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Sur l'interaction entre la science et la philosophie : un rapport de complémentarité

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Academic year: 2021

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RAMIREZ Daniel Mateo École Doctorale : HUMANITES Laboratoire : MAPP

Sur l’interaction entre la science et la philosophie : un rapport de complémentarité Abstract : This article analyses the interaction between science and philosophy as conceived by two opposite points of view. On the one hand, the first one prevents any kind of interaction between the two of them. This attitude, maintained by various scientists throughout the 20th century, insists that philosophers, since they are unable to keep up with scientific developments, should limit themselves to philosophy, and in the same way, scientists should limit themselves to scientific research. On the other hand, the second perspective sees science and philosophy, not as mutually exclusive, but as complementary partners, engaged in a much bigger task. This article is thus divided into two main sections: in the first one, the consequences of the rather infamous debate between Albert Einstein and Henri Bergson, in 1922, surrounding the notion of “time” are analysed. This debate is often considered to have sparked the feud between scientists and philosophers, and the moment when philosophy in general was put under the authority of science. The second part of the article proceeds to analyse the opposite view. We shall examine the ideas of Max Planck, and especially those of Erwin Schrödinger, for whom science and philosophy are not only tied together by their common origin, but also by the common task they share: an answer to the question formulated by the ancient philosopher Plotinus, “who are we?” Keywords: Bergson, Einstein, Schrödinger, Science, Philosophy

Résumé : Ce travail analyse l’interaction entre la science et la philosophie à partir de deux points de vue opposés. Le premier de ces points de vue considère qu’il ne peut pas y avoir d’interaction entre les deux. Cette attitude, soutenue par quelques-uns des scientifiques les plus importants du XXème siècle, suppose que les philosophes, du fait qu’ils n’ont pas réussi à suivre les développements de la science moderne, doivent limiter leurs recherches au terrain philosophique. De la même façon, le scientifique doit limiter sa démarche au terrain scientifique. Le deuxième point de vue, considère, en revanche, que science et philosophie ne sont pas des opposés, mais des partenaires complémentaires engagés dans une tâche en commun. Ainsi, dans la première partie de ce travail, nous commençons par analyser les conséquences du célèbre débat entre Albert Einstein et Henri Bergson, en 1922, autour de la notion du « temps ». Il est généralement accepté que ce débat a marqué le point de départ de la dispute entre philosophes et scientifiques, et que c’est aussi le moment où la philosophie est tombée sous l’autorité de la science. Dans la deuxième partie, nous allons examiner les idées de Max Planck et, notamment, celles de Erwin Schrödinger sur le rapport de ces deux branches de la connaissance humaine. Pour ce dernier, science et philosophie sont unies, non seulement par leur origine mais par leur tâche en commun : la réponse à la question posée par le philosophe ancien Plotin, « qui sommes-nous ? »

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1. La philosophie : est-elle morte ?

Qu’est-ce que l’interaction ? Cette notion implique l’idée d’une action ou une réaction « réciproque » entre deux ou plusieurs choses. Il serait donc impossible de parler d’une interaction sans parler de l’effet qu’une chose produit sur une autre et vice-versa. Dans ce travail, nous voulons traiter le problème de l’interaction, ainsi comprise, entre la science et la philosophie. Le progrès de la science relève des nouvelles interrogations éthiques et morales sur la valeur et la place que les nouvelles découvertes scientifiques ont dans la vie des êtres humains. Or, en lieu de travailler ensemble et de chercher les réponses à ces questions, le chercheur qui ose transgresser les limites de sa discipline pour s’aventurer dans le terrain de l’autre se voit dans l’incessant besoin de justifier sa démarche et de se défendre des critiques ; cela vaut autant pour celui qui veut aller des sciences de la nature aux sciences humaines, comme pour celui qui veut aller des sciences humaines aux sciences de la nature. Ce besoin de justification émane, à notre avis, d’une demande d’« exclusivité », qui nous exige de rester dans les cadres de la discipline pour laquelle nous sommes experts : le scientifique se limite donc au terrain scientifique et le philosophe, car il ne peut pas suivre les développements scientifiques, doit se limiter au terrain philosophique.

Cette attitude a été soutenue par certains des esprits scientifiques contemporains les plus notables. Par exemple : Stephen Hawking a déclaré, lors d’une conférence, que « la philosophie est morte (Norris, 2011) » puisque les philosophes n’ont pas « réussi à suivre les développements de la science moderne, en particulier de la physique (Hawking & Mlodinow, 2010) ». D’autre part, Richard Feynman, dans une phrase qui lui est souvent attribuée, a dit que : « la philosophie des sciences est aussi utile aux scientifiques que l’ornithologie aux oiseaux ». Or, lorsque la morte de la philosophie ou son inutilité sont proclamées, le risque de perdre de vue les questions éthiques et morales qui accompagne le progrès de la science devient trop grand.

Ainsi, nous sommes amenés à nous poser la question : comment peut-on concevoir autrement l’interaction entre ces deux branches de la connaissance ? Contrairement à la première attitude que nous venons de décrire, notre objectif est de montrer que certains autres physiciens de la première moitié du XXème siècle ont cherché à intégrer la recherche scientifique dans un contexte plus vaste, où loin de rester isolées, science et philosophie adoptent plutôt un rapport de « complémentarité » : là où l’une d’elles se trouve dans l’embarras, l’autre vient à son aide dans

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un travail en commun. Tel a été, à notre avis, la position soutenue par des personnages comme Max Planck et Erwin Schrödinger.

De cette façon, notre travail se divise en deux parties. La première partie retrace les origines de l’attitude d’exclusion, à partir d’un événement historique qui est souvent interprété comme étant son origine. Il s’agit de la rencontre qui a eu lieu en 1922 entre Albert Einstein et un des philosophes les plus célèbres de la première moitié du XXème siècle, Henri Bergson. Malgré l’apparence anecdotique de cette rencontre, elle a eu un impact considérable1. La deuxième partie analyse l’attitude de complémentarité à travers les idées de Planck et Schrödinger.

2. Une demande d’exclusivité : la théorie de la relativité et le conflit avec Bergson

Il s’agit d’une histoire réelle qui a eu lieu à Paris en 1922. Lors d’une rencontre de la Société Française de Philosophie, Albert Einstein s’est engagé dans un débat avec le philosophe français, Henri Bergson, autour d’une notion commune aux deux : le temps. D’un côté, Bergson était l’un des philosophes les plus célèbres de la première moitié du XXème siècle. Son ouvrage, L’évolution créatrice, publié en 1907, avait été décrite par William James comme un vrai « miracle dans l’histoire de la philosophie » et certains penseurs le plaçaient dans la même catégorie que Platon, Aristote, Descartes et Kant. Le point de départ de sa philosophie se fondait sur l’intuition que le vrai temps – le temps réel – était une chose différente de celui que les scientifiques, et en particulier les physiciens, mesuraient avec leurs horloges. Le vrai temps, pour lui, était progrès, création et changement continu, qui ne pouvait pas être saisi par une horloge. En conséquence, pour le distinguer du temps des physiciens, il l’a nommé durée. Cette dernière était l’intuition primaire de sa philosophie. En fait, Bergson accordait une valeur épistémologique à l’intuition comme méthode complémentaire de connaissance à la raison, ce qui lui a valu souvent d’être accusé d'« irrationaliste ». Par exemple, dans son article sur la philosophie de Bergson, B. Russell écrit, non sans un mot d’ironie, que l’intuition est « mieux exprimé chez les fourmis, chez les abeilles et chez Bergson » (Russell, 1912, p. 323).

2.1. Einstein et les temps multiples

1Pour plus d’informations sur ce point, voir l’introduction au dossier critique de Durée et simultanéité par

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De l’autre côté, Einstein a publié Sur l’électrodynamique des corps en mouvement en 1905, l’article dans lequel il a introduit la théorie de la relativité restreinte. Avec la physique quantique, la théorie de la Relativité est une des deux grandes révolutions théoriques du XXème siècle qui ont changé notre compréhension de l’univers. En fait, elle a marqué une rupture avec la physique classique, c’est-à-dire celle qui se fondait sur la mécanique de Newton en trois points principaux :

« Premièrement, [la théorie de la relativité] a redéfini les concepts de l’espace et du temps en réfutant le caractère universel de ceux-ci ; deuxièmement, elle a montré que les concepts d’espace et de temps sont liés de façon intime et troisièmement, elle a mis un point final à la théorie de l’éther, une substance qui était supposée remplir le vide de l’espace et fournir un fondement solide pour l’univers et les théories de la mécanique classique (Canales, 2015, p. 11)2. »

Einstein est parti de deux principes essentiels, d’abord le principe de relativité et ensuite le principe de l’invariance de la vitesse de la lumière dans le vide. Le principe de relativité établit que les lois de la physique demeurent inchangées dans tous les systèmes de référence inertiels, tandis que le principe d’invariance de la vitesse de la lumière établit que « chaque rayon lumineux se déplace dans un système de coordonnées “stationnaire” à la même vitesse V, la vitesse étant indépendante de la condition que ce rayon lumineux soit émis par un corps au repos ou en mouvement (Einstein, 2013, p. 13) ». Or, la caractéristique la plus controversée de cette théorie était peut-être l’effet de la dilatation du temps. Dans les grandes lignes, deux horloges identiques sont synchronisées et données à deux observateurs. L’un de ceux-ci est stationnaire, dans le système de référence, alors que l’autre va se trouver dans un système en mouvement uniforme. Au fur et à mesure que l’observateur en mouvement se déplace, le temps, et par conséquent son horloge, avancera plus lentement en comparaison avec l’horloge immobile (bien que de son point de vue, il ne notera aucun changement dans la façon par laquelle le temps avance). Néanmoins, une fois que les deux observateurs seront de nouveau ensemble, il sera évident que l’horloge de l’observateur en mouvement sera en retard en comparaison avec l’autre. De cette façon, la théorie

2First, [the theory of relativity] redefined concepts of time and space by claiming that they were no longer

universal; second, it showed that time and space were completely related; and third, the theory did away with the concept of the ether, a substance that allegedly filled empty space and that scientists hoped would provide a stable background to both the universe and their theories of classical mechanics.

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restreinte d’Einstein a mis un point final à l’idée d’un temps absolu et unique pour tous, pour donner lieu à des temps multiples et, malgré cette multiplicité, il faut noter que chaque temps est aussi « réel » que les autres3.

2.2. La controverse à Paris

Le jour de la controverse entre le physicien et le philosophe, ce dernier affirmait, de manière contradictoire, qu’« on trouverait ainsi que les temps multiples dont il est question dans la théorie de la relativité sont loin de tous pouvoir prétendre au même degré de réalité (Bergson, 2011, p. 537) ». Pour le philosophe français, il n’y avait pas de question de « temps multiples ». Au contraire, il y avait un « Temps universel et unique (Bergson, 2009, p. VI) » qui était le seul temps réel, alors que les autres temps postulés par la théorie de la relativité, n’étaient que des « fictions mathématiques (Bergson, 2009, p. 26) ». En conséquence, Bergson affirmait, en contradiction avec la théorie d’Einstein, qu’« il faudrait dire en réalité que l’horloge mobile présente ce retard à l’instant précis où elle touche, mouvante encore, le système immobile et où elle va y rentrer. Mais, aussitôt rentrée, elle marque la même heure que l’autre […] (Bergson, 2009, p. 208). » Ce passage est vu, historiquement, comme la raison pour laquelle Einstein et ses partisans ont accusé le philosophe de ne pas avoir compris sa théorie (Canales,2015,p.25). Le philosophe, à son tour, a accusé le physicien de la même erreur : de ne pas avoir compris sa posture philosophique, soit parce qu’il n’était pas familiarisé avec le langage de la philosophie, soit parce qu’il ne l’était pas avec « la langue français en général » (Chevalier, 1959, p. 69). Ces dispositions d’esprit ont amené un commentateur à cataloguer la discussion entre les deux comme un « dialogue de sourds »4.

Ce qu’il faut retenir de ce débat, pourtant, ce sont les conséquences qui ont suivi. Certes, il serait trop risqué d’affirmer qu’à partir de ce jour spécifique, la philosophie a été reléguée sous l’empire de la science, cette dernière étant donc la seule source légitime de connaissance. Néanmoins, il est généralement interprété comme tel :

3La raison pour laquelle la théorie de la relativité semble s’opposer au sens commun c’est parce la dilation

du temps est négligeable à des vitesses très petites, mais à des vitesses proches à celle de la lumière (300 000 km/s) le ralentissement entre horloges est plus grand. Pour plus d’information sur ce point et sur les erreurs d’interprétation commis par Bergson par rapport à la théorie de la relativité, voir : Sokal & Bricmont, 1997, p. 247 et sq.

4 Voir l’introduction au dossier critique de Durée et simultanéité par Élie During dans : Bergson, 2009, p. 233.

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« Pour plusieurs, la défaite de Bergson a représenté la victoire de la ‘rationalité’ contre ‘l’intuition’. C’est aussi le moment où les intellectuels n’ont plus suivi les révolutions de la science dues à sa croissante complexité. Pour cette raison, ils devraient rester à son écart. La science et ses conséquences doivent être traitées seulement par ceux qui la connaissent, c’est-à-dire les scientifiques eux-mêmes […]. Mais plus important encore, il a ensuite commencé la période où l’importance de la philosophie diminuait en face à l’influence croissante de la science (Canales, 2015, p. 6) 5. »

3. Un rapport de complémentarité : une origine et une tâche communes

Tel est donc le rapport que nous caractérisons comme rapport d’« exclusion » entre les deux disciplines du savoir : la science et ses conséquences sont l’affaire unique des scientifiques et c’est à eux d’avoir le dernier mot sur ces questions. Le philosophe, étant incapable de suivre le développement scientifique, doit se limiter aux problèmes philosophiques. Cette attitude avait déjà été dénoncée par E. Schrödinger dans son livre, La nature et les grecs :

« Dans un traité de physique ou de biologie, toute digression sur l’aspect métaphysique du thème traité est considérée comme hors de propos, même s’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation. Si un scientifique ose faire une telle digression, il a toutes les chances de se faire taper sur les doigts, sans même qu’il sache si c’est parce qu’il a offensé la science ou parce qu’il a mis en cause la doctrine métaphysique dont le critique est un adepte. Il est amusant et pitoyable à la fois d’observer comment certains ne prennent au sérieux que les informations d’origine scientifique, alors que d’autres, appartenant au bord opposé, classent la science comme une activité humaine terre à terre, dont les découvertes ont une importance secondaire et doivent à coup sûr être écartées si elles contredisent les conceptions profondes que l’on obtient d’une autre manière, c’est-à-dire par la pensée pure ou par la révélation. […] Beaucoup admettent avec regret, voire avec désespoir, qu’ils doivent se couper tour à tour de chacune des deux conceptions. En général, l’acquisition d’une éducation scientifique solide et étendue ne suffit pas du tout pour satisfaire complètement, jusqu’au point de ne rien désirer de plus, le besoin inné d’équilibre religieux et philosophique que l’on éprouve face aux vicissitudes de la vie quotidienne. Ce qui arrive souvent, c’est que la science suffise à compromettre

5 For many, Bergson’s defeat represented a victory of “rationality” against “intuition.” It marked a moment

when intellectuals were no longer able to keep up with revolutions in science due to its increasing complexity. For that reason, they should stay out of it. Science and its consequences should be left to those who arguably knew something about it—the scientists themselves. […] Most important, then began the period when the relevance of philosophy declined in the face of the rising influence of science.

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les convictions religieuses les plus répandues, sans les remplacer par quoi que ce soit d’autre. Cela donne lieu au phénomène grotesque de ces esprits parfaitement qualifiés et hautement compétents sur le plan scientifique, mais qui demeurent porteurs d’une conception philosophique du monde invraisemblablement infantile, pour ne pas dire sous-développée ou atrophiée (Schrödinger, 2014, p. 18- 19). »

Ce long passage illustre, de la meilleure façon, l’attitude dont nous parlons. Mais nous revenons ainsi par ce long détour à notre question principale : comment est-il possible de concevoir autrement le rapport et l’interaction entre la science et la philosophie ? À l’encontre de cette première attitude, un deuxième type de rapport a été envisagé, parallèlement, au cours du XXème siècle. Loin d’être deux choses différentes qui devaient être séparées, certains physiciens ont reconnu l’importance d’inscrire la signification de leurs recherches dans un contexte plus vaste dont la philosophie était une partie essentielle.

3.1. Planck : une première approche des deux disciplines

Le premier exemple de cette attitude vient du père de la Mécanique quantique, Max Planck6. Pour ce dernier, science et philosophie ne sont pas deux points de vue opposés mais complémentaires. Utilisant une analogie entre deux voyageurs dans un pays inconnu, Planck décrit la philosophie comme celle qui est capable de donner un aperçu général du paysage afin d’embrasser l’unité et la diversité de l’ensemble, tandis que la science, elle, est capable de donner les détails particuliers des choses. Ainsi, la philosophie peut formuler les problèmes mais, ironiquement, elle se trouve dans l’impossibilité de leur apporter une réponse. Mais là où elle se trouve dans un embarras, la science vient à son aide :

« si le résultat de cette enquête [scientifique] venait à dicter une solution absolument déterminée, on pourrait incontestablement tenir cette solution pour décisive. C’est, en effet, le trait caractéristique d’une vraie science que ses découvertes s’imposent d’une façon générale, objective pour tous les temps et tous les peuples ; d’où il suit

6Planck, à la manière de Schrödinger, fait une dénonce similaire de l’attitude qui exclut les deux domaines

de la connaissance et cherches à les maintenir séparés. Dans son ouvrage, Initiation à la physique, Planck écrit : « A vrai dire, on pourrait objecter ici préalablement qu’un problème de philosophie ne saurait être résolu par les sciences particulières ; que la philosophie traite précisément les questions concernant les principes et les conditions d’existence des sciences et que si les sciences particulières entreprenaient de dire leur mot sur les questions de philosophie générale, ce serait empiéter d’un façon illicite sur le domaine philosophique ». (Voir : Planck, 1993, p. 105).

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que ses résultats exigent qu’on les reconnaisse sans réserve et, en fin de compte, ils y parviennent toujours. Le progrès de la science ne sont pas moins décisifs et il devient à la longue impossible de les ignorer (Planck, 1993, p. 106). »

La question maintenant que nous nous posons maintenant est de savoir pourquoi Planck s’est intéressé à la philosophie et plus, spécifiquement, quel a été le problème philosophique qui l’a occupé ? En fait, l’apparition de la mécanique quantique a porté une révolution épistémologique encore plus puissante que celle de la théorie de la relativité, en particulier, en ce qui concerne le problème de la causalité. Elle a introduit la notion de l’indétermination dans le monde microscopique, ce qui entrait en conflit avec le déterminisme du monde macroscopique. De cette façon, l’ancienne contradiction entre les lois universelles de la nature, qui régissent un monde extérieur à nous, et notre expérience la plus fondamentale, l’expérience de notre propre liberté, a eu une nouvelle vie. Autrement dit, c’est l’ancien problème du liberum arbitrium et de la causalité déterministe. « Comment accorder ces deux choses ? [écrit Planck] Et pourtant, chacun de nous fait partie, sans conteste, du grand univers et par suite se trouve soumis à ses lois comme tous les autres êtres (Planck, 1993, p. 89) ».

3.2. Le problème de la causalité dans les Atomistes d’Abdère

Philosophiquement, cette question remonte à la Grèce ancienne, notamment, les Atomistes, Leucippe et Démocrite d’Abdère. Certaines interprétations de la philosophie démocritéenne soulèvent une aporie aussi simple qu’insurmontable. D’après ces interprétations, l’univers démocritéen est un univers régi par la nécessité, où – comme l’exprime Leucippe – « aucune chose ne se produit fortuitement, mais toutes procèdent de la raison et de la nécessité (Aétius I, XXV, 4 [DK B 68, 2] Dumont, 1988, p. 746) ». Le hasard est assimilé à la nécessité, n’étant rien d’autre qu’« une cause invisible à la raison humaine (AETIEUS, Opinions, I, XXIX, 7 [DK 59 A 66],p. 648.) », alors que la nécessité est assimilée à un principe de causalité : le tourbillon cosmogonique. Ce dernier se trouve à l’origine de toutes les choses7, c’est-à-dire que « toutes les choses se produisent selon la nécessité, le tourbillon étant la cause de la génération de toutes choses et il le nomme Nécessité » (DL, IX, 45 [DK A, 45]) .

7Pour plus d’information sur l’assimilation du hasard à la nécessité dans la philosophie de Démocrite, voir :

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Par ailleurs, ces interprétations, toutefois, s’opposent à celles qui fondent la cosmogonie démocritéenne, non pas sur la nécessité, mais sur le hasard. C’est le cas par exemple d’Aristote dans la Physique, lorsqu’il écrit à propos des atomistes d’Abdère que : « Il y en a qui font du hasard la cause de notre ciel et de tous les mondes. Ils pensent en effet que c’est par le hasard que sont engendrés le tourbillon et le mouvement qui a produit la séparation et la constitution du tout dans l’ordre qui est le sien […] ». (Aristote, 2002, [196a 24-35]). Ainsi, dans cette deuxième interprétation, bien que la nécessité soit toujours la cause des choses, elle est moins radicale que dans la première interprétation. Cela veut dire que le hasard n’est pas, comme dans le premier cas, complétement exclu de l’univers et, ainsi, dans cette interprétation la nécessité peut admettre l’aléatoire, ce qui par ailleurs ouvre la possibilité d’un acte libre8.

3.3. Schrödinger ou le tableau incomplet du monde

Le deuxième – et peut-être meilleur exemple de cette attitude de complémentarité – est celui d’E. Schrödinger. C’est l’attitude vis-à-vis de la philosophie qui fait du physicien autrichien une figure tout à fait singulière : il a consacré une partie considérable de son activité intellectuelle, non seulement à l’étude de la philosophie ancienne, mais aussi au rapport entre sa discipline, la physique quantique, et les autres branches de la connaissance humaine9. Il faut remarquer que, toute la première partie de Nature and the Greeks sert de justification à « un retour à la pensée antique », puisqu’à son avis, l’étude philosophique – dans son cas particulier, l’étude de la philosophie grecque – est généralement aperçu comme une perte de temps. Or, loin d’être un passe-temps pour lui, il s’agit d’un moyen pour avoir une meilleure compréhension de la science moderne et, par conséquent, de la physique moderne.

Ainsi, pour Schrödinger, par leur origine mais aussi par leur tâche en commun, science et philosophie sont intimement liées. D’abord, il s’attache à la courante d’interprétation historique qui pose l’hypothèse selon laquelle la science a son commencement « absolu, datable et identifiable en Grèce à partir de Thalès (Bitbol, 2014, p.117) ». Cette tradition a été initiée par le philosophe et

8 Pour plus d’informations sur ce point voir : Morel, 2000, p. 40.

9 Par ailleurs, le physicien a démontré un intérêt pour des autres branches de la connaissance scientifique, notamment la biologie. En 1943, Schrödinger a fait une série de conférence sur le rapport entre la physique et la biologie qui ont été publiées par la suite sous le nom de What is Life ? Dans cet ouvrage, le physicien explore quelques-uns des problèmes transversaux à la physique et la biologie et le texte est vu aujourd’hui comme un travail classique pluridisciplinaire.

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historien écossais John Burnet. Dans la préface de la troisième édition de son ouvrage de 1892, Early Greek Philosophy, Burnet écrit que la science n’est qu’« une ‘manière grecque de penser le monde (Schrödinger, 2014, p. 24) » et, par conséquent, qu’elle n’a existé que dans les peuples qui ont été soumis à l’influence culturelle grecque. Or, le scientifique qui essaie de retracer les origines de sa science dans l’Antiquité s’expose à l’objection des historiens de « l’illusion rétrospective du passé » :

« En faisant ces rapprochements anachroniques, Schrödinger semble prêter le flanc à une critique que les historiens adressent fréquemment aux scientifiques. Ces derniers sont accusés de juger le passé à travers le point de vue de leurs connaissances présentes, et de chercher à tout prix à identifier des figures marquantes de précurseurs (Bitbol, 2014, p. 140- 141). »

Ensuite, au-delà de cette critique, quels ont été les deux traits ou caractéristiques qui ont amené le physicien autrichien à considérer les premiers philosophes comme les premiers scientifiques ? D’abord, c’était la croyance qu’ils avaient dans le fait que la nature puisse être comprise et, ensuite, l’hypothèse d’un monde extérieur à nous. Le premier de ces traits est attribué à Thalès de Milet, tandis que le deuxième, bien qu’il soit impossible de préciser avec exactitude le moment de sa naissance, est souvent associé au nom d’Héraclite (Schrödinger, 2014, p. 54). Certains fragments de ce dernier montrent que le philosophe présocratique était déjà conscient de l'existence d'un monde ou d’une réalité connaissable et extérieure d'un sujet capable de le connaître. Concernant le premier trait – la croyance que le monde puisse être compris – il faut remarquer que pour aussi simple et évident que cette idée puisse paraître aujourd’hui, il a fallu que quelqu’un la découvre, en fasse un programme et commence à la suivre : ceux-ci ont été les grecs. Les premiers philosophes ont adopté cette attitude, qui est par ailleurs l’attitude fondamentale de la science, de voir le monde comme un mécanisme compliqué, régi par des lois universelles qui peuvent être découvertes.

Finalement, quant au second trait, c’est-à-dire l’hypothèse d’un monde extérieur à nous, laquelle implique la division entre un sujet qui connaît et un monde connaissable, Schrödinger juge, en fait, qu’elle est déficiente. Ce tableau du monde construit par la science, où le drame de la nature se déroule de façon indépendante de l’observateur qui essaie de le comprendre est déficiente, puisque :

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« Il fournit quantité d’informations factuelles, il confère à notre expérience un ordre magnifiquement cohérent, mais il est horriblement silencieux au sujet de tout ce qui est vraiment près de notre cœur, au sujet de tout ce qui nous importe vraiment. Il ne peut pas nous dire un mot à propos du rouge et du bleu, de l’amer et du doux, de la douleur et du plaisir physiques ; il ne sait rien sur le beau et le laid, sur le bien et le mal, sur Dieu et l’éternité. […] Le tableau scientifique du monde fournit une compréhension très complète de tout ce qui arrive – il rend seulement tout cela un peu trop compréhensible. Il autorise à imaginer que la totalité du déploiement apparent s’identifie à celui d’un mécanisme d’horlogerie. Selon toutes les connaissances que possède la science, ce mécanisme pourrait continuer à fonctionner comme il le fait sans que la conscience, la volonté, l’effort, la douleur, le plaisir et la responsabilité y soient liés – et pourtant, ils le sont (Schrödinger, 2014, p. 89- 90). »

Ainsi, la valeur de ces recherches, pour Schrödinger, n’a d’importance que si elle se trouve inscrite dans la démarche en commun qui pour lui constitue le véritable objectif de toutes les branches de la connaissance humaine :

« Quelle est donc, à votre avis, la valeur de la science de la nature ? Je réponds : son étendue, finalité et valeur sont les mêmes que celles des autres branches de la connaissance humaine. Non, aucune d’elles, mais seulement l’union de toutes a quelque valeur. Décrite de façon simple : c’est d’obéir au commandement de la déesse delphique, “connais-toi, toi-même”, ou dans la rhétorique remarquable de Plotin, “et nous, qui sommes-nous ? […] Il semble très évident, mais il faut le dire de toute façon : la connaissance isolée obtenue par un groupe de spécialistes dans une branche de la connaissance n’a pas de valeur en elle-même, mais seulement dans la synthèse avec le reste de la connaissance et dans la mesure où elle contribue à la réponse de la question et nous, qui sommes-nous (Schrödinger, 1951, p. 108-109) ?10 »

Il est vrai que la spécialisation dans les sciences de la nature nous a permis d’obtenir un développement technologique sans précédent. Ce qui autrefois était le rêve des écrivains est aujourd’hui la réalité quotidienne, mais la science, elle seule, ne serait capable que de nous fournir un tableau incomplet du monde. Comme le dit Schrödinger, une découverte n’a de valeur que si

10[…] What, then, is in your opinion the value of natural science ? I answer: Its scope, aim and value is the

same as that of any other branch of human knowledge. Nay, none of them alone, only the union of all of them, has any scope or value at all, and that is simply enough described: it is to obey the command of the Delphic deity, […], get to know yourself. Or, to put it in the brief, impressive rhetoric of Plotinus […]; ‘and we, who are we anyhow?’. […] It seems plain and self-evident, yet it needs to be said: the isolated knowledge obtained by a group of specialists in a narrow field has in itself no value whatsoever, but only in its synthesis with all the rest of knowledge and only inasmuch as it really contributes in this synthesis something toward answering the demand […] (‘who are we?’) (Traduction personnelle).

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elle se trouve inscrit dans un contexte plus grand ou la question pour la nature de nous-mêmes – qui sommes-nous ? – se trouve au cœur de la recherche.

Nous avons commencé ce travail en disant que le progrès de la science crée des nouvelles questions sur la valeur et la place que ces développements scientifiques ont dans la vie des êtres humains. Peut-être, la meilleure façon d’illustrer l’importance de cette idée est à travers un dernier exemple : l’énergie nucléaire, laquelle peut être utilisé pour fournir d’électricité à des millions des foyers ou tout simplement les détruire.

Le 6 août 1945, un groupe de dix scientifiques allemands ont été frappés par les nouvelles venant du Japon : Hiroshima venait d’être détruit par une bombe atomique. Quelques mois auparavant, ce groupe de physiciens avait été arrêté et conduit en Angleterre où ils attendaient leur jugement à cause de leur participation aux recherches atomiques du régime Nazi. Ces recherches n’ont pas abouti à leur objectif final : la création d’une bombe atomique. Dans le groupe se trouvait Otto Hahn, dont la découverte de la fission de l’uranium a été essentielle pour la création des bombes qui ont détruit deux villes au Japon et, bien qu’aucun des physiciens retenus en Angleterre n’ait participé directement à la création de l’arme utilisée par les États-Unis, il était évident que toutes les années d’études qu’ils avaient consacrées à la théorie quantique avaient abouti à cette catastrophe. Or, étaient-ils coupables de la mort et la destruction de cent de milles de personnes ? Nous voudrions donc finir avec le récit de Werner Heisenberg sur cette situation :

« L’après-midi du 6 août 1945, Karl Wirtz vint brusquement me trouver en me disant qu’il venait d’entendre à la radio qu’une bombe atomique avait été lancée sur la ville japonaise d’Hiroshima. Tout d’abord je ne voulus pas croire à cette nouvelle […]. Psychologiquement, je trouvai improbable que les atomistes américains, que je connaissais bien, eussent pu mettre toutes leurs forces au service d’un tel projet. […] Ce ne fut que le soir, lorsque le speaker se mit à décrire l’immense effort technique qui avait été accompli pour fabriquer la bombe, que je dus me résigner au fait que le progrès de la physique atomique, progrès auxquels j’avais été associé pendant vingt-cinq ans, venaient d’entraîner la mort de plus de cent mille êtres humains. Comme on peut le comprendre, c’est Otto Hahn qui était de nous tous le plus profondément affecté. La fission de l’uranium avait été sa plus importante découverte scientifique ; elle avait constitué le pas décisif, et jusque-là tout à fait imprévu, en direction de la technique atomique. Et ce pas venait maintenant d’avoir pour conséquence la destruction, dans des circonstances horribles, d’une grande ville et de sa population, d’êtres humains désarmés dont la plupart n’étaient pas coupables d’avoir déclenché la guerre (Werner, 2016, p. 330- 331). »

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Ce chapitre de l’histoire de l’humanité montre comment une découverte scientifique n’est pas isolée : dans la plupart des cas, elle est accompagnée de toute une série de problématiques éthiques, politiques et sociales. D’abord, étaient-ils responsables, en particulière Hahn, de la destruction de Hiroshima et Nagasaki alors qu’ils n’ont pas participé dans la création de la bombe atomique ? Certes, comme le remarque Heisenberg, sans leur travail, la bombe atomique n’aurait jamais existé. Ensuite, pouvaient-ils être jugés par les personnes qui ont réussi à créer et utiliser l’arme qu’ils n’ont jamais réussi à créer pour le régime Nazi ? Enfin, ceci est un exemple de la façon comment philosophie et science se rejoindre sur un problème commun : ces interrogations appartiennent au domaine de la philosophie plutôt qu’au domaine de la science, mais elles existent seulement grâce au développement scientifique.

IV. Conclusion : qui sommes-nous ?

Nous avons ici tenté de montrer à l’encontre de ceux qui pensent que la philosophie et la science doivent rester isolées, qu’il y a eu des grands penseurs qui ont vu l’importance de leur collaboration. En premier lieu, nous avons commencé par dénoncer l’attitude d’exclusion, celle qui nie toute rapport, toute interaction entre la science et la philosophie, en analysant son possible origine dans le débat Einstein-Bergson. Un dialogue de sourds qui peut être résumé, d’abord, comme la croyance que la seule source de connaissance véritable est la science et, ensuite, l’idée selon laquelle la philosophie ne peut pas et ne doit pas s’intéresser aux questions scientifiques puisque les philosophes n’ont pas réussi à suivre les développements de la science moderne. En second lieu, toutefois, nous avons montré que l’interaction entre les deux a été conçue différemment dans la mesure où il peut y avoir un rapport de complémentarité. Dans la conception de Planck aussi bien que dans la conception de Schrödinger, là où l’une d’elles se trouve dans l’embarras, l’autre vient à l’aider. Aucune des deux n’a – plus – le dernier mot, mais il s’agit d’une démarche commune qui vise à fournir un tableau plus complet du monde, une image plus fidèle, des lois de la nature qui régissent le monde naturel et de la liberté et la volonté des êtres qui y habitent.

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Références

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