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L'institution du mariage en principauté de Liège : un droit singulier ?

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L'institution du mariage en principauté de Liège : un droit singulier ?

Auteur : Payon, Coralie Promoteur(s) : Decock, Wim

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit, à finalité spécialisée en droit privé (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6923

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Département de Droit

L’institution du mariage en principauté de Liège : un droit

singulier ?

Coralie P

AYON

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit privé (aspects belges, européens et

internationaux)

Année académique 2018-2019

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Wim DECOCK

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RESUME

La principauté de Liège était régie par ses règles et procédures propres. Celles-ci sont spécifiques à la cité liégeoise et se distinguent des normes des régions voisines du territoire belge et du nord de la France. Le trait le plus caractéristique du droit liégeois est l’importance donnée à la liberté individuelle de chacun. Nous avons choisi d’aborder cette singularité du droit liégeois en prenant l’institution du mariage comme angle d’observation. En effet, le mariage, union de deux personnes et modèle réduit d’une communauté, est à la base de toute société occidentale. Par ailleurs, étant à la croisée du droit public et du droit privé, étudier le mariage permet d'analyser avec le plus d’acuité le degré d’immixtion de l’État dans la vie de ses sujets.

Les différentes étapes du mariage seront tour à tour étudiées : depuis les prémisses du mariage, jusqu’à sa dissolution, en passant par les effets de celui-ci. Les conditions de fond et de forme seront ainsi analysées, avant de passer aux effets personnels et patrimoniaux du mariage. Une brève étude des conventions matrimoniales sera effectuée, puis nous observerons les différentes causes de dissolution du mariage. Nous terminerons notre analyse par l’importante protection du conjoint survivant offerte par le droit liégeois, ainsi que l’hypothèse d’un remariage du survivant.

Si le droit canonique est à la base du droit principautaire, nous verrons que l’interprétation qui en est faite à Liège est parfois tout à spécifique. Nous comparerons à cet égard les normes des autres régions de la future Belgique, ainsi que du nord de la France avec ce qui était d’application à Liège. Nous pourrons ainsi observer la spécificité du droit liégeois et son attachement pour les libertés individuelles.

Une première illustration de ce postulat concerne la matière de l’autorisation parentale au mariage. Alors que la doctrine française des XVIe et XVIIe siècles rejetait les dispositions du Concile de Trente et posait le consentement des parents comme condition sine qua non au mariage, on observe qu’à Liège – où l’influence catholique est évidemment beaucoup plus marquée – les règles du Concile de Trente prévalent et insistent sur le consentement des futurs mariés uniquement. Il résulte de l’interprétation liégeoise du texte papal que des jeunes peuvent tout à fait se marier sans le consentement de leurs parents, lequel pouvait tout au plus constituer un frein, mais jamais un obstacle, à la volonté des futurs époux.

Indubitablement, la période étudiée est assez longue puisque l’État principautaire a une durée de vie de pratiquement mille ans. Cette étendue est aussi justifiée par les sources disponibles. Celles-ci se rangent en deux catégories distinctes. Premièrement, on y classe les écrits qui se rattachent au Paweilhar, recueil des Paix liégeoises et de jurisprudence, appliquées aux XIIe et XIIIe siècles. Ensuite, on trouve bon nombre de textes sur l’application du Concile de Trente et l’évolution du droit à sa suite, ce qui nous permet d’envisager les XVIe et XVIIe siècles. Si les

deux époques seront développées en parallèle dans ce travail, toutes les étapes du mariage dont nous souhaitons traiter ne sont pas systématiquement détaillées dans chacune des deux époques, ce qui nous contraindra parfois à n’envisager qu’une seule des deux périodes.

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TABLE DES MATIERES

Introduction ... 6

Préambule : le droit canonique pour base commune ... 7

I. Conditions pour contracter mariage ... 8

A. Conditions de fond du mariage ... 9

1. Empêchements dirimants ... 9

a) Incapacité de contracter mariage ... 10

b) Vices de consentement ... 11

c) Relations préexistantes au mariage entre les futurs époux ... 12

2. Empêchements prohibitifs ... 13

3. Consentement des parents des futurs mariés ... 14

B. Conditions de forme du mariage ... 17

1. Déclaration de mariage ... 17

2. Célébration du mariage ... 20

3. Preuve du mariage ... 21

II. Effets du mariage ... 22

A. Effets personnels du mariage ... 22

B. Effets patrimoniaux du mariage ... 25

1. Le douaire ... 25

2. La dot ... 26

3. La communauté ... 27

C. Conventions matrimoniales ... 28

1. Quant à au fond des conventions matrimoniales ... 28

2. Quant à la forme des conventions matrimoniales ... 30

3. Effets des conventions matrimoniales ... 31

III. Dissolution du mariage ... 33

A. Principe d’indissolubilité du mariage ... 33

B. Dissolution du mariage par le décès ... 35

1. Protection du conjoint survivant ... 35

2. Situation en cas de secondes noces... 41

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L’institution du mariage en Principauté de Liège : un droit

singulier ?

La cité de Liège, malgré une étendue géographique variable, a connu une indépendance presque totale pendant près d’un millénaire, soit de 980 à 1794. Même après l’annexion de la principauté à la France, le droit liégeois continue d’être appliqué jusqu’en 1804. Cette persistance est en grande partie due à la stabilité des conditions de vie alors bien installées et à l’absence d’unification des coutumes françaises. La véritable cessation d’application d’un droit liégeois autonome a lieu au début du XIXe siècle, alors que la jeunesse intellectuelle revient à Liège après avoir été formée en France où diverses commissions œuvrent déjà à la création d’un code civil1.

Le droit liégeois est d’emblée singulier car il reflète une société qui attache une grande importance à la liberté individuelle. La charte d’Albert de Cuyck de 1196 proclamait ainsi déjà l’égalité civile à l’égard des bourgeois2. Le servage disparaît par ailleurs au XIIIe siècle, faisant

place à une catégorie sensiblement moins asservie, les franchisés3. Enfin, lors de la révolution liégeoise de 1789, une déclaration très libérale des droits est adoptée. Cette protection de la liberté individuelle percole dans l’institution du mariage, où nous verrons que la coutume se conforme au droit canonique ou s’en écarte, selon qu’il est suffisamment ou pas assez protecteur des libertés individuelles. On notera par exemple l’application rigoureuse des dispositions concernant le consentement des parents au mariage de leurs enfants, ou encore le régime de mainplévie, extrêmement protecteur à l’égard du conjoint survivant.

Le but de ce travail n’est pas d’étudier jusque dans les moindres détails l’institution du mariage, mais bien de dresser un tableau général de celle-ci. L’objectif est de montrer l’originalité avec laquelle le droit liégeois a encadré l’union maritale, du stade de sa formation à celui de sa dissolution.

Les sources utilisées pour analyser le droit liégeois sont tantôt les coutumes, reprises dans différents recueils ; d’abord le Paweilhar, et ensuite le recueil de Coutumes de Raikem. À cet égard, le droit liégeois compte peu de textes écrits traitant du mariage. Le législateur principautaire se limite essentiellement à la publicité du mariage et au droit matrimonial4. Ainsi, seuls quelques statuts et synodes, essentiellement les Statuts Synodaux de Jean de Flandre de 1288, traitent de notre question. Liège étant dirigée par un prince-évêque catholique, la particularité de son droit doit également être recherchée dans l’interprétation du droit canonique par les jurisconsultes, ainsi que dans la jurisprudence liégeoise. À cet égard, les « records » sont

1 Sur l’histoire de la Principauté de Liège voir J. LEJEUNE, La Principauté de Liège, Liège, éd. A.S.B.L. Le Grand

Liège, 1948, p. 198 et s. sur ce point en particulier.

2 J. LEJEUNE, La Principauté de Liège, Liège, éd. A.S.B.L. Le Grand Liège, 1948, p. 79 ; B. DEMOULIN, Histoire

de la principauté de Liège : de l'an mille à la Révolution, Toulouse, Privat, 2002, pp. 37-38.

3 E. PONCELET, « De la condition des personnes dans la société du Moyen-Age particulièrement au pays de Liège »,

Bulletin de la société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. 28, Liège, 1937, p. 34 ; J. LEJEUNE, La

Principauté de Liège, Liège, éd. A.S.B.L. Le Grand Liège, 1948, pp. 61 et s.

4 P DEMONTY, « Documents concernant le mariage et la famille à Liège (XVe siècle) », Bulletin de la Commission

royale d'Histoire, 1986, p. 115 ; G. SIMENON, « Le sacrement de mariage dans l’ancien droit ecclésiastique liégeois », Revue ecclésiastique de Liège, 1923-1924, p. 333.

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particulièrement importants car ces attestations, rendues par les cours et tribunaux liégeois, figent l’état de la coutume sur une question de droit particulière. Enfin, lorsqu’ils nous sont parvenus, les écrits de la pratique constituent également une ressource intéressante. L’intérêt de ceux-ci est assurément pratique, et leur réalisme nous permet de nous rapprocher de la vie des couples liégeois de l’époque. Ils révèlent, tout comme la jurisprudence, la façon dont le droit liégeois était (et parfois n’était pas) appliqué.

P

RÉAMBULE

:

LE DROIT CANONIQUE POUR BASE COMMUNE

Si un droit coutumier du mariage existe bel et bien, il convient néanmoins de garder à l’esprit que l’Église détient un monopole législatif sur le droit matrimonial jusqu’en 1795. En effet, la faiblesse des États, causée par la chute de l’Empire Carolingien et le développement de la féodalité au cours du Xe siècle, laisse un grand pouvoir à l’Église romaine. Les tribunaux ecclésiastiques sont en effet les seuls à être suffisamment organisés et s’approprient progressivement toutes les questions relatives au mariage. D’abord axées essentiellement sur le sacrement du mariage à proprement parler, les causes dont connaissent les tribunaux finissent par couvrir tous les aspects périphériques du mariage comme l’adultère, la filiation et les effets patrimoniaux5. Les tribunaux de droit commun, aux XIIe et XIIIe siècles, sont alors les tribunaux

des évêques, dont la gestion sera finalement délaissée au profit des officiaux6. Ce n’est qu’à partir du concile de Trente, au XVIe siècle, que le pouvoir spirituel reconnait enfin au pouvoir

temporel la compétence de légiférer en matière de mariage7. On le voit, c’est donc le droit canonique qui est avant tout appliqué en Principauté de Liège. La coutume amène certes quelques dérogations, mais sans jamais s’opposer frontalement aux prescrits ecclésiastiques. On trouve à cet égard des dispositions coutumières sur l’exigence du consentement des parents au mariage de leurs enfants, certaines précautions jugées nécessaires lors du remariage d’un veuf ou d’une veuve, ou encore l’aménagement de la puissance maritale8.

Ces précisions étant posées, nous exposerons dans ce qui suit le droit ecclésiastique qui encadre chacun des aspects du mariage, en mettant systématiquement en exergue les particularités dans l’application qui en était faite en territoire liégeois. Nous remarquerons ainsi avec intérêt que sur la base d’un droit canonique pourtant identique, le droit matrimonial des régions voisines de la principauté a évolué d’une toute autre manière.

Une première grande distinction à souligner dans cette évolution tient à la prépondérance tantôt du lignage et tantôt du ménage. Jusqu’à la fin du Moyen Âge, le droit matrimonial et successoral

5 À ce sujet, voir A. LECA, Introduction historique au droit de la famille, Paris, LexisNexis, 2017, pp. 34 et s. 6 Sur la compétence des tribunaux, voir A. LECA, Introduction historique au droit de la famille, Paris, LexisNexis,

2017, pp. 34 et s. Pour Liège, voir P. BAR, « Le fonctionnement de la justice ecclésiastique liégeoise sous l’Ancien Régime : l’exemple des affaires matrimoniales », Leodium, t. 68, Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège, 1983, pp. 21-46.

7 À ce sujet, voir A. LECA, Introduction historique au droit de la famille, Paris, LexisNexis, 2017, p. 41 ; A.

LEFEBVRE-TEILLARD, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1996, pp. 170-173.

8 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 101.

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des régions du nord de la France et de la Belgique est particulièrement attaché au lignage9. La conservation des patrimoines familiaux occupe donc le premier plan. Ce régime s’applique essentiellement à l’aristocratie, mais il transparaîtra parfois dans certaines coutumes, notamment celles du « groupe flamingant »10, s’imposant même aux classes sociales

inférieures. De façon générale, on observe au cours du Moyen Âge une évolution de la conception de la famille dans le sens du renforcement du lignage au détriment du couple11.

Toutefois, il convient de souligner que la population rurale porte davantage d’attention à la famille conjugale12. Par opposition à la famille patriarcale, le foyer, rassemblant les époux et

leurs enfants, est ici privilégié. Ce système a cours essentiellement dans les coutumes du groupe « picard-wallon »13. Si la principauté de Liège est géographiquement située dans ce dernier

ensemble, soulignons d’emblée que le droit qui y est appliqué se distingue à plus d’un titre de celui de la majorité des régions voisines14.

I.

C

ONDITIONS POUR CONTRACTER MARIAGE

Le mariage est envisagé par les canonistes comme un contrat, avec pour conséquence que sa formation et sa validité ne dépendent que de l’échange des consentements des parties15.

Jusqu’au concile de Trente, le consentement des époux est resté la seule condition requise pour qu’un mariage soit valide, ce qui a une double portée. D’une part, les époux étaient, par le seul échange des volontés, titulaires de droits et obligations réciproques16. D’autre part, l’absence

totale de formalité entraînait une grande confusion entre les simples fiançailles, le mariage à proprement parler et le règlement des intérêts matériels en jeu17. Pour tenter d’enrayer ces

confusions, les canonistes du XIIIe siècle ont déclaré que le mariage est parfait par l’échange des « paroles de présent »18. Faute d’efficacité de cette seule condition, d’autres exigences de

9 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 98.

10 J. YVER, « Les deux groupes de Coutumes du Nord », Revue du Nord, t. 35, 1953, pp. 127-220 (première partie)

et t. 36, 1954, pp. 5-36 (deuxième partie).

11 Robert Jacob parle même à cet égard d’une « constante familiale de la romanité du Nord au bas Moyen-Âge ».

Voir R. JACOB, Les structures patrimoniales de la conjugalité au moyen âge dans la France du Nord. Essai

d’histoire comparée des époux nobles et roturiers dans les pays du groupe de coutumes « picard-wallon »,

Thèse Paris II, 1984, p. 656.

12 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 99.

13 Ibidem, pp. 98-99.

14 R. JACOB, Les structures patrimoniales de la conjugalité au moyen âge dans la France du Nord. Essai d’histoire

comparée des époux nobles et roturiers dans les pays du groupe de coutumes « picard-wallon », Thèse Paris

II, 1984, pp. 833 et s ; Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 268.

15 D. DEROUSSIN, Histoire du Droit privé, Paris, Ellipses, 2e éd., 2018, p. 68.

16 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 102.

17 R. JACOB, Les structures patrimoniales de la conjugalité au moyen âge dans la France du Nord. Essai d’histoire

comparée des époux nobles et roturiers dans les pays du groupe de coutumes « picard-wallon », Thèse Paris

II, 1984, pp. 123 et s.

18 Ce sujet sera plus amplement développé dans les sections 1 et 2 du point B. Voir aussi P. PETOT, Cours d'histoire

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forme comme la publication des bans et la célébration in facie ecclesiae ont été posées par le concile de Trente19. Dans l’intervalle, des tentatives de limitations des abus ont conduit à

l’augmentation des conditions de fond nécessaires pour contracter mariage20.

Le mariage est par ailleurs indissoluble, ce qui découle directement de sa nature de sacrement. Le pape peut cependant lever cette indissolubilité tant qu’elle n’est pas absolue, ce qui est le cas dès que l’union est consommée21. Nous envisagerons cette caractéristique dans la partie

consacrée à la dissolution du mariage.

A.

C

ONDITIONS DE FOND DU MARIAGE

Comme susmentionné, le droit canonique classique a peu à peu édicté des conditions de validité nécessaires à la conclusion d’un mariage, afin d’empêcher les nombreux abus dus à la trop grande facilité à entrer en mariage. Ces exigences sont de deux sortes, selon les sanctions qu’entraînent leur non-respect. Certaines conditions, lorsqu’elles ne sont pas remplies, donnent lieu à un empêchement dirimant, entraînant la nullité du mariage, tandis que d’autres sont simplement sanctionnées par un empêchement prohibitif, passible de sanctions civiles, pénales ou ecclésiastiques, mais sans que la validité de l’union soit remise en cause22.

1.

Empêchements dirimants

Seuls les empêchements dirimants entraînaient la dissolution du mariage23. Aucun texte ne permet toutefois de qualifier cette nullité de relative ou d’absolue. Nous ne savons pas non plus si le droit de l’époque, canonique ou liégeois, distinguait entre les sanctions d’inexistence ou de nullité du mariage. Le Paweilhar emploie à cet égard les termes peu précis de « destruit par Saint Engliez » et « Saincte Eglise le depart »24. On peut néanmoins penser que le mariage était dissout ex tunc, rendant chacun libre d’à nouveau contracter mariage. L’article 118 du Paweilhar, qui évoque une situation dans laquelle chacun des ex-conjoints avait entamé une nouvelle union parce que l’Église avait « mariaige fais nuls », semble en tout cas l’indiquer. La même décision fait part de la sévérité de cette sanction de nullité pour les enfants, qui se voyaient dès lors privés de tous droits dans les biens du ménage, les anciens époux pouvant

Paris, éd. Les cours de droit, 1953, pp. 14-15 ; Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du

12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 102.

19 Sur le droit ecclésiastique du mariage, voir Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e

au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 102.

20 P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de

droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, pp. 18-19.

21 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 105.

22 Sur les empêchements au mariage de façon générale, voir Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas

méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 103 ; A. LEFEBVRE -TEILLARD, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1996, pp. 170-173.

23 J. GAUDEMET, Le mariage en Occident. Les mœurs et le droit, Paris, éd. du Cerf, 1987, pp. 195-221. 24Articles. 118 et 248 du Paweilhar.

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disposer de leur patrimoine comme bon leur semblait et ce de manière rétroactive depuis le jour de la célébration de l’union invalidée.

Le pape était compétent pour lever certains empêchements, autres que ceux qui relevaient de la loi divine ou du droit naturel25.

On relève dans le droit canonique trois catégories d’empêchements dirimants : ceux liés à l’incapacité d’un des époux, ceux concernant les vices de consentement, et enfin ceux ayant trait à l’existence de relations préexistantes au mariage entre les conjoints.

a) Incapacité de contracter mariage

Une première cause d’incapacité tient à l’âge des futurs époux. En-dessous de quatorze ans, un garçon est réputé prépubère et n’est donc physiquement pas apte à consommer le mariage. Cet âge était abaissé à douze ans pour les filles. Il ne s’agit là que d’une présomption réfragable et il était donc permis aux enfants de se marier s’ils s’avéraient, en pratique, capables de procréer26. L’impuberté restera par ailleurs une cause de nullité du mariage en droit belge jusqu’en 198727.

À Liège, bien que la majorité soit fixée à l’âge de vingt-cinq ans, les jeunes gens pouvaient se marier sans le consentement de leurs parents dès qu’ils avaient atteint l’âge fixé par le droit canonique28. On peut en effet déduire de l’article 272 du Paweilhar (faisant référence à l’autorité parentale encore exercée sur les futurs mariés), ainsi que des articles 50 et 261 (évoquant les mambours, soit l’autorité de tutelle sur un enfant, sur lesquels nous reviendrons), qu’il n’était pas exigé que les futurs époux aient atteint l’âge de la majorité pour pouvoir contracter mariage29. En cas de minorité, une condition supplémentaire devait être remplie puisque les enfants, toujours sous l’autorité de leurs parents, étaient tenus d’obtenir le consentement de ceux-ci quant à leur projet d’union30. Nous verrons plus loin que cette condition était interprétée de façon très souple à Liège, ce qui était loin d’être le cas ailleurs. Une seconde source d’incapacité réside, selon le droit canonique, dans l’impuissance de l’époux, à condition que celle-ci soit antérieure au mariage. Ce moyen était notamment soulevé devant les tribunaux ecclésiastiques parisiens du XVIIIe siècle, mais nous n’en avons pas trouvé de trace dans la jurisprudence liégeoise31.

25 Les interdictions de mariage relatives à la bigamie, aux vices de consentement ou encore à la parenté en ligne

directe au premier degré ne pouvaient donc pas être levées. Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas

méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, p. 104.

26 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 103.

27 Date à laquelle l’art. 184 du Code civil dans sa forme ancienne a été abrogé. Celui-ci disposait alors que

l’impuberté était une cause de nullité du mariage. Le législateur a par la suite préféré le terme « âge nubile », optant ainsi pour une conception du mariage davantage contractuelle que charnelle.

28 Archives de l’État à Liège (AEL), Officialité. Rapports, Hahier c. Boulanger ; P. BAR, « La liberté du mariage

à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921, p. 346.

29 J. THISQUEN, « Contribution à l’étude du mariage dans l’ancien droit liégeois aux XIIIe et XIVe siècles d’après

le Paweilhar », B.I.A.L., t. 69, 1952, p. 189.

30 J.-J. RAIKEM et al., Coutumes du pays de Liège, t. II, Bruxelles, éd. Fr. Gobbaerts, 1873, p. 147 (article 7),

version numérisée disponible à l’adresse suivante : http://hdl.handle.net/2268.1/2573.

31 M. CUILLIERON, « Les causes matrimoniales des officialités de Paris au Siècle des Lumières, 1726-1789 »,

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Dans un souci d’exhaustivité, précisons encore que la bigamie rendait également incapable de contracter mariage l’époux qui était toujours retenu par les liens d’une précédente union. De même, une personne qui avait reçu les ordres sacrés se voyait par ce fait privée de la capacité de se marier.

b) Vices de consentement

Le mariage étant défini comme un contrat par l’Église, la théorie des vices de consentement trouve à s’y appliquer. L’importance du libre consentement des futurs époux à entrer en mariage est par ailleurs encore renforcée par le décret Tametsi du concile de Trente32.

Au rang de ces vices se trouve l’erreur, si elle porte sur la condition ou sur l’identité de la personne du futur conjoint33.

La violence, ensuite, qui se manifeste par le rapt, constitue une cause fréquente de vice du consentement. Le rapt de violence consiste en l’enlèvement et la séquestration de l’un des partenaires (généralement la femme) par l’autre dans le but de l’épouser contre son consentement. Deux conditions devaient être remplies à cet égard : un acte de violence et le déplacement physique de la personne contre son gré. Le crime de rapt était passible de peine de mort en France34. À Liège, les Paix du Moyen-Âge ne prononcent que des peines de

bannissement, d’amende et de pèlerinage expiatoire contre l’auteur du rapt. La Paix de Saint-Jacques de 1487, plus rigoureuse, prévoyait la peine de mort contre le ravisseur35. Néanmoins,

la jurisprudence liégeoise, influencée par le droit canon, excuse les crimes commis avec le consentement de la victime36. Le nombre de rapts était très élevé à Liège, ce que certains

expliquent par les mœurs des habitants de la cité ardente. Le système de dévolution encourage également les jeunes hommes à enlever des riches héritières pour les épouser. Dans l’optique de réprimer ces violences, un projet de loi, réalisé par Demarteau sur demande du Conseil privé (soit le conseil des ministres du Prince-Évêque) condamne l’auteur du rapt à la peine de mort. Celui qui séduit un mineur de moins de vingt-cinq ans se voit par ailleurs assimilé à l’auteur d’un rapt37. Cet édit n’a cependant jamais été adopté.

Le dol par contre, ne fait pas partie des vices de consentement au mariage. Nous verrons toutefois qu’en droit laïc français, le développement d’une théorie extrême du rapt de séduction

32 J. BERNHARDT, « Le décret Tametsi du concile de Trente : triomphe du consensualisme matrimonial ou

institution de la forme solennelle du mariage ? », Revue de droit canonique, t. 30, 1980, pp. 209-234.

33 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 103 ; D. DEROUSSIN, Histoire du Droit privé, Paris, Ellipses, 2e éd., 2018, pp. 74-75. 34 Sur l’origine canonique du rapt et ses conséquences, voir P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes

d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit,

1953, pp. 68 et s.

35 Sur le rapt en principauté de Liège, voir M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel

(Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, pp. 32-33.

36 M. YANS, Pasicrisie des Échevins de Liège, Liège, n°480, 797, 1028. Sohet écrit également que le mariage

conclu postérieurement au rapt rend les poursuites pénales facultatives : voir D.-F. DE SOHET, Instituts de droit

pour les pays de Liège, de Luxembourg, Namur et autres, vol. II, Namur, Lafontaine, 1781, lib. V, tit. XIII, p.

33, n° 12, version numérisée disponible à l’adresse suivante : http://hdl.handle.net/2268.1/2150.

37 Sur le rapt en principauté de Liège, voir M. YANS, « La répression du rapt en droit liégeois », Revue du Nord,

1947, pp. 276-277 ; M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, pp. 28-30.

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crée une figure juridique similaire à une cause de nullité38. Celle-ci est semblable en tout point au dol, par lequel l’un des cocontractants convainc l’autre de s’engager en usant de manœuvres frauduleuses pour obtenir son consentement, de même le rapt de séduction consiste-t-il à corrompre l’esprit de la personne sur qui l’on a des vues, dans le but de l’épouser39.

c) Relations préexistantes au mariage entre les futurs époux

Le droit canon avait tout d’abord fixé l’interdiction de se marier entre personnes de la même famille jusqu’au quatorzième degré de parenté civile inclus, avant de ramener cette limite au septième degré civil lors du IVe Concile de Latran en 1215. Cette interdiction vaut tant pour les

liens de parenté par le sang, que pour les liens d’affinités (créés par le mariage), de quasi-affinités (créés par le concubinage), ou encore de parenté spirituelle40. Mis à part pour la parenté

en ligne directe au premier degré, ces empêchements pouvaient toutefois faire l’objet de dispenses par le pape ou un évêque qui en avait reçu la compétence41. Dans certaines

circonstances, des cousins germains pouvaient donc être autorisés à se marier entre eux42. En droit liégeois, l’article 248 du Paweilhar n’indique que la sanction d’un mariage entre parents, à savoir la nullité. La décision en question ne s’exprime malheureusement pas sur le degré à partir duquel cette sanction était appliquée. Comme la coutume était rédigée dans la perspective de se distinguer du droit en vigueur ailleurs43, l’absence de précision quant aux degrés prohibés peut nous laisser supposer que les limitations du droit canonique étaient applicables dans la principauté. On trouve par ailleurs trace d’une possibilité de dispense dans les archives de l’évêché du XVIIIe siècle : le mariage entre parents jusqu’au troisième degré

était permis dans certaines circonstances44.

38 Voy. le titre sur le consentement des parents des futurs mariés ci-dessous.

39 Instaurée par l’art. 42 de l’Ordonnance de Blois prise par le Roi Henri III en 1579, cette interprétation très large

du rapt évoque la « subornation » d’un des partenaires (qui n’est dès lors plus nécessairement la femme), par l’autre. La jurisprudence française de l’époque, très sévère, estime qu’il n’était même pas nécessaire de prouver ladite séduction, le rapt étant présumé dès lors que les parents n’avaient pas consenti à l’union de leur enfant. M. CUILLIERON, « Les causes matrimoniales des officialités de Paris au Siècle des Lumières, 1726-1789 »,

Revue historique de droit français et étranger, 1988, p. 555 ; P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé :

diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours

de droit, 1953, pp. 70-71. Cette théorie n’a pas eu d’impact majeur en principauté de Liège. Ph. GODDING, Le

droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, pp. 107-109 ; M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) »,

Annuaire d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, p. 28.

40 P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de

droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, pp. 23-24.

41 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 104.

42 Notons toutefois qu’en l’absence d’actes de mariages et de baptêmes systématiques, la preuve des liens de

parenté devait être particulièrement mal aisée à rapporter.

43 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, pp. 261, 265.

44 Archives de l’Evêché de Liège, Archives archidiconales du Condroz, Rouges-scels, F VI 19, 1784-1794.

L’évêque ou son vicaire général pouvait ainsi dispenser de l’empêchement dirimant pour cause de consanguinité jusqu’au troisième degré inclus, au-delà, il fallait obtenir l’autorisation du pape lui-même. Voir D.-F. DE SOHET, « Traité préliminaire », Instituts de droit pour les pays de Liège, de Luxembourg, Namur et

autres, vol. III, Bouillon, Foissy, 1782, lib. II, tit. IX, p. 10, n° 64, version numérisée disponible à l’adresse

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*

On observe donc, en ce qui concerne les empêchements dirimants, que le droit liégeois n’est pas fondamentalement différent du droit canonique. La différence avec la coutume en vigueur au nord de la France est par contre beaucoup plus marquée, essentiellement en ce qui concerne le consentement des parents au mariage de leurs enfants, sur lequel nous reviendrons. Ceci s’explique notamment par le rejet des décrets du concile de Trente par le pouvoir royal français, au motif que celui-ci ne correspondait pas au fonctionnement de la société française. À Liège, au contraire, la réforme du mariage par l’Église avait facilement été intégrée au droit en vigueur45.

2.

Empêchements prohibitifs

L’infraction à un empêchement prohibitif (aussi appelé prohibant) était sanctionnée par le report de la célébration du mariage au jour de la disparition de l’empêchement. Dans l’hypothèse où le mariage avait été célébré malgré l’existence d’un empêchement prohibitif, la séparation temporaire des époux, l’amende ou, dans les cas les plus graves, l’excommunication, pouvaient être prononcées, mais le mariage restait néanmoins valable46. Les empêchements prohibitifs regroupent les interdictions à mariage décrétées par l’Église et auxquelles il peut être remédié. Soit l’autorité ecclésiastique qui est amenée à célébrer le mariage craint la présence d’un empêchement dirimant et souhaite se donner du temps pour enquêter à cet égard, soit la cérémonie tombe pendant le temps interdit : aucun mariage ne pouvait être célébré pendant une certaine période de l’année s’étendant du premier dimanche de l’Avent à la fête des Rois, ainsi que durant le Carême. Il peut également s’agir de fiançailles non rétractées d’un des candidats à mariage avec un tiers ou encore de simples vœux ecclésiastiques d’entrer en religion, de célibat ou de chasteté pris par le futur marié.

Nous n’avons pas trouvé trace de l’application de ces empêchements dans la principauté de Liège. Seule la célébration du mariage était parfois suspendue pour permettre aux juridictions ecclésiastiques d’apprécier la validité d’une opposition au mariage, formulée généralement par les parents d’un des futurs époux47.

45 L’ensemble des décrets du Concile de Trente entrera en vigueur dans le diocèse de Liège dès 1618, quoique les

décrets concernant le mariage, ne soulevant pas de difficultés particulières au regard du droit liégeois, avaient déjà été publiés en 1567 sous Gérard de Groesbeeck. Les ecclésiastiques liégeois, soucieux de conserver leur indépendance ont mis plus de temps à accepter que tous les décrets du concile leur soient appliqués. J. LEJEUNE,

La Principauté de Liège, Liège, éd. A.S.B.L. Le Grand Liège, 1948, pp. 134 et s. ; B. DEMOULIN, Histoire de

la principauté de Liège : de l'an mille à la Révolution, Toulouse, Privat, 2002, p. 139 ; R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, p. 369 ; T. CROSS, Religion and Social

Order in Liège, 1557-1650, text submitted in partial fulfillment of the requirements for the degree of Doctor

of Philosophy in the Graduate School of Arts and Sciences, Columbia University, 1998, p. 90. Voy. sur le sujet F. WILLOCX, L’introduction des décrets du concile de Trente dans les Pays-Bas et dans la principauté de Liège, Louvain, 1929, pp. 236-237.

46 P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de

droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, p. 24.

47 P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921,

(16)

3.

Consentement des parents des futurs mariés

Alors que le droit canonique classique n’érigeait pas le consentement des parents comme condition de validité au mariage, certains évêques, principalement français, ont plaidé pour l’intégrer lors du concile de Trente. La solution a été modérée : le consentement des parents au mariage de leurs enfants ne sera pas requis pour que l’union soit valable mais en contrepartie, l’Église réaffirme son aversion pour un mariage contracté à l’encontre de la volonté parentale48.

L’institution du mariage est un élément de paix et d’enrichissement entre les familles, dont les patrimoines sont exclusivement gérés par les patriarches. Certains législateurs laïcs estimaient que, par ce fait, le père de famille devait disposer d’une autorité absolue quand il s’agissait de marier ses enfants49. Le consentement des parents a donc progressivement été érigé en condition de validité du mariage, alors même que le droit canonique n’avait pas changé à ce sujet50. Diverses sanctions pénales et civiles étaient prononcées contre les jeunes gens qui ne respectaient pas l’autorité de leurs ascendants.

Le mariage sans le consentement parental est également réprimé pénalement à Liège51. Ces dispositions étaient cependant très peu appliquées et les enfants restaient, dans les faits, libres de se marier malgré le refus de leurs parents52. En effet, s’il était défendu aux curés de marier des jeunes gens sans le consentement parental, le supérieur hiérarchique pouvait octroyer une permission expresse pour procéder nonobstant l’opposition des parents53. Si Sohet écrit qu’il

faut suivre le droit séculier plutôt que le droit canonique pour les questions touchant aux effets civils des mariages contractés sans le consentement parental, et donc appliquer les peines prévues par les statuts liégeois, l’auteur ajoute immédiatement après que « les conditions ou

48 P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de

droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, p. 58.

49 A. LECA, Introduction historique au droit de la famille, Paris, LexisNexis, 2017, p. 45 ; Monique CUILLIERON,

« Les causes matrimoniales des officialités de Paris au Siècle des Lumières, 1726-1789 », Revue historique de

droit français et étranger, 1988, pp. 555 et s.

50 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, pp. 106 et s ; P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit

romain, histoire du droit et de droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, pp. 42-43 ; D.

DEROUSSIN, Histoire du Droit privé, Paris, Ellipses, 2e éd., 2018, pp. 68-69. Cette nouvelle condition, en ce

qu’elle est imposée par le pouvoir temporel, crée un conflit de compétence entre les législateurs laïcs et ecclésiastiques à propos des conditions du mariage. Voir à ce sujet G. CHIODI et W. DECOCK, "Disinheritance of Children for Lack of Parental Consent to the Marriage in the Ius Commune and Early Modern Scholastic Traditions.", Succession Law, Practice and Society in Europe across the Centuries. Vol. 14, Berlin, Springer, 2018, pp. 271-335.

51 J.-J. RAIKEM et al., Coutumes du pays de Liège, t. II, Bruxelles, éd. Fr. Gobbaerts, 1873, p. 147 (article 7),

version numérisée disponible à l’adresse suivante : http://hdl.handle.net/2268.1/2573. Les parents pouvaient également exhéréder dans leur testament leur enfant qui s’était marié sans leur consentement, mais il s’agit là d’un acte purement privé et non pas d’une sanction légale. À ce propos, voir E. POLAIN, La vie à Liège sous

Ernest de Bavière (1581-1612), I, Tongres, Impr. G. Michiels-Broeders, 1938, p. 270.

52 M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire

d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, p. 35 ; Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au

18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 109. Dans son titre sur la dot, Sohet précise d’ailleurs que lorsque les parents refusaient sans raison le mariage de leur fille, le juge pouvait leur imposer de doter celle-ci selon leurs capacités : D.-F. DE SOHET, Instituts de droit pour les pays de Liège, de Luxembourg,

Namur et autres, I, Namur, 1770, lib. III, tit. III, p. 139, n° 17-18, version numérisée disponible à l’adresse

suivante : http://hdl.handle.net/2268.1/2150.

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stipulations qui sont absolument contraires à la liberté des mariages sont réprouvées »54. Au XVIIIe siècle, un échevin limbourgeois rédige même un petit manuel à l’intention de ceux qui

souhaiteraient épouser une jeune fille sans le consentement de ses parents55. Quelques rares cas issus de la jurisprudence illustrent néanmoins la créativité dont pouvaient faire preuve les parents qui voulaient imposer leur autorité.

Tout d’abord, si toutes les pressions psychologiques et sociales que les parents pouvaient exercer sur leur enfant s’étaient avérées vaines, ils pouvaient s’opposer à l’union au moment de la publication des bans de mariage. Les témoins-opposants à l’union ne devaient pas sur le champ expliquer le motif d’une potentielle interdiction de célébrer, ce qui encourageait généralement le curé à ne tout bonnement pas marier les deux personnes concernées, par crainte de poursuites contre son office. L’affaire était alors portée devant les autorités ecclésiastiques (le synode diocésain ou l’archidiacre) par les futurs époux. Les parents motivaient fréquemment leur refus par l’existence d’un prétendu empêchement à mariage56. Au mieux, ils pouvaient

ainsi espérer que le juge envoie leur enfant dans un couvent pour un temps de réflexion plus ou moins long, afin de vérifier sa force de détermination à contracter mariage. Si la preuve d’un empêchement à mariage reconnu par l’Église n’était pas rapportée et si les futurs époux persistaient dans leur volonté, alors l’interdiction était généralement levée57. Parfois même, les

jeunes gens ressortaient du couvent avec leurs lettres de liberté, voire demandaient la célébration du mariage au sein du couvent, moyennant une dispense de proclamation des bans octroyée par le vicaire général58.

Les parents pouvaient encore faire reporter la date de la cérémonie grâce à divers moyens dilatoires de la procédure judiciaire, comme l’obtention de délais supplémentaires pour prouver l’existence du prétendu empêchement ou le report de la date de comparution. Les familles les plus acharnées usaient même des failles procédurales des institutions liégeoises. En effet, en portant leur demande devant l’official alors que l’affaire était toujours pendante devant le vicaire général, certains parents ont créé un véritable conflit de compétence entre les juridictions et ont même parfois fini par obtenir des décisions en sens opposés émanant de chacune d’elles59.

54 D.-F. DE SOHET, Instituts de droit pour les pays de Liège, de Luxembourg, Namur et autres, vol. III, Bouillon,

Foissy, 1782, lib. II, tit. IX, p. 10, n° 38-44, version numérisée disponible à l’adresse suivante :

http://hdl.handle.net/2268.1/2150.

55 M. FRÈRE, Huwelijksrecht en huelijkslist in de XVIIIe eeuw, Oude Land van Loon, VI, 1951, p.100.

56 P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921,

p. 346. D’autres motifs comme l’honneur, la moralité, la volonté de ne pas payer de dot ou encore le simple fait de faire respecter son autorité parentale étaient également invoqués, idem, pp. 353-354.

57 Pierre Bar évoque à cet égard deux cas recensés dans les archives de l’évêché de Liège : premièrement l’histoire

de la douairière Grady, mère d’Henriette, qui a invoqué le rapt de séduction comme empêchement au mariage de sa fille avec Jean-Jacques de Montaigne (AEL, Vicariat général, E III 8e). Ensuite, concernant l’autorisation

de se marier après que le temps de retraite soit écoulé, l’auteur donne l’exemple d’Hubert François Bastin, qui, forcé de séjourner au couvent des Augustins d’Avroy, avait réclamé un « examinateur synodal auquel il puisse confirmer ses sentiments » et avait ainsi obtenu l’autorisation de se marier le 7 mai 1745 (AEL, Vicariat

général, E III 8e) ; in P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit

français et étranger, 1921, p. 347, notes 22 et 23.

58 M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire

d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, p. 25 et note 2.

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Dans certains cas extrêmes, des parents ont obtenu de l’official diocésain l’autorisation de faire séquestrer leur enfant dans un couvent ou une prison. Ces procédures de séquestrations, au départ prévues pour les personnes en marge de la société de l’époque comme les prodigues, les ivrognes ou les débauchés, n’étaient que rarement étendues aux hypothèses de mariage60. Le

caractère exceptionnel d’une telle mesure se comprend notamment par la violence qu’elle revêtait : l’enfant concerné n’avait pas de droit de défense et sa libération dépendait du seul bon vouloir de sa famille61. La rareté de ces autorisations tient également à l’absence de textes juridiques indiquant les limites d’une telle mesure. L’official, disposant d’une prérogative absolue de refuser d’accéder à la requête des parents, exerçait son pouvoir d’emprisonnement avec prudence et parcimonie62.

Enfin, certains parents cédaient au recours ultime de la violence, à l’instar de ce père qui, en 1777, fit enrôler son fils dans les forces prussiennes pour l’empêcher de se marier63. Des risques

de poursuites pénales deviennent alors réels à l’encontre de ces familles trop obstinées64.

En France, cette liberté de contracter mariage sans le consentement de ses parents n’existait pas. Un édit d’Henri II de 1556 refusait en effet l’autorité des modifications apportées par le Concile de Trente65. L’Édit permettait aux parents dont les enfants mineurs s’étaient mariés

sans leur consentement de les exhéréder et de révoquer toutes les donations faites à leur profit66. Plus tard, l’Ordonnance de Blois de 1579, la Déclaration de Louis XIII du 27 novembre 1639 et l’Édit de Louis XIV de mars 1697 énoncent diverses peines à l’encontre des enfants qui se seraient mariés sans le consentement de leurs parents67. Le parlement de Paris va plus loin

encore en érigeant le non-consentement des parents au mariage de leurs enfants en une cause de nullité du sacrement, par le jeu d’une interprétation extrême de la théorie du rapt de séduction68. La peine encourue par l’auteur du rapt est extrêmement sévère puisqu’il pourra être condamné à mort. La sanction d’exhérédation de l’enfant insoumis devient par ailleurs automatique (Déclaration de 1639). Par ailleurs, avant d’avoir atteint l’âge de la majorité, fixé à vingt-cinq ans pour les filles et trente ans pour les garçons, l’absence de consentement des parents était une cause de nullité de l’union. Même après cet âge, tout enfant qui souhaitait se

60 Un cas exceptionnel est recensé par Pierre Bar, dans lequel l’Official avait accordé cette procédure de

séquestration pour le seul motif que le mariage serait déshonorant pour la famille. Il fallait sinon des motifs bien plus graves. Voir P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit

français et étranger, 1921, p. 350, note 35.

61 AEL, Officialité. Séquestrations, 1736-1794 ; AEL, Vicariat Général, liasse n°7, farde 19 ; R. VAN DER MADE,

« Un aspect de la juridiction gracieuse de l’official. Les séquestrations », Chronique archéologique du pays de

Liège, t. 40, 1949, pp. 82-83.

62 P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921,

p. 351.

63 AEL, Échevins de Liège. Procès, p. 360.

64 P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921,

p. 351.

65 Édit d’Henri II de France de février 1556 sur les mariages clandestins.

66 M. CUILLIERON, « Les causes matrimoniales des officialités de Paris au Siècle des Lumières, 1726-1789 »,

Revue historique de droit français et étranger, 1988, pp. 555-556.

67 P. PETOT, Cours d'histoire du droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de

droit privé, 1953-1954, Paris, éd. Les cours de droit, 1953, p. 66.

68 Sur le nécessaire consentement des parents et le rapt de séduction en France, voir P. PETOT, Cours d'histoire du

droit privé : diplômes d'études supérieures droit romain, histoire du droit et de droit privé, 1953-1954, Paris,

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marier se devait de requérir l’assentiment de ses ascendants pour ce faire. Le Code civil français a maintenu jusqu’en 1907 l’interdiction de se marier sans le consentement des parents pour les garçons âgés de moins de 25 ans et les filles de moins de 21 ans69.

Dans les autres régions de Belgique l’absence de consentement des parents peut également entraîner des sanctions patrimoniales et pénales, en plus de la nullité du mariage. Différents édits, adoptés entre le XVe et le XVIIe siècles élargissent de plus en plus le champ d’application

de cette exigence et l’ampleur des sanctions pouvant être infligées70.

*

De façon globale, les décisions des tribunaux liégeois des XVIIe et XVIIIe siècles, par leur faible nombre et leur issue généralement favorable aux enfants, tendent à indiquer que le clergé liégeois appliquait plutôt fidèlement la doctrine canoniste et se contentait du consentement des seuls fiancés pour procéder à la célébration71. Pierre Bar résume parfaitement l’état de la

situation à Liège en écrivant que « le diocèse demeura, néanmoins, un territoire où ni le pouvoir ecclésiastique ni le pouvoir laïc n’apportèrent un soutien inconditionnel à l’autorité parentale dans le domaine des choix matrimoniaux, et en cela, la pratique est proche de la doctrine du concile de Trente » 72.

B.

C

ONDITIONS DE FORME DU MARIAGE

1. Déclaration de mariage

Comme déjà indiqué plus haut, le droit canonique a pendant longtemps déclaré valables des mariages conclus par le simple échange des consentements des futurs mariés. Le IVe concile du Latran impose pour la première fois en 1215 de donner publicité au mariage avant de le célébrer. Il ne s’agit toutefois pas d’une condition de validité de l’union puisque le mariage clandestin, conclu en l’absence de publication et de célébration du mariage, n’est passible que de sanctions

69 À Liège, le projet de réforme du droit matrimonial de Demarteau, déjà mentionné plus haut, exigeait également

le consentement des parents au mariage de leurs garçons âgés de moins de trente ans et de leurs filles âgées de moins de vingt-cinq ans. Le projet restait cependant modéré en ce qu’il prévoyait une possibilité de recours devant l’Official ou les échevins en cas de refus des parents. La sanction du mariage contracté sans le consentement des parents n’était pas la nullité de l’union mais bien uniquement la privation des effets civils du mariage comme l’exhérédation, la suppression du droit de dévolution, la suppression du droit à la légitime coutumière ou encore l’incapacité successorale. Le contenu du projet de Demarteau est repris dans M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire d'histoire

liégeoise, n° 16, 1948, Annexe I, pp. 37 et s.

70 Beaucoup d’édits régionaux sont tout d’abord adoptés. Devant leur inefficacité, le pouvoir central légifère à son

tour à partir du XVIe siècle. Ainsi trouve-t-on un édit général de Charles Quint du 4 octobre 1540 traitant de

cette question et par lequel les enfants coupables sont privés de gain de survie et passibles d’amende. Cette dernière peine est également applicable aux simples témoins d’une telle union. La nullité de ces unions sera encore réaffirmée par l’édit de Joseph II du 28 septembre 1784, à la nuance près que le juge pourra cette fois suppléer au consentement des parents s’il juge leur refus de déraisonnable.

71 M. YANS, « Textes liégeois relatifs au rapt et au consentement paternel (Fin du XVIIIe siècle) », Annuaire

d'histoire liégeoise, n° 16, 1948, p. 26.

72 P. BAR, « La liberté du mariage à Liège au XVIIIe siècle », Revue historique de droit français et étranger, 1921,

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spirituelles, sans que sa validité ne soit remise en cause73. Ces obligations de publication ont ensuite été développées par les législateurs locaux. En 1288, les Statuts synodaux de Jean de Flandre, alors évêque de Liège, imposent la publication des bans de mariage74. Pendant trois dimanches de suite précédant la célébration, après l’évangile, le prêtre prononcera les bans, c’est-à-dire qu’il annoncera la volonté des personnes concernées de se marier75. Les Statuts

synodaux prévoient des sanctions sévères à l’encontre de ces unions clandestines : des peines spirituelles, comme l’excommunication ou les pénitences peuvent être prononcées contre les fiancés76. La condamnation à l’encontre des personnes ayant connaissance d’un empêchement

et ne l’ayant pas dénoncé est également particulièrement sévère en droit liégeois. En effet, alors qu’une décrétale du pape Alexandre III dispose, à propos des mariages clandestins, que seuls sont concernés « qui ea contrahunt », les statuts liégeois étendent le champ d’application de la sanction d’excommunication : « excommunicati denuncientur qui clandestina conjugia contrahunt ». Une faible possibilité de rédemption est cependant offerte aux simples témoins d’un mariage clandestin puisqu’ils peuvent échapper à l’excommunication s’ils dénoncent le caractère illégal de l’union à l’évêque dans le mois de la célébration. Malgré cela, ils subiront tout de même une sanction prévue par l’Église77. Des peines temporelles sont également

prévues à l’encontre des époux s’étant mariés clandestinement. On relève dans la jurisprudence des cas d’amendes, accompagnées de l’obligation de célébrer à nouveau le mariage en respectant les prescriptions légales de forme78, ou bien de l’exigence de cessation de cohabitation des fiancés79. La réclusion peut aussi être prononcée80.

Pour renforcer le caractère sacré du mariage et limiter la pratique des mariages secrets, le concile de Trente (décret Tametsi) imposa qu’il soit procédé à la publication des bans et à la bénédiction nuptiale par le curé afin que l’union soit conclue. La publicité du mariage devient alors une condition de validité de celui-ci. L’application qui est faite à Liège des canons du concile modifie toutefois la compétence de l’autorité capable de dispenser de l’obligation de publication des bans. Dans des hypothèses bien spécifiques, il était en effet possible d’obtenir une dérogation à l’obligation de proclamer les bans de mariage. Le premier texte traitant d’une telle dispense est un mandement du 13 novembre 154881. Nous trouvons cependant des traces

73 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 104.

74 Ces statuts avaient également pour objectif d’apaiser la controverse qui avait éclaté en 1250 entre l’archidiacre

du Hainaut et le Prince-Évêque de Liège au sujet des mariages clandestins et de la compétence d’octroyer la remise des bans. Sur la publication des bans de mariage en Principauté de Liège, voir R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, p. 363.

75 R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, p. 366.

76 G. SIMENON, « Le sacrement de mariage dans l’ancien droit ecclésiastique liégeois », Revue ecclésiastique de

Liège, 1923-1924, pp. 334‐335.

77 R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, pp. 367-368. 78 A.E.L., Officialité, Procès, liasse 35 (Inventaire J. STEKKE).

79 A.E.L., Officialité, Causes criminelles, Sentences, 1670-1726, f° 38.

80 La religieuse Catherine Royen est condamnée à trois ans de réclusion pour avoir enfreint ses vœux : L.-E.

HALKIN, Le cardinal de la Marck, prince-évêque de Liège, Liège, 1930, p. 176 et 286 ; A.E.L., Officialité, Sentences, reg. 64, f° 64.

81 Il s’agit de la formula reformationis, adoptée par Charles V, la dispense de publication de deux des trois bans y

est ajoutée par Georges d’Autriche, alors prince-évêque de Liège. G. SIMENON, « Le sacrement de mariage dans l’ancien droit ecclésiastique liégeois », Revue ecclésiastique de Liège, 1923-1924, pp. 336-337 ; R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, p. 364.

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jurisprudentielles de cette pratique dès le milieu du XIIIe siècle82. Une dispense partielle de la publication des bans pouvait être accordée par l’archidiacre et permettait de ne procéder qu’à une seule des trois proclamations de bans exigées normalement. Les futurs époux devaient de plus attendre au moins un jour entre l’unique proclamation des bans et la célébration du mariage. À partir du concile de Trente, c’est l’évêque (et non plus l’archidiacre) qui est compétent pour octroyer une dispense partielle de la publication des bans de mariage83. Il ne

pouvait toutefois être fait droit à une telle demande que dans l’hypothèse où les fiancés pouvaient raisonnablement craindre une fausse allégation d’empêchement à mariage visant à entraver leur union84. Une dispense totale de proclamation peut également être envisagée. Le mariage est alors légalement contracté par la seule cérémonie du curé assisté de deux ou trois témoins85.

L’obtention aisée des remises de bans entraînera de nombreux abus dans la principauté86. En

effet, l’article 2 des Statuts de 1618 prévoit que les doyens ruraux (ou les simples prêtres de localité lorsqu’on se trouve dans une localité importante) peuvent accorder des remises partielles de bans, tandis que seul le Vicaire général est compétent pour accorder les remises totales. La compétence est ainsi transférée des archidiacres vers l’évêché, personnifié par son Vicaire général. Ce transfert de pouvoirs créera un grand conflit de compétence au sein de la principauté de Liège, connu sous le nom de « querelle des bans »87. L’ampleur de cette

dissension s’explique par le prestige et les revenus relativement élevés que procuraient l’exercice du pouvoir en cause.

En France, à défaut d’appliquer les canons du concile de Trente, l’Ordonnance de Blois impose également la publication des bans de mariage. Une dispense seulement partielle est possible en cas d’« urgente et légitime cause » (art. 40).

*

La facilité d’obtention d’une dispense de publication est ce qui distingue Liège. En l’absence de publication, il était donc plus difficile pour les tiers, qui n’avaient donc pas connaissance à

82 Voy. par exemple la sentence arbitrale du cardinal Pierre d’Albano, en cause de Henri de Gueldre, élu de Liège,

et de l’archidiacre Thibaut de Plaisance, 9-12 août 1250, Leodium, 1902, p. 85.

83 R. VAN DER MADE, « La publicité du mariage en droit liégeois », B.I.A.L., t. 67, 1949‐1950, p. 373. 84 Ibidem, p. 372.

85 Idem.

86 Ph. GODDING, Le droit privé dans les Pays-Bas méridionaux du 12e au 18e siècle, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1987, p. 109.

87 Cette controverse s’étendra du XIIIe siècle au XVIIIe siècle. Un mandement du 6 avril 1725 de Georges Louis

de Berghes exécute la volonté du pape de limiter les remises de bans accordées trop facilement dans la principauté. Le texte impose une publicité du mariage au moins huit jours avant la cérémonie, sous peine pour le curé qui enfreindrait cette règle d’être suspendu de ses fonctions. Une éventuelle dispense pourra être demandée au vicaire général. L. POLAIN, Recueil des ordonnances de la Principauté de Liège, 3e série, t. I,

Bruxelles, Devroye, 1855, p. 869. En réaction, les archidiacres feront suspendre le mandement, recouvrant ainsi la compétence d’octroyer les dispenses de publication. Il ne pourra toutefois être fait droit à une dispense de proclamations des trois bans que pour motifs graves. Mandement de Jean Théodore de Bavière de 22 avril 1744, in L. POLAIN, Recueil des ordonnances de la Principauté de Liège, 3e série, t. II, Bruxelles, Devroye,

1855, p. 6. Il y aura encore par la suite deux échanges de compétences dans un sens (restitution du pouvoir aux évêques) puis dans l’autre (annulation des mandements par les archidiacres) et la querelle ne prendra réellement fin qu’en 1771. Sur la question de la « querelle des bans », voir G. SIMENON, « L’administration des sacrements dans l’ancien droit ecclésiastique liégeois », Revue ecclésiastique de Liège, Liège, 1922-1923, p. 49-57.

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