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L'éducation nouvelle chez J.G. Fichte.

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(1)

L'Education Nouvelle chez J. G. Fichte

Th~se soumise par Raymond Lapierre pour le. diplôme de Mattrise.~s Arts

D~partement de philosophie

Universit~ McGi11 Le 29 mars 1972

L'objet de ce présent travail est d'examiner la philo- . sophie de l'~ducation chez J. G. Fichte. Il est int~ressant de voir comment Fichte, influencé principalement par Rousseau et par Kant, essaie de réconcilier certains éléments opposés de ces deux philoso-phies. Les bases de la philosophie fichtéenne se trouvent dans la Théorie de la Science, plus pr~cisément dans cet hiatus établi entre l'identité abstraite du Moi et du Non-Moi achevée dans la pens~e, et la réalisation concrête de cette même identité. L'éducation doit jus-tement aider dans le concret

a

la réalisation de cette identité. Un examen des méthodes et du contenu de ce projet d'éducation, ainsi qu'une

~tude de ceux à qui Fichte confie la mission de l'Education Nouvelle nous amênerait

a

conclure que ce projet d'Education Nouvelle est un

id~al dangereux, qui n'est pas viable dans la communauté socialè?èt

(2)

L'EDUCATION NOUVELLE CHEZ J. G. FICHTE

Thêse écrite par

Raymond Lapierre

Présentée

a

la Faculty of Graduate Studies and Research for the degree of Master of Arts Department of Philosophy, McGill University

Le 29 mars 1972

(3)

'TABLE DES MATIERES

Page

'PREFACE 4

ABBREVIATIONS ET REMARQUES 5

INTRODUCTION 7

CHAPITRE 1 - L'ORIGINE DE L'EDUCATION NOUVELLE: LA THEORIE DE LA SCIENCE

1. L'Unit~ de l'exp~rience: • une quête de l'Absolu.

II. La Libert~: une abstraction, un Id~al.

- Le Moi

III. La N~cessit~: l 'exp~rience.

30 30 36 39 42 a) Le' Non-Moi 42 b) Le Chose-en-soi 45

c) Les Rep'r~sentati ons 49

IV. Le Loi Morale. 53

- L'Effort, fondement du Devoir 55 V. L'Education: instrument pratique de

l'effo~t et du progrès de la Râison 60 CHAPITRE II - CE QU'EST L'EDUCATION NOUVELLE 66

1. L'Homme Nouveau. 67

(4)

III. La Connaissance religieuse. IV. La Connaissance spirituelle.

V. Connaissances Manuelles .et Physiiques. Pestalozzi. VI. L'Amour des hommes entre eux. VII. L'Internat.

CHAPITRE III - A QUI EST CONFIEE LA MISSION DE L'EDUCATION NOUVELLE 1. Les Savants. II. L'Etat. CONCLUSIONS BI BLIOGRAPHI E Page 78 80 84 87 90 92 94 101. 112 124

(5)

PREFACE

Nous aimerions remercier M. le professeur G. DiGiovanni qui a accept~ de nous diriger, de ses conseils les plus pr~cieux, tout au cours de ce travail. Son assistance tant intellectuelle que techniqùe fut pour nous une source continuelle .d'idées nouvel-les lors de nos nombreuses discussions. Nous tenons aussi à remer-cier les membres du Département de phi~osophie, avec lesquels nous avons eu l'occasion de travailler pendant ces trois années d'études philosophiques.

(6)

ABBREVIATIONS ET REMARQUES

ABBREVIATIONS:

a) Ethics: The Science of Ethics'as based on the Science 'of KnoWl edge.

b) Scholar: On the Nature of the Scholar and its Manifes-tations.

c) Rights: The Sc~ence of Rights.

d) W. L.: Wissenschaftslehre: Th~orie de la Science.

REMARQUES:

a} Les chiffres dans le texte de notre travail, ex: (1,91), sont ceux de Sammtliche Werke, herausgegeben Von J. G. Fichte. Berlin, 1845-46, Bd. 1 ... que l'on peut retrou-ver dans: Fichte, J. G~ Oeuvres Choisies de Philosphie Premiêre (1794~1797), trad. A. Philonenko, Paris: Vrin, 1964.

b) Toutes les citations empruntées aux Discours

a

la Nation Allemande ont été prises dans: Fichte, J. G. Discours

a

la Nation Al1eménde, trad. S. Jankelevitch, introd. Max Rouché., Pari s: Aubi er-Montai gne, 1952.

(7)

"La vie de Fichte, c1est l 1 apprentissage de la libert~.

Mais la philosophie de Fichte nous enseigne que la liberté ne s'im-pose pas du dehors et' qu'elle surgit des profondeurs les plus inti-mes de l'âme. Elle ne s'~pprend pas d'ailleurs dans les livres, une réflexion la provoque, née de la rencontre d'un Réel humain, c1est la révélation de la moralité vécue. Point de liberté sans une sollicitation, sans une initiation. L'exp~rience de la liber-té en nous suppose un appel de la libert~ hors de nous; l'~l~vation

de l'individu

a

la dignité de l'esprit exige l'exemple de l'esprit, la pr~sence de quelque 'g~nie moral 1. Cette él~vation fait de l 1 homme un homme, elle est, suivant la propre expression ,de Fichte,

l'~ducation même."

(8)

INTRODUCTION

Il nous serait difficile d'introduire J. G. Fichte dans· ce

..

' travail, sans d'abord mentionner briêvement les influences diff~rentes

qu'exercêfent J. J. Rousseau et Emmanuel Kant sür sa pens~e philoso-phique. Les id~es rousseauistes sur la nature, l'int~riorit~, la

vo-10nt~, la 1ibert~, la .communaut~, le contrat social et l'~ducation

sont reprises par ~ant, interpr~t~es et int~gr~es diff~remment

a

son systême. Aprês sa lecture de Kant, Fichte va simplement reprendre les id~es de Rousseau et les r~interpr~ter en termes kantiens.

C'est la critique qu'il fai't sur la culture en regard des moeurs, concours 1anc~ par l'Acad~mie de Dijon en 1749, qui va d~ter­

miner Rousseau

a

s'insurger contre les progrês de la civilisation. En effet les arts et les sciences n'ont fait par leurs développements qu'accentuer la corruption de nos moeurs. C'est pourquoi':i1 nous faut retourner

a

la nature (en nous-mêmes), vers nos origines, vers un certain primitivisme pour retrouver les sources premiêres de notre enfance qui, elles, n'~taient pas corrompues. Le progrês pour Rousseau se situe donc

a

1 'int~rieur d'une recherche du moi, qui, pour progresser, se doit d'aller aux sources i.e. en lui-même, re-tourner

a

cette innocence premiêre pour finalement, se perdre en Dieu. Ce sont les progrês de la civilisation, ext~rieurs

a

toute

d~marche intérieure, qui sont la source du mal che~ les hommes. Il est donc essentiel de r~-éduquer l'homme et de lui faire parcourir cette démarche du sentiment int~rieur si on veut le sauver.

(9)

Seul le sentiment intérieur peut amener 1 1 homme

a

11amour de la vérité, celle de Dieu; un hQmme capable de rentrer en lui-même, sera intouchable par les progrês de la civilisation. Le sentiment intérieur est ce travail de 1 1 homme qui doit retrouver sa source en Dieu et cela dans la nature même, car elle (la nature) est la volonté de Dieu~ elle est sa création. Parce que 1 1 homme est 1 1 oeuvre d'un Dieu bon et qu ' i1 nlest plus ce que Dieu 1 la fait,

a

cause de la cor-ruption des sciences et des arts, il doit se retrouver et il ne le peut que dans le sentiment intérieur, loin des passions: "0 Vertu .. ne suffit-il pas pour apprendre tes lois de rentrer,~en soi-même, et d'écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions?"1

Pour Rousseau la nature est un guide sage en lequel on peut se réfugier. Elle permet

a

1 1 homme d'exercer librement sa vo-lonté et 11é10igne surtout de ce tissu de fables qulest 11histoire i.e. la corruption par la connaissance, les arts et les sciences. La sagesse, le vrai progrês de 1 1 homme ,pour Rousseau ,ne peut se fai-re"qu'éloigné des progres de la civilisation: " ... l 1 homme est natu-rellement bon ... qulest-ce donc qui peut 11avoir dépravé

a

ce point, sinon les changements survenus dans sa consti~ution, les progrês qu'il a faits et les connaissances qu ' i1 a acquises?" 2 Rousseau

1 J. J. Rousseau, "Discours sur les Sciences et les Arts", Du Contrat Social (P4ris: Le monde 10/18, 1963), p. 228.

2 J. J. Rousseau, "De 1 1 Inégalité parmi les Hommes", Notes de J. J. Rousseau, Du Contrat Social (Paris: Le monde en 10/18, 1963), p. 340.

(10)

ne rejette pas la raison, la connaissance parce qu'elle est voulue par Dieu, mais le problême est que la raison corrompt facilement. L'homme doit donc participer

a

la connaissance de l 'Idée Divine avant de con-naître les progrês de la civilisation i.e. les sciences et les arts.' Sans cela la connaissance nlest qulune source de corruption, qui une projection de l lamour-propre de l'homme.

Dans ce but, il est d'une importance capitale de ré-éduquer l 1 homme. L'Emile, une oeuvre dans laquelle Rousseau présente sa

théo-rie de l'éducation et qu'ilconsidêre être son meilleur ouvrage ,laissé

a

l'humanité, 3 nous montre comment, par l'éducation, l 1 homme se doit de retourner aux soùrces, dirigé par son tuteur. Dans cette oeuvre, le tuteur applique

a

l'élêve les principes rousseauistes nécessaires

a

la démarche du sentiment intérieur et essentiels pour celui qui veut retour-ner

a

cette bonté originelle qu'il n'aurait jamais dû perdre et que Dieu pourtant lui avait donnée.

Mais si l 1 homme doit sloccuper de son moi intérieur, il doit

se compléter avec l'aide des autres moi, ,avec autrui. En effet écrit Rousseau: "Notre plus douce existence est relative et collective, et notre vrai moi nlest pas tout entier en nous. Enfin telle est la consti-tution de l 1 homme en cette vi'e qulon nly ,parvient jamais

a

bien jouir

3 Voir J. J. Rousseau, "Dialogue troisiême", Oeuvres Complêtes de Jean-Jacques Rousseau, ed. Bernard Gagnebin et Marcel Raymond (Paris: Gallimard, 1959), l, p. 934.

(11)

de soi sans le concours dl autrui> 4 Le Il'ioide Rousseau est cOlTIne le sera le Moi de Fichte. Il est un moi social 00 l 1 homme nlest homme que parmi les hommes. Il y a do~c n~cessit~" pO,ur que chacun conserve

sa libert~ et celle des autres, d'avoir 'un contrat social qui doit être

le voeu de la volont~ g~n~rale et non celui de l'int~rêt priv~. Ce pacte social est un acte volontaire de tous les membres d'une même

com-munaut~. Ce qui fera ~crire

a

Kelly que "l 1 homme id~al de Rousseau est en fait un homme et pour lui-même et pour les autres." 5

Le contrat social est un consentement volontaire, il,est une soumission librement consentie par l 'homme~le citoyen qui d~cide de vi vre dans telle ou telle soci~t~, car: "La volont~ constante de t,ous les membres de l'Etat est la volont~ g~n~rale: ,clest par elle qu'ils sont ci toyens et libres. Il 6 Le nioi de Rousseau doi t soumettre sa

vo-lont~ particuliêre au profit de la volont~ g~n~rale, par la. seulement' il travaille au Bien de la Communaut~. Cette volont~ g~n~rale sera

4 J. J. Rousseau, "Deux; ême Di al ogue", Oeuvres Corn lêtes de Jean-Jac ues Rousseau, ed. Bernard Gagnebin et Marcel Raymond Paris: Gallimard, 1959 ,l, p. 813.

5 G. A. Kelly, Idealism Politicsand Histor : Sources of He elian Thought, (London; Cambridge Univ. Press, 1969 , p. 48.

(Note: Nous vous r~f~rerons plusieurs fois

a

cet ouvrage de

a.

A. Kelly dans notre travail. Aussi pour ne pas briser la rythme de lecture, nous avons traduit en français les passages emprunt~s

a

cet ouvrage.)

6 J. J. Rousseau, Du Contrat Social, (Paris: Le monde en 10/18, 1963), p. 153.

(12)

diff~rente chez Kant. En effet, ce sont des lois universelles, qui vont d~terminer la libert~ de la volont~, la volont~ commune des hommes. Chez Fichte, cette volont~ g~n~rale se traduira aussi,

dif-f~remment: elle sera le voeu g~n~ral command~ par un Devoir général inatteignable bien sOr parce qu'il est un Idéal. La Raison absolue chez Fichte vers laquelle le Moi formel se dirige, dans un effort ja-mais achevé, ne peut être atteinte sur la terre, elle peut seulement par 1 1 abstraction être entrevue mais jamais r~alisée.

Rousseau se crée donc une philosophie tout en se créant parmi ses contemporains des ennemis. Intellectuels et politiciens ne lui pardonnent pas de les avoir d~rangés dans leur conscience et d'avoir attaqué surtout ce qu'il y a de plus extérieur au sentiment

int~rieur; le monde, le pouvoir établi, l 1 intérêt privé, les passions,

l'égoisme individuel. Son opposition contre l 'intolérance et le dog-matisme de l'Eglise, contre la métaphysique et l 'autorit~ eccl~sias­

tique et contre les progrês de la civilisation 'lui occasionnent de farouches oppositions parmi les intellectuels tels Grimm, Diderot, Voltaire, d'Alembert, etc. On ne lui paraonne pas d'affirmer la

bon-t~ originelle de l 1 homme 'corrompue par la sociét~ des hommes et par, 11 évol uti on dos arts et des sei ences. On ne peut permettre

a

Rousseau de renverser du revers de la main, la marche irréversible de l'histoi'-re, l'~volution de l 1 homme lui-même, sa civilisation. On retrouve

dans l'oeuvre de Rousseau les idées de dignité, de liberté, de volont~

et de moralité essentielles

a

la reconstruction de l 1 homme nouveau,

(13)

humaine. C1est d'ailleurs cette contradiction qui fera écrire à K~lly que: "Rousseau attaqua les progrês de la civilisation et la mission du savant mais il était cultivé et essaya de promouvoir les intérêts de l'humanité - ses actes s lopposent donc à ses principe"s." 7

Pour Kant, les choses sont différentes. Quoiqu'influencé par Rousseau, Kant, nous pouvons le dire, sloppose dans son systême

a

Rousseau. Kant jouit d'une influence déterminante dans l'orienta-tion philosophique de Fichte et est avec Rousseau, celui qui a marqué le plus le systême fichtéen tout entier.

La nature, pour Kant, ne peut jamais être connue ici-bas par l 1 homme. La seule possibilité pour l 1 homme , c1est d'avoir une idée de la nature, une idée théorique organisée dans un tout organi-que, mécanique oD chaque partie est nécessaire pour la compréhension du tout. Seule cette idée téléologique de la nature peut guider l'hom-me dans sa connaissance théorique et pratique. Elle seule peut aider l 1 homme

a

découvrir certaines causes du mécanisme de la nature sans pourtant l'aider

a

découvrir toutes les causes, même avec l'aide d'une philosophie systématique. Cette idée de la nature aide l 1 homme

a

slor-ganiser lui-même. Cette idée que '1 1 homme a de la nature, n1est pas la Rature elle-même, mais une idée qui a une valeur subjective. En effet, l 1 homme rationnel espêre que son observation des phénom~nes correspond

7 Kelly, Idealism, Politics and History .. .., p. 183 (notre traduc-ti on) .

(14)

bien

a

l 'id~e qu'il se fait de la nature. Pour Kant, l'id~e de la na-ture organis~e de façon m~canique permet de poursuivre les buts de la

libert~. Ainsi l 'id~e de la nature qui est une id~e th~orique doit être accompagnée pour Kant d'un int~rêt moral. C'est seulement avec cet int~rêt moral que nous pouvons comprendre l'organisation mécanique des ph~nomênes, d'oO la n~cessit~ pour Kant d'avoir une raison pratique et une raison th~orique. Ainsi si la Nature en elle-même ne peut être connue par l 'homme rationnel, ce dernier a besoin en plus de l'idée de la nature qu'il a, d'id~es pratiques, de buts moraux essentiels

a

sa connaissance et n~cessaires pour sa liberté. L'id~e de la nature obli-ge l 'homme

a

connaTtre car c'est la seule façon pour l'homme de sortir de son barbarisme et de s'approcher

a

l'infini de la ~ature. Notons qu'il y a ici une idée d'infinit~.

Contrairement à Rousseau qui voit une contradiction inh~rente

entre la nature et la civilisation, entre la civilisation et la morale, la civilisation est pour Kant un trait d'union entre la nature et la mo-rale. En effet, l 'homme dans sa connaissance de la nature a besoin en plus d'une philosophie syst~matique, des progrês de la civilisation,

assur~s par la culture. C'est ainsi que l'homme rationnel chez Kant crée et fait l'histoire. La culture est pour Kant l'instrument de la raison et en même temps, la source de la morale. La culture est ce lien qui unit la raison pratique et la raison th~orique. La culture par son

d~veloppement est cette idée kantienne de l'histoire qui ~merge dans et

a

travers l'homog~n~isation de la nature. La culture est le moyen par

(15)

lequel la raison s:'~duque. Ce qui nous permet de dire que l'id~e

kantienne de l'histoire est l'id~e d'une ~ducation historique de la raison.

Dans ce but d'éducation de la raison, l'homme a besoin de la loi morale, qui, selon Kant, n'est qu'une cr~ation de la raison pratique. La Raison Pratique a priorit~ sur la raison th~orique,

parce qu'elle est command~e par le devoir. En d~pit des apparences qui sont seules choses accessibles a l'homme dans sa connaissance du monde de la nature, la raison pratique peut entraîner la volont~ de l'honme a accomplir son devoi'r. Seule une détennination libre de la raison pratique peut amener 1 'homme en toute liberté a se pencher sur la nature et accomplir par la son devoir~ Seule la raison pratique peut amener l'homme,a comprendre la nature humaine et son histoire. Pour que le monde ait un sens, l'homme rationnel est, chez Kant, la fin, le but ultime. L'homme rationnel qui détennine la loi morale et y obéit, peut seul donner un sens au monde et ne peut le faire que dans

une philosophie systématique. C'est le problème que Kant a traité dans sa ,Critique du Jugement.

L'homme chez Kant fait l'histoire, il la crée par 1 '~volution

de son agir moral et de ses actions humaines. L'homme assure la conti-nuité historique, et voit la n~cessité, dans son agir même, d'un progrès de 1 'histoire. Contrairement a Rousseau, la course de l'histoire pour Kant est irréversible et ne peut s'arrêter. Elle est assurée par la connaissance de l'homme qui connaît et découvre la nature. Cette

(16)

connaissance est au service de la race, de l'humanité toute entière qui est

a

la recherche de la sagesse et de la vraie liberté. L'his-toire ne concerne pas un individu seul, mais bien la race humaine toute entiêre qui progresse, "comme un tout, dans une continuelle, progressive et lente évolution de son pouvoir original." 8 Clest bien parce que l 1 homme s'inscrit dans une continuité historique que

Kant ne veut pas composer lui-même l'histoire, mais qu'il veut seule-ment donner des indications

a

celui que la Nature aura choisi pour composer l'histoire. Il le fait en produisant neuf thèses pouvant créer un projet d'histoire universelle.

Clest parce qu'il y a nécessité de faire évoluer la race hu-maine qu'il est nécessaire

a

l'individu d'utiliser les capacités natu-rèlles que la Nature lui a données, et cela

a

son maximum, car courte est la longévité de la vie humaine. Mais parce que la raison ne vient pas toute seule, cela prend du temps et plusieurs générations d'hommes pour que vienne enfin le règne de la Raison: "La raison ne vient pas instinctivement, elle demande de l 1 effort , de la pratique, une

instruc-tion pour pouvoir progresser intérieurement." 9 Clest ainsi que l'é-ducation élève l 1 homme , la race humaine

a

la sagesse

a

l'idée de la

8 Immanuel Kant, "Idea for a Universal History ... ", On History, trad. Lewis White Beck, Robert E. Anchor, Emil L. Fackenheim, ed. Lewis White Beck (New York: Bobbs-Merrill, 1963), p. 11. (notre traduction).

(17)

raison: IILa science .•. est la porte étroite qui conduit il la doctrine de la sagesse si l'on entend par la, non seulement ce que l'6n doit faire, mais ce qui doit servir de rêgle aux maîtres pour bien prépa-rer et faire connaître le chemin de la sagesse ..• 11 10

Qu'il y ait distinction entre la raison théorique (la scien-ce) et la raison pratique (l'activité morale) il s'agit toujours de l

a

raison, dans laquelle le IIsujetll

conn ai ssant et le IIsujetll

moral est il la recherche de la vérité. Kant met ses espoirs dans une philo-sophie systématique qui au lieu de remonter il ses origines se donne des buts qui, venant de la raison deviennent une nécessité morale tra-vaillant pour le futur, pour l'histoire universelle.

Il est incontestable que Kant a été influencé par les idées de liberté, de j usti ce, de contrat soci al, de di gnité, d' égali té et d'autonomie que l'on retrouve chez Rousseau. 11 Tout comme Rousseau, Kant veut découvrir un état plus originel et plus profond, mais cela ne peut se faire que dans la raison pure et non par le sentiment. Alquié écrit de Kant que Il • • • dans l'appel que fait Rousseau il

l'in-stinct divin, il aperçoit l'appel il la raison pure, faculté il la fois

11 Voir Emmanuel Kant, IIIntroduction de Ferdinand Alquiéll

,

Cri-tique de la Raison praCri-tique, trad. de François Picavet (Paris: P.U.F., 1943), p. VII.

(18)

et la Mor'alité, l 1 homme se doit d'exercer sa volonté et se do'it

d'être un homme de devoir, s'il veut agir dans le cours de l'histoi-re, établir les bases et les r~gles d'un contrat social capable de fonder une société civile universelle, une constitution clvlque uni-versëll e comme il les ug~re dans l es ci nq derni ~l"es thêses. 13

Se tourner vers le passé comme le fait Rousseau nlest pas la solution ni pour Kant ni pour Fichte. Il est impossible dë s'éloi-gner des progrês de la civilisation, même si, comme le dit Rousseau, les développements de la science ont amené la corruption dans les moeurs de l'homme. Ainsi en se servant des institutions déjà établies, il faut arrêter de faire les guerres, éduquer 11humanité 14 et se sortir

avec courage et volonté de la tutelle dans laquelle 1 'homme siest en-fermé. 15

Seule la volonté, le devoir, la foi et la raison pratique

12 Voir Emmanuel Kant, IIInt'roduction de Ferdinand A1quiéll

,

Cri-tique de la Raison praCri-tique, trad. de François Picavet (Paris:

P~U.F~, 1943), p. VIII.

13 Voir Kant, Idea for a Universa1 History •.. ; pp. 16-27. 14 Voir Ibid., Se thêse, p. 23~'

(19)

peuvent redresser les torts d~jà faits à 1 'humanit~ car l'homme se doit d'être un homme en progrês constant en quête du souverain Bien. C'est pourquoi ~crit Kant: " ..• nous devons chercher à r~a1iser (be;.. fërden) le souverain bien ... Il 16

La philosophie de Fichte est une philosophie essentiellement de l'action, une philosophie id~a1iste qui demande à la nature spiri-tuelle du Moi d'agir sur la nature matérielle et sensible. Il lui faut agir sur le monde et sur la nature car c'est cette derniêre qu'il faut contrôler. 17 Il ne s'agit plus comme chez Kant de se laisser 9éter-miner par la nature mais d'agir activement sur la nature. Le monde sensible peut mener 1 ,'homme à se détruire lui-même, à détruire

l'huma-nit~. C'est donc à la Conscience profond~ment humaine que l'id~a1isme ficht~en s'adresse. Cet appel est exigeant car il convie l'homme au

d~passement, fruit de la volonté et du libre exercice de sa liberté. Fichte ici utilise 1 'id~e kantienne de l'effort, command~ par la raison pratique, par un but moral. En effet pour Fichte: "1'individu 'ne se trouve', ne se réalise, n'est en route vers la plénitude de son identit~

que lorsqu' i 1 consent à 'se perdre' dans ce qui, à 1 a foi s,le consti tue',

16 Kant, Critique de la Raison pratique, p. 134.

1,7 Il nous semble important de noter ici comment la foi chez, Kant est une foi historique en la nature même, qui se révê1e en conformit~

avec la raison, avec la vo1ont~. Alors que chez Fichte, la foi est un acte volontaire qui demande à la nature de se conformer aux demandes de la vo1ont~ même, aux demandes de la ràison.

(20)

le d~passe et l'accomplit". 18

Alors que Rousseau veut retourner à l'innocence originelle, à cette puret~ primitive pour se perdre dans la nature i.e. en Dieu, Fichte lui veut repenser l'acte originel, l'acte ·pr~-conscient et par là-même agir sur la nature. Fichte veut repenser la nature et l'acte même de la cr~ation divine, et par là rejoindre Dieu. Il ne s'agit pas pour Fichte de se perdre instinctivement dans la nature comme le fait Rousseau ni d'être dirigé passivement par le m~canisme naturel comme chez Kant. "La nature, pour Fichte, est simplement la condition, bien qu'une condition n~cessaire à l'expression de la vo10nt~ morale." 19 Ainsi pour Fichte, la seule r~a1it~ est celle de l'activit~ morale de l'homme qui est elle, expression de l'activit~ infinie. Mais seule une conscience morale est capable pour Fichte d'agir sur la nature car l'homme tout en ~tant intelligence, est aussi conscience morale.

Seule la conscience est capable chez Fichte de r~unir l'homme, produit de la nature, à l'Esprit, là 00 r~side la 1ibert~, la vraie, celle de Dieu. L'homme pour Fichte est activit~ dans la nature, il ne la subit pas passivement, non, il est libre: "Je n'ai pas faim parce que la nourriture existe pour moi, mais un quelconque objet devient nour-. ri ture pour moi parce que j'ai fai mnour-." 20 Avec l'ai de de la loi mora

i

e,

18 J. J. Rousseau, "Pr~sentation par Henri Guillemin", Du Contrat Social, p. 21

19 Frederick Cop1eston, S.J., "Modern Philosophy: Part 1, Fichte to Hegel", A History of Phi10sophy (New York: Image Books, 1963), VII, .p. 92. {notre. traduction} .

(21)

l 1 homme est libre car il se d~termine libre en se d~terminant lui-même

nature. Par le saut de la loi morale, l 'homme sujet, s'objective dans une abstraction vers la r~alisation de son indépendance. La conscience est pour Fichte le juge suprême dans la vie morale pratique de l'homme. La conscience est le guide de la conduite morale, elle ëst la nature même, elle est ce qui permet au moi-sujet-objet de se diriger vers son but ultime: le Sujet Absolu. Pour Fichte, Kant.s'est mis dans une posi-tion impossible

a

soutenir en soumettant notre connaissance de la nature au concept de la causalité. 21 Ainsi pour Fichte, il faut transformer la philosophie kantienne en éliminant la chose-en-soi et permettre

a

la raison de se déterminer elle-même. Or dans ce but, Fichte va utiliser la doctrine de la raison pratique de Kant et l 'appliquer

a

son systême tout entier, oD le Sujet absolu deviendra pour la Raison pratique, le modêle pour le Moi et son activité morale. Clest autour de la Raison pratique que Fichte va construire tout son systême, dans lequel le Moi absolu deviendra un but

a

atteindre, un effort jamais terminé, une course infinie oa la consciencê"'individuelle va s'efforcer de conquérir sa propre liberté.

L'homme est confié

a

lui-même et doit lui-même atteindre la liberté absolue mais: "L'homme, sans doute, est confié

a

lui-même, et en ce sens três précis, il est responsable de soi, mais justement parce

21 Voir Frederick Copleston, S.J., "Modern Phi16sophy: Part l, Fichte to Hegel", A History of Philosophy (New York: Image Books, 1963), VII, p. 17, aussi p. 23.

(22)

qu'il est confi~

a

soi, il demeure liens creatum" et n'atteint pas la

libert~ absolue." 22 C'est une lutte perdue d'avance 00 tout r~si­

de dans l'effort; mais peut importe, l 'homme conserve sa libert~, sur laquelle il n'y a aucune limitation. C'est ainsi que l'homme fait l'histoire et sans cet effort continuel, il n'y aurait pas d'homme, il n'y aurait pas de Dieu ni de cr~ation, il n'y aurait pas d'effort de la cr~ature pour atteindre la libert~ absolue. Et, continue Philonenko, "11 (Fichte) développe alors une vision dialectique de l'histoire. En cette vision dialectique, aucune autre nécessité n'est compréhensible que celle de la liberté, qui relie dans l'ordre moral du monde, dans la construction du 'divin' même les libres consciences ... "Le mouvement de la libert~ est pour Fichte un progrês incessant - mais aussi tou-jours contingent, en ce sens que rien ne peut d~terminer absolument un acte libre et que la liberté est nécessité parce qu'elle ne possêde pas un fondement, mai s est au contrai re fondement ori gi nai re, ... Il 23

C'est parce que l'homme est libre qu'il crée et fait l'histoire et que l'histoire est une dialiectique 00 le Moi formel essaie d'atteindre le Moi pur par l'abstraction et entrevoit l'Idée Divine pour aider ensuite

a

sa réalisation. L'Id~alisme transcendantal c'est l'histoire de l 'hom-me en tension continuelle entre son Moi fini et Dieu le Moi infini, c'est cette tension entre la conscience de l 'homme et ses efforts

conti-22 A. Philonenk6, Théorie et Praxis dans la pensée morale et poli-tique de Kant et de Fiéhte en 1793 (Paris: Vrin, 1968), p. 98.

(23)

nuels pour penser l 1 acte pr~-conscient, l 1 acte original. Pour Fichte, le Moi doi t agi r, lise poser Il , se situer et l

a

seul ement r~s i de son

activit~. "Pour Fichte •.. le philosophe est engag~ consciemment

a

re-construire ... un processus actif, soit le fondement de la conscience." 24 Il est int~ressant de voir les attitudes diff~rentes de Kant et de Fichte

a

l'~gard de la culture. Tous deux sont convaincus que la culture mêne

a

la libert~, mais Kant s'intéresse

a

l'observation du processus histo-rique alors que Fichte s'int~resse au processus en le faisant réagir par l 1 homme lui-même. Fichte slempare de la culture comme d'ün instru-ment essentiel au d~veloppement de l 1 homme , permettant de réun~r la théo-rie et la pratique, d'agir sur la nature et de faire l'histoire.

C1est pourquoi la philosophie doit agir dans l'e5prit du temps. La th~orie doit pouvoir se réaliser dans la pratique. L'esprit de la Doctrine de la Science est conçu dans le sens de l'esprit de la Révolu-tion française de 1789; elle (la W. L.) se veut révolutionnaire dans l'esprit du temps et la reg~n~rescence de 1 'A11emagne pour finalement s'étendre

a

1 'humanit~ toute entiêre. Car c1est aux Allemands qu1est échue la mission de sauver 1lhumanité. Les Français ont failli

a

la tâche. Ainsi Rouché écrit: " ... les massacres de septembre 1792, 1lexé-cution du roi, la Terreur convertirent instantanément la sympathie des Allemands pour la France révolutionnaire en mépris et en haine ... ils avaient déshonoré la grande cause de la Révo1ution." 25

L'Idéa-24 F. Copleston, A History of Philosophy, Vol. VII, p. 68. 25 J. G. Fichte, "Introduction de Max Rouché", Discours

a

la

(24)

lisme de Fichte construit donc l 'histoire en même temps que l'esprit. Considéré comme Jacobin, tout comme Rousseau et Kant d'ailleurs, il . veut faire de sa philosophie, de son systême une vérité salvatrice, capable de sortir l'humanité de son enfance, de l'opinion et des pas-sions. C'est pourquoi il propose a la nation allemande un socialisme d'état, une réforme complête de la société . . Influencé par le message de liberté de Rousseau, il utilise les principes rousseauistes de la Volonté générale et du Contrat social. La moralité de Fichte va de-venir une moralité sociale; empruntant la voie sociale de Rousseau, mais qu'il utilise en termes kantiens, elle prend un sens différent.

En èffet, il n'est plus question pour Fichte de passer uniquement un contrat entre desi ndi vi dus et d'obtenir un consentement. La société politique.,dirigée par un Etat, acceptée par tous les membres de la communauté, est le lieu, le cadre dans lequel la loi mora1e peut être appliquée et peut permettre a l'homme de continuer son effort vers la liberté absolue. C'est a partir de la société, de cette pluralité des membres de la communauté~que Fichte va développer sa théorie du Devoir Général, commandé par la ,110i morale. A chacun des membres de la Na-tion est exigé des devoirs particuliers, faisant par la du concept du droit un concept essentiellement social. C'est parce qu'il existe une pluralité d'individus que cette société a besoin de l'Etat qui seul\ est capable de faire respecter la liberté. L'Etat existe pour des mo-tifs d'ordre moral seulement. L'Etat est un moyen mis

a

la disposition

Nation Allemande, trad. par S. Jankelevitch (Paris: Aubier-Montaigne, 1952), p. 27.

(25)

des hommes pour faire respecter les droits et libert~s de chacun. L'Etat

est

d'ailleurs vou~

a

disparattre. En effet, ~crit Copleston,

Il • • • l'Etat est un instrument n~cessaire a la p~servation du systême

des droits, aussi longtemps que l 1 homme n'a pas atteint son plein d~­

veloppement moral ..• 11 26 Ce qui en pratique n'arrivera jamais sur

la terre, parce quelll',honme est un homme fini, imparfait, en marche,

a la recherche de la perfection. L'Etat qui est le voeu généràl de la communauté a ici le pouvoir de faire respecter les droits de tous; elle est,l'expression de la libert~ de la personne humaine jusqu1a ce que son but final soit atteint. En effet: IIL'Etat ne vise qu'a sa propre négation ..• et ne doit vivre que pour mourir. Il 27 ['Etat est

c"e pouvoir librement ~tabli dans un contrat social, qui est la

volon-t~ gén~rale de tous et qui permet l'usage de la force coer.citive afin que soient respect~s l 1 ordre et le devoir de tous les membres de la communauté. Cet Etat est un Etat rationnel commandé par la Raison se-lon le troisiême principe de la Théorie de "la Science: La Morale.

Dans la "edUque "de la Raison Pratique nous voyons l'homme kantien continuellement déchiré entre sa volonté et l'attrait

superfi-26 F. Copleston, A History of Phi10sophy, Vol VII, p. 46 (notre traducti on).

(26)

ciel du monde ext~rieur. L'homme, chez Kant, est moralement respon-sable de l'orientation de sa volont~. Seul son IIV'ouloirll

peut contri-buer

a

l'~volution de la race humaine toute entiêre,

a

l'avênement de la Raison. Mais ces id~es kantiennes de la libert~, du devoir, de la

volont~, de la raison pratique prioritaire sur la raison th~orique,

lesquelles id~es Fichte emprunte à Kant, prennent un sens diff~rent

, '

dans la philosophie ficht~enne. Une diff~rence telle que les deux phi-losophés',ont: Il • • • une conception de l'homme bien différente qui les

guide l'un et l'autre. Plac~s devant un même problême, les deux phi-losophes choisissent des voies opposées." 28 Les' problêmes pratiques de la politique, de la soci~t~ et de l'Etat montrent bien ces diff~­

rences. 29 Alors que Kant fait une distinction entre les citoyens passifs et actifs d'une même communaut~, Fichte accorde la libert~ à l'homme de choisir ou de rejeter son appartenance' à telle ou telle

com-munaut~. L'Etat est pour Kant une fin en soi permettant d'amener l 'hom-me à la Raison. L'Etat kantien est une nécessit~ command~e par la Na-ture et qui ,permet aux ,hommes de vivre selon des lois, des droits et des libertés d~termin~es d'avance. Fichte fait de l'Etat un instru-ment, un moyen destin~ à mourir, faisant de l'homme une fin, jusqu'à ce que soit atteint la 5e ~poque, celle ~~ la Raison Absolue, l'Art. Pour Fichte, il y a possibilit~ alors de vivre en dehors de l'Etat car l'homme aura atteint son plein d~veloppement moral~ Alors que Kant

28 Philonenko, Th~orie et Praxis ..• , p. 158. 29 Voir ibid., pp. 156-159.

(27)

distingue l'~galit~ de droit et l'~galit~ de fait justifiant par làl1a monarchie, donc l'in~galit~ entre les hommes,Fichte au contnaire, ~le­

vant l 1 homme au-dessus de tout ce qui constitue l'existence de l'Etat,

va favoriser id~alement 1 '~galit~.humaine entre les hommes sans distinc-tion. Ainsi slil y a d6mination des classes instruites sur les classes inf~rieures, cette dominatio~ n'est que temporaire parce qu'elle dispa-rattra dans le rêgne de la Raison 00 tous les hommes seront ~gaux.

Alors que Kant, au nom de la monarchie, va justifier la répression contre la révolutiofi~aFichte considêre que la R~volution est essentielle pour sauver l'humanit~; il la confie d'ailleurs au peuple allemand. En effet, la R~volution française de 1789 a trahi le but véritable de la vraie

R~volution: la Liberté. De toute façon pour Fichte, il ne peut y avoir de rébellion sur terre, car la seule r~bellion possible est celle contre

~

Dieu. Pour Kant, l'Etat, de nature, est en. ~tat de guerre oontinuel. C'est pourquoi y a-t-il n~cessité d'avoir un monarque, un maître capable de faire respecter l'ordre. Fichte ne voit pas la corruption dans l'Etat, mais dans l'égoisme individuel. C'est cet égoisme individuel qui trop souvent empêche le Moi formel d'atteindre le Moi Idée. [1 lui faut se dégager de l'égoisme par l'abstraction, l'acte de réflexion. Commandé

par la loi morale, l'homme doit construire le monde et sa vocation est celle d'apprendre et de tendre vers la perfection, d'être en route, de "tendre vers", de devenir, d'atteindre dans toute sa grandeur l'Idée du Moi.

C'est pourquoi l'Etat, pour Fichte, est le voeu général de la communauté, il est son instrument, car en même temps qu'il permet le

29a

(28)

d~veloppement moral des membres de la communauté, il permet aussi leur ~ducation. C'est par l'Etat seul qu'est possible l'~ducation.

L'Etat, dirigé par.le Rof-~h~losophe,

a

la mode kantienne, va per-mettre aux savants-possesseurs de la v~rit~, d'~duquer tous les mem-bres de la communauté. Les savants sont ceux qui possêdent l'amour de l'Idée, ceux qui en possêdent la connaissance et qui ont le de-voir de communiquer cette connaissance aux autres afin que tous se retrouvent dans l'époque finale 00 i 'humanit~ renouvelée n'aura plus besoin de maTtres, 00 professeurs et ~tudiants vont se retnouver dans la Raison. Dans ce but, la nation allemande doit devenir une école

guid~e par des tuteurs, jusqu'à ce qu'~tudiants et tuteurs, éduqués et éducateurs se rejoignent dans le partage commun de la Raison. Nous retrouvons ici l'influence rousseauiste de l'Emile, 00 le tuteur dirige son élêve jusqu'à ce que celui-cf retrouve sa source originelle en Dieu. Mais le systême d'éducation de Fichte, contrairement à Rous-seau, a besoin de la contrainte pour bien fonctionner. Seule la force coercitive, légalisée par l'Etat (voeu g~n~ral de la Communauté), et

utilis~e par les savants qui possêdent déjà la connaissance de l'Idée Divine,peut aider 1 'humanité

a

r~aliser,

a

faire, son histoire. Seule une ~ducation coercitive peut être en mesure de construire la dialecti-que ascendante de 1 'histoire et renouveler 1 'humanité. C'est l'homme nou-veau que Fichte veut bâtir. La fichtianité est une oeuvre prophétique, et Fichte en est son prophête. Elle est la vie et 1 'oeuvr.e toute en-tiêre de Fichte. Apôtre de la liberté, Fichte " ... écrivit et parla 'plus passionnément de la mission divine de l'~ducation et de l'appel

(29)

autre chose, mais parce qu'il n'aima qu'elle Il 30

Nous verrons dans un premier chapitre que l'origine du projet d'Education se trouve dans la Th~orie de laSèiénce. Nous verrons que l'unit~ de l'exp~rience pose un problême de taille pour

'.

le Moi en quête de l'Absolu, de la Libert~. Le Moi qui accepte de se poser, d'agir va le faire par l'abstraction, l'acte de r~flexion.

Malgr~ l'opposition d'un Non-Moi, du piêge de la èhose-en-soi et des rep~sentations, la loi morale va permettre au Moi d'accomplir de saut dans la libert~. La loi morale sera ce qui permet de fonder l'activit~ du Moi, de l 'aider dans son effort. La solution pratique

a

la probl~matique de l 'unit~ de l 'exp~rience, Fichte la trouve, dans

l'~ducation, instrument de l 1 effort de l 1 homme et du progrês de la

Raison.

Un deuxiême chapitre va nous montrer ce qulest le projet ~'Education Nouvelle. L'~ducation pour Fichte est une initiation,une i nci tati on, un apprenti ssage qui a pour tâche de former 11 homme nouveau. '. L'~ducation a pour mission d'~duquer la volont~ de l '~lêve, de lui

donner des connaissances religieuses, spirituelles, manuelles et physi-ques et surtout de d~velopper chez lui l'amour des hommes entre eux. S'inspirant du systême d'~ducation de Pestalozzi, Fichte sien ~loigne

en favorisant l'internat, milieu par excellence du savoir.

30 Kel1y~ Idealism, Politics and History traducti on).

(30)

Un troisiême chapitre sera consacré aux "maî'tres" du p}'ojet de l'Education Nouvelle; les classes instruites: les savants. Nous verrons que ces derniers sont des "envoyés" qui ont pour mission de communiquer aux autres l'Idée Divine. Dans ce but les savants doivent se donner un instrument

a

la hauteur de leur mission: ~'Etat. Ce pro-jet demande la parti:cipation et la collaboration de tout le peuple all emand parce que c'est au Moi 1 ui -même qu' ils' adresse.

(31)

CHAPITRE 1 - L'ORIGINE DE L'EDUCATION NOUVELLE: LA THEORIE DE LA SCIENCE

1. L'Unité de 1lexpérience: une quête de 1lAbso1u.

Il est habituellement accepté de voir chez Fichte une évolu-tion dans son systême du monde. Trois périodes importantes sont dis-tinguées, et correspondent aux différentes époques de la vie du philo-sophe. 1 Malgré les différentes expositions de la Théorie de la Scien-ce, il y a une unité dans le systême de la connaissance chez Fichte. Cette unité se situe au niveau d'une recherche volontaire de 1l

abso1u. L'unité de la problématique fichtéenne se situe au-de1a d'une analyse

1 Voir Didier Julia, Fichte: Sa Vie, son Oeuvre (Paris: P.U.F. 1964), p. 13.

a) philosophie du Moi (1794-1799) appelée Idéalisme absolu; b) philosophie de 1 1 Etre (1800-1802) appelée Réalisme absolu;

c) philosophie de 11Absolu (1804-1814), synthêse des deux premiers

moments.

Pour comprendre le rôle de 1 'Education dans la philosophie de Fichte, il nous faüt d'abord passer brièvement par la Théorie de la Science qui est le centre de la philosophie fichtéenne, de laquelle tout dé-coule.

Il serait trop long dans le présent travail de discuter les différents exposés de la Théorie de la Science: ce nlest ni notre intention, ni le but de ce travail. De toute façon, il est bien connu que si Fichte a repris de nombreuses fois l'exposition de la Doctrine, clest qu'il avait conscience de ne pas être compris. Ses adversaires le forceront souvent

a

utiliser leur langage et il le fera dans le but d'expliciter davantage sa doctrine, de clarifier et d'enlever toute confusion et toute erreur pouvant se glisser par la méprise de ses adversaires. Accusé d'athéisme, il se défendra en expliquant que son systême ne con-tredit pas la religion. Répudié par les romantiques, il utjlisera leur langage pour leur montrer qu'il a dans son systême le sentiment de la nature et le sens de l'Infini etc ...

Pour toutes ces considérations la problématique de la sujet-objectivité dans ce travail, est basée sur les textes de philosophie premiêre qui s'échelonnent de 1794

a

1799.

(32)

de l'homme, de la conscience perceptive, de la volonté et de l'effort. Cette unité que recherche Fichte est une unité dans l'absolu i.e. une unité de la liberté et de la nécessité, du sujet et de l'objet, dU·:fini et de l'infini, de l'homme avec Dieu, du Créateur et de sa création. Ainsi le problême de la connaissance chez Fichte est celui de l'unité

de deux tendances différentes qu'il s'agit de réunir dans un effort ..

continuel mais jamais réussi. Jamais Fichte ne se reniera et tout au

cour~ de sa vie, il cherchera dans un continuel effort

a

concilier par la sujet-objectivité, i.e. par la réflexion du Moi sur lui-même, ces deux tendances toujours différentes: la liberté et la nécessité. C'est ce qui fait dire

a x.

Léon "qu 'il y a vraiment quelque chose de drama-tique, on pourrait dire d'héroique, dans cette lutte de la pensée contre elle-même pour arriver

a

concilier deux tendances •.. dans cet effort pour contraindre en quelque sorte l'absolu

a

entrer dans les cadres du relativisme critique." 2

Le problême de la connaissance se situe donc dans cette rela-tion sujet-objet, qu'il s'agit de réunir pour trouver la solurela-tion du sa-voir. Le sujet se doit de prendre connaissance de la réalité extérieure, du monde de l'expérience, pour continuer la création que Dieu lui a con~

fiée; par la seulement, le Moi peut entrev·oir la liberté absolue; le SUjet absolu: Dieu. Mais seule la conscience peut permettre au Moi une analyse réflexive du Moi sur lui-même, du sujet sur l'objet. En effet:

2

(33)

..

"Tou:(::le m~canisme de l a conscience repose sur la vision !11ultiple de cette s~paration et de cette r~union du subjectif et de l 'objectif. Il 3

C'est pourquoi le sujet ne doi t pas rester dans l'attitude uniquement passive de sa perception sur la nature, mais il doit agir, et agir con-tinuellement,

a

tout instant. Ce n'est que dans une cr~ation continue que le sujet peut agir et essayer de tenminer cette cr~ation, cette na-ture, cet Univers cr~e par l'Un, l'Immuable, l'Eternel. Comprenons bien ici que pour Fichte la solution de la connaissance du monde et de la conscience ne se trouve pas dans l'action de l'homme sur la nature. Non, cette solution se trouve dans la philosophie même, dans une con-naissance philosophique capable de comprendre et d'originer l'action, et d'unir par l'abstraction le sujet et l'objet. Cette solution se si-tue au niveau de l'abstraction, d'une intuition intellecsi-tuelle capable de comprendre et d'engendrer toute connaissance et toute action. Il doit exister un savoir de l'action qui malheureusement pour l'homme de-meure son absolu; car ce savoir est un processus jamais achevé, un per-pétuel effort vers l'achêvement de ce savoir inatteignable pour l'homme. Le seul savoir qui est penmis

a

l'homme est le savoir philosophique, celui qui mêne

a

l'action,

a

l'activité pratique de l'homme. L'homme a un savoir, limit~ par les bornes de l'intelligence, qui se situe dans une intuition philosophique de '.'l'agir". La sujet-objectivité de l'hom-me se révêle mais ne peut se réaliser dans le savoir philosophique.

3 J. G. Fichte, The Science of Ethics as based on the Science of Knowled e, trad. par A. E. Kroeger, ~dition de 1798, ed. par W. T. Harris London: 1907), p. l, (notre traduction).

(34)

Le savoir philosophique amêne une r~v~lation a l'homme, non pas une

r~a1isation, car la ~alisation ne peut se trouver qu'en Dieu, que dans l'Absolu. L'unit~ du sujet et de l'objet ne peut se r~aliser que dans l'Abso1~, que dans celui qui a cr~e le monde sensible, et l'homme 1ui-même. Ainsi il

y a

dans le Moi, dans le sujet quelque chose de plus

profond que le. Moi lui-même: il y a l'Idée du Moi. L'Idée du Moi reste inaccessible a la conscience du Moi, elle est ce vers quoi le Moi doit se rapprocher mais· qu'il ne peut atteindre que par le seul savoir philo-sophique. Le Moi doit "tendre vers", se diriger vers l'Id~e du Moi qui est l'Absolu, entrevu seulement par le r·10i, 1imit~ dans son activité pra-tique. C'est pourquoi une partie seulement de l'Idée Divine est inat-teignab1e par le savoir philosophique.

Le Moi se doit de tendre vers l' Idée du Moi, vers le Moi pur, montrant par la la différence entre le Moi comme intuition et l'Idée du Moi, de même :que les limites du Moi lui-même dans sa recherche et son ef-fort. "La philosophie toute entiêre part du Moi comme intuition qui en cons ti tue le c.oncept fondamental; e 11 es' achêve dans l' 1 dée du Moi; cette Idée ne peut être établie que dans la partie pratique, comme but suprême de l'effort de la raison. Le Moi ..• Idée ••• ne peut être pensé de façon déterminée et il ne le sera jamais effectivement, mais nous de-vons jusqu'a l'Infini nous approcher de cette Id~e." 4 C'est pour

4 J. G. Fichte, "Ile Introduction a la Doctrine de la Science (1797), XIe, XIIe Sections"~ 'Oeuvres choisies de Philoso hièPrèliliêre (1794-1797), trad. par A. Philonen 0, Paris: Vrin, 1964 , p. 310 •.

(35)

éviter toute confusion que Fichte fait cette mise au point mais clest ,au'ssi pour montrer la faible puissance de 1 1 homme dans 'sa quête de

l'absolu. L!homme, le sUjet, présuppose continuellement cet absolu sans pouvoir 1 1 atteindre. 'Tout se situe chez Fichte au niveau de

l'ef-fort, ,dans une quête continuelle, de l'énergie et de la volonté du Moi vers l' absol u.

Partant de la conscience, dans une dialectique ascendante, le Moi doit s'élever directement, sans intermédiaire, au savoir de ,l'Absolu. Or il y a justement différents intenmédiaires qui jettent

l'hom~e dans la confusion, dans l'illusion et dans 1 1 erreur. Or, pour découvrir la vérité, il s'agit justement de se débarasser de 1 1 erreur.

"Je n'écris, dit Fichte, que pour ceux qui conservent toujours quelque conscience de la certitude ou de l'incertitude (1, 422), de la clarté ou de la confusion de leur connaissance, pour ceux qui attachent une valeur il la science et il la conviction .•. " 5

Mais l'erreur est l 1 apanage de celui qui s'inscrit dans une recherche de la vérité. Elle est"'-a voie normale de 1 1 homme en recher-che et qui doit il tatons découvrir la vérité. Ainsi écrit Didier Julia: "L'esprit humain nia jamais il créer la véri~é; il lui suffit de se défaire de l'erreur pour que la vérité se révêle il lui dans sa pureté originelle. On exprime la même chose en disant que la réflexion de

5 Fichte, "Iêre Introduction il la Doctrine de la Science de 1797, Avant-p~opos", Oeuvres Choisies de Philosophie Premiêre (1794-1797),

(36)

Fichteést toujours et fondamentalement une abstraction: il suffit de faire abstraction de ce que nous ne sommes pas pour prendre peu à peu conscience de notre r~alit~ origineile.1I 6 C'est ainsi que l'homme

peu à peu, au cours de sa r~flexion sur lui-même constate que Dieu n'est pas un être hors du Moi mais un Sujet conçu dans le Moi même et qui lui permet cette réflexion sur le monde sensible, sur la nature, et qui lui permet de'faire même cette abstraction de toutes les erreurs possibles pour nous faire enfin découvrir la vérité: celle de notre r~a­

lité originelle. Cette r~alit~ originelle est celle qui nous montre que nous sommes des sUjets engagés dans le monde, i.e. qu'il ne suffit pas d'avoir uniquement une attitude passive dans 'notre r~flexion sur le réel mais que nous devons nous engager dans l'action. Par là seule-ment, pouvons-nous voir que la vie et l'action n'ont qu'un fondement:

l'Absolu, ·Dieu. Ce n'est que dans un abandon de soi en Dieu, en la di-vine Providence que l'homme participe à la Vie, à l'Action, à la Cr~a­ tion de Celui qui lui a confi~ d'achever l'unité de la création. Par sa participation consciente à la vie universelle, à la C~ation, l'homme agit à son tour comme le créateur; mais encore là, il ne peut le faire que par le savoir philosoph'ique, que par la Science. L'état de finitude dans lequel l 'homme se trouve l'empêche de rejoindre l'infinit~ de Dieu. Le Moi se doit. donc d'agir dans un effort continuel, s'~tendant à l'In-fini pour pouvoir apercevoir la libert~, la vraie, celle de Dieu. C'est dans l'action, i.e. dans l'unit~ jamais r~alis~e du sujet et de l'objet,

(37)

unit~ qui ne peut être accomplie que par Dieu, que l 1 entrepri se de

l'Id~alisme transcendantal peut r~ussir. Le. but de la philosophie chez Fichte est de faire du Moi, un homme d'action, un créateur, un participant actif capable de transformer le monde et la Communauté et de r~aliser son unité avec Dieu dans un effort jamais terminé, con-tinuellement renouvelé.

L'idée de l 'unité n'est pas chez Fichte une r~alité concrête mais un acte de r~flexion, une abstraction réalisée au niveau de l'in-tuition intellectuelle. Or la solution a l'unité de l'exp~rience se trouve chez Fichte, comme nous·le verrons a la fin de ce chapitre, dans la raison pratique, 00 l'effort est l'instrument de la raison pratique et du Devoir. La tâche de l'éducation sera justement d'entraîner l'~lêve a l'effort.

II. La tibert~: une abstraction, un Idéal.

"Frei seyn ist nichte, frei werden ist der Himmel ... Etre libre ce nlest rien, devenir libre voila la ciel::" 7 C'est la lecture de la Critique de la Raison Pratique de Kant qui réveille l'esprit de Fichte et le· sort de son sommeil dogmatique. En effet, c'est a la suite de .la lecture et de l'étude de Kant, que Fichte va reconnaître

(38)

l'action réelle de la liberté, l'autonomie de la raison, la liberté de l'esprit. AV'ant Kant il y avait opposition entre l'entendement et la religion, entre le coeur et l'esprit. Chez Kant, la co'nscience morale' est cause de la liberté, c'est-à-dire que la Raison Pratique, dans la limite de l '.intel ligence , possède un pouvoir pratique qui trouve sa fin dans le Devoir, dans l'accession de l'esprit humain il la religion, dans l'effort continuel de l'homme pour accéder à la liberté. Kant dit bien dans la Critique de la Raison Pratique, que la libert~ pure n'est pas le lieu de l'esprit humain mais une quête, un Idéal il atteindre sans qu'il ne soit possible de l'atteindre sur la terre. Pour Kant, cette dure quête de l'esprit humain est la vertu qui ne peut être récom-pensée que dans l'autre monde, que dans la Vie Eternelle de Dieu. C'est

il l a suite de la .lec·ture de Kant que Fi chte va reprendre pour lui -même cette idée de l'effort contin4el de l'esprit humain en marche vers l'I-déal de la liberté. Il écrira dans une lettre à Achelis: " ... je suis de plus trê~ ·fermement convaincu que cette vie n'est nullement la terre de la jouissance, mais la terre du travail et de l'effort; que toute joie n'est rien de plus qu'un réconfort pour un nouveau labeur; que ce qui est exigé de nous, ce n'est pas de préparer notre destinée, mais de travailler il notre perfectionnement." 8 Pour Kant, seul Dieu, seul l'Absolu est capable de joindre deux mondes différents, celui de la li-berté et de la nécessité, celui du coeur et de l'esprit, celui de

l'en-8 X. Léon, Fichte et son Temps, T. 1, pp. 107-10l'en-8, citant, Fichtes Leben 1, l, 4 lettres à Achelis.

(39)

tendement et du sentiment, celui de la Raison pure et de la Raison pratique. Mais Fichte n'accepte pas cette dichotomie kantienne de la raison. Il veut une unité, un principe philosophique unifiant, un systême permettant de connaTtre l 'homme dans sa totalité et non pas en partie comme le fait le systême de Kant, qui divise la Raison en deux et soumet l'homme a la loi de la causalité. Fichte va tenter de résoudre le problême de la connaissance par la Théorie de la

Scien-~, en unifiant la Critique de la Raison pure et la Critique de la Raison pràtique de Kant. Car pour Fichte, de toute façon, il ne s'agit pas d'étendre le science mais d'en trouver le fondement en l'homme 1ui-même. Fichte puisera donc son inspiration chez Kant, de qui il emprun-tera même le langage philosophique. Fichte veut connaTtre la source, le fondement de la connaissance et de' l'action de l'homme, il ne veut pl us étendre la sci ence mai's en découvri r son fondement pour arri ver aJaccéder a la liberté, cet Idéal inaccessible a l'esprit humain. Mal-gré cette difficu1t~ d'inaccessibilité, l'oeuvre de Fichte est du dé-'but a la fin un chant a la liberté. Le systême de la Théorie de la

Science veut finalement répondre aux nombreuses critiques des oeuvres de Kant, Jacobi, Reinhold, Maimon et Schu1ze. Les objectifs de Fichte sont nombreux: concilier dans un systême les Critiques de la Raison pure et de la Raison pratique de Kant; compléter la Philosophie élémentaire de Reinhold (1790) et parachever l'Essai sur la philosophie

(40)

Le Moi

Le Moi est le principe premier, de la Théorie de la Science, (l, 91-101). Mais le Moi en tant que principe premier doit être un principe formel autant qulun principe réel. En effet, le Moi de Fichte, qui est le point de départ de la W.L. (Théorie de la Science) est un Moi transcendantal, non pas, un Moi indivirduel, car l'individu pour Fichte nlest qulun accident dans la spéculâtt6nn de' l'Idéalisme transcendantal. 9 Le Moi de Fichte est le fondement de la philoso-phie, de la connaissance; il est l'union entre l'intuition de l'esprit

(la connaissance) et l'action réelle du sujet dans le monde. Le Moi est a la fois sujet idéal et principe réel de l'action. Clest du Moi "principe formel" que part la Doctrine de la Science. En effet, l'acte

par lequel le Moi ,se saisit est un acte de connaissance par lequel le Moi se connalt lui-même et 00 le Moi devient le produit de sa propre action. Le Moi sujet s'objective et devient ainsi celui qui pense et --celui qui est pensé. Le Moi accomplit l 1 acte de connaître et est en

même temps l'objet de cette connaissance effectuant par la l 'unité abso-lue dont la source originaire est le Moi lui-même. Le Moi accomplit une activité originaire, il est une activité, une réalité active et vi-vante qui se connalt elle-même et par elle-même. Le Moi qui se pose, qui se situe origine l 'expérience en l'objectivant pour arriver à la connaltre et se fondre en elle. Le "je suis absolument parce L'que

(41)

je suis" 10 êtab1it un principe inconditionnel 00 le contenu de la connaissance s'identifie avec 11être même du sujet pour former un Moi absolu. Le principe est inconditionnel parce qu ' i1 est nê d'une intui-tion soudaine, d'une rêf1exion involontaire de 1linconscient, possible que par un esprit autonome et libre et loin de toute sensibi1itê. Seule 11autonomie de 11esprit a permis au Moi d' êtab1ir l lunitê entre le sujet et 110bjet. Clest pourquoi le principe premier ne peut pas être

dêmontrê~~i1 ne peut qu'être dêcouvert dans son origine inconsciente et indêterminêe. "Nous devons dêgager le principe absolument premier, entiêrement inconditionnê de toute connaissance humaine. Si ce principe doit être absolument premier, il ne peut être ni prouvê, ni dêfini." 11

Le principe premier nlest donc pas une donnêe immêdiate de la conscience, il est un acte primitif de 1lesprit; il est nê d'une action originaire de 11esprit que le Moi doit dêcouvrir pour en compren-dre toute la signification et être en mesure de construire le monde par la suite. Cette intuition originaire, involontaire, nlest pas le fruit de la conscience spontanêe. Au contraire 11acte du Moi qui se ,pose, qui se situe, qui agit, nlest possible que dans une intuition intellectuel-le. Cette rêf1exi6nn du Moi sur 1ui-même:~n'est possible que dans 1labs-traction 00 1 'esprit se pose comme esprit, 00 le Moi est le produit de

de Phi10nenk6 (Paris: Vrin, 11- Ibid., 1,91 , p. 17 ( )

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son int~riorit~. Le Moi tourne son regard vers lui~même, vers son int~riorit~ et, continuant sa d~marche, tente d~sesp~r~ment de saisir l 1 être en soi, l'absolu, la libert~, le Moi Pur, qui recule devant

chaque tentative du Moi~ L'acte originaire du Moi qui se voit agis-sant nlest possible que par l"intuition 'inte11ectue11e, 1labstraction, la r~flexion du Moi sur lui-même qui s'impose en même temps des limi-tes. Le Moi constate son impuissance de saisir 1lId~e du Moi, 1lAbso-lu, 1 1 Esprit pur, 1IId~a1.

D' ai11eurs Fichte montre bien la diff~rence entre le Moi comme intuition intellectuelle, point de départ de la Doctrine de la Science et le Moi pur ~ui en est le 'point d'aboutissement: le second ne peut jamais être atteint par le premier. "Fichte a voulu montrer, ecrit X. L~on, qulune philosophie êritique, partant de 11esprit hu-main, de la conscience humaine, ne peut saisir directement en soi 1lAbsolu, elle nlen peut saisir que ce qui, en lui, est accessible à notre r~flexion, c'est-à-dire la forme et la transformation de cette forme en son contenu, sa r~alisation, constitue pr~cis~ment pour notre. esprit limite, sa tâche même, sa fin, que d' ai11eurs il ne peut jamais atteindre." 12 Le point de

d~part

de la Théorie de la Science est donc un Moi formel conçu sur la forme du Moi Pur, de l'Id~a1, de Dieu. Le Moi pur ne peut jamais être atteint par. la philosophie, par la rai-son humaine, il est un Id~al inaccessible: "11 ne peut êtrepens~ de

(43)

façon déterminée et il ne le sera jamais effectivement, màis nous devons jusqu'a l'Infini nous approcher de cette Idée." 13

III. La Nécessité: l'expérience.

En même temps que le Moi est le principe formel de la Connais-sance, il est aussi le principe réel de l'action dans le monde. En effet, le problême de l'inaccessibilité du Moi

a

l'Idée du Moi i.e. au sujet absolu, pose pour le Moi qu~' veut connaître un grave problême d'exigence pratique: l'Idéal est inaccessible à la conscience. Or c'est de la conscience que Fichte est parti pour découvrir, dans son analyse, le Moi pur: l'Absolu. Or le principe premier, le Moi formel, est insuf-fisant pour déduire les contenuss de la conscience. Ainsi si la con-science ne peut atteindre le Moi pur, c'est qu'il y a une ppposition entre le sujet et l'objet, c'est que le Moi est limité, et qu'il ne peut . échapper

a

cette opposition.

a) Le Non-Moi

Le Moi est donc limité de façon déterminée par. un Non-Moi qui est aussi comme le Moi une création formelle, posée comme un second

(44)

principe et qui ne peut s'achever que par une synthêse: celle du Moi pur, de l'Id~al impossible

a

atteindre par la conscience. Clest le Moi absolu qui donne naiss~nce

a

la conscience,

a

la relation sujet-objet, au Moi et au Non-Moi. Clest le Moi Absolu qui caract~rise la limite de la conscience en ne lui permettant pas d'atteindre le Sujet Absolu. Mais .. comme le Moi, le Non-Moi est l'oeuvre de l'imaglÎ1iJation

cr~atri ce. En effet 11 imag~:nat; on cr~atri ce est l a cause. producti ve du Non-Moi. Le Non-Moi est l 1 oeuvre d'une activit~ inconsciente,

in-volontaire, il est une intuition originelle, une production inconscien-te.

Le Non-Moi est une cr~ation de l'activit~ du Moi qui constate sa limite dans sa tentative jamais achev~e pour atteindre le Moi Pur.

"Au fond le Moi pur, pour se r~aliser est oblig~ de se d~terminer, de se limiter, de slopposer un Non-Moi auguel. il attribue sa limitation. A chaque instant cette limite recule devant l 1 effort de l'esprit pour

la d~passer, pour la comprendre; mais à.chaque instant la limitation renaît, car, sans une d~termi nati on nouve.ll e, 1 e progrês de la l i bert~

serait impossible, la libert~ se perdrait dans le vice de son infinit~." 14 Clest

a

cause de sa limite que le Moi sent le besoin de slopposer un

Non-Moi

(i,

102-123).

Clest de cette division du Moi en Moi et en Non-Moi que sont

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