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SARTRE CRITIQUE LITTERAIRE :
FONDEMENTS DE L'ANALYSE
by
Anne-Fanny VASSAL
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AThesis
submitted to theFaculty of Graduate Studies and Research in partial fulfillme~t of the requirements
for the degree of
lJ
Master of Arts
Department of French Language and Literature McGill University, Montreal
November 1983 Anne-Fanny Vassal, 1983 .'
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\ RESUME " "..
L'essentiei de la pensée de Sartre réside dans sa
"-conception de la liberté et de l'ampleur qu'il lui dpnne.
De L'Etre e~ le Néant à L'Idiot de la.famll1e, le choix li- . " bre que l'homme fait de lui-même évolue én fonction d'événe~
,
ments soit extérieurs (politiques, sociaux), SOlt lntérieurs donc d'ordre biographique. Dans la présente étude, nous
ten-.'
ton's d ~ ë3falyser ce mouvement "bidim~ns~onnel" 1 à partir des'
ouvrages critiques de Sartre.
Il s' agit toult d'abord de le situer par' rapport à la
~
.
...
littérat~re, 'plu~ précisém~nt 'celle
dé
i''après-gu~rré. Puis,
.
,'nous étudlons les deux types' d~ méthodes utilisées par Sartre: la psychanalyse
/3t
le marx,j.·sme. Par ailleqrs, notre propos '. envisage la critique sartrienne dans une dimensioh plusroma-n~sque et autobiographique que formell~, et théoriqué. En' dernier lieu, nous replaçons Sa~tre dans son propre mouve~ent
dialeetique et dQns' le mouvement totalisateur de ~'Histoire.
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1 1 L..
ABSTRACT DThe essençe of Sartre's thought lies in his concép-tion of freedom and the dimension which he attr~butes to it. From L'Etre et le Néant to L'td~ot de la fam~lle, the free
)
will which man exercises
eV~l~es ~n
relation to events that1
are el.ther exterior (polit~cal, soc~al), or t'nter~or, that ~s to say, of a biograph~cal nature. This w9rk attempts xo anal-yse this "two-èimensional I l movement from the perspective of .
Sartre's critical writ~ngs.
This
en(~~s,
first of aIl, examining Sartre's posi-tion vis-à-visl~erature, 'espe~iallY pos~-war lite~ature.
l'
Then the two critical methods used by Sartre: psychoanalysis and rnarxisrn, are studied. Sartre's critical ~pproach is considered more from a romanesqu~'and autob1ographicpl dl.rnen-sidn than from a formaI and theoret~~al one .. Fl.nally, Sartre
.
.
.
,is . v.iewed from the perspective of h~s own, di,ëil~c'tical mov~rnent
•
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and the all~encornpass~ng (" totalisa teur") movernen t of H~sto'ry.,
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1/
MçGILL UNIVERSITY
FACULTY
9F
GRADUATE STUDIES AND RESEARCHDate
1
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AU THOR
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NAME
--~---~~---~---~~-PEPARTMENT __ ~ __________________________ ~~ _____ D_E_GR_E_E __ S_O~U_GH_T __ : ________________________ __
TI~E OF THESIS ~ __________________________________________________ ~j~' _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
1 ·
1.
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Authorization fs hereby given to McGill University to make this thes~s available to
readers in a McGill University Library or other 'Library. either in its present form"
or in reproduction. The author reserves other publication rights. and neither the
thesis nor extensive extracts from it may be printed or otherwise be reproduceq without the author's written permission.
2. The authorization is to have effect on the date given above unless the Executive
C6mmittee of Couneil shall have voted to defer the date on which it is to have effect.
If 80. the deferred date is:
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S~gp~ture of Dean,requirèd if dat~ ia inserted in paragrâph 2 • . r ' (Français au verso) " Signature of Au'thor Pe~anent Address:
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TABLE DES' MATI ERES
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Chapitre premier - SARTRE THEORICIEN DE LA LITTERATURE
Qlt' est-ce que la l~ ttératur~? .
.L'évolution de la l~ttératuré •
· ·
·
.
.Le paradoxe prose/poésie
.
. · ·
· ·
·
·
·
• Défini tion de la l i ttératur'e
·
· ·
· ·
·
·
/
,
1 Le rôle social de l' "écrivant"
·
·
·
.Le rOle de l'écrivain.
.
·
·
·
·
.... Le critique et' son o,bjet
· · ·
·
·
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ItGhapjtre II, - CRIT1~UE LITTERA,l:RÈ ET,,,PSYCHANALYSE '..;
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La psychanalyse existentielle.·
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.tntroduction .Oéfinition . 1'1·
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-Dialectique ontologique et psychanalyse
existentielle. . ' .
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Baudelaire: l'histoire d'une conscience Sa.int Genet, comédien' et, ma'rtyr . . •
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" La méthode progressive-régressive: "L'Idiot de .
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fam~lle • .,~. • • ô • i i ,.
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" : .Chapit;re III CRITiQUE LITTÉRAIRE ET MARXISME- . 83
L'idéologie marxi~te ' . .
· .
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83·
' .Approche critique. • • • ~ • I~ • 83 90 . Marxisme et Existentialisme . • Histoire ou psychanalyse· .
· · · ·
.La névrose objective
)
"·
· ·
· · · ·
.I:.a liberté de L'Etre et' le Néant à L'Idiot
de la famille.
.
. . · . . .
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·
·
· ·
· ·
v
Chapitre IV AUTOBIOGRAPHIE ET FICTION .
Critique littéraire et autobiographie~ .
·
.
.Baudelaire . Genet.
...
• ''fi• • • • t • • • • • • •
Critique littéraire et fiction
·
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'''~ -4 .Fraubert .Les Mots CONCLUSION. . . .
B IBLIOGRAPHI.E ..•.
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1
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INTRODUCTION
~'obJet littéraire doit se~vir à esquisse~ le monde en tant qU'1l est nécessa1rement le moyen par lequel la totalité du monde se manifeste. L'oeuvxe doi~ donc
répon---~
dre de l'époque à deux n1veaux-:' d'une part, ,l'in~rtion
. \
sociale de l'écrivain~ d'autre'part, à partir de cette inser-' tion, le monde social entier. D'emblée, nous voyons se dessiner •
deux lignes directrice~ de la pensée de Sartre: la dim~ns10n
•
socio-culturelle comme repré~entante de la pràxis sociale, l'élément singulier qu'est l'auteur comme représentant de la praxis individ~elle. La littérature se~ait donc un-double
J
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1
1
1
dévoilement à la fo~s' obj ectif (dans un contexte historique
1
précis) et subJéctif (1
'intégrat~on part~culière
'df l 'au-.
, ,
teu~ dans ce contexte)~. L'époque où nous nous situons
(1945-1975) conduit'à défin~r l'écr~vain plus précisément. I l a , pour matériau 'de départ la langue commune, il doit l' utili-ser 'comme méd~ation, afin de donner à la littérature le "cha-risme" d'une col'nmun~cation. Son sUJet, c'est l'un~té du monde san$ ces~e rem1se en question par le double ~ouvem~nt
"
(
de l'intériorisation et de l'extériorisation •.. ,,1 En
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•
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2tant ~ue communication, l'oeuvre litt~raire s'adresse au
lecteur af~n qu'il la transforme en lui donnant une diiension
~ la fo~s un~verselle et singuli~re qu~ lui soit appl~cable.
"Ecrire pour l'époque, ce n'est pas. la refléter passivement, .c'est vouloir la mainten~r ou la changer, donc la dépasser
2
vers l'aven~r."
Vo~là donc de manière succincte la position de &artre; face ~ l'~crivain de 1945. Cette' attitude très partiale
re-/
lève de la philosophie ex~stentialiste et de la liberté pro-•
clamée comme dénominateur commun à la nature humaine. Il ne serait donc pas étonnànt, après la lecture de ces principes,
• J
"- de s' apercevo~r que Sartre, se S~ tue à une période de
transi-~
tion concernant la critique littéraire. Que l'on songe sim-plement à l'accueiL qu'a re~Q La NaUsée. 'Pour ~es uns c"~ait
!
la chute de la littérature. Les autres y voyaient, au Con-traire, une nouvelle for,me, éclatée, dégagée de~ carcans du style, ouverte à des sujets neufs, plus réalistes. Si la littérature prenait alors avec Sartr~, une 'tangente diffé- " rente, allant aans le sens des préoccupations de l~époque
{vers 1945, l'engagement existentialiste était loin d'être
uniquement ihtellectuel: i l Y avait certes une " re lèye" à
assurer~ mais le cadre polLtico-social était primordial), la
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1
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INTRODUCTION 1 ---1 1L'objet littéraire ~oit servir à esquisser le monde en iant qu'il est .nécessairement le moyen par lequel la
l
totalité du monde se ~anifeste.dre~de l'époque à ~ux niveaux:
L'oeuvre doit donc
répon-~~
d'une part, l'insertion
\
sociale de l'écrivain, d'autre part, à partir de cette
inser-..
..
tion, le monde social entier. D'èmblée, nous voyons se dessine; deux lignes directrices de la pensée de Sartre: la dimension socio-culturelle comme représentante de la prqxis sociale,
1 ' élémen t sin gu 11er qu'est l'au teu
r
comme r epr é sen tan t de1
la praxis individuell~. La littérature serait donc un double dévoilement à la fois objectif (dans ~n contexte historique
p~écis), et subJectif (l'intégration particulière de
l'au-teur dans ce contexte). L'époque où nous nous situons (1945-1975) conduit à définlr l'écrivai~ plus précisément. Il a pour matériau de départ la langue commune, il :1P~ t l' u
tili-\
ser comme médiation, afin de donner à l,a l i ttérature le "cha-risme" d'une -commun lC'a tion . " Son sUJet, c'est l'unlté du monde sans cesse remise en questlon par le ~ouble mouvement de l'in tér ior lsa tion et de l ' extér ior lsation .. ~ ,,1 En
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critique littéraire allait dev~ir une constellation de
"spé-1
ciali tés" différentes où Sar tre prendl\ai t une"'" ~lace plus ou
•
omoins précise. En effet, s ' i l est vrai qu'il a été reconnu ~
comme écrivain, le peu d'analyses concernant sa crftlque
lit-,.
téraire peut surprendre. Il n'est pas question 'pourtant de mettre en doute la valeu~ de ses écrits. Cependant, le per-sonnage Sartre en tant qu'écrivain est d~fficile à cerner. Sartre est-il un écr~-va~ engagé ou un militant eI1gagé? Il faut se convaincre, au départ, que la liberté' qu'il revendi-que pour tous et au nom de tous, est u~ prérequis à n'importe quel trpe d'écriture qu'il soit philosophique, jOurnal~stiq~e,
rrOmanesque. Ceci fera intervenil> ~î5iais au tout qébut dl l'analyse. Contrairement à une méthode 'qritique formell,e qui
/
construit un objet à partir d'un niveqa 0, Sartre batit son analyse sur une base de-- données dont->la démonstration est
supposée avoir été faiUe ai~leurs. C'est donc en fonction de cette "originalité" propre à Sartre critique que nous nous
,-proposons d'étudier ses oUvrages, de Baudelaire à L'Idiot de
'.
,
la famille.
•
Sartre n'a J~ai~ envisagé
clatement des genres, pourtant il y participe assez
systéma-,
tiquement. C'est gans doute une des raisons pour lesquelles
•
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" 1 1
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4
peu d'analyses conce~nent son oeuvre critique. En effet, L'Idiot de la famille est contemporain de nombreuses recher-ches en théor~e littéraire. Dans ce sens, nous pouvons nous demander si la critique sartrienne n'est pas une application
prat~que de ces nouvelles problématiques. Outre les
prére-L
quis politiques dont nous tiendrons compte tout au long de notre étude, il faudra mettre en évidence le "double-jeu" que S~rtre .opère sur ses auteurs. L'éclatement du genre (si l'on pense à L'Idiot de la famille) trouve son parallèle dans la diverslté des méthodes utilisées par Sartre pour rendre compte de son objet. Il ~dra définir la psychanalyse et le marXlsme en relation
ave~ philosoph~e existent~~liste
avant de mett~e en application' ces types d'analyses sur l'ob-jet littéraire proprement dit. Le but de notre propos ne1
sera pas de dééouvrl~ si la criti~ue de Sartre est plus pro-che de l'une ou de l'autre méthode. Selon nous, si Sartre a décidé de faire de l'engagement et de la liberté ses idéaux,
.
ce n'est pas pour offrir au lecteur un ouvrage crltique
sous-~endu par un cadre méthodolog~que très rigide. Prenons par exemple son théatre: Oreste dans Les Mouches représente le
mod~le du Français sous l'occupation, cherchant à s'engager
,
et à vaincre sa liberté, fut-ce en 'tuant. On constate cette
fi
~.
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1
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dualité'dans la totalité de l'oeuvre de Sartre. C'est un ' j
mouvement incessant entre l'élémént philosophique ~t 'l'élé~ ment littéraire, la psychan1lyse et le marxisme, l'homme de lettres et le militant.
~
Ces réflexions nous am~neront dans un dernier chapitre à tenter d'établir une synth~se entre
~
la création l i ttéra~re et l'a.utobiographie dont nous cro.yons· •
•
qu'elle se dessine de Sartre.
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clairement dans les ouvrages-de critique
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, " .' 6 , , Références - Introduction ) t/..
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"
lJean-pa'ul Sartre,
f!l~id,Oyer
pour les intellectuels (Paris: i.a'L'-imard, 1972), p. 101.Sar,t're
/'
,
,2Michel Contat .et Michel Rybalka, Les-écri ts de (Paris: Ga~limard, 1970), p. 674. :1;
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' CHAPITRE PREMIE~ ... 'SARTRE THEORICIEN DE LA LITTERATURE
r
Qu'est-ce gue la
littérature?-L'évolution de la littérature
~
Avant d'élaborer la conception de la littératùre
, 1
selon'Sartre, i l convient de situer ce phénomène dans une perspecti ve historique et sociale, et d' esquisse:t;' s;on
évolu-j •
.
.
tipn. L'écrivain d'une époque donnée n'est pas un individu exclu du ,reste de la société. I l vit au sein d'une
collecti-~ité certains événements qu'il décide, 'pai,libre choix, de
transcrire et de faire partager soit en le~ dénonçant, soit. en l,es accep:tant. ,Il est',engagé dans son temps. La liberté est.à la base de. sa décision: un homme devient écrivain 'par libre projet. Par ailleurs, le public existe indépendamment
1
de l'auteur. C'est ce public qui le définit et lui attribue ,
..
une certaine fonction sociale: i l devient donc médiateur."
Ecr i ture et lecture sont les deux fa'ces d'un même fait d'histoire et la liberté ~ 'laquelle' l'écrivain nous ccnvie ce n'est pas une pure conscience' abstraite' d'être libre., J;:l'le n'est pas à proprement parler, elle se conquiert" dans une situation historique ... l . '
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8Ainsi, quelle que soit la société, l'auteur se trouve en con-flit avec des forces antagonistes auxquelles i l donne une conscience malheureuse. ( En effet, l' écr i vain devenan t
.'média-;
teur, présente à la soclété sa propre image. Elle le 11t avec cynisme et tombe dans la mauvaise foi. "Il arrlve donc
p~rfols que l'écrlvaln allIe contre les lntérêts de ceux qui
l'entretiennent. Ce conflit persistera tant que l'écrlvain n'élargira pas son pubfic réel (conservateur) à un public vir-tuei (progressiste). C'est dans ce sens que Sartre fait
intervenir l'importance de l'autocrltique. Tant que l'écri-vain-ne tentera pas une réconciliation des diverses tendances,
"
il conse~vera,lui aUSS1, un fond de mauvaise consciencé .
-Au Moyen Age, les écrivalns n'ont pa~ mauv~ise cons-cience. Ce sont des clercs et ils écrivent unlquement pour
, '
des clercs. Le clerc, est absorbé par la classe "dir igeanbe": on le nourrit, en revanche i l devient gardien "de l'idéologie dominant'e: le christianisme. La soaiété de l'époque a besoin
de ~rouver la sup.riorité du Splr1tuel sur le temporel. Elle
a donc. créé des responsables." La cotltestation est rédul te "à son mi1iimum. Quand,bien même .elle exis~erait, le peuple n'en
~uraif pas connalssance. On lui rés~r~e, s~lon Sartre, un
langage bie~-plus ~imple que l'~criture: l'image:
Au XVll e - siècle 1 le publ"ic s.' agl:andi t, la la!-cisation des
-.
-,
.~ -~
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.
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(
" " 9écrit~ se termine; san~ pour autant que la litt~iature ait
qui tté la voie de la cla's'se dominan te': Le lecteur est un' hon-nête homme et il juge ~'oeuvre en fonction du griOt. L'écrivain
, '
n'a pas d~ mission part~culi~re; son obJectif est clair: dévoiler le monde dans lequel il vit~ c'est-à-dlre celui qui le fqit Vlvre. Bien sOr, les masses sont é+iminées du
dis-cour s, . mais en lui ?ffran tune desc.r iption in,connue tu squ ' alors, on permet au lecteur de connaître et peut-être,de se reconna1-tl:e.
[L'art du XVlIe si~cle co~d] l'homme uni-versel avec les hommes singuliers 'qui d~tien7' nent le pouvoir, il ne se ,dévoue à la libér~tion.
d'aucune c~tégorie concrète d'opprimés; P9urtant' l ' écr ivain, bieh que\ t9talement as'simil é par' la classe d'oppressiop, n'e~ est aucunement'com-,'plice; son oeuvre 'est incontestablement
libéra-trice puisqu'elle a pqur effet, à l'intérieu~ de cette c,lasse, de libé:rer l' homme de lui-même. 2
,"
Au XVIIIe siècle, les classes se précisent, la ~our~
geoï~ie monte, l'idéologie noble perd de son 'prest~ge . .
L'écrivai~ va permettre aux lecteurs de prendre conscience de
leur autonomie et les lnclter à la révolte.
on n'~ pas assez dit qu'une classe he pou-vait acquér±r s~ consc~ence de cl~sse que si elle se voyait à la fois dù dedans e~ du dehorsi autrement dit, si elle bénéfi~iait de concou~s
extérieurs: c'est à quoi servent les
~ntellec-• tuels, perpétuels
décla~sés.3
,
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1
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" + ( • # .~ V .... R&ÇC";- - -"111;"--- -,.
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..
10Alors' q'u ',au XVIIe siècle l~ p~p.nomène li'ttérair"e épo~sait étroi tement les' ~~g~s de l,a classe dominante, 1 e
au XVIII', '
" .. ~ '"
l'écrivain va dans le sèns de l'évolution h1storique, se
fa!-s~nt le porte-parol~ d'une ~o~rgeoisie au seuil.de la
~ontes-tation~ On ne demande pas à l'écrivain de touc~et Aux princi~
pes fondamentaux (l'idéolog1e bourgeoise est encore trop fragile pour se prêter à un ,effondrement) 1 mais de les
d~ssé-,
quer ~n' pa~ties élémentaJ.r~s afin de les rendre intel11gib).es .
•
C'est la première fdis, en .effet dans l'histo~re de 'la
litté-.
rature " qu'une classe opprimée dev1ent un public réel pour 1 ' écr i va i'n . Il a donc à faire face
à
'certaines'c~ntradictions • dans la mesure' où il- n 1 est plus le représentant d'une classe.
dominante •
•
l ' Cette'solldar~té fàcé à la classe bo~rgeoise se
tJ;ansformera chez l ' écr.i vain du XIXe , siècle én socialisme-'
, ,
sO,us-pro,dui t,de l'idéalisme bourgeo1s-: le peuple sera le sujet. des oeuvres plutOt qu~ le ,public (ses' reven"dica tions sont
• 1
.d'ordre matériel et ne correspondent 'pas ~ux lib~rtés formelle~ q~e les écrivains défendent). C'est maintenant le prolétariat q{ui veut le pouvoir." Or -la littérature', dégagée des idéologies' "religieuse et bou~geoise, s'~dapte mal â ~e chang~ment. Elle
n'est pas'à la p~rtée 'd'un public ~uvr1er, ~t donc ~lle sert une forme de conservatisme social.
, Elle donne'
à
la bour,gepisie,-.
...
"(
.: ;,
" , "\ I l 'Et, finalement, p~r le biai$ du cynisme, l'écrivain-~~ouhaite conserve+ l'otdre social pour 'p<?ûvoir ,s'y sent1r up. étranger à demeure
C
•• :),:
,c'est unré-" ' 4
vol t;é,' non pas un révolu tionnaire" .
, ' A l'intér1eur d'une'soc~étê ~onnée, la littér~tur~,
afin de ne pas être a11énée, doit pî'ouver son' autonomie 'et ne
"
'pas accepter les lois et les idéol~giéS d'une pU1ssance d'un
, ,
moment. Selon Sartre, ceci ne pe~t se 'réaliser pleinement que
1 1 r "
dans une ,société sans classes où le public et' le sujet ne fe-'
.
.
.
1
raien't qu'un'. C'est·un changement qU1 né's'opèrera que dans un régime' sociali.ste, à un moment indétJ3rminé -de l ' histoi're, .
•
le Jour où l~ marxisme (comme nous le verrons au chapitre III) comprendra ses carences, et su~tout lorsque l'écr~vain se choi-sir a lui-même plutôt que de se choichoi-sir groupe.
l ,
Ainsi ( .. ~) la littérature ( ••• ) comprenârait
que sa fonction est d'exprimer l'universe~ . ; concret à·,l"iuniversèl concret et sa fin d'en
appeler à la liberté des ~omm~s,pour qu'il~ réalisent et maint1ertnent le règne de.la li-ber té huma1ne. 5
•
Cela peut sembler utopique, mais le rOle
de
1 ' écr,ifra.iri est ~'• 1
justement, dans lridéolbgie sartr.ienne, de teirdre Ivers cet absolu. "
.
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Le paradoxe p.i:osè
1
poésie',..
" , , , fi.
' "Il est important de n?Fer la difference ét~blie par Sart:t:'e en-tre la, prose et la
~o.é'~i.e d~ns
ra'~es~re'
où elle •/
évolue au cours de ses ceu vres cr i tiques. ,Elle 'e~t ïdent~que
\.
,à celle ,établie-entre le signe et l'obJet. Alors que;la prose rénd cômpte des ?ignifications du monde, la poé~le utillse le
mo,~ co~m~ image. Autrement dit, le langage devient un reflet
: !
du monde èt,~on
plus. ;'ne dénoncla tlO,n :-'
..
"
, '
[Le s'chèmè de la pflrase] ne'préside-pas
à:
,l,a construction d' une significat~o'n;" i l se rap-procherait plut~t du projet créateur, par quoiPica~so'préfigure dans l'espace, avant ,même de toucher' à son pinceau" cette chose ~ui dev~en
dra un saltimbanque ou un Arlequln.
•
t~ prosateur est en situation dans·le lang~ge. ,
-
Le poète est.
hars du langage. Il s~mble établir un premier contact 'avec 'lès choses, puis leur donne un nom. Prose et poésie utilisent
les ~ots comme matériel de base mais l'une s'en sert et l'au-tre les sert., Il faut ajouter à cela que la poésie, en
cho~-sissant gn-aspect du ~ot, éntra1né pluslBurs lnterprétations.
, / ,
~~'prose au c~ntraire choîsi~ de dévoller le monde afln que
. "nul' ne' s'en; puisse dire
inn~'cent
Il 7' Le poète n,' ag.it pas,. il:.off~e' u~e'deSciiption'pos~ibte de la
r~alité,
il nepeu~
pas. . . - - - r - , •
ac't.ion,: i l 'sait que -dévoiler c'est changer et qu'on ne peut
.
'
, '
...
" " " 1 • " '. ( " , • 1./ .... t,p:,,"I' "" ,.st - • r,l'"~~~-,,.., .. - ... - ... a #_, , _ _ _ " 13 "dévoiler qu'en projetant de
cha~ger".
é
Or lé poète projette ,ùne significat~ori plutOt qu'~l ne l'exprime."
N9uS pouvons apparenter ces réflex~ons aux reproches que Sartre fait aux stylist~s purs. Pour Sartre 1 le style' est
,
,
*
unlquement un moy.en de persuaslon; Il accuse, ses adep,tes
d'effl~ure~ les mots au lieu de tenter de changer ~es ldé~s. Leur erreur est de surestimer la valeur d'un texte lndépendam-mene de~son fond. Le but de la littérature n'est ni la
fasci-nat~on ni la contemplation. Ellè doit aller "droit au but".
\
La 'littérat'ure pure r'elève d" un certaln culte de la subjecti-vité reprêsentatlve d'une peur d~ la réalité. Elle correspond à un retour sur soi.
On ~'aperçoit ~ue ceci 'va tout à fale à l'encontre des conqepts formalistes d'une' part et d'autre part,structuLalistes. Cela nous conQuit à situer Sartre par rapP?rt ~ ces mouvements. Sartre s'oppos~
à
l'idée que la pensée se confond avec le1an-gage. Il refu~e de considérer ce dernIer comme un pur Qbjet. Il définit ainsi deux niveaux. ,Tout d'abord, le langage conun,e système autonome fait pa~tie' du pratico~inerte~ Dans ce,cas
*
.Merleau-Ponty,qui~t~'
Les Temp~ M9dern~s en 1953à, ce propos. Il considérait que le style était le sens même de' 1 ',o'euvre •
'"
"-"
"
(
,"' (
14
.
.. chaq?e élément se définit'par un autre. Le systàme existe alors, indépendamment de l'homme. Par ailleurs, ce langage'
'p~rte
ta
trace ~e l'homme, c~lle d'une pratlque. "Pour com-prendre comment elle se fait, 11 faut dODc'réintroduire' la praxis, en tant qu~ .processus totalisateur. L'analysestruc-- 9
tura!'ei devrait déboucher sur .une compr éhenslon dial'ectlque Il • ~
Pourtant avec ses slgnes distlncts
de,dévelàpp~ments
hlstori-ques, d'oppositlon, et 'l'ldée de totalité, le structuralismese s~tue dans·une.perspective consiructlvisfe à car~ct~re
dia-lectique. Dans cette, optique, Sartre reprochè aux structura-'
l~stes leur manque d'intérêt pour l'Histolre. Ce qui n'est
pas tout à fait vrai puisqq'ils s'lntéressent ~ux transforma-tions, macrohistoriques, 'iSmoraI1t. a.il.nsi le choix individuel et la praxis. Nous dé.velopperons, ce point dans le chapitre III., Finalement, il leur reproche de ne pas tenir compte'des axiomes marxistes dans l'élaboration des superstructurès. Notons tou~
tefois que Sartre prévoyait d'ytillser des méthodes structura-listes dans l'analyse rigoureuse'de Madame Bovary.
•
Il seralttrop rapide de dire qu' 11 se contredit.. Nc:)us ver,rons, 'en effet, que selon Sartre, toute technique est valable dans la mesure où elle correspond à sa vision de l'homme.
Dans la conceptlpn sartrienn~, le langage est face à une alternative: ou bien i l nie la matérialité
du
mot,ou-.
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"
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".
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1
15-bien i l s'y enfonce en p~rdant le sens. L'écrivain est l'a-gent du sens mais i l n'en est pas l'origine.
Dans les oeuvres' de Sartre et de Barthes, i l Y a réduction instrumentale du langage. Il y a suprématie du sens. On ne peut pas dire qu'il y a~t a priori une théorie du langage chez Sartre. ReJetant la li,nguistique et le structuralisme qui veulent "trait:er le 'langage en extériorité" 1 il advient un
mf-~lange entre métaphysique a~ signe et ldéologie littéraire.
i
rf
emprunte, ,mal'gré toüt, u: .. notion à'~j
émslev, celle de forme du contenu. Mais il la fausse puisqu'il ne la met p~s ên pa~allèle avec forme1
substance de l'expression.J
, Cela revien~ finalement à la traditionnelle opposition entre fond et forme. Mais, dès qu'il sort de la normalité le lan-, gage devient, sacré, miraculeux, ainsi qu'il est défini dans_ ses oqvrag~s de critique notamment dans Saint Genet.
Barthes reprend dans Le degré zéro de l'écriture les notions sartriennes: "L' écr i ture est ce par qUOl un écr i
-. 'd ' é l" Il 10
va~n s'engage, un acte de sol~ arlt po lt~que . Barthes
envisage une histolre des écritures politlques. On retrouve des similitudes également dans l~oppo~ition prose Ipoésie: là
où Sartre voyait la matérialité-de mot-objet, Barthes voit l ' objet absolu~
c
15
bien i l s'y enfonce en perdant le sens. L'écrivain est
l'a-gènt~u ·sens mais il n'en est pas l'origine.,
Dans les oeuvres deOSartr~ et de Barthes, i l y a
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réduction instrumentale du langage. Il y a suprématie du sens.
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On ne pe~t pas di~e qu'il y ait a.priori une théorie du langage chez Sartre, Re.Jetant ;La linguistique et lê structuralisme qui veulen t "traiter le langage en .
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ext~r ior i té ", il advien t un mé-lange entre métaphysiqué du signe et idéologie littéraire.Il emprunte, malgré 'tout, 'une notion à Hjelmslev, ~
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celle de forme du contenu. Mais il la fausse puisqu'il ne la met pas en parallèle avec forme / substance de l'expression.
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Cela revient finalement à la traditionnelle opposition entre fond et forme. Mais, dès qu'il sort. de la normalité le lan-gage·deviént sacré, m~raculeux, ainsi qu'il est défini dans ses o~vrages de crit~que, notamment dans Saint Genet .
•
Barthes reprend dans Le degré zéro ùe l'~~riture
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" .les notions sartriennes: ilL' écr i ture ltest ce par quoi un é'cr
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valn s'engage, un acte de SOll ar~t po ~tlque . Barthes envisage une histoire des écritures politiques. On , retrouve des simil~tudes également dans l'opposition prose /poésie: là
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où Sartre voyait la matérialité de mot-objet, Barthes voit l'obJet absolu.
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," " ' 16Selon Sartre,_ l'oeuvrè établit une communication entrè le l~cteur et l'auteu~; son sens provient ,de l'entité que
f9r-me~~ les expériences respectives de l'auteur et du lecteur. Dans ce sens, la démarche de la prose est achevée, elle tend vers l'avenir, vers l'engagement. La démarche de la POrSie est réflexive, elle constitue une structure ontologique. C'est-à-dire qu'elle part de la conscience pour y retourner au lieu d'être une ouvérture vers l'universel concret. et de permettre à l'homme une possibilité d'engagement, de prise réelle sur la réalité. (La communication in~taurée par' la poésie serait ré-trospective alors que celle instaurée par la p~ose serait
pros-. Il)
pect~ ve. Dans ce sens" on peut dire que la poésie permet à
son auteur de se connaître lU~7même, avant tout. Alors que dans l'acte de prose il y a l'idée d'une communïcation, à autrui que nous retrouvons en cr~tique. ,Il est intér~ssant de noter que
•
dans l'entretien ilL' écr i va, in et' sa langue" teriu pa-r Pierre Verstraeten, Sartre es~beaùcoup plus tolérant vis-à-vis de la
poés~e. ·Sartre admet en effet, en 1965, que la poésie héroïque (celle de Sparte
c'est un appel à
par exemple) est engagée dans la ,mesure où
12
guerre. Par contre, 'la poésie ,de Baudelairet
ou Nerval reste purement réfl~xive puisqu'~lfe nous. présente l'auteur tel qu'il ~ v~t . Peu ~mpor~e si nous nous'retrouvons
'.
en lui ou non. Mais si nous considérons que p~ose et poésie
"
J •
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1
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• 17
font partie d'une même littérarité, ne pourrions-nous pas dire, contre Sartre, que par son acte d'engagement vis-à-vis d'autrui la prose est beaucoup plus humble que la poésie? La poésie~
deviendrait alors un engagement personnel du sujet hors de la collectivité et
la~,
une réflexion sur soi,mai~ touJ;née-~.
;
ver s le
gr~p~.
Ceci nous conduit à l'idéologie marxiste sar~ t~ienne face à la société, et nous verrons plus loin comme il est important pour notre auteur d'insister sur l'importance du sujet individuel en tant que médiateur entre sa classed'ap-, '
partenance et lui-même.
Définition de la littérature
.E La littérature est un moyen, ayant pour instrument le
..
langa'ge. L'homme écrit puisqu'il est un biais' par 1equel les choses et les évênernen ts surgissen
r'!
Si 1,' homme a choisi' d' ê-tre écrivain, i l se doit d~ révéler parfaitement et objective-ment le monde. Il est responsable de son choix, mais ce choixvise, au-delà de sa propre existence, un
univ~rsel:
"toutpro-j~t, quelque individuel qu' 1.1 soi t, a une valeur universelle" .12
~
Ecrire- c'est faire le choix d'une perspective à travers soï et paf le biais des mots. L'homme est libre, ou pour parle~_comrne Sartre, "condamné à être libre". Il doit s'inventer chaque Jour
~
et pane inventer l'homme un1.verse'l. Fac~àJcette condition
•
,.-.'
.
.
.:(
, " 18 1"" humaine, la littérature est une invention de soi grace à la totalité des capacité~ créatrices~ Eile doit devenir un .. acte, dans "la mesure où ~lle est au.. dépa:r:, t proj et' d'être de ri'auteur. Chaque réflixion se tait à part~r d'une praxis
constante et par la médiation du langage. La littérature doit donc rendre ~ompte de cette prax1s. Il fau~ exercer un tra-vail' sur le langage ,~fin de l'élargir et de permettre ainsi l'av.ènement des idées neuves. L'oeuvre des au~eurs
surréalis-t;.~s était ,de détruire le ·s,~ et l'objet, le s~bjectif et _"
l:objectif (non dans le sen~ de la 'négativité hégélienne:mais p,lutOt dans' le sen s d'une impossibilité).
, j
,"
;
.
... ,.'" ...
. ,'. notre pensée ne vaut pas mie~x que notre langage et l'Oh doit la juger,sur la f~çon
dont elle en use. Si ,nous voulons resti tuer aux mots leu~s vertus i l faut m~ner une dou~
blè opéiation: d'une part ~n nettQyag~ ~na lytique qui' les débarrasse de leurs sens adven ticés, d r aul:re part' un élargissemen t
synthétique qui les adapte à la situation
historique~13
" ,
Définir la
littfr~ture'
comme praxis c'est dbné laiitue~
dans.. ' ,
,
'.
,\
qn
côntexte histor~que. Car la littérature d'une époque don-née'n,'est pas seulement le reflet d'un individu'et d'u.neidéo-<,)
logie mais la synth,èse de _ce que cette épq,qu'E! a produit. Par
~ \
\
'ex~rnple,
en 1947, dans le contextepo11tiqù~
qU,i suit' laré-" :r.
s~sta~ce, la résistance devient le produit' d'un paradoxe:
-:~
' " , ~
,
.
" .
19
( .. 1 \
'-l'écrivain. hésite en~re la pra~is'réyolutio~naire et 'la'bour-geoi.sie .d' où il. es't issu. Voilà une, fois encot'~ unè mariifes-'
!li'
tation de ~a mauvaise co~science.
, '
La' litt,érature est prospect~ve. ,'C"est u,ne liberté
l '
qui 's', adresse
à
,d'autres libertés., "( ... ) elle manifeste à,
.
sa'ma~ièré, comme libre produit d'une activ~té créatrice,- ~a
'" 14
totalité de la ·condition. humaine". Un sys'tème bourgeois
n'~~1s~e jama~s seul, ~n 1945: i.l. subi t i.név~ tablemen t. l •
in-1
~
f,luence de la philosophie mar~o.st~. En 1970, dans .L' Idiot de
.
.
la famille Sartre se servira également du marxisme, non plus
\
.
comme outil proprement pol~t"ique mais comme appareil
idéolo-giqu~ ~'analyse.
La littérature doit montrer au leoteur ses possibi-lités d'agir. Elle doit lui révéler son pouvoir. Tant que l'individu ne comprend pas le sens de ses actes, il ne· sait pas
qu'il'f~it l'Histoire (cette not~on reJoint la conception
d'Althusser mais nous verrons,par la su~te en quo~ elle s'en
élo~gne)'. La l~ttérature doi1t lui permettre de dép~sser le champ des possibles pour que son projet dev~enne réalité et influence ainsi le cours des événements.
les hommes ne me..l!tt:l~OU t pas réelle de ce qu'~l
font--portée doit leur é happer tant
la portée moins cette' 'ue le
.
'"
'.
(
20
/
.. prolétariat, sujet de l'Histo~re, n'aura pas dans'un même mouvement réalisé son' unité et pris c~nscience ,de son rOie historiqu~. Mais
si l'Histoire m'éçhappe ce~a ne vient pas ae 12e que je ne la fa~s pas!.-" .cela ~ient de ce que l·autre l~ fait aussi. 15
-Le ,projet réhlJsé sera' représentatif de l'objectivation de,
. ,
son initiateur. 1,1 manifes.tera le dépassement d'une
.
s~tua-, ' , '\
/.
,tior originèlle. Les contraàictions significatives de son al~énatiQn par
~i
Ya~par';1t\nt
seront-rapport
.à
c.e'~te
si'tuatio'n.- . . . . '
Il ~aut donc par la littérat~re'amener la
collecti-,
vit€ à la réflexion afin qu!elle comprenne sa ~onscience mal-heureuse 'et qu'elle cherche à la dépass'er'. Il faut également,., ,que la littérature puisse atteindre, non pas une poignée de
..-\,
Pour cela, il faut appren~
lecteurs, mais une collectivité.
•
.
dre au "spe;cta teur" à agir dans ,la lecture. La lecture devient une action.
Nous avons vu qu'avec le Nouvea~ Roman, les struc-tures traditionn~lles du "récit, le personnage, ~'intrigue sont abolis. 'Cétte .déma:çche se Ido~ble d'une recherche; mais le l i vre n'est pas le résul ta't de la recherche; 11 'est la re-cherche même. Le personnage est instable: i l n'est plus sou-tenu,par son auteur. 1~ avalt une ldentité. Il la perd et i l ne s'agit plus PQur:le lecteur d'une identification mais d'un
,
.
.
,"
.-..
/
.' " 21 \véri~able travail ayant pour but de démystifief l~ concept
1
d'indlvidu. Cette dégradation se superpose au changement de'
struct~re·économlque. (Airrsi, l'individu n'a plus
d'lmpor-tànce pour la production, il devien~ peu à peu objet, donc
anonyme.16) Le lecteur dOlt se reconstruire en devinant le
,
personnage du Nouveau Roman. Il doit également se proje~er
en reconnaissant la l+berté c~éatrice de l'auteur engagé.
Sans 'doute., l' auteur',le guide; mais i l ne faJ:t
que le guider; 'les dalons qu'il a posés sont
séparés par du vide, 11 fau~ les rèjoindre: il.
faut aller au-delà ç'eux. La lecture est
créa-tion dir igëe.1 7
~. ,Ain'sï 1!e lecteur doi t con tlnuer le, travail ébauché
par
i'
auteur. Le sens qui naît de la communication entr~ lec-,teur et auteur rie prend sa valeur totale que lorsque le recteur
sollicite à son tour sa propre lib~rté_. Au moy~n du. langage
l'ciuteur.a dévoilé'le monde., Le lecteur doit à'p~ésent l'ob-'
jeçtiver. La lïttérature comme fonction sociale, c'est offrir
au l.ectèur un rôle, ce'lui' de gagner sa liberté_
•
..
At
•. _ l'écrivain- choisit d'en appeler. à la liberté
des autres hommes ~ou~ que, par les impli~atiDns
réciproques de leurs exigènces, ils réapproprient
la totalité de l'être à l'homme et referment
'l'hù-manité sur l'unive{s.18 .
.
.
,
" ( ,
.
• 1 , "-
.
22-Le rôle sociaï de .1 ',lIécr'i van't , I l
Le rôle de' l'écrivain
Sartre établit la même di~fé~nce qUè Barthes en ce
, ' , .
qui concerne l!écriva~n et l'écrivant.
,
-
L'écrivant t~ansme~une informatlQn, .1,1 signifie l,e monde ,pour ;Les autres. L'écr'i':' -'
va.in produit: des obj'ets ver~aux qui 'n ~or:t pas d,e significations,
d,irectès.
L'écrivant sé ',se1;'1: 'du langage pO,ur transmettre
dés informations'. L'écrivain est le gardien
du J,.angage' commun mais i l va, plus loin et ,son
matériau est,le langage com~e non-sig~ifiant
ou.comm~ dél?~nfol!mat~dn;. c'est un artisan'qui produit un certain obJet verbal par un travail sur la· matér ialï,té, qes mots 'en p,rehant pour moyen les significati<;ms, 'et le non-signifiant
pour f~n.19. '
'Pour ces deux ?u teur s,: '.~ 'écr i-ture es·t ~un~ . entrepri~e
"transcen-den.ta,le" , . un moyen de qu i t ter le présent pour faire décôuvr.,ir . le futur.
L'écrivain est un certain type d~ho~me en action.
4 J:
,
L'écriture -est un 'acte', une ehtrepris'e solitqire et libre. Tels
•
. sont, les principes de base donnés par ,Sartre en 1947., ~a
lit-tà'ature doit être en9agée ou ne doi t pas êtr~·. Il faut qu "elle
." reprenne sa fonction soclale. Il f~ut que l'écrivaln s'y inve~
. ti~se à ra mesure de ~on ~ngagement. Nous remarquo~s'~ci une
/'"
•
"
,
(
.' " r <4 , , . ,', , . ,.
23déJini tion plus que tein tée par .lq. philosQphie eX'istentialiS!te ~
La langu~ ~oit tout ~'abord ~tre travaillée, épurée de ses
"b"oùrgeoisisme's" . AlnSl on ne. doi t pas remettre en cause l '
or-dre établi, "il vaut centainement mleux le contester par une
rêVeuse, mélancolie que le renverser par les armes". ' 20
La classe bourgeo13e selon Sar.tre peut se définir
intell,ectuelleroen t par son espr l't d' analyse: réduire au
maxi-,mum les éléments composés en éléments simples. Alnsi,
cons-truisant un mythe unlversel et se constituant bourgeois, on
appl~que à tous les hommes la même vislon du monde en perdant ie-se~s des collectivités.
P~ur l'existentialisme, ce que les hommes ont e~ commun ce
n'est p~s leur nature mais leur c~ndition humaine: la néces~
'sité'd.'exlster dans le monde et l'ensemble des contrqintes qui
les l~mitent. Pour Sartre, comme chaque'homme est une totalité,
i l faut qu~il se libère totaLement. OF, en ch®{si~sant de se
libérer, on opte pour un certain 'type d 'humani!=é.. Il engage
,alors ,l'humanité dans son cnoix et devient alnSl responsable
dè
. tous -les homm-es. Ce n'est pas, par exemple, en lui, donnant le
droit de vote que l'on règle simultanémen!= sa condition
maté-'rielle. Il faut que l'écrivain lui montre comment porter le
~6ids de s~ propre liberté, car "elle est un~ malédiction, malS
. - ' ' ' ' 21
(
1 ,.
' l , 'lir ' J , ' 1 •(
,~'
" ; , . 24'.
' ..
'..
'ouvr~er ne p~ut pas' être un ,bourgeoi~mais poux qu~il~soit un
homme; il faut donner à sa liberté un sens, en élargissant le
.,.
.
choix ae ses possibles.
+1 faut faire, en sorte que .1 'homme' puisse, en toute clrconptanc~, choisir la vi~.22
.
(,
Le prlncïp~ de oase de l'écrivain àOlt donc êt:r;e' ,la: . "liberté, et,sa fonct~on, de faire en sorte que.tout un chacun,
se sente responsable d'autrul, des .injustlces, du monde.
, 1
'.
L' écr 1\,;ain en situa~ion,dans so~.époque doit à la rois dénon":' : \ cer l'aliénatlon, et présenter l'homme comme , act~on créatrice. Il n'y a pas 'une solution ~i~acle po~r tous les écrivains. Il y a .Oe'; issues à
inf~nt.r.
ctes projets~
se ,créer. L'écrivain se réalise par le liiais de la littérature mais iL.. est resporl"7 sable de l'humanité entière au même titre que les autres.Ce que l'ex~stentialismè a,à coeur de montrer, -c'est la' liaison du caractère absolu de
l'en-qagement libre, par J:equel chaque homme se réalise en réallsant un type d'humapité, enga-gement toujours aompré~ehsiblerà, n'importe quelle époque et pai p'importe qui .••
.
2~Nous verrons, en abordant la cr1tlque ~ittéraire dans les cha-,pi tre-s sui van ts , commen·t Sar tre explique la -singular i té, ,
l'activité particuliàre de'l'écriva~n par rappo,rt aux autres hommes. - I l s ' agira' de voir en quoi le trava ~l du style fait
f " " , ) 1,-" ,
1
"
.
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' . , l ' • , ,-(
" , t , " , , 25par~ie'de) ~a 'vocation-projet de l)~uteur.
,
Il est vrai .q\:l.' en ;Llsant la préface de la revue Les Temps Modernes, on a l' j,mpression de s'éloigner comp.l.ètement;. de l,a
litté~ature déf~nle traditionnellement __ l'écrivaln doit
s'en-'gagèr da,ns !la lutte sociale et poli tique. Cependant, i l faut
préciser que c:::ette revue a 'débuté en octobre 1945 dans. un
clï-mat de tenslori ~'une part, malS d'ra~tre part dans une' période
q,ui sUlvait la Bésistançè. L'~'crival.n dOlt être parfaltement
çritlq~e fa~e à ses écrits, nOR pas d'un poi?t d~ vue moral,
,
.
mais politique. Sartre demande à l'écriv~in de se situer
dans la perspectlve d'un monde sociallste. C'èst d'alileurs
,
ce que"beaucoup de lit:térate7Ir.s lui reprochent: ,un certain
,
parti pris p<?litique et une propension trop 'ra.pide à
ass~mi-1er littérat~re et Journalisme. C~s deux critiques se rejoi-griarit' finalement s<,?us le s.l,gne de ,l;esprJ:t ré,volutionnaire ..
1
En effet, si l'on énonce la .litt€ratu~e comme pratlque d'un~
1
liberté pour une autre liberté" il faut donc la r~situer dqns
un contexte historique et faire intervenlr Ides concepts
poli-tiqu~s.
Il s'agit pourl~~cilvain ~~tuel ~'étabilr
unrap~
por t entre la poli ti,que
dU
signe et la poli tique ,du discour~.C'est une dlfférenèe fondamenëale avec certalns autres
contem-porains, théoriciens de la ~lttérature~ pour Sartre, la
littérature est un moyeJ:l. v~rs une fin'. Pour d'qutres,' elle
,
'.
,
.
(
, ,.
,.
, " f ....,
,r.
.'
" 26est une'fin en soi. 'Mais
cet~e-conc~pbiop
, tendà'~i~Rara±t~~.
'La l-ittérature' s'inscrit,daris'une p1=aX:i.s,;donc.'dans un ni,ouv&-; ment vers un but.
, "
Ainsi qué nOus l'avons èlit" l ~'ho~me' a .pris
çons-;
cience de s~n ,pouvoir sur' l ' Histoïre. l'i ne peu,t donc plus
ét'happer à cette praxis sans' une 'certaine
mauvai~è
foi.l ,
l '
L'écriva:in, par le'b;t.ais de'la littérature, doit intervenir
dans les changements SOcic~iUX,. ~';i.ndiviqu s~ul doit tenter 'de
lib-érar la oolle'ctivi té. Nous ,voyons ici intervenir
l'impor-tance d~ l'~ndividu da~s l'environnement soc~o-cuiturel.
Le
critique et son objetLe but de cette par~ie n'est pas de définir la
cri-e ,
tique littéraire en général, rna~s de la situer dans une
pers-, ~ , _ t
pective sart'riennè, donc exi's~entielle. Le critique en tant
, qu'écrivant doit également s'engager dans sa tache face à
î)
sonobjet littéraire.
,La critique doit ,répondre à deux exigences fondamentales:
tQut d'qbord la recherche d'un~so~rce originelle sous-jacente
à la conscience créatrice, puis l'unité des oeuvres co~plètes.
,
'C,' eS,t don'c à la ,fois la 'démarctie de l' au.teu'r, en. tant que
pra-xis" et le produit, fini. qui vont servir de base à la cr itique
•
..
"..
l ' ".
, •
•
, ' "(
,-'1 27... Dans ,une oPtiqut ~xi:tent.~ëllel la crit.lquel..f!'é-:ablït pas un
rapport.d'obje~tivatlon p~r tapport à l'oeuvre, clans la mesure où l'on ne peut pler l'exlste~ce du critlque. Sartre précise
ceci dans L'Idiot de la famille en insistant su~ le fait
;:.
qu'avant tout, c'est lui qUl parle de Flaubert. Par conséquent,' c'est, au même titre que la littérature, une praxis dont
l'ê-~rit~re est engagé~.
,
Le critlque effectue une double opération: faire remonter l'oeuvre comme obJet à l'existence qui l'a produitë~ et lui donner un sen s . Il s'agit à la fois d'une subjettivation (le rapport établi entre le crltlque et l'oeuvre étudlée) et d'un dépa.ssement vers un universel. Ce dernier point rejoigriant 'un'des objectifs de la littérature, à savoir une ouverture
(
vers le concret, l'ébauche d'une communlcatlo~; et en "e
-,..---..
,
sens la critique ést un des possibles de la littérature ayant pour objet la littérature. Le critlque ne doit pas seulement créer un langage; i l doit, des connaissances issues
pe
l'objet critiqué, faire une structure d'ensemble. Au ccntraire dulangage mathématique, "le, langage llttéralre n'est rien d'au-tre que le sens de l'existence q~i le porte, celle de l'auteur,
,
celle du lecteur: par ce langage~ l'homme est renvoyé chaque \ fois à l'expérience primordlale- qui le déflni t cor:une' horrune". 24
Inversement~ le livre est un ensemble de slg~iflc~tlons
.'
,
.
.
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(
1
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(
28(formant le sens) représentant une condition humaine:spécifi-que, à un moment précis de l'Histoire. C'est ce sens que le critique doit fa 1re surglr, partant de sa propre expérience. Car i l ne faut pas oublier que nous sommes dans une QP~ique
existentlaliste où l',individu compte pour lui-même (le cri ti-que étant 'aussi important ti-que l'auteur). , Cette critique se différencie de la critique q'identification par l'adjonction de disciplines auxillalres:
Je ne suis pas d€vant l'oeuvre littéraire comme devant la,plénitude d'un objet qui est ou qui a été, l'oeuvre est à être et
je la fais êtr~. (.~~) Lé sens que
l'oeuvr~ porte en elle n'est pas une morte
possibilité prisonnière d'un ensemble de signes que je libère et que j '.anime, non· pas à titré dé signification qui viserait un aspéct du monde ou un moment de l'his-" toire objective, mais qui ~ vise parce
qu'elle est mienne.25 1
~
NO!-lS' tenteron-s de voir en quoi cette crit:iqu.e est
-différente des autres et si elle ne leur est pas complémen-taire, ou du moins si elle n'en réalise pas une synthese . . Dans la soclo-critique (celltt de Goldmann) 1 1" au teur
dispa-..:./
,.
rait au profit du groupe. Le sujet créateur n'est pas
unique-ment l'individu mats la collectivité. Nous verrons au chapitr~ ~
"r;[1 que Sartre s'oppose à cette co'llectlvisation
,,ge
la litté-ttture qui nle l'existence du projet individuel. De même on,
f.
..
.'.
29reproc;.he à la psychocritique d" exclure de s9n discour s le
.
\'-'
)rapport entre critique let auteur. Sartre a Fe~placé cett~"" '-."
1
relation par un~ prise~à parti,e systématique de l'auteur. Le structuraiisme, pour sa part, envisage le dlscours comme une totalité quï ne renvoie qu'à elle-même.
,
Dans ce cas, il n'existe plus de rapports entre s~gnifiants et "supports...
sociaux" .
"
j
L'objet lit'téraire, sans origine, ni desti-nation, ~oupé de renvoi ~u rffiel, fonctionne
alors, comme un pur objet linguisti~ue délesté de toute contingenc~, et ,désembourbé de' toute existepce _ 26
,
.
Fina~ement, la critique' dite traditionnelle face à ces
spé~ia-1
If
tés m~intient que l'oeuvre n'a besoip d'aucun autre supportrPourtant à l'heure où 'l'homme sublt l'influence 'de t~tes les sciences, humain'es 1 i l est permis d' utiliser ces ·disciplines
.r
-
.
.1
auxiliaires sans pour autant altérer là valeur des écrits. '
...
a
La vraie critique ( ... ) est celle qUl articule les relations qu'entretiennent le's. mots entre eux aux relations qu' il~
soutiennent avec les hbmmes et les choses; bref elle est cet effort ambitieux et Ja-' mais tetm~nê pour restituer et d~rire dans
son propre langage, celui' du concept 1 l a '
totalité du V€Cu parlante et silencieuse, dormée et qachée- danS' l'oeuvre. 27
-.
-.
, i, ! ~,
• ..
).(
30.-, Ains.:j. la critique.-, sartrienne ya' s' entour.-,er de théo-ries .annexès pour atteindre son but: re~ituer l'oeuvre par rapport à l"écrivain 'puis inté,grer l'homm~ dans' la p.erspe-c-t tive de ses contemporains.- En d'autres termes, savoir
pourquo~ tel individu-a déc~dé, à un moment précis J~ liHis~
toire, de devenir écriva~n et pourquoi i l a traité tel sujet plutôt,que tel autr~.
Sa~tre veut connattre les raisons pour lesquelles qhez un indi-vidu, 'la cristallisation d'un projet est devenûe J,.'écriturei les démarches ,entrepr~ses pour s'objectiver dans la
littéra-,
.
ture. Mais' plus que ~ela, la critique sartrienne sera ontolo-gique, c'est-à-dire qu'elle chérchera à établir comment un
*
~ndïvidu, en tant que conscience, vise son être. Ce que Sartre veut
imp;Lique la
comprendre " e s t l~_ particularité d'une o:uvre qui particularité de'l'individu. Pour cela, il faut plonger à l'intérieur de' l'homme, afin de décrire le'mouvement
~
incessant entre l'individu et son environnement. Mouvemënt, 29
comme le précise Otto Hahn, qui subjectivise l'extérieur et objectivise l'intérieur.
*
Le type de rapport à l'être est le pour-soi. Il'Lepour-so~ est cet êt~e toujours à dis~ance de lui-même coupé d'un possible qui lui manque pour être ce possible sans 28 cesse visé mal.SI toujours dépassé vers dJautres possibles"' .
?
J
.:
(
1
1.)
..
31,
Il s'agira donc de définir l'homme par son psychisme grace à la_psychanalyse existentielle, méthode permettant de passer des déterminations générales aux traits particuliers de
l'in-; /
dividu. C'est à travers les écrits d~ Flaubert, ses
inten-1
tians avouées mais aussi par le biais du non-dit" que Sartre pourra réaliser ée type d'analyse. Puis il faudra déterminer l'individu dans une problématique historique! c'est-à-di~e
établir l'ident1fication entre l'homme ~t son rapport au monde.
~
Le lieu de notre exper1ence critique n'~st
autre chose que l'identité fondamentale d'une vie singulière et de l'histoire hu-maine ..• 30
Par conséquent, c'est.à'travèrs le marxisme et la psychana-
..
ly'se que la critique littéraire de Sartre va s'inscrire dans une dialectique humaniste de la littérature et de la philosophie. Sartre va conférer à l'oeuvre, par s~histo-ricité, la dimension "d'universel singulier". En dernierlieu, nous tenterons, à partir de l'application pratique
..-1'
de Critigue de la raison dialectigue sur Flaubert, une
,
association des données marxi'S't:es et freudiennes, afin d '·é-laborer la méthode progressive-régressive (méthodeanthropo-l~gique visant n'importe quel type d'obJet qu'il soit ou non
, /
.
li t téraire) .,
J\
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....
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c. '«';' , < 32 •.
..
cL'essentiel consiste à cons~rver à l'homme une place
privilé-"
gié~' puisqu" il se ~é.finit sans ~es'Se dans sa pra.xis à,' travers
, '
des -, changements in,tériorisés et le dépa,ssement de ces intér
.
io-"
.
'r isations.
'-~ .
• . J.'le fondement de l'anthropolGgie c'est
,1'hemme l~ï-même, non commelobjet du Savoir
pratique mais comme organisme pratique
produi-sànt le-Savoir comme un ~om~nt de sa praxis.
Etr la' réintégration de l'homme, comme existence
. concrète, au se~n d'une anthropologie, comme
son sou t.:i,.en 'constant,' appa..rat:t nécessairemen t
~ômme une 'étape du devenir-monde de la
philoso-phie. 31
Nous 'nous rendons compte que la critique sartrienné est basée
~r
la philosophïeeXistenti~lis~e.
(En effet, nous<'no~i 'areercevrons par la suite que cette' cr i tique ~st be'aucoup
.'"
.plus humaniste par son cOté didactique, que marxiste ou
psy-,
C:h,analytique) . Dans ce sens, il , y a refus des critères esthé-,
tiques quels qu'ils soient (notamment à cause de l'engagement).
1
Ce qui est valorisé, ce qui fait le succès d'une oeuvre--c'est
son pouvoir de l~bération de l'auteur en communication avec
.
son lecteur et l'adéquation entre l'être de l'écrivain et son
\
r
_ expression. Il s'agira de voir enfin si l'esthétique sartrienne,
loin d'être inexistahte, ne réside pas pr'cisément dans cette
,
.
communication.
.
.1
l
• \ " , .. \ ~t", .... 11
,
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!
1'.
(
'-(Paris:,
)l
33Séférences - Chapitre premier
.
''*Jean-Pau1 Sartre,
QU'est-~~
gue la littérature? Gallimard, 1948), p...
90~ 2I b:id., p. 123. 3Ibid., p. 129. 4Ibid ., pp. ~7-l68. 5Ibid., p. 196. 6I bid., p. 123. 7Ibid., p. 3I. 8Ibid., p. 30.9"Sartre répond", Entretien par Bernard Pingaud', L'Arc. nO 30 (octobre 1966).
1 0Roland Barthes, Le degré zéro de l'écriture (Pari.: Le Seuil, 1953, [seconde édition 1972]), p. 17.
...
1l"L'écrivain et sa langue", Entre"tien par p{e.rre ,
.
~erstraeten, Revue .'esthétigue, 18r 3-4 (jui~let-décembre
1965): 320 e~ suivantes.
12Jean-P~u1 Sartre, L'Existentia1~sme est un humanisme (Paris: Nagel, 1970), p. 69.
13Sartre, Qu'est-ce gue la littérature?, p~ 342. 14 b"d
LL·,
p. 334.-15Jean-Palil Sartre, "Question de méthode" in Critique" de la raison dialectique (Paris:, Gallimard, 1960), p., 61.
(Paris:
16 Cf . Lucien Goldmann, Pour une sociologie du roman Gallimard, 1964),
.p'-
285 et'~uivantes.'
l7Sartre, ue la littérature?, p. 57.
.'