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REVES PREMONITOIRES DES FEMMES
GESTANTES
Alain-Fidèle Mansiantima Miankenda
To cite this version:
Alain-Fidèle Mansiantima Miankenda. REVES PREMONITOIRES DES FEMMES GESTANTES. Psychologie et Société Nouvelle, entre Africain de Recherche et d’Action Sociales (CARAS), 2013, Économie, Société, Éducation, Psychologie et Société, X.II (1). �halshs-01261876�
REVES PREMONITOIRES DES
FEMMES GESTANTES
Par MANSIANTIMA MIANKENDA AlainFidèle Assistant à l’ISTMKimpese, B.P.62, IMEKIMPESE/BasCongo/R.D.C. Tél : (+243) 81 857 51 07 Email : mansiantima@yahoo.frRESUME
La grossesse est onirogène. Elle a un impact significatif sur les activités psychiques en général, et en particulier sur celles d’ordre onirique.
Ainsi, l’exposé présenté dans les lignes qui suivent contribuera à une meilleure prise en charge de la femme gestante, cela par un diagnostic psychologique affiné et par le counsiling qui limiterait les dégâts de cas d’accouchements prématurés, fausses couches ainsi que les frais d’accouchement par césarienne. I. INTRODUCTION La femme enceinte demande une attention et des soins spéciaux. Cette aide ne peut pas se borner à une assistance purement technique, physique, biologique ou physiologique, mais doit être en même temps psychologique, sinon psychosociale. Selon les études menées sur des adolescentes de 13 à 17 ans à l’hôpital provincial général de référence de Kinshasa (autrefois appelé l’hôpital Mama Yemo), il a été observé 30.3% de cas de mort en couches ; 21.1% de cas de césarienne ; 17.1% de cas de mortnés ; 1.3% de cas de psychose puerpérale (MUZEMBO, B., 2004). En outre, en France on dénombre 12% des accouchements par césarienne contre 20% aux EtatsUnis (DAUM, MF. et al., 1998). On peut se demander si l’environnement mental ou l’état psychologique de ces femmes a été suffisamment pris en compte. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirme que, dans le monde, environ 80% des décès maternels résultent directement des complications de la grossesse, de l’accouchement ou des suites des couches (OMS, 1999). Pourraiton éviter ces accidents et comment ? Dans le même ordre d’idées, il est observé que pour un bon nombre de fausses couches la cause est inconnue ou difficile à mettre en évidence (ROTSART DE HERTAING, I. et COURTEJOIE, J., 2001). A la vue de ces constats, il y a lieu de s’interroger s’il n’y a pas une composante psychologique qui n’a pas été prise en compte, afin de réduire tant soit peu les dégâts ? Nous pouvons sans doute penser à un manque de préparation psychologique dont les femmes enceintes sont victimes. Dans notre travail de fin du premier cycle à propos de l’opinion des chrétiens sur le rêve, nous avons constaté que les sujets féminins y attachent plus d’importance (MANSIANTIMA, M., 2003).
S’agissant du sexe ratio, les femmes rêvent plus que les hommes et se souviennent plus facilement de leurs rêves. Les études scientifiques ont montré que si l’on réveille une femme en phase du sommeil paradoxal, 95% en donnent un récit cohérent contre 80% pour les hommes. Il reste à savoir pourquoi les femmes rêvent plus que les hommes ?
De plus, les rêves des femmes sont deux fois plus longs que ceux des hommes, mais généralement avec un contenu plus désagréable (cauchemars, anxiété, …) (CRABBE, JM., 2002). En outre, en milieux urbains ou en campagne, les attentes de la femme enceinte se traduisent plus souvent par des rêves de mise au monde. C’est dire que le rêve est aussi le signe par lequel l’avenir est perçu.
Au cours d’un entretien sur les rêves prémonitoires avec les femmes gestantes fréquentant le service de gynécologieobstétrique de l’hôpital de N’djili, cellesci ont reconnu avoir fait un accroissement d’activités oniriques par rapport à leur état normal. Les observations suivantes ont été notées : sur 30 femmes enceintes, 10, soit 33.3% ont reconnu avoir fait des rêves prémonitoires. Quel a donc été le contenu onirique de ces 33.3% ? 6 femmes ont fait des rêves avec détermination des sexes ; 2 femmes ont vu naître des jumeaux ; 1 femme a rêvé un mortné ; 1 femme a vu naître un infirme. Ces femmes ont des statuts civils (célibataires, mariées) et gynécologiques différents (primipares, multipares, grandes multipares) ; et témoignent avoir des rêves avant la conception, au début ou à la fin de la grossesse.
Toutes ces considérations sur le rêve alimentent l’environnement mental de la population congolaise en général, et en particulier celui des femmes et autres jeunes filles avec ou sans grossesse. Eu égard à ce qui précède, quel que soit le niveau d’instruction, l’homme a toujours cherché la signification des productions oniriques. Cellesci tiennent compte des croyances ancestrales, des valeurs socioculturelles actuelles et des structures et modes de pensées. Ces faits motivent nos multiples interrogations : Yatil une relation entre la grossesse et l’intensification des activités oniriques chez les femmes gestantes ? Comment cette catégorie de femmes perçoitelle ces rêves dont la plupart ont un caractère prémonitoire ? Quel est le contenu de ces rêves ? Et quelle est l’opinion de ces femmes vue la coïncidence de ces rêves et leur réalisation ? Pour pouvoir répondre à ces questions, nous avons mené notre étude à l’hôpital de N’djili de Kinshasa, en République Démocratique du Congo. II. METHODOLOGIE : Méthode, Approches et Techniques La présente étude est essentiellement prospective, raison pour laquelle nous avons privilégié l’observation des faits comme méthode. Il s’agit de décrire dans une double perspective : extrospective et introspective. Celleci implique que l’attention soit centrée sur l’objet d’étude : le phénomène onirique.
Comme approches, nous avons privilégié : l’approche clinique, ou « étude de cas », vue le caractère individuel du phénomène observé.
L’approche expérimentale, il s’agit de l’exploitation des expériences non pas provoquées, mais
invoquées et vécues par des femmes gestantes au cours des entretiens psychologiques individuels.
La technique. Il s’agit de l’aspect instrumental de l’observation. Pour cela, nous avons eu recours à trois techniques, à savoir :
1.Le questionnaire guide d’entretiens cliniques, car l’entretien en psychologie clinique
constitue une des pièces maîtresses du bilan psychologique. 2.Les techniques projectives, à tout prendre, nous avons sélectionné deux tests en vue de dégager quelques indices à la fois révélateurs et significatifs : le test de l’Arbre de Koch et le test de Famille. 3.Les techniques documentaires, fournissent des données et informations contenues dans les dossiers médicaux, les services des archives de l’hôpital. Dans ces dossiers on peut lire les rubriques suivantes : l’identité de la femme gestante, les renseignements généraux, les rendezvous, la perte de sang, la décision de la maternité, la conclusion, l’accouchement. 2.1. Qui sont ces femmes ? Nous avons choisi 20 (échantillon aléatoire) parmi les 65 (population) qui devront accoucher dans les trois mois (février, mars et avril de l’année 2005) de notre enquête sur terrain. Dans l’ensemble, ces 20 cas ont été analysés en « post face » en vue de mettre en évidence et de confirmer la dimension prémonitoire des productions oniriques. 2.2. Dépouillement des données Les données sont recueillies et dépouillées sur base du thème général rêve et grossesse. Ce thème renferme les sousthèmes suivants : L’histoire de l’enfance de la femme gestante et du mariage, Le vécu de la grossesse actuelle et/ou des anciennes, L’activité onirique de la femme en situation de grossesse, Les données des tests (de l’Arbre et dessin de Famille). Nous avons aussi tenu compte des indicateurs sociaux, notamment, l’âge de la femme enceinte, sa position dans la fratrie, son niveau d’étude, le nombre de grossesse, la tribu (ou la province d’origine), l’âge et la catégorie socioprofessionnelle du géniteur. Les données cliniques sont obtenues au cours des entretiens psychologiques duels « cliniques armées ». Par ailleurs, les cas présentés ont été étudiés en tenant compte des normes d’éthique et déontologiques, c’estàdire, les noms et postnoms ou prénoms sont des pseudonymes. De même, toute modification des lieux et dates sont rendus anonymes pour les mêmes raisons d’éthique. Cijoint en annexe, à titre illustratif, le cas Denise.
Nous présentons de manière synoptique dans le tableau qui suit, et cela pour chaque cas, les productions oniriques d’une part, la réalisation de ces rêves et le profil de personnalité d’autre part. Les cas sont numérotés de 1 à 20. 2.3. Données cliniques de nos parturientes avant et après l’accouchement Cas cliniques Productions oniriques prémonitoires Réalisations : coïncidences Profil de personnalité : Indices graphiques 1. Denise « Une ambulance de la maternité Bomoï de l’Armée du Salut… femme et bébé ensevelies… » Naissance d’une fille Introversion Hypersensibilité et sensitivité Aptitudes intellectuelles moyennes 2. Clotilde « Je mets au monde un nourrisson de sexe
masculin » Naissance d’un garçon
Intelligence moyenne Introversion Moments très forts d’extratensivité 3. Françoise « … les amis m’informent de la naissance d’un beau petit garçon » Naissance d’un garçon Insuffisances intellectuelles Sensibilité Introversion 4. Nzeyidio « ... mon plus beau rêve parlait de la mise au
monde d’une fille » Naissance d’une fille
Sens d’observation affecté Introversion avec dominante d’extratensivité Grossesse = monde opaque 5. Sonia « J’ai mis au monde un petit homme, souriant et beau » Naissance d’une fille Insuffisances intellectuelles Nette tendance à l’introversion Moments très forts d’extratensivité 6. Thérèse « … souvent, je rêve des
bébés filles » Naissance d’une fille Insuffisances intellectuellesFixation au stade phallique Introversion
7. Augustine « Je me vois mère avec
un nourrisson en mains » Naissance d’une fille
Intelligence endessous de la moyenne Personnalité schizoïde Introversion 8. Jeanne « J’ai mis au monde un petit garçon… Toute la famille était en liesse » Naissance d’un garçon Aptitudes intellectuelles pratiques Fixation à des états infantiles Tendance à l’introversion et des moments d’extratensivité
9. Nkiawete « Souvent, je mets au
monde un garçon » Naissance d’un garçon
Intelligence frustre Concentration faible
Tendance introversive avec des moments d’extratensivité 10. Melima « …une voix qui me dit :
c’est mon fils » Naissance d’un garçon
Intelligence pratique, manuelle Sensitivité Introversion 11. Bernadette « … je voyais naître une
jolie fille » Naissance d’une fille
Faible aptitude intellectuelle Difficulté de communiquer Nette tendance à l’introversion 12. Mamie « … j’ai mis au monde un garçon, mon mari vint
m’embrasser » Naissance d’une fille
Intelligence moyenne Impulsivité
Introversion et moments d’extratensivité
13. Honorine « … une jolie fillette me
désigne pour sa maman » Naissance d’une fille
Infantilisme Aptitude intellectuelle très faible Introversion et moments forts d’extratensivité 14. Véronique « … nous tenions un bébé, un beau petit
garçon au milieu » Naissance d’un garçon
Intelligence pratique Introversion avec des moments forts d’extratensivité 15. Espérance « En rêve notre prophète me dit : « Tu vas mettre au monde un envoyé de Dieu comme moi » » Naissance d’une fille Aptitude intellectuelle moyenne Fixation au stade phallique Introversion avec des moments très forts d’extratensivité 16. Katy « J’avais mis au monde un garçon, ma mère morte est venue m’aider » Naissance d’une fille Aptitude intellectuelle moyenne Fixation au stade phallique Introversion avec des moments très forts d’extratensivité 17. Mado « …à la maternité, soudain, j’ai fait un mort né » Naissance d’un mortné Intelligence pratique Sensibilité Introversion avec des moments très forts d’extratensivité 18. Clémentine « …le plus agréable rêve et récurrent est imagé par
la naissance d’une fille » Naissance d’une fille
Intelligence faible Infantilisme
Introversion avec des moments très forts d’extratensivité
19. Judith
«Mon dernier rêve est résumé par la naissance
d’un garçon » Naissance d’un garçon
Intelligence faible Infantilisme Difficulté de communiquer Nette tendance introversive 20. Moseka « …j’avais vu maman me dire que je mettrai au
monde un garçon » Naissance d’un garçon
Intelligence moyenne Infantilisme Introversion et quelques moments d’extratensivité Source : Tableau réalisé par nousmême pour illustrer l’analyse d’avant et l’après accouchement et le profil de personnalité. Constats : 1. La relation entre l’état de grossesse et la production onirique a été mise en évidence au cours des données cliniques avant l’accouchement. 2. Au niveau de la personnalité, les épreuves projectives ont mis en évidence l’importance des traits des caractères qui sont communs à toutes ces femmes gestantes :
a) L’introversion est un trait commun à toutes les femmes. Ainsi, la grossesse est un moment fort de la maternité et a donc une résonance intime particulière. La grossesse confirme la femme dans la maternité.
b) La sensibilité, l’hypersensibilité et la sensitivité : devenue sensible ou hypersensible sur le plan affectif, la grossesse rend la femme impressionnable, c’estàdire, capable d’imprimer ou d’actualiser des souvenirs et affects, capable de les recevoir et de les émettre ou de les rendre sous les manifestations oniriques. c) Les aptitudes intellectuelles connaissent une certaine régression qu’on ne peut pas toujours imputée à la grossesse, mais certains états pathologiques, le cas Augustine (cas 7) par exemple, probablement prémorbide, mais amplifié par la grossesse, peuvent être générateur des productions oniriques. Dès lors, l’état de grossesse associé à un état psychique prémorbide peut occasionner des rêves. 3. Les productions oniriques prémonitoires sont d’une interprétation simple et directe. Les femmes gestantes se donnent ellesmêmes la signification de leurs rêves. Le contenu latent est identique au contenu manifeste. Les craintes et angoisses ne sont pas seulement imaginées ou fantasmées, mais également vécues sur le plan du réel.
4. L’analyse en post face des activités oniriques de ces 20 femmes donnent des coïncidences significatives. Nous avons visité ces femmes après leur accouchement. L’enquête ultime montre que 14 femmes, soit 70% ont vu leurs rêves se réaliser.
III. CONCLUSION
Cette étude purement clinique atteste l’existence de la relation plus ou moins directe de l’état de grossesse et l’état onirique, c’estàdire, production de l’état psychique.
La grossesse est onirogène et entraîne l’intensification voire l’amplification de ces productions.
Le caractère prémonitoire reste tributaire de trois facteurs : deux endogènes et un exogène. L’état physiologique et l’état psychique constituent les facteurs endogènes, l’environnement mental constitue à cet effet le facteur exogène.
Toutefois, ces résultats ne sont pas généralisables. Notre conclusion n’est valable que pour les 20 cas étudiés. Et pour étendre cette conclusion sur une large population nous suggérons l’approche statistique. BIBLIOGRAPHIE A. OUVRAGES 1. DAUM, MF. et coll., (1998), Le grand livre de la santé, France Loisirs, Paris. 2. DOMINIQUE, M. et FREMY, M., (2000), Quid, Robert Laffont, Paris. 3. ROTSART DE HERTAING, I. et COURTEJOIE, J., (2001), Maternité et santé, BERPS, Kangu Mayumbe. 4. SILLAMY, N., (1999), Dictionnaire de Psychologie, Larousse, Paris. B. REVUE SCIENTIFIQUE
1. OMS, (1999), Réduire la mortalité maternelle in Déclartaion commune
OMS/FNUAP/UNICEF/Banque Mondiale, Genève.
C. TRAVAIL DE FIN DE CYCLE ET MEMOIRE
1. MANSIANTIMA, M., (20022003), Rêve selon les chrétiens de la Communauté
Evangélique du Congo, TFC, FPSE, Unikin, Kinshasa. 2. MUZEMBO, B., (20032004), Gravidopuerpéralité des adolescentes de 13 à 17 ans à l’hôpital provincial général de référence de Kinshasa, Mémoire, FM, Université Kongo, Kisantu. D. WEBIOGRAPHIE 1. CRABBE, J.M., (2002), Faut pas rêver, http://membres.lycos.fr/jmcmed/reves
ANNEXE
Denise et l’ambulance provenant de la maternité A.Identité
Agée de 24 ans, élève en 2ème année de l’Institut Technique Médical…, mariée à
Monsieur Tolendo, 36 ans, gradué en gestion douanière. Elle est enceinte depuis huit mois. C’est sa deuxième grossesse. Denise est orpheline de père à 16 ans et de mère à 18 ans ; d’une fratrie de 5 enfants dont trois garçons et deux filles, elle est la cadette de la famille. Le couple est originaire de la province de Bandundu, réside à Kinshasa depuis quelques années… B.Extrait du récit autobiographique J’étais la fille chérie et choyée de mes parents, surtout de maman. Ils étaient d’un niveau économique et socioculturel élevé, malheureusement ils sont morts à mon jeune âge. Mon grandfrère aîné m’a prise chez lui mais au prix de châtiments pénibles de la part de sa femme. Vue cette maltraitance qui m’a été influgée, j’avais perdu mon estime en tant que femme et mère. Je me disais que je n’aurais plus que trois enfants au lieu de cinq que je confessais souvent à ma mère. Je voulais faire une famille comme la sienne, mais… Vu le climat défavorable entretenu par la bellesœur, je n’avais plus qu’un choix : chercher à quitter à mes risques et périls. J’avais donc fais connaissance de mon mari actuel. A l’époque il était chômeur, mais il avait déjà « un chez lui » et donc en position d’homme capable de prendre une femme en charge. Il me rendit grosse avec mon consentement. C’était un salut pour moi. Mais, le grandfrère et quelques membres moins influents de notre famille me confièrent sous son entière responsabilité, contre toute attente sans frais, ni dot. Par ailleurs, l’oncle paternel au village n’était pas content de cette décision (elle hoche
négativement la tête).
Depuis lors, mon beaupère et deux frères de Tolendo qui vivaient au village sont venus élire domicile sans avertissement chez nous. Alors que la capacité d’accueil de la maison est très limitée, nous sommes donc à six. La situation est devenue grave : j’ai maintenant quatre maris qui me commandent. Mon beaupère donne des ordres et à mon mari et à moi, je n’ai même pas le droit de protester. Depuis, mon mari s’est rangé au camp de son père ; il ne parle plus de la dot, ni de mes études, moins encore de mon enfant et de l’actuelle grossesse. (Trois mois avant que Denise ne mette au monde, son mari était engagé comme douanier. Sept mois après, il s’était acheté une voiture). Toutes mes entreprises et interventions sont mal perçues pour eux. Je n’ai plus de paix ! Plus de paix… Plus de paix (silence). Rien ne m’attire encore dans cette maison, j’ai même pris une décision de ne plus prendre place à bord de la voiture de mon mari… Dieu m’a crée femme, je ne peux changer de sexe, mais avec mes initiatives, je me prends en charge tant pour mes études que pour ma grossesse, mon fils aussi va mieux !
Pour ma grossesse actuelle je désire mettre au monde un enfant qui puisse être utile dans la société, mais je n’ai pas de paix, avec cet état… (Elle se met à pleurer pendant près de trois
minutes. Signalons que le premier accouchement s’est effectué par césarienne).
Denise reprend d’un ton triste : Je ne fais pas de rêves agréables. Tous sont
inquiétants, depuis le début de la grossesse, jusqu’à maintenant… N’en parlons pas…
Mon dernier rêve est le suivant : « Une ambulance en provenance de la maternité Bomoyi de l’Armée du Salut transportait le cadavre d’une femme déjà encevelie dans un cercueil. J’avançais vers le corps de la défunte, à ma grande surprise un bébé été posé sur ses cuisses. Je voulais les toucher et ma mère (morte) me criait de ne pas y toucher au risque d’être envoûtée par les mauvais esprits »… Parmi mes anciens rêves je me suis vue couchée sur le lit de la maternité à la suite d’une fausse couche. Maman était à mes côtés en qualité d’aide accoucheuse. Mon récurrent rêve est celui au cours duquel je suis victime d’une fausse couche. Ce rêve me revient donc souvent…
Pour moi, tous ces rêves sont des révélations des projets maléfiques de mes adversaires que Dieu ou mes ancêtres morts me révèlent pendant que je dors.
On dit que les jumeaux naissent et informent le rêveur au cours des rêves prémonitoires. N’importe qui peut rêver de cette manière. Içi à Kinshasa, je n’ai jamais vu quelqu’un traduire les rêves des femmes enceintes. Au village, c’est le travail des guérisseurs, des femmes âgées et des personnes expérimentées. Souvent ces rêves se réalisent. C.Analyse psychologique 1.Entretien psychologique Celuici permet de poser quelques questions fondamentales : Qui est Denise ? Quels sont ses antécédents les plus saillants ? Que représentent les rêves à ses yeux en général et en particulier les rêves prémonitoires avant, pendant ou après ses grossesses ? Denise est benjamine dans sa fratrie, et donc un enfant gâté, consciente qu’elle l’a été affectivement par les parents et économiquement par le niveau socioculturel et surtout socio économique très élevé. Personnalité frustre dont les attentes doivent être vite satisfaites totalement et immédiatement. Aussi, les décès des parents à des âges très rapprochés constituent un traumatisme psychoaffectif important et aggravant cette personnalité déjà caractéristique. Le substitut parental du frère aîné n’a pas su totalement remplacer les parents morts : l’épouse du grandfrère apparaît comme une rivale faisant surgir chez Denise l’image de la mauvaise mère. Du coût, le frère aîné à la recherche de l’harmonie conjugale endosse celle de la mauvaise imago paternelle. Bien loin de rejeter son identité sexuelle, Denise limite sa destinée ou son identité maternelle, ainsi, au lieu d’être comme « ma mère a cinq enfants », elle limite à trois le nombre des enfants.
Le vécu familial chez le frère aîné est essentiellement conflictuel. Comment Denise résout le conflit qui l’oppose à sa bellesœur ? La résolution de ce conflit prend une direction intrapunitive : quitter le toit familial « à mes risques et périls ». Denise prend le risque de se faire engrosser par le chômeur ; elle affronte le frère aîné et quelques membres de famille en leur imposant un mariage de fait et sans dot. L’oncle paternel du village est fâché. Denise en est consciente. L’engagement du mari à un poste très enviable est bien loin à attenuer le calvaire de Denise : la capacité de la maison est dépassée, six personnes en tout, dont « quatre maris qui commandent ». Le beaupère ordonne, le mari se range du côté de celuici. Denise, isolée et « esseulée », retrouve son état d’orpheline. Il y a l’absence de la paix, et partant, pas de sentiment de sécurité. Toutes les entreprises sont sans avenir, c’est la mort déjà ensevelie. Comment ces faits vontils se traduire en langage onirique ?
Ses productions oniriques sont très signifiques. Denise voit une ambulance en provenance de la maternité Bomoyi de l’Armée du Salut, ce qui pourrait traduire son désir d’avoir une maternité féconde et sauvée (par l’Armée du Salut). Rêve paradoxal. Dans ce rêve Denise se projette ou s’identifie à une femme (sa mère qu’elle voudrait retrouver) déjà ensevelie ; mère morte, elle se donne un bébé dressé sur ses cuisses. Pour échapper à l’envoûtement maléfique, à la fatalité, seul le bon esprit de la mère morte a constitué ce salut, cette ambulance en provenance de la maternité Bomoyi de l’Armée du Salut. L’environnement mental dans lequel vit Denise croit aux rêves prémonitoires et à leur provenance : de nombreux adversaires au projet maléfique. Ceci justifie le rêve récurrent de fausse couche en rapport sans doute avec un accouchement par césarienne (souvent ces rêves se réalisent). Cependant, Denise dans le vague de la dépression agitée ou d’une névrose d’angoisse présente une très forte capacité de résilience, de rebondir, et qu’elle retrouve toujours dans ses rêves récurrents où elle voit sa mère morte. Denise prend des initiatives, se prend en charge pour sa grossesse et son premier fils. 2.Résultats aux épreuves projectives Pour les deux tests, l’impression globale est affectée, peu harmonieuse, accablante, pâle et presque infantile. Ces épreuves confirment les données cliniques de l’entretien. Denise est restée quasiment infantile. La tendance à la dépression est confirmée, et dénote une angoisse dont le sujet semble conscient.
En outre, on note une tendance à l’inversion et un moyen niveau des aptitudes intellectuelles.
Enfin, Denise apparaît hypersensible et surtout sensitive (capacité de prémonition) : elle peut facilement se détacher de ce qui la choque. Le sujet s’extériorise facilement,
hypersensible à ce qui est perdu. Il se sacrifie facilement en vue de devenir autrement. Il y a risque de dépersonnalisation. Dans le test de famille, Denise se projette sur une famille très restreinte d’enfant unique. Denise, cadette de famille, personnalité frustre, gâtée, évite le contact. D.Conclusion Les rêves de Denise apparaissent en quelque sorte comme étant la satisfaction de ses désirs profonds aux séquelles de ses traumatismes affectifs d’enfance permanents et rémanents ; se soustraire à l’emprise d’une belle famille envoûtante ; échapper au désir de pouvoir changer de sexe… Dans ses rêves où domine le « mourir », le caractère prémonitoire semble s’afficher à travers ses nombreux rêves répétitifs de fausse couche ayant précédé son accouchement par césarienne. On y trouve, en effet, une simple coïncidence significative entre ces fausses et la survenue de la césarienne en réalité. Les épreuves projectives pour profil de personnalité mettent en évidence quelques caractéristiques majeures de la personnalité de Denise :
− Son mode de réaction intrapunitive après frustration et traumatisme anciens actualisés,
− L’hypersensibilité et surtout la sensitivité semblent être à la base psychologique de la prémonition,
− Le type de résonance intime. Tout a tendance à pencher vers la gauche : une personnalité schizoïde qui peut basculer facilement.