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Fracture numérique

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Submitted on 17 Aug 2014

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Fracture numérique

Antonio Casilli

To cite this version:

Antonio Casilli. Fracture numérique. Alain Bihr, Roland Pfefferkorn. Dictionnaire des inégalités, Armand Colin, pp.172-173, 2014, 9782200279240. �halshs-01055876v2�

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Antonio A. Casilli (2014) « Fracture numérique », in Alain Bihr & Roland Pfefferkorn (dir.)

Dictionnaire des inégalités, Armand Colin, p. 172-173.

Fracture numérique

Entre la fin des années 1990 et la moitié des années 2000, la notion de fracture numérique (digital divide) a dominé le débat public portant sur les inégalités dans l’accès à Internet. Initialement proposée par le conservateur britannique Simon Moores, cette formule doit aujourd’hui être réexaminée d’une manière critique afin de prendre en compte un plus vaste ensemble de facteurs sociaux influant sur les usages et les non-usages des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Le choix même du mot « fracture » peut être interprété comme un écho du climat social des années de son adoption, caractérisées par d’importants efforts des gouvernements nationaux, aussi bien que d’organismes transnationaux, pour une universalisation des usages de l’informatique connectée afin de permettre l’accès à des services d’une administration en réseau plus efficace et économiquement plus responsable. Ces chantiers se sont structurés autour de mots-clés empruntés aux politiques publiques : la formule « fracture numérique » (calque de la « fracture sociale »), le concept d’« inclusion électronique » (e-inclusion), l’opposition entre « riches et pauvres en information » (rich et

information-poors), etc. Cette origine éclaire aussi la portée idéologique du choix de la locution « fracture

numérique ». Si toute restriction de l’accès aux réseaux de télécommunications se traduisait pour les sujets concernés en une perte d’informations et de ressources, c’est parce que la redistribution sociale des richesses, la solidarité et les rapports humains passeraient désormais par les réseaux de télécommunications. La nécessité de combler le fossé entre usagers et non usagers réaménage les priorités politiques en mettant à l’honneur l’innovation technique, de laquelle la justice sociale deviendrait dépendante.

Discerner la part de rhétorique idéologique de ce concept nous aide à reconnaître les disparités sociales sous-jacentes aux disparités des pratiques numériques : « Les politiques en

faveur des publics éloignés des ‘e-exclus’ sont ainsi des mesures considérées comme étant destinées à des défavorisés numériques, alors que ceux-ci sont évidemment, la plupart du temps, d’abord des défavorisés sociaux. ». (Granjon, 2011, 69-70)

Au cours des dernières années, les principaux axes sur lesquels l’analyse des inégalités d’accès s’articule ont été résumés par Vendramin et Valenduc (2006). L’écart Nord/Sud au niveau mondial (mesurable en termes de taux de pénétration d’Internet) épouse les

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différences géopolitiques et de revenu national brut par habitant entre les pays les plus connectés et les pays les moins connectés. De même, les disparités régionales au sein d’un même pays sont liées aux écarts de développement économique, mais s’avèrent être peu sensibles au clivage entre zones rurales et zones urbaines. Pour ce qui est d’un autre facteur significatif, à savoir la composition familiale, elle influence les usages en présence d’enfants en âge scolaire (ayant donc la nécessité d’utiliser Internet pour leurs devoirs). Les personnes isolées (avec ou sans enfants) peuvent être exclues, mais dans certaines conditions peuvent aussi profiter davantage des usages pour accéder à des services de renseignement ou d’entraide. Les professions jouent, par contre, un rôle plus ambivalent : à une surreprésentation des professions intellectuelles, correspond une progression significative des travailleurs manuels et des personnes en situation de précarité.

Le niveau de formation, le niveau de revenus et le genre des usagers sont des indicateurs forts du niveau (et des disparités d’usages) toutes tranches d’âges confondues, avec des différences moins marquées dans des pays où le taux de pénétration d’Internet est plus élevé Le revenu est linéairement corrélé au taux d’utilisation régulière de dispositifs connectés, mais de manière plus atténuée dans les pays où la disparité des revenus (mesurée par le coefficient de Gini) est moindre.

L’âge, en particulier, s’impose comme un facteur social important pour comprendre les différences d’usages, mais son rôle a été considérablement exagéré depuis l’essor des études sur les digital natives. La forte concentration d’utilisateurs entre 18-49 doit être considérée comme une caractéristique transitoire (les préretraités et retraités socialisés via Internet sont de plus en plus nombreux) et à moduler selon les compétences de ces jeunes utilisateurs, inégalement distribuées au sein d’une même cohorte d’âge et fortement corrélées au genre, à l’origine et à la profession des parents. Plusieurs études plus récentes mettent l’accent sur l’impact de la stratification sociale sur les pratiques numériques en termes de fréquences et types d’usages pouvant entraîner la création d’« habitus informationnels » différents selon leurs classes sociales : les adolescents et jeunes adultes ayant un accès à des dispositifs connectés de plus haute qualité s’orienteraient vers des usages exploratoires et autonomes, alors que leurs homologues issus de familles d’ouvriers ou vivant en dessous du seuil de pauvreté développeraient un « goût de nécessité » plus orienté vers des usages utilitaires et au retour immédiat (Robinson, 2009). La prétendue prédisposition naturelle de la « génération

Y » pour les usages de l’informatique connectée doit alors être interprétée plutôt comme le

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assisterait alors à une « liquidation » des seniors, dont les non-usages devraient être reconnus comme les symptômes de formes plus foncières d’exclusion sociale, politique et culturelle.

Antonio A. Casilli, maître de conférences en digital humanities à Telecom Paristech, chercheur associé au Centre Edgar Morin, IIAC, EHESS.

Références :

GRANJON, F., 2011, « Fracture numérique », Communications, n° 88.

ROBINSON, L., 2009, « A taste for the necessary. A Bourdieuian approach to digital inequality », Information, Communication & Society, 12(4) : 488-507.

VENDRAMIN, P. et VALENDUC, G., 2006, « Fractures numériques, inégalités sociales et processus d'appropriation des innovations », Terminal, n° 95-96.

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