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Relation entre l’usage de la cigarette électronique et le
mésusage d’alcool chez les patients vus en médecine
générale en Aquitaine
Benjamin Soen
To cite this version:
Benjamin Soen. Relation entre l’usage de la cigarette électronique et le mésusage d’alcool chez les patients vus en médecine générale en Aquitaine. Médecine humaine et pathologie. 2016. �dumas-01389599�
1
Université de Bordeaux
U.F.R. DES SCIENCES MEDICALES
Année 2016 N° 139
Thèse pour l’obtention du
DIPLOME d’ETAT de DOCTEUR EN MEDECINE
Présentée et soutenue publiquementPar Mr SOEN Benjamin
Né le 01/06/1988 à BéthuneLe 06/10/2016
Titre de la thèse :
Relation entre l’usage de la cigarette électronique et le mésusage
d’alcool chez les patients vus en médecine générale en Aquitaine
Directeur de thèse :
Dr KINOUANI Shérazade
Jury
Pr DEMEAUX Jean-Louis...Président Pr AURIACOMBE Marc ...Rapporteur Pr DURIEUX William………..….……Membre du jury Dr KINOUANI Shérazade………..….…….Directeur de thèse Dr DUBERNET Jacques ………..………..….………….Membre du jury
2
Remerciements
A Monsieur le Professeur Jean-Louis DEMEAUX, Professeur des Universités de Médecine Générale : vous m’avez fait l’honneur d’accepter la présidence de ma thèse. Je vous remercie pour votre enseignement. Soyez assuré de mon profond respect et de ma reconnaissance.
A Monsieur le Professeur Marc AURIACOMBE, Professeur des Université et chef de service du Pôle Addictologie du Centre Hospitalier Charles Perrens : vous m’avez fait l’honneur d’accepter de juger ce travail. Je vous remercie pour votre enseignement et des remarques apportées à ce travail. Soyez assuré de mon profond respect et de ma reconnaissance. A Monsieur le Professeur William DURIEUX, Professeur Associé de Médecine Générale : vous m’avez fait l’honneur d’accepter de juger ce travail. Soyez assuré de mon profond respect et de ma gratitude.
A Monsieur le Docteur Jacques DUBERNET, praticien hospitalier au Pôle Addictologie du Centre Hospitalier Charles Perrens :vous m’avez fait l’honneur d’accepter de juger ce travail. Soyez assuré de mon profond respect et de ma gratitude.
A mon directeur de thèse, Madame le Docteur Shérazade KINOUANI, chef de clinique de Médecine Générale : vous m’avez fait l’honneur d’accepter la direction de ma thèse. Je vous suis reconnaissant pour votre disponibilité, vos conseils et votre patience. Soyez assurée de ma gratitude et de mon profond respect.
A ma femme, Julie, tu as changé ma vie. Merci d’être toujours là pour moi. Je t’aime. A mes parents, Pascale et Raphaël, merci pour votre soutien continu tout au long de mes études médicales. Merci pour vos conseils, vos relectures et votre amour.
A mon frère, Valentin, merci pour ta joie de vivre et d’avoir toujours les mots qu’il faut. A mes grands-parents, Lyliane et Julien, merci pour votre soutien et votre amour intangible. Au gens du Nord, pour cet externat merveilleux, cet esprit carabin, ces soirées endiablées et surtout à la dream team.
Au gens du Sud-Ouest, pour cet internat, cette ouverture d’esprit et cette générosité dès les premières rencontres.
Aux amis de tous horizons avec qui je partage des moments magiques qui font de moi un médecin généraliste épanoui.
3
Table des matières
Remerciements ... 2
Table des matières ... 3
1 Liste des tableaux et des figures ... 5
2 Introduction ... 6
2.1 Le tabac : ... 6
2.2 La cigarette électronique : ... 6
2.2.1 Définition : ... 6
2.2.2 Consommation : ... 7
2.2.3 Efficacité dans le sevrage tabagique : ... 8
2.2.4 Risques : ... 9
2.3 L’alcool ... 11
2.3.1 Définition : ... 11
2.3.2 Consommation : ... 12
2.3.3 Conséquences : ... 13
2.4 Relation entre tabac et alcool : ... 13
2.5 Relation entre e-cigarette et alcool : ... 14
2.6 Objectif de l’étude ... 15
3 Matériel et méthodes ... 15
3.1 Schéma d’étude et population ... 15
3.2 Outil de recueil et mesures principales ... 16
3.3 Analyses statistiques ... 17
4 Résultats ... 17
4.1 Description de l’échantillon ... 17
4.1.1 L’e-cigarette : ... 19
4.1.2 Alcool : ... 21
4.2 Relation entre usage de l’e-cigarette et mésusage d’alcool ... 24
5 Discussion ... 26 5.1 Hypothèses : ... 27 5.2 Limites : ... 30 6 Conclusions ... 33 7 Références ... 35 8 Annexes ... 41
4 8.2 Annexe 2 : poster pour le congrès de la SFA 2016 ... 51 8.3 Annexe 3 : Article soumis à la revue RESPE ... 52 8.4 Le serment médical ... 53
5
1 Liste des tableaux et des figures
Tableau I : Description de l’échantillon dans l’étude e-TAC (n=473)
Tableau II : Prévalence de l’usage de cigarette électronique d’après l’étude e-TAC (n=473)
Tableau III : relation entre l’expérimentation d’cigarette et l’usage d’alcool dans l’étude
e-TAC (n=473)
Tableau IV : relation entre l’usage d’e-cigarette et l’usage d’alcool dans l’étude e-TAC
(n=473)
Tableau V : Calcul du nombre de sujets nécessaire (NSN), d’après les études antérieures
Figure 1 : Expérimentation de la cigarette électronique selon le sexe et l’âge dans l’étude
e-TAC (n=473)
Figure 2 : Prévalence de l’ivresse au cours des 12 derniers mois selon la classe d’âge dans
6
2 Introduction
2.1 Le tabac :
Le tabac tue 78 000 personnes par an en France (1). C’est actuellement la 1ère cause évitable de décès dans le monde (2). La nicotine est l’une des principales substances responsable de
la dépendance tabagique (3).
Le tabac a rendu des centaines de millions de consommateurs dépendants du fait du
marketing des multinationales qui ont réussi à imposer le tabagisme comme une norme
sociale (4). La promesse faite par l’industrie du tabac pendant des décennies de mettre à
disposition des fumeurs des cigarettes moins dangereuses est restée vaine.
C’est dans ce contexte qu’est apparue dans notre société, au début du 21ème siècle, la cigarette électronique (4).
2.2 La cigarette électronique :
2.2.1 Définition :
La cigarette électronique (ou e-cigarette) est un appareil électronique générant sans
combustion un aérosol destiné à être inhalé. Elle est composée d’une batterie, d’un
atomiseur et d’une cartouche remplie d’un liquide appelé e-liquide. Ce dernier contient des
substances aromatiques variées (tabac, menthe, pomme, etc.), avec du propylène glycol
et/ou de la glycérine végétale, des additifs. Selon les flacons, il contient aussi de la nicotine,
7 régulée par une batterie. Il passe alors de l’état liquide à gazeux. C’est ce qu’on appelle la
« vaporisation ». Cependant, le terme vapeur est impropre car le support diluant n’est pas
de l’eau. Les composés gazeux en se refroidissant se regroupent en fines gouttelettes
réalisant un aérosol (5). Lors de l’aspiration, l’aérosol mélangé à l’air inspiré, est inhalé par
l’utilisateur. Comme elle n’occasionne aucune combustion, elle ne dégagerait pas de
monoxyde de carbone ou de goudron.
2.2.2 Consommation :
Son usage et sa popularité sont en augmentation dans le monde (6–9). Selon Farsalinos et al
(9), 48,5 millions d’européens auraient essayé la cigarette électronique en 2015 dont 76,8 %
avec du e-liquide nicotiné.
L’étude Baromètre santé 2014 (10) a fait un état des lieux de l’usage de la cigarette
électronique en France métropolitaine. Parmi les 15-75 ans : 25,7 % déclaraient avoir déjà
essayé l’e-cigarette au moins une fois dans leur vie ; 6,0 % l’utilisaient actuellement et 2,9 %
quotidiennement. Les hommes étaient plus nombreux à l’avoir essayée et à l’utiliser. Le taux
d’expérimentation suivait un gradient décroissant selon l’âge. La prévalence du tabagisme
était très importante parmi les vapoteurs : 83,1 % d’entre eux étaient fumeurs (dont 74,7 %
de fumeurs quotidiens) et 15,0 % étaient anciens fumeurs. Les « anciens-fumeurs
vapoteurs » représentaient 0,9 % des 15-75 ans, soit environ 400 000 personnes. Ce chiffre
constitue une première estimation française de la proportion de fumeurs ayant réussi à
8 n’ayant jamais été fumeurs (ou ayant juste vapoté pour essayer) ne représentaient que 2 %
des vapoteurs (soit environ 0,1 % de la population).
Le dernier volet de l’enquête ESCAPAD (11) pointait le fait qu’un jeune de 17 ans sur deux
déclare avoir utilisé au moins une fois une cigarette électronique au cours de sa vie ; 15 %
indiquaient l’avoir fait plus de dix fois. L’usage quotidien, quant à lui, concernait 2,5 % des
jeunes de 17 ans, les garçons étant plus nombreux que les filles. Les utilisateurs quotidiens
de cigarette électronique étaient 30,6 % à déclarer fumer conjointement plus de 10
cigarettes par jour.
2.2.3 Efficacité dans le sevrage tabagique :
La première revue de la littérature Cochrane faite en 2014 sur ce sujet (12) montrait
l’absence de différence significative dans l’abstinence tabagique à 6 mois entre la cigarette
électronique nicotinée et les patchs. Cependant une réduction significative du tabagisme
était observée en faveur de la cigarette électronique nicotinée contre les patchs.
Une autre revue de la littérature (13) montrait en 2015 l’équivalence entre cigarette
électronique avec nicotine et celle sans nicotine pour l’abstinence nicotinique à 1 mois.
Enfin, une méta-analyse de 2015 (14) montrait la supériorité de l’e-cigarette nicotinée à celle
sans nicotine dans l’abstinence à 6 mois et la réduction tabagique.
En août 2015, un rapport britannique du Public Health England (15) s’est voulu
encourageant dans l’utilisation de la cigarette électronique comme moyen de réduction des
risques du tabagisme, mais aussi comme outil permettant de conduire à l’abstinence
9 La méta-analyse la plus récente est celle de Kalkhoran et al de 2016 (17). Elle remet en cause
l’efficacité de la cigarette électronique dans le sevrage tabagique en montrant que son usage
fait diminuer de 28 % les chances de sortie du tabagisme.
En France, en février 2016, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a rendu un avis relatif
aux bénéfices-risques de la cigarette électronique en population générale (18). Selon cet
avis, la cigarette électronique peut être considérée comme une aide à l’arrêt du tabac pour
les populations fumeuses désireuses d’arrêter leur consommation. L’e-cigarette
constituerait aussi un outil de réduction des risques du tabagisme. Pour les « vapofumeurs »
(usager dualiste tabac et cigarette électronique), la discussion n’est pas close.
La cigarette électronique est en France en 2016 un produit de consommation courante et
non un produit de santé (pas d’autorisation de mise sur le marché nécessaire).
2.2.4 Risques :
2.2.4.1 Liés à la nicotine :
La cigarette électronique contenant de la nicotine ne sera jamais considérée comme un
produit totalement sain. La nicotine est un produit hautement addictif (3). L’ensemble de ces
effets secondaires est bien résumé dans l’avis de l’HCSP de 2014 (19). Retenons que la
nicotine est anxiogène et dépressogène sur le long terme. Elle a des effets
immunodépresseurs, intervenant dans les processus d’apoptose et potentiellement dans les
10 L’e-cigarette délivre des niveaux de nicotine comparables voire supérieurs à la cigarette
traditionnelle (20). Le potentiel addictif des cigarettes électroniques est ainsi élevé. L’effet
flash est moins important qu’avec la cigarette.
Les répercussions cardiovasculaires (constrictions coronaires, hypertension par
vasoconstriction périphérique) ne sont pas encore clairement étudiées.
2.2.4.2 Liés aux e-liquides :
Les études expérimentales laissent supposer une nocivité moindre de l’usage d’e-cigarette,
comparativement à celui du tabac. Il n’y a pour l’instant aucune donnée sur les effets à long
terme d’un usage prolongé sur l’organisme humain (18,21–24). La concentration de
carcinogènes potentiels susceptibles de se former sont 9 à 450 fois moins élevés qu’avec la
cigarette manufacturée dans les études expérimentales (25).
2.2.4.3 L’’initiation nicotinique par l’e-cigarette :
L’essai de la cigarette électronique entrainerait une initiation à la nicotine qui peut conduire
à l’entrée dans le tabagisme (26–28). La population jeune (notamment adolescente) qui
essaie de vapoter aurait-elle été initiée à la nicotine si la cigarette électronique n’existait
pas ? Cette question reste pour l’instant sans réponse.
Le HCSP concluait son avis de février 2016 en spécifiant que la cigarette électronique pouvait
induire un risque de renormalisation de la consommation de tabac compte tenu de l’image
11
2.3 L’alcool
2.3.1 Définition :
L'alcool est une substance liquide d’origine naturelle (alcool éthylique) obtenue par fermentation de végétaux riches en sucre ou par distillation. L’alcool entre dans la composition des boissons alcoolisées.
Selon la Société Française d’Alcoologie ou SFA (29), on considère cinq catégories d’usage de
l’alcool :
- le non-usage,
- l’usage simple (ou à faible risque),
- le mésusage qui comprend : l’usage à risque, l’usage nocif et l’usage avec dépendance.
Le non-usage, l’usage simple et l’usage à risque représentent des formes d’usage
asymptomatiques, pour lesquelles il n’existe pas, ou pas encore, de conséquences
manifestes de l’usage.
Les troubles liés à l’usage de l’alcool, représentés par l’usage nocif et l’usage avec
dépendance, correspondent aux formes symptomatiques de l’usage, c’est-à-dire celles qui se
traduisent par : une envie impérieuse de consommer (le craving), des tentatives
infructueuses de mettre fin à la consommation (les rechutes), des conséquences visibles sur
12 2.3.2 Consommation :
Dans l’étude Baromètre santé 2014 (30) qui concernait les 18-75 ans, près de 9 personnes sur 10 (87 %) déclaraient avoir bu de l’alcool au moins une fois dans l’année, alors que 13 % n’en avaient pas du tout consommé. Sur l’ensemble de la population de cette tranche d’âge, 38 % déclaraient avoir bu de l’alcool moins d’une fois par semaine, 39 % au moins une fois par semaine (mais pas quotidiennement), et 10 % des personnes interrogées déclaraient boire quotidiennement de l’alcool. Ce dernier type de consommation se rencontrait presque exclusivement chez les personnes de plus de 50 ans.
En 2010, l’enquête HBSC montrait que plus de la moitié des élèves en classe de sixième ont déjà goûté à une boisson alcoolisée et huit élèves sur dix en classe de troisième (31).Toutes classes confondues, environ un collégien sur six disait avoir déjà connu une ivresse alcoolique, avec des niveaux qui se multipliant par cinq entre la sixième et la troisième (passant de 6,8 % à 34,0 %).
Dans l’enquête ESCAPAD de 2014 (32) : environ six jeunes de 17 ans sur dix déclaraient avoir déjà été ivres au cours de leur vie, près de la moitié au cours des douze derniers mois et un sur onze au moins dix fois au cours de cette période. Comme la consommation d’alcool, l’ivresse était très masculine : le sex-ratio était de 1,2 pour l’ivresse au cours de la vie, 1,3 pour l’ivresse au cours de l’année et 2,8 pour l’ivresse régulière (au moins dix épisodes au cours l’année).
13 2.3.3 Conséquences :
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’usage nocif d’alcool est un facteur étiologique
dans plus de 200 maladies et traumatismes (33). Les complications physiques, psychiques ou
sociales associées à l’usage aigu ou chronique d’alcool en font un problème majeur de santé
publique (29,33–37) . En France, 49 000 décès lui sont liés en 2009 (38).
2.4 Relation entre tabac et alcool :
Il existe un lien entre consommation d'alcool et consommation de tabac (39–47). Cette
association est dose dépendante. Cette double consommation se voit dès l'adolescence.
Plusieurs études montrent que le risque de consommation d'alcool est plus élevé chez les
adolescents fumeurs que chez les adolescents non-fumeurs (44,45).
Cette association « alcool-tabac » est plus marquée chez les personnes ayant un mésusage
de l’alcool (48). Les personnes présentant un mésusage d’alcool ont une consommation de
tabac supérieure à celle de la population générale et leur degré de dépendance au tabac est
souvent plus important (49). Cette association alcool-tabac génère une synergie toxique
responsable d'une augmentation de la morbi-mortalité chez ces patients.
La cause probable de cette consommation concomitante est la présence chez l’usager d’une
14
2.5 Relation entre e-cigarette et alcool :
Quelques études se sont intéressées à la relation entre l’usage d’e-cigarette et le mésusage
d’alcool (50–59). Ces études montraient toutes une association entre l’usage d’e-cigarette et
le mésusage d’alcool, quelles que soient les définitions choisies. La majorité d’entre elles se
sont intéressées à la population d’adultes jeunes ou d’adolescents (50,52–59).
La seule étude française ayant été menée sur le sujet s’est intéressée à l’expérimentation
d’e-cigarette d’adolescents scolarisés en région parisienne. Elle retrouvait une probabilité 3
à 8 fois plus importante de consommer de l’alcool chez les expérimentateurs d’e-cigarette,
contrairement aux non-expérimentateurs (59).
Lee et al ont mené une étude en 2013 en Corée en population générale de sujets majeurs
(19 ans et plus). Ils trouvaient une association entre l’expérimentation d’e-cigarette et
l’usage quotidien d’alcool, ainsi qu’entre l’usage d’e-cigarette des 30 derniers jours et
l’usage hebdomadaire d’alcool (51).
Nous n’avons trouvé dans la littérature aucune étude portant directement sur l’usage d’e-
cigarette en médecine générale et sa relation avec le mésusage d’alcool. Un travail de thèse
effectué à Montpellier au début de l’année 2016 auprès de 248 vapoteurs trouvait
cependant que le mésusage d’alcool était plus fréquent chez les vapoteurs vus en médecine
15
2.6 Objectif de l’étude
L’objectif de notre étude était de décrire la relation entre l’usage d’e-cigarette et le
mésusage d’alcool chez des patients de plus de 18 ans vus en médecine générale en
Aquitaine.
3 Matériel et méthodes
3.1 Schéma d’étude et population
Il s’agit d’une étude transversale descriptive, nichée dans la cohorte e-TAC. Celle-ci est une
étude observationnelle de cohorte. Elle se déroule actuellement dans 8 cabinets de
médecine générale en Aquitaine. L’étude e-TAC a été décrite dans le détail dans un article
antérieur (61).
L’étude transversale décrite ici porte sur les données d’inclusion recueillies dans la cohorte
entre mai et octobre 2015. Les patients volontaires pour participer ont été inclus quel que
soit leur motif de consultation, s’ils avaient fumé du tabac et/ou bu de l’alcool et/ou
consommé du cannabis et/ou vapoté au moins une fois dans leur vie. Ont été exclues les
personnes mineures ou sous protection de justice. Les patients, à leur inclusion, signaient un
consentement écrit. L’étude e-TAC a été approuvée par le Comité de Protection des
Personnes de l’université de Bordeaux (numéro: 2015-A00778-41) et par la commission
16
3.2 Outil de recueil et mesures principales
Le recueil des données à l’inclusion s’est fait à l’aide d’un auto-questionnaire papier (Annexe
1), rempli par les patients. Etait considérée comme expérimentateur d’e-cigarette toute
personne déclarant l’avoir essayée, au moins une fois dans sa vie. Une distinction était faite
entre les non-expérimentateurs (n’ayant jamais essayé l’e-cigarette) et les
expérimentateurs (ayant essayé l’e-cigarette, qu’ils vapotent ou non actuellement). Ces
derniers étaient ensuite considérés soit comme expérimentateurs exclusifs (ayant essayé
l’e-cigarette mais ne vapotant plus actuellement), soit comme vapoteurs actuels (personnes
ayant expérimenté l’e-cigarette et déclarant toujours l’utiliser au moment de l’enquête, de
façon occasionnelle ou quotidienne).
Le mésusage d’alcool était évalué au travers de 3 mesures dans l’étude: le score à l’échelle
courte de l’Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT-C), la déclaration d’alcoolisation
ponctuelle importante (API) et la déclaration d’ivresse au cours des 12 derniers mois.
L’AUDIT-C est un test permettant d’explorer le mésusage d’alcool. Le score au test est
considéré comme anormal lorsqu’il est ≥ 4 chez l’homme et ≥ à 3 chez la femme. Un score ≥
10 chez la femme ou chez l’homme doit faire évoquer une dépendance à l’alcool (29). L’API
correspondait à une consommation de 6 verres ou plus en une seule occasion. L’ivresse
renvoyait à la perception qu’a l’usager d’alcool des effets de sa consommation,
17
3.3 Analyses statistiques
En analyse univariable, les variables quantitatives ont été décrites par la médiane et son
écart interquartile. Les variables catégorielles ont été décrites par l’effectif et la proportion.
Les prévalences d’usage d’e-cigarette ont été décrites en pourcentage, avec l’intervalle de
confiance. Les analyses bivariables ont été faites avec le test de Student ou le test
non-paramétrique de Wilcoxon pour les variables quantitatives, le test du Chi2 ou Fisher exact
pour les variables catégorielles. La relation entre l’usage de l’e-cigarette et le mésusage
d’alcool a été décrite en analyse bivariable puis multivariable par des modèles de régression
logistique multinomiale. L’analyse multivariable s’est faite par ajustement sur le sexe, le
statut tabagique, l’âge en classes et la catégorie socioprofessionnelle.
Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS, version 9.4.
4 Résultats
4.1 Description de l’échantillon
Cinq cent dix (510) patients ont accepté de participer à l’étude. Trente-sept patients ont été
exclus : 16 (43,3 % des exclus) en raison d’une mesure de protection en cours ou non
renseignée ; 7 (18,9 %) pour n’avoir jamais consommé d’alcool ou tabac ou cannabis ou
e-cigarette ; 7 (18,9 %) parce qu’ils étaient mineurs ; 7 (18,9 %) en raison de consentement
18 Sur les 510 volontaires, 473 patients ont donc été inclus dans l’étude. Les caractéristiques
de l’échantillon sont présentées dans le tableau I. L’âge médian dans l’échantillon était de
42 ans, avec un écart interquartile (ITQ) de 33 ans – 55 ans. Plus des 2/3 de l’échantillon
étaient des femmes.
Tableau I : Description de l’échantillon dans l’étude e-TAC (n=473).
Caractéristiques Effectif % Sexe Hommes Femmes 152 314 32,6 67,4 Age (en classes)
[18 – 25] ]25 – 34] ]34 – 44] ]44 – 54] 55 ans et plus 50 85 123 86 120 10,8 18,3 26,5 18,5 25,9 Zone de vie Rural Urbain 132 338 28,1 71,9 Emploi Actif Apprenti ou étudiant Chômeur Retraité
Parents au foyer ou en congé parental Autre 295 18 33 69 19 21 64,8 3,9 7,3 15,2 4,2 4,6 Catégorie socio-professionnelle
Agriculteurs exploitants, artisans, commerçants, chefs d’entreprise Cadres/professions intellectuelles supérieures
Professions intermédiaires Employés
Ouvriers
Sujets n’ayant jamais travaillé
29 74 51 228 30 8 6,9 17,6 12,1 54,3 7,2 1,9 Niveau d’études Primaire 11 2,5
19
Secondaire 1er cycle Secondaire 2ème cycle Supérieure Autre 83 134 217 4 18,5 29,8 48,3 0,9 Statut marital
Célibataire sans enfants Célibataires avec enfants En couple Veuf ou divorcé 61 26 334 33 13,4 5,7 73,6 7,3 Statut tabagique Non-fumeur Ancien fumeur Fumeur occasionnel Fumeur quotidien 34 167 43 164 8,3 40,9 10,6 40,2
Mésusage probable d’alcool 218 46,8
Alcoolisation ponctuelle importante (au moins 1 fois) 183 41,2
Alcoolisation ponctuelle importante mensuelle Alcoolisation ponctuelle importante hebdomadaire
69 22
15,5 4,9
Ivresse au cours des 12 derniers mois 123 27,9
4.1.1 L’e-cigarette :
La prévalence de l’expérimentation d’e-cigarette était de 36,2 % [IC 95 %=31,7 – 40,5].
L’expérimentation ne variait pas en fonction du sexe : 34 % chez les hommes versus 37 %
chez les femmes (p=0,5112) (Figure 1). Il y avait par contre une association significative entre
l’âge et l’expérimentation d’e-cigarette (p<10-4) : l’expérimentation d’e-cigarette augmentait entre 18 et 34 ans puis, diminuait progressivement (Figure 1).
20 Figure 1 : Expérimentation de la cigarette électronique selon le sexe et l’âge dans l’étude e-TAC (n=473)
L’âge médian d’expérimentation était de 35 ans, ITQ : 28 – 43. Il n’y avait pas de différence
significative en termes d’âge d’initiation de l’e-cigarette en fonction du sexe (p=0,3077). Le
vapotage actuel ne variait pas en fonction du sexe (p= 0,4594).
La majorité des expérimentateurs d’e-cigarette était des expérimentateurs exclusifs
(Tableau II). Les vapoteurs au moment de l’enquête (vapoteurs actuels) étaient dans 59 %
des cas des vapoteurs occasionnels (Tableau II).
Tableau II : Prévalence de l’usage de cigarette électronique d’après l’étude e-TAC (n=473). Prévalences Effectif % Intervalle de confiance à 95 %
Aucune expérimentation 290 63,9 59,46 - 68,30 Expérimentationa 164 36,1 31,70 - 40,54 Expérimentation exclusiveb 109 24,0 20,08 - 27,94 Vapotage actuelc 55 12,1 9,64 - 15,74 Vapotage occasionnel 34 7,5 5,07 - 9,91 Vapotage quotidien 21 4,6 2,69 - 6,56
aExpérimentation : avoir essayé au moins une fois de vapoter ; concerne les expérimentateurs exclusifs et les vapoteurs actuels
bExpérimentation exclusive : avoir essayé de vapoter une fois dans sa vie, sans être devenu vapoteur actuel
21 Dans 89,8 % des cas, les vapoteurs actuels utilisaient de l’e-liquide nicotiné, 8,7 % l’utilisant
en alternance avec de l’e-liquide sans nicotine. Dans 5,9 % des cas, les vapoteurs actuels
utilisaient exclusivement de l’e-liquide sans nicotine. Deux participants ne savaient pas s’il y
avait de la nicotine dans l’e-liquide employé.
La quantité moyenne de nicotine dans l’e-liquide était de 8,95 mg/ml, sans différence
significative entre vapoteurs occasionnels et vapoteurs quotidiens (p= 0,2379).
La majorité des vapoteurs (occasionnels comme quotidiens) utilisaient leur propre cigarette
électronique : 94 %. L’ensemble des vapoteurs quotidiens n’utilisaient que leur cigarette
électronique personnelle. Près de 10 % des vapoteurs occasionnels utilisaient parfois celles
des autres en plus de la leur. Aucun vapoteur n’utilisait celles des autres de façon exclusive.
Les vapoteurs utilisaient pour la majorité (64 %) l’e-cigarette en semaine comme le
weekend. Vingt (20) % des vapoteurs occasionnels ne l’utilisaient que le weekend. Il n’y avait
pas de différence significative en termes d’usage hebdomadaire entre vapoteurs
occasionnels et quotidiens (p= 0,1109).
4.1.2 Alcool :
4.1.2.1 Consommation :
10,6 % de la population étudiée [IC 95 % :7,83-13,40] ne buvaient jamais d’alcool. La
fréquence de consommation d’alcool différait significativement avec le sexe (p<10-4). Les femmes consommaient de l’alcool « 1 fois par mois voire moins » plus souvent que les
hommes, les hommes consommaient de l’alcool « 2 fois par semaine voire plus » plus
22 La majorité des hommes (presque 2/3) et des femmes buvaient 1 ou 2 verres d’alcool un
jour ordinaire. Le nombre de verres variait avec le sexe (p=1,69.10-4). Les femmes consommaient plus souvent que les hommes « 1 ou 2 verres d’alcool » au cours d’une
journée ordinaire ; les hommes consommaient « 3 verres ou plus » plus souvent que les
femmes.
4.1.2.2 AUDIT-C :
L’AUDIT-C était ≥4 dans 54,6 % des cas chez les hommes versus un AUDIT-C ≥3 chez 43,0 %
des femmes (p=0,0185). Le score moyen à l’AUDIT-C était significativement plus élevé chez
les hommes comparativement aux femmes (p<10-4). Il n’y avait pas d’association entre un score anormal à l’audit C et l’âge en classes (p=0,1867).
Un seul sujet de sexe masculin (0,2 % de l’échantillon) avait un score à l’AUDIT-C ≥10.
4.1.2.3 API :
41,2 % de la population [IC 95 % : 36,6 - 45,8] avaient déjà eu au moins une fois une API. 15,5 % de la population [IC 95 % : 12,2 - 18,9] avaient au moins une API/mois. 4,9 % de la population [IC 95 % : 2,9 - 7,0] avaient au moins une API/semaine.
Les hommes avaient plus fréquemment que les femmes :
- eu au moins une fois une API (p= 5.10-4): 52,7 % versus 35,4 % ; -eu une API dans le mois (p=10-4) : 25,0 % versus 10,9 % et
-eu une API dans la semaine (p=9.10-3) : 8,8 % versus 3,1 %.
La proportion de sujets déclarant au moins une API était plus élevée chez les 18-25 ans : 26,1
%. Cette proportion diminuait avec l’âge pour n’être que de 2,3 % chez les plus de 65 ans (p=
23 Les jeunes de 18-25 ans semblaient en faire plus que les autres (13,0 %), mais un nouveau
pic concernerait les jeunes adultes de 34-54 ans dans une moindre proportion (11,9 %) ; p=
0,0597.
4.1.2.4 Ivresse :
27,9 % de la population [IC 95 % : 23,8-31,1] avaient été ivres au moins une fois au cours des
12 derniers mois. Les hommes avaient tendance à être plus souvent ivres que les femmes (H
: 33,8 % versus F : 25,0 %) mais la différence n’était pas significative (p=0,0544). La
prévalence de l’ivresse au cours de l’année écoulée diminuait significativement avec l’âge
(p<10-4) (Figure 2). Elle concernait plus de la moitié des sujets entre 18 et 25 ans (Figure 2).
Figure 2 : Prévalence de l’ivresse au cours des 12 derniers mois selon la classe d’âge dans l’étude
24
4.2 Relation entre usage de l’e-cigarette et mésusage d’alcool
En analyse bivariable, la probabilité d’expérimentation de l’e-cigarette était
significativement plus importante en cas de score anormal à l’AUDIT-C. Cette association
disparaissait en analyse multivariable (Tableau III). Il y avait par contre une association
significative entre l’expérimentation d’e-cigarette et le fait de déclarer au moins une API,
une API mensuelle, une API hebdomadaire ou une ivresse au cours des 12 derniers mois
après ajustement (Tableau III).
Tableau III: relation entre l’expérimentation d’e-cigarette et l’usage d’alcool dans l’étude e-TAC (n=473). Caractéristiques ORa brut IC 95 %b p-value OR ajustéc IC 95 % p-value AUDIT-Cd anormal 1,94 1,31-2,87 9.10-4 1,50 0,87-2,58 0,1436 Au moins 1 APIe 3,31 2,19-5,01 <10-4 2,02 1,12-3,65 1,88.10-2 Au moins 1 API/mois 4,72 2,69-8,28 <10-4 3,95 1,78-8,79 7.10-4
Au moins une API/semaine 4,33 1,73-10,88 1,8.10-3 5,14 1,38-19,16 1,5.10-2
Au moins 1 ivresse sur les 12 derniers mois
4,48 2,86-7,01 <10-4 2,84 1,48-5,44 1,7.10-3
a OR : odds ratio
bIC 95% : intervalle de confiance à 95 %
cAjustement sur l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle et le statut tabagique dAUDIT-C : Alcohol Use Disorders Identification Test
eAPI : alcoolisation ponctuelle importante
Une analyse plus fine (distinguant les expérimentateurs exclusifs des vapoteurs actuels)
donnait les résultats suivants : comparativement aux non-expérimentateurs d’e-cigarette, la
probabilité d’avoir un score anormal à l’AUDIT-C était plus importante en cas
25 actuel (Tableau IV). Seules l’API hebdomadaire et l’ivresse des 12 derniers mois étaient
significativement associées au vapotage actuel après ajustement (Tableau IV).
Tableau IV: relation entre l’usage d’e-cigarette et l’usage d’alcool dans l’étude e-TAC (n=473). Vapotage OR a
brut
IC 95 % b p-value OR
ajustéc
IC 95 % p-value
Consommation à risque d’alcool (Audit C≥3 si femme ou ≥4 si homme) d
Jamais Exp. exclusive Vapotage actuel - 2,38 1,36 - 1,51-3,75 0,76-2,41 9.10-4 - 1,92 0,95 - 1,05-3,52 0,46-1,93 0,0593 Au moins 1 API e Jamais Exp. exclusive Vapotage actuel - 3,74 2,50 - 2,31-6,05 1,38-4,54 <10-4 - 2,16 1,67 - 1,12-4,16 0,78-3,58 0,0660 Au moins 1 API/mois Jamais Exp. exclusive Vapotage actuel - 5,30 3,41 - 2,89-9,75 1,57-7,41 <10-4 - 4,79 2,61 - 2,03-11,30 0,94-7,22 1,6.10-3 Au moins 1 API/semaine Jamais Exp. exclusive Vapotage actuel - 4,35 4,03 - 1,61-11,76 1,23-13,22 8,7.10-3 - 4,59 6,29 - 1,07-19,6 1,26-31,40 0,0551
Au moins 1 ivresse sur les 12 derniers mois
Jamais Exp. exclusive f Vapotage actuel - 5,07 3,35 - 3,08-8,35 1,77-6,36 <10-4 - 2,89 2,61 - 1,44-5,80 1,34-5,99 8.10-3 a OR : odds ratio b IC 95% : intervalle de confiance à 95 %
cAjustement sur l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle et le statut tabagique d
AUDIT-C : Alcohol Use Disorders Identification Test
e
API : alcoolisation ponctuelle importante
26
5 Discussion
L’expérimentation d’e-cigarette en médecine générale, en particulier l’expérimentation
exclusive, était significativement associée à tous les comportements à risque en matière
d’alcool. Les vapoteurs actuels avaient une probabilité plus importante que les
non-expérimentateurs de déclarer une ivresse au cours des 12 derniers mois ou une API
hebdomadaire. Le vapotage actuel était donc plus fréquent à des niveaux élevés de
consommation d’alcool en termes de fréquence ou de quantité ingérée en une seule
occasion.
Cette étude est à notre connaissance la première en France à comparer le mésusage d’alcool
des vapoteurs à celui des non-vapoteurs en médecine générale. Les résultats obtenus sont
difficilement comparables au reste de la littérature : les définitions de l’usage d’e-cigarette
ou de mésusage d’alcool diffèrent en fonction des études. De plus, la majorité des études
antérieures ne se sont intéressées à cette relation qu’en population adolescente ou
d’adultes jeunes (50–59). Ces études montraient toutes une association entre l’usage
d’e-cigarette et le mésusage d’alcool, quelles que soient les définitions choisies. La seule étude
française ayant été menée sur le sujet s’est intéressée à l’expérimentation d’e-cigarette
d’adolescents scolarisés en région parisienne. Elle retrouvait une probabilité 3 à 8 fois plus
importante de consommer de l’alcool chez les expérimentateurs d’e-cigarette,
contrairement aux non-expérimentateurs (59). Lee et al ont mené une étude en 2013 en
Corée en population générale de sujets majeurs (19 ans et plus). Ils trouvaient une
association entre l’expérimentation d’e-cigarette et l’usage quotidien d’alcool, ainsi qu’entre
27
5.1 Hypothèses :
Le premier facteur qui incite des usagers d'alcool à utiliser d'autres produits psychoactifs
(dont l'e-cigarette) est très certainement la présence d'une addiction. L'addiction est une
maladie chronique, comme l'hypertension artérielle ou le diabète, induite par un produit
psychoactif (ex : alcool, cannabis, etc.) ou un comportement (ex : jeux de hasard et d’argent)
associant : le craving, les rechutes, la perte de contrôle et l’accumulation de dommages. Elle
génère chez le patient qui en est atteint une souffrance et/ou une altération de son
fonctionnement (ex : impossibilité de travailler, d’aller à l’école … parce que le patient passe
du temps à récupérer des effets de ses consommations ou à se procurer le produit).
Il y avait un faible nombre de sujets dépendants à l’alcool dans l’étude e-TAC (1 seul) ; cela pourrait indiquer qu’il existe aussi une relation entre un mésusage d’alcool et usage
d’e-cigarette, indépendamment de l’existence d’une dépendance à l’alcool.
Les vapoteurs seraient plus à risque que les non-vapoteurs d’un mésusage d’alcool. Les
sujets présentant un mésusage d’alcool seraient à leur tour plus à risque de déclarer un
usage d’e-cigarette. Hampson et al ont ainsi montré que l’expérimentation précoce d’alcool
pouvait favoriser l’expérimentation de l’e-cigarette (62). Kristjansson et al ont quant à eux
mis en évidence un gradient de risque de mésusage d’alcool chez les adolescents en fonction
de leur usage d’e-cigarette ou de tabac. La prévalence d’usage d’alcool augmentait
significativement en fonction de ces deux usages: elle était de 20 % chez les
non-fumeurs-non-vapoteurs, 53 % chez les vapoteurs-non-fumeurs, 80 % chez les fumeurs-non vapoteurs
et de 91 % chez les fumeurs-vapoteurs (57). Le fait que ces études en population
28 que la relation entre leurs 2 usages existe aussi indépendamment de toute addiction : il
pourrait y avoir des facteurs autres que l’addiction prédisposant à leur association,
notamment en population jeune. Nous souhaitions émettre quelques hypothèses pour
expliquer cette relation et les facteurs pouvant y être associés.
Une première hypothèse est justement l’existence chez les vapoteurs de facteurs
prédisposant au cumul d’usages de substances psychoactives. La recherche de sensations a
déjà été décrite dans des études antérieures comme pouvant favoriser l’initiation de
plusieurs produits psychoactifs (63–69). Ce facteur est corrélé à l’usage d’e-cigarette dans
certaines études (26, 27). Néanmoins, l’étude de Cohn et al va à l’encontre de l’hypothèse
selon laquelle la recherche de sensations serait un facteur favorisant le cumul des usages
d’alcool et d’e-cigarette (55). Dans cette étude réalisée en population de jeunes adultes, la
recherche de sensations agissait comme un modificateur d’effet entre l’usage d’e-cigarette
et l’usage d’alcool. La probabilité d’usage d’e-cigarette variait peu avec le niveau de
recherche de sensations chez les buveurs d’alcool. Par contre, le niveau de recherche de
sensations augmentait avec la probabilité d’usage d’e-cigarette chez les non-buveurs.
Une deuxième hypothèse serait un effet intrinsèque de la nicotine (70) d’induire une
consommation d’alcool. L’interaction entre l’usage d’alcool et celui de nicotine a fait l’objet
de nombreuses études en recherches fondamentale et expérimentale (71-74). Des modèles
animaux ont montré que la nicotine pouvait favoriser l’initiation d’une consommation
d’alcool ou son maintien (71, 74 - 77). Ces modèles suggèrent que la nicotine pourrait être
un facteur de risque indépendant d’usage ultérieur d’alcool, notamment en cas d’usage
répété ou prolongé de nicotine (71-73, 77). L’existence clinique de cet effet intrinsèque de la
29 exemple chez les patients traités par substituts nicotiniques pour l’arrêt du tabac. Une étude
a été menée par Cooney et al (70) auprès de 118 patients à la fois alcoolo-dépendants et
dépendants au tabac. Les patchs de substitution nicotinique ne majoraient pas le craving à
l’alcool au bout de 2 semaines. Par contre, un craving au tabac augmenterait le risque de
rechute à l’alcool (70). Une autre étude menée par Kouri et al en 2004 auprès de fumeurs
sous patchs de nicotine montrait que ceux-ci ressentiraient les effets de l’alcool plus
rapidement que les patients sous placebo (79). Cependant, la pharmacocinétique de la
cigarette électronique est différente de celle du patch. L’hypothèse d’un sur-risque de
mésusage d’alcool en cas d’inhalation de nicotine par l’e-cigarette n’a pas été étudiée dans
notre étude. Du fait de leur faible nombre, les vapoteurs d’e-liquide sans nicotine n’ont pas
pu être comparés dans notre analyse aux vapoteurs d’e-liquide nicotiné.
Une troisième hypothèse, non loin de celle que nous venons d’évoquer, serait que la
nicotine accentuerait la sensation ébrieuse lors de la consommation d’alcool (79,80). L’étude
de Kouri et al montrait que les patients porteurs d’un patch de nicotine ressentiraient les
effets de l’alcool plus rapidement que les patients ayant un placebo (79). La perspective de
défonce recherchée lors du binge drinking serait alors plus rapidement atteinte par
l’utilisation concomitante de la nicotine. Ces résultats, obtenus sur un très petit échantillon
d’hommes fumeurs, sont difficilement généralisables à l’ensemble des patients déclarant un
mésusage d’alcool et traités par patchs de nicotine pour leur dépendance au tabac. Ils sont
encore moins extrapolables à l’ensemble des fumeurs dépendants au tabac.
Une quatrième hypothèse serait celle développée dans la Gateway Theory de Kandel et al
(81-83). D’après cette théorie, l’usage de tabac et/ou d’alcool favoriserait l’usage d’autres
substances psychoactives, en particulier celui de produits illicites. Cette théorie est
30 vapotage n’est pas un usage illicite dans les pays dans lesquels se sont déroulées les études
s’étant intéressées à cette relation.
Une dernière hypothèse reste néanmoins le développement d'une dépendance à
l'e-cigarette qui favoriserait ensuite le mésusage d'alcool. Cette hypothèse ne peut pas être
vérifiée dans l’étude car la dépendance à la cigarette électronique n'a pas été évaluée. En
effet, à notre connaissance, il n’existe pas de tests validés permettant d’évaluer en médecine
générale la présence d’une addiction à l’e-cigarette. De plus, aucune étude n’a pour l’instant
été publiée montrant que des sujets ayant développé une dépendance à l’e-cigarette
consommait plus d’alcool. Cependant la cigarette électronique est un produit récent et l'on
manque de recul sur sa consommation.
5.2 Limites :
Notre étude présente certaines limites. Du fait de son caractère volontaire, il y avait une
auto-sélection à la participation qui a pu distordre les estimations, notamment celles des
prévalences. De plus, le recueil des données a pu être soumis à un biais de mémorisation : le
remplissage du questionnaire étant sur le mode déclaratif, les sujets devaient se souvenir de
leurs usages avant de répondre.
Il y avait dans l'étude très peu de sujets avec une dépendance probable à l'alcool (1 sujet).
Cette faible prévalence peut s’expliquer de 2 façons. Soit la dépendance à l’alcool a été
sous-estimée par la présence du biais d'auto-sélection induit par la participation volontaire ; soit il
faut remettre en question la validité et la fiabilité du score AUDIT-C en médecine générale
pour repérer les patients ayant une dépendance probable à l’alcool. Selon l’étude de
31 ans : 75 % des hommes et 85 % des femmes ayant un score AUDIT-C ≥10 avaient des critères
de dépendance à l’alcool selon le DSM-4. Devant ces résultats, le choix de mettre la barre à
10 pour conserver une bonne sensibilité et spécificité nous paraissait justifié.
En faisant un diagnostic de dépendance probable à l’alcool avec ce test (au lieu d'un
diagnostic clinique sûr et fiable selon les critères du DSM-5 ou du CIM-10 par un clinicien), il
y avait un risque de biais d'information qu'il était néanmoins difficile de contourner dans le
cadre de l'étude.
Quelles qu’en soient les causes en termes de biais, devant ce faible nombre de patients
dépendants, il a été impossible de regarder dans l'étude la relation entre l’usage
d'e-cigarette et la dépendance probable à l'alcool dans une analyse en sous-groupe.
L’étude e-TAC sur laquelle notre travail repose n’a inclus « que » 473 sujets. Il est possible
que nous manquions de puissance dans certains calculs statistiques du fait d’effectifs faibles.
Ce manque de puissance serait dû au fait que la relation entre mésusage d’alcool et usage
d’e-cigarette n’était pas l’objectif principal de l’étude e-TAC. Le calcul a priori du nombre de
sujets nécessaire n’a pas été fait dans le but de répondre à l’objectif de l’analyse actuelle. En
calculant a posteriori le nombre de sujets nécessaire en fonction des études traitant du
même sujet (50–56), le nombre de sujets inclus dans notre analyse semble satisfaisant
(Tableau V). Néanmoins, les populations étudiées n’étant pas identiques dans les études
32
Tableau VI : Calcul du nombre de sujets nécessaire (NSN), d’après les études antérieures
Etudes antérieures NSN Bartoli et al. 2014 44 Lee et al 2015 52 Littlefield et al. 2015 42 Saddleson et al. 2015 440 Suris et al 2015 448 Cohn et al. 2015 106 Hughes et al. 2015 108
Sept personnes présentaient des critères de non-inclusion car ils n’avaient jamais consommé
d’alcool, ni fumé de tabac ou de cannabis. La non-inclusion de ces patients peut poser un
problème de représentativité de l’échantillon. Malheureusement, il est impossible de savoir
si ces exclusions limitent la généralisation de nos résultats car nous ne connaissons pas la
proportion que représente cette population de non-usagers de toute substance
psychoactive en France en médecine générale. Ces 7 non-inclusions, en regard des 473
patients inclus, n’ont probablement eu aucun impact sur nos estimations.
Enfin, il s’agit d’une étude transversale : elle a mis en évidence une relation mais elle ne
33 formuler –comme nous l’avons fait- des hypothèses explicatives sur ce qui la caractérise et
sur le sens dans laquelle elle peut évoluer.
6 Conclusions
D’après nos résultats, le mésusage d’alcool pourrait être plus fréquemment retrouvé en cas
d’usage d’e-cigarette. Le vapotage actuel semble particulièrement plus fréquent à des
niveaux élevés de consommation d’alcool en termes de fréquence ou de quantité ingérée en
une seule occasion. Tous les mécanismes expliquant cette association entre les 2 usages ne
sont pas clairs. Dans cette étude, la très faible prévalence de sujets dépendants à l’alcool et
l’impossibilité de repérer avec un test fiable les sujets dépendants à l’e-cigarette ne
permettent pas de définir l’addiction comme le seul mécanisme explicatif de la relation
constatée. Ce mécanisme doit cependant toujours être évoqué. Des hypothèses, issues des
études faites au sujet du tabac ou de la nicotine, peuvent être formulées au sujet des
mécanismes explicatifs; elles doivent être confirmées par d’autres études, notamment en
recherche clinique. Selon l’état actuel des connaissances :
-L’utilisation de plus en plus importante de la cigarette électronique en France oblige le
médecin généraliste à avoir une compétence minimale sur le sujet afin de répondre aux
mieux aux interrogations de ces patients.
-L’adolescence constitue une période clé de l’initiation à la consommation de substances
psychoactives. La cigarette électronique pourrait favoriser l’initiation du tabac d’après la
littérature ; son usage pourrait être associé à celui de l’alcool, d’après notre étude et des
34 l’interdiction d’accès à l'e-cigarette chez les adolescents et que les généralistes en
déconseillent l’usage dans ce jeune âge où son expérimentation est justement actuellement
en constante augmentation.
Devant ce premier constat français en médecine générale, sur le mésusage d’alcool et
l’usage d’e-cigarette, il paraît nécessaire de réaliser des travaux supplémentaires sur le sujet.
-Cette relation devrait être analysée après stratification sur la présence ou non de nicotine
dans l’e-liquide avec une puissance statistique suffisante. La finalité en serait d’établir s’il
existe un lien entre le mésusage d’alcool et l’usage d’e-cigarette, induit par la présence de
nicotine.
-Nous manquons d’outils simples, courts, fiables, utilisables en recherche clinique pour
évaluer la présence d’une dépendance à l’e-cigarette quand le diagnostic en face à face avec
un clinicien n’est pas possible.
-L’analyse des données de suivi de l’étude e-TAC devrait aussi permettre de voir si le
35
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41
8 Annexes
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52
8.3 Annexe 3 : Article soumis à la revue RESPE
Elsevier Editorial System(tm) for Revue d'Epidémiologie et de Santé Publique
Manuscript Draft
Title: Corrélation entre l'usage de la cigarette électronique et le mésusage d'alcool chez des patients en médecine
générale/correlation between electronic cigarette use and alcohol misuse among general practice's patients
Article Type: Article original / Original article
Section/Category: RESP
Keywords: Keywords: Alcohol-induced disorders, electronic cigarette, primary health care.
Mots-clés : Mésusage d'alcool, cigarette électronique, soins primaires.
Corresponding Author: Dr. Shérazade Kinouani,
Corresponding Author's Institution: University of Bordeaux
First Author: Benjamin Soen
Order of Authors: Benjamin Soen; Mélanie Afonso; Philippe Castéra; Julie Dupouy; Benoit Fleury; Shérazade Kinouani