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Les trésors ecclésiastiques du haut Moyen Âge et leur constitution. Éclairage à travers deux exemples helvétiques : Saint-Maurice d'Agaune et Sion

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Éclairage à travers deux exemples helvétiques :

Saint-Maurice d'Agaune et Sion

p ar Daniel THURRE

Recherches publiées et exposé des données

L

a présente contribution aborde la p ro ­blém atique de la constitution des tré­ sors d'église au cours d u h a u t M oyen Âge, avec les exem ples d e Saint-M aurice et Sion, en Valais. U ne étu d e m oins com plète, p o rtan t p ratiq u em en t le m êm e titre et déve­ loppée d ifférem m en t, a été p u b liée p a r le Centre Européen d 'A rt et de C ivilisation Mé­ diévale de C onques en 1994, p p . 77-891. Les rares synthèses existant à ce jour sur la q ues­ tion - o u tre les o u v rag es récap itu latifs sur l'art en Suisse et en Valais2 - sont u n

compte-1 Les trésors ecclésiastiques et leur constitution. Éclairage à

travers deux exemples helvétiques : Saint-M aurice et Sion, dan s Trésors et routes de pèlerinages dans l'Europe médiévale (Actes de la table ronde des 25-28 mai 1993). Publication du Centre Européen d'Art et de Civilisation Médiévale de Conques, C onques, 1994, p. 77-

89. - Le texte p rop osé ici est b asé sur la conférence don née l'université d e Paris X - N anterre, le 5 février 1994.

2 Par exem p le : Sam uel Guyer, Die christlichen Denkmdler

des ersten Jahrtausends in der Schweiz, L eip zig, 1907, p. 59-63 et p.

102-115. - M arius Besson, Antiquités du Valais, Fribourg, 1910, p. 18-47 ; id., Nos origines chrétiennes. Étude sur les commencements

du christianisme en Suisse romande, Fribourg, 1921. - A d o lf Rein-

le, Kunstgeschichte der Schweiz (Erster Band), Frauenfeld, 1968, p. 234-244. - Les m o n ograp h ies sur le trésor d e Saint-M aurice seront considérées p lu s lo in (note 37). - N o u s ne faison s que citer la thèse dactylographiée d'Erw in M arguiles, Der Schatz von

re n d u d e visite en 1890, la com m unication d 'O tto H om burger en 1951 au colloque A rt du haut Moyen Âge dans la région alpine, et celle du C hanoine Jean-M arie T heurillat, l'année sui­ vante, au Congrès archéologique de France, ainsi q u 'u n b ilan posé p a r R u d o lf Schnyder en 19793. Q uelques reliquaires on t été intégrés d ans un e publication p o rta n t su r les témoi­ gnages archéologiques d u d é b u t de la chré­ tienté en m ilieu alpin4. Les études historiques

St-Maurice. Zelleneinlage und Zellenschmelz in einem Klosterschatz des frühen M ittelalters (Inaugural Dissertation Wien ; thèse n° D.

2.954.), W ien, 1932. Il s'agit d 'u n e étu d e d e qu alité m oyenne, essen tiellem en t d escrip tive et com parative, à la bibliographie très lacunaire. L'auteur, en étu d ian t le v a se d e sardonyx, le coffret d e Teuderic et l'aiguière, p r o p o se u n panoram a des form es, d e leur sym bolique et d e leur évolution.

3 Ferdinand de M ély, Visite aux trésors de Saint-Maurice

d'Agaune et de Sion, dans Bulletin archéologique de la Commission des Travaux H istoriques, 1890, p. 375-392. - O tto Hom burger, Früh- und Hochmittelalterliche Stücke im Schatz des Augustinercho- rherrenstiftes von Saint-Maurice und in der Kathedrale zu Sitten,

dans Actes du IIP Congrès international pour l'étude du haut Moyen

Âge, sept. 1951, Lausanne, Olten, 1954, p. 339-353. - Jean-Marie

Theurillat, Le trésor de Saint-M aurice d'Agaune, dans Congrès

archéologique de France, C X e session tenue en Suisse romande en 1952, Paris, 1953, p. 258-269. - R u d o lf Schnyder, Kunst und Kunsthandwerk, dans Ur- und Frühgeschichtliche Archaologie der Schweiz IV, Das Frühmittelalter, Basel, 1979, p. 175-184.

4 W olfgang M üller, Archaologische Zeugnissefrühen Chris-

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Archaeo-et archéologiques de type m onographique sur le h a u t M oyen  ge suisse ne sont pas légion non p lus3. Si le catalogue des authentiques6 et des tissus enferm és dans les reliquaires a été dressé, il n 'e st m alheu reu sem en t p lus possi­ ble de savoir précisém ent d ans quel reliquaire chacun d 'en tre eux se trouvait. En effet, lors- q u 'E rn st A lfred Stückelberg procéda à leur ou v ertu re et à la reconnaissance des reliques en 1922 et 1923, il ne s'e st intéressé q u 'au x fragm ents d'étoffes les plus im portants et n 'a pas dressé de procès-verbal précis7.

N otre étu d e est le bilan provisoire d 'u n projet soum is au Fonds national suisse de la recherche scientifique, sous le titre : De consti- tutione thesaurorum alpinorum : Agauni, Monte Jouis, Seduni, Curiæ. E ntreprendre l'étu d e ap­

logica 6 5 /6 6 , 1986, p. 3-77. - V oir a u ssi, p ou r le m ilieu alpin :

L u d w ig Pauli, Die Alpen in Frühzeit und M ittelalter, M ünchen, 1980.

5 P our les p lu s im portantes : H einrich M üller & Iso Müller, Friihes Christentum im schweizerischen Alpenraum, Einsie- deln, 1967. - R u d olf M oosbrugger-L eu , Die Schweiz zu r mero-

winger Zeit, Bern, 1971, 2 Bd. - M ax M artin, La Suisse du haut Moyen Âge. De la fin de l'époque romaine à Charlemagne, Berne, s.

d. (vers 1976). - Parmi les étu d es historiques récentes englobant le territoire h e lv étiq u e d u hau t M oyen  ge, citon s : Laetitia Boehm, Geschichte Burgunds, Stuttgart, 1979. - Ian W ood, The

Merovingian Kingdoms, 450-751, N e w York, London, 1994.

6 Albert Bruckner, Chartæ latinæ Antiquores, Part. I, S w it­

zerland, L ausanne-O lten, 1954, p. 30-38 ; Part H, Sw itzerlan d,

Lausanne-Olten, 1956, p. 132-133.

7 E m st A lfred Stückelberg, Unveroffentlichte Walliser

Ge-webefunde, dans A n zeigerfü r schweizerische Altertumskunde XXVI

- 2-3,1924, p. 95-115. - Pour les tissu s valaisans, voir encore : A. F. Kendrick, Early Textiles in the Canton Valais, dans The Burling­

ton M agazine XLV, 1924, p. 125-131. - Brigitta S chm edd in g, Mittelalterliche Textilen in Kirchen und Klôstem der Schweiz, Bern,

1978. - Pour l'enrichissem ent d e s trésors en tissu s au cours du haut M oyen  ge : E. Sabbe, L'importation des tissus orientaux en

Europe occidentale au haut M oyen Âge (IXe et Xe siècles), dan s Revue Belge de Philologie et d'Histoire 14-2,1935, p. 811-848.

p ro fo n d ie d e l'e n s e m b le d e ces tré so rs s'in scrit dans le p ro lo n g em en t d 'u n e recher­ che bibliographique m enée à bien en 1987 et d 'u n e thèse de d o cto rat su r l'atelier rom an d 'o rfèv rerie de l'A b b ay e de Saint-M aurice, publiée en 19928. N o u s no u s lim itons ici la co n stitu tio n des tré so rs ecclésiastiques au cours d u p re m ie r m illén aire, raiso n p o u r laq u elle le tré so r a lp in d u G ran d -S ain t- B em ard n 'est pas in d u dans cette étude9.

Le cadre géographique d u lieu de con­ servation des objets qui vont nous intéresser se confine au V alais10, avec le centre épiscopal de Sion et la royale A bbaye de Saint-M aurice d'A gaune. Ces deux villes, ainsi que M artigny - cité épiscopale à l'époque paléochrétienne -, on t fait p reu v e d 'u n e g rande vitalité au sein d u jeune diocèse alpin. La particu larité d u territoire qui constitue la Suisse politique ac­ tuelle est liée à des com posantes historiques.

8 D aniel Thurre, Richesses des "Parents pauvres". Remar­

ques bibliographiques à propos du trésor de Saint-Maurice, dans Nos monuments d'art et d'histoire 3, 1987, p. 413-430 ; id., L 'atelier roman d'orfèvrerie de l'Abbaye de Saint-M aurice, Sierre, 1992. -

P our un e bib liograp hie d e b a se relative aux trésors d 'église, voir : Benedetta M ontevecch i & Sandra V asco Rocca, Suppellet-

tile ecclesiastica (4. Dizionari terminologici), Firenze, 1988, p. 451-

466.

9 II ne renferm e en effet qu e d es objets postérieurs au XIIe siècle. - Bibliographie : Lucien Q uaglia, d an s cat. exp. A rt

Valaisan dans les paroisses du Saint-Bernard, M artigny, 1964, p. 41-

45. - Daniel Thurre, L'Hospice du Grand-Saint-Bemard, son église,

son trésor (G uide d e m o n u m en ts su is se s SH A S, série 56, n°

5 56/557), Berne, 1994.

10 Inclure le trésor d e la cathédrale d e Coire (canton des G risons) n ou s m ènerait trop lo in ; n o u s p rop oson s cependant u n e brève b ib liograp hie : E m ile M olinier, Le trésor de la cathé­

drale de Coire, Paris, 1895. - Erw in Poeschel, Die Kunstdenkmdler des Kantons Graubünden, dan s Kunstdenkmdler / K D M GR Bd VII,

Basel, 1948, p. 147-198. - Luzi D osch, Das Dommuseum in Chur

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Ses contrées avaient été envahies p a r quatre trib u s g e rm a n iq u e s : les B u rg o n d es, les Francs, les A lam ans et les L om bards11. Celles- ci se sont m élangées aux indigènes, celtes et rhétiques. Les frontières linguistiques reflè­ tent encore cette occupation. La géographie ecclésiastique - soit la rép artitio n des diocè­ ses, archevêchés et de leurs pouvoirs respec­ tifs - s'av ère vitale p o u r u ne com préhension globale d e la problém atique. L'Église p rim i­ tive et le h a u t M oyen Âge suisses relèvent d irectem ent de l'héritage rom ain. Ce p h én o ­ m ène resso rt lo rsq u 'on se penche su r les an ­ ciens évêchés de M artigny, Coire (aux débou­ chés d es cols alpins), G enève, A venches, A ugst et W indisch (sièges épiscopaux sur les principales voies rom aines reliant le Rhin et l'A llem agne d u sud). La Suisse centrale et orientale, éloignée des grandes voies et moins peuplée, n e vo it p a r contre l'établissem en t d 'au c u n siège épiscopal. Les diocèses d ép en ­ daient anciennem ent de m étropoles extérieu­ res : V ienne-en-D auphiné p o u r G enève, Be­ sançon p o u r Bâle et Lausanne, M ayence p o u r Coire et Constance, la Tarentaise po u r Sion, et M ilan p o u r les p arties italophones.

N o u s p ro p o so n s au lecteur qu elq u es points d e repères chronologiques12 :

11 P ou r l'E urope d e s invasion s u n e lecture s'im p o se : P hilipp e Verdier, Historical Survey, dans A rts of the M igration

Period in the Walters A rt Gallery (by M. C. Ross), Baltimore, 1961,

p. 121-173 (nom breuses sources m entionnées).

E O rientation bib liograp hiqu e : Jean-François Bergier,

Le cycle médiéval : des sociétés féodales aux Etats territoriaux, dans Histoire et Civilisation des Alpes Vol. I, Lausanne, 1980. - Fran-

çois-O livier D u b u is & A n toin e Lugon, Les premiers siècles d'un

diocèse alpin : recherches, acquis et questions sur Vévêché du Valais,

dans Vallesia XLVII, 1992, p. 1-61 ; id., (2e partie), Les cadres de la

vie chrétienne locale jusqu'à la fin du XIIIe siècle, dan s Vallesia

En 451 : p rem ier évêque m entionné à C oire - en 515 : fon d atio n d e l'A bbaye de Saint-M aurice p ar sain t Sigism ond - dès 585 au p lus tard, le siège épiscopal valaisan n'est plus à M artigny, m ais à Sion - en 612 : fonda­ tion de Saint-Gall - en 1049, saint Bernard édifia le prem ier bâtim en t au M ont Joux, qui fut occupé p ar des chanoines réguliers à p ar­ tir de la fin d u XIIe siècle - au m ilieu d u XIe s iè c le : p re m ie rs d o c u m e n ts a tte s ta n t l'existence d 'u n C h apitre à Sion - en 1168 : docum ent relatif à deux résidences Chapitre / Evêché, à Sion.

Le p lus ancien inventaire connu de tré­ sor d'église dans l'arc alpin rem onte au milieu d u Xe siècle et est conservé à Coire ; Disentis en p o ssède ég alem en t u n d e cette époque (vers 940)13. Le p rem ier inventaire connu du C hapitre de Sion rem o n te à 1364 seulem ent, et celui de Saint-M aurice entre 1550 et 1572, sous l'ab b atiat de Jean V M ilès14. Les tém oi­ gnages visuels relatifs aux pièces du trésor de Saint-M aurice sont rares - et inexistants pour

XL Vin, 1993, p. 1-74. - François Fîuot, L'ordinaire de Sion. Etude

sur sa transmission manuscrite, son cadre historique et sa liturgie,

Fribourg, 1973. - Lucien Q uaglia, La Maison du Grand-Saint-

Bemard, A oste, 1955. - H ans-R ud olf Sennhauser, L'Eglise primi­ tive en Suisse et le haut Moyen Âge, d a n s Archeologia 66, janvier

1974, p. 18-33.

B Bernhard B ischoff, M ittelalterliche Schatzverzeichnisse

(erster Teil) : Von der Zeit Karls des Grossen bis zu r M itte des 13. jahrhunderts, M ünchen, 1967. - A. v o n Castelmur, Die altes- ten Verzeichnisse des Churer Domschatzes, dans Z eitschrift fü r Schweizerische Kirchengeschichte, 1927, p. 153-154.

14 Sion, A rch iv es d u C h apitre, Liber II Ministerialiae

(codex d e 436 pages) ; inventaire aux p a g es 117 et ss. - Saint-

M aurice, A A S M tir 64, n°12, 330 x 110 m m (4 volets). - Le pre­ m ier inventaire de l'H ospice d u Grand-Saint-Bemard remonte à 1419 : AGSB n°1159 ; cahier sur papier, 10 folios, 300 x 215 mm.

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Sion. A ucune g rav u re rep résen tan t le trésor de l'ab b ay e n e n o u s e st p arv en u e, comme c'est le cas p o u r les tréso rs de la Sainte- Chapelle ou de Saint-Denis, publiées p ar Dom Félibien en 1706. Les p rem ières illustrations d u trésor de l'ab b ay e so n t celles de Ludw ig Vogel (un dessin au crayon de 1820, conservé au M usée national suisse à Z urich [fig. 1]) et de Jean-D aniel Blavignac, publiées dans son Histoire de l'architecture sacrée de 1853.

Si l'étu d e d'objets au jo u rd 'h u i disparus, m ais connus grâce aux inventaires ou à des dessins s'av ère in té re ssa n te 15, l'h isto ire des objets d u p rem ier m illénaire p arv en u s dans des fo n d a tio n s p o s té rie u re s à l'a n M il - comme c'est le cas à B erom ünster - p o u rrait aider à m ieux cerner les aléas de la constitu­ tion des trésors16.

Les trésors reügieux on t été, on le sait, relativem ent bien conservés, si l'o n pense au

15 V oir su rtou t : M gr Ch. D eh aisn es, Documents et ex­

traits divers concernant l'histoire de l ’art dans la Flandre, l'Artois, le Hainaut, avant le X V e siècle, Lille, 1886. - F erdinand d e M ély, Bibliographie générale des inventaires imprimés, Paris, 1892-1895, 3

Vol. - Em ile L esne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France T. n i : L’inventaire de la propriété, Eglise et trésors des églises du

commencement du VIIIe à la fin du XIe siècle, Lille, 1936.

16 A u m ilie u d u Xe siècle, Bero, com te d e Zürich, de T hurgovie et d 'A rgovie aurait fo n d é le Chapitre d e chanoines d e Berom ünster, dan s le canton d e Lucerne (le prem ier d o cu ­ m ent se référant au lieu d ate d e 1036). Le trésor d e la collégiale p eu t s'enorgueillir d e p o ssé d er u n e riche collection d'œ uvres sacrées, avec d e s objets d u h au t M oyen  g e au baroque tardif. M en tio n n o n s le co ffr e t-r e liq u a ir e d e Wamebertus, d e la deuxièm e m oitié d u VU* siècle, ainsi qu 'un d ip tyq u e d ’ivoire de la renaissance carolingienne représentant Pierre et Paul. - A d olf Reinle, dan s K D M Luzern IV, Basel, 1956, p. 74-110. - Pour le reliquaire : G ü n th er H a se lo ff, Das W am eberus-Reliquiar im

Stiftsschatz von Beromünster, dan s Helvetia Archaeologica 5 7 /6 0 ,

1984, p. 195-218.

so rt des trésors laïcs17, so u v en t refo nd u s en tem ps de guerre, pillés et réutilisés à d 'au tres fins. Bon nom bre de trésors ecclésiastiques furent cependant dépouillés : celui de Genève fu t ravagé à la Révolution française, celui de L ausanne pris p ar les Bernois p o u r être fon­ d u , et celui de Bâle se tro u v e actuellem ent dispersé dans divers m usées. Les guerres de religion, ainsi que la R évolution de 1789, ont causé d'innom brables dom m ages. En Valais, les problèm es de conservation les plus sérieux se sont posés aux XVIIIe et XIXe siècles : à Sion, le C hapitre a d û contribuer aux besoins d es tro u p es françaises en liv ran t des pièces d'orfèvrerie18. En 1848, des lu ttes politiques é b r a n lè r e n t le V a la is e t p e r m ir e n t l'avènem ent des Radicaux et la sécularisation des biens d u clergé. Trois ans p lu s tard , u n p la t d'évangéliaire, a u jo u rd 'h u i conservé au Victoria & A lbert M useum , q u ittait le trésor d u C hapitre séd u n o is19. L 'A bbaye de Saint- M aurice, en cette période troublée, d u t m ettre son trésor en lieu sûr, et, u ne autre fois, le ca­ cher chez l'habitant20.

17 Pierre Riché, Trésors et collections d'aristocrates laïques

carolingiens, dans Cahiers archéologiques 22,1972, p. 39-46.

18 A rch ives d u Chapitre, Tir. 10 - 9 /1 1 : Borderaux des

argents et effets en or et en argent livrés pour la contribution.

19 Plat avec ém aux d e la fin d u Xe siècle et travail re­ p o u ssé d e la fin d u XIIe siècle. - Frauke Steenbock, Der kirchliche

Prachteinband imfrühen Mittelalter, Berlin, 1965, n°55, p. 140-141 ;

Abb. 75. - D aniel Thurre, 1992 (voir note 8), p. 261-266. 20 Edouard Aubert, Trésor de l'Abbaye de Saint-Maurice

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Mise en contexte

C 'est la fluctuation économ ique ou reli­ gieuse d 'u n centre spirituel qui p erm et avant to u t la constitution d 'u n trésor, et les riches­ ses accum ulées sont liées à la prospérité et à la réputation de ce foyer. L 'accum ulation des dons p erm e tta it de faire des réserves p o u r u ne p ério d e m oins florissante. Le fait que p lu sieu rs objets so ien t réun is en u n m êm e endroit, m êm e s'ils p résen ten t quelques simi­ litudes stylistiques p o u r une période donnée, ne p ro u v e p as u ne o rigine com m une. Bien souvent, des objets isolés p e u v en t se révéler difficiles à situer d ans le tem ps, to u t comme dans u n contexte stylistique (fig. 2). Si les ob­ jets du h au t M oyen  ge sont, p o u r la plupart, des dons de so u v erain s ou de p èlerin s de condition p lu s m odeste, à p a rtir de l'époque carolingienne, la m ajo rité d es m o n astères a v aie n t à d isp o sitio n le u r p ro p re atelier d 'orfèvrerie en vue d e se p o u rv o ir en objets liturgiques. En Suisse, le plus ancien nom de m oine-artiste attesté est celui de Tuotilo, actif à Saint-Gall entre 850 e t 913. Il fut architecte, scu lp teu r, p e in tre et m usicien. Tuotilo est l'au teur des deux ivoires d u codex 53 de Saint- Gall21.

Com m e il re sso rt de l'Introduction au p résen t o u vrag e p a r Jean-P ierre Caillet, le processus d 'élaboration d 'u n trésor ecclésias­ tique est relativem ent bien connu. L'histoire des trésors d'église com m ence avec C onstan­ tin, lequel enrichit Rome d e som ptueux objets

21 Johan nes D u ft & R u d o lf Schn yder, Die Elfenbein-

Einbànde der Stiftsbibliothek St. Gallen, Beuron, 1984.

d'orfèvrerie22. La double scène de l'offrande de Justinien et Théodora, su r les m osaïques de San Vitale, à Ravenne, tém oigne de la m u ­ nificence im périale envers l'Église23. L'histoire de la constitution des trésors se p o u rsuit aux ép o q u es des in vasions et m érovingienne24. L 'im p o rtan ce de l'ép o q u e carolingienne est parfaitem ent mise en lum ière p ar les œuvres conservées, to u t com m e p a r celles m ention­ nées d ans les textes25. A ux VHP et IXe siècles,

22 L ouis D u ch esne, Liber Pontificalis, 3 Vol., Paris, 1890- 1955. - P our la con stitu tion d e s trésors d 'ég lise , consulter : Charles R ohault de Fleury, La Messe Vol. IV, Paris, 1883, p. 145- 153. - G eo r g H u m a n n , Z u r Beurteilung m ittelalterlicher

Kunstwerke. Inbezug auf ihre zeitliche und ôrtliche Entstehung, (Studien zu r deutschen Kunstgeschichte H eft 26 ; 51 p.), Strassburg,

1928. - Bon texte introductif d e M. Eschapasse, com pte-rendu de l'exp osition Trésors des Eglises de France, dans Archéologie 3, 1964, p. 79-83. - Pour les trésors païens : François Baratte, Les

trésors de temples dans le monde romain : une expression particulière de piété, dans Ecclesiastical Silver Plate in Sixth-Century Byzantium

(éd. S. A. Boyd & M. M. M ango), W ashington, 1992, p. 111-121 (et cf. la n o u v elle contrib ution d e F. Baratte dan s le présent v olu m e, ci-avant).

23 A n dré Grabar, Quel est le sens de l'offrande de Justinien

et de Théodora su r les mosaïques de Saint-Vital, dans Felix Ravenna

fasc. 30 (LXXXI), 1960, p. 63-77.

24 Gesta Dagoberti, dans M G H Script, rer. merov. 2, H ano­ vre, 1888, p. 396-425. - Vita Eligii, dans M G H Script, rer. merov. 4, 2, H anovre, 1902, p. 634-761. - W olfgang Fritz Volbach, L'Eu­

rope des invasions, Paris, 1967, p. 215-243. - Joseph Braun, Die Reliquiare des christlichen Kultes und ihre Entwicklung, Freiburg-

im -Breisgau, 1940. - M arie-M adeleine Gauthier, Les routes de la

foi. Reliques et reliquaires de Jérusalem à Compostelle, Fribourg,

1983.

25 E m ile Lesne, 1936 (voir note 15). - Bernhard Bischoff, 1967 (v o ir n o te 13). - Percy-Ernst Schram m & Florentine M ütherich, Denkmale der deutschen Konige und Kaiser, M ünchen, 1962. - Caecilia Davis-W eyer, Early Medieval A rt, 300-1150, Ann Arbor, 1986. - Victor Heinrich Elbem , Die Goldschmiedekunst im

friihen M ittelalter, Darm stadt, 1988, p. 14-20. - H erm ann Dann-

heim er, Goldschmiedearbeiten aus dem Besitz der Konigin Theodelin, dan s cat. exp. Die Bajuwaren, 1988, p. 342-347. - D anielle Gabo- rit-C hopin, Le trésor de Saint-Denis à l'époque carolingienne, dans cat. exp. Un village au temps de Charlemagne, Paris, 1989, p.

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69-le culte des reliques - qui tenait au préalab69-le u n rôle déjà p ré p o n d é ra n t - devient fonda­ m ental, exigeant ainsi toujours plus d'écrins précieux. U n nom bre infim e de ces joyaux est p arv en u ju sq u 'à nous. La description de 831 de l'A bbaye de Centula (Saint-Riquier) m en­ tionne, su r l'autel de l'église principale : capsæ relicjuiarum aureæ vel argentæ vel eburneæ XXX, ce qui m ontre que les abbayes, à l'époque ca­ rolingienne, étaien t déjà bien p o u rv u e s en reliquaires de toutes sortes26 ! L 'au ra p resti­ gieuse de C harlem agne lui fit attribuer la do­ n a tio n d 'u n n o m b re im p o rta n t d 'œ u v re s d 'art, d atan t parfois d u XIIIe siècle et au-delà ! La connaissance des textes à l'origine de ces trad itio ns p erm et généralem ent d 'étab lir les rectifications qui s'im posent27.

Saint-Maurice d'Agaune

L'A bbaye d e Saint-M aurice d'A gaune, en V alais, e st le p lu s an cien m o n astère d'O ccident encore actif28. Le m artyre de saint M aurice et de la légion thébaine, au d éb u t du IVe siècle, a p erm is la c h ristia n isa tio n de

77 ; id., Les trésors de Neustrie du VIIe au IXe siècle d'après les sour­

ces écrites, dan s La Neustrie, 1989, p. 259-293. - François Baratte

et Catherine M etzger, L'orfèvrerie christianisée, dans Naissance des

arts chrétiens, Paris, 1991, p. 306-315.

25 Chronicon Centulense Lib. II, 10 (Hariulf, Chronique de

l'Abbaye de St. Riquier).

27 Maria M argaretha W erder, Das Nachleben Karls des

Grossen im Wallis, Brig, 1977, p. 396-401. - D aniel Thurre, 1992,

(voir n ote 8), p. 24-25 ; p. 88 ; p. 261. - Pour le testam ent de C harlem agne : Eginhard, Vie de Charlemagne (éditée et traduite par Louis H alphen), Paris, 1947, p. 95-101.

28 Pour l'histoire d e l'A bbaye au haut M oyen  ge : Jean-M arie Theurillat, L'Abbaye de St-Jean-M aurice d'Agaune, des origines à

la réforme canoniale (515-830), d an s Vallesia IX, 1954, p. 1-128,

surtout p. 85-121.

l'E urope au n o rd de l'arc alpin. Sur place, après l'érection d 'u n sanctuaire et la fo n d a­ tion d u m onastère en 515 p ar le roi burgonde Sigism ond, no m b reu x fu ren t les pèlerins à venir rendre hom m age à saint M aurice. Parm i les plus célèbres, il fau t citer vraisem blable­ m ent C harlem agne, et - sans aucun d o u te - son petit-fils C harles le C hauve29. Le passage de l'évêque de Tours, saint M artin, est le fruit d 'u n e légende d u XIIe siècle30. Il y a lieu de relever u n in cid en t relativem ent su rp re n an t qui se déro u la vers 764. C hrodegang, arche­ vêque de M etz, de reto u r de Rome, fit halte à Saint-M aurice avec des reliques de saint G or­ gon, m arty r. Des m oines ag aun o is cru re n t pouvoir s'e m p a re r de ces reliques d u ra n t la nuit. Lorsque le cortège quitta le m onastère, C hrodegang constata que le coffre était vide. Il revint en arrière, m ais ne p u t rien obtenir. L'évêque de M etz, consterné, se plaig n it au roi Pépin, et revint, m uni d 'u n e autorisation spéciale31.

29 Pour les sources, voir infra note 58. - D an ielle Gabo- rit-Chopin, Les trésors de Neustrie du VIIe au IX siècle d'après les

sources écrites, dan s La Neustrie, 1989 (voir note 25), p. 260, relève

que, dans le d om ain e d es arts précieu x "les règnes de Louis le

Pieux et surtout de Charlemagne paraissent avoir été beaucoup plus favorables aux centres situés à l'Est, alors que celui de Charles le Chauve marque une étape décisive dans l'évolution des trésors de Neustrie, et ce en dépit de l'intensification des razzias normandes".

30 P èlerinage d e saint M artin à A gau n e (en vers) par Péan Gatineau. - Jacques Fontaine, Suplice Sévère a-t-il travesti

saint Martin de Tours en m artyr militaire ?, dan s Analecta Bollan- diana LXXXI, 1963, p. 55-56. - O livier Roduit, Saint M artin est-il venu à Agaune ?, dan s Echos de St-Maurice 1 / 1991, p. 68-70.

31 Le biograph e d e l'archevêque, le m oine Jean d e Gorze (+ 973) a m ontré la résolution d e l'ecclésiastique, revenu sur les lieux, un e hache à la m ain, p ou r défoncer l'autel. Le chroni­ queur a probablem ent brodé sur le canevas d 'u n incident réel. -

(7)

En ce qui concerne la région prise en compte dans cette étude, nous possédons, p ar chance, u n texte d u m ilieu d u Ve siècle, té­ m oig n an t de la d év o tio n et de l'ab o n d an ce d 'o ffran d es au p rès des tom beaux des m a r­ tyrs. Eucher, évêque de Lyon, s'explique sur le récit de la Passio d e saint M aurice dans sa Lettre à Salvius. De m êm e que certains offrent aux saints m artyrs des objets d 'o r ou d'argent, il veut offrir en leur hon neu r un ouvrage litté­ raire : Itaque cum alii ex diversis locis adque pro- vinciis in honorem officiumque sanctorum auri adque argenti diversarumque rerum munera offe- rant, nos scripta hæc nostra, si, vobis suffraganti- bus, dignantur, offerimus, exposcens pro his inter- cessionem omnium delictorum adque in posterum juge præsidium patronorum semper meorunr32. Le vase h ellén istiq u e en sardonyx, le coffret- reliquaire m érovingien de Teudéric, l'aiguière dite "d e C harlem agne" ainsi q u 'u n e bourse- reliquaire sont les seuls tém oins subsistant de cette g ran de époque de l'histoire de l'abbaye (fig. 2). Si les détails concernant leur acquisi­ tion m an q u en t, la qualité et la valeur de ces pièces d e prestige perm ettent de conclure aux rangs im portants, ta n t des donateurs que d u bénéficiaire. Le m o nastère valaisan réu n it, pour le prem ier m illénaire, les trois racines de l'a rt m éd iév al : l'a r t antique, occidental et oriental. M gr M arius Besson écrivait, en 1910, dans son ouvrage su r les Antiquités du Valais : "Parmi les cités de l'ancien royaume franc, il n'y en a peut-être aucune qui puisse présenter une

Episcopi M ettensis. - M arius B esson , Nos origines chrétiennes,

Fribourg, 1921, p. 97-98.

32 Monumenta Germaniæ Historica Scriptores rerum Mero-

xringicarum ID, Hanovre, 1896, p. 40.

collection de reliquaires antérieurs à l'an Mil, comparable à celle qu'offre le Valais"33.

L'abbaye, au d é b u t d u VIIe siècle, reçut des rois m érovingiens le privilège de frapper m onnaie (six m onétaires répertoriés). Pour l'ép o q u e carolingienne, qu elq u es oboles et deniers au tem ple stylisé so n t attrib u és au m onastère agaunois34. N ous retro u v o n s une p ro d u ctio n m onétaire à l'abbaye au XIIe siè­ cle : o n re m it p ro b a b le m e n t e n activité l'atelier déjà existant, car les deniers de 1140 re p re n n en t les légendes des m onnaies caro­ lingiennes avec la croix et le tem ple stylisé.

Saint-M aurice est en relation avec deux " Staastssymbolik" : la Sainte Lance va jouer un rôle im p o rtan t en G erm anie, dès le Xe siècle. Les seigneurs italiens offrirent en 922 la cou­ ro n n e royale à R od o lp h e II, accom pagnée d 'u n e lance-reliquaire dans le fer de laquelle se tro uv ait enchâssé u n clou de la vraie croix. Cette lance fu t très vite assim ilée à celle de Longinus. En 926, Rodolphe II d u t rem ettre au roi de G erm anie H enri Ier la Sainte Lance qui, p ar la suite, d ev in t lancea sancti Mauricii et com pta, dès la fin d u Xe siècle, au nom bre des insignes de l'Em pire rem is au roi lors de son investiture. O tton III, p o u r s'allier le duc de Pologne Boleslaw, lui rem it u ne copie de la lance de saint M aurice35. L'« an neau de saint M aurice » p ro v ien d rait de l'abbaye, où il au­

33 M arius Besson, 1910 (voir n ote 2), p. 18. 34 D aniel Thurre, 1992 (voir note 8), p. 26-27.

35 La lance est con servée au trésor d es H absbourg, au palais d e la H ofburg, à V ien n e - A. H ofm eister, Die heilige

Lanze, Abzeichen des alten Reiches, Breslau, 1908. - Albert Brack-

m ann, Die politische Bedeutung der Mauritius-Verehrung, 1937. - A. Bühler, Die heilige Lanze, dan s Das M ünster, H eft 3 /4 ,1 9 6 3 , p. 85-116.

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rait été rem is aux rois de Bourgogne, lors de leur couronnem ent. En 1250, Pierre de Savoie se le serait fait céder, et, depuis lors, tous ses successeurs se seraien t transm is le pouvoir p ar la translation de l'anneau. Laurent Ripart, dans u ne b rillan te étu d e, a p u établir que l'intaille rep résen tan t sain t M aurice à cheval

était contem poraine de Sigism ond, et que ce­ lui-ci, en terré à Saint-M aurice, fu t certaine­

m ent enseveli, com m e tous les rois barbares, avec son an n eau sigillaire : "il peut ainsi être tentant d'attribuer notre intaille à Sigismond. Il ne serait alors guère étonnant que l'abbaye royale de Saint-Maurice ait conservé l'anneau de son fondateur, dont elle entretint et diffusa le culte"36.

Les p lus anciens docum ents m anuscrits conservés à l'ab b a y e d a te n t de la seconde

m oitié d u Xe siècle, ce qui laisse supposer la d estru ctio n totale des archives p lus ancien­ nes. O n sait que le m onastère fut dévasté vers 940. La bibliothèque, q u a n t à elle, a été d é­

truite lors d 'u n incendie en 1693.

Étude des objets liturgiques et reliquaires

- Vase de sardonyx (haut, totale : 223 m m ; diam ètre : 114 mm)

Le p etit vase ritu el est creusé dans un m agnifique sardonyx de couleur bleu et brun foncé, aux veines rose fum é, et bleu laiteux (fig. 3)37. Il se com pose de deux élém ents dis­

36 Laurent Ripart, L'anneau de saint Maurice, dans Cahiers

Lausannois d'histoire médiévale 10 (Héraldique et emblématique de la Maison de Savoie), Lausanne, 1994, p. 45-91 ; hyp othèse ém ise p.

54.

37 B ibliographie sélec tiv e : Jean-D aniel Blavignac, H is­

toire de l'architecture sacrée du IV e au X e siècle dans les anciens évêchés de Genève, Lausanne et Sion, Paris, Londres, Leipzig, 1853,

tincts : la p ierre e t la m o n tu re, constituée d 'u n pied conique et d 'u n col. Cet objet anti­ que, recouvert d 'u n bouchon de cire jusqu'au déb u t de ce siècle, a longtem ps servi comme reliquaire. La décoration des figures scu lp ­ tées ap p artien t à la période alexandrine des

Ptolém ées, soit à la g ran d e trad itio n d e la

g ly p tiq u e h ellén istiq u e d u p re m ie r siècle avant Jésus-Christ. L 'artiste a tiré habilem ent profit des effets d e la pierre : les veines claires ont été réservées aux chairs des personnages, et les draperies o n t été taillées dans la frac­ tion foncée. Les figures com posent une scène funéraire ou m ythologique (fig. 4). La scène qui se dév elo p p e su r le p o u rto u r de l'objet m o n tre un e fem m e assise, qu i se reto urn e vers une autre femme d eb o u t tenant u n vase.

p. 151-156. - Edouard A ubert, 1872 (voir note 20), p. 151-157. - Jean-Jacques Berthier, Le vase de sardoine ou le vase d it de saint

M artin, à Saint-Maurice, en Valais, d an s Revue Suisse Catholique

XXVI, Fribourg, 1895, p. 513-516. - A d o lf Furtwàngler, Antiken

Gemmen. Geschichte der Steinschneidekunst im klassischen Altertum,

L eipzig, Berlin, 1900, Bd. III, p. 339-341. - Pierre Bourban, Les

basiliques et les fouilles de St-Maurice (le mobilier de la Basilique de S. Theodore, du 3' au 6' siècle), dan s Indicateur d'Antiquités Suisses

21, 1919, p. 97-108. - Paul Schatzm ann, Vase en sardonyx monté

sur cloisonné en or, à l’Abbaye de St-Maurice d'Agaune, dans Revue suisse d'art et d'archéologie (Zeitschrift fü r Schweizerische Archaolo- gie und Kunstgeschichte / Z A K ) 7, Bâle, 1947, p. 1-22. - Erika

Sim on, Die Portlandvase, M ainz, 1957, p. 64-74. - Charles Picard,

La légende de Phèdre su r le vase d'onyx du trésor de l'Abbaye de Saint-M aurice d'Agaune, dan s Gazette des Beaux-Arts 53, Paris,

1959, p. 193-214 ; id., Sur la situ le historiée de Saint-M aurice

d'Agaune, dan s Z A K 20, 1960, p.1-7. - Karl H. Usener, Zur datie- rung der Stephanusbursa, dan s Miscellanea pro arte (Festschrift Hermann Schnitzler), 1965, p. 37-43. - H ans-Peter Bühler, Antike Gefdsse aus Edelsteinen, M ainz, 1973, p. 51-53. - H ayo Vierck, Werke des Eligius, dans Studien zu r vor- und friihgeschichtlichen Archdologie, Festschrift fiir Joachim Werner Teil II, M ünchen, 1974,

p. 331-337. - Pierre Bouffard, Saint-Maurice d'Agaune, Trésor de

l'abbaye, G e n èv e , 1974, p. 66-71. - G erd a S ch w arz, D ie Onyxkanne in Saint-Maurice d'Agaune, dan s Helvetia Archæologica

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Le troisièm e p erso n n ag e est u n vieillard à longue barbe, assis, et s'a p p u y a n t de ses deux m ains su r u n bâton. Près de lui, un e femme assise à terre le regarde, la tête ornée d 'u n e couronne. Une autre figure fém inine se tient d e b o u t et soulève de ses deu x m ain s u n glaive d ans un fourreau. A u second plan, se trouve u n trophée surm onté d 'u n casque. Le dernier groupe se com pose d e deux chevaux placés côte à côte. Il est possible de recenser p lus d e quinze in terp rétatio n s iconographi­ ques d ifféren te s d e cette scène, a u cu n e n 'é ta n t satisfaisante ! La p lu p a rt to u rn e n t au to u r d u contexte d'A chille et de la guerre de Troie (Clytem nestre offrant u n sacrifice à D iane, A g am em n on avec Ip h ig én ie à ses pieds). Paul Schatzm ann y voit une scène des funérailles d'A chille à Troie. D 'au cu n s y re­ connaissent le retour d'U lysse à Ithaque, avec Pénélope, la nourrice Euryclée et U lysse dé­ guisé en m endiant ; d 'au tres Achille à Scyros au m ilieu des filles de Lycom ède. A d o lf F urtw àngler retient une tragédie d'Eschyle : C lytem nestre, effrayée p a r u n songe, m ande auprès d'elle Electre et la prie de p o rter une offrande su r la tom be d 'A g am em n o n ; p o u r les autres figures, il pense à la version p erd u e d 'u n d ram e latin, d ans lequel O reste dépose les arm es su r la tom be de son père. Selon Charles Picard, il s'ag irait d 'u n e scène tirée de la légende de Phèdre, et Ton serait au p a ­ lais de Thésée, p e u après l'an n o n ce de la m ort d 'H y p p o ly te. Finalem ent, selon Erika Simon, l'artiste a représenté, en s'in sp iran t de Virgile, les rites d 'u n e libation au tom beau de M arcellus, n ev eu et b eau -fils d 'A u g u ste . L 'hypothèse iconographique que n ous p ro ­ posons est une présen tatio n choisie de d iv i­

nités de l'O lym pe grecque, dans u n contexte funéraire, allégories de la sagesse et de la justice, re g ro u p a n t Prom éthée et Pandore au to u r d u char d'H elios. La réalité physique m êm e de la p ierre a certainem ent dicté la com position à l'artiste, d 'o ù une iconogra­ phie difficile à cerner. Il était courant d'offrir à u n m o n astère d es objets d o n t les sujets étaient païens, car seul le poin t de vue artisti­ que et précieux p résid ait à leur destination. L'anse, dont il ne reste plus que le tiers envi­ ron, était agrém entée de feuilles d'acanthes.

Les deux parties orfévrées sont un tra­ vail d e l'époque m érovingienne et rem ontent vers le m ilieu d u VIIe siècle, date probable du don au m onastère. O r et verroteries rouge- g re n a t cloisonnées sont relevés de pierres précieuses et de cabochons. La perfection technique de l'objet, ainsi que la rareté de sa m atière prem ière et sa taille en font une œ u ­ v re unique. Les so u verains susceptibles de posséder u n tel joyau m onté dans leurs ate­ liers, sont D ag o b ert (629-639) et Clovis II (634-657). Saint Eloi, reconnu comme le p a­ tron des orfèvres, a travaillé po u r l'abbatiale de Saint-Denis sous ces deux souverains et sous Clovis III38. L 'alternance de pierres p ré ­ cieuses et de perles, ainsi que l'agencem ent de celles-ci, tro u v en t u n p o in t de com parai­ son intéressant avec le travail d'orfèvrerie de la couronne d u tréso r de G uarraza, décou­ verte en 1858. C et objet w isighotique, avec la

38 Etat de la q u estion et bibliographie chez D anielle Ga-borit-Chopin, Les trésors de Neustrie du VII‘ au IXe siècle d'après les

sources écrites, dans La Neustrie, 1989, (voir note 25), p. 260-265. -

P our les ressources d e s rois m éro v in g ien s : Ian W ood, The

Merovingian Kingdoms, 450-751, N e w York, London, 1994, p.

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dédicace Reccesuinthus Rex Offeret présente, enchâssé su r trois rangs, trente saphirs cabo­ chons et a u ta n t de p erles, en tre lesquelles l'artisan a découpé des ornem ents en forme de palm ettes, d o n t les v ides étaient rem plis p a r des lam elles de grenats. Son exécution rem onte aux années d e règne d u souverain, soit entre 653 et 67239.

Une légende d u XIIe siècle déjà évoquée, fait passer ce vase p o u r u n d o n de saint M ar­ tin : l'évêque de Tours serait ven u à A gaune afin d 'h o n o re r les so ld ats d e la légion Thé- baine. Sur le cham p d u m artyre, il recueillit le sang de M aurice et ses com pagnons, jailli m i­ raculeusem ent d u sol. U n ange descendit d u ciel et lui rem it u n récipient d 'u n prix inesti­ mable, lui recom m andant ensuite de l'offrir à l'abbaye agaunoise. O n retro u v e les traces de cette épopée d a n s le p re m ie r inventaire de l'abbaye (du XVIe siècle), où le vase est m en­ tio n n é com m e Alabastrum ab angelo sancto Martino allatum in Veroleto (lieu d u martyre).

Ce vase a p eu t-être fait partie, avec la patène de serpentine de Saint-Denis, d 'u n lot de vases sacrés q u 'A tau lp h e, le prem ier mari de Galla Placidia, fit distribu er aux églises de G aule au Ve siècle40. La description d 'u n objet en possession d e C lotaire Ier (entre 558-561) po u rrait laisser penser a u vase de sardonyx.

Si l'o n retien t p o u r d ate le prem ier siè­ cle p récéd an t n o tre ère, on p e u t égalem ent su p po ser que ce vase ait p u faire partie du trésor de M ithridate VI, roi d u Pont, capturé p ar Pompée, et app o rté à Rome (et serait

ain-39 Cat. exp. I Goti, M ilano, 1994, p. 346-347.

40 Pour la patène, h y p o th èse ém ise par H ayford Peirce et Royall Tyler, L'art byzantin Vol. I, Paris, 1932, p. 77.

si attesté en 89 av an t J.-C). U ne m ise en p a ­ rallèle avec la "T azza Farnese" de N aples confirm e u n e d a ta tio n d u p re m ie r siècle avant notre ère p o u r ce camée m onum ental. La littérature propose d 'au tres œ uvres com ­ parables, p lus tardives : le vase de M antoue (ayant ap p arten u aux G onzagues), le grand cam ée d it "d e T ib ère" ou d e la Sainte- C h ap elle, a in si q u e le v a se d 'O n y x de B raunschw eig, p o u r les pièces les p lu s im ­ portantes. Lui est égalem ent contem porain la coupe des Ptolémées d u trésor de Saint-Denis (aujourd'hui au cabinet des m édailles). Cette coupe, ju sq u 'à son vol et sa redécouverte en 1804, avait une m onture d'orfèvrerie avec ca­ bochons41.

- Coffret de Teuderic (long. - larg. - haut. : 190 x 65 x 125 mm)

Le coffret de Teuderic, d u m ilieu d u VIT siècle, est orné su r le devant et le côté de p la­ ques d 'o r pailleté recouvertes de minces lacets d 'o r soudés, sertissan t p a r rab attem en t des pâtes de verre et des grenats, le to u t rehaussé de cabochons, perles et intailles, savam m ent disposés (fig. 5 et 6)42. Le cylindre de crétage

41 Cat. exp. Le trésor de Saint-Denis, Paris, 1991, p. 83-87. 42 Objet com portant égalem en t u n e riche bibliographie, m ais n'ayan t fait l'objet d 'a u cu n e m on ograp h ie (cité à titre com paratif dan s d e nom b reux ouvrages). - Edouard Aubert, 1872 (voir n ote 20), p. 141-145. - Emile M olinier, Histoire générale

des arts appliqués à l'industrie V ol. IV, Paris, 1896, p. 24-25. -

H en ri Leclercq, A gau n e, d an s Dictionnaire d ’Archéologie Chré­

tienne et de Liturgie / DACL 1 ,1907, col. 867-868. - M arius Besson,

1910 (voir n o te 2), p. 23. - E m ile M âle, L'art allemand et l'art

français du Moyen Âge, Paris, 1918 (2e éd. 1922), p. 13-14. - H ans

Z eiss, Die Herkunft der Fibel von Molsheim, d an s Germania XV, 1931, p. 182-190 (su rtou t p. 187). - G ün th er H aseloff, D e r

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est décoré de pâtes de verre incrustées à froid aux dom inantes bleues, alors que les incrus­ tations de blanc et de v ert sont de l'ém ail, ce qui m ontre u n ou v rag e de transition. A u re­ vers d u coffret se développe un e dédicace à saint M aurice, avec les nom s des com m andi­ taires et des orfèvres. L 'inscription est tracée d ans des losanges : T E / VDERI / GVS PRES / BITER IN H O / NVRE SCI MAV / RICH FIERI I / IVSSIT AMEN / NORDOALAVS / ET RIHLINDI S / ORDENARVNT / FABRI- CARE / V N D IH O / ET ELLO / FICER / VNT (ou : VNDIHO E TELLO), soit : Le prêtre Teudéric ordonna de le faire en l'honneur de saint Maurice. Amen. Nordoalaus et Rihlindis com­ mandèrent sa fabrication. Undiho et Ello (e Tel- lo ?) l'exécutèrent43. Ces nom s orientent les re ­ cherches q u an t à la provenance de l'œ u v re vers la Souabe, où le culte de saint M aurice était florissant au d éb u t d u VIIe siècle déjà44. L 'étude de la technique et la paléographie de l'inscription sem blent aussi étayer cette con­ jecture. La trad itio n attrib u e à to rt ce coffret au pape Eugène III, qui a visité le m onastère en 1147. Il s'a g it p lu tô t d u p a p e Eugène Ier (654-656), qui a accordé de nom breux privilè­ ges à la com m unauté agaunoise. Si le rôle de la papauté n 'est pas négligeable dans la

cons-1955, p. 220-234 ; p lu s particulièrem ent p. 223 ; p. 227 ; p. 233- 234. - Pierre Bouffard, 1974 (voir n ote 37), p. 59-65.

43 Tello : h yp oth èse ém ise par R u dolf M oosbrugger-Leu,

Die Schweiz zu r Merovingerzeit, Bern, 1971, Bd 2, p. 87, note 3 ; on

sait que Tello était é lève d e saint Eloi.

* Pour le texte, ou tre H en ri Leclercq, dans DACL I, 1907, col. 867-871, voir : Carl Pfaff & C h ristop h Jôrg, Corpus

inscriptionum medii sevi Helvetiæ. Die frühchristlichen lnschriften der Schweiz I : Die lnschriften des Kantons Wallis bis 1300, Fri­

bourg, 1977, p. 89-91, avec bibliographie. - Pour le culte de saint M aurice, Daniel Thurre, 1992 (voir note 8), p. 42-47.

titu tio n des trésors au cours d u prem ier m il­ lénaire, il ne l'est égalem ent pas moins dans la création d 'a u tre s œ uvres : l'am b o n sculpté, m is en place dans le chancel de l'abbaye ac­ tuelle date, avec ceux de Rom ainm ôtier et de Baulmes, d e la fin de l'é p o q u e m éro v in ­ gienne. R udolf S chnyder su p p o se que ces trois am bons ont été réalisés à l'occasion du voyage d u p ap e Stéphane II, qui ren d it visite au roi Pépin à la fin de l'année 75345.

Sur le devant d u reliquaire, au centre, se tro uv e u n pseudo-cam ée en m édaillon avec p o rtrait (saint M aurice ? le p rêtre Teuderic ? ou encore le mécène ?)46. Ce pseudo-cam ée est travaillé avec une p âte de verre im itant le tra­ vail lapidaire. Les spécialistes p ro p o sen t la G aule ou le Rhin p o u r lieu de production47. L 'Italie d u n o rd n e sem ble p as exclue non plus. U trecht, ainsi que Brescia et Cividale en conservent égalem ent. Parm i les deux grou­ pes de q u atre pierres de p a rt et d 'a u tre du

45 R u d olf Schn yder, 1979 (voir n ote 3), p. 168. - Voir au ssi : E ugène Bach, L'ambon de Baulmes et les ambons de Saint-

M aurice et de Romainmôtier, dan s M élange d'histoire et de litt. offerts à Charles Gillard, Lausanne, 1944, p. 114-132. - Léon E>u-

pon t-L ach en al, L'ambon et quelques débris sculptés de Saint-

M aurice, dan s Annales valaisannes, 1947, p. 310-340. - Louis

Blondel, Anciennes basiliques d ’Agaune. Quelques détails de cons­

truction et fragm ents de décor, dans Vallesia XVIII, 1963, p. 285-

287.

46 Victor H einrich E lbem , 1988 (voir note 25), p. 18-19, p ense au martyr.

47 G. A. S. Snijder, Frühmittelalterliche Imitationen antiker

Kameen, dan s Germania 17, 1933, p. 122, situ e la production "in Gallien oder am Rhein" p o u r les im itations d e cam ées. - Voir

encore : H. W entzel, Die "Croce del Re Desiderio" in Brescia und

die Kameen aus Glas und Glaspaste im friihen und hohen Mittelalter,

dan s A tti dell'ottavo Congresso di studi sull'arte dell'alto Medioevo Vol. I, M ilano, 1962, p. 303-320. - Ces cam ées et intailles p eu ­ ven t avoir appartenu aux d eu x com m anditaires, Nordoalaus et son é p o u se Rihlindis.

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camée, on reconnaît u ne intaille bleue avec la tête de Janus. Les p etits côtés du reliquaire sont décorés d 'u n e croix perlée flanquée au centre d 'u n cabochon. U ne petite plaque orfé- vrée fixée su r charnière p erm ettait la fixation d 'u n e lanière p o u r le p o rt en bandoulière.

G ünther Haseloff, d ans son étude de la crosse de Saint G erm ain, évêque de M outier- G randval (martyrisé vers 675), et du coffret de Teuderic, a été confronté à u ne région fron­ tière entre deux cultures : celle des alam ans et des burgondes. Il postule, à p artir de données archéologiques et stylistiques, l'existence d 'u n atelier d 'o rfèv rerie au m ilieu d u VIIe siècle dans la région s'é te n d an t en tre deux frontiè­ res n atu relles : la chaîne d u Jura, au n o rd - ouest de la Suisse - et l'O b erlan d bernois, au sud-ouest. U ne approche critique d e l'étu d e d u sav an t allem and p e rm e t d e rem ettre en q u e s t i o n c e tt e h y p o t h è s e . T o u te l'arg u m en tatio n d'H aseloff, relativem ent sé­ lective, vise à d ém on trer u n e provenance lo­ cale. A ucune source n 'a u to rise cette conclu­ sion qui se v o u d ra it définitive, bien qu'elle dem eu re envisageable. U n m ém oire de li­ cence récem m ent so u ten u à L ausanne loca­ lise, avec p a ssa b lem e n t d e vraisem blance, l'o rig in e de cette crosse d an s le su d-est de l'Allemagne48. Le cloisonné m ulticolore qui orne la partie supérieure d e la crosse est bien constitué d'éclats de verre et de pierre, et non pas d'ém ail, comme on Ta longtem ps affirmé.

48 Sarah Stékoffer, La crosse de saint Germain : état des

connaissances et perspectives de recherches (compte-rendu de mé­ m oire), dans A rt + A rch itectu re en Su isse 3 / 1994, p. 300

(anciennem ent Nos monuments d'art et d'histoire), id. dan s Cahiers

d'archéologie jurassienne n° 6,1995, p. 1-184.

- Aiguière dite "de Charlemagne" (haut. : 303 m m ; diam ètre : 163 mm)

R arem ent u ne œ uvre d 'a rt a suscité a u ­ ta n t de polém iques - aussi bien q u an t à sa provenance q u 'à la d ate de sa p ro d u ctio n - que l'aig u ière dite "d e C harlem agne", con­ servée au trésor de l'A bbaye de Saint-Maurice (fig. 7 et 8). C ette pièce énigm atique occupe, p a r ses ém aux, u ne place prio ritaire dans le débat su r les origines de l'ém aillerie cloison­ née. Les ém aux ont été, dep u is les études de ces 150 dernières années, datés entre les VIe et XIIe siècles et attribués avec une égale convic­ tion aux m ilieux iraniens, sassanides, islam i­ ques, avars, balkaniques, byzantins, alexan- driens, voire vénitiens, siciliens, m ilanais, et m êm e germ aniques49. D av id B uckton, p a r

49 D a n s u n e ss a i b ib lio g r a p h iq u e (L'aiguière dans

l'historiographie et l'histoire des arts précieux), n o u s avons recensé

150 m entions de l'objet ! (L’aiguière "de Charlemagne" au trésor de

l’Abbaye de Saint-M aurice : de l'art à l'idée du pouvoir, dossier critique, dan s Vallesia L, 1995, p. 197-316 ; résum é dans Helvetia Archaeologica, sou s le titre : L'aiguière de "Charles le Chauve” au trésor de l'Abbaye de Saint-Mauricè). D es bilans bibliographiques

ont été dressés par M eh m et A ga-O glu, Is the Ewer of St-Maurice

d'Agaune a Work o f Sasanian Iran ?, d an s A r t Bulletin XXVm,

1946, p. 161, note 1, ainsi qu e A n d reas A lfôld i, Die Goldkanne

von Saint-Maurice, dan s Z A K 10, 1948, p. 1-27, et G éza d e Fran-

covich , La brocca d'oro del tesoro della chiesa di Saint-Maurice

d'Agaune nel Vallese e i tessuti di Bisanzio e della Siria nel periodo iconoclastico, dans A rte in Europa. Scritti d i storia dell'arte in onore di E. Arslan I, M ilano, 1966, p. 133-175 ; ce dernier propose (p.

133-143) u n e approche critique d e la bib liograp hie, d o n t tout lecteur tirera profit. - Voir encore : Edouard Aubert, 1872 (voir note 20), p. 157-160. - Marc Rosenberg, Zellenschmelz Bd HI : Die

Frühdenkmaler, Frankfurt-am-Main, 1922, p. 22-28. - Percy Ernst

Schramm, dans Herrschaftszeichen und Staatssymbolïk. Beitrage zu

ihrer Geschichte vom dritten bis zum sechzehnten Jahrhundert, Stutt­

gart, 1954, p. 281-283. - A n dré Grabar, L'archéologie des insignes

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exemple, com pare ces ém aux avec ceux de la croix de l'im pératrice Théophano à Essen, et propose un e d atatio n de la fin d u Xe siècle. Même si la com paraison est soutenable sur le plan stylistique, celle-ci ne p erm et pas d 'en déduire que les ém aux soient contem porains, ce d 'a u ta n t p lus que les h u it plaques de for­ m at carré placées aux extrém ités de la croix - de style et d e coloris différents - so n t des élém ents rapportés, antérieurs à la fin d u Xe siècle50. Selon nous, ils ont été p ro d u its en Géorgie, au cours d u IXe siècle (fin d u VIIIe siècle a u p lu s tôt). C ette hypothèse, jam ais envisagée ju sq u 'à p résen t (bien que quelques auteurs aient intégré l'aiguière dans une liste contenant égalem ent des ém aux géorgiens, tel le m édaillon de T héodore d u trip ty q u e de Khakhouli, à cause d u fond vert), perm et une m eilleure com préhension de la diffusion des ém aux cloisonnés et de leur origine. N ous postulons que le C aucase a p ratiq u é cet a rt avant Byzance et que la m étropole a hérité de cette technique. Le prem ier indice a été, po u r nous, la qualité des ém aux, la saturation des tons, et la présence d 'u n e couleur lie-de-vin due à l'u tilisatio n d e m anganèse d ans les re­ cettes géorgiennes51.

Le rayonnement de l'art sassanide dans le monde chrétien, dans A tti del Convegno Internationale su l Tema : La Persia nel Medioevo, Accademia Nazionale dei Lincei, 1971, p. 693. - Günther H aseloff, Email imfrühen M ittelalter, M arbourg, 1990, p. 25-31.

50 D avid Buckton, Byzantine Enamel and the W est, dan s

Byzantinische Porschungen 13,1988, p. 241-242.

51 Pour les ém aux géorgien s, voir Schalva Am iranachvi- li, Les émaux de Géorgie, P aris, 1962. - O le g Z a stro w ,

"Provincialismo" dello smalto Georgiano medioevale, nel contesto délia coeva produzione bizantina ?, dan s A tti del primo simposio intemazionale sull'arte Georgiana (Bergamo, 28-30 giugno 1974),

M ilano, 1977, p. 311-322. - Cat. exp. G en ève, 1979, L'orfèvrerie

géorgienne du VIIe au XIX e siècle. - G ouram A b ram ich vili &

La prestigieuse aiguière a longtem ps été considérée comme u n cadeau de l'em pereur C harlem agne au m onastère. La trad itio n lo­ cale, qui se fonde su r u n écrit d u XVIIe siècle, attribue égalem ent à sa m unificence une ta­ bula aurea estimée à 66 m arcs d 'o r fin en 1150 et ornée de pierres précieuses. Celle-ci, m en­ tionnée dans u n m anuscrit, fut cédée au dé­ b u t d u XIIe siècle au com te A m édée III de Sa­ voie p o u r finan cer sa p a rtic ip a tio n à la deuxièm e croisade52. Il est in té re ssa n t de constater que, dans les inventaires, aiguière et vase de sardonyx so n t toujours associés et, ju sq u 'a u XVIF siècle, attribués au m êm e do­ nateur : saint M artin53. La bourse d'Enger est à com pter parm i les dons im périaux reconnus. C harlem agne l'au rait offerte en 785 à W idu- kind, à l'occasion de son baptêm e à A ttigny54. L 'em pereur s'est ren d u plusieurs fois en Italie et a franchi les Alpes entre 780 et 800. En 804,

A lexandre D javakhichvili, L'or et les émaux de Géorgie, Paris, 1986.

52 D aniel Thurre, 1992 (voir note 8), p. 85-87.

53 A bbé M ilès (1550-1572) : n° 21 : Cantharus argenteus

miro decore om atus, quem sanguine sanctæ Thebaicæ legionis ple­ num, id. sanctus M artinus reliquerat (l'auteur a écrit argent au

lieu d'or). - L'inventaire in éd it d e 1628 m en tion n e l'aiguière sou s ce libellé, p. 107-108 : (vase d e sardonyx : art. 12 (Anno Dni

380) Vas quod Agatam vocant mirabile ac impense pretiosum S. Martino Turon. Epo divinitus traditum pretioso Thæbæorum M arty- rum sanguine repletum, suoque majori signo obsignatum) ; art. 13 : Item aliud Vas ex argento deaurato mirabili structures arte elabora- tum quod etiam idem Beatus Episcopus cum dicta Agata, Thæbæo cruore refectum reliquit.

54 Berlin, K u n stg ew erb e m u seu m . - V ictor H einrich E lbem , Ein frankisches Reliquiarfragment in Oviedo, die Engerer

Burse in Berlin und ihr Umkreis, dan s M adrider M itteilungen II,

1961, p. 183-204. - Pour l'étud e d es bourses-reliquaires : id., Das

Engerer Bursenreliquiar und die Zierkunst des frühen Mittelalters,

dan s Niederdeutsche Beitrdge zu r Kunstgeschichte X, 1971, p. 41- 102 ; Xin, 1974, p. 37-96d.

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il envoya son fils C harles à Saint-M aurice po u r recevoir le p ape Léon III55.

À la suite d 'u n e étu d e approfondie de l'objet, nous envisageons sérieusem ent C har­ les le C hauve (840-877) com m e donateur. Ce d ernier à offert à Saint-Denis u ne table d 'o r vers 862, œ uvre p erd u e en 1794, mais connue p ar u n tableau des années 1500, conservé à la N atio n al G allery de L ondres. Le tréso r de Saint-Denis lui do it encore la "tasse de Salo­ m on" ou "co u p e de C hosroès", d u VT-Vïïe siècle, conservée au C abinet des M édailles de la Bibliothèque N ationale. Cette coupe a suivi à p eu près le m êm e itinéraire historiographi- que que l'aiguière en ce qui concerne son h y ­ pothétique provenance56. C harles le C hauve a encore offert à Saint-Denis la patèn e d e ser­ pentine, ainsi que des ivoires qui ornaient les reliures d u tréso r ; l'escrain d it "de C harle­ m agne" - ou p lu tô t "de Kalle" - revient éga­ lem ent aux ateliers d u petit-fils de C harlem a­ gne57. De m anière effective, l'im portance de ses dons reste m esurable. C om m e l'attesten t les sources, C harles le C hauve a transité p ar A gaune en 875 p o u r se ren d re à Rome, et en 876, p o u r retourner à Saint-Denis58.

æM G H SS I, H anovre, 1826, p. 192 (anno 804).

56 À ce p r o p o s , v o ir : D a n ie lle G ab orit-C h op in ,

L'orfèvrerie cloisonnée à l'époque carolingienne, dan s Cahiers ar­ chéologiques 29, 1980 / 1981, p. 7-8 et p. 25. - Cat. exp. Byzance,

Paris, 1991, p. 81-82.

57 Cat. exp. Le trésor de Saint-Denis, Paris, 1991, p. 48-50

et p. 92-94. - Jean H ubert, L'escrain dit de Charlemagne au trésor de

Saint-Denis, dans Cahiers archéologiques V, 1949, p. 71-77 ; p. 76 : "les m ots « que l'on appelé l'escrain Kalle » fo n t voir clairement comment une confusion innocente ou très volontaire a permis, par la suite, aux gardiens du trésor de substituer le nom de Charlemagne à celui de Charles le Chauve".

58 H incm ar d e Reim s, Annales Bertiniani 3, Hrg. G. H. Pertz, d a n s M G H SS I, H an ovre, 1826, p. 498 (ann o 875) :

L'aiguière est ornée, su r la panse et sur les faces d u col, de plaques d 'ém au x cloison­ nés. Dans le jeu des ém aux v erts et grenats translucides et des blancs, verm illons, jaunes et bleus opaques se dessinent, d 'u n côté, un arbre de vie flanqué de deux lions affrontés et, de l'autre, deux griffons ailés à bec d'aigle, disposés de p a rt et d 'a u tre d 'u n e plante lyri- form e (D m ajuscule que l'o n retro u v e dans des m anuscrits géorgiens)59: cette iconogra­ p hie est orientale, d an s u n style héritier de l'art sassanide. Les ém aux au raien t été, selon A ndreas Alfôldi, prélevés sur le sceptre du roi des A vars. C ette p e u p lad e fu t vaincue p ar Pépin, fils de C harlem agne, en 796 ; un trésor ram ené de l'est est effectivem ent m entionné d ans les sources60. C harlem agne ay an t

sélec-"Carolus... per sancti M auritii monasterium pergens, montem Jovis

transiit et Italiam ingressus fu it, (anno 876) Anno Domini 876, in die nativitatis Domini beato Petro multa et pretiosa munera offerens, in imperatorem unctus et coronatus, atque Romanorum imperator appellatus est ; et Nonas Januatrii Roma exiens, Papiam rediit, ubi et placitum suum habuit, et Bosone, uxoris suaefratre, duce ipsius terrae constituto et corona ducali om ato, et collegis eius quos idem dux espetiit, in eodem regno relictis, per montem Jovis et per monasterium sancti M auricii rediens, ut pascha Domini apud monasterium sancti Dionysii celebrare valeret, iter acceleravit".

59 Jürgis Baltrusaïtis, Etudes sur l'art médiéval en Géorgie et

en Arménie, Paris, 1929, fig. 38, p. 27 (évangéliaire d e Djrouch

936, Bibliothèque ethnographique d e Tbilissi n° 1667, p. 28).

œ P ercy Ernst Schram m , Herrschaftszeichen und Staat- symbolik, Stuttgart, 1954, p. 283, n ote 1 : M G H SS. I, H anover,

1826 : Annales Laurissenses, p. 182 (796) : "inde tu lit (Pippin)

thesauros m ultiplices et transm isit patri suo, et ipse postea cum exercitu suo et magnis thesauris Avarorum pervenit in Francia" ; Annales Laurissenses : “(Carlo Magno) in A quis palatio filium suum Pippinum e Pannonia redeuntem et partem thesauri, quae remanserat, adducentem laetus aspexit, adque ibi natalem D om ini ac pascha celebrtavit". - Eginhard, Vie de Charlemagne (éd itée et traduite

par L ouis H alp hen), Paris, 1947, p. 39 : "Pas une guerre, de mé­

moire d ’homme, ne rapporta à ces derniers un pareil butin et un pareil accroissement de richesses : eux qui, jusque là pouvaient passer pour pauvres, ils trouvèrent dans le palais du khagan tant d'or et tant

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