes, de principes éthiques et de vertus morales; [qu’] il pourrait s’accorder à des philosophies hédonistes aussi bien qu’ascétiques; [qu’] il comporterait enfin des qualités socialisantes, émancipatrices » (Attali, Saint-Martin, Liotard et Chapron, 2004, p. 11). À peu de choses près, comme l’indique Bordeleau (2000), « le sport représenterait la manière idéale d’être humain; l’excellence de l’humanité résiderait dans le fait d’être sportif; être sportif constituerait la plénitude de l’être humain » (p. 102). En de telles circonstances, il semblerait légitime de reconnaître les vertus éducatives du sport et d’estimer toute pratique sportive favorable au développement de la moralité1.

1.1 La valeur éducative du sport

Bien que le terrain de sport, aux yeux de plusieurs, « représenterait avant tout un lieu d’enrichissement moral et intellectuel » (Attali et al., 2004, p. 166), très peu de recherches empiriques supportent l’idée que la participation à un sport contribue au développement de la moralité (Power et Sheehan, 2014; Shields et Bredemeier, 2007a, 2007b; Stoll et Beller, 2000). Des études ayant comparé le niveau de maturité du raisonnement moral2 d’athlètes à celui de non-athlètes révèlent notamment une corrélation négative entre la participation à certains sports (particulièrement les sports collectifs) et la maturité du raisonnement moral (Beller et Stoll, 1995; Shields et Bredemeier, 2007b). Similairement, les travaux portant sur la manière avec laquelle des sportifs et non-sportifs se représentent des enjeux éthiques à travers des dilemmes de vie généraux et des dilemmes sportifs indiquent qu’ils démontrent un raisonnement moral plus mature lorsqu’ils réfléchissent sur des dilemmes de vie généraux que

1 La moralité (morality), comme l’indiquent Shields et Bredemeier (2007a), renvoie aux droits et aux devoirs des individus. Elle en appelle à la réflexion et à la discussion en ce qui concerne nos besoins et nos intérêts, en ce qui est juste et/ou demande de la sollicitude. Phénoménologiquement parlant, elle est vécue comme un devoir à l’égard de ce qui doit être fait.

2 Lawrence Kohlberg (1981, 1984) a élaboré une théorie du développement moral en s’intéressant aux critères utilisés par des individus (raisonnement moral) pour justifier leur réponse à des dilemmes moraux hypothétiques (les grandes lignes de cette théorie sont présentées à la section 1.3.1). Depuis ses travaux, le raisonnement moral, même s’il ne constitue qu’un aspect de la moralité, est typiquement considéré comme un indicateur du développement moral (Kavussanu, 2008a).

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lorsqu’ils prennent position face à des dilemmes sportifs (Shields et Bredemeier, 2007b). Ces résultats de recherche ont mené des auteurs (Shields et Bredemeier, 1995, 2007a) à proposer la théorie du « raisonnement en contexte de jeu » (game reasoning). Selon cette théorie dont la valeur a depuis été corroborée (Camiré et Trudel, 2010; Kavussanu et Ring, 2016; Long, Pantaléon, Bruant et d'Arripe-Longueville, 2006; Rudd, 2008; Theodoulides, 2003), le contexte sportif susciterait une adaptation temporaire sur le plan moral où l'égocentrisme, une valeur typiquement associée au sous-développement moral, deviendrait un principe acceptable pour gérer les rapports avec autrui.

Ces résultats de recherche, comme d’ailleurs les nombreuses preuves que nous livre le spectacle d’une pratique sportive pervertie par la tricherie et la violence, nous invitent à remettre en question la supposée valeur éducative du sport. Si faire du sport ne mène pas automatiquement à un raisonnement moral plus mature, à de meilleures valeurs ou au développement de l’esprit sportif, comme le laissent précisément entendre Shields et Bredemeier (2008), comment alors expliquer qu’il réussit malgré tout, à travers les différentes réalités sociales, culturelles, économiques ou politiques dont il ne peut se dissocier, à conserver un caractère émancipateur ? Pour les éducateurs physiques et pédagogues du sport, la réponse est simple : la capacité du sport à servir la cause éducative ne réside que dans l’aptitude de ses principaux protagonistes à lui faire explicitement servir cette cause. L’expérience sportive contribue-t-elle ainsi au développement de traits de personnalité positifs (positive character traits) chez les individus ? Absolument. Mais comme le précise Doty (2006), cela n'arrive pas par hasard. Cela ne peut se produire que lorsque les entraîneurs, les enseignants et les administrateurs décident sciemment de faire du développement de ces traits de personnalité un résultat (objectif) de l'expérience sportive. Ainsi dit, le sport ne possèderait aucune vertu éducative en soi; il ne pourrait devenir un véritable moyen d’éducation qu’à travers les actions d’intervenants préoccupés par le développement moral des participants et, conséquemment, soucieux de promouvoir une éducation morale en contexte d’éducation physique et sportive (ÉPS).

1.2 Le mandat d’éduquer moralement les jeunes sportifs

L’éducation morale se veut une activité délibérée au cours de laquelle un intervenant encourage autrui à réfléchir sur des questions morales au regard de certains principes éthiques. Arnold (1994) précise que ce type d’éducation vise autant à amener l’élève (l’individu) à établir ses propres jugements rationnels qu’à développer chez lui la volonté d’agir moralement.

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Au cours du 20e siècle, nombre d’éducateurs physiques ont suggéré que la nature des contenus en ÉP – et particulièrement les exigences liées à la coopération et à la compétition – se prêtait bien à la promotion d’une éducation morale en contexte d’ÉPS. Dans un article historique publié dans la revue Research Quarterly, McCloy (1930) est l’un des premiers qui souligne l'importance de promouvoir des programmes sportifs qui se réclament d’une telle visée. Un demi-siècle plus tard, au moment de faire le point sur des questions importantes relatives à l’éducation morale dans les écoles publiques américaines, Figley (1984) plaide également en faveur d’une ÉP devant servir le développement moral des jeunes. Pour espérer contrer les comportements inopportuns qui marquent les pratiques sportives contemporaines, et sans doute plus particulièrement pour tenter d’éradiquer une violence et une tricherie manifestement de plus en plus présentes, les éducateurs physiques et autres intervenants de la scène sportive se sont depuis, et à maintes reprises, vu confier le mandat d’éduquer moralement les jeunes sportifs (Beller et Stoll, 1993; Christine et Kim, 2005; Doty, 2006; Green et Gabbard, 1999; Lodewyk et Elcombe, 2010; Lumpkin, 2011; Papp et Prisztόka, 1995; Pennington, 2017; Pooley, 1984; Power et Sheehan, 2014; Schwamberger, Wahl-Alexander et Ressler, 2017; Solomon, 1997, 2004; Stewart, 2014). Plusieurs auteurs estiment d’ailleurs que les entraîneurs et les éducateurs physiques sont particulièrement habilités à jouer un rôle crucial dans le développement moral des jeunes (Arnold, 2001; Bolter et Weiss, 2012; Godin, 1994; Hamilton et LaVoi, 2017; Hardman, Jones et Jones, 2010; Lumpkin, 2008a; Lumpkin et Stokowski, 2011; Nucci et Young-Shim, 2005; Power et Sheehan, 2014; Stoll et Beller, 1998, 2000; Yukhymenko-Lescroart, Brown et Paskus, 2015).

Toutefois, il demeure difficile d’identifier le nombre d’entraîneurs et d’enseignants en éducation physique qui assument explicitement ce mandat de contribuer au développement moral des jeunes sportifs. La littérature abordant le thème de l’éducation morale en ÉPS laisse d’ailleurs entrevoir plusieurs réserves de la part des enseignants en éducation physique ou des entraîneurs. Plus précisément, ces derniers :

 s’offusquent à l’idée même que l’éducation morale puisse relever de leur responsabilité professionnelle (Destani, Hannon, Podlog et Brusseau, 2014; Lumpkin, 2008a);

 prétendent ne pas avoir le temps nécessaire pour développer les compétences sociales, émotionnelles et morales (social, emotional, and ethical competencies) de leurs élèves (Cohen, 2006);

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 démissionnent en arguant qu’il est impossible dans une société pluraliste de déterminer quelles valeurs devraient être enseignées (Destani et al., 2014);

 estiment que la pression des pairs et l’environnement familial rendent quasi impossible l’enseignement de comportements moraux (Sanborn et Hartman, 1982);

 ne tentent simplement pas d’enseigner l’esprit sportif (sportsmanship) et le comportement moral (ethical behavior) (Spencer, 1996);

 tolèrent des actions jugées antisportives sous prétexte qu’elles feraient partie intégrante du jeu (Theodoulides, 2003).

Par ailleurs, Jones (2005) constate que la longue et riche tradition de débats en philosophie morale n’a pas contribué à l’émergence de lignes directrices, de programmes, de méthodes et de critères d’évaluation en matière d’éducation morale en ÉPS. De plus, Jacobs, Knoppers et Webb (2013) indiquent que les programmes scolaires officiels définissent rarement ce qui constitue le développement social et moral, bien que ces programmes identifient des objectifs précis en la matière. Enfin, il semble que très peu de recherches ont porté sur la manière dont les enseignants en éducation physique envisagent leurs responsabilités en matière de développement moral et sur les stratégies qu’ils préconisent pour concrétiser ce mandat (Jacobs et al., 2013).

L’ensemble des considérations rapportées se veulent préoccupantes pour les formateurs et chercheurs concernés par l’éducation morale en contexte d’éducation physique scolaire. Plus spécifiquement, elles invitent à la réalisation de travaux de recherche susceptibles de faciliter le travail des éducateurs physiques et nous amènent à investiguer le domaine de l’éducation morale en ÉPS.

1.3 L’éducation morale en ÉPS

Cette section fait état des principales bases théoriques pour l’étude de la moralité en sport et rend compte de la littérature professionnelle et scientifique dans le domaine plus précis de l’éducation morale en ÉPS.

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1.3.1 Les bases théoriques

La recherche en éducation morale en ÉPS, comme celle traitant de la moralité en sport, s’appuie essentiellement sur trois perspectives théoriques : 1) la théorie de l’apprentissage social, 2) les approches structuro-développementales et 3) le modèle de l’action morale (Bredemeier et Shields, 2005; Kavussanu, 2008b; Solomon, 2004; Weiss, Smith et Stuntz, 2008).

La théorie de l’apprentissage social

Les premiers théoriciens de l'apprentissage social, influencés par le béhaviorisme, ont voulu identifier les principes d'apprentissage qui, en fonction de l’environnement social, conduisent les individus à acquérir, maintenir ou modifier certains comportements sociaux. Les tenants de cette théorie, dont Bandura (1977) est le principal protagoniste, identifient le modeling et le renforcement comme les deux principaux moteurs d’apprentissage en vue d’acquérir un nouveau comportement. Le modeling, ou apprentissage par imitation, est un processus par lequel un individu adopte un comportement particulier en le calquant sur celui d’autrui. Quant au renforcement, il se veut une conséquence agréable, octroyée suite à l’adoption d’un comportement approprié, qui vise à augmenter la probabilité de répétition d’un comportement.

Sous l’angle de la théorie de l'apprentissage social, la moralité a d’abord été définie en termes de comportements prosociaux (par exemple faire preuve d'honnêteté, de respect ou d'entraide) en adéquation avec les normes et les conventions sociales (Weiss et al., 2008). Cependant, au cours des dernières décennies, les théoriciens de l'apprentissage social ont mis l'accent sur la cognition en tant que médiateur du comportement. Bandura (1986, 1991, 1999, 2001) s’est ainsi rapproché d’une perspective plus constructiviste en proposant une « théorie sociale cognitive » de la moralité. Selon cette théorie, les facteurs personnels (cognition morale, réactions affectives, etc.) et les facteurs sociaux (influence parentale, rôle des pairs, etc.) opèreraient conjointement au moment d’agir moralement. Les mécanismes d’autorégulation (self-regulatory mechanisms) et le sentiment d’efficacité personnelle (perceived efficacy), par ailleurs, agiraient de concert pour influencer la relation entre la cognition morale et l’action morale. Les mécanismes d’autorégulation sont liés aux états affectifs générés par les punitions ou les récompenses anticipées. En lien avec les sanctions sociales, ils inhibent les comportements antisociaux et favorisent les comportements prosociaux. En ces termes, le comportement d’un sportif, comme d’une personne en général, serait fortement influencé par la

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façon donc celui-ci pense se sentir suite à l’adoption du comportement envisagé. Le sentiment d’efficacité personnelle, quant à lui, réfère aux croyances d’une personne relativement à ses capacités à réaliser certaines tâches particulières. En ce qui concerne la moralité, il est avancé que plus une personne éprouve un sentiment d’efficacité personnelle élevé, plus elle risque de persévérer dans ses efforts pour adopter une conduite morale.

Par ailleurs, Bandura suggère que le développement moral serait issu d’un passage de l’hétéro-régulation (le comportement moral est régulé par autrui et soumis aux sanctions sociales) à l’autorégulation (le comportement moral est le fruit d’une intériorisation de standards moraux et de la mise en place de mécanismes d’auto-sanction). L’auteur reconnait également que la moralité peut être appréhendée dans une forme proactive (proactive form) ou inhibitrice (inhibitive form). Selon ce dernier, ces deux formes se manifestent tour à tour dans notre capacité à se comporter avec humanité (dimension proactive) et à s’abstenir de tout comportement inhumain (dimension inhibitrice). Comme l’indique Kavussanu (2008b), une vaste majorité d’études portant sur le thème de la moralité en sport, parce qu’elles traitent des comportements qui causent préjudice à autrui, portent sur la dimension inhibitrice de la morale.

Les approches structuro-développementales

Les approches structuro-développementales se veulent la principale alternative à la théorie de l’apprentissage social. Les tenants de ces approches reconnaissent à la fois l’impact de l’environnement et de la maturité de la structure psychologique comme facteurs pouvant engendrer un développement moral. S’appuyant sur des postures épistémologiques différentes, les théoriciens constructivistes et les théoriciens interactionnistes sont les principaux représentants des approches structuro-développementales.

Les théoriciens constructivistes appuient leurs avancées sur les travaux de Jean Piaget (1932, 1985). Ce dernier s’est intéressé au développement moral alors qu’il cherchait à formuler une théorie du développement mental. Plus précisément, Piaget a développé un modèle développemental de la moralité à partir de la façon dont les enfants respectent les règles et interprètent la justice (Fedi, 2008). Ce modèle suggère que l’enfant, au cours de son développement, pourrait passer d’une morale hétéronome (l’enfant se soumet à une autorité qu’il perçoit incontestable et respecte les règles sans conscience de leur nécessité sociale) à une morale autonome (l’enfant considère les règles de manière

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« réfléchie » et les applique en fonction d’objectifs mutuels et de désir de coopération). L’épistémologie inhérente à l’approche constructiviste met l’accent sur les capacités des individus à interpréter l’information, à l’organiser et à la structurer pour construire du sens à partir des expériences qu’ils ont avec leur environnement. Dans une telle perspective, où les normes morales se construisent en obéissant à des mécanismes psychosociaux, « s’intéresser au développement moral c’est chercher à comprendre les processus impliqués dans la structuration d’une conscience morale réfléchie » (Schleifer, 1987, p. 67).

À la suite des travaux de Piaget, différents théoriciens ont adopté une perspective constructiviste au moment de rendre compte de leur théorie de la moralité ou du développement moral. C’est le cas de Lawrence Kohlberg (1981, 1984) et de Carol Gilligan (1977) dont les travaux sont à l’origine de plusieurs recherches empiriques réalisées sur le développement moral. Lawrence Kohlberg a élaboré sa théorie du développement moral en identifiant des changements qui surviennent dans les modes de réflexion des individus lorsqu’on les soumet à des dilemmes moraux hypothétiques. Préoccupé par la structure du raisonnement moral, Kohlberg a identifié six stades qu’emprunte un individu pour parvenir à la maturité morale. Ces stades sont considérés comme séquentiels, invariables et universels pour tous les êtres humains et sont regroupés selon trois niveaux : préconventionnel (stades 1 et 2), conventionnel (stades 3 et 4) et postconventionnel (stades 5 et 6). Le niveau préconventionnel est marqué par l’égocentrisme. D’après une morale préconventionnelle, l’individu agit en fonction des retombées éventuelles de ses actions sur sa personne. Son comportement est orienté dans le but d’éviter la punition (stade 1) ou de s’assurer un bénéfice personnel (stade 2). Le niveau conventionnel se caractérise par le respect des normes et l’acceptation des conventions. La recherche d’approbation et le souci de maintenir de bonnes relations, d’une part, amènent l’individu à considérer les règles de son groupe d’appartenance (stade 3). La reconnaissance du bien-commun et l’importance accordée au maintien de l’ordre social, d’autre part, conduisent l’individu à agir en conformité avec les lois de la société dans laquelle il évolue (stade 4). Au niveau postconventionnel, la morale est orientée vers des principes, en l’occurrence des droits fondamentaux, qui vont au-delà des balises d’une société donnée. L’individu estime qu'il est dans l'intérêt de tout un chacun de respecter les lois et s’engage librement à observer les règles du « contrat social » qui le lie à chaque personne de son entourage (stage 5). En d’autres circonstances, l’individu s’en remet plutôt à des principes moraux universels pour juger du bien et du mal. Il considère que les lois ne sont valables que dans la mesure où elles sont fondées sur la justice et se reconnait un devoir, lorsque nécessaire, de désobéir à des lois injustes (stade 6). En

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définitive, la théorie de Kohlberg révèle une éthique de la justice qui s’exprime en termes de devoirs, de droits et de prescriptions. À ce titre, le développement moral consiste à acquérir les connaissances et la capacité de faire ce qui, eu égard à certains principes moraux, est perçu comme étant juste. À l’instar de Piaget, Kohlberg a soutenu que les enseignants, pour contribuer au développement moral des jeunes, devraient tenter de créer une dissonance cognitive en utilisant des débats, des dilemmes et des questions.

En réaction au modèle kohlbergien, qui repose sur des recherches menées auprès de sujets masculins, Carol Gilligan (1977) a proposé un modèle issu d’entretiens sur des dilemmes de vie réels réalisés auprès de femmes. À l’instar de Kohlberg, Gilligan observe que les individus passent successivement d’une morale égocentrique à une morale sociétale pour aboutir à une morale fondée sur des principes. À la différence de Kohlberg, Gilligan soutient toutefois que le raisonnement moral des femmes, au niveau postconventionnel, reposerait davantage sur des principes de responsabilité et de sollicitude (caring). Contrairement à une éthique de la justice fondée essentiellement sur la rationalité, son éthique de la sollicitude considère les aspects socio-affectifs inhérents aux relations humaines. Plus précisément, le langage de la sollicitude traduit un réel souci pour l’attachement aux autres et le maintien des liens interpersonnels. La démarche de résolution d’un conflit moral, dans cette perspective, consiste à déterminer la solution la plus apte à promouvoir le bien-être et l’épanouissement des personnes concernées. Pour Gilligan, cette différence exprimée entre l’éthique de la justice et l’éthique de la sollicitude serait due au fait que les garçons et les filles vivent en bas âge des expériences de socialisation qui diffèrent grandement.

Par ailleurs, Norma Haan (1978, 1983, 1985) considère aussi que la structure du raisonnement moral d’une personne révèle son niveau de maturité morale. Insatisfaite des fondements philosophiques de la thèse kohlbergienne et de son interprétation cognitiviste, elle s’inspire des théoriciens interactionnistes pour étudier la façon dont les individus, à l’intérieur d’un contexte social donné, gèrent les conflits moraux dans leur vie quotidienne. Son modèle structuro-développemental de la moralité s’appuie essentiellement sur trois concepts : l’équilibre moral, le compromis moral et le dialogue moral. L’équilibre moral correspond à un état interpersonnel dans lequel les individus s’entendent quant aux droits et aux obligations de chacun. Lorsque survient une problématique morale qui brise cet équilibre, il en tient aux parties impliquées d’établir un accord (un compromis moral) afin de rétablir l’équilibre moral. En pareille circonstance, les différentes parties impliquées s’en remettent

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alors au dialogue moral. Bien que la négociation verbale soit la forme la plus courante de dialogue moral, toute communication verbale ou non verbale susceptible de maintenir ou de restaurer l’équilibre moral constitue un effort de dialogue moral. Selon Haan, il existerait cinq niveaux de développement de la maturité morale, chacun d’eux reflétant une manière distincte de percevoir l’équilibre moral. Les premiers niveaux constituent la phase d’assimilation (niveaux 1 et 2). Au cours de cette phase, le sujet est incapable de cerner avec acuité les besoins et les désirs d’autrui. Il considère naïvement que la satisfaction de ses besoins personnels est préférable au compromis moral. Cette situation est renversée pendant la phase d’accommodation (niveaux 3 et 4) où l’individu, généralement, cherche à donner davantage qu’il ne reçoit. Enfin, au cours de la phase d’équilibration (niveau 5), l’individu se souci équitablement des besoins et intérêts de toutes les parties impliquées dans le conflit moral. Au final, le modèle de Haan diffère grandement de celui de Kohlberg en ce qui a trait au concept de maturité morale. Pour Haan, aucun principe abstrait, de justice ou de sollicitude, n’est suffisant pour faire face aux situations de la vie morale de tous les jours. En considérant l’incertitude que comporte toute situation morale, Haan soutiendrait plutôt que la personne moralement mature est habilitée à garantir in situ une reconnaissance équitable des droits et obligations de chacun.

Le modèle de l’action morale

L’approche de James Rest (1984) se distingue grandement de celles de Kohlberg, de Gilligan et de Haan. Cet auteur estime que le raisonnement moral ne reflète qu’un aspect du développement moral et considère que l’action morale représente l’élément le plus important de la moralité. Son modèle théorique de l’action morale permet plus précisément d’identifier ce qui se passe dans la tête d’une personne qui agit moralement. Ainsi, selon Rest, quatre processus psychologiques sont impliqués lors d’une action morale : l’interprétation morale, le jugement moral, le choix moral et l’action morale3. Ces processus réflexifs plongent l’individu humain, et partant l’individu sportif, au cœur d’une réflexion éthique qui l’amène à s’interroger sur sa conduite en fonction de la recherche d’un mieux-vivre

3 Dans un ouvrage plus récent, Rest et ses collègues (1999) ont revu l’appellation de ces processus réflexifs qu’ils nomment désormais : la sensibilité morale (moral sensitivity), le jugement moral (moral judgment), la motivation morale (moral motivation) et le caractère (character). Faisant nôtre la position de Shields, Bredemeier et Power (2002), qui considèrent plus descriptives les anciennes appellations, nous avons privilégié ces dernières tout au long du projet de recherche-action.

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individuel et collectif. Tour à tour, ces processus psychologiques concernent plus précisément la capacité d’un individu à :

1) interpréter une situation en identifiant les actions possibles ainsi que leur influence sur le bien-être des parties impliquées (interprétation morale);

2) se former un jugement sur ce qui apparait être la meilleure chose à faire (jugement moral); 3) décider de la mesure à prendre parmi un choix de valeurs contradictoires (choix moral); 4) mettre en œuvre ses intentions morales (action morale).

Dans cette perspective, le développement moral consiste précisément à acquérir une compétence dans la mise en œuvre de ces processus psychologiques. Une défaillance dans l’un ou l’autre de ces processus conduirait d’ailleurs, comme l’indique Rest, à un manquement à l’agir moral.

En définitive, le modèle de l’action morale de Rest (1984), qui à l’origine devait fournir un éclairage théorique sur ce qui constitue la moralité, a aussi orienté des recherches sur le thème de la moralité. Tel qu’indiqué par Kavussanu (2008b), ce modèle a généré une quantité considérable de recherches empiriques en contexte d’activités physiques et sportives. Ces recherches ont permis de mieux comprendre les variables susceptibles d’influencer les processus psychologiques sous-jacents à l’agir moral. Malheureusement, elles n’ont guère envahi le champ d’étude de l’éducation morale en ÉPS. Il nous semble pourtant que le modèle de l’action morale, qui intègre l’ensemble des processus psychologiques que devraient expérimenter les jeunes sportifs pour développer leur compétence à agir moralement, est de nature à contribuer à l’éducation morale. Au moment où les éducateurs physiques se voient confier le mandat d’éduquer moralement en contexte d’ÉPS, nous pensons que ce modèle peut concrètement, dans le cadre de la présente étude, servir d’assise théorique pour l’élaboration d’activités d’apprentissage destinées au développement moral des élèves.

1.3.2 La littérature sur le thème de l’éducation morale en ÉPS

La littérature professionnelle rend compte de plusieurs articles portant sur l’éducation morale en contexte d’ÉPS (Butler, 2000; Gough, 1998; Hochstetler, 2006; Kavanagh et Fall, 1995; Lumpkin, 2008b; Pennington, 2017; Russel, 2001; Schwager et Stylianou, 2012; Schwamberger et al., 2017; Spencer, 1996; etc.). Ces articles traitent de l’importance d’adhérer à un code d’éthique, d’être un modèle de probité et de promouvoir une approche centrée sur l’athlète (athlete-centred approach). Ils

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rendent compte également de stratégies et de ressources pour assurer le développement moral des jeunes. À titre indicatif, les stratégies mentionnées visent:

a) à faire réfléchir les jeunes sur leurs expériences sportives en les amenant à tirer des leçons de vie, en les questionnant sur leurs raisons de pratiquer un sport, en les interrogeant sur le rôle des officiels, en leur soumettant des dilemmes moraux hypothétiques;

b) à transmettre aux jeunes certaines valeurs en enseignant que la victoire va au-delà du pointage, en récompensant les efforts autant que la réussite, en insistant sur l’importance du respect;

c) à engager les jeunes dans des projets signifiants en leur demandant d’assumer les différentes tâches liées à l’organisation d’un tournoi, en les impliquant dans des activités de bénévolat dans la communauté, en leur soumettant un projet de création artistique;

d) à valoriser certains comportements désirés en allouant des points additionnels pour de bons comportements, en identifiant une personnalité de la semaine, en donnant l’opportunité aux jeunes de rédiger pour leurs pairs des textes d’appréciation, en discutant avec eux de leurs bonnes et de leurs mauvaises conduites durant le jeu, en implantant une journée du respect mutuel.

Quant aux ressources, tirées de sites Internet, de livres, d’articles de journaux ou de films, elles font principalement référence à des histoires abordant le thème des vertus morales, des récits historiques inspirants et des études de cas pour réfléchir pour la prise de décisions éthiques.

Ces initiatives pédagogiques, bien qu’elles soient d’un intérêt certain pour le praticien, ne fournissent pas systématiquement de bases épistémologiques et méthodologiques suffisantes pour l’avancement d’un savoir scientifique. En conséquence, il y a lieu de conserver une certaine prudence quant à leur efficacité pour assurer le développement moral des jeunes.

Par ailleurs, la littérature scientifique sur le thème du développement positif des jeunes par le sport (Positive Youth Development Through Sport) laisse également entrevoir des initiatives susceptibles de contribuer au développement moral des jeunes (Brunelle, Danish et Forneris, 2007; Danish, 2002; Danish, Forneris et Wallace, 2005; Danish, Petitpas et Hale, 1993; Fuller, Percy, Bruening et Cotrufo, 2013; García-Calvo, Sánchez-Oliva, Leo, Amado et Pulido, 2016; Goudas et Giannoudis, 2008; Hastie, 2003; Hastie et Sharpe, 1999; Hayden et al., 2015; Kendellen, Camiré, Bean, Forneris et Thompson, 2017; Miller, Bredemeier et Shields, 1997; Petitpas, Van Raalte, Cornelius et Presbrey, 2004; Sharpe,

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Brown et Crider, 1995; Siedentop, Hastie et Van der Mars, 2004; Weiss, 2011; etc.). S’il est démontré que ces initiatives peuvent contribuer au développement positif des jeunes, il apparait toutefois hasardeux de s’en remettre à celles-ci pour établir de manière stratégique une éducation morale en ÉPS. En effet, l’analyse de ces initiatives révèle que les intentions de développement moral qui s’y rattachent ne sont pas toujours explicites et qu’elles reposent souvent sur l’acquisition d’habiletés prosociales (ou sur le développement du caractère social4). Qui plus est, nombre de ces initiatives prennent place à l’extérieur des murs de l’école tandis que cette dernière, de par son caractère obligatoire, est pourtant la seule qui puisse potentiellement contribuer, de manière systémique et systématique, au développement moral de tous les jeunes [sportifs].

En marge des études sur le développement positif des jeunes, les revues de littérature sur le développement moral en ÉPS (Bredemeier et Shields, 2005; Shields et Bredemeier, 2007a, 2008; Solomon, 2004; Weiss et al., 2008) situent les conditions et circonstances qui entourent les principales interventions en matière d’éducation morale en ÉPS. Traditionnellement, les chercheurs dans le domaine de l’éducation morale en ÉPS regroupent ces dernières selon qu’elles se rapportent au modèle de la responsabilité (Hellison, 1985, 1995), au programme Esprit sportif chez les jeunes (Binder, 1995a) ou au programme Sport for Peace (Ennis, 1999; Ennis et al., 1999).

Le modèle de la responsabilité

Au cours des dernières décennies, Don Hellison (Hellison, 1985, 1995; Hellison et Walsh, 2002) a élaboré un modèle en vue de contribuer au développement du niveau de responsabilité des jeunes à travers la pratique d’activités physiques. Développé initialement pour des adolescents délinquants ou à risque de comportements dysfonctionnels, ce modèle a progressivement fait l’objet d’une utilisation de la part d’entraîneurs, d’enseignants, d’éducateurs physiques et de chercheurs. Il comporte cinq niveaux de responsabilité auxquels sont associés des comportements attendus. Le premier niveau, associé au Respect des droits et des sentiments d’autrui, porte sur des conduites telles que garder le contrôle de sa personne, ne pas exercer de ségrégation ou résoudre pacifiquement et

4 Une personne possédant un caractère moral (moral character) est une personne qui, au moment de choisir entre le bien ou le mal, est capable d’appliquer volontairement, sincèrement et rationnellement certaines valeurs morales comme la justice, l’honnêteté, la compassion, le respect et la responsabilité (Rudd, 2005). Ainsi, le « caractère moral » se distingue du « caractère social » (social character) qui, pour sa part, s’édifie sur des valeurs sociales comme la loyauté, le dévouement, le sacrifice, le travail d’équipe et la citoyenneté (Beller, 2002).

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démocratiquement les conflits. Le second niveau, soit le Travail d’équipe et l’effort, concerne la coopération et la motivation à persévérer dans l’apprentissage et la pratique d’une tâche. Le troisième niveau, celui de l’Auto-détermination, réfère au fait de travailler de manière autonome et de progresser dans ses objectifs tout en résistant à la pression des pairs. Le quatrième niveau, qui a trait à l’Entraide et leadership, renvoie à des comportements tels se préoccuper des besoins et intérêts d’autrui et contribuer au mieux-être des individus et du groupe. Finalement, le cinquième niveau, en référence à des actions qui se déroulent À l’extérieur du gymnase, réfère à l’idée de manifester en tout temps l’ensemble des conduites illustrées précédemment et d’être un modèle pour les autres.

Dans le cadre d’initiatives éducatives développées en partie ou en totalité à partir de ce modèle (Cecchini, Montero, Alonso, Izquierdo et Contreras, 2007; DeBusk et Hellison, 1989; Gordon, 2010; Gordon, Jacobs et Wright, 2016; Hellison et Martinek, 2006; Hellison, Martinek et Cutforth, 1996; Hellison et Walsh, 2002), les participants sont amenés, à l’aide de différentes approches pédagogiques (réflexion individuelle ou en groupe, prise de décision individuelle ou collective, résolution de problème, rétroactions, etc…), à devenir de plus en plus responsables à l’égard d’eux-mêmes et d’autrui. Hellison et Walsh (2002) ont examiné l’influence d’initiatives en analysant les résultats de 26 études. Les résultats de leur analyse ont démontré que des programmes éducatifs issus du modèle de la responsabilité permettent à des participants d’améliorer leur maîtrise de soi, leur niveau d'effort, leur capacité à aider autrui et leur autonomie dans la poursuite des objectifs du programme. Plus encore, cette analyse a permis d’établir qu’un programme basé sur le modèle de la responsabilité amène des participants à démontrer une plus grande maîtrise de soi, une prédisposition à l'effort accrue et une meilleure estime de soi dans des contextes extérieurs à celui du programme (en salle de classe et en gymnase plus particulièrement). En somme, il apparaît que des programmes éducatifs élaborés sur le modèle développé par Hellison contribuent favorablement au développement des jeunes. Ce modèle a d’ailleurs fait l’objet de nombreux éloges concernant sa pertinence et sa qualité de la part d'experts en développement de programmes et en pédagogie (Shields et Bredemeier, 2005).

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Le programme Esprit sportif pour les jeunes5

Le programme Esprit sportif pour les jeunes (Binder, 1995a) fut lancé dans les années 90. Il est le résultat d’une collaboration entre la Commission canadienne pour l'esprit sportif et Sport Canada pour le développement d’un matériel pédagogique destiné à des enfants de 4ième, 5ième et 6ième années du primaire. Ce programme, conçu pour être mis en œuvre dans l’ensemble du curriculum scolaire, comporte un certain nombre d’activités à réaliser en contexte d’éducation physique. Les cinq principes de l’esprit sportif qui le supportent sont : 1) respecter les règles; 2) respecter les officiels et leurs décisions; 3) respecter l’adversaire; 4) donner à chacun une chance égale de participer; 5) garder son sang-froid en tout temps. Concrètement, les élèves sont incités à adhérer à ces principes et à manifester les attitudes et les comportements qui leurs sont associés. Pour ce faire, les intervenants exploitent des stratégies qui relèvent autant de la théorie constructiviste (résolution de dilemmes moraux hypothétiques, discussion morale, jeu de rôle, identification des valeurs) que de la théorie de l’apprentissage social (remise de récompenses, rencontre avec des athlètes susceptibles de jouer un rôle de modèle).

L’efficacité du programme Esprit sportif chez les jeunes a été évaluée dans le cadre de deux études distinctes (Gibbons et Ebbeck, 1997; Gibbons, Ebbeck et Weiss, 1995). Dans l’étude de Gibbons et al. (1995), 452 élèves issus de 18 classes de 4ième, 5ième et 6ième années du primaire, ont été répartis dans trois groupes composés de six classes chacun : un groupe contrôle (non-implantation du programme) et deux groupes expérimentaux (implantation du programme à travers l’ensemble du curriculum scolaire; implantation du programme uniquement au sein des cours d’éducation physique). Des tests, élaborés à partir de dilemmes moraux fréquents en contexte d’éducation physique, ont été administrés avant et après la mise en place du programme afin d’évaluer quatre variables morales : les comportements prosociaux, le jugement moral, le raisonnement moral et l’intention morale. D’une durée de sept mois à raison d’au moins une activité par semaine, le programme aura permis aux élèves des groupes expérimentaux d’enregistrer des résultats significativement plus élevés pour les quatre variables morales lors des tests postimplantation. Par ailleurs, il appert qu’il suffirait d’implanter le programme seulement lors des cours d’éducation physique pour contribuer au développement moral des jeunes.

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Dans une étude similaire, Gibbons et Ebbeck (1997) ont implanté (un groupe contrôle; deux groupes expérimentaux) le programme Esprit sportif chez les jeunes uniquement en contexte d’éducation physique. Les chercheurs ont prélevé des données sur les participants (204 élèves de 4ième, 5ième et 6ième années du primaire) au début, au milieu et à la fin du processus d’implantation du programme. Les stratégies pédagogiques exclusives utilisées au sein d’un groupe expérimental étaient représentatives de la théorie de l’apprentissage social ou des approches structuro-développementales. Les résultats ont mis en évidence que la seule participation aux activités physiques (groupe contrôle) ne contribue aucunement au développement moral des élèves et qu’il est nécessaire de recourir à des stratégies pédagogiques formelles pour développer chez ces derniers des composantes de la moralité (jugement moral, raisonnement moral, intention morale, comportements prosociaux). À cet égard, les résultats révèlent que les stratégies pédagogiques relevant des approches structuro-développementales se voudraient légèrement plus efficaces pour développer la moralité que celles issues de la théorie de l’apprentissage social.

Enfin, une étude réalisée en Grèce (Hassandra, Goudas, Hatzigeorgiadis et Theodorakis, 2007) a également permis de démontrer l’efficacité d’un programme dont les visées s’apparentent grandement à celles du programme Esprit sportif chez les jeunes. Dans cette étude, les participants (126 élèves de 5ième année provenant de huit classes différentes) ont été répartis dans un groupe contrôle (4 classes) et un groupe expérimental (4 classes). Le « Fair play program », un programme composé de dix leçons au cours desquelles les participants expérimentent différentes activités (sport d’équipe, échanges et réflexions en début et en fin de séance, activités en classe, activités extrascolaires, etc.), fut proposé aux participants du groupe expérimental dans le cadre de leur programme d’éducation physique. Les stratégies préconisées dans le cadre de ce programme s’inspiraient à la fois de la théorie de l’apprentissage social (démonstration de comportements désirables, instructions venant de l’intervenant, renforcements verbaux, récompenses…) et des approches structuro-développementales (questionnement et dialogue, réflexion sur des dilemmes moraux). En matière d’éducation morale, ces stratégies devaient notamment amener les élèves à manifester des comportements de fair-play lors des épisodes de jeu. Un test fut administré aux élèves avant et après la mise en place du programme pour mesurer quatre dimensions du fair-play (le respect des conventions, le respect des coéquipiers, la tricherie, les comportements antisociaux). Les résultats, obtenus à partir d’analyses quantitatives, révèlent des différences statistiquement significatives avant et après l’implantation pour les élèves du groupe expérimental uniquement, laissant entendre que le « Fair play program » aurait été efficace

Figure

Figure 1. Chronologie des phases du projet de recherche-action
Figure 2. Chronologie des rencontres individuelles avec les enseignants
Figure 3. Chronologie du processus d’implantation des activités d’apprentissage
Figure 4. Feuille de match utilisée par les élèves (badminton)
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Références

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