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Internet dans les troubles du comportement alimentaire restrictifs : mode de consultation et impact

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-02381293

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02381293

Submitted on 26 Nov 2019

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Internet dans les troubles du comportement alimentaire

restrictifs : mode de consultation et impact

Vincent Mansi

To cite this version:

Vincent Mansi. Internet dans les troubles du comportement alimentaire restrictifs : mode de consul-tation et impact. Médecine humaine et pathologie. 2019. �dumas-02381293�

(2)

AVERTISSEMENT

Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le

jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la

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Il n’a pas été réévalué depuis la date de soutenance.

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LIENS

LIENS

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Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10

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UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

UFR DE MÉDECINE DE GRENOBLE

Année 2019

INTERNET DANS

LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE RESTRICTIFS :

MODE DE CONSULTATION ET IMPACT

THÈSE

PRÉSENTÉE POUR L’OBTENTION

DU TITRE DE DOCTEUR EN MÉDECINE

DIPLÔME D’ÉTAT

Par Vincent MANSI

THÈSE SOUTENUE PUBLIQUEMENT A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE

GRENOBLE

Le 19/11/2019

DEVANT LE JURY COMPOSÉ DE :

Président du jury :

M. le Professeur Thierry BOUGEROL

Membres :

M. le Professeur Maurice DEMATTEIS

M. le Professeur Mircea POLOSAN

M. le Docteur Jérôme CARRAZ, D

irecteur de thèse

M. le Docteur Jean-Jacques FILSNOËL

L’UFR de Médecine de Grenoble n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions sont considérées comme propres à leurs auteurs.

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6 Remerciements

À Monsieur le Professeur Thierry BOUGEROL, pour avoir accepté de présider mon jury de thèse, pour l’encadrement que vous m’avez apporté durant mon internat, pour votre disponibilité au cours de mon parcours et la bienveillance que vous avez manifestée. Merci pour les connaissances que vous avez pu nous transmettre en cours ou lors des présentations cliniques du mercredi matin au CHU ; le terme « au niveau de » ne sera pas utilisé dans cette thèse.

À Monsieur le Professeur Mircea POLOSAN, pour avoir accepté de siéger dans mon jury, même si nous nous sommes peu directement côtoyés lors de mon passage au CHU les échanges furent toujours agréables.

À Monsieur le Professeur Maurice DEMATTEIS, pour avoir accepté de siéger dans mon jury malgré un emploi du temps chargé, pour l’intérêt que vous avez pu porter à mon travail.

À Monsieur le Docteur Jérôme CARRAZ, pour m’avoir encadré pendant ce travail de thèse, pour avoir confirmé mon intérêt pour les TCA dans ce que j’ai considéré comme le meilleur séminaire de mon parcours, pour avoir pris du temps et m’avoir donné sa confiance, pour avoir toujours fait des retours rapides sur mon travail.

À Monsieur le Docteur Jean-Jacques FILSNOEL, pour m’avoir accompagné pendant six supers mois à la Clinique des Vallées, pour son écoute, la transmission de son savoir, sa bonne humeur et sa bienveillance.

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7 Mais aussi,

Merci au Dr SENTISSI, pour m’avoir poussé de toutes ses forces pour que je puisse terminer cette thèse qui peut-être n’aurait vu le jour qu’au 31 octobre 2020.

Merci à l’équipe de la Clinique des Vallées, et notamment à Laura qui m’a initié aux courses dans la boue, à Danielle pour son coup de raquette et tous les autres pour les agréables moments que nous avons partagés. À toute l’équipe des Tilleuls pour leur implication dans les soins pour le bien des patients, notamment à Nathalie et au nouveau Eskandar qui ont pris la peine de se déplacer et à Mano qui pourra dire qu’il a son prénom cité dans une thèse. À tous les autres collègues de Belle-Idée, à Sonia pour son écoute et sa joie de vivre, aux autres frouzes et notamment à Michel pour son esprit curieux, à Christophe pour son partage de la passion de la mécanique et à Reda pour m’avoir guidé à mon arrivée.

Merci à la « best promo ever », et cette amitié qui est restée au sein de notre promotion : à Pierre pour nos parties de LoL, sa persévérance à toujours s’améliorer et le challenge d’arriver à son niveau, à Manuel pour ses passions toujours plus intéressantes les unes que les autres et sa gentillesse envers les gens et les chats, à Mircea pour avoir accepté de m’emmener au véto avec un oiseau tombé du nid au détriment de son accoudoir de voiture, à Aida pour son rire contagieux, à Lisa pour avoir vécu un vrai film d’horreur en rentrant sur Bassens poursuivis par une voiture, à Ryad pour notre bien difficile Marseille-Cassis 2019, à Vincent qui j’espère ne m’en voudra pas de ne pas mener à bien notre projet de reconversion en boucher-charcutier, à Charlène pour s’être transformée en informaticienne quand je luttais avec Word, à Louis-Marie pour nos soirées jeux de société qu’il va falloir vite reprendre, à Camille pour avoir été toujours de bonne humeur et avoir pris soin de nos petites bêtes.

Un merci aux autres collègues, à Sylvain pour son accueil à Bassens en ce soir d’automne la veille de mon premier jour, à Nedjma pour ce grain de folie et sa bonne humeur, à Caroline pour sa joie de vivre et son hospitalité, à Camille pour m’avoir transmis le flambeau de représentant des internes de Saint-Egrève, à Nicolas F, Emilie, Marion, Vincent et toute la clique des pharmaciens pour nos jeux de société et nos parties de tennis, et tous les autres. À Arnaud pour nos parties endiablées et Maxime pour nos retrouvailles. A Harsha pour notre amitié décennale par-delà les frontières.

À mon père, qui aurait été fier en ce jour et qui peut être fier de ce qu’il m’a transmis.

À ma mère, qui j’espère est fière et qui a encore de la voix après m’avoir répété quarante-douze fois « ça en est où cette thèse ».

À ma sœur, pour sa présence et notre enfance commune, qui a pu se libérer en laissant sa jolie petite fille aux mains de son super papa.

À tout le reste de la famille, aux grands parents d’ici et là-haut, aux tantes, oncles et cousins et particulièrement à Carole qui s’est montrée présente dans les moments importants.

Et à tous ceux que j’ai oublié parce que je suis tête en l’air ou parce qu’ils ont 4 pattes et que ce n’est pas raisonnable de les citer ici.

(10)

8 RÉSUMÉ Vincent MANSI

INTERNET DANS LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

RESTRICTIFS : MODE DE CONSULTATION ET IMPACT

Introduction : Sur internet différents courants encouragent directement ou indirectement la restriction alimentaire, d’autres sont orientés vers la guérison. Les personnes atteintes de TCA sont confrontées à ces différents contenus. L’objectif de ce travail est d’étudier le mode de consultation du contenu lié aux TCA sur internet chez des personnes atteintes de TCA et d’en estimer son impact sur la vie quotidienne et la pathologie des malades.

Méthode : Nous avons mené une étude qualitative monocentrique en constituant des focus group avec des patientes hospitalisées entre juin et octobre 2017 dans un service spécialisé dans la prise en charge des TCA d’une clinique de Haute-Savoie.

Résultats : 14 patientes ont participé à l’étude. Le temps passé sur internet dédié à la consultation de contenu en lien avec le TCA est important chez les interrogées, il est régulièrement de plusieurs heures par jour. Les applications smartphone étaient largement utilisées, parfois à des fins de contrôle des apports et des dépenses caloriques mais aussi pour consulter les réseaux sociaux. Le contenu visualisé se référait à l’alimentation, l’exercice physique, l’aspect corporel, à la pathologie ou la guérison. L’impact précis de cette consultation fut difficile à évaluer, néanmoins les participantes signalent que leur consultation de ce contenu a généralement aggravé ou entretenu leurs troubles alimentaires.

Conclusion : La consultation d’internet semble occuper une grande place dans la vie quotidienne des patientes souffrant d’un TCA. Son utilisation devrait être explorée dans la pratique clinique dans le but d’avoir une meilleure perception du fonctionnement global du patient et de pouvoir suivre l’évolution de ses troubles.

Mots clés : Troubles du comportement alimentaire, Pro-Ana, internet, réseaux sociaux.

(11)

9 ABSTRACT

INTERNET IN RESTRICTIVE EATING DISORDERS :

CONSULTATION MODE AND IMPACT

Introduction : There are numerous internet threads that either directly or indirectly encourage dietary restriction while there are some threads that are aimed at recovery. People with eating disorders are consulting all these eating disorder related contents. This study aims to investigate the methods used by eating-disorders patients to consult eating disorder content and evaluate their impact on daily life and on the disease.

Method : A monocentric qualitative study was performed with focus group that consisted of patients hospitalized between June and October 2017 into a French Clinic with an eating disorder department.

Results : 14 patients participated in the study. Participants dedicated several hours per day on the internet browsing for information on eating disorders. They used smartphone applications to quantify calories ingested and calories burned. They often visited social media sites on topics referring to eating, physical exercise, body shape, the eating disorder itself or on recovery. The precise impact was difficult to evaluate however participants gave subjective feedback that this sort of internet use enhanced their eating disorder.

Conclusion : Internet use seems to play a significant role in the daily life of patients suffering from an eating disorder. Its use should therefore be closely monitored in clinical practice in order to gain a wider understanding of the patient’s condition and progress during therapy.

(12)

10

TABLE DES MATIÈRES

Liste des sigles et abréviations ...12

Préface ...13

I. Introduction ...14

I.1. Les Troubles du Comportement Alimentaire ...14

I.1.1. Définitions ...14

I.1.2. Épidémiologie...17

I.1.3. Évolution ...17

I.1.4. Différentes dimensions des TCA ...18

I.2. Internet ...19

I.2.1. Historique ...19

I.2.2. Mode de consommation ...21

I.2.3. Pro-Ana et autres concepts ...22

II. Matériel et méthode ...25

II.1. Choix méthodologique ...25

II.2. Échantillon ...26

II.2.1. Critères d'inclusion ...26

II.2.2. Critères d’exclusion ...27

II.3. Recueil des données ...27

II.3.1. Contact avec les participantes ...27

II.3.2. Déroulement des entretiens ...27

II.3.4. Analyse des données ...28

III. Résultats ...29

III.1. Caractéristiques de la population étudiée ...29

III.2. Résultats qualitatifs thématiques ...30

III.2.1. Temps passé sur internet ...30

III.2.2. Médiateur utilisé ...31

III.2.3. Pro-Ana et Pro-Mia ...36

III.2.4. Pro-Recovery ...38

III.2.5. Activité sur les réseaux sociaux ...39

III.2.6. Entourage ...42

(13)

11

IV. Discussion ...45

IV.1. Discussion des résultats ...45

IV.1.1. Mode de consommation d’internet ...45

IV.1.2. Contenu Pro-Ana ...48

IV.1.3. Contenu Pro-recovery ...50

IV.1.4. Activité sur les réseaux sociaux ...50

IV.1.5. Famille ...52

IV.1.6. Soignants ...53

IV.1.7. Impact ...54

IV.2. Limites de l’étude ...55

IV.2.1. Méthode ...55

IV.2.2. Population étudiée ...56

V. Conclusion et perspectives ...57

V.1. Conclusion ...57

V.2. Perspectives ...59

VI. Bibliographie ...60

VII. Annexes ...64

VII.1. Guide d’entretien ...64

VII.2. Formulaire d’information ...65

VII.3. Retranscription des entretiens ...66

VII.3.1. Focus group 1 ...66

VII.3.2. Focus group 2 ...95

VII.4. Critères DSM 5 de l’hyperphagie ...116

(14)

12

Liste des sigles et abréviations

# : Hashtag.

CIM-10 : Classification Internationale des Maladies, dixième édition.

DSM 5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, cinquième édition.

IMC : Indice de Masse Corporelle.

Pro-Ana : Pro-Anorexia (ou pro-anorexie).

Pro-Mia : Pro-Boulimia (ou pro-boulimie)

TCA : Troubles du Comportement Alimentaire.

(15)

13

Préface

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont un problème de santé publique. Ces dernières années leur prévalence n’a cessé d’augmenter et leur distribution géographique s’est étendue.

Parallèlement internet a connu un développement massif, l’apparition des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram a permis à tout un chacun de partager sa vie, ses passions et idées publiquement et d’interagir avec des personnes ayant les mêmes centres d’intérêts. Des images, vidéos et textes de même thématique sont ainsi partagés en ligne puis regroupés par le biais d’hashtags, de groupes et autres comptes qui se regroupent en communautés.

Pro-Ana, Thinspiration, Fitspiration, Pro-Recovery autant de nouveaux courants ayant

émergés qui pour certains diffusent des messages de restriction alimentaire directs ou indirects mais aussi des messages d’aide et de soutien.

L’utilisation globale de ces sites par les malades est peu explorée dans la pratique courante, l’objectif de ce travail de thèse est d’analyser comment des patientes porteuses de trouble du comportement alimentaire utilisaient internet et quel en était l’impact sur leur vie quotidienne, leurs troubles alimentaires et sur leur entourage.

Dans une première partie nous définirons les troubles du comportement alimentaire et les concepts qui y sont associés avec internet, nous présenterons ensuite notre étude qualitative et ses résultats que nous discuterons en les comparants aux données de la littérature.

(16)

14

I.

Introduction

I.1. Les Troubles du Comportement Alimentaire

I.1.1. Définitions

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont caractérisés par une perturbation persistante de l’alimentation ou du comportement alimentaire qui entraîne une altération de la consommation ou de l’absorption de la nourriture et impacte significativement la santé physique ou psychologique (DSM-5) (1).

La description de leurs critères diagnostiques a fait l’objet de nombreuses évolutions au sein des classifications internationales au cours du temps. Voici leurs descriptions dans les deux grands systèmes de classification actuellement utilisés en psychiatrie :

- le DSM-5 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder, 5ème édition), édité par l’Association Américaine de Psychiatrie en 2013, mentionne quatre grands types de TCA : l’anorexie mentale, la boulimie, l’accès hyperphagique (ou boulimie hyperphagique et binge eating disorder en anglais) et les troubles du comportement alimentaire non spécifiés.

- la CIM-10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème édition) (2), éditée par l'Organisation Mondiale de la Santé en 1993, décrit elle aussi quatre grand types de TCA : l’anorexie mentale, la boulimie, les autres TCA (dont les accès hyperphagiques et d’autres TCA spécifiques) et les TCA non spécifiques.

La majorité des études actuelles s’appuient sur le DSM-5. Les tableaux 1, 2 et 3 ci-dessous exposent les différents critères actuels utilisés pour le diagnostic de l’anorexie mentale, de la boulimie et des accès hyperphagiques. Les autres troubles du comportement alimentaire spécifiques ou non spécifiques ne seront pas détaillés du fait de leur diversité et de leur variabilité. À titre informatif, ceux-ci incluent le syndrome d’alimentation nocturne, le mérycisme, le pica, les anorexies ou boulimies atypiques (car ne validant pas tous les critères énoncés dans le DSM par la fréquence ou l’intensité du trouble).

(17)

15

À noter que l’orthorexie, ou volonté effrénée de manger sainement, n’est pas spécifiée dans le DSM-5 en tant que TCA bien que ce trouble puisse mener à des restrictions alimentaires ayant un impact physiologique (carences) et une perte de poids.

Dans notre étude nous avons utilisé le terme de « TCA restrictifs », nous entendons par ce terme un spectre de pathologie associés à la restriction c'est-à-dire l’anorexie mentale, la boulimie et l’orthorexie. L’hyperphagie dont sont cités les critères en annexe VII.4 n’est pas un TCA faisant l’objet de conduites de restriction au long cours.

Tableau 1. Anorexie mentale, critères diagnostiques du DSM-5

A. Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids significativement bas compte tenu de l'âge, du sexe, du stade de développement et de la santé physique. Est considéré comme significativement bas un poids inférieur à la norme minimale ou, pour les enfants et les adolescents, inférieur à un poids minimal attendu.

B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportement persistant interférant avec la prise de poids, alors que le poids est significativement bas. C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence

excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle.

Type restrictif

Pendant les trois derniers mois, le sujet n’a pas présenté d'accès récurrents d'hyperphagie (gloutonnerie) ni recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (c’est-à-dire. laxatifs, diurétiques, lavements). Ce sous-type décrit des situations où la perte de poids est essentiellement obtenue par le régime, le jeûne et/ou l'exercice physique excessif.

Type accès hyperphagiques / purgatif

Pendant les trois derniers mois, le sujet a présenté des accès récurrents de gloutonnerie et/ou a recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements). Degré de sévérité : - Léger : IMC ≥ 17kg/m² - Moyen : IMC 16-16,99 kg/m² - Grave : IMC 15-15,99 kg/m² - Extrême : IMC < 15 kg/m²

(18)

16 Tableau 2. Boulimie, critères diagnostiques du DSM-5

A. Survenue récurrente d'accès hyperphagiques (crises de gloutonnerie) (binge-eating). Un accès hyperphagique répond aux deux caractéristiques suivantes :

(1) absorption, en une période de temps limitée (par exemple moins de 2 h), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances

(2) sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange).

B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués ; emploi abusif de laxatifs, diurétiques ou autres médicaments ; jeûne ; exercice physique excessif.

C. Les accès hyperphagiques (de gloutonnerie) et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous les deux, en moyenne, au moins une fois par semaine pendant 3 mois.

D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.

E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant les épisodes d’anorexie mentale.

En rémission partielle :

Alors que tous les critères de la boulimie ont été précédemment remplis, plusieurs, mais pas la totalité, ont persisté pendant une période prolongée.

En rémission complète :

Alors que tous les critères de la boulimie ont été précédemment remplis, aucun ne l'est plus depuis une période prolongée.

Degré de sévérité

Il est basé sur la fréquence des épisodes : - léger : 1 à 3 épisodes par semaine ; - modéré : 4 à 7 épisodes par semaine ; - sévère : 8 à 13 épisodes par semaine ;

(19)

17

I.1.2. Épidémiologie

Les données épidémiologiques disponibles sur les TCA portent essentiellement sur l’anorexie mentale et la boulimie, elles montrent une prévalence plus élevée de ces troubles chez les femmes que chez les hommes. On compte en moyenne 4 à 10 femmes atteintes de TCA pour un homme (DSM-5), la différence de prévalence par genre la plus importante est présente pour l’anorexie mentale et la boulimie.

Une méta-analyse (3) portant sur plus de trente mille personnes dans le monde retrouve une prévalence vie entière des TCA de 1.59% pour les femmes et de 0.38% pour les hommes. Concernant le détail des différents troubles, les auteurs notent que les accès hyperphagiques seraient le trouble le plus fréquent avec une prévalence estimée à 2.22%, suivis de la boulimie à 0.81% et de l’anorexie à 0.21% (Notons que la fréquence plus importante des accès hyperphagiques par rapport à la prévalence des TCA globaux vie entière s’explique par une différence des études incluses entre les TCA globaux et la boulimie hyperphagique).

La prévalence globale des TCA serait en augmentation avec le temps, elle serait passée de 0.91% de 1990 à 1999, à 1.07% de 2000 à 2009 (3).

I.1.3. Évolution

Les TCA sont une pathologie qui débute généralement dans l’adolescence. L’âge moyen du début des troubles est d’environ 18 ans sans différence significative entre l’anorexie mentale et la boulimie selon plusieurs études (4,5). Les accès hyperphagiques seraient de déclenchement plus tardif avec un âge moyen de début de 25 ans.

L'épisode peut être unique mais la maladie s’étale généralement sur plusieurs années. La durée moyenne du TCA est de 8 ans pour l’anorexie mentale et de 5 ans pour la boulimie selon une étude australienne (6,7). La maladie est émaillée d’épisodes où le TCA se fait plus sévère. Une étude chez des adolescents retrouve une durée moyenne d’épisode de 9 mois pour l’anorexie mentale et de 2,9 mois pour la boulimie (8).

(20)

18

Bien que curables, les TCA peuvent se chroniciser ou avoir une évolution fatale. L’anorexie mentale est le TCA qui aurait la plus grande mortalité, les décès étant principalement causés par la dénutrition et le suicide (9). Dans une méta-analyse avec plusieurs centaines de milliers de cas, le taux de décès standardisé annuel (c’est-à-dire en excluant le nombre de décès ordinaire de la tranche d’âge) retrouvé chez les patientes atteintes est de 5.86‰ dans l’anorexie mentale, de 1.93‰ dans la boulimie et de 3.31‰ pour les TCA non spécifiés. Le taux de suicide relevé dans l’anorexie mentale pour cette étude est de 1.83‰ ce qui représente plus d’un quart des décès non standardisés (9).

I.1.4. Différentes dimensions des TCA

L’étiologie des TCA et leur expression impliquent plusieurs facteurs ou dimensions : psychologique, environnementale, génétique, biologique et sociale (10).

Leur dimension génétique (10) est discutée, aucun gène de prédisposition n’a été clairement identifié même si une corrélation de prévalence de la maladie entre jumeaux est relevée. Celle-ci est d’en moyenne 51% pour l’anorexie mentale et de 69% pour la boulimie.

La dimension biologique s’exprime par le l'âge, le genre et l’ethnie. Comme explicité ci-dessus, la prévalence des TCA est plus importante chez les femmes que chez les hommes, elle est aussi plus importante entre 15 et 24 ans.

La dimension environnementale est tout aussi difficile à mesurer. Une étude portant sur des fratries a tenté d’extraire la part environnementale de la part génétique dans le développement des TCA. Son but était de comparer la prévalence de la maladie dans les fratries biologiques par rapport à celles avec des enfants adoptés (11). Cette étude retrouve une corrélation significative de la présence de signes de TCA entre les adolescents d’une fratrie biologique mais l’absence de corrélation significative entre les adolescents d’une fratrie avec enfant adopté étant arrivé dans la famille quelques années après sa naissance.

Ces résultats suggèrent qu’un environnement partagé n’exerce pas d’effet important pendant l’adolescence, les chercheurs mentionnent cependant que le partage de l’environnement pendant les premiers stades de développement serait critique et possiblement corrélé au développement des troubles.

(21)

19

La dimension sociale fait référence aux idéaux et concepts véhiculés dans la société par les médias mais aussi aux échanges entre individus. Une étude conduite aux Fidji a examiné l’effet de l’introduction de la télévision sur les TCA dans les années 2000 (12). Cette étude retrouvait une augmentation de la prévalence d’un intérêt pour la perte de poids, pour l’image corporelle et les conduites restrictives significativement proportionnelle à celle de l’exposition à la télévision. Dans les pays dits développés la prévalence des TCA serait supérieure à celle des pays en voie de développement même si elle aurait tendance à augmenter dans ceux-ci (13).

L’objectif de ce travail de thèse est d’explorer cette dimension sociale du point de vue numérique : analyser comment des patientes porteuses de TCA utilisaient internet et quel en était l’impact sur leur vie quotidienne, leurs troubles alimentaires et sur leur entourage.

I.2. Internet

I.2.1. Historique

Internet a depuis plusieurs années maintenant été en lien étroit avec les TCA, permettant non seulement la lecture mais aussi le partage de contenu en lien avec la pathologie, l’alimentation ou le sport.

Internet et les TCA ont des liens non spécifiques dans le sens où internet permet la diffusion d’un discours autrefois surtout véhiculé par la télévision et les magazines. Le discours esthétique général promeut un idéal de minceur (usant parfois de photos retouchées), le discours médical promeut une alimentation saine pour éviter de multiples pathologies (diabète, problèmes cardio-vasculaires) et promeut des régimes spéciaux (pauvres en cholestérol par exemple), le discours sportif valorise la performance atteinte par la perfection du corps et le discours diététique insiste sur la nécessité de suivre des règles strictes pour manger équilibré (cinq fruits et légumes par jour par exemple) (14). La population générale est confrontée à ce contenu, chez les personnes les plus vulnérables on peut penser que ces invitations à contrôler leur alimentation et leur aspect physique pourraient être un facteur de risque de développement d’un TCA.

(22)

20

Le développement d’internet est le reflet de l’évolution des sociétés modernes. Les premières allusions spécifiques aux TCA sur le web apparaissent au début des années 2000 au moment de la bulle internet (15). En 2001 un article du Time recense plus de 400 sites pro-anorexiques ou Pro-Ana (16). À cette période déjà, des sites commencent à être fermés. Les sites concernant les TCA sont variés : certains se limitent à des sites d'échanges autour de la pathologie ou du quotidien des malades, d'autres sont plus sectaires et décrivent la maladie comme un mode de vie, enfin d’autres sont des groupes d'entraide.

Entre 2010 et 2014 on retrouve plus de 600 sites, blogs et forums de discussion (hors réseaux sociaux) sur les TCA dans le web français (15).

En 2010, alors que Facebook est public depuis 4 ans, nait Instagram : un réseau social qui va prendre une grande place dans le partage du vécu des personnes. Instagram permet de poster des images et des vidéos et d’y associer des hashtags (le symbole #) pour les décrire (17). Le réseau croît en popularité jusqu’à compter à l’heure actuelle 1 milliard d’utilisateurs.

Parmi les multiples comptes trouvables sur Instagram certains sont ceux de jeunes femmes qui postent des photos d’elles-mêmes et par l’utilisation des hashtags proposent parfois des challenges à leur followers (c’est-à-dire aux personnes étant abonnées à leur compte). Ces challenges peuvent entraîner directement ou indirectement de la restriction. Certains sont d’ordre alimentaire, d’autres d’ordre physique (18).

Des challenges journaliers souvent associés au dogme de manger sainement sont régulièrement postés sur les réseaux sociaux. Quand ils sont d’ordre alimentaire ils sont validés par la prise d’une photo du repas qui utilise des ingrédients correspondant aux exigences du challenge (19).

Les challenges physiques consistent en une comparaison du corps, le Tigh gap par exemple (qui se réfère à la présence d’un espace entre les cuisses, serait un des critères de beauté), ou en un exercice de fitness à réaliser (20).

(23)

21

I.2.2. Mode de consommation

Historiquement le temps consacré à la consultation d’internet est d’abord restreint par les forfaits limités en heures et en débit qui se limitaient à l’ordinateur puis il explose avec le développement du haut débit illimité et des smartphones peu avant 2010. Le temps moyen consacré par jour à internet des 18-24 ans est ainsi passé de 15 minutes en 2008 à 2h48 en 2015. En 2018 près de 80% des adolescents américains utilisaient leur téléphone toutes les heures (21).

Une étude portant sur près de mille américains de 18 à 24 ans retrouve qu’en 2016 97.5% des jeunes américains consultaient régulièrement au moins un réseau social (8, 21). 87% consultaient ces réseaux sociaux avec leur smartphone et 74% avec leur ordinateur ; Snapchat (81.7%) et Instagram (80.7%) faisaient partie des réseaux sociaux les plus utilisés.

Cette même année une étude sur plus de 1700 jeunes adultes relève une association linéaire significative entre l’utilisation des réseaux sociaux et la préoccupation pour l’alimentation (la pathologie en elle-même n’est pas évoquée directement ici). Les participants passant le plus de temps sur les réseaux sociaux avaient une probabilité significativement supérieure (de l’ordre de 2,5 plus) d’avoir une préoccupation pour l’alimentation que ceux qui passaient moins de temps dessus (23).

En 2018 une étude portant sur une centaine de participants comparant des femmes sans antécédent de TCA à de jeunes femmes anorexiques montre que ces dernières passent un temps équivalent sur internet à celui du groupe sans TCA mais en font une utilisation différente. Les patientes anorexiques passaient plus de la moitié de leur temps à regarder du contenu en lien avec l’alimentation, le poids ou l’image du corps (contre environ un quart du temps pour le groupe contrôle). Elles avaient aussi significativement plus d’interactions sur les réseaux sociaux, consultaient plus souvent les forums et les blogs et avaient plus d’amis virtuels porteurs de TCA (24).

(24)

22

I.2.3. Pro-Ana et autres concepts

Pro-Ana et Pro-Mia

Le terme Ana est né sur internet dans les années 2000 (15). Il signifie Pro-Anorexia, que l’on pourrait traduire par "en faveur de l'anorexie". Sous ce sigle sont d'abord apparus des sites vantant les bénéfices d'avoir un corps sain, promouvant des célébrités ou mannequins pouvant être amincies et retouchées.

En 2001 les fournisseurs d'accès internet américains bloquent l’accès à ces contenus (16). En France en 2008 une proposition de loi afin de punir les auteurs de ces sites est acceptée en première lecture par l’Assemblée Nationale mais elle n’aboutit pas. Ce n’est qu’en 2015 que la promotion du contenu Pro-Ana est qualifiée de délit dans l’article 223-2-1 du Code Pénal selon les termes suivants : « Le fait de provoquer une personne à rechercher une

maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni d’un an d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. »

Un des éléments annexé à cet article mentionne que 96 % des jeunes filles ayant consulté les sites dits Pro-Ana (étude menée par l'université de Stanford en 2006) y ont découvert de nouveaux moyens de continuer à perdre du poids, de le cacher à leur entourage et aux médecins (25).

(25)

23

Il existe certaines règles et signes distinctifs qui caractérisent le mouvement Pro-Ana : des commandements et certains codes vestimentaires sont encouragés par les adeptes du Pro-Ana (26). Ces commandements sont toujours présents sur internet, une simple recherche sur Google avec les termes « commandements Pro-Ana » retrouve une multitude de blogs les reprenant au mot près, les voici à titre indicatif :

1 - Si tu n'es pas mince, tu n'es pas attirante.

2 - Être mince est plus important qu'être en bonne santé.

3 - Tu dois t'acheter des vêtements étroits, te couper les cheveux, prendre des pilules diurétiques, jeûner... Faire n'importe quoi qui puisse te rendre plus mince.

4 - Tu ne mangeras point sans te sentir coupable.

5 - Tu ne mangeras point de nourriture calorique sans te punir après coup. 6 - Tu compteras tes calories et restreindras tes rapports.

7 - Ce que dit la balance est le plus important.

8 - Perdre du poids est bien, en prendre est mauvais. 9 - Tu ne peux jamais être trop mince.

10 - Être mince et ne pas manger sont les signes d'une véritable volonté et de succès.

Le terme Pro-Mia est un équivalent de Pro-Ana mais sur le versant de la boulimie. Il signifie Pro-Bulimia, c’est un courant qui valorise la boulimie ainsi que d'autres stratégies de contrôle du poids. Bien que moins populaire il reste toujours d’actualité.

Ana et Mia sont utilisés sur certains blogs ou publications comme des prénoms. La rédactrice s’adresse alors à elles comme s’il s’agissait d’une confidente, d’une amie ou d’une ennemie.

Thinspiration - Fitspiration

La Thinspiration ou inspiration pour la minceur (ou Thinspo) naît parallèlement avec Pinterest et Tumblr : des réseaux sociaux orientés sur le partage d’images. Il s'agit là d’un terme apposé à certaines images et citations, on retrouve par exemple : « ce que vous mangez

en privé, vous le portez en public », « rien n'a autant de saveur que de se sentir maigre » (15), « a moment on the lips, a lifetime on the hips ». Ces citations, images et contenus valorisant

la maigreur sont alors facilement partagés et épinglés de compte à compte sans jamais dépasser la limite amenant à la censure amenant à la suppression du contenu.

(26)

24

La Fitspiration ou inspiration vers un corps sain (ou Fitspo) est un terme présent majoritairement sur les réseaux sociaux il fait référence au fait de garder un style de vie sain par le biais de l’exercice et l’alimentation (27).

Le profil moyen d’une personne consultant du contenu en lien avec le fitness sur les réseaux sociaux est une femme de 15 à 17 ans atteinte de TCA (28). Plus d’un tiers des jeunes adultes avec des TCA rapportent avoir visité ces sites et y avoir appris à perdre du poids y compris avec des techniques de purge (29).

Une étude portant sur une population de personnes atteintes de TCA (30) retrouvait que l'exposition à la Fitspiration était plus fréquente que celle à la Thinspiration mais que le contenu de Thinspiration était associé à une plus grande sévérité des symptômes.

Pro-Recovery

Du contenu Pro-Recovery ou « en faveur de la guérison » peut aussi être trouvé sur ces plateformes. D’après une étude portant sur près de dix mille comptes Tumblr interagissant avec le contenu Pro-Recovery dans le cadre de l’anorexie, seulement la moitié présentait des signes de guérison 4 ans plus tard et 56% 6 ans plus tard (31).

Le but de ce travail thèse est de mettre en évidence le mode de consultation du contenu internet en lien avec les TCA restrictifs et d’en étudier son impact tant social que sur la pathologie.

(27)

25

II.

Matériel et méthode

II.1. Choix méthodologique

L'objectif de ce travail de thèse est d'explorer un phénomène social émergent depuis une quinzaine d’années. Nous avons opté pour la réalisation d’une étude qualitative car il s’agit de l'approche la plus adaptée pour explorer les phénomènes sociaux et étudier les sujets dans leur environnement (32). Des entretiens de groupes ont été réalisés de manière monocentrique au sein de la Clinique des Vallées (Annemasse) dans le service spécialisé dans les TCA lors de l’un des stages d’internat de l’auteur.

La totalité de la population de l’étude est constituée de patients hospitalisés. Les patients ont étés préalablement informés à l'oral et ont reçu un document écrit notifiant le déroulement du groupe et le but de ce travail de thèse (document en annexe).

L'entretien en groupe par le biais des focus group a été choisi afin de faciliter le recueil de données. La dynamique groupale et son interactivité devait permettre de constituer un espace favorable au partage du vécu de chacun sur le sujet sensible de leur activité personnelle sur internet liée aux TCA.

L'entretien était semi-structuré, suivant le guide d'entretien disponible en annexe, des digressions étaient possibles. Le guide d'entretien a été réalisé à l'avance. Avant d'être utilisé il a été testé dans un séminaire de recherche qualitative organisé au sein de l'université Grenoble Alpes en février 2016 et modifié suites aux commentaires optionnels reçus sur des sondages quantitatifs réalisés en amont qui ne sont pas explicités dans ce travail de thèse.

Ce guide se subdivise en plusieurs parties comprenant plusieurs questions ouvertes. La première partie explorait la consommation du contenu sur internet de manière quantitative et plus généraliste. Dans une deuxième partie nous avons exploré la consultation de contenu en lien avec les troubles du comportement alimentaire avec une interaction absente ou limitée avec le contenu qui était lu, c’est-à-dire l’utilisation d’applications ou la lecture de sites. Cette partie nous permettait de mesurer l’aspect passif de l’utilisation d’internet quand le sujet se contentait de contenu sans le commenter de quelque façon que ce soit.

(28)

26

Les questions concernant les réseaux sociaux ou tous autres échanges virtuels entre tiers ont volontairement été abordées après ces deux parties afin d’éviter que des participantes ne se mettent en retrait pour la suite du groupe si ces sujets étaient trop personnels ou difficiles à aborder pour elles.

II.2. Échantillon

La population étudiée était hétérogène en termes d’âge et de pathologie alimentaire, elle était en revanche homogène pour le genre : tous les participants étant des femmes majeures.

II.2.1. Critères d'inclusion

Les critères d’inclusion appliqués étaient les suivants : patient hospitalisé à la Clinique des Vallées dans le service des troubles du comportement alimentaire entre juin 2017 et novembre 2017. Tous les patients souffraient d'un trouble du comportement alimentaire au sens du DSM-5. Les TCA qui ont été inclus sont les suivants : l’anorexie mentale de type restrictif pur ou de type purgatif, la boulimie et l’orthorexie.

Nous n’avons pas inclus de patiente hyperphagique car nous avons estimé que leur consultation d’internet serait différente de celle des TCA restrictifs dont l’objectif est le contrôle du poids.

Seules des femmes étaient présentes dans le service au moment du recueil de données.

Deux groupes ont étés réalisés, la durée moyenne de séjour étant longue il n’a pas été possible de constituer plus de groupes sur cette période : plusieurs participantes du premier groupe étant présentes au moment de la constitution du deuxième groupe.

(29)

27

II.2.2. Critères d’exclusion

Les critères d’exclusion appliqués sont les suivants : participante ayant pris part au premier groupe (si elle était toujours hospitalisée pour le second groupe), patiente mineure, état somatique incompatible avec la réalisation d’un groupe, patiente hyperphagique.

II.3. Recueil des données

II.3.1. Contact avec les participantes

La proposition de participation à cette étude a été faite lors des entretiens individuels menés dans le cadre du suivi hebdomadaire des patientes ainsi que lors d'une réunion de groupe soignants/soignés où presque toutes les patientes étaient présentes.

Pour la première séance 32 patientes ont été sollicitées, 15 ont répondu positivement et 8 ont participé au premier groupe. Les patientes ayant refusé n’ont pas toutes expliqué leurs choix cependant une part importante a communiqué ne pas consulter de site internet en lien avec leur TCA. Aucune date disponible ne permettait de réunir les 15 participantes. Les patientes n’ayant pas pu participer aux groupes étaient en permission ou bénéficiaient d’autres prises en charge au moment du déroulement des séances.

Lors du deuxième focus group en octobre, certaines patientes avaient déjà participé à l'étude, seulement 6 nouvelles patientes ont ainsi pu être incluses sur les 32 sollicitées. Au total 14 patientes furent incluses dans notre étude.

II.3.2. Déroulement des entretiens

Les entretiens se sont déroulés dans une salle de réunion (premier focus group) et un bureau (deuxième focus group) au sein de la Clinique des Vallées. Ils ont été conduits par l’auteur assisté d’une infirmière ou d’une élève infirmière présente en tant qu’observatrice.

(30)

28

Deux dictaphones ont été disposés au centre de la table afin de procéder aux enregistrements audio et étaient visibles de tous. Deux dictaphones ont été utilisés afin de pallier le dysfonctionnement éventuel d’un des appareils.

Les participantes étaient prévenues du début et de la fin des enregistrements. Une copie de ces enregistrements pouvait leur être remise en cas de demande. Une destruction de ce matériel est prévue pour le 1er janvier 2020.

II.3.4. Analyse des données

Une méthode d’analyse thématique a été utilisée pour analyser les données.

Ces données c’est-à-dire les verbatim ont été enregistrés exclusivement par deux dictaphones disposés dans la salle d’entretien. Au total 137 minutes d’entretien ont été analysées. La moyenne d’un verbatim est de 46 minutes.

Trois fichiers audio ont été extraits puis ont été retranscrits textuellement par l’auteur, les données n'ont pas été triangulées. Les retranscriptions brutes sont disponibles dans l’annexe VII.2.

(31)

29

III. Résultats

III.1. Caractéristiques de la population étudiée

Les entretiens ont eu lieu entre le 30 juin 2017 et le 25 octobre 2017. Au total deux groupes ont été formés et trois séances réalisées.

Dans les deux groupes les patients étaient des femmes âgées de 18 à 33 ans, la moyenne d’âge était de 24 ans.

Dans le premier groupe les pathologies suivantes étaient retrouvées :  anorexie mentale restrictive pure

 anorexie mentale avec purge  boulimie

 orthorexie

Dans le deuxième groupe les pathologies suivantes étaient retrouvées :  anorexie mentale restrictive pure

 boulimie  orthorexie

Tableau récapitulatif

Groupe Nombre de participants Sexe Âge Pathologies

1 8 Féminin 19-33 ans Anorexie restrictive pure

Anorexie avec purge Boulimie Orthorexie

2 6 Féminin 18-30 ans Anorexie restrictive pure

Boulimie Orthorexie

(32)

30

Durée des entretiens

Les entretiens ont duré une moyenne de quarante-cinq minutes chacun.

Pour le premier groupe, la première séance n’a pas permis une collecte complète des données. Les dernières questions du questionnaire n’ayant pu être abordées pendant les quarante-trois minutes d’entretien, une deuxième séance de quarante-six minutes a été organisée la semaine suivante. Les deux sessions se sont déroulées en juin et juillet 2017 à 10 jours d’intervalle.

L’intégralité du questionnaire a pu être abordée avec le deuxième groupe lors d’une seule séance de quarante-huit minutes le 27 octobre 2017.

III.2. Résultats qualitatifs thématiques

Afin d’exposer un compte rendu détaillé des résultats, nous avons subdivisé en huit parties les données. Les sept premières parties correspondent aux questions du guide d’entretien. Au sein de chaque partie des arbres thématiques et/ou des citations reprenant les propos des participantes ont été apposées afin d’illustrer les réponses.

Voici les résultats bruts de cette étude classés par thème, leur discussion et critique seront abordés dans une prochaine partie.

III.2.1. Temps passé sur internet

Le temps quotidien passé sur internet est variable selon les participantes, il commence à 30 minutes par jour mais est très souvent de l’ordre de plusieurs heures par jour.

Le contenu consulté en lien avec les TCA occupe la majorité du temps passé sur internet, cette durée est de plusieurs heures par semaine voire même par jour pour beaucoup d’entre elles.

La durée est assimilée comme proportionnelle à leur mal-être par plusieurs participantes : « Moins je suis bien, plus j'y passe de temps. » « Ça peut être quand je ne suis

(33)

31

Le moment de la consultation est variable et se fait parfois sur le temps de sommeil ou de travail : « j’y ai passé des nuits entières », « je pouvais y passer ma journée, même au

travail, j'avais les yeux rivés sur mon portable pour aller voir des forums, des sites, mon blog».

Plusieurs participantes consultent ces sites pendant leurs repas : « je passais le repas

avec mon portable sous la table à vérifier chaque aliment pour voir si je pouvais le mettre dans ma bouche », « quand je mangeais mes repas, j'étais sur mon téléphone en train de chercher les calories de chaque aliment ».

III.2.2. Médiateur utilisé

Le téléphone portable (smartphone) et l’ordinateur sont les deux médiateurs cités par les patientes utilisés pour consulter internet.

Fig.1. Applications pour smartphone

A

pplicati

ons

S

ma

rtph

one

Utilitaires

Aliments

Scan de code-

barres

Activité

Physique

Application de

running

Santé (iPhone)

Réseaux Sociaux

Instagram

Facebook

Snapchat

YouTube

Pinterest

(34)

32

Sur leur téléphone portable les participantes ont cité les applications suivantes :

 Réseaux sociaux : Snapchat, Instagram, YouTube, Facebook

Ces applications sont surtout utilisées pour « suivre du contenu ». Des comptes de modèles, mannequins ou journaux de mode sont suivis sur Snapchat par exemple. Sur Instagram certaines participantes sont plus actives et interagissent avec le contenu qu’elles lisent. Cette partie sera développée ci-dessous.

 Alimentation : application scannant les codes-barres des aliments (pour en connaître les calories), application Secrets du poids.

Ces applications sont utilisées à visée restrictive par les participantes. Plusieurs d’entre elles contrôlent ainsi les aliments qu’elles ingèrent et leur teneur énergétique. L’exemple d’une application donnant les calories de tous les aliments est cité. Cette application semble assez populaire parmi les participantes puisque cinq d’entre-elles interviennent dans le groupe pour la décrire :

« Il fallait scanner tous les aliments?

- Oui petit déjeuner, déjeuner, goûter, dîner et à la fin on savait combien de calories à la calorie près on avait consommé dans la journée. »

Ce sont ces applications qui sont utilisées pendant les temps de repas.

 Activité physique : Santé (application iPhone installée par défaut sur l’appareil qui mesure les déplacements et la consommation de calories), Runtastic ou autres applications de running, podomètre, yoga, « body pump ».

Ces applications fournissent des statistiques qui utilisent comme référentiel l’utilisateur ou les comparent à d’autres. Ce système statistique est décrit par les participantes comme les poussant à augmenter leur activité physique (l’application Santé est exposée en exemple).

« Si j'avais atteint un tel nombre de pas par jour il fallait obligatoirement que le lendemain je fasse au moins ce nombre de pas là. Si le lendemain j'en faisais 5 000 de plus et bien je ne pouvais pas faire moins, donc je montais à 20 000, 25 000, 30 000, 40 000 pas. »

(35)

33

« Ça dit aussi le nombre de pas qu'une personne normale devrait faire par jour donc après nous on se dit : Ah ! mais si une personne normale fait ça, moi il faut que je fasse bien bien plus. »

« Les applications pour les pas moi j'écoute plus parce que j'arrive pas à faire moins que la veille sinon ça m'angoisse. »

Les participantes décrivent une addiction à l’application Santé d’Apple et évoquent l’impossibilité pour elles de la supprimer de leur téléphone : « c'est une application qu’on ne

peut pas supprimer en plus sur iPhone ».

 Recettes : Les Foodies (site internet de recette de cuisine avec photos), sites de recettes.

Ces applications sont utilisées dans deux optiques : se nourrir virtuellement et pour la restriction.

Sur Foodies les participantes disent trouver de multiples recettes de cuisine avec photos des aliments. Ces sites sont parfois utilisés comme substituts vis-à-vis de l’alimentation par plusieurs d’entre elles : « je ne mangeais pas, je me nourrissais visuellement.»

Elles les utilisent aussi pour exclure de leur alimentation certains aliments et trouver des recettes moins caloriques : « je regardais beaucoup comment pallier à tel ou tel aliment et les

sites de cuisine énormément aussi.» « Il y a plein de sites qui sortent qui disent comment faire des recettes allégées». La recherche du plat le moins gras et le plus « sain » est privilégiée

(36)

34

Sur l’ordinateur (ces sites sont également consultables depuis un smartphone) les participantes consultent les sites suivants que nous avons classé par catégories :

Fig. 2 Sites généralistes

 Forums : Doctissimo, Skyblog

Sur ces forums les participantes disent surtout avoir recherché des avis et des témoignages. Les participantes expliquent moins utiliser les forums aujourd’hui qu’il y a quelques années : « Le forum des troubles alimentaires de Doctissimo était très très actif

pendant six/sept ans et avec l’arrivée d’Instagram ce forum a complètement perdu et il n’y a plus grand monde qui y va.».

Les forums sont pour la majorité utilisés à des fins informatives. Les participantes ont lu ce contenu mais aucune ne dit y avoir écrit.

Si

tes

Forums

Doctissimo

Forum

d'entraide

Sites

d'alimentation

LesFoodies

Naturacoach

Recettes

Blogs

Personnels

Tumblr

(37)

35

L’utilisation des blogs est aussi décrite comme ancienne et peu utilisée aujourd’hui, les participantes se tournent désormais vers les réseaux sociaux et surtout vers Instagram qui est le site le plus souvent évoqué lors des séances.

 Réseaux sociaux et apparentés : Facebook, YouTube, Tumblr

Fig.3 Les réseaux sociaux

R

ése

aux

Soc

iaux

Facebook Groupes : Association Autrement Photos de femmes -modèles Compte Pro-Ana éphémères Instagram Hashtags #ProRecovery #Cheatday/ #Cheat meal #WCW #SecretFamily #Tighgap Comptes suivis Fit Girls Actrices, stars, mannequins Régimes YouTube Reportages informatifs Pro-Ana Exercice physique / Fitness Snapchat Magazines de mode Actrices

(38)

36

Sur Tumblr les participantes se décrivent comme plus actives : « c'est un peu comme

Instagram et j'en ai un [i.e. compte] où je reblogue des trucs selon mes humeurs.».

Facebook est utilisé surtout pour ses groupes d’entraide. Le groupe Facebook Autrement est cité à plusieurs reprises, il s’agirait d’un groupe d’entraide pour les personnes atteintes de TCA, plusieurs participantes disent en être membre. Les participantes bilingues évoquent des groupes anglais ou étrangers qui seraient plus actifs que les groupes français :

« je suis beaucoup d’associations québécoises ou américaines parce qu'en France on est vraiment nul pour ça », « sur Facebook les forums anglais ils sont beaucoup plus ouvert vis-à-vis de ça ».

Les publicités ciblées de Facebook sont remarquées par une des participantes comme étant à risque : « sur Facebook tu peux avoir des pubs comme ça : comment perdre 10 kilos

en une semaine, ben tu es tentée d'y aller ». L’exposition aux publicités de produits

amincissants est décrite par plusieurs participantes.

Sur YouTube les participantes décrivent deux types de consultations :

- Le visionnage de reportages portant sur la pathologie, informatifs et neutres, ou des témoignages.

- Des vidéos de sport ou de « fitness girl » qui décrivent des façons de perdre du poids ou de sculpter son corps par le sport et/ou la restriction.

III.2.3. Pro-Ana et Pro-Mia

Le rapport au contenu internet Pro-Ana et Pro-Mia est très hétérogène parmi les participantes. Celui-ci va d’une ignorance totale de son existence à des consultations pluriquotidiennes. La majorité des participantes a connaissance de ce courant mais ne consulte pas ou plus ce type de contenu.

Le contenu Pro-Ana ou Pro-Mia est visualisé comme extrême et cloisonné par la plupart des participantes y compris celles-qui y en ont suivi les préceptes : « c'est un truc de

secte limite ». Seulement une participante disait le consulter régulièrement au moment de

l’interview.

Certaines participantes ignorent totalement l’existence du courant Pro-Mia alors qu’elles connaissent en détail le contenu Pro-Ana.

(39)

37

Les premiers contacts avec le contenu Pro-Ana sont rapportés en début de maladie, parfois quand les participantes étaient très jeunes : « Je devais avoir honnêtement dix ou onze

ans », « J'étais au collège ».

Le mode de découverte de ces sites est variable. Les patientes ont souvent entendu parler de ce contenu de façon fortuite. La première lecture est banalisée par les participantes:

« Au début c'était tout bêtement sur un blog parce que je cherchais du soutien. » « J'y étais par curiosité. » « J'avais vu ça dans un magazine qui disait le danger qu'il y avait sur ces sites alors que je n'avais jamais entendu parlé de ça, alors du coup qu'est-ce que j'ai fait, je suis allée voir. »

Ces lectures ont pu être à l’origine de conduites de restriction : « j'ai appris à me faire

vomir sur un site Pro-Mia », « moi ça m’a fait tomber dedans » mais aussi au maintien de ces

conduites « ça nous procure, pour moi en tout cas, une satisfaction ».

Les sites en relation avec cette thématique sont rapportés comme difficiles à trouver et seraient régulièrement effacés d’internet, sans précision sur qui exactement efface ou signale ce contenu. Parmi celles qui les consultent, les réseaux sociaux dont Facebook et YouTube sont privilégiés mais les écrits/vidéos y seraient aussi éphémères : « Souvent c'est

sur YouTube qu'on arrive à en trouver le plus facilement mais toutes les semaines il faut chercher de nouvelles vidéos parce qu'ils les effacent. », « Il faut bien chercher parce que régulièrement les pages Facebook restent une semaine maxi et il faut farfouiller pour en retrouver des nouvelles. ».

Les patientes rapportent avoir trouvé sur ces sites les commandements que nous avons mentionné dans l’introduction qui enjoignent les lecteurs à suivre certaines règles. « Il

y a toute une charte en Un tu feras ça, en Deux tu feras ça, en Trois tu feras ça, tu ne mangeras qu'une pomme par jour, tu marcheras… », « J'avais vu à l'époque qu’il y 'avait dix commandements. ».

La majorité des participantes a entendu parler de ces commandements, deux participantes disent les avoir appliqué : « je suis tombée dans l'engrenage pendant trois-quatre

(40)

38

ça qui comptait, les dix commandements je les avais appris par cœur. J'avais tout, le bracelet rouge, tout tout tout, j'ai tout fait. »

Un mécanisme d’addiction à ce type de contenu est décrit par une participante « c'est

comme une drogue quoi, on cherche de plus en plus d'adrénaline, des trucs de plus en plus forts, de plus en plus durs et là j'en suis à des trucs... euh très durs », « j'y suis tous les jours »,

« c'est devenu une drogue concrètement parce que je n'arrive pas à m'en passer. ».

Les termes Ana et Mia sont aussi personnifiés, ils seraient utilisés sur internet comme faisant office de confidente comme si la maladie était une personne à qui la patiente s’adressait. Des exemples d’autres prénoms en lien avec d’autres pathologies sont cités par les participantes.

III.2.4. Pro-Recovery

Ce terme est cité en tant qu’hashtag sur Instagram où il est aussi utilisé dans l’entête du nom de certains comptes. « Tous les comptes c'est leur prénom et puis Recovery derrière.» Il est identifié par des participantes comme un courant opposé aux Pro-Ana et Pro-Mia et qui prône la guérison : « le hashtag Recovery c'est un peu pour contrer les Ana et

Pro-Mia ».

Pour certaines participantes le contenu de ce type de compte est consulté en même temps que des comptes prônant la restriction : « je suivais des filles qui étaient dans la

pathologie et qui étaient en Recovery ».

Certains des utilisateurs de ces comptes étiquetés Pro-Recovery seraient toujours dans la restriction alimentaire avec un hyper contrôle des apports : « j'ai vu des comptes de

guérison où les filles mettaient une photo de ce qu’elles avaient mangé avec combien de gramme de féculents, combien de grammes de viandes, des fois j'en ai vu qui mettaient les calories aussi dessus ». « C’est un peu un truc, si tu manges assez tu peux rentrer dans le groupe de celles qui sont dans la guérison. ». De nouveaux comptes avec l’apposition du

préfixe Real devant Recovery seraient apparus pour se distinguer des comptes précédents. Le hashtag utilisé serait « RealRecovery ». La distinction entre les comptes de guérison est faite par plusieurs participantes : « il y a quand même beaucoup de soutien entre les vrais

(41)

39

III.2.5. Activité sur les réseaux sociaux

Instagram semble le site le plus largement utilisé, les participantes y suivent (follow en anglais) leurs « modèles » et pour certaines reproduisent leurs conseils.

YouTube est utilisé pour le fitness et à visée informative mais nous notons qu’une patiente y trouve régulièrement du contenu Pro-Ana.

Facebook semble être peu utilisé par les participantes, il est mentionné pour ses associations d’aide. Les autres réseaux sociaux sont peu développés par les participantes dans notre étude peut être du fait de l’omniprésence d’Instagram.

Les comptes suivis sur Instagram par les participantes sont ceux de mannequins, de femmes faisant du sport intensément (appelées les « fitgirls ») : « je dois suivre à peu près

toutes les mannequins Victoria's Secret en fait ».

Ces modèles sont critiqués par certaines participantes : « Les filles de fitness y'en a

qui se disent saines alors qu'elles sont à la limite du trouble alimentaire. »« On a l'impression qu'elles font du sport, qu'elles bouffent des haricots verts et qu'elles sont super heureuses. »

Les hashtags (#)

Le hashtag #Fearfood qui prône la consommation d’un aliment qui fait peur, interdit est cité par les participantes. La Fear-Food peut être cité explicitement, si un compte désigne un aliment comme un Fear-Food, les comptes suiveurs sont invités à dépasser ce « challenge » et à ingérer l’aliment cité comme s’il s’agissait d’un défi : « Manger un Fear Food c'est dire

qu'elles vont manger un cookie par exemple. Si telle fille a fait ce Fear Food là, alors si c’est une fille qui influence, il faut aller… elles vont toutes aller manger ce cookie.» « Il y en a une qui tous les jeudis a dit qu'elle mangeait ce cookie donc c'était vraiment la Fear Food absolue. Toutes les filles derrière c'était : allez chercher ce cookie-là. Elles mettaient toutes la photo sur Instagram. »

(42)

40

Les aliments associés au Fear Food sont étiquetés comme dangereux et impactent l’alimentation de certaines participantes lorsqu’elles y sont confrontées : « ça diabolise des

aliments qu'on est censé pouvoir manger, du coup nous ça nous renforce les schémas cognitifs de : on peut pas manger ça, c’est mal. ».

Les Cheat Days sont un concept qui est associé aux comptes de fitness. Selon les participantes, il s’agit d’un jour de la semaine où toute restriction alimentaire est levée et où les Instagrameuses vont partager les aliments interdits qu’elles mangent ce jour-là.

Un autre hashtag cité est le #WCW pour « Women Crush Wednesday », il correspond selon les participantes à un mercredi où les hommes (de leur âge) postent des photos de femmes les attirant, selon une participante il s’agit souvent de mannequins. Certaines des participantes disent souhaiter avoir le même corps que les photos exposées par ces hommes. Ces corps seraient ceux de femmes au physique très maigre, certaines participantes se comparent à ces femmes : « le mercredi les garçons pouvaient mettre un hashtag, #WCW [...]

les filles ce sont des actrices ou des tops models », « si par exemple il y a un garçon que j'aime et qui mets ce #WCW je me dis ah du coup pour lui plaire va falloir que je ressemble à ça. ».

D’autres défis sont présents et axés sur les caractéristiques physiques tels que le #tighgap. Celui-ci consiste à laisser entrevoir un espace entre le haut des cuisses, cet espace serait synonyme de beauté et d’idéal. Il s’agit d’un hashtag qui semble assez populaire, la majorité des participantes le connaissant et l’ayant déjà essayé : « Je me suis servis d'un

miroir pour voir si je l'avais. »

Avoir un Tigh gap est assimilé à un accomplissement et constitue un point de repère pour certaines participantes : « j'avais essayé le trou entre les jambes, j'avais réussi », « j'ai

du mal à me dire que ce trou il va se réduire au fur et à mesure. ».

Un autre défi cité consiste à poser une feuille de papier A4 sur son abdomen. Pour être réussi celle-ci doit couvrir l’intégralité de l’abdomen par sa largeur : « j'ai fait aussi la feuille de

papier où ça devait pas dépasser et bien évidemment ça dépassait pas. ». D’autres idéaux de

(43)

41

Les défis ou critères physiques sont associés à un idéal, il est inconcevable pour les participantes de ne pas les avoir. L’échec d’un des défis peut être mal vécu par les participantes avec des conséquences importantes sur l’estime d’elles-mêmes :

« Pour moi tout le monde avait ça. Tout le monde avait ce trou entre les jambes »

« Pour moi c'était pas tout le monde l'avait, c'était pour être bien il faut l'avoir. Ceux qui ne l'avaient pas : ils étaient pas bien. »

« Pendant très longtemps j'avais le trou entre les cuisses et du jour où il s'est refermé [...] c’était fini, je ne correspondais plus à l'idéal de la société. C'était vraiment un drame pour moi, j'en ai pleuré, j'en ai pleuré pendant des jours. »

« Ces filles que je suivais que j'aimais bien et que je trouvais belles […] elles faisaient des challenges qui étaient que seulement entre guillemets "les filles malades arrivaient à faire" et moi ça m'a fait beaucoup de mal. »

Beaucoup de comptes suivis par les participantes ne prônent pas directement l’anorexie ou la boulimie en revanche les messages de restrictions alimentaires et d’exercices physiques intensifs y sont importants.

Certaines participantes décrivent une valorisation des photos de maigreur sur Instagram avec une interaction avec le public proportionnelle à la perte de poids et à la maigreur visible sur les photos : « Quand je suis tombée très bas et que j'avais un poids plus

faible, j'avais des tonnes de personnes qui aimaient mes photos alors que en fait maintenant si je continue à poster avec mes plus douze kilos ça leur ne plairait pas. ».

D’autres comptes orientés vers la guérison sont suivis par les patientes, ils sont identifiés par le terme Recovery : « tous les comptes c'est leur prénom et puis recovery

derrière. ». Le contenu en lien avec cet hashtag prône la guérison, les contenus alimentaires

y sont partagés « leur guérison c'est de mettre toujours ce qu'elles mangent. »

Certains contenus associés à la guérison comportent des témoignages de fitgirls sur YouTube. Plusieurs d’entre elles disent à leur audience être sortie de la maladie en faisant du sport ou de la musculation : «il y avait les chaînes YouTube de guérison où des filles sont

maintenant des fitgirls.». Ces jeunes filles dans le fitness seraient toujours aussi très

restrictives quant à leur alimentation, soulevant la question d’une réelle guérison ou de la poursuite des troubles sous une forme différente.

Figure

Tableau récapitulatif
Fig. 2 Sites généralistes
Fig. 4 Partage de l’activité internet avec les tiers

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