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La figure du Christ dans l'oeuvre romanesque de Germaine Guèvremont /

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LA FIGURE DU CHRIST

DANS L'OEUVRE ROMANESQUE DE GERMAINE GUÈVREMONT

par

Stéfanic MARTIN

Mémoire présenté à la

Faculté des études supérieures et de la recherche dans le cadre de l'obtention

du diplôme de Maîtrise ès Arts

Département de langue et littérature françaises Université McGill, Montréal

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(

dc Germaine GuèvreJl1ont, présentent au lecteur un per~onnage devenu légc;)dairc, coureur des vois ct du «vaste mondc», séducteur et instigateur de changements. Plusieurs caractéristiques l'apparentent à l'archétype du héros défini par C. G. Jung, mais surtout à la figure du Christ, sauveur, Messie et réalisateur de promesses. Ses traits de caractère, tout autant que ses faits et gestes, sont maintes fois analogues à ceux de Jésus td que rcpléscnté dans le Nouveau Testament. Exégètes, «mythanalystes» et sociologues offrent plusieurs pistes pour l'étude du rôle du Survenant, comparé à Jésus-Christ, dans le cadre de la littérature et de la société québécoises de la première moitié du 20ème siècle.

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.-ABSTRAC "

l.&....;~llrvrl1a!l1 alld MaIJ~.:nl{I;IC'C, the two on!)' Ilu\ L'l-; of Gelllldille Glll'\ Il'IIIOIlI,

present a character who today is comldcrcd a kgcncl, «courl'ur des 001 ... •• and g!OhL'tlOltl'l, 5.cducer and agcn' of changes, Many charactcri'itics rdate hllll tu the hero archdype a-; defined by c.G, Jung, but also, and more spec III cali y , to thc figure of Cllfl~t, ~,,\'ior, Messiah ane! accomplishcr of promi~cs, HIs oehavior, a., weil ac; lm cxpcriellcc) arc often slInilal, ]1' not idcntlcal, to thosc of JCl,us. as rcpresented 111 the New Te\tallll'nt.

Excgesis, «mythanalysis>. ane! sociology offcr mally path'i for the ~tl)dy of the mil' of tlll' Survenant, comparcd to Jesus Chlist, III Québécois literaturc and society in the fir~t half

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(

profcsseur au Départcment de langue et littérature françaises de l'UniversIté McGIlI, et dIrecteur de cc mémoire, ainsi qu'à Monique et René Cusson pour leur aide irremplaçable.

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-TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

PREMIl~RE PARTIE: LA FIGURE DU HÉROS

Chapitre premier: LA PAROLE Chapitre deux: LE NOMADE Chapitre trois: LES FEMMES Chapitre quatre: L'INCARNATION

J)EUXIf~r\'lI, PARTIL LA STRUC nlRE DU JÜTI r Chapitre pn.:mrcr: LA VII: Pl{fVJ~E

A - L'accueil B - Le baptême

Chapitre deux: LE MINISTÈRE A - Les nmac!es

B - La r~nomlllée

C - Les rcpas

Chapitre trois: LA PASSION A - La di~corde

B - Le procès C - La tentation

TROISIÈME PARTIE: LA RÉVÙLA TI ON

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE page 2 14 24 32 42 53 61 69 76 83

92

94

98

109 118 111 134

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INTRODUCTION

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-INTRODUCTION

2

[" ,] Jcune ct beau hl~roS solaire à la chevelure de fcu, à 1,\ couronne rayonnante qlll, lI1a(,L'ev~ibk au,," 1ll01tCI\, tOllfll\: éternellcment autour de la terre, f.li\ant ~uccùkr <lU JOur 1.\ nuit; à l'été, l'hiVl'r; à la VIC, I,t 1110lt - ct qUI rl'naÎt a\'L'~' sa SplclHkur r,IjCllllic p')ur écl~url'r de llou\'elkli génél.1

tiom.,

Nt2.ta III QJ l!..hQ\l'~ .-,Ie

J"ime.

_~Ljl'\ "ylllbll!l'~, c'-G, Jung

L'OCUVf\.' (iL' Cil'rrnaillt' (iUl:\'ICI1I11nt ~ 'Olf"llltI.,L' Ull peu à LI Ill,llll(-rl' d'Ilii tlyptltjl1. Le Jlll'lllll'r volet Stc tlouve d,UI'> CL'~ • Pd.nallnclil'"'' du rl'l'llt'il III ph'llll' tl'Ill', qUI Ill'll,

prés,l'I11L'nt la fdlllllie BC<ludll'llll11 ct 1,1 \'IL' au ('hl'flal du ~luil1l', awc S,(III lil,ttlill', \,'\ trac/ltions, ses loi", l11ai~ am<;i son Il11l11obJlI~ll1e. l-ç--,-\uL\:l'll,lllt cOII\titul', hll'n !litr, IL, tableau central, l'arrivée de cc per"onnage qUI vient b'/Idn'Cr"l'f lé monde tr.tllqlnlle (IL-"

Beauchcmin et de leurs VOISIns. C'est d.lIls Mal!~~:lllil;lcl' qUL' \c tl'fl11lflC la \él ie, aVl'L'

lc récit dcs temps qUI ont SUIvi le départ du SlIr\'cn,\J1t, lL'l11jlli qUI Sl'rlInt à jall1al" marqués par le pas s,Ige de cc pcr\ollnage.

COflllllent ne pas com.tater que cette structure est ~emblahlc à ccllc dl: l.t Blok? L'Ancien festamcnt propose l'histoire cntourdnt l'énonCIatIon d'ulle LOI, celle dll Décaloguc, qui, dcpui~ ia venè~è ~t le Cyclc des Palrrar('hc~, n'aura de e;(''i\e de s'affirmer dans lc monde juif. L'arrivée dc Jé\us-Chfl~t l:t son 1ll1l11\tère Cil hrael, tl'b

que racontés dans les Evangiles, viendront ébranler ccttl: J .01 ct tran\formcr lIll Illonde qui semblait jusqu'alors satIsfait dc son sort. Enfin, cc, réclt~ ~erollt SUIVI, de, Actc, des apôtres cl des Lettres de Paul, comptes rendus dcs Iendcm<l111\ du pa,>\agc du Chn,>t, donll'influcnce se précise.

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(

Au centre de ces récits, il y a un personnage qu'on anticipe, qu'on accueille, qu'on chasse ct qu'on célèbre une fois qu'il a disparu, un modèle de héros qui s'inscrit depuis longtemps dans notre mémoire.

Cettc figure de héros, comme l'a souligné Jung dans ses travaux sur les symboles, est bel et bien un archétype qui existe depuis des temps immémoriaux, depuis la mythologie clac.;'>lque de la Grèce ct de Rome jusqu'à celle de l'Extrême-Orient:

les thème,> in:.crits dans notre nature sur lesquels les époques, les âges, les CIVIII\dtloIlS, selon Icllr~ in~plrations, peuvent bien plaquer des ornements qUI kur pl,tÎ'\Cllt, <",111~ pOlir e.ela faJn.~ quelque c!JoI.,c cie \ rai ment nouveau. Il y il là cumll1e lIJll' analogil' fondamentale qUI unit les hommc) les uns au\ autre,>, Cil d{pit (IL- toutl.'.'\ les dJ\'crbellccs C(H1I.,CIClltC~, Jung a appelé

cc'> thèmel., (,,,-,L'Illich (\;uchétypcs». [ ... ] Ils forlllellt l'incll<;~ollible dépôt de .... tige", fI ,Ille. Il i ~c;,al1 t san ~ changer les millénaire.'\ l,

Le Illy the du héros fall donc partie de ces unité.'\ !ttructurellcs mythiques et comporte un certain nombre de constantes, d'attributs ou de fonctions. Jung évoque les différente", étapes du cheminement héroïque en se référant à un «univcrsal pattcrn2

)) qui régirait les différents mythes de héros, développés par des groupes d'individus culturellc-ment éloignés Ic'\ uns des autres. Force nous c.'\t de comtater que nos protagoni~tes, le Survenant et le Christ, sont à leur tour des vcr~ions de cet archétype.

Au mythe du héros correspond donc un cnsemble d'images stéréotypées, attributs, qualités, rôles, fonctions, si bien qu'entre toutes ces représentations «on ne retrouvera qu'étonnamll1ent pcu de dIfférence dans la morphologie de J'aventureJ

.» Jung a su

dresser un inventai re complet des caractéristiques du héros mythique et nous tâcherons de tIrer l'essentiel de cette compilation. Toutefois, il ne nous semble pas judicieux de

Y. Le Lay, préface de C.G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie, 1987, p. 23.

2 C.G. Jung ÇU!.L., Man and his Symbols, New-York, Laurel Ed. 1964, p. 101.

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-4 rapporter dans le cadre dc cette recherche les ,correspondances entre la formation des archétypes ct la configuration de la psyché (notiom d'lI1conscient, de IIhido, de fantasmes, etc,), Il va sans (IIrr que cl'tte filiation se trouve à la base (lès recherches jungiennes; il s'agira pour nous plutôt de guetter la résurgence de l'ar(hétypc dam Il' cadre de la littérature narrative qui nom cOllcerne

Le curricululll vitae du héros ~'oll\'re généralement ~lIr ulle n;m<;.\nce 1l1lrdClllell\C et humble, ~ccrète ct my~téricme pour ccux qUI l'entourent. On soupçonne ~llllWllt, P,II manque d'information, ulle Orlt'lllr mi-dl\ Ine, mi-humaine, touJour\ ciltourlt' <l'IIlL'Cltitll-de, L'a~cçn\Îon "cr'i une' cut:IÎIll' P:I'C tlli pllll\'llir nt 1IIIIlh\II,IIL', qlllllqUl' /Il.llljllll' P,II

l'ad\'L'l~ité; r(IIl'~ \unt le" 1::Tn\ qUI fll'lt l'Wla!llllllk:, Il ~'a:J,lt l'n\lIllL' Plllll Ilii (il' V,lIll, IL'

Je, [oree" du l11,d, ~Oll\ I.l fOlllle d'un l11on,trl', dl.lgon llii ;\lItIC, et (il' Iihén:1 u'lI\

(pri nccsse ou peuple entier) qui YI",1 i L Ilt ~ous ~Ol1 Joug, (\,t te vlctoi rL l'~t CCjK'lHl,lIlt difficile, ré~u1tat d'ulle lutte sal1~ mercI pendant laquelle Il' hlÇro'I a pu l'tll' tenlé dl' démissionner. En regard de Cl'I, Il'f1tclIIOI1~, éprell\ es nOlllbrcu"l''-i et préllll-dltC-c~ pal IL:

destin, on cUIl<;tatc que le hérm Il'cst P,l\ IIlfaillluk ct qu'JI ri\qlll' \Oll\'èllt dL' \l' lal\\l'r

aller à la vanité, Enfin, CO III me le note Jo"cph (';Jll1pbell dam ~a typologie dll hl-IO'-i: .. le dernicr acte dc la biographie e.l.t celui de 'la mort, ou cie son dC-p.lrt. TOllt IL' \Cl1~ dl' \;t

vic s'y trouve résumél,» ('ettl' chute, mort, dl'\'panlioll ou dl~part, ré\ldt.lt d'ulle tralmoll

ou d'un sacrifier, arrive trop tôt, ct tragiqlIement. tlne Itbératlon, Uil lcnollvc!lL'llll'nt <III monde, une Révélation, doivent s'en SUivre, NOl!) rcvicndron,> plu~ lOin ~lIr l'importancc de cette Révélation.

De la nais~ancc miraculeuse à la tin rl'génératrIcc, la VIC du h6rO'l apparaît dOllc comme un cheminemcnt, un péllple dont le terme cq un Royaume nouveau, Le héro\ ne saurait être un héros s'il n'y avait pa" de cornhat ct de ~acntiCl! au cour~ de cc voyage, L'issue du combat cst une libération ct offre aU'>'>1 une p()~~lblllté o'épanOlll\\C-ment spirituel. Ce sera le cas d'un peuple qu'on libère d'un pa<,\é accablant. Un ami ou

Joseph Campbell, Les Héros sont éternels, Paris, Seghers, 1987, p, 286,

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un proche pourra à son tour se lransformer et rajeunir: «His sense of rejuvenation naturally followcd. He had drawn on the inner source of strength that the hero archetype representl,l.»

Voyagcllr, comhattant, rédempteur, tcl est le héros archétYPlque, «personnalité libératrice [ .. ] qui allullle pour les autrcs un feu d'cspérance2 TCI'i sont aussi le Survenant ct le Christ, héro'i victoricux, hérauts d'un no uv cl ordre et d'unc nouveilc Loi.

Jun['. eÀpO~è à plll~iclirs rcpn)c~ les a<;pcct<; mythiques ct symboliques du Christ et ~ollllL'nè lJlIl'. « The !llll\( Important of the ~ylllbolical "tltclllcnt aboLIt Christ arc those which IC\èdl the attril>lItè~ of the hl'IO's, lIre'.)' Il rappl'llc de plll~

 quel point Je Ch ri:,! ,,<.,t ll' héros arL'h~typiquc, on le voit à l'opinion de Cyrille dc Jérmalem sdon laquclle le corps de h; .us était un appât pour le Diahle qui l'avala, mais parce qU'li était indigeste, dut le rendre, COlllllle le fit la baleine clc Jonas4

A l'in~tar de Jung, il nOlis est permis d'inscrire le Christ, bien qu'il soit aussi un personnage hl<;toriquc, parmi les héros qui sont régis par l'archétype. Certains traits lui sont propres, ct s'ajoutent aux caractéristiques de base du héros. Ainsi, le héros meurt ou dis.parait souvcnt dans la fleur de l'âge, souvent cie manière tragique; Ic héros christique, plus spécitïqucment que Ics autres héros, rcs.suscite et ressurgit sous fo;-me d'apparitions ou de signes. Qui plus est, il continue à exercer une influence même après sa dispantlon et à être l'objct d'adoratIOn ou de mépns. Partant, la figure de Jésus

2

3

c.G. Jung r.L<!L. Man and his Symbols, New-York, Laurel Ed., 1964, p. 118. c.G. Jung, A'il)ccts du dralllc contemporain, Genève, Ruchet/Chastel, 1983, p.

235

C.G. Jung, Ps.ychology and ReligIon, Ncw-York, Pantheon Books, 1958, p. 155.

C.Ci. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie. 1987, p. 61On.

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6 complète en quelque sorte le mythe du héros, mais le complique du même coup en l'affi-liant à une séIic de dichotomies qui tisscnt le destin christiquc tout au long de la Blbk.

C'est l\lircea ElIade qui propo:,c une étude dl! CCI) «coincidentia ()ppositonI11l1 " ,

sortes de polarités qlll régissent certallls mythes. Il s'agit le plus ~OllVCllt de 1.\ cohabitation de caractères contradictoires ChCl une même divilllté ct 11 cn résulte ulle

personnalité d'autant plus fa~cin~lnte qu'clle cst plurivoque,

UIlC prcmière ambiguïté s'énonce cl\:-) la nai <;<,anCl' d II Ch ri 'il: (",t-i \ hom Ille ou dieu? La quc,tlOIl sera pméL'c autlllli dl' lui dUldnt son I1lllli\t~rt: ('t C'untllllll' <k J.'Ill' c(luler l'encre cI('~ cxégètc~ ct des théologiens. Celte dualIté, proprc (iL- \'llll'cllllalloll, l'"t

cCltes inhéIcnk à la figure du Chli~l:

La figure religieuse ne peut êtTC hOlllme simpleml'nt, car elk doit représenter ce qu'elle est en fait, l'ensl'll1hle des images primordiales qui

[ ... J

cxpriment «cc qui agit avec une puissanœ extr.lllnltnairc.» Cc n'l' ... t

pas l'homme que l'on cherche dans la forme humaine Vl'~iblc, illaTS le surhomme, le héros ou le dll.?u?

En tant que médiateur ct 1!ltcrce~~C:l!r entre Dicu ct Ic~ homme), en tant qu'«actl'ur

de la métamorphose de Dieu dans l'hornrnc\', Jésus doit réunir le divin ct l'humain. Le Survenant, cc «Grand-dicu-des-routcs», avec ses talent .... son magnéti', le, cst aussi pCf\;U comme divin par œrtains; les autres, ~cs détraclcur~, rappc1knt ~an) c('~ ... c cc qui fait de lui un hommc comme les autres, un être faillIble ct imparfait

Une dcu:\ièmc dualité habite le hGro~ chn~tlque plu~ que toute autre fUfIlll.' dl! héros légendaire, à savoir une constante équivoque cntre le blcn et le mal:

2

3

Mircea Eliade, Traité d'hi~toirc des religions, Paris, Pdyot, 1949, p. 356. c.G. Jung, Métamorphoses de l'âmc ct scs sylllbolc~, Genève, Georg & Cie,

1987, p. 304.

Ibid., p. 646.

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(

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.

Dans le personnage du Christ, les contrastes réunis dans l'archétype se sont distribués en partie dans le lumineux fils de Dieu et en partie dans le Diable [ ... ] Nulle part dans les formes les plus récentes du mythe les couples d'opposés ne sont aussi rapprochés que dans le Christ et l'Anté-christi

L'Antéchrist de l'Apocalypse, c'c~taussi un héros, si maléfique soit-il, qui doit sc manifester aUl110ment opportun et transformer un ordre établi, un héros qu'on redoute ct que plusieurs croient voir en la personne de Jésus. Ainsi en est-il du Survenant; Mane-Amanda s'étonne qu'on parle de lui «comme de l'Antéchrist» (MD2

, 36) ct p3ur Angelina, il exprimc

le jour ct la Iluit: l'homme des routes se montrait un bon travaillant capable de Ch.lllclc amitié pour la tcm:; l'êtrc insoucieux, sans famille ct sans but, se révélait un habile artisan de cinq ou six métiers

(S, 43).

A la fois homme et Dieu, à la fois bien et mal, le Christ «a été caractérisé très tôt par des symboles de la totalité et unissant les contraires3 Mircea Eliade, à la suite de Jung, signale en outre la récurrence d'une autre ambivalence dans la typologie

C.G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie, 1987, p. 610-611.

2 Les deux romans de Germaine Guèvremont, Le Survenant et Marie-Didace, serviront à notre étude du ptrsonnage, bien que celui-ci soit physiquement absent du second. NOliS pensons que sa présence s'y fait encore, et mieux peut-être, sentir. Les références aux oeuvres seront désignées entre parenthèses dans la continuité du tcx:e par les lettres S et MD, suivies du numéro de la page, et ce, afin de ne pas surcharger les notes en bas de page. Il en sera de même pour les références aux textes bibliques, dont nOlis indiquerons la provenance par l'abréviation du livre ou de l'évangile en question, suivi du numéro de chapitre ct du numéro de verset.

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-

'.

~

...

8 mythique, soit l'androgynat, «formule archaïque de la bi-unité divine'.» Certains auteurs cités par G. Durand dans ses Structures anthropologlg1lCS de rllll~ginaire sc réfèrent à un androgynat primordial ou originel, dont Jésus serait tributaire. Le Christ représente cette cohabItation d,:!s deux sexes ct devient c«(I'homme parfait>. [ ... ] constitué par la présence de Jésus en Marie et réciproquement de Marie cn Jésus2

.>. Jung évoquc alls~i

«the androgynous nature of the mystical Christ),., I!~c à l'intégration du pain fémillin -et du vin - masculin - dans le corps du Christ.

Le Survenant pmsède ql1ant à lui des attrjbut~ féminin" 'Ill' s'a~~ol'icllt à sa vigueur mascul!nc évidente: une «peau bLlllChC', trop blanche pOUl lin 110111111\:» (S, 2(,), de «Ionguesjalllbcs d'une blancheur prL'<,ql1c féll1illJr1C» (S, SR). Durand p.llk à cd éi',<lnl de la «féminisd.tion insolite de héros ou de divinités Pllllliti\'L'lllent Vil ik,,".» 1.\.' Survenant n'échappe pas à cette double imagcrie.

Le héros christique est sam contredit assujetti à ces dichotomies parfois douloureuses à concilier, mais qui sc retrouvent à la basc du mythe. Que ces mêmes dualités commandent à leur tour la destinée du Survenant, cela est évident.

Il est nécessaire de s'attarder à une autre ambiguïté propre au héros mythique ct plus flagrante encore chez le héros christique, ambiguïté qui a trait à un processus qlle nous appellerons «héroisation>.. Sans trop insister sur le mrCanlSII1C psychologique qUI préside à la création d'un héros, il convient de rappeler que l'humanité, par le biais de l'inconscient collectif, cca un très fort besoin d'enlever à se, hélOs cc qu'ils ont de

, Mircea Eliade, Traité d'histoire des religions, Paris, Payo!, 1949, p. 359.

2 Gilbert Durand, Les Structureli anthropologiques de l'im(!gm!iire, Pari!!, Borda~, 1969, p. 334.

J C.G. Jung, Psychology and Religion, New-York, Pantheon Books, 1958, p. 221.

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personnel ct d'humain pour en faire

L

... ]

des çmulcs du soleil'.» Pour historique que soit la vic du héros ou celle du Christ, elle constitue une «condensation[s] de motifs mythiques typiques derrière lesquels s'évanouissent les figures individueIles'2.» Les détails biographiques de la vie du héros sont donc souvent indépendants des marques de son appartenance à l'archétype.

Nous avons évoqué ici la vitalité de l'archétype du héros christiquc ct supposé son ascendance sur le per~onnage du Survenant. Cette analogie permet d'observer des images-clé"" nOllveaux indices de la présence du héros, images ayant trait au soleil ct par extcmÎoll, à la lumière ct au fcul. Le héf()~ c1as'iiquc, ou christique, devient, dans le

voisin;!r,l' de ces ~yll1bolcs, un héros solaire,

Il est aisé dc repérer dans Le Smvellant et dans les Evangiles les occurrences des symboles du héros solaIre. Ainsi en est-il de la première vision du Survenant par Angéli-na, (cbien découpé à Ja clarté du grand jourl> (S, 26); et de la vision finale qu'a le Surve-nant de lui-même, «cn travers de la route, au grand soleil» (S, 172). De même, dans la Bible, on rapporte à propos de Jésus ccla visite du soleil levant pour luire sur ceux qui languissent dans les ténèbres» (Le 1 :79). L'auréole et le halo de lumière qui entourent le Christ et parfois les apôtres sur les représentations picturales témoignent de l'importance de cet aspect lumineux et rayonnant du Christ.

1 C.G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie, 1987, p. 328n.

'2 Ibid., p. 84.

3 Ce sont là à vrai dire les symboles privilégiés de la libido mais nous ne souhaitons pas nous attarder à une psychanalyse du Survenant, qui, bien qu'intéressante et complémentaire, nous éloignerait de la présente recherche.

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-

---10 Le soleil est aussi associé à l'Orient, lieu du paradis terrestre, lieu supposé de l'ascension du Christ, donc lieu d'origine, d'éveil' ct d'espoir:

It is extremely intcresting that in some carly versions of thr Blhle, Christ is refercd to as thc Orient, that is, the rising one, and nMybe evcn thcn implicitely the onc of the East, whence e(lch morning eûmes a!'surancc that light follows darkncs!,1.

Le Survenant corrcspond aussi à cette image d'un a~tre qUI se lèvc ct qui éclaire le monde ct à cette aurore qui doit chasser l'ol11bre. Dans son délire, au matin de Pâque,;, il veut «voir danser le soleil" (S, 1 10), irmlj~e d'ull nouveau jour qu'il syl1\holl~L' à son tour, sam lr savoir, pour 1er,; gens du Chenal du Moine. 1 a blallcheur 0Iollll:l11!(' de sa peau trodVC !'(1Il équivalent dall'> ],0pi~odc dc' 1.\ tlamfigurdllllll du (,hll~l, al(lr~ qUl'

«son visage prit l'éclat du wleil, ses vêlell1ents (k-vinrcnt IUllllneux (Il: blanchcur» (~It

17:2). C'est l'éclat ct ]a lumière qui importent ici ct qui sont à rattacher au rayonnement des figures héroïque et christique.

La symbolIque du fell s'ajoute à cclle du soleil pour encadrer le héros mythique. Dès la première apparition du Survenant, Angélina rcmarque sa chevelure "d'un roux flamboyant [ ... ] pire qu'un feu de forêt» (S, 26). Dans la Bible, le Saint-Esprit ~c

manifeste par dcs flammes sur la tête des apôtres. Jésus affirmc: "C'elit Ull feu que je suis venu apporter sur la terre» (Le 12 :49). Le Survenant, à en juger par l'enthou~iasmc

de Phonsine qui croit qu'il est de retour, est venu lui au()si apporter cc feu: Que]que chose flamba en ellc. Le feu courait, coura:!. La flamme haute

et joyeuse monta jusqu'à sa gorge (MD, 14).

Voir Gilbert Durand, Les Structures anthropologiquc'i de l'imawairc, Paris, Bordas, 1969, p. ]68.

2 E.M. Moseley, Pseudonyms of Christ in thc Modern Novel, Pittsburgh, U. of Pittsburgh Press, ]963, p. 116.

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Cc fcu est souvent associé à la chaleur. ct à ce «pneuma» de la Bible, qui veut dire à la fois «csprit» et «vent». Les symbole" ayant trait au fcu, à la chaleur, au souffle ct au vent sont donc interreliés. Nous retrouvons dans Le Survenant ce souffle presque divin qui annonce cn quelque sorte à Angélina la vision prochaine d'un personnage nouveau, Imposant: se rendant chez les Beauchemin, elle se fait prendre par une bourrasque de vent, longuement décrite, un vent ((félin et sournois [ ...

l

hurlant à la mort» (S,21). Quelqucs ligncs plus loin, elle est ((saisie» à la vue de l'inconnu dans la maison des Beauchemin, à la vue de celui qu'on appelle avec un soupçon dc mépris: fend-le-vent.

J ,e fClI, tout alitant que le soleil, c~t perçu par l'homme comme lIIH: puissance bicnfaisantl', une énergie, dont les représentations sont sOllvent jointes à celle de la fécondité, de la force génératrice. Le créateur du feu, ou celui qui prend en charge sa production, participe à la signification prométhéenne du feu, entrevu comme un élément réàcmpteur ct sauveur, symbole originel de la création. A la lumière de ce symbolisme, il n'est pas étonnant que Jésus soit apparenté à une flamme, tel que l'avait prophétisé Isaïe: «ct la lumière d'Israël deviendra feu, et son saint, flammc» (ls 16: 17) et que cc soit le Survenant qui ait la charge de couper le bois pour le feu:

Dcpuis son arrivée, dl! bois fin et des éclats pour les feux vifs, du bois de marée pour les feux de durée, il y en avait toujours (S, 36).

Les imagcs conjointes du fell et du bois attestent la présence d'une symbolique de la fécondité, comme nous le confirme Mircea Eliade: ((la consumation du bois par le fcu est probablemcnt un rite de la regénération, de la végétation et du renouvellement de l'annéel

,). Nous verrons plus loin comment Jésus et le Survenant sont des agents de

fertilité ct d'abondance pour CCLIX qui les entourent.

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-12 Héros voyageurs, héros rédempteurs du, monde, héros tiraillés, héros solaires ct prométhéens, tels sont le Christ et le Survenant à son image. En plus de cclte appartenance à l'archétype, ils se ressemblent par certains de kurs altnbut'i ou de leurs comportements. Les prochains chapitres seront justement consacrés à ces élémcnts de la figure de Jésus qui se retrouvent presque intacts chez le Survenant, héritier des at-titudes et de la vocation christique.

La comparaison entre la figure historique et mythique de Jé~us Christ l't la figure romanesque du Survenant ~cra conduite sy~télllatiqucl1lcnt. NOliS aVOIl"i dOIlC' d'ahord postulé l'appartenance du Chri~t et du SlIIven;1I1t à l 'archélypL' du hén.l) 1\'1 qUl' dC'lïlli par Carl Gu~ta\' Jung dans ses travaux sur la p~yché ct l'illl'oll('cll'nl colll'di!. lk ... éllldl'''i exégétiques ct différente ... applochc~ des textes bibhqllC~ nous aideront ü ~l1i\'rl' le parcours du héros el à faire ressortir les points marquants ~usl'cptiblcs de nOlis éclaircr quant au message que portent les héros. Les chapitres, dans leurs propo~iti()n<;, tendront vers l'explication finale de cette Rév~lation.

Que Germaine Guèvrcmont ait consciemment ou non voulu créer un Chri ... l québécois, cela nous importe peu. Le Survenant, aujourd'hui devenu un mythe gr,kc (lU

roman, puis grâce aux adaptations radiophoniques el télévi!-ucllcs, nOlis est donné avec ses travers ct ses séductions. Nous tâcherons de lui être fidèle.

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-chapitre un: LA PAROLE

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Telle fut la parabole quc Jésus Icur dit; mais ib ne saisircnt pas bicn cc qu'il voulait leur dirc.

Jc<lll 10:6

Un soir, le Survenant chanta 1 ... ], Pcr~onnc n'y compnt rien, sinon que l'air était cnlevant [ ... ].

G. Guèvrenwnt, Lç~lrYl'.!l.aJl'

En plu~ d'être un Sauvcur ct un pèlerin, Ir hérm chri~tÎqlle c ... t 1I1l proj,I!(Il'. C'est donc c1ilc qU'II ojlpo<:;e son cl1<.,eignclll\.'llt au ~:I\'tllr (k~ ~,Igl'<', g,lfllll'll'" lIL- 1,\ trad ition ct pruciclI ts Cllllti Il lIatcu 1 '1 (!è la Loi. Sagl:s et Plllphl'lL' ... ~lllll dè ... tllll~<' ;1 dl 'WIlII

dcs figures cl 'autorÎ té, mai s kr, Pftlphè'tl'<' son t rarl' IlW Il 1 com pri~, (',Ir Il ... ('plIl te Il! 1111 mcssage tel que souvent Icurs C'ontcmporaim lc'i con~ldl;n::nt cOlllme des traîtres, dl'Ii

imbéciles ou des fous '.»

Ce message, Ics prophètes se fUllt un devoir dc l'enseigncr ct comme (<lcs grands maîtres religieux, [ils] n'écrivent pas: ils parlcnt ct leurs paroles sont consignées par dCI; secrétaircs ou des dlsciplcs?» Jésus et le Survcnant ~ont écoutés avcc émcrvcil!cllll:nl et appréhension à la fois. Leurs di~cours s'organiscnt intuitivement ct témoignent de l'importance de leur me~~age. Comme le répète souvent le Chri!ll: 4\ hon entendeur d'entendre!» (Mt 13:43).

«Plus lc style Colt poétique, répétitif ct métaphorique, plus nous olommcs cntouré~ par le sentiment d'une autorité extéricurel

.» Cctte remarque de Northrop Fryc confirme l'inspiration qui préside aux voix de Jésus ct du Survenant, une inspiration inacccs!lible

1 Northrop Fryc, Le Grand Codc, Paris, Scuil, 1984, p. 293.

2 Ibid., p. 287.

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\ ...

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au commun des mortels. Leurs propos sont chargés d'images et d'allégories qui servent à illustrer une pen~éc ct une doctrine ct qui réussissent à captiver l'attention des auditeurs.

Une compilation des interventions parlées du Survenant nous permet d'observer la récurrence de certaines figures de style, à savoir la comparaison, la métaphore, 1'(.IlIégoriC', la parahole et l'aphorisme qui se retrouvent aussi dans le message du Christ.

Les comparaisons sont les plus communes de ces figures et elles so:1t employées étll",\i par le, pC'r~()lInagcs qui entourent les héros. Cc", derniers, pourtant, font des cOl1lparai~(ln~ qUI frappellt davantage l'imagination, par le choix des éléments comparés.

Ain\i, tOtlS \l? rappelleront que le Survenant a décrit le" yeux de )';\cétyenne (,comme l'cau de rivlèrl!, tanlôt gris, tantôt verts, t'Ultôt bleus» (S, 168 ct MD, 21). Lcs métaphores servent au Survenant à se défendre «~ 'ai coutume de gagner mon sel, puis le beurre pour mettre dedans,) (S,3D», à conseiller «(Chauffe, Phonsine, chauffe le poêle si tu veux un mari joyeux» (S, 62» ou alors à mettre en garde («Il irait revoler assez loin qu'il verrait jamais le soleil se coucher)) (S, 172».

Ce sont ks allégories et les paraboles du Survenant qui rappellent davantage le langage du Christ. L'allégorie est construite à la manière d'une comparaison, mais un court récit l'accompagne. A l'opposé, c'est plutôt la métaphore qui sert de point de départ à la parabole, à ces nombreux récits-paraboles que raconte Jésus pour présenter le message évangélique. Si «la comparaison convainc par la clarté, la métaphore provoque et déroute par la discordancel

Le Survenant compare Amable à une fourmi qui se défait de ses ailes (S, 117), puis la maladresse de ses mains à l'absence de flair d'un chien (S, 120). Jésus compare le royaume des cieux à un filet jeté dans la mer (Mt 13:47), ou se compare lui-même à

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...

~ _ 1

16 une vigne (Jn 15: 1-6). Ces imageries ~ont claires et le locuteur souhaite Cil donncr la c1l~. Ce sont des allégories.

Il est d'autres propos cependant qu'il préfère ne pas e.\pltcltcr; cc SOllt le, paraboles. A propos des parabole'i de lé'ms, les théologH.'ns adn1l'ttl'llt qu'clic, rtalent énoncées en vue de faire rétlédlir et sans doute pour n'êtrc com)lII\C') que par lIlI\.' élite.

Le langage devient énigmatique par t'hOl:\. Dan~ le mêmL' but, le Chri~t po~e hl'aucollp

de qucstions auxquclle'i per~o!lnc ne peut répondrc, sinon en sc rl'fér.lnt aux conllal\\.\11 ces des textes anciens.

JI Cl élL' dit p.-lJ ,tillcUi'" que (·k, p.lr.tbok\ C(lr rc\polhknt à UI:: :'ttll.llroil dl' (tllllllt.

ellcs jll~tlrll'Ilt, défcmknt, attaq\IL'nt, provoquent, cIIL- ... "\lnt dl'''' ;11 Itln <le ('(111111.1(1 ... Chel lc Survcnant, l'utIlI:.atlon dl' ... parahok\ Il'Pllnd au\ Illêllll". él.tn .... Il ne ~·adlc ... \l:

souvent qu'au père Didace, qUI co,t IL: seul à être en mesure dl' \al\lr k "'l'n~ (k !l'Ill' Oll tellc image. De plus, le'i paraboles du Surwnant servent ~ouvent dl'''' att(lC)ul'<; ou de ... admonitions, ou assurent la défcnse de la réalité nouvclle qu'il pwpme. Le ... chan\o(1\ inconnues qU'lI chante dans Ic'i veill~cs sont en cc sens des parabok\, pui"qu'clll' ... mystifient ct donnent à penser; elle~ ouvrent une voie longtemps f('1 méc, el'11t: du rl'vc.

Parmi les paraboles du Christ, on retrouve les SlIl1Ihtudcli, «parole\-irnaf,l') ( ... J qui portent au langage une scène typique de la vie quotidienne2

.» Le contenu de ces

métaphores se réfèrc à un monde connu. Que ce soit le sel, le poi~~on, le goéland ou la vigne, l'image sera toujours tirée d'un r~1 vi~ible. Gilbert Durand parle de l'a\pcct «cosmiquc3

» du symbole, puisque la figuratIOn e~t puisée dans lc monde qUI nou~ entoure. Le Christ ct le Survenant mettent aus'ii en oeuvre les deux autrc!! dllllCIl\iolls

2

3

Joachim Jeremias, Les Parabole) de JéSUII, Le Puy, X. Mappus, 1962, p. 25. Jean Delorme, Les Paraboles évangéliques, Paris, Ed. du Cerf, 1989, p. p. 89.

Gilbert Durand, L'Imagination symbolique, Paris, pUF, 1964, p. p. 13 .

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(

du symbole; selon Durand, il est «onirique», créé à partir de souvenirs et «poétique .. ,

pui~qu 'il fait appel au langage.

Le héros s'adre~'ie à des paysans, des cultivateurs, des pêcheu; s et choisit donc dcs sujets qUI les touchent de près: le Survenant confronte le passage des oies blanches à l'immohlllté des hommes du Chenal (S, 172), il compare l'héritage familial au trajet du sel de la terre jusqu'à la mer (S, 118). A partir d'une image familière, ils présentent une idée nouvclle. Ils réussissent en ce sen'i un unique mélange d'ancien (tradition, hahitudc, vérité uni\'er~cJJc) ct de nouveau.

II Y a par aillcur~ le, récit<. e\eIllJllalrl'~; le SUrVCll:1I1{ cite lui aussi des exemples de condUite ct ne cache pas wn admiration pour la sagl'~se d'un matelot nègre (S, 164)

ou pOUf l'habilèté de Z'Ycux-rondl) (S, 120).

A la ba~e des paraboles il y aura presque toujours le «rapprochement inattendu de deux réalité'i différcnt~~I» (famille et sel, royaume des cieux et levain, etc.), ce qui tend finalement à faire voir «comment la réalité du vieux monde est transformée,

renvcr~éc par l 'm uptlOn d'ulle réalité nouvelle2

... La parabole et l'allégorie participent

donc à la tran~mi~~ion d'un message qui est trop important ct révolutionnaire pour être énoncé simplement. Poétique ct équivoque, le discours du Christ n'en est que plus percutant; il en est ainsi des prlJpOS inattendus du Survcnant.

A chaque occasIOn de récit-parabole ou d'allégorie, le Survenant et le Christ annoncent ou résument leur pensée au moyen d'un aphorisme. Certaines dcs maximes du Christ font encore aujourd'hui partie du langage commun: à chaque jour suffit sa peine, les derniers seront les premiers, qui n'est pas avec moi est contre moi, etc. Le

1 Jean Delorme, Les Paraboles évangéliques, Paris, Ed. du Cerf, 1989, p. 33.

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18 Christ maîtrise si bien ce type de phrases qu'on en dénombre au-dessus de cent dans k, évangiles synoptiques. Les aphorismes du Survenant sont 1110111'\ nomhrcux et ont été rapportés ou légèremcnt tran'iformés par les Beauchemin, comme 'le vieu\ adages qUI donnent à réfléchir: «rien ne se perd dan~ le monde" (S, 1 (H et MD, 11). "pas lin Vll'l' mais tous les défauts» (S, 117 et MD, 24), «faut jamais mépriser cc qu'oll connaît p.l'"

(S, 150), etc.

Ce langage nouveau fail d'Images, de poésie ct de préCl'pll'<, a tlll fait d'attIrer bOIl nombre d'auditeurs fascinés, dé\ircux d'cil elltcndrL' davantage. Il, ~e groupent autuur du Survenant comm\.? Ics dr'\cipJc, autour cl,' Jéçll\ ct apprcnrll'Ilt d0J~ à r0pl~!l'r k, 11111h qu'il emploie ct à discerner dcrnère l'utaII1C~ J'hr.t'.,-,,, l)b~(,lIrl'\ 1,\ pCn\l'C <il' l'l'!r.tI1!,l'I, Car comme Jl~\lIS, le Survenant park l'resqul' d'autorité, a\ll' Ulle VUI\ qlll Il'e,t p.I\ belle et qui pourtant parle au coeur (S, y.t). Didacl ~<,tle pll'IllICr à être ~l'Jl\lhk à cl'lIl'

«façon droite de parler, cc Ll!1gage batailleur» (S, 31), le premier aus\i qui admet «tout de la bouche du Survcnant» (S, 133).

Mais c'cst surtout lors (CS veillées entre voisins que le Survcnant devient le centre d'attraction et que son éloquence est la plus manifeste:

Tous les soirs, depuis J'arrivée du Survenant, la cuisine s'emplissait. [ .. ,] Curieux d'entendre cc que le Survenant pouvait raconter du vaste mondc, les gens du Chenal accouraient chez les Bcauchemin (S, 37),

Il représcnte comme Jésus la figure charismatiquc dc l 'oratcur autour duqucl on s'assemble, envoütés et fascinés par une verve, une VOIX, un dl~COur~ étrangcr~:

On apprit qu'il était à la maison. Et tant de mondc s'y raÇliembla qU'II n'y avait plus de place, pas même devant la porte (Mc 2: 1)

La parole ainsi nlise en scène dans un contexte d'a~~cmbléc, de veIllée, de foulc réunie, devient un des atouts les plus importants de la figure c1m~tiCJuc, On dcmande au Survenant de chanter, Joinville le supplie: «Parle encort:. Recommence ce que tu vien~

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{

de dire .. (S, 1(4), tout comme on sollicite la parole de Jésus, pour l'entendre proclamer la Bonne Nouvelle.

Lc') mot~ ont aw,si une vertu curative chez l'un comme chez l'autre. Jésus parle ct les maladc') sont guéns, Ic~ aveugles voient, les morts sont réanimés; le Survenant rompt le silence ct tous entonnent avec hll des chansons oubliécs, ou «se [mettent] à parler à la fOIs comme s'ils [avaient] par miracle recouvré l'u')age de la parole» (S,58).

LCII femmes attachent une importance particulière aux di~cours du Survenant.

Avec clic." JI cc.,! lIl()il1~ loquacè ct Bernadette n'l'st pa') la seule pour qui "le moindre C(lll1pllillellt cllt l'U 1 .. ] 1<1 \"t1,'lIf d'une p,\wk d'E\'dl1gilc» (S, 146). l'hon,,inc ct Anb~­ lilla ~l'wnt ~l'I1'lhJc" aux. prévcnance) dl' l'étranger ct à ses chal1\on'\ de bel[:L'rcs, qUI kur

étd.icllt ~ans doule dc~tln~l'~. Aprè~ ~Oll départ, clics croiront maintes fOIS entendre sa VOIX ct SOIl rire ct répéteront en cachette des phrases ou des mots qui les avaient fascinées.

Si lell fcmmes qui entourent Jésus sont d'emblée reconnaissantes qu'il leur ait adressé la paruh.' ct qu'il les ait écoutées, c'est que cette attention est en soi une nouveauté, surtout de lei part d'Ull «maître». La femme qui le poursuit pour toucher sa tunique sera récompensée d'un compliment: «Ta foi t'a sauvée» (Mt 9:22). La pécheresse repentante ct la femme adultère seront pareillement complimentées (Le 7:50 et Jn 8: Il). On s'accorde pour reconnaître à Jésus le droit de juger, de condamner ou de pardonner; sa parole sera une sentence ou un verdict que les femmes plus que les autres respecteront.

La fallcination qu'exerce le discours christique se manifeste par ailleurs dans la propension à l'imiter ou à le copier. 1 e père Didace emprunte au Survenant son fameux .. nevclIfmagnc» et ses chansons grivoises. Les apôtres ct autres prêcheurs tâcheront de reprendre les procédés discursifs de Jésus, paraboles, admonitions sous forme d'aphonsmes, questions, etc. Mieux encore, on rapporte ses paroles telles qu'il les avait

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--20 énoncées, comme on rapporte ses miracles et sa palision. C'cst ainsi et pour toujours quc ses paroles sont consignées. Le Christ a cu· rai~on d'aftirmcr: «Le cicl ct la terre passeront, mcs paroles ne paslieront pas» (Mt 24:35). Chez ks Beauchcmin, d'autres saisons viendront qui n'amèneront pas dc survenant au Chcnal du Moine, le fleuvc continucra de suivre son cours vers la mer et longtemps on entendra la voix dll SUI\'l'llanl durant Ics veillées d'automnc ct ~on grand rire avec la clochc du dl!nanche.

Bicn qu'envoûtante ct miraculeuse, la parole chri<;liquc c!ll av.mt tOllt ~!1Ig!1lallqut'. Jésus surprend ses audIteurs par ses parabolc'i, puisqu'il~ n'y sont 11.1'; h.tbltllés: "RIl'1l

dans lejuc!.ùslllc nc lUI avait donné le modèle d,-' cc gC!1lC d~llcil'u,'", SI qtJ~lqu,'~ élu ... parvienllent 1\ Cil percer le my~tère, d'autre ... plus méfi,lI1t" Ill' la c\)Jllprl'IlIH'lIt P,IS 011 y sentt:nt m0mc l'lI1fluencc du mal

Il Y a d'unc part ceux qui ne saisisscnt pao; toul a fail lc ~cns d'ullL' palOll', mal~

qui en perçoivent la magic; tels sont les apôtres dc Jé~llS, tcl cst <llIlIl\i Dldace qUI l'Il perçoit «moins le sens quc le ton nostalgiquc}) (S, 104). A l'invcr~l', /\mahk cl l'ICrI'C-Côme Provençal sont de ceux qui ne vculent pas comprcllcltc et qUI Illépnr.,ent la langue

du Survenant. A preuve cette répartie: «Parle dOllC lc langagc d'un hOll1l1le, SlIrwnanl. Un gargantua! T'es p. s avec tc'\' sauvages, par iciltc: t'cs parmi le monde!" (S, Xo), Pour ceux-là, le Survenant n'est qu'un «faiseux d'almanach", qui n'a que de,> chimères à conter. Il est bicn un de ces prophètes incompri.l, qu'on acclI"c de') plrc.l, m(-f,ut,>, comme celui de parler avec le Diable. Jésus provoquc la même incr~dultté; .1,1 le, foull:s

«admiraient les paroles de grâce qui sortaient de ses lèvres» (Le 4:22), «de tellcli paroll:<; remplissaient dc confusion tous ses adversaires» (Le 13: 17). Et le ClIn<;1 de remarquer: «Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage? Parce que vous n'êtc<; pas capable') d'écouter ma parolc» (ln 8:47).

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On se moque, on se rnéfie, on s'étonne, on met en garde contre ces «paroles malfaisantes» (S, 38), contre ces «choses qui ont ni son ni ton» (S, 86). On a tôt fait d'associer à cette façon de parler une origine douteuse de sauvage ou de faux prophète; pour les ennemis du Survenant, ce langage n'est qu'une autre raison de mépriser l'é-tranger. Aux yeux des adversaires du Christ, il sera une raison suffisante pour le condamner.

Que le prophète soit adulé ou honni, ses mots n'en demeurent pas moins porteurs d'un changement qui affectera même les plus sceptiques. Le langage métaphorique invite qui \'l'ut bien l'entendre ~ur Je che-min d'une Révélation.

Pour Je père Diclacc ct Angélina, cette Révélation est troublante et désarmante. Au fil des jours, ils écoutent le Survenant ct leur vision du monde s'en trouve transformée.

Angélina commence à renaître durant ces soirs d'automne que le Survenant anime dans la cuisine des Beauchemin:

De son marcher déhanché, elle se rendait jusqu'à la chaise la plus rapprochée ct, pour ne rien perdre des paroles du Survenant, elle répondait du bout des lèvres aux discours des femmes. (S, 39)

La présence seule de l'étranger suffit à émouvoir Angélina; mais elle sera résolument conquise par ses paroles, qui racontent un monde caché fait de voyages, d'amour ct de nature. Tout cela, elle le porte en elle et le Survenant l'exprimera en mots ct en chansons. Son amour des fleurs, il l'énoncera pour elle, celui qui parlôit des fleurs comme de personnes avec qui il se serait trouvé en pays de connaissance (S, 185).» Pour l'infirme, la voix du Survenant et son grand rire clair sont l'expression de son accession à une conscience nouvelle, celle du monde qui l'entûure. Comme Jésus, le Survenant aurait pu dire: «Je vous ai tit cela pour que ma joie soit en vous (Jn 15: 11)>>. Si

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22 Angélina permet à cette joie de la transfigurer, c'est qu'cHe fait donc partic de ces ((bons entendeurs» à qui scra Révéléc la réalité nouvclle.

Pour le père Didacc, la Révélation qui s'opèrc sc double d'unc accession ~ la paternité. Nous rcviendrons sur les mécanismes de cette parenté et nous n'évoqucrons ici que la maîtrise de la parole rés('rvéc à cclui qui joue le rôle d'un fils. Jean-Pierre Duquette a déja insisté sur «la prise de la parolc, ici, [qui] a toujours été opérée par ks filsl.» La Bible cst claire à cc sujet : qu'on l'appelle "Filli de Dieu» ou "Fils de l'Homme», Jésus est bien «cc fils [quiJ porte l'univers par la puisl\ancc de sa parolc (1 Il! 1 :3»). Diclace, admirant le Survenant, sc mire Cil lui comllle en lin fils, m:lÏs Ill' peut qUl' se lais~cr dominer par «une ~i savanll' façon de parkr» (S, Il9), car hll Ile ~ait Il.I'; "k

lour de parler .. (S, 139). Comllle pour ÂngélIna, k SUIVL'll,lllt IH0tc lot:! VOIX aux pl'l1,~l'''' de Didace, il lui permet de voir St r~véler un monde Oll la hcalltl~ ct k d~sir ont kur

place.

La parole du Survenant, comme ceHe de Jésus, ne révèle pas que des merveilles. Elle met en garde et accable les péchcurs impénitents. lorsqU'II blâme la paresse ct la nonchalance d'Amable, le Survcnant bâille, «comme si, cn parlant ainsi, uniquemcnt par condescendance, il accomplissait une corvée dénuée d'intérêt à ses ycux, mais néccs~airc aux autres» (S, 117). Jésus accomplit cette même mission à chaque fois qu'il s'adrcs~c à ses ennemis, aux scribes et aux pharisiens; pour les croyants, sa parole revêt alors l'importance d'une condamnation. Autorisés à devenir juges, Ic Survenant et le Christ n'ont d'autre choix que celui de parler par scntences. Leurs paroles ainsi consignées seront autant de verdicts auxquels les générations se rapporteront.

J.-P. Duquette, Germaine Guèvremont, une route, une maison, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1973, p. Il

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(

Porteur d'un souffle nouveau, véritable «annuntiator», le Survenant, pour être écouté, emprunte à Jésus sa rhétorique ct ses images. Comme le Christ avant lui, il

enjôle, harangue, mystifie, puis suggère, invite ct séduit ceux qui l'écoutent; comme le Christ aussi, il propose en paroles un monde nouveau et révèle le sens oublié des paroles anciennes.

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24 chapitre dcux: LE NOMADE

Les renards ont des tanièrcs. les OiSCcl\1X du ciel ont des nids; mais le Fils de l'Homme n'a pas 011 reposer la tête.

Luc 9:58

Vous autres. VOliS savez pas cc que c'e~t d'aimer à voir du pays. de se lever ,lvec le jour. un bC.1U matin. pour filer fin seul [ ... ] tout son avoir sur Je dos.

Germaine Guèvremont.

V

S~II.VerElllt

})arl11i les attribut, du hérm qui 011t été IlH.:ntiolllll-s dan\ l'introducti(lll, il l'Il l:~t

un qui sc rattache tout particulièrement CIlI\ pcrsollnallt0 ... du Chri\t ct du Sur \'l'Il.lnt,

c'est-à-dire ]a propension au déplacement. tn effet. ils sont tous cleu.\ des nOlllade .... des marcheurs, dcs itinérants. Le Survenant, on le sait, est gUlllé par «~on désir d'ouverture aux dimensions géographiques [ ... ] des terme incognitae'.» JI aime le vaste monde pour l'cxplorer, le découvrir et, ce faisant, comme les romantiques, entreprendre un voyage intérieur. Le Christ est davantage mû par la nécessité du pèlerinage. Mais la pérégrina-tion est la même, issue d'un renoncement à chaque départ. Cette rupture "confère à tout voyage une connotation initiatique - celle de ]a quête, de l'épreuve, du pa~sage des hommes, du Grand Voyage qui fait méditer sur la mort - 2.» Au bout de cette route, il ya nécessairement un Nouveau Monde. Il reste seulement à savoir quand s'achèvera le voyage.

Jung n'hésite pas à rattacher au mythe du héros Ic motif de la pérégrination:

Bernard Bcugnot et al., Voyages: récits et imaginaires, Paris, Biblio 17, 1984,

p.

IX.

2 Ibid., p. 17.

(30)

Les héros sont souvent des voyageurs (Gilgamesh, Dionysos, Héraclès, Mithra, etc.): ]e voyage est une image de J'aspiration, du désir jamais éteint, qui ne rencontre jamais son objet' .

JI s'est intéressé à J'image de ces héros voyageurs et a retrouvé dans ]e Coran les premières traces d'un «Juif errant» «qui a marché jusqu'à ce qu'il fût arrivé aux régions où ]e soleil se ]ève.2», personnage légendaire qui aurait continué à errer depuis et qui serait immortel. La figure du (<Juif errant» a persisté, puis a été remaniée de nombreuses fois\ En cc qui nous concerne, c'e1>t J'archétype de ce héros nomadc qui est immémo-rial, au-delà de j'immortalité ~lIpposé(' du pèlerin.

La propcllo.;ion au voyage et à ]'enance est amsi ]e heu d'unc parenté avec ]e so]eil, la «course du héros» étant associée à la «course solairc» ou «course céleste». Au cours de ce voyage, Ic héros, comme ]e soleil, «marche du ]ever au coucher au-dessus du monde tout entier.» Engagé dans un cycle - solaire - dont il ne peut sortir, ]e héros e5.t be] et bien cette

figure de l'être qui passe de ]a souffrance à ]a joie et de ]a joie à ]a souffrance, qui tantôt te] ]e soleil, se tient au zénith, tantôt est plongé dans ]a nuit noire et renaît dans cette nuit même pour un nouvel éclatS.

Cette image de héros voyageur contient «le point de départ psychologique de ce qu'on nomme "]e voyage céleste de l'âme.,6» vers l'intérieur de soi et qui s'apparente

C.G. Jung, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie, 1987, p. 345. 2 Ibid., p. 328. 3 Voir ibid., p. 326. 4 Ibid., p. 178. !l Ibid., p. 295. 6 Ibid.,p.178n.

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26

au processus d'individuation. La pérégrinatioo du héros est le symbole de cc voyage intérieur dont le moteur est l'éncrgie psychique, car (.c'est en général l'énergie psychique, la libido, qui crée l'image de la divinité en utilisant dc'i modèles archétypi-ques·.»

Le héros doit repartir, continucr sa routc. Une pause trop longue dans cc voyage cOIJespondrait à un arrêt du processus d'individuation. La mohilité du héros symboli~e donc l'indispensable production d'énergie psychique.

La production ct la circulation de l'élll'Igit: psychiqllc procèdl' d'un cyl'll' qlll' nOlis

avons al\';;ocié à CCItIl du soleil. Ce cycle, éllt:rgétiquc, e~t all""i celui de la lIaturc. ))C<; images s'y rattachent dans Le ~~Irv('nant:

une fcuille tombc, une autre feuille la remplace (S, 76)

le départ des oiscaux sauvages est nécessaire, à l'automne,

r ... ]

.1 engendre la fidélité du retour, au printemps (5, 66)

Le ciel pompe l'eau de la mer ct retournc le sel à la terre. On dirait (Ille faut que tout recommence dans cc bas monde (S, ] ]8)

Le héros, sans cesse en mouvement, participe à ce cycle, ou cn c~t le moteur symbolique. S'il fallait que le héros se fixe, le cycle menacerait de s'arrêter.

Il est dans l'ensemble de la Bible un motif qui revient constamment, cclui de la Marche, associé dans]' Ancien Testament au rachat du peuple jui f, mai~ qui rcnd compte de toute destinée humaine. L'homme biblique est avant tout un marchcur ct J'étymologie nous le confirme, «hébreu'> se traduisant par «celui-qui-pa\se... Dès la Génèse, il faut entreprendre un voyage qui mènera à la Terre promise. L'Exode à son tour est une marche vers Dieu, à travers le désert, sans guide et sans balise. .Jé~ll'i sera appelé à

C.G. Jung, M~tamorphoses de l'âme et ses symboles, Genève, Georg & Cie, 1987, p. 166.

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(

tracer la véritable orientation, «voie nouvelle ct.vivante') (He 10:20), et les apôtres après lui devront continuer sur cette route, tous successeurs des pèlerins d'Emmaüs:

Le Messie lui-même a été un errant [ ... ]. La diffusion du christianisme est en rapport symbolique avec le cheminement de l'homme qui retroune vers le jardin d'Eden et le monde des pasteurs errants mais qui ont un guidel

AinsI, les voyages de Jésus entre la Judée, la Galilée, la Samarie, puis vers Jérusalem, procèdent dc cette nécessité du nomadisme originel. Au long de son ministère, le Christ est constamll1cnt en chemin. Il s'arrête chez les gens qui ouvrent leurs mai '\011'\ pour l' accuèi Il i r ct cc ~ont là les seulcs, rcl;î.chcs de sa pérégrination. Pour

GCI1I1;IJIlC Guèvrclllont le SUI venant es,t It.: «symbole priVIlégié de CC' peuple cie "nol11adl'~

qui chclchcnt ulle patrie perùuc"2.» Jc,lIl-Picrrc Duqucttl:, dans son ouvrage sur Germaine Guèvremont, con~acre un chapitre à l'étude des thèmes complémentaires de l'enracinement et du nomadisme. Il associe le Survcnant aux «inombrables "Canadiens errants" du roman canadien traditionnel ou moderne\), puis à un «continuateur de la race des coureurs des bois4.» Lionel Groulx souligne ainsi que l'expérience de l'espace est primordialc pour les habitants de cc pays: «Grâce au fleuve, pays ollvert par les deux bouts, ct vers l'Atlantique ct vers le mystérieux Orient, le Canada invite à l'initiative, à l'esprit d'aventures.»

1 Northrop Frye, Le Grand Code, Paris, Seuil, 1984, p. 224.

2 Jean-Pierre Duquctte, Germaine Guèvremont. une route. une maison, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 1973, p. 5.

) Ibid., p. 59.

4 Ibid., p. 74.

5 Lionel Groulx, Histoire du Canada français depuis la découverte, Montréal, L'Action Nationale, vol. l, 1950, p. 36.

(33)

28 Le Survenant avoue lui-même: «Partout où c'est que je pa~!I(" j'ai coutllme de

[ ... ]» (S,3D); c'est donc dire qu'il crre d'un lieu à un autre ct qu'il séjourne parfois ici ou là, à la faveur de l'hospitalité, COlllllle le fait Jésus. Il ('o;t vr.ti que le voyage et k vaste monde exercent sur Ic Survenant unc fascination sans pareille. Aux (ltr~s du pl-r~ Didace, «il avait qu'une blonde» (MD, 75), la route. Du Chenal du MOIll~ à Sorel, 1.1 distance est longue, mais Ic Survenant la Iranchlt à pied, "par bc,>orn de sc Mlas!ler ks jambes» (S, 25). Il se plaît aussi à penser qu'il est parent avec œ, «Beauchcnlin», dont le nom suggère un amour des routes ct dont les ancêtJc~ "Ile tenaient pas cn plaC'C.) (S,

) 36). Et s'il admire les itinérant", il reproche aux sédentaire,,'

VOLIS aimC'! miellx piétonner tllllj(lllr~ à 1.1 lIlêll1L' pl.I('(', pIlé ... l'Il dl'lI\ ~lIr Vll\

terre" de petites grarlt!cl!rs [.,.] vou, aUIC! dOIl(' Janlal ... IIL'n vu dt' V(ltrl' vÎ\',lIl!

(S, 170).

Nous devons nous rapporter ici à une figure de nomad~ bien connue all Québec, celle de l'Indien. Selon Jung, elle fait partie de l'inconscient collectif des Américains du Nord:

La terre vierge, par ses implIcations, fait partout descendre l'II1Collc;('Îcnt du conquérant au niveau des habitants autochtones. Ain~i exic;te-t-1I, cntre la conscience et l'inconscient des Américains, une distance qu'on ne trouve pas chez l'Européen, une tension entre une très haute culture consciente et une primitivité inconsciente directe'.

Pour les Québécois, situés sur cette même terre vlCrge, l'Indien inspire ct fascine. On lui a vite attribué un frère de sang: le colon. Il trouve sa place dans l 'histoire à SOli arrivée en Nouvelle-France. La terre vierge lui offre Ull «espace de démeslIrc1,,; le

1 C.G. Jung, L'Ame et la vie, Paris, Buchet/Chastel, 1965, p. 195.

2 Christian Morissonneau, «Les deux sauvages», dans Gilles Thérien (dir.), Les Figures de l'Indien, Montréal, Les Cahiers du département d'études littéraires de l'UQAM, 1988, no.9, p. 338.

(34)

(

grand fleuve devient un «chemin qui marche vers tous les possiblesl.,. Il cohabite avec

les Indiens égalitaires et cctant qu'il le pourra, il partira ou rêvera de partir», vers un «aillleurs meilleur au bout de la rivièrel

.» La forêt l'appelle et même s'il s'arrête dans les chantiers, il reste indomestiqué, ingouvernable, comme l'Indien.

Souvent appelé «Sauvage», il a malgré tout été «confondu avec le cultivateur en

pllis~anc(' qu'on voyait en lui el avec l'homme des bois qu'il actualisait4.» Ce

personna-ge, légendaire, à la fois coureur des bois et habile fermier, véritable synthèse des contraires, confirme son appartenance au mythe du héros et notre héros, le Survenant,

apparl'Ilt~ à un «Sauvage» par Pierre-Côme Provcnç'al cst bel et bien un dc ccs pionniers à l'c!.prit ouvert, à l'aise dans le changcmC'nt, pcut-etre parce que peu

stahle territorialement, [qui] possède un c~prit d'entreprise et un sens de l'innovation qui ont toujours étonné\

Selon Christian Morissonneau, ces hommes, et le Survenant avec eux, sont plus que des défricheurs et des aventuriers:

Et s'il fallait reconnaître que le changement ait pu passer par ces pionniers plus attirés par l'aventure et le gain des chantiers que par les progrès de l'agriculture6!

Et nous concluons avec lui:

Christian Morissonncau, ceLes deux sauvages»), dans Gilles Thérien (dir.), Les Figures de l'Indien, Montréal, Les Cahiers du département d'études littéraires de l'UQAM, 1988, p. 338. 2 Ihid., p. 339. 3 Ibid., p. 339. .. Ibid., p. 340. s Ibid., p. 341. 6 Ibid" p. 341.

(35)

.'

La part nomade donne la saveur la plus singulière du Québec, celle qu'on peut suivre depuis trois sièdcs[ ... ] le pionnier est fils d'épopée. 11 représente la part obscure, la part souterraine, celle qui tient ct se tient dans le temps des fondations; cette part qui se fait dans la mouvance·.

30

C'est dans et oar cctte nt\~essaire mouvance des péri0dcs de changelllents que le Survenant s'cst fait (,onnaitrc, ct comme le Christ Cil son tcmps, il cn aura été le mot~ur

symbolique. Pour les gens du Chenal du Moine, le Survenant c~t un pao;sant, un .,Grand-dieu-des-routes», ou une «ramas!.ure des routes»; tous comprennent qu'il ne r~~tcr,t pa, toujours parmi eux, Didace ct Angélina kl\ premiers, ct que la routc ri'que de Il' reprcndre. Quand il est P,UII, Ang01lna (kvinl' même (11Il' "jall1;\15 le Survenant Ill' rL'pa)!.erail par le même (hemin') (!vID, (2) ct r0pètc pour dk ~l'lIk: .,Rollte inmll1L'. ("c~t

toi, avee ton va')tc monde, qUI me l'a ... pris, le Survenant» (1\1 D, (2).

NOliS retrouvons beaucoup, dans Le Survenant, l'image de la barque, aussi liée

au thème du voyage et du déplacement. Le personnage, voyageur dans l'âme, aime naviguer, avironner sur les chenaux et prend plaisir à construire un canot. Pour Gilbert Durand, cette image d'embarcation, chère aux écrivains romantiquco;, n'cst pa, uniquement rattachée aux mythes dc voyages. Elle représente aussi le bale.lu du paso;clIr (celui du flcuve Achéron, qui faisait traverser les morts au royaume d'Hadès), qui transporte l'âme vers la mort. L'auteur ajoute: «La barque, fût-clic Jl\ortuaire, partiCipe [ ... ] en son essencc au grand thème de la berccuse maternelle2

••• Sur les caux, on entreprend donc un voyage vers l'inconnu. Mais le navire, constitué d'un habitacle, ou prenant l'apparence d'un berceau, suggère au~si l'intimité, la sécurité, propres à la réflexion: «Jésus partit de là en barque pour sc retirer à l'écart dans un endroit sauvage ••

Christian Morissonneau, «Les deux sauvages." dans Gilles Thérien (dir.), Les Figures de l'Indien, Montréal, Les Cahiers du département d'études littéraires de l'UQAM, 1988, no.9, p. 340-343.

2 Gilbert Durand, Les Strllctures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Bordas, 1969, p. 287.

(36)

(

(Mt 14: 13). La réflexion ct le voyage spirituel vers l'inconnu sc font aussi en marchant. La marche, image romantique choyée, n'est pas seulement inscrite dans la destinée des hommes, clic est aussi une expérience du sentiment de liberté: "Psychologically rnany walkcrs know [ ... ] the expericllce of unburdening themsclves on the walk [ ... ]. To rccovcr the self mcans to Icave society and history and rcturn to nature free as a birdl

Notre Survenall~ marchc donc du même pas que \VaIt Whitman (Song of the Open

Ro~D ou William \VordsWOrlh:

No\\' 1 am frcc, cnfranchi~'d and at large, t",'ay tix ml' habitatiufi wh~rc 1 wlii.

\Vhat dwl'lling shall rcC'~ivc me? ]n wlla! Vak ShaH be my harbour? Underncath what gruvc ShaH 1 t.1J...e up my home, and what swcat strl!am Shall with its Inurmur ]ull me to my rest?

The carth is ail bcforc me: with a heart Joyous, Ilot scar'd at its own liberty, 1 look about, and should the guide 1 chuse Be nothing heUcr than a wondering cloud, 1 cannot miss my way2.

Le «Grand-dieu-des-routes» est descendant de Gilgamesh, Dionysos, Mithrà ou Ulysse, héros voyageurs; il est à notre époque frère de sang des Indiens ou des coureurs des bois ct pourrait rencontrer, le long d'un chcmin, un vagabond romantique. Mais il

reste avant tout à l'image du Christ, le pèlerin, le colporteur d'idées nouvelles et de Révélation.

1 J.C. Robinson, The \Valk. Notes on a Romantic Image, Norman, University of Oklahoma Press, 1989, p. 19.

(37)

32 chapitre trois: LES FEMMES

Que celui de vous qui est sans péché lui jette Ic premier la pierre.

Jean 8:7

Vcnant s'indigna:

- Des ll1aldi~nccs, tout ça, ricn que des l11aldi~an('Cs! Comme de raison, une étrangère c'c~t L1ne méchante ( ... ]

G. Guèvrcmont,

I.e

S\l[~\'DÂ1l1

Lc~ pcrs.onnagcs de fClllllles (le) hangilè, s'llffn:ll! au kcll'ur COlllllll' é1ut,lll! d'énigmes. Lc p1lJfanc, cumille l'exégèll', doit lill' entre le, ligllL'" ~'ll veut tlllllplcndil' quelle était vraiment l'OpllllOJ1 de Jésus. 5.ur la felllllle. Il en c)! ailllli du Smwnant. 1.(' héros, célibataire, est entour~ de femmes ct exerce une influencc irrési~tihlc sur leurs destinées. Mais peu d'indices nous sont offerts sur Je fondement de sa pcn~6.\ qu'il faut savoir déceler dcrrière ses faits, gestes ou dnes.

Certains théologiens se sont occupés de f1.!cen~cr les femllles, alltrc~ que la Vierge, que rencontre Jésus lors de SOIl ministère. Leurs conclusions nous éclairent sur certaines des motivations du Christ, qui rejoignent l'essence de son l'nscignc111cnt et de sa mission. De même, les femmes permettent au Survenant de montrer en partie ~a vraie nature ct de mettre en valeur la Révélation dont il sera l'agent.

Le Christ et le Survenant arrivent tous deux dans un monde régi par une Loi archaïque et solidement implantée; la femnle occupe donc un rôle qui lui C\t dévolu

d'office. L'attitude du héros vient ébranler les bases de la Loi, ri~qllant de provoquer le scandale. Angélina, transformée par l'amour, sera le principal symbole de l'influence du Survenant. Tout comme Jésus, le Survenant devient le porte-parole d'une libérali'>:t-tion qui tend ici vers la reconnaissance de la dignité féminine.

(38)

(

Les signataires de la Loi mosaïque et à leur suite les contemporains de Jésus, étaient peu sen~ibles à la condition féminine. Le Lévitique énonce même des règles qu'il n'était pa') que~tion de transgresser en Israël, quant à la fréquentation des femmes. Ainsi, il ne fallait pas accepter l'hospitalité d'une femme et encore moins encourager l'intunité avec elle. Son devoir consi~tait à s'occup~r de la maison et à préparer le repas. Un maître, ou «rabbi», tel que l'était Jésus, ne devait pas même approcher les femmes, ni ~e faire ~ervir par elles. Il va sans dire que celles qu'on soupçonnait d'impureté ou d'adultère étaient traItées avec haine et mépris, et méme parfois lapidées. C'est dans un

1Il01lC!l' gouverné pltf ces préceptes que naît ct grandIt Jé<;u<;. Adulte, et Investi du rôle

dl: Rl-(kl1lpteur, Il tr,lI1~grl''')L'la pUI) tramformera les codes de S~'\ ancêtr~):

Ile

Chri\t] a manifc\té une si touchante délIcatesse à l'cndroit du monde félHlllin. [ ... ] A la dIfférence des paraboles des rabbins qui ne parlent que rarement des femmes, cc;lcs des Synoptiques mentionnent volontiers les préoccupations et les joies des femmes!.

Le Survenant arrive au coeur d'un monde qui a le plus grand respect pour les valeurs des anciens. Il admire d'emblée leur fidélité naive et fruste, mais il apporte un vent de changement, que ses proches ont tôt fait de sentir, sans en saisir la véritable portée. La famille et le travail sont au coeur de la tradItion. La femme «est définie par son rôle d'épouse et de mère, au service de son mari et de ses enfants. [Sa] première fonction untversellement reconnue [".] est celle de la procréation2

.» Ses joies ne peuvent se trouver ailleurs que dans la satisfaction de veiller sur sa famille et sur sa cuisine; aucune place n'est faite pour ses émotions, désirs, aspirations. Janine Boynard-Frut, dans une analyse sodo-sémiotique, observe la situation de la femme dans le roman québécois entre 1860 ct 1960 et conclut:

2

A. Feuillet, Jésus et sa mère, Paris, J. Gabalda et Cie, 1974, p. 232.

Paul-André Linteau et al., Histoire du Québec contemporain, Montréal, Boréal Express, t.l, De la Confédération à la crise, 1979, p. 219.

(39)

.'

La représentation de ]a femme dans le .roman du terroir c!.t celle d'une sujette inapte à faire, inapte à dire, inapte à être, sinon cn J'état dégradé que réalise sa position de subordination dans son rapport à ll)ut sujet'.

34

L'Eglise exerce son hégémonie sur les moeurs ct ]es pcn~éc'i, de concert avec «l'idéologie agriculturaliste qui est un parti pris d'ldéali~ation de la vie rurale?)) La femme est comme ]a terre, immuable, statIque' ct éventuellclllC'nt c,,"ploitéc. Elle !.L'1,1 donc un personnage humilié ct passif. Dans cc s)'!.tl:n1l' dominé par les hOlllllles de pè-IC en fils, on sc méfie de ceux qui dévient de l'ordre établi, on juge rt condamne pour un rien celle qui n'a p;1C; de mari ct qui sc promènc aux hra<; des l\OIl1J1ll'), I.e SUI\'l'll.lllt tient !ln tout autre langage ct ('UIltnH? Jéc,u'i, il !o.l'Id. ~()lI\C'llt l'oCL,ct..,illl1 dL' ~rdnd.tk,

Ces femmes qui entourent le Clui)t l'Ile Survenant appartiL'IlI1Cnt à lroi .. groupe..,: celui des infirmes, celui des mères et celui des prostituées.

Durant son ministèrc, Jésus s'arrête dans les villages pour guérir ceux qui ~()nt malades. Parmi ces invalides se trouvent un grand nOl1lblC (le fcmmes, la femme courbée, la belle-mèrc de Pierre, }'hémoro'lssc, etc., qui sont guéric'i, cxorci<;l\~'i ou réanimées par le Christ3

• JI est à noter à cet égard que

les femmes qui suivent Jésu!) )nt souvent des femmes que Jé<;lIs a guéric') physiquement, psychiquemenl ùu spirituellement. Ayant retrouvé leur état de santé, elles demeurent présentes à Jésus ct l'entourent de leurs altcn-tions4

1 Ianine Boynard-Frot, Un Matriarcat en procès, Montréal, Les Presscs de l'Université de Montréal, 1982, p. 191.

2 Ibid., p. 211.

3 Voir Jean-Pierre Charlier, Signes et prodiges, Pans, Ed. du Cerf, 1987, p. 38-29.

4 Monique Dumais, Les Femmes dans la Bible, Montréal, Ed. Paulincs, 1985, p.

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