LE PROJET COMME AGENT DE MÉDIATION
DANS L'ÉDUCATION POUR L'ENVIRONNEMENT
AU SECONDAIRE
Ghyslain SAMSON
École secondaire et Commission scolaire Val-Mauricie, Shawinigan-Sud, Québec
MOTS-CLÉS: PÉDAGOGIE DE PROJETS - ENVIRONNEMENT - INTERDISCIPLINARITÉ-MÉDIATION
RÉSUMÉ: Depuis 1996, l'école secondaire Val-Mauricie est l'hôte d'un programme unique au Québec. Ainsi, ce cours appelé «Concentration environnement et développement durable» s'étale sur les trois dernières années du secondaire. Pour atteindre les objectifs fixés, la «pédagogie de projets» est utilisée tant dans la classe qu'à l'extérieur de celle-ci. La notion de projet est large ici, s'étalant de la confection d'une mangeoire d'oiseaux, en passant par une conférence sur les insectes ou la simple prise d'échantillons d'eau sur la rivière St-Maurice. Le projet est l'agent «médiateup> de la situation d'apprentissage.
SUMMARY : Since 1996, Val-Mauricie secondary school (Quebec) has been offering an unique programm called "Concentration en environnement et développement durable" spreading on the three secondary last years. To reach the determined objectives, the "pedagogie de projets" is use into the classroom as weil as outside. The notion of project is very opened here, going ftom confectioning bird mangers to allending a lecture on insects or simply taking water samplings on St-Maurice River. The project is mediating agent in leaming situation.
1. INTRODUCTION
L'école secondaire Val-Mauricie agit, depuis 1996, comme «chef de file» en matière d'éducation et d'environnement. Ce cours appelé «concentration en environnement et développement durable,> offre aux jeunes de troisième, quatrième et cinquième secondaires, la possibilité de parfaire leurs connaissances et d'adopter des comportements qui tendent vers une pérennité des ressources et la protection de l'environnement.
Au Québec, comme partout ailleurs dans le monde, l'enseignement de type livresque se manifeste malheureusement encore dans le quotidien. L'encyclopédisme ou pédagogie de la transmission des connaissances est encore le paradigme dominant de nos écoles. Il est temps que nos pratiques se modifient, afin d'aider le jeune dans sa quête de sensà l'école.
De plus, les programmes de sciences sont, à mon avis, trop cloisonnés; il faut les ouvrir. Or comme l'environnement est une science complexe, globale et systémique, l'approche pédagogique privilégiée doit forcerlejeune à penser globalement et à tisser des liens entre ses acquis et ce qui est à apprendre.
2. CHOIX DE L'APPROCHE PÉDAGOGIQUE
Le choix d'une approche pédagogique s'appuie généralement sur des fondements théoriques et épistémologiques. Nous avons essayé d'exprimer les raisons qui sous-tendent le choix de la «pédagogie de projets». Peu impone l'appellation utilisée «pédagogie de projets, par projet ou du projet», l'idée étant que les apprentissages soient différents de la méthode dite «traditionnelle» (Carignan et Samson, 1996).
L'expression «pédagogie de projets» a été préférée à celle dite «par projet» car elle souligne davantage l'approFhe systémique et fondamentale pour notre cours en environnement. De plus, le vocable «de projets» laisse une plus grande liberté de choix et exprime davantage le caractère interdisciplinaire de notre concentration (Carignan et Samson, 1996). Même si la pédagogie de projets est perçue par bon nombre comme un fourre-tout où les disciplines se trouvent pêle-mêle, elle demeure pour nous un moyen de favoriser l'interdisciplinarité.
Issu du courant des pédagogies «nouvelles», le projet nous apparaît être une bonne façon de stimuler l'élève dans la construction de ses savoirs. L'environnement constitue un thème global où plusieurs disciplines sont amenées à interagir.
Un problème de pollution, qu'il soit atmosphérique ou autres, implique généralement, l'intervention du plusieurs disciplines dont: la biologie, les mathématiques, la chimie, la technologie, l'économie, etc....
Réalisé individuellement, en équipe ou en groupe, le projet permetàl'élève d'avoir un rôle actif dans l'élaboration de ses connaissances. Selon cette nouvelle approche, l'enseignant devient un médiateur àtravers les projets des élèves. Il ne transmet plus les contenus des disciplines, mais intervient pour
aider l'élèveàprendre conscience etàcomprendre le rôle des fonctions cognitives des opérations mentales, des habiletés mobilisées dans une situation d'apprentissage (Giry, 1994). Le rôle de l'enseignant en est donc un de facilitateur et d'organisateur.
Par l'entremise du projet, nous souhaitons inculquer des valeurs morales et sociales chez les jeunes. Les activités de projets proposées sont riches pour le développement intégral des jeunes et contribuent àl'épanouissement de l'autonomie et de l'initiative. Par la pédagogie prônée, l'élève demeure le «centre» de nos préoccupations.
2.1 Quelques caractéristiques de la pédagogie de projets - pédagogie active;
- rapports éducateur/éduqué non hiérarchisés; - la motivation comme condition de fonctionnement ; - autonomie comme objectif et comme point d'appui; - démarche créative;
-liberté, aventure et initiative; - couvre des réalités diverses; - etc.
Certains organismes tel le Mouvement Desjardins, la centrale de l'enseignement du Québec, le Conseil supérieur de l'éducation, leConference Boarddu Canada et le Ministère de l'Éducation du Québec encouragent celte forme de pédagogie où des compétences académiques (comprendre, penser, évaluer, résoudre), des qualités personnelles (respect de soi, confiance, responsabilité: adaptabilité) et de l'esprit d'équipe (contribution personnelle, respect des autres, opinion partagée) sont misentàcontribution. Souvent, ce sont des compétences que les employeurs recherchent chez la personne.
De fai t, le projet favorise la curiosité intellectuelle, la compréhension, la créativité, l'aptitude de penser par soi-même, la pensée structurée et cohérente, la pensée divergente, le goût d'apprendre et de faire, la confiance en soi et aux autres, l'éveil des talents particuliers, le sens des responsabilités, la capacité de jugement, le sens de l'entreprise, la ténacité,... (Gosselin, 1994).
2.2 Le projet comme agent «médiateur»
Le projet est considéré comme une ouverture sur le monde; c'est un relais de vie, médiateur entre le jeune, les savoirs et l'enseignant. Dorénavant, il faut considérer l'enseignement comme la création d'une communauté d'apprentissage (Noiseux, 1997) où l'élève se réalise à travers ses projets. Ici, le concept de médiation est pris au sens large selon Raisky et Caillot (1996). Il est d'ordre extrinsèque, relève d'une action extérieure et il constitue entre autre, un moyen (médium) d'intervention. Or, ce qui est au cœur du recours au projet comme agent médiateur, c'est l'idée que l'être humain est essentiellement un être de la praxis et que son environnement est complexe et dynamique. La vie ne fonctionne-t-elle pas par projets?
En fait, le projet est une création de l'enseignant qui vise certains objectifs précis. C'est une façon, pour celui-ci de se faire valoir à travers sa pédagogie ... C'est à l'enseignant que revient la responsabilité de mettre en place des conditions les plus propices à l'établissement de processus d'apprentissage au sein desquels, le sujet, dans ses rapports sociaux, établit un rapport d'objectivation nécessairement médiatisé lui-même, avec des objets qu'il produit et qui le transforment en retour (Lenoir, 1993).
Selon Gosselin (1994), la pédagogie de projets est à la fois:
- heuristique (le sujet y apprend à chercher des réponses) ; - intégrante (source d'interdisciplinarité) ;
- critique (porte sur l'activité cognitive même) ; - fondamentale (commune
à
toutes les disciplines).D'un point de vue éducatif, le projet est ici objet de médiation afin d'aider l'individu dans sa démarche d'apprentissage et de construction de savoirs. Cette pédagogie de projets donne un sensà l'apprentissage, rend l'élève actif et cadre très bien avec les principes de l'enseignement par médiation (Noiseux, 1997).
3. L'ENVIRONNEMENT ET LES SAVOIRS
Les savoirs (objectifs notionnels) tels l'agriculture, les cycles biogéochimiques, les contaminants, etc. constituent, en quelques sortes la matièreà apprendre dans un cours d'environnement. Ces savoirs peuvent s'obtenir de manière «traditionnelle» ouàtravers une «pédagogie de projets». Ainsi, il est possible d'avoir, àtravers les projets des savoir-faire (approche scientifique, analytique, interdisciplinaire, systémique, etc.) et des savoir-être (attitude de recherche, autonomie, sens des responsabilités, pensée critique, etc.) qui vont permettre l'atteinte de ces savoirs en tant que contenu notionnel. Il va s'en dire que cette façon peut permettre au jeune d'apprendre sans avoir l'impression qu'il est en train de le faire
Les projets doivent, si possible, émerger des jeunes. Le rôle de l'enseignant est d'accompagner les élèves dans sa démarche de construction et d'élaboration de projets autour d'un thème qu'il aura choisi. L'élève ou le groupe d'élèves présente un plan détailléàson enseignant afin que celui-ci puisse approuver le canevas. Une fois accepté, le plan sera développé et le projet débute. Jusqu'à présent,ila été possible de constater que les apprenants étaient très enclins avec cette façon de faire et arrivaient en classe très motivés. Certains préfèrent un travail papier-crayon (recherche sur le béluga, par exemple) alors que d'autres, s'intéressent à la conception trois dimensions (3D). À titre d'exemple, mentionnons un groupe d'élèves s'étant amuséàconstruire une maquette représentant une usine de transformation des glaces arctiques afin de contrer la diminution de la qualité de l'eau. L'important ici, c'est que chacun puisse travailler tout en apprenantà«sa» façon.
4. CONCLUSION
La pédagogie de projets n'apparaît pas comme une recette miraculeuse et sans embûche (nombre d'élèves par classe, disponibilité du matériel, contraintes de temps, etc.). Elle peut toutefois être considérée comme une orientation pédagogique intéressante ayant comme point central l'élève, avec ses caractéristiques particulières (ses acquis, ses forces, ses faiblesses et ses goûts), en relation harmonieuse avec son environnement. Il faut développer chez l'élève un sentiment d'appanenanceà son milieu de vie, son jugement moral et sa pensée critique. Ces orientations visentàamener l'adulte de demain à poser des gestes conscients et responsables à l'égard de l'environnement. Les savoirs, savoir-être et savoir-faire qui se construisent à partir de ces axes sont indissociables et inclus, pour la plupan, dans notre cours en environnement.
De plus, cette orientation pédagogique repose sur une conception de l'apprentissage qui s'apparente au modèle constructiviste et prend en compte les approches et les stratégies qui semblent les plus susceptibles de faciliter l'atteinte de ces finalités. Une pédagogie articulée autour d'un apprentissage par projets s'applique à d'autres cours de sciences et de technologies. L'important est de considérer le jeune comme un être avec des idées plein la tête.
Voilà donc ce qui nous a amené à donner plus d'importance à la construction des connaissances par l'élève et à proposer le projet comme «agent médiateur» de la situation d'enseignement et d'apprentissage.
BIBLIOGRAPHIE
CARIGNAN D., SAMSON G.,Programme de la concentraIion en environnement et développement durable, Commission scolaire Val-Mauricie, Québec, 1996.
GaSSELIN G.,Leprojet comme outil pédagogique. Tome l, Montréal, Québec, 1994.
GIRy M., Apprendreàraisonner, apprendreàpenser, Paris: Hachette éducation, 1994.
LENOIR Y., Sens des didactiques et didactique du sens, ln P. Joannaen et Y. Lenoir (Éds), Éditions du C.R.P., Sherbrooke, Québec, 1993.
NOISEUX G.,Traité de formationà l'enseignement par médiation. Tome1. Les compétences du
médiateur pour réactualiser sa pratique professionnelle, Sainte Foy, Québec: M.S.T. éditeur, 1997.
RAISKY
