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La chronique familiale de Marguerite Yourcenar /

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

LA CHRf)NIQUE FAMILlALE DE ~GUERITE YOURCENAR..: y "i 1: by

l

1

'c \ Ci Elisabeth CHLUMECKY

f

,

A thesis submitted to the

, '-Faculty of Graduate Stud.1es and Research

, in partial fulf11lment of the requirements

for the degree of

\

î

Kas ter 0 fArts

Depart.ent of French Language and Literature

KcGl11 University, Montreal

.

August

~/

;

(

1983

~

j~

~

.

'

J, .

(2)

1

~.

1

"

LA CHRONIQUE <FAMILIALE DE MARGUERITE YOURCENAR

..

~~--~

En 1974 et en 1977, Marguerite Yourcenar confie à son public Souvenirs pi,eux ·et Archives du Nord, les deux premiers volets du

\

.

"

Labyrinthe du MOnde, son triptyque autobiographique. Souvenirs pieux s'ouvre sur 1· évocation de la na,issance de l'auteur et sur une es ..

"' -~

quisse de ses parents et de sa 'famille, suivies du récit'de l'histoire de sa lignée maternelle. Arcnives du Nord évoque le passé ancestral ' paternel de la narratrice.

\l.ans ce mémoire, nous nous pr~osons d'analyser ces- deux oeuvres-, qui dans la suite du Labyrinthe du MOnde, constituent ,la chro~ique familiale de l'auteur.

Notre 'travail ae développ~

en

trois pa~ties. Dans un premier

\

temps, nous rapp~ns les grandes "êtapes du parcours littéraire de Marguerite Yource~r et t~açons un profil de son oeuvre. Dans un deu-xibe temps, s~ivant Souvenirs pieux et Archives du Nord dans leur déroulement nous. 'tentons de dégager les idées-ma!.tresses de ces deux

oeuvres, t'esprit qm, l.s 'anime

~t

d. f t t r . en

lumi~r.

leurs aspects

constitutifs. Dans un troisi~e~tempsr, nous nous penchons sur deux questions: quelles sont les correspondan~es entre Lé Labyrittthe du Monde de Marguerite Yourcenar ~t L~ Labzrintbe du Moud!, satire allé- . gorique de Jean Amos Comenius, peneeur tch~ue d~ XVIIe 8i~cle ? La

<'1 ~ "

chronique familiale de Marguerite Yourcenar foae-t-elle un édifice l part dans le ccmplexe de ses écrits 1

1

/

.

'

-

..

(3)

, "

.--,

, ,

LA CHRONIQUE FAMILI~E DE MARGUERITE YOURCENAR, =

ABSTRAcT

, " \'"

MargueriFe Yourcenar,publiShed Souvenirs' pieux _an? Archives du 'Nord, the first two parts of her autobiogr~phical triptych, Le

Laby-_\I~' ,

"

"

.

\

rinthe d~ MOnde, in 1974 and 1917 respectively. Souvenir~'pieux begins with the

memory

of the author's birth and'with'

a

'general description

, ' )

of ber parents and immediate 'family; followed by a ~storica1 account , ,r

o~ -her mther1s 'atlcestry. Ar,chives du Nord te1~s the story of ,the

/ '

oarrator's paternal ancestors.

This dissertation attempt~s to analyse these two novels which, together, constitute the ~uthor's family annals in th~ serial ~rk, Le Labyrinthe du Monde. - ' .' - : " - ,

l'

The, discussion is divided into three sections. Part one reviews ,

the major stages of Marguerite Yourcenar's' literary career and provides an outline of her works. Tracing the development of Souvenirs pieux

, .

,

and Archives du Nord, the second section seeké to Dring' out tli.e central ideas of the two novels and the spirit that guides them and al~ to

,

,

highlight the un1queness of the1r rich

text~e.

In the ;hird part of . the 'dissertation the following questions are 1P10red : firstly. wbat

,:parallels can_ be drawn ,b'~tween Karguerite Yourcenar t s Le LaDyrinthe du -'T

!!Onde and the ,allegorical satire of t~e sue title, wri~ten by the

seven-teent:h-c~tury Czech philosopher Jean Allos éomeniuB? secondly, do MargQ.erite Youtcenar t s family anna18 -stand apa'rt fran the rest of the

structures in th~ c'œplex of ber written works ?

(4)

, '

...

~

(

'" " '. , f r If

A mes parents qui m', ont permis de 'poursuivre mes études

dans une atmosph~re

de' tendresse et de sérénité. l, l 1

1

! i l j

~

i

(5)

1

"

(

TABLE DES ~TIE'RES,

INTRODUCTION

CHAPITRE P,REMIER

t " ,

1.

2.

Parcours littéraire de Marguerite Yourc~nar" ".: ." ••••••• , ••••••••••

J.

7 Profil de l'oeuvre de Mar~erite yourcenar •••••••••••••••••••••••

14

~ - ... Il

a) Ecart ~ntre l'oeuvre et la vie de l'écr~vain •••• ~.~~ ••••••••• 14' b) Une oeuvre qui se ,déploie dans l' his toire ••••••••••• ~ • • • • • • • • 17

c) Marguerite Yourcenar, arpenteur de 1 homme •••••• ,'" ••• ,

,

' ~ ••••••• d) L'6euvre de Marguerite Yourç~nar, une méditàtion

sur les maux endémiques de 1'humani té; ••• , ." •••••••••••••••••• , ,

. " d vi II· •

e) Ma~guerite Yourcenar, une amante e la e •••••••••••••••••

CBAP!TRE II

1

'0 .

Tour' d'horizon de "Souvënirs pieux" et d' "Archives

... d N dit " - , . ~

u or •• ' ... .

a) ilL' Accouchement" ... • ~t . . . ; . . . .

~ ... ,'"

1

b) "La' Tournée des chilteaux" ••• ~ ••••••••••• ' ••••••••••••••••• o' •••

c) "Deux voyageurs en rO'Jte vers la région immuable" •••••••••• ~.

d) ''Fer'DaDdefl

. . . .

e)

''I.a

Nuit des .. teu:aps" ... " ... .

f) " Le seau te ' . '

,a . . . , ' . . . .

g)

''Le

J~ne Kiche1-Cbarles", "Rue Ma~ais" •••••••••••••••. ' .; •••••

h) "Ananké"

...•..

. ~

...

~

•...

~

...•...

. -" '

CHAPITRE III

1.

"L~ Labyrinthe du Monde", d~ Jean Amos Co~niU8 •• ,; •••••••••••• ~ , ~ •• " •

2. Correspondances entre ''Le Labyrinthe du Monde" de Margueri te Yourcenar et "Le Labyrinthe du. Mollde"

20

21

22 26

27

40 55 65 71

Ti

84

93

104 de Jean..ÂIII08 Comen1tlS.I •••••••• ~ ... ; ... ; •••••• ~07

3.

"Le Labyrinthe du Monde" de Mlarguerite Yourcenar " forme-f-il ~ édifice,

l

part dans le comp1eze de se8 écrits 1 •••• III

" CONCLUSION ... 1 • • • • • • • • • • • • ~ 1 • • • • • • , 1 " 1 . ' • • • • • • • • • • • • • • • • 1 . • • • 113 \, • " .'

.

(6)

l

." 1 • , 1 ( " ,

INTRODUCTION

~

En plein coeur d'une jeunesae palpitante-.et soucieuse de donner ses

,

-.

-fruits, iutour de la ,

ving~a1ne;

< Marguerite

Yourcen~r,

qui était "èntrée en littérature par la porte étroite de la'poésie"'-(l), ébauche "un

iœ-mense rOllUU'l hisiorique qui aurait

'contenu~

tras trans'form6es par sa' fan-taisie, toutes les générati'o'o,s de sa famillè" (2), et-qui aurait

présen-el deux types huuina : ceux q~ s'aUvent et ceux qui ne tblisent jamais

pleinellMilnt leUrs virtualitée. Cette ~1t18UQ génêa10gie réaanaèque ne fut pas me~e, '1 terme, mais sou "Qauc:he,

.

,

vtte

abandonnée, a "tout de . . . .

"

.

').

.

doané le DOYau de L' O.Uvre au Noir et la

preaiara ver81:On

du

recueil

de

l' ~

no~';"'ta

Mort coDduit l '

attelar"

'(3). Pendant trtaite aua"

l'imagina-~ .., t r _

t~n ~éatr!ca

.... la

~cilre,

rivée .ur d' autras eep..: .. p08r.phiqU.8

et ta.wporela, oublie 188 Itrs., 1 ..

.u1~

st'la.

d'e~n

qu'sUs '...oquera

plua tard daDa

.

sa clmm.1que f-tUale. La ridactiOll

L'Oeuvre au Noir

.., "

- " - '

.

dana 1..

am:I6..

cinquante r _ _ ' l nouveau 8OD, esprit eD ,FlaDdr . . ,

cadz:e

,

. .

/;> •

Siographiqüa du

roun

an

qUllàt10n et sua.! paya d' orl81De de ... mcl,t1'e ••

.

.

Lui rev;1enaent alon l la

..,i1'e, "d'autres

aspects

de

.es lointain.

"-

.

(1) Yvon Bernier, "ItiDIraire d'une o.uvre", Ztudea Littlrairea,-'volJma:

m,

no l,

avril

1979, p. ,8.

,

(2) Harsuar1te.Your~eaar, L_ Yaux

ouwrt.,

entret1eD avec Platth1au,

Galey,' Paits, Le Centur1ou, coUeétioa. ''Les Int.rvi .... ". 1980, p.

213.

\

(3)

'.!U!; ,

p. 213-.

(7)

(

-,

-2-projets. Souvenirs pieux et Archives du Nord sont nés, en so~e de son

"

,retour ~n Flandres avec 'Zénonl~ (1). Aux environs de la soixantairu:,

uc.~.c Yo~rcenar,' engagée ,dans la voie qui la conduira à la rédaction

du:~abyrinthe du MOn

~ 1

trepr~nd, en'se basant sur.l'examen.d'~rchives remontant jusqu'au'XIVe siècle et en ~rnant aux lieux ~ù vécurent .ses

~!eux; un~

euquêtè' généalogique approfondie, mot rincipalement..

~ar'

le-désir de mie?X situer sa vie et de dêcoùvrir si son existence .avait été déterminée pàr le cours des événements an~ér,1eurs 'à sa

nais-sance

J'ai tenté cette aventur-e-à-l-'-ige- d'environ souan.te ans. Quand le temps nous en est donné, je crois qu'il arrive toujours un moment où l'on s'efforce d'addi-tionner.des'sommes, dé-tirer des lignes; où"l'on se demande ce qu'on doit il' certains anc~tres inco~nus ou .

3. moitié "connus, à certains hasards ou inciden~B depuis longtemps oubliés,o peut-3tre

mêtaè

(ce qui est au fond 9

la mime cRose),

à

d'autres vies.

(2)

...

\ Cette aventure toute personne1.1~, que fut la p1ongé.e de

son passé ancestral, devait aboutir

à

la composition de

Souvenirs

(1974) et: d' Archives du Nord (~977), les deUx. pr~ers vo1et'Ps du La

in-1 •

~-the du Mondé, 80n triptyque autob1.ographique do~t le troisiae .recueil

~t encore en incubation.

.

.

fObjet du prisent " ' i r e e.~ d'explçl'er dans lèurâ grands paliers Souvenirs pieux et Archivee du

Nont,

qui constituent la chronique

fami-- \1 ...

Hale de Ma1.tguerite Yourcenar, riche dêpSt de leçons 8ur 1 'hoae et aur la _reM de l'humanité l travers les ancles.

(1) Yourcenar, Les Yeux ouverts.p. 214.

-(2)

ill.!:!.,

p. 217: , .' , , ", .~ \

(8)

,

(

, ,

"

Dans le ëhapitre initial, noùs évoquons le parcours littéraire de Marguerite Yourcenat et traçons à gros traita un profil de son oeuvre, ce afin de déterminer dans un chapitre ultérieur si Souvenirs pieux et

-

/ ~

Archives du Nord se déploient dans la même aire de pensées, de th~mes,

.1 . ,

de préoccupations que les écrits antérieurs de l'auteur j ou s'ils f,?:rment un édifice il part dans le coq,lexe de ses oeuvres.

~-Dans un deuxi~e temps, suivant les deux volets. du Labyrinthe du

Mona~dans l~~r déve1oppement,~'

regardant de

pr~s

leur rich-e ét;ffe, les _ il1terroge~t saIlS cesse dans leurs formes et dans. leurs mouvements, nous

• D

tentons de mettre en 1umi~re leurs idéea-ma!tresses, l'esprit didactique'

"

-r

qui les anime et de faire ressortil leurs aspects les plus essentiels, qui, par leur alliance et par leurs combinaisons, constituent le texte. ,.

,

Ces aspects ce sont : ~ la pse en oeuvre de la

satire,.

le passage de l'

écri-,

ture r01Jl.8IJesque

,1

l'écriture de l'essai, l' inscription- du discours su,r "la ' microhistoire'f' (histoire des anc@tres-et des parents de l'auteur) dans un

" )

.

.

discours sur, "la macrohiatoire"- (histoire des grands événements historiques)

, - 0

... 1f _ •

l'inte':Pénétration d'images

des"

temps

p~sés

et présènts, . les 'Va-et-vient de la narrat"rice

..

dana le temps et dan~ l'espace, 'le déploiement de son

'

érudition écle~tique, délestée de toute sécheresse et envel~ppée dans un

voile. de poé~1e. .

., ~ . ~ ~ l

La tranche finale de notre étude "s'ordonne en deux parti". En pre-'

.

.

'm1er lieu, ·UOUS ~tabl188ons un paralille entre ~ Labzri:.nthe du Mondé, de Marguer1 te Yourcenar

~.t

Labyrinthe· du .Monde (1) de-Jean AmOs

~n1:us.,

.

-hUllUlÙ1ste -tcliÎque

'dù

1VI;Ie si'cle, '1

~ui

eUe -a

~rUn.t'

le' titre

dè'

s~

...

.

.

~ ,

.

-~

triptyque. Ce par:allUe prEciseta d~~~ge' le ~r~ct~r,~ '41~étiq~"d~\ . . . Souvenirs

pieux

:et

d!

Ar~i~8

du

Nord., En

d~u:d~e ,lieu,

nous·

~d1qut?n~

.

~

Cl) Le

ti~r~

dé 1 t

allég~ie

de

Caaeni~

est· ''Le Labyrinthe du Monde et Le •

- 'Par.ais du èoeur".. . .

• -,

\

(9)

'.

,

(

, "

,-

-4-brièvemènt quels sont les plans communs entre Le Labyrinthe du "Monde et l'ensemble des écrits de Margueri~e Yourcenar. '

Il pourra1t être

obj~cté

qu'il est hasardeux de

s'~donner ~,l'~xamen

d'une oeuvre dont le troisiène volet n'a ,pas encore ~tê, complété. Il nous semble~ pour no~re part, justifiable de sonder dès mainteD4nt Souvenirs pieux et Archives du Nord, ceux-ci formant ensemble un corps autonome dans la suite du Labyrinthe du Monde : a1or~ que les deux pr~iers' v~lets constituent la chronique familiale de l'.aute~, Quoi, l'Eternité ? sera voué au récit de son enfance et de sa jeunesse. NouS invoquons un autre argument: aussit8t qu'un écrit est confié au p~lic, i l revient aux "lecteurs amateurs" et auxr"lecteurs professionnels" le 'droit d'en creu-s~r' l~ ~se~s, de l'tnt.erprét~r et de se livrer il un discours critique sur lui,. Céci d' aiÙeurs ne 'répond-t-il pas aux attentes de l'écrivain lui-même?

A propos du po~te Pindare, il qui elle a consacré un essai dan$ sa jeunesse, Marguerite Yourcenar a dit avec une humilité vénérable qu'il \ lui "aurait fallu vingt ans 'de

réflex~on

et d'étudè" (1) pour pénétrer sa

Vi~i"On du monde. Ce sentiment est le nStre devant sa propre oeuvre: flore ',luxuriante d,' idé~s nourrie par diffêrents foyers de lumière : la Grèce

an-tique, la',penséè .,stique orientale. l'histoire et le patrimoine I1tté-, ,

.

'\

ra~re et art~stique oc'cidental. Il en est de nous, quî-nous sc:mmes plongé < ~ dans sa creation littéraire sur laquelle i l n'a été écrit que peu d'

arti-"

\ '

cle,s et·

,d:

ouvrages 0 crÙ~q~', : c~ d'un voyageur explorit ~e contree

vaste aux mu1~iple8 relief~, d'une nature très riche et qui n'aurait ep ~~---:

Ji>

:.yource~r~' Les l'eux 'ouverts,- p. 64.

- '\ ",

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.

'

sa possession qu'une poignée de cartes rud1.mentaires servant '1 le gu'ider. , Ce fait susçita des.difficultés, mais présenta' aussi, paradoxalement, un

,

o avan~age, avantage parce 'que nous avous pu travailler avec notre propre . biton de sourcier et parce qu' 11 nous a "éÇé possïble de poser sur l 'oeu-vre étudiée un regard qui n'avait pas été préalablement ob:;lcurci par de nombreux chantres et détracteurs. Pout:· nous .guider; nous' avions

l'atten-,-) . '

tion et l'amour, ce précieux outil d'explo.ration littéraire que Rilke célébrait"

da~

ses

Le~tres

à un jeune

p~~te": "Le~

oeuV'I'es d'art sont d'une dnfinie solitude; rien ,n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peut les" saisir,

le~'iar~er,

être'

j~e

envers elles" (1) •

.

' .

-/.."

" , " "' "'

.

~ \' " , " ~ '.

-4, , , '" ~ ," ,. .3

(1) Bainer

~r1a.

Rilke, f;;;;,;;;t_%:,;;,res __ "..;l;;.·..;un __ ....

j.;;e;;lJne;;;;;;._po~l_t;;;.e,.

Pnb. Gra •• et, 1937. p. 33.

'\

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-'

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(11)

J.

li r'

f

1

1

f l CBAPlTllE PBEKIE'R , 0

-

, •

- 1. Parcours littéraire de-Marguerite Yourcenar

-.

2. Profil de l'oeuvre de Marguerite Yourcenar

a) Ecart entre l'oeuvre et la vie de l'écrivain

-b) Une- oeuvre qui se déploie dans 1 'histoire -c) Marguerite Yourcenar, arpenteur de 1 'h~

d) L'oeuvre de ~rguerite Yourcenar, une

médi-tation sur les maux endémiques de l'humanité .~

e) Marguerite Yourcenar, "une amante de· la 'vie!'

-·1

1

(12)

1

(

.

, 1. Parcours litdra.:1.re de Karguer'ite Yourcenar

Marguerite Yourcenar "vint au monde un cer,tain lund1.8 juin 1903. vera les 8 heures du matin, à Bruxelles, et naissait d' ml 'Français appar-tenant il une vi.eille famille du Nord, et d' une Belge dout les aacenciaDta avaient été durant quelques sn,cles établis il Liage, puis s'étaient f!D1 dans le Hainaut". (1). Le climat intellectuel où elle gr~it était haute-.-nt stimulant :--riche: cQl8erce d'esprit ,avec un plre cmeiché de littira-. ture, innombrables lectures, pérégrinations 1 trlittira-.littira-.avers l'Europe et •••

au-.ées, ~prenti •• age du

p c

ancitm- dh l'enfance; autant, de facteurs qui fécondent 1 t imagination. la MD8ibUi,té et ,l'intelligence de l'

écri-vain et déterminent l'aD que deva1.t npru:ptfJr ;8011 oeuvre.

1 ... ' J

S~ po_ •. de jeunes.e ne grav1ter~t- pu autour des thhtes clas.i-ques des adolescents : IIIUancolie, dbanoi existentiel, qulte de 1 'aaour ,

~ ,.. sentiment de solitude. C'est autour d'un autre fuseau.que s'enroulait sa pensée. Db cette ,époque, son imagination créatrice puise ses matériaux dans le passé. ''Vers 1919, Marguerite de Crayancour (2) qui écrit depuis

(1) Marguerite Yourcenar, Le Labyrinthe du Monde, l : Souvenirs pieux. Paris, Gallimard, Collection "Blanché" J p. 11.

- ,

Toute référence il Souvenirs pieux renvoie il cette édi.tion que nous désignoll8 par le sigle

.!.:.p..

(2) Yourcenar, es t l' anagr.-e, devenu légal, d.u nom pa terne! de Crayencour.

(13)

1

...

(

deux 8IUJ ou trois de. sonnets,' entreprend ~ dl,alogue poétique plu.

aabi-tieux, tiré d'un mythe qui lui est 'familier : Icare" (1). Ce long pohlè exalte "l'effort humain, même inutile, vers la lum1!re et vers la beauté"

(2). Apres son Jardin des Chimlres (1921), elle donne un second recueil de polmes : Les Dieux ne sont pas morts (1924), oeuvre évoquant et chantant ~ llOuveau la Gr~ce antique. A la m&me époque, elle rédige Ila troisièe de ~es créations "levantines" : Pindare (1932), essai sur le grand pof!te grec. Ces trois recueils ne satisfaisant pas, plus tard, les exigences personnelles de l'écrivain, ne seront pas, \Jlle fois la premUre éditL,n épuisée, republiés.

Aux environs de la vingti. an:nie, Margue~te Yourcenar car . . s. '

deux projets titanesquea : cCllposer une oeuvre sur l'empereur lIadrieU', e~ un roman his torique qui mettrait en scèe deux tYPes humains "ceux qui

C,

passent, ceux qui sont ce que Barrb eût àppelé 'de la chair de cimetière', et c~ux qui développent toutes les données qui sont en eux" (3). Ces pro-jets de grande envergure, entrepris prématurément, seront abandounés ,pour Atre repris plus tard, sous des formes modifiées, par l'écrivain mGri spirituellement et intellectuellement et l

Mme

-de relever les plus

impo-santes tiches (4).

Alexis ou le traité du Vain Combat (1929), vigoureuse fleur de .'

(1) Denys Magne, "Deux oeuvres de jeunesse de Marguerite Yourcenar", Etudes Littéraires, volumeIII, no 1, a~il 1979., p. 93.

(2) Marguerite Yourcenar, Le Jardin des Chimères, Paris, Perrin, 1921, p. 12. Epuisé.

(3) Yourcenar, Les Yeux ouverts, p. 168.

(4) La généalogie romanesque en question ne fut jamais écrite mais sou ébauche servit de base l La 'Mort conduit l'attelage et l L "Oeuvre

au Mit. ' l'

(14)

-

\

-9-'-...

jeunesse, qui anDDnçait déjl les fruits charnus de la maturité, arita il

Marguerite ,Yourcenar seS' premières palmes littéraires. Ce récit, dont il a souvent été écrit qu'il est de la veine gidienne, dépeint l'âme eu ca-weu d'un jeun.e musicien morave livrant un. "vain combat" il sou penchant homosexuel.

Suit, en 1931, La Nouvelle EUEYdice, oeuvre où le jeune auteur transmue un événement important de sa vie, sa recherche pour retracer une amie de son père qui avait exercé une grande influence sur elle dans ses années d'adolescence, en une fiction gauche.

Avec Denie~ du Rive, publié en 1934, son oeuvre prend une nouvelle voie. Le sujet est tette fois-ci contemporain et politique. Kargueri~e\ Yourcenar a vécu dans une Italie fiévreuse et secouée par les soubresauts du fascisme'. Dans ce roman-témoin, où la réalité et le mythe 's'amalgament, elle incite le lecteur '~ regarder en face la creuse réalité cachée der-rilre la façade boursouflée du fascisme'" (1).

La mime année, elle présente La M.ort-cOiiauit-,l.' attelage. Les trois nouvelles qui c0118tituent le recueil ont été extraites de la gé.néalog1e romanesque dont il a été préalablement question. L'une d'elle, UD'aptls DUrer", servira de base il L'Oeuvre au Noir. Une autre, -"D t après Gréco", sera retravaillée et republiée sous l~. titre' d' "Anna Soror" dans ~e re-cueil de nouvelles: Comme l'Eau

qui

coule (1982). '

; ,

En 1935\ p~r~tt Fe~, "prod~it d'une crise passiollDelle" (2),

"somp-tueux chef-d'o~UV±e, d'une !ésonance unique dans la production de Marguerite

(1) ,Marg~dté y:'ourcen~r, Denier du R@ve, pa~i-s, GâJ.H.mard,

,197l".

p. Il.. (2) MargUerite Y,ourcenar,'Feux,'Paris, Gallimard, - 1957. p,,_lO.

~-

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1

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J.

(15)

1

"

(

-10-Yourcenar" (1). Unique par sa pétulance, unique par son caractlre ~pres­ .ionniste, unique puce que, pour la premilre fois, la plume de l'êcri-vain lause couler des confidences personnelles. Ces morceaux de "prose , lyrique" (2), où figurent "des personnages mythiques 'ou réels" (2), et qui ont pour thbe l'amour sous ses différentes fomes, sont scandés "par des 'pensées' détacbfes, qui furent d f abord pour la p1upar.t des

110-tation. de j ouma! intime" (3).

Deux ans plus' tard, sO,it en 1934, elle offre aWt lecteur~ une ,"étude de l 'estbêtique ,du rave" (,) : Les Song~s et 1~ sOrt •• 'La. ,nlIae a~e pa-rausent ses Nouvelle. Orientales réunissant des' lé,endt!s puisées l des ,il

, t ,,~~

sources vu~é.. : l'Inde" le Japoli, la Grlce, les Balkans.

14

pr-.1lre de

èes'

de~

oeuvres tiwl:1.gne de la ftlUltipl1c:1té et de' la diverSité des

btté-rlts de cetU , fe.e

~'~1eU8e

.

du tlyat'êre des rlvea-,' dU' atres et des

civi-U .. ati~'t- (5), 'la seconde, de SOD. cOlllmpolÜi_e :tn~ell~ctue1 et

spiri-"

.

tue1.

Avec Le Coup de Crlce (1939),- "rollall placé dau le. sillage df la guerre cle 1914 et de 1& Révolution ruase" (6), l'oeuvre ,118se vers un nouveau pB1e spatial et te1llpore1. ''Le lieu et le tellps, c'éta±t la Livonie,

(1) Yvon Bern1er, "Itinéraire d'une oeuvré', p. 8.

(2) Yourc~, ~, p. 9

(3) Ibid., p. 10.

(4) Yourcenar, Les Yeux ouverts, p. 105.

(5) Pierre de Boisdeffre, Une Hieeoire Vivante de la littérature d'au-jourd'hui (1939-1968), Paris, Perrin, 1968, p.

399.

(6) Karauerite Yourcenar, Alexis ou le '!:raité du Vain Combat suivi du Coup de Grace, Paris, GalLiaard, 1911, p. 16A.

(16)

(.

(

-11-ou plutSt la C-11-ourlande, pendant les putsch germaniques contre le régime " bolchevique vers 1919-1921" (1). t"'i~ ~'(-~ ... # \~~ , , '.

Marguerite Yourcenar nous a également donné, daliq la prem1~re période de sa carrUre, de magistrales traductions : Les Vagues (1937) de Virginia Woolf et Ce que Maisie savait (1947) d"Henry James.

Pendant la dewd.~ guerre mondiale, l'écrivain: qui a jusqu 1 alors vécu "

dans différents pays européens, Fasse sur un autre flanc'de la terre, le. Etats-Unis. Son temps y est partagé entre l'enselgnement dans un "College", la traduction de Negro Spirituals, qu'elle publiera en 1964 s,ous le titre de neuve Profond, S01IIbre Riviare, et la ccapos1t1<m de pikes dont le cadre est la Gr'ce 1IYthique et qui présentent sa panaée avec "une liberté de bal masqué ouds travesti" (2) : Le !lst're d'Alceste (1942), Electre ou la Chute dea Ma!qUe. (1943). Qui n'a

pu ..

ou MiDOtaure (1941). A I!et~e . . . . époque, l'auteur, dont noua -ft1lOJl8 ,de cOlUltater l nouveau la fidllité l ses prédllecti0D8, de jeun . . ee - pridUection pour la Grace antique et

ses ur.ythe. ~, travaille- • l'adaptation ednique de La Petite Sirw d' AD4.rsCl.~

"

Cette pi'ee, l .88 dire., lia repdsenté le part . . e d . . eaux entre sa vie d'a-vant 1940, centrie surtout sur 1 f hu.ain, et ceUe d' apra., ail 1 f Itre huaain est senti ~ un objet qui bo",e 8ur l' attllre plaD de tout" (3).

La deux.t._ pé~iode de sa cal'l'i~re l1ttiraire 8 ' ouvre avec la

publica-tion dea K&oiru d'Hadr1Cl en 1951. La p1U11e de Marguerite Yourcenar, 8i elle itait pri1lci~re, n'ltait pas encore royale: c'est avec les .. imo1rea

\ (1) Yourceur. La. Yeux ouverts. p. ~8. "

(2)

!2!!.,

p.

198.

(17)

( ,\ , ) ,

.

(

-12-imaginaireS de '1 f eupereur ,Hadrien et L'Ceune au Noir, ces "deux livres, qui ne sont, pas nh du dêsir de ressusciter des êpoquea d1.sparues maia d'une rêverie juvénile' sur des desti~es exemplaires et, l. travers elles,

1 ~ , - )

sur le destin univerael" (1), que son talent atteindra son point zénithal et qu'elle se verra uoani~nt couronnée par la critique.

Dans les MlllOir'ee 'd'Hadrien, Marguerite Yourcenar se pose en greffier de l'illustre empereur romain, rejoint par le canal de "1 !'érudition" et de la ''magie symlulthiq~~' (2) ; le personnage lui dicte, pour ainsi dire, le récit de son existence i~signet récit,q~'il ponctue de réflexion sur les grands phénom~n~ de la vie et sur l'art d r une présence religieuse au monde.

L'Oeuvre au NOir, s~conde oeuvre-ma!tresse, présente deux foyers d'intérêts principaux: la trajectoire spirituelle et intellectuelle de l'alchimiste Zénon, "personnage imaginaire en qui s'incarnent toutes les audaces métaphysiques, de la Renaissance" (3), et la peinture d'un univers humain fiévreux et en d'l1quescence.

En 1962, paratt Sous bénEfice dt inventaire, recueil dt essais, où

1 t auteur .ne une 'tude sur 1 t oeuvre de Thomas Mann, de Selma Lagerl8r et ,

de Conatantin Cavafy. Y figurent également un essai sur Les Prisons

ima-ginaires de Piranllae, un eS8ai consacré aux Tragiques d'Agrippa d'Aubigné,

(1) Jacques Brenner, Matoire de la littérature française de 1940 l nos jours, Par,ia, Fayard,

1978,

p.

244.

(2) Kar-=te

Yourc~r,

K6a0ir.1 d 'lladrien suivi de Carnets de ire. d'Badrienh, Paria,

Gâllfmard,

collection Polio,

p.

330.

notes de

1974,

(3) No.te d'introduction 1, un extrait de La Mort conduit l'attelage, Livres de France, DO 5. _1 1964, p.

8.

(18)

(

<-

-13-,

.

une étude sur L'Histoire AUguste, chronique

de

l'histoire de la Rome ancienne et, fOrmaI1t dans cet ensemble un édifice h part, Wl récit de l'histoire du chiteau de Chenonceaux. Cette oe,uvre apporte un autre ~é­

lIOignage de l ' éè'lectisme intellectuel de la r~ci~re.

...

Dans la seconde' période de sa -carri~re, ~guerite Yourcenar donne de nouvelles traductions.

Èn~,

pardt sa 'Présentation. critique de

Cons-~ ..

,

tantin Cavafy. étude et traduction des po~mes, de l'écrivain grec

contem-porain~ n~urri

ccmme elle, "de l'inépuisable subsiance du passé" (1). En .

r

1~69, elle initie le pUblic de langue française dans sa Présentation

cri,tiCJue 'd'Ilorseilae P'luner ,1 l'oeuvre de ce polte américain contemporain •

.

,Enfin, tout récemment, soit,en 1979, elle confie aux lecteurs ~

Couroune et la Lyre, anthologie de. polmes grecs s téchelomlaDt sur

plu-s~eurB .i~cles et qu'elle a e1le~lme traduits.tout au long de son

exis-tence.

Jusqu'en 1974, MJrguerite Yourcenar, écrivain peu enclin l l'écri-ture autobiographj.que,

ù"

avait encor~ jamais levé' le votle couvrant son p~sé. Cette année-ll marcflle le lever du voile. ~ la suite de s8's poàkes, de ses romans, de su essais et de ses piaces de théitre J elle présente

sa st11;.te

'!1ut~b~o'grapbique

: Le Labmnthe du Mande.

L~ p~emier

volet,

"-Sou~nirs pieux, paratteii 1974, le second, Archives du Nord,· en 1977 •

.

~

Le tro~s:!_ volet, qui gravitera autour , , de son enfance et de sa jeunesse et

qui

p~rtera le titre Quoi. l'Etemité

1,

est, comme nous l'avons déj1

ment~onné, -encore en gestation.

(1) YO\1réenar, Les Yeux ouverts, p. 205.

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(19)

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, ) , , .-14-" ,

2.

Prog!l de l'oeuvré de Marguerite'Yourcenar

\','

,

.

Apds avoiT jalolUlé

l'

itinér~i:r:e. ,littérai,:r.:~ de l'écrivain, tâchons de pénétrer plus av~t ~ans.la ,substance de son oeuvre et de déterminer ce qui le' mo ti ve au, coeur de sa création l i tt.éraire •

a) Ecart entre l'oeuvre et la vie dè l'écrivain, ,

"La premi!re car~ct~ristique de l' oeuvr~ de, Yourceilar réside dans

l'importance de l'écart qui 1a sépare de l'auteur, de sa condition et de son temps" (l). Cet écat;t est aussj, bien spatial que temporel: l'Empire

~

roiaain du

~IIe

silcle, "les F1andres" ,de la

Renai~sance,

la Courlande pen-dant les putsch germaniqUes, l'Emp~re sustro-hongrois du début du XXe silcle, la Rome fasciste;-la Grace mythique, , telles sont'les aires éloi-gnées où'se cantonnent ses principales oeuvres.

A l'exception d'un seul recueil,

no~

né 'retrouvons dans les écr-its de Marguerité Yourcenar .','ni son milieu, ni ellE7, ~1 sa condition, ni ~n pays, tii son temps" (2). Seul Feux u.troduit

le

lect-eur dans l'inltimité .

- 1

de·la romancilre. Ll, encore, cependant, la discrétion est prise pour dg!e. Si elle y ouvre son cOèur, ,en montre les flammes, les brandons et les cendres, elle n'indique rien des circonstances e~ de l'8tre qu4 ont ,',provoqué l'~rase_nt. Ce n'est q~'avec

Le

Labyrlnt~e du Monde, que les

portes stou~iront sur sa vie

et

sur, ses antécédents fami~iaùx. Ce' refus dé proj eter de façon ouverte sa pro'pre personne ,et son

'(!) Jean Blot, Marguerite lource1l4r, Parls) , Seghers, 1980,. p. 17.

(2)

B?!.!.,

p. 12.

..

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J

(20)

---(

(

• 'V ... '-

-15-~

la sc~ne de son oeuvre, comment l'expliquer 1

"

.

l'

e~intime sur

~.. '

---Comme les propos suivants en témoignent, Marguerite Yourcenar, à qui

re-vi~nt la gloire d'être la première' femme à être admise l l'Académie'

française, est un être profondément humble qui abhdrre la parade et le culte de la personnalité

~ Vous m'avez accueillie, disais-je. Ce'moi incertain

~ et flottant, cette entité dont j'ai contesté

mo'i-~l'

existence, et que je ne sens vraimènt

dé1imi-t~~qu~es quelques ouvrages qu~i1 n'est ,arrivé

d ecrire (.~1) , .

'.

,~'

~ ,

Cette obsession française

du~

de la personna- .

lité" (la sienne) chez la

pers~~;~c~t~

ou'~

qui

parle me stupéfie toujours. Oserais-je dire q e

la trouve affreusemept petite-bourgeoise 1 Je, mo J

me, mon, ma, mes ( ••• ). (2)

Il e~t des écrivains qui ont un goût marqué' de la reminlscence, que

~ourmente le besoin brûlant de détailler leur êtr~, de procéder à une'~­

visection publique de leur moi., de communiquer, leur

. . '

v~rité viscéràl.e. A

~ ....

cette catigorie

appartie~t

Rousseau, les

Roma~tiques

.

et,'

plu~

près'de'

.

,

nous, Julien Greef1 par ~xeJ!1P1e:' uJe voudrais" dire ma 'vérité' un jour~ 'une'

.. ~ • 1 - - - . • "

Jteure ·ou. seulement quelqués minutes .... '~

q),

écrit' célui-ci dans son

~

Journal,

rés~t'

dans,cefte

formul~

la nécessité. pour certains êtres de

. se confier.

sont 'd'autre~ vé~ités que sa véri~é, unique, isolée, privée,

.

~ .'

qqe la 'romancièrè a tenu l exposer dans son o~UVre. Offrir une synthèse d~

la

condition humaine, sensibilisèr le 'lecteur aux'grandes loIs qui

..

, (1) Discours de réception de

,Madame

Mari2erite Yourcenar à l'Académie fran-'

çaise et Réfonse ~e M. Jean d'Ormesson, Paris, Gallimard, 198!, ,p. 10.

"

;(2)

Yourcenar, Les Yeux ouverts" p. 218~

(3) Julien Green; Journal~ Paris, Plon, t961,.p.

462.,

" , , " ,

r-

I-i

J

.

, 1 ,

t

(21)

16

-gouv~rnent l'houme et l'histoire, l'-aider 1 approfondir sa·connaissance de la ps~ch~ humaine, lui offrir ,une étude psycho-pnysiologiquè sûr , lfhomme, lui donner le sens du "sacré., de la beauté et, ~u b~éut datts

1

la. vie" (1)., voilà à quoi elle s'est app~iquée avec u~ fèrve!lr t~ujo!lrs

\

renouvelée.

. ,:.;:; ..

Certes, elle aurait pu dégager les~constantes de la' Rsyché h~ne:

' . Ii . et établir une

synth~âeae

notre condition en se basant sur sa

propr~

,;/i.e

et sur ses expér~ences. Montaigneine l'a-t~il.pas aécompli ayec brio dans sa tour

?

~rgueriee Yourcen~r e~le~mêm~ n;laur~ pa~ em~runté

la voie du brill,ant essayiste, coÏuf.idé~ant que la vision implique l~' distance ; que

l'homme n'a de s~ prop}e existence qu'une image fugace, 1nco~l~te et brouillée .:

Mais un ronancier'connalt ses personnages à la fçis du

---~ . . .dedans et du-déhors, il sait leurs tenants et leurs

~ ~utissants, il prévoit, ou même ~ déjà vécu pour eux'

. ' ~eu~int d'arrivéè. Son propre "je" risque bien, da-. vantage dè-eOinDerdans des trous ou de buter sur de

.

'.

- fausses pistes. Le passager d'QIÏ train en marche t:le se voit pas, ne peut pas se pencher à la PQrti~re

d'un des wagons, pour voir le wagon travarsér l'es- . pace. (2)

;tout nous échappe. et tous, et nous-mêmes. La vie de ,on p~re m'est plus inco.nnue que ,celle d'Hadrien. Ma •

propre existence, si j'av~is à l'écrire, serait ~e­

constituée par moi'du dehors,~péniblement, comme ceile: d'un autrè ( ••• ). (3).

-. Sa' synth~se de la. cond~tion tll.nnaine, elle a choisi de ia fàire à tra-' vers 1 "eosembl!! . de ses' per~onn.àgeB, mais surtout, à travers ces figures.' ,

..

'(1)

Yo~rcenar; Le", ·Yepx ouverts, p.

186.

, (~)

-

Ibid., p.

, 229.

de not.ès ''Mémoires

.

d 'Hadrientt,

(3) Yourc~nai, Carnets de p. 3~1. o l

l~

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(22)

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-17- '

pri.nci~re.s,

d'

~vergure ép~que, l 1 r espri t

"ùni

ve,rs!Ù, que sont· Hatlrie.n et Zénon.

'b) Une"oeuvre qui ile déploie dans l'Mstoire.

3 ;

. Pourquoi. l' auteur a-c-:-il ~n.trepris, selpn l'expression de Jean ." ,

d..'Ormes8'on, dé "déployer" son ,'oeuvre dans l'histoire ? Ne serait-:-ce poas

..

.

~q~, f~ entic~e·de bèautê, ~'~aimonie et de, justice, effarée par les~

désordres e~ la ~rive du mond~ cont~porain, elle y a trouv~ un havrè ?e paix, un doux lieu,de refùge ? C~tt~ hy.poth~se, qui repose 'sur une

• 1 ~ . . . . ~ ..

, vis:l..on erron~e et superficielle du pas~~ (le" passé est .plus b~!l et plus he'ureux que le présént

!),

Marguerite' Yourèenar l ,

'"infi~

e1le-m&1e

On nie .. parle toujours (j' ose

di~e

que les

:rui!f~

tpe

parleÎlt. toujours) ae ~'fuice' dans le- paasé".- comme si

le passé était wf asUe, comme s1 la vie humaine " n'avait pas toujours é~é dure et difficiie.-Ce n'est pas un asile que le passé nous offre ~ ••• ). (1)

Bien plus,. l:o':lh d'acre un asile (there Is no hid1.ng place, come le dit, un béau Negro Spiritual que je me ïiJuis plue l craduirè), le passé est trop' souvent ,-comme le présent, une 'chambre d'borreurs. (2)

1

-1

No~,

"ce n'est point par besoin de fuite

qu'~Ile

a

entrep~i8 ce~

gran-des pé~êgrinations historiques. Nous avons préalablement indiq~ 1s

rai-l ' , . " .

son qui 1fa~ait·~née l établir une synthase de la condition h~~e ~

.

.

se bnant su~ d'autres vies plut8t que sur la sienne : c' es.t la. conviction "

q~ âeul~ l~distancé assure l l'homme une vision limpide, objecti~e et,

.r

,

'(1)- Pat:rick' de Raabo, Entretiens radiOPhonuues avec Marguerite. Yourcenar,. .

~arig, Herèure de France,

1972,

p., •

" (2)

.!!1.! ••

p. 45.

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ç~~~te

;des fait's. Le

recu~'

dans le temps e.t, dans l'espace de l'action

. . . . . . .J _ ~ ..~-.

Jf"o ~ ( " ~'

dans ses écrits ~elëve de ce m~e motif qui est d'ailleurs aussi celui

.

!}\1tinvoquè Racine dans la-préface de Bajazet. Selon elle, "les lois ( ••• ) . demeurent p~e~que touj odrs invisibles ~tO\::;acteurs et aux -témoins Il (1) ;

, o!I

l'hommé n'est pas

en

mesure de pénétrer le présent dans toute son

épais-< ,

seur, setU le teIÎlps permet "de juger, de décanter en quelque sorte les

, ~ 1 ",

".~:'

événement:;S

dUc:p~8é".

-(2) : ,. " .

-

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.

" ' ,

.

-.. " ~

.

.'

c~ mdme~t:_ p·résent., qui est tellement court, est. aussi tellement vaste, et riche de coordonnées qui

. DO\lS êChapi;èrir, i l n' y a que le recul qui puisse

. n<?uS

.

Reœttre ,dten dénombrer quelques-unes. .

.

(3)

.'

~ Ar cette romanciè~, qui enseigne 'h travers la bouche d'Hadrien et de

,

..

-

'Zénon ~ue ~~ ~ayoir s'acqUiert par l'étude de faits concrets, le passé ,.

.

. .

:app~r~t-- ·c~

un domaine privilégié pour mener une

enqu~te

sur 1 'homme

t - .

. ~ .. '".... : et sur 1r,e cours des ~ffaires humaines, pour dégager les grandes 101s qui

.;1 " .. .L ,

• <

J~" _ . président à la ~c~ de l'humanité. Nous faisons appel il une expression

d'o~waid

w .. ' 5 . . , Spengler

po~

défipir

d~ ~açon r~ssée

, la vision de l'histoire

de Margueri te Yourcenar : III

'îd.â

toire . visible es t ( ••• ) la psyché

d~v~-~ ~\.'

1. I..>i ..

__ nue formelle" ~4). ,.

1:' ... '.j ~ l ,

'.

, .

~à dtmension historique de ses écrits présente une autre

parttcu1a-~ If - '

~.,

r'J..ti.,

Que" 'le 1e~te~r se garde bi~n de croire que l'auteur traite ode ~aits

. , ,

, .' "i8o+é~'dans'le temps et'dans l'espace qui ne concerneraient pas directement

D

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.~ ~-

:(J..}

";~rg~~::ite.

Y01,lrc!!Dal"-, Sous bénéfice dl inventaire: Paris J

"', . . • . . 'collection "Bibliot~iqu4! des Idêes". 1979, p. 20.

Gallimard.

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• . ' , > • • "'~ (2)';YoÙ:J;'cenar, Les yeuX ouverts,

p.

56.

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'os~d

'S'pengler, -Lè

D~cl:t.n

de l' Oed.dént, . Paris, ,'. 'u.: -. - ., .... tion "B:Î.oliothlquè des Idéesii , 1948 t p. 18.

~ ~ r _ " • >, Gallimard,

collec-î

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l'homme d'aujourd'hui. Dans les événements du passé que font revivre

ses romans se réfléchit le visage permanent de la vie humaine, visage

tragique qui se cache sous des masques toujours nouveaux au cours des temps.

Le lecteur n'est pas amené il contempler dans L'Oeuvre au Noir, par exemple, un univers pestilentiel qui lui serait étranger, mais un uni-vers on, comme sur le sien, soufflent la haine, la bêtise, la cupidité

1 et la peur. Il y retrouve:

m~e subordination du pouvoir il l'argent, ma.e

intimidation des faibles par la force et la crainte, m@me prudence ou lâcheté des modérés qui voient clair dans les préjugés et les turpitudes sans oaer les dinoncer, mf!me emplo i de la torture et de l' in-carcération contre ceux qui ne pensent pas bien, c'est-il-dire selon la politique gouvernementale et les croyances du temps. (1)

Dans Souveni.rs pieux, Marguerite Yourcenar écrit que la vue d'un certain gisant p~ovoquait chez celui qui le cont81llp1e le "choc du passé

}' ... _ '

soudain révélé" (2). A nqtre tour noua empruntons cette expression pour traduire la singul1~re impression ressentie en présence de ,ses fresRues historiques. Cet art "de ressusciter .1e passé, quel en est le secret ? La romanci~re ne reconstruit pas le passé il sa' guise mais travaille, selon sa propre expression, avec "des pierres authentiques" (3). Une étape

ess~ 11elle de sa démarche créatrice consiste il accumuler, comme en

(1) Carlo Bronne, ''L'Oeuvre au Noir"z! Marginales. no 121, juUlet 1968, p! 76.

(2) ~., p. 101. L'auteur de cette expression n'est pas Marguerite , Yourcenar mais Sacheverell Sitwell, critique d',!!.l;t anglais. (3) YouTcenar, Carnets de notes de "Mê1llOires d'Hadrien", p. 342.

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-20-témoignent ses postfaces," une vaste documentation sur l'époque qu'elle

..

cherche 1 dépeindre. Munie dt informations solides, elle cerne les choses. les êtres et les lieux d'un contour clair et précis et leur rend. avec la s~ve de son imagination poétique la "chaleur palpitante de la vie" (1).

c) Marguerite Yourcenar, arpenteur de l' homme

Al' instar de Jean d'Ormesson, dans sa Ré,ponse à l'Académie française, nous avons cherché à traduir~ avec quelques formules lapidaires la quin-tessence des écrits de Marguerite Yourcenar. La premi~re de nos formules

1

Marguerite Yourcenar, arpenteur de l'homme. A travers toute son oe~vre, la narratrice poursuit 1Pl travail acharné d'arpenteur, sondant l'homme ,dans toutes ses strates, étudiant la dynamique de ses vouloirs, de ses

sentiments et de ses comportements, cherchant à détePDiner les forces agis-santes qui dirigent l'homme.

Arpenteur de l' homme ! Ne pourrions-nous pas ainsi caractériser tous les grands écrivains ? Il convient de préciser quel.s sont les facteurs assurant l'originalité de Marguerite Yourcenar à cet égard. Le premiet; .' ' facteur se trouve dans la mul.tiplicité des phénomènes humains qu'elle a, cherché ~ pénétrer et ~ comprendre. Comme Jean Blot en faOit état dans l ' é:.. tude qu'il lui a consacrée, le vertige s'empare de nQus au moment de l' in-ventaire des thèmes orchestrés dans la créati9n littéraire de' la romancière

(2). L'amour, le bonheur, la fureur, le sentiment religieux,

.

, la sexualité, le rêve, les hautes et les basses pass ions de l' hoUIlle, le sODlll~l,

(1) Gonzague Truc,

''L'

oéuvre de ~rguerite Yourcenar : 1939-1938", Etudes Littéraires, volume XII, no l, avril 1979, p. 27. (2) Jean Blot, ,Marprité Yourcenar, p. 10.

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-21-l'alilllentation, la syntaxe des rapports humains, les liens circulaires

entre 1

'mue

et le corps, l'homosexualité, ce sont lA quelques-uns des

as-pects humains dont elle a cherché à pénétrer les mystères. Marguerite

Yo~rcenar, par son insatiable désir de tout connattre sur l'empire de

l'homme, rejoint les philosophes de l'Antiquité grecque 'et les grands hu-manistes de la Renaissance, autres arpenteurs infatigables de l1homme. Le second facteur, assurant l!originalité de Bon enquête sur l'homme, réside dans le fait qu'elle n'explOre pas seulement le continent de l'esprit mais également celui du corps. L'être humain ne se constitue pas de deux principes agissants distinctifs, l'âme et le corps. mais de deux

princi-p~s inte~dépendants'et étroitement unis. Le corps exerce également un

ascendant sur l'âme, il travaille à son bonhéur, à sa plénitude, à son

perfectionn~nt. Les joies spirituelle$ naissent dans le vase du corps,

,

voilà quelques-unes des leçons èapitales' sur l'être humain, que nous adresse son oeuvre.

d) L'oeuvre de Marguerite Yourcenar, une méditation sur les maux

endé-miques de l'humanité

Nous proposons une deuxième formule pour caractériser les écrits de Marguerite Yoùrcenar, une méditation sur les maUlt endémiques de l'humanité. A travers sa création littéraire, colorée d'une inquiétude douloureuse et

maternelle devant "la nuit obscure des houmes" (1) et pulvérisant le mythe

de la bénignité hunaine, elle se livre à une étude de l' a1g~re des

pro-blames humains et développe une réflexion ample et serrée sur le caractlre tragique de l'histoire.

(1) Marguerite Your~enàr, L'Oeuvre au Noir, Paris, Galllaard, 1968. p. 273.

(27)

1

(

,

..

-22-,' , ,

ail donc r~side, selon. la narratrice qui, cOmme Voltaire, . Céline et

Ag~ippa d'Aubigné, eSt lla'ntée par "l'effroyable probUme de la cruauté

de l'homme envers 1 'hODlJle" (1), la source des grands drames htJllUÜns ? Son oeuvre n'accorde pO,int de place aux concepts de fatalité

métaphysi-\

que et d'absurdité; elle 'enseigne que l'ho~e est le grand responsable des probli!mes qui l'accablent, parce qu'il n'éclaire pas ses chemins avec ce fanal qu'est son intelligence; parce qu'il n'analyse pas de façon attentive et critique ce qui s~ passe autour de lui ; parce que sa conscience "dort confortablement sur le double oreiller du"conformis. et de l'inertie" (2).

e) Marguerite Yourcenar, une "amante de la vie'?

''Une amante de la vie" (3), c'est avec "cette derni~re formule,

emprun-tée au critique littéraire Gonzague "Truc, qui a donné dans les années trente une conférence des plus pertinentes sur Marguerite Yourcenar, que nous t;ermiuons notre compte ren4u des lignes de force de son oeuyre. La création de cette romancii!re vibre d'un amour profond et révérencieux de la vie, d'une fascination intarissable ll'endroit de l'univers, amour

~

qui, disons-le, a un caracti!re nettement religieux ; fascination qui ne tient pas aeulement de celle de 1 'e8th~te en prbence de ce qui est beau et puissant, mais de l'émoi sacré de l'Ame au contact du divin. La vie,

(1) Yourcenar, Sous bénéfice d'iDventaire, p. 51.

(2) Marguerite Yourcenar, Fleuve Profond, Soabre I1vi~re, Paris, Galli-mard, collection ''Poésie'', p. 16. Coaaentairea et traductions des Negro Spirituals.

(3) Gouzape Truc, ''L~ oeuvre de Marguerite Yourcenar 1929-1938", Etudes Litt6rairea, p. 27. '.

(28)

"

1

(

-23-dans ses multiples manifestations, est sacrée, miraculeUse, divine

J

voilA ce que l'auteur tient il communiquer aux hommes d'un moncie qui perd, de plus en plus le sens dl\,. myst~re, du sacré et du ,divin.

"Tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts:. •• " (l), ce sont Il les ultimes mots du testament spirituel d'Hadrien. Significatif est le fait que Marguerite Yourcenar ait donné l la série,de ses entrevues avec Matthieu Galey le titre "les yeux ouverts". Cette formule exprime avec une bri~veté fulgurante sa politique de vie, qui rejoindrait ,celle de l' empereur, 'et ses objectifs d'écrivaui : que le lecteur ouvre ses yeux sur lui-même, sur la grande roue de la vie et sur le théâtre du monde et des hommes, qu'il prenne conscience de ses maux d'une part 'et, d'autre part, , , du caractère divi~ de là Vie, qU'il découvre les grandes lais qui gouver-nent l'homme et l'univers.

Ce désir de dessiller'les'yeux du lecteur, de' l'éclairer sur l'ordre et sur les désordres du monde et de l'amener l'modifier ses. attitudes

né-gatives repose sur une conviction morale profonde : celle que tout homme

- dort tra\1aillër au bonheur de la communauté humaine et au "salut" de ses. semblables -:

Les "quatre voeux bouddhiques", quI! je me suis en effet .souvent récités au cours de ma vie, j'hésite i! les redire en cé moment devant vous, parce qu'un voeu est une

prilre ( ••• ), en simplifiant, il s'agit: de lutter contre ses' mauvais penchants ; de s' adonuer jusqu' au bout ,Il l'étude ;, de se perfect1oD.1ler dans la mesure du

pos8~ble ; et e1if:tn, "ai nombreuses que soient les creatures errantes dans l'étendue des trpia mondes", c' es t-Il.l-dire dans

a. '

univers, "de travailler l1 les sauver". De la' con"cience morale l1 la connaissance

)

(1) Yourc~r,

came

ta de note. ·cie t'Méaoires. d'Hadrien:"', p. 316 •.

,

..

,

-' -1

.

1

,

!

f

!

(29)

1

(

..

-24-intellectuelle, de l'amélioration de soi 1

l'amour des autres et l la compassion envers eux,

tout est Il, i l me semble, dans ce tex te- vieux

de quelque vingt-six si~cles. (1)

• <

(1) Yourc:aur, Lu Yeux ouve!:ta, p. 334.

1

1

(30)

\ 1 .'

'.

CBAPITU II

Tour dtborizot;l de "Souvenirs pieux" et. dt "Archives du Nord"

..

a)

'·L'

Accouchement"

b) "La Tournée des châteaux"

c) "Deux voyageurs en route vers la r€lloll i.uable"

d) "Fernande"

e) "La Nuit des temps" f) "Le Réseau"

1) ''Le Jeune M1chel-Charlee", "Rue .rais" .'

, 1 h) "Ananké" (

.

(

-25-

" ,1 i ! , ,\

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(31)

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.

' ,

"

CHAPITIE II

Tour d'hori.zon de ttSot,1V_~r8 pieux" ,et d' "Archives du Nord"

T

-a) "L' Accouch~t"

Le Labyrinthe du IIIOnde s'ouvre par le classique "pacte autobiogra-phique" :

L' @tre que j ' 8p;P,elle moi villt au monde U1l certain lundi 8 juin 1903, vers le8 8 heures du matin, l, '

Bruxelles, et naissait d'un Français appartenant l

une

vieille famille du Nord, et d'une Belge dont 'les aacendants avaient été durant quelqUes silc1es éta-blis l Lilge, puis s'étaient fixés dans ~e Haipaut. (1),

1

-Marguerite Yourcenar s'engage en ces termes, h la suite'dé Rouseeau,

d.

Chateaubriand, ',de George Sand, de Gide, de Sartre, cle Julien Green,

pO~~'ne DOmmer que quelques-~ des autobiographes français le~ plus,n~

toires; l dérouler l'histoire de sa Vie.,Kais, 'disons-1e,dle

ma1l1t~ant,

allé n'a pas coulé, son autobiographie daDa le mo~e chrono,logique ,Jwfi-tuel. Dana les toutes prem1l,res pages dU Labyrinthe 'd~ Monde, ell,e "rejointoie les bribes de faits crus COIlIlUS" (2) sur les premiers jO~8 de sa vi~, les anime de son souffle poét~que et DOUS dOlÙle ~lIlsi "l'image'

, '

. d'un.

personne et de quelques autres, d'un m1lieu, d'un site, ou, çl et

(1)

!:.2..,

p. 11.

(2)

.!!?!!.,

p. 12.

-26- .

(32)

1

. .

(

, '

-27-,

.

Il, une échappée mo_ntanée Bur ce qui est sans nom et sans forme" (1).

.

Mais' aussi tSt "la continu! té temporelle" est rœq,ue.· ilLe récit n'a plus , ,

o

pour objet de dire ce q'ui découle ,de cette donnée initiale, mais au con-,

traire de ,

r~tracer.

d'évoquer, d'inventer èe qui a rendu ...

p08Sibl~

la - / j

~ \

na1ss~c~" (2). D~' le second chapitre, ces "personnes" t ce ''milieu'', ce

Itaite" sont éclipsés.;

ftoWf

SOIIWIle8 p"Drt:és du XXe si~cle au XIVe si~cle 'l Lilge, berceau de la lignée maternelle de l'âuteur. Puis, sur plusieurs

.

-centaines ,de pages. Marguerite Yourcenar évoquera 1 'h'istoire de son passé ancestral et familial, où se meut sou tlnsage" invisible avant que son père et sa _re' se

~oient ~encontrés

.'(3). ,Ce n' est que, dans l'u1ttae tranche d'ArchiveS du Nord, apr~s avoir ch~ 'l travers 1ges u..emoriaux et âges dqnt le temps a conse", le souvenir t que le lecteur

sera l nouveau placé devant l' atre qu'elle "appelle moi".

Un trait sa~llant de l'oeuvre se laisse apercevoir db ses premières _ pages.

''L'

AccotJc~ement" forme une riche lIOsafque' de th_es : la naissance de l'auteur, 80n milieu familial, l' injU8tiç~ sOdaie, l' igD01lÛ.nieux sort

réeené l la'

.

vache, la souffrance des bites

.

e~,,:deè 11o-.ea, le bel1icia~e

.

qui baigne le ~e contemPorain, 1'~~ité de l'individualité humaine, le "mythe" de l' 1n.etinct 1I&te~1, vain la pléthore de sujets que yéunit cette 8in8ulnre page aut.obiographique. La profusion et la variété de

o

thJ.s et de hors-d'98uvrea, propres non seulement l ce volet mais l la

(1)

!:.E..,

p. 12.

(2) .Jean àoudaut, "Une AutObiographie impersonnelle!', La Nouvalle Bawe

Française, no 310, novembre 1978, p. '71.

(3) lDan Zen 11118 en exergue l -Souvenir. p1eux~ "Quel était votre visage . avant que votre pare et votre

_re

se fuasent rencOIltr6s 1"

(33)

(

-28-chronique familiàle toute,entière, con~tituent déjà eu elies-mêmes ~

indice sur l'esprit qui la pén~tre et 'la' nourrit. C' _e~t que 1 "obj ectif

, <

de L'écrivain n'est pas de déployer 'exclusivemen-t < l' . ,

hist~ire

de son passé

' , ~ .

prénatal et postnatal mais" de soumettre 'à la

méditatio~

du lecteu+ une

série de faits qui, comme nous le'verrons pl~s lOiù, ,sont a~tes l ~~ dire

io'ng sur la condition. de l"homme et la nature 'humaine ....

" L~ chapitre initi~l ~~ Souvenirs pieux se détache donc ne~tement des

, deux premiers. volets Labyrinthe du MOnde en ce qu'i~ es~ le seu~ où

Marguerite Yourcenar mett ,sa propre personne en s~ène'- ~lle y CO~Signe

le récit de sa naissance et la mort de sa mères survenue quelque~ jours

sp+ès sa venue au monde, et dépeint avec des couleurs sa~irique8 son

mi-lieu familial. Les chapitres suivants de Souvenirs pieûx, et d 'Archiyes

du Nord, où le ch~niqueur explore "les ZQnes, les passages', 1e~ t~s an- .

, ,

térieurs à l'événement fondamental: la: naissance du 'j e' "(1), tiennent de

ce que

nou~

pourrions appeler, faute d'UQ aqtre 'terme , la protoaubiographie •

 peine entré dans le mouvement de l'oeuvre, nous nous posons la

ques-, <

tion suiv~te: pourquoi Marguerite Yourcenar a-t-elle ajouté une longUe

rallonge généalogique à son aut~biographie?< Un passage d'Archives' du Nord

no~s éclaire là-dessus:

Et, en effet, elle (Marguerite Yourcenar sous les traits d'un nourrisson) est très vieille: soit par le sang et les gènes ancestraux: soit par l'élément iD&l1&lysé que, par une belle et antique métaphore',Î' "

, ,.,l .... "'*p --;"

(1) Jean Roudaut t "Une Autobiôsrapbie impersonnelle", La Nouvelle R.evue

Française, p. 72.

(34)

(

.. l '

" -29-·

noua dénommons l'âme, elle a traversé les si~c1es. (1)

Dans l'optique de l'écrivain, la vie d'un ~tre ne débute pas l sa nais~

,

-sance et ne se d~rOuie pas dans des limites temporelles étroites,

cin-l?

quante, 'soixante, !.luatre-vingts ans, mais a'échelonne sur des DlilUe:r;s, de siècles dans un brassage vertigineux de cellules. '~rguerite

Yourcenar évoque

~onc

dans les deux preniers volets dù Labyrinthe dù Monde l'axe de sa vie ~'invisible", axe qui a 'est inscrit dans la personne de àes anc~tre$. '

, Une autre parti.cularité de Souvenirs pi.eux et dl Arch! vas du Nord

(

peut être dès maintenant signalé~.

A

l'efferves~ence des t~~s s'ajoute

l'eff~Iveseence ?es réfleXions ~riq~es dans le récit, réflexions

Marguer.ite

:Your~enar'

coule sa

v~iÔn

de

1

',h.~

et ?e'

~

Condition. humaine ,et' réflexions

~~i

constituent' un' "côup de projecteur

~i

le

b,~uilla'1'd~'

(2) de la vie de sès ancêtres et de ses

parents~

c'esc-l-dire qÙi expli-'quent les états intérieurs et les actes de l'être'évoqué. Notre

affir.ma-tion appelle des. exemples 1

Noua .savOns que

ce~ ~+r~ons (~l, slag~t

des

bi~8

de Pernande) ont été ch rs l quelqu'.un, utiles parfois" ptéc'ieux surtout en ce qu'U. ont. aidé l définir ou l

rehaus8ér ',l' :lm.age que ette pers01Dle se faisait .d' elle-. elle-. elle-. elle-. elle-. Mais la IIOrt de eur po.s .... ur lé • .reud vains .

ca.ae ces accessoites-jouets qu'on trouve dans les tcmbeà. Rien ne prouve JIlieux le peu qu'est cette indi-. 'vidue1ité hUllUline, il 1 quelle nous tenons tmt, que la

---

.

\

(1) Marguerite Yourcenar t ' Le Labyr1Q.the du ,Konde, II : Archivee du Nord.

Paris, Gallimard, 1977, p. 370.

Toute référence il Archives du Bord (dorb.av&nt A.H.) renvoie' à cette

'dition.

J '

"

(2) Note mise au dos du Labz;ri.Dthe du Monde, l Gall:lm.ard, 1974. _ i ,

Souvenirs pieux, Parl.8,

i \ , , 1 l ' ~_J

(35)

1

<

/

-3~

. /

rapidité avec laquelle les quelques obj'ets qui en

~8ont le support et parfois le symbole sont l-leur tour périmés, détériorés ou perdus. (1)

Mais revenons ~ Fernande. La maternité était partie

intégrante de la femme idéale telle que la dépei-gnaient les lieux communs courants autour d'elle :

une feume mariée se devait de désirer @tre œre comme

elle se devait d'aimer son mari et de pratiquer les

arts d'agrément ( ••• ). Sur un ~re plan, l' enf an t

était un joujou, un luxe de pl~e raison de vivre

un peu plus solide que les courses en ville et les

promenades au Bois. (2)

Penchons-nous maintenant sur les thlames majeurs du chapitre : la naissance de l'auteur, son milieu familial, les convulsions du monde • contemporain.

c'est à la lueur d'un rapprochement entre la sclane de la naissance

des Mémoires d'Outre-Tombe et celle de Souvenirs pieux, écrites avec des

encres si différentes, que nous chercherons à mettre

en

relief ce qu'il y

a de profond et d'unique chez Marguerite Yourcenar.

Chateaubriand plongé dans son incurable spleen son poison et son

baume à la fois - évoque en ces termes la sc~~ de sa naissance :

JI étais presque mort quand je vins .~ jour. Le tIlt,lgis"

sement des vagues, soulevées par une bourraaque, annon-çant l'équinoxe d'autaane emp8chait d'entendre mes cris ': on m'a souvent conté ces détails; leur

tris-tesse ne s'es t jamais effacée de ma mémoire. Il n' y

a pas de jour où rIvant l ce que j'ai été, je ne

re-voie en pensée le rocher sur lequel ma IIIlre ta'

infli-gea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier

sOIaeil, le frlre infortuné qui me donna un nOil que

)

-j'ai presque touj ours trdné dans le malheur. Le Ciel

(1)

!.:.f..,

p. 70. (2) ~., p~ 25. J

..

l

- 1

i

, , 2

Figure

TABLE  DES  ~TIE'RES,
TABLE  DES  MATIEUS

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