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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Bulletin de l'Association Amicale des Anciens Élèves de l'École Normale Supérieure de l'Enseignement Technique n° 65

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Texte intégral

(1)

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N° 65 - Janvier 1964

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numéro :

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BIBLIOGRAPHIE des SCIENCES et de L'INDUSTRIE

(3)

BULLETIN

T~ESTRIEL DE

l'ASSOCIAlION AMICALE

des Anciens et Anciennes Elèves des Sections Normales et de l'Ecole Normale Supérieure de l'Enseignement Technique

Présidents d'honneur :

M. le Directeur général de l'Enseignement Technique. M. le Directeur adjoint de l'Enseignement Technique.

MM. les anciens Directeurs de l'Ecole Normale Supérieure de l'Ensei-gnement Technique.

M. le Directeur de l'Ecole Normale Supérieure de l'Enseignement Technique.

Mme la Sous-Directrice de l"E.N.S.E.T.

Secrétaires généraux et Présidents honoraires :

H. COURT, Inspecteur général de l'Enseignement Technique. G. GABORIT, Professeur honoraire.

A. BIGUENET, Chargé de mission d'inspection générale. M. NESPOULOUS, Directeur du Lycée Technique de Vincennes.

Secrétaire régional honoraire du Groupe de Paris

JUTTET, 45, rue Bernard-Palissy à Gien (Loiret).

COMITE Président:

THUIZAT (A 1 42-44), 21, av. P.-V.-Couturier à Cachan (Seine).

Vice-Présidents :

POINSARD (A 1 24-26), 12, av. Pierre-Brossolette, Vincennes (Seine). Mme JEANEAU (D 41-43), 15, avenue de Taillebourg, Paris (lI').

Secrétaire Général :

REFEUIL (E 39-42), 38, r. du Monument, Champigny-sur-Marne (Seine).

Secrétaires :

AUBRY (B 29-31), 7, sente des Fonds Huguenots, Vaucresson (S.-et-O.). CANTAREL (B 56-59), 6, rue du 18 Juin, Gagny (S.-et-O.).

DE KANDYBA (D 46-48), Lycée de Tournus (Saône-et-Loire). POULAIN (D 48-50), 39, avenue Paul-Valéry, Sarcelles (S.-et-o.).

Trésorière :

Mlle STAPFER Yvonne (D 43-45), 12, rue Lacretelle, Paris (15').

'Irésorier adjoint :

SAUVALLE (B 46-48), 33, rue Pelleport, Paris (20'). AUTRES MEMBRES DU COMITÉ :

Mme BLANQUET (A 2 35-37); Mlle MEGE (EF 46-48); Mlle PROUHET (C 41-43); Mme REVEILLERE (C 49-51); MM. ASPEELE (Al 45-47), BARRAUD (B 48-50), BAZIEU (G 43-45), BILLAN'l' (B 52-55), BRUN (B 53-57), GAGNOL (F 38-41), GARNERO (B 46-48), GAYRARD (A 1 56-59), GREUZAT (EF 38-40), KOSCHER (F 40-42), MUGNIER (Al 34-36), PUECH (A 1 44-46), PORCHER (B 53-56), SAILLARD (F 46-48).

Adresse et Compte courant postal :

ASSOCIATION AMICALE DES ANCIENS ELÈVEs E.N.S.E.T.

61, Avenue du Président-Wilson - Cachan (Seine) C.C.P. Paris 5488-99 Cotisations ann:(elles 13 F,

Débutants, Retraités : 8 F. (L'année budiétaire commence a~1" octobœ)

(4)

ENSEIGNEMENT TECHNIQUE SUPÉRIEUR

Nouveauté:

J. PICHOIR

Professeur à l'Ecole Nationale d'Ingénieurs de Strasbourg

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(5)

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(6)

SOMMAIRË

Pages

Ceux qui s'en vont 5

42" Congrès de l'Enseignement Professionnel :

La situation actuelle et l'avenir de l'Enseignement

technique . . . 8

Le Rôle du Géographe dans la Cité 17

Questions Pédagogiques : Les articles de nos camarades. : L'Enseignement technique à la Guadeioupe 31 A propos des mouvements pendulaires. . . .. 36 Etudes et Documents: Quelques aspects de l'Enseignement

technique du Second degré en Union Soviétique .... 39

Informations . . . . 42

, Faire connaître les Lyc.ées Techniques 45 La Vie de l'Amicale

Groupes Régionaux Distinctions • Succès

Renseignements Administratifs .

A travers les Revues Retraites - Mutations 47 59 63 65 66 69 La Vie Familiale 76 La Vie à l'E.N.S.E.T. . . .. 79 Ce que publient nos camarades . . . .. 82 Ouvrages reçus

Trésorerie

90 94

(7)

CEUX QUI S'EN.· VONT

Mlle Lydia GRAFF (A2 28-30)

Le Lycée technique Roger-Verlomme est en deuil. Nous avons en effet perdu un de nos plùs anciens professeurs, Mlle Lydia GRAFF, décédée subitement cnez elle, après avoir fait ses cours durant la journée.

Cette mort si rapide, si inattendue, a provoqué une profonde émotion chez le personnel et les élèves du Lycée.

Née le 8 décembre 1904 à Quiévy (Nord), Mlle GRAFF sortit de l'E.N.S.E.T. en 1930, exerça ses fonctions à Bourges de 1930

à 1939, puis fut nommée à Paris au Collège technique, devenu depuis Lycée Roger-Verlomme.

Elle enseigna les Sciences et les Mathématiques, d'abord dans les sections industrielles, puis dans les sections commerciales et de Brevet Supérieur; et avec un courage et un enthousiasme dignes d'éloges, elle aborda l'enseignement, nouveau pour elle, et difficile, des mathématiques financières.

Toujours active et souriante, elle avait su se gagner l'estime et l'affection de ses élèves, qui avaient en elle un professeur extrêmement dévoué et compétent.

Et nous ne pouvons en hommage à sa mémoire, que repren-dre les termes mêmes d'un de ses rapports d'inspection :

« M!ldelnoiselle GRAFF a la plus solide conscience profes-sionnelle et le plus large dévouement. Elle se classe parmi les 'professeurs d'élite de l'Enseignement Technique Féminin ».

(8)

6

-Nous avons appris avec peine le décès de trois de nos cama-rades :

DESMANECHE Henri (EF 26-28)

Professeur au Lycée technique commercial de Strasbourg, décédé en janvier 1963.

Mme DURAND née ROY Suzanne (A2 43-45)

Professeur au Lycée de Pointe Noire (Congo), décédée en aollt 1963.

REY Hubert (D 32·34)

Professeur au Lycée technique de jeunes filles de Poitiers, décédé le 3 novembre 1963.

Notre Amicale adresse aux familles éprouvées ses condoléances émues et l'expression de sa douloureuse sympathie.

(9)

Madame NESPOULOUS

née Léone GADRAS (EF 27-29)

La mort de Léone GADRAS n'affecte pas seulement ses cama. rades de la promotion E.N.S.E.T. 1927·1929 qui se rappellent encore, après tant d'années, son sens de l'humain, son dévoue. ment et une gentillesse extrême que devait confirmer une longue carrière. Elle touche aussi tous ceux qui étant ses collègues de· vinrent ses amis, à Reims, Nantes, Saint.Nazaire, Niort, La Varenne, puis à Paris où elle fut un peu, aux côtés de Maurice Nespoulous, la présidente de notre association.

Léone GADRAS est morte comme elle avait vécu, avec le sourire; mais précisément, nul ne saura jamais si elle n'a pas donné aux siens, jusqu'au dernier moment, l'illusion que n'étaient pas vains leurs efforts pour lui cacher le caractère irré. versible du mal qui devait l'emporter.

(10)

8

-42

e

CONGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT

PROFESSIONNEL

(Fédération Nationale des Anciens Elèves des Enseignements Techniques et Professionnels)

Ainsi que nous l'avons annoncé dans le précédent bulletin, nous publions ci-après le rapport présenté par la Commission de l'Enseignement.

La situation actuelle et l'avenir

de l'Enseignement Technique

Sous le titre de Réforme de l'Enseignement - la 40' dit-on depuis 1789 - des mesures fragmentaires et parfois d'inspiration düférente sinon contradictoire ont été prises par les très nom· breux ministres de l'Education Nationale qui se sont succédé rue de Grenelle depuis l'élaboration, en 1945, du projet Lange-vin·Wallon.

Il en résulte une confusion dans l'esprit public, telle que, pour faire le point de la situation, un peu d'histoire est nécessaire au départ, en ce qui concerne au moins l'enseignement technique.

Un peu d'Histoire

L'enseignement t.echnique date des premières années du siècle.

En 60 ans d'existence, il avait réussi à construire un édifice solide et équilibré :

- A la base : l'orientation professionnelle aidait à une

judi-cieuse répartition, dans les entreprises ou les écoles, des en· fants venant de l'enseignement primaire.

- Au premier étage : les centres d'apprentissage (aujourd'hui

Collèges d'enseignement technique) formaient les ouvriers et employés qualifiés.

- Au deuxième: les Collèges techniques et les E.N.P. (devenus

lycées techniques), avaient la double mission de former des techniciens et cadres moyens, d'une part, de préparer les meilleurs sujets à l'enseignement technique supérieur, d'au-tre part.

(11)

_. Au sommet : les écoles d'ingénieurs, les écoles supérieures

de commerce, les instituts spécialisés formaient les cadres supérieurs nécessaires à l'économie nationale. .

- En marge des écoles privées, reconnues par l'Etat ou sim-plement déclarées, toutes soumises à la surveillance des

ins-pecteurs de l'Enseignement technique suppléaient l'insuffi-sance numérique des écoles publiques; elles permettaient les expériences pédagogiques et entretenaient une émulationsalutaire. Complétant cet ensemble, un réseau serré de cours profession-nels, de perfectionnement ou de promotion, de tous niveaux.

à temps réduit ou complet, allant du simple cours du soir à

l'organisation modèle du Conservatoire des Arts et Métiers, prenaient l'élève à son niveau et l'élevaient aussi haut que

son courage et ses facultés le lui permettaient.

L'administration, le fonctionnement des services et des éta-blissements, l'étude des programmes et des résultats étaient assurés et contrôlés par un corps de fonctionnaires et d'inspec-teurs spéciaux et hiérarchisés (inspecd'inspec-teurs, inspecd'inspec-teurs princi· paux, inspecteurs généraux), sous l'autorité d'un Directeur Géné-ral, souvent fortifiée par celle d'un sous-secrétaire d'Etat, avec la collaboration constante des groupements professionnels et celle particulièrement efficace des conseillers de l'Enseignement technique.

L'Enseignement technique disposait en outre d'un Conseil supérieur d'enseignement, auquel une regrettable transformation d'après-guerre avait enlevé toute utilité, le Conseil actuel - qui n'est plus supérieur - étant à quelques unités près composé

exclusivement de représentants du personnel. La création

ré-cente du haut comité de la formation professionnelle répond en partie aux critiques adressées au Conseil de l'E.T., mais cette assemblée très « haute »aura, nous le craignons, quelque diffi·

cultéà s'abaisser au niveau des discussions techniques et à

deve-nir efficace.

L'Enseignement technique était et est encore entouré d'insti-tutions qui lui étaient propres, telles que : Comités départemen-t.aux de l'Enseignement technique, Commissions nationales pro-fessionnelles consultatives, Corps des Conseillers de l'Enseigne-ment technique, etc. Ces institutions entretenaient et entretien· nent toujours des contacts réguliers, génèraux et particuliers avec l'extérieur, notamment avec les employeurs, les cadres et les producteurs, créant entre la profession et l'administration un climat de confiance bénéfique aux deux parties.

L'Enseignement technique a-t-il failli à sa mission ? - Il l'a bien remplie, croyons-nous. Les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers qu'il a formés sont appréciés.en France. Tous les élèves de l'Enseignement public sont absorbés par les entreprises dès la fin de leurs études. Il n'y a pas de chômage pour eux. Leur

qualité est connue et fait prime dans l'industrie française et à

l'étranger.

(12)

10

-que. Il l'a maintenue à tous les niveaux en s'efforçant de déve-lopper le nombre des établissements et des élèves pour répondre à la demande pressante des employeurs.

Pour la formation des ouvriers et employés qualifiés, les effec-tifs des centres d'apprentissage, aujourd'hui Collèges techniques, sont passés de 178.339en 1953 à 274.112 en 1961.

Pour la formation des cadres moyens et des techniciens, les effectifs des actuels lycées techniques sont passés, pour la même période, de 104.800à 182.000.

Et ce développement eût été plus accentué si l'Enseignement technique avait disposé des crédits utiles.

Grâce à ses contacts permanents avec les représentants de l'économie nationale, l'Enseignement technique a constamment vérifié sa pédagogie pour la mettre à jour des besoins nouveaux et préparer des hommes et des femmes capables de s'adapter aux exigences du progrès.

L'effort accompli pour les enseignements économiques et so-ciaux qui intéressent particulièrement l'élément féminin est un exemple typique du souci de mise à jour de l'Enseignement tech-nique. Les effectifs de cette spécialité, inexistante au début du siècle, sont passés de 47.067 en 1953, à 96.807en 1961.

Réforme nécessaire

L'évolution extraordinairement rapide du progrès scientifique et des moyens mécaniques de production, d'une part, la prolon-gation de la scolarité et ses conséquences, d'autre part, appe-laient de toute évidence une révision ou une mise à jour des programmes scolaires des différents niveaux de tous les ensei-gnements et, parfois, de la vocation partielle ou totale de cer-tains établissements. Une modification profonde des rapports entre les enseignements complémentaire et moderne et l'en-seignement technique était nécessaire pour parvenir à la défi-nition et à l'harmonisation du rôle de chacun.

La situation actuelle

Il nous semble que cette adaptation et cette harmonisation pouvaient s'obtenir sans bouleverser l'organisation de l'Ensei-gnement technique. En le diluant dans des services communs où tous les enseignements sont confondus, chacun perd son ori-ginalité et sa personnalité sans qu'on aperçoive clairement le bénéfice à tirer de la nouvelle situation.

La réforme de l'Enseignement, jusqu'alors, s'est présentée surtout sous l'aspect d'une transformation de l'administration de l'Education Nationale, qui substitue à l'ancienne structure verticale par ordre d'enseignement, une structure horizontale par nature de services.

Une telle modification est peut-être théoriquement explicable; en fait, elle aboutit à une remarquable désorganisation. .

(13)

En ce qui concerne l'Enseignement technique, les conséquen· ces sont graves, caril ne peut être comparé à aucun autre. Ses

besoins et ses caractéristiques sont très différents :

a) Les locaux nécessaires aux écoles techniques : classes, labo-ratoires ateliers, nécessitent des emplacements, des bâtiments et des crédits sans comparaison avec les autres établissements scolaires.

b) Les laboratoires et les ateliers doivent être équipés d'un matériel important, moderne, coûteux, sans cesse plus évolué, qui n'existe que dans l'Enseignement technique.

c) ces laboratoires et ateliers ont besoin pour fonctionner de matières d'œuvre, qu'aucun autre établissement n'utilise.

d) Les programmes d'études où l'Enseignement général, celui de la technologie, du dessin, des langues vivantes avec répertoire technique et la formation pratique se doivent combiner, exi-geant un dosage différent selon la profession et le niveau de l'établissement. Ils ne peuvent être que l'œuvre de spécialistes avertis.

e) Les Chefs de travaux, les professeurs techniques, les pro-fesseurs de spécialité n'ont pas d'équivalent dans les autres enseignements et l'on ne conçoit pas qu'ils puissent être recru-tés, pédagogiquement formés et inspectés en dehors de l'Ensei-gnement technique.

f) Et ceci est très important : la valeur de l'Enseignement

technique, son efficacité sont fonction de son adaptation aux progrès scientifiques et industriels, et de sa perception des be-soins de l'avenir. Son développement et son succès sont liés à

ses rapports fréquents et confiants avec les représentants de la profession. Actuellement ces contacts existent et se développent sans cesse; leur maintien est la condition expresse de la qualité de ses services.

Il faut pour ce faire que les responsables de l'économie fran-çaise trouvent en face d'eux une administration et des hommes qualifiés pour les entendre, ayant pouvoir de décider et d'appli-quer les mesures que peuvent inspirer leurs suggestions ou

conseils. .

La Fédération, dès sa fondation, aux côtés des pionniers, a contribué à la construction et au développement de

l'Enseigne-ment technique. Elle continue à lui apporter sa collaboration en le faisant connaître et en le défendant, en l'entourant d'un réseau d'amis qui le perfectionnent et le subventionnent.

Son action persévérante et ininterrompue depuis 1896 sur le plan parisien, depuis 1909 sur le plan national, l'autorise à expri-mer l'inquiétude profonde qui étreint ses membres devant la situation actuelle de l'Enseignement ~chnique,menacé de désin·

tégration.

Laréalité lui paraît grave de conséquences.

Le décret du 6 janvier 1959 a créé le cycle d'observation. Son échec est total dans sa forme actuelle. L'Enseignement techni-que, à qui il faut des effectifs à la fois nombreux et de valeur

(14)

12

-pour dégager les élites nécessaires à l'avenir économique du pays, semble condamné à ne recevoir que le troisième choix des élèves du second degré.

Il faut trouver d'urgence le moyen de mettre un terme défi-nitif à la sélection simpliste, appliquée de façon presque géné-rale, qui consiste à diriger les excellents élèves vers l'Enseigne-ment classique, les bons vers l'Enseignel'Enseigne-ment moderne, les autres. vers l'Enseignement technique.

La mise en place d'une nouvelle organisation d'orientation. indépendante de toutes les formes et de tous les établissements d'enseignement, avec un programme national et régional spé-cialement étudié et un corps professoral formé en vue de sa fonction, no'us parait le véritable remède.

La création de 20 Collèges d'Enseignement secondaire, poly-valents, décidée en mai dernier, par M. Christian Fouchet, à

titre d'expérience, semble orientée vers la solution que nous. préconisons. Nous suivrons avec attention cette innovation dont la généralisation est envisagée si les résultats sont bons.

L'Enseignement technique dans sa forme ancienne unissait. dans une sorte d'esprit de corps : administration, professeurs. amis et professionnels; chacun des éléments avait conscience de travailler à une œuvre commune à laquelle il donnait avec enthousiasme son savoir et sa foi. Actuellement, le trouble s'est introduit dans les esprits : les instructions sont contradictoires ou inexistantes, le personnel, sans directives précises, donne des signes de découragement, les professionnels prennent une posi-tion d'expectative. Aucun foncposi-tionnaire, hormis le Directeur général qui domine le tout, n'a plus qualité pour écouter, parler, conseiller ou décider au nom de l'Enseignement technique. Il faut, croyons-nous, rétablir une organisation unitaire, viable et solide pour redonner confiance à tous.

Ce que doit être l'Enseignement technique

Avant de déterminer le rôle et la structure de l'Enseignement technique, il convient de le situer dans l'organisation générale de l'Education Nationale.

_. L'Ecole primaire : a pour tâche essentielle d'inculquer les notions de base et de préparer les voies de l'avenir. Cette tâche est primordiale~La phase terminale ries études nrimai-res revêt une grande importance avec la prolongation jusqu'à 16 ans de l'obligation scolaire. Plusieurs paliers, prévus d'ail-leurs, doivent permettre autant que faire se peut, une répar-tition des élèves conforme à leurs aptitudes et aussi aux besoins prévisibles de la Nation. Ceci appelle :

- Une étude préalable par enquêtes et statistiques bien or-données, déterminant ces besoins et les moyens disponibles ou à créer pour les satisfaire.

- L'élaboration et la mise en place de modes de sélection judicieux à différents niveaux, tenant compte de la valeur et des dispositions naturelles de l'enfant, des débouchés régio-naux et des besoins natiorégio-naux.

(15)

- L'Enseignement du second degré: nous apparaît sous deux aspects : un enseignement de préparation et un enseigne-ment de formation.

Les Collèges d'Enseignement général, les Lycées modernes et les Lycées classiques doivent préparer leurs élèves : dans leur cycle court, à l'entrée dans les écoles techniques; dans

leur cycle long, aux écoles supérieures et a.ux facultés. L'En· seignement techrùque forme à l'exercice d'une profession, dans sa gamme d'établissements, les élèves qu'il reçoit de l'école primaire, des collèges d'enseignement général ou des lycées modernes.

Lerôle des deux fractions de l'Enseignement du second degré étant complémentaire au moins en partie,ilest indispensable que les buts et les programmes de chacun soient définis et harmonisés pour les rendre concordants et non concurrents.

- L'enseignement supérieur a conservé un statut particulier

sans englober l'Enseignement technique supérieur. Nous sou-haitons que cette sage mesure demeure. Les écoles d'ingé-nieurs, les écoles supérieures de commerce, les instituts spé-cialisés sont le couronnement légitime de l'Enseignement technique qui les a créés, en prépare le recrutement et en assure le fonctionnement.

Les principes étant ainsi définis, un plan d'organisation de l'Enseignement technique peut être dégagé qui tienne compte de l'expérience du passé et des exigences de l'avenir.

Il nous apparaît sous cette forme :

1°) restaurer l'unité de l'Enseignement technique indispensable

à son fonctionnement, à son développement et à son effi-cacité;

~O) assurer son recrutement en nombre et en qualité par des mesures appropriées; la création, notamment, d'un cycle d'ob-servation - qui pourrait être le collège polyvalent d'Ensei-gnement secondaire qui sera expérimenté en octobre - et qui doit être indépendant de toutes les formes d'enseignement, avec un corps professoral spécialement formé à sa fonction; "30) définir clairement le but et la fonction de chaque forme d'en· seignement et élaborer les mesures propres à harmoniser l'ensemble en favorisant l'interpénétration au même niveau. -40) multiplier les contacts adminsitration-profession, d'une part, et ceux avec les institutions internationales d'autre part, pour orienter résolument l'Enseignement technique vers l'avenir.

La collaboration des entreprises et de l'Enseignement tech-nique, par le détachement de professeurs spécialistes, l'accueil de stagiaires dans les ateliers et bureaux notamment, est une nécessité imposée par le progrès. Les éCOles ont besoin du savoir des chercheurs, de l'expérience des professionnels, de la connaissance des nouveautés mécaniques pour tenir à jour leur enseignement. Les établissements commerciaux et indus-"triels ont intérêt à recevoir des écoles des collaborateurs

(16)

14

-ayant pris contact avec les réalités de l'heure dans les lieux où ils sont appelés à travailler;

5°) permettre à l'Enseignement technique d'assurer la fonction qui lui incombe : former la masse des travailleurs qualifiés, des techniciens, des cadres du commerce et de l'industrie, en lui en donnant les moyens matériels et financiers; 6°) assurer la qualité de l'Enseignement technique en

permet-tant, par des rémunérations raisonnables au moins égales en leur début à celles du secteur privé, le recrutement de pra. fesseurs de valeur;

7°) envisager la concentration sous l'autorité du Ministre de l'Education Nationale, appuyée sur une nouvelle Direction générale de l'Enseignement technique ou tout autre orga-nisme jugé plus opportun, de l'ensemble des institutions de formation ou de rééducation professionnelle disséminées dans les Ministères : Agriculture, Travail, Défense Nationale, etc., qui n'ont pas de raison de conserver des attributions dont on a dépossédé le Ministère du Commerce et de l'Industrie. La dispersion actuelle est contraire à la logique; elle nuit à

l'homogénéité de l'enseignement; elle gêne l'orientation ration-nelle des jeunes en faussant les renseignements statistiques; elle gaspille les ressources en les émiettant.

La place des anciens élèves

Plus que jamais l'Enseignement en général et l'Enseignement technique en particulier ont besoin d'évoluer au rythme de la société. Il convient même que l'Enseignement technique devance les événements et prépare ses élèves aux besognes d'avenir. Il s'y efforce et les anciens élèves sont heureux de l'aider chaque fois qu'ils ont l'occasion et la possibilité de le faire.

Mais, il nous faut constater avec peine, que notre collabora-tion, qui ne s'assortit cependant d'aucune revendicacollabora-tion, est de plus en plus rarement sollicitée; que, parfois même, notre re-présentation est purement et simplement supprimée d'institu-tions où notre place était jusqU'alors reconnue.

La Fédération a le droit de s'enorgueillir d'avoir obtenu de M. Gaston Vidal, qui fut un des premiers sous-secrétaires d'Etat

à l'Enseignement technique et un chef remarquable, la repré-sentation des anciens élèves dans tous les organismes consul· tatifs de l'Enseignement technique, depuis le Conseil de perfec-tionnement des Ecoles jusqu'au Conseil supérieur. Or, actuel-lement, si l'on n'a pas modifié les textes en usage, les anciens élèves ne figurent plus dans les nouveaux règlements. Ils sont généralement oubliés, quelquefois remplacés par les parents d'élèves.

Il ne peut et ne doit pas y avoir concurrence entre les parents d'élèves et les anciens élèves. Les associations qui les groupent ont un rôle et un but différents, complémentaires et également utiles.

(17)

Les parents d'élèves ont leur place marquée dans les établis-sements où ils constituent pour la direction un instrument d'information précieux.

Les anciens élèves témoignent de la valeur de l'Enseignement par la place qu'ils occupent dans l'économie régionale ou dans la profession qu'ils exercent. Leurs conseils, inspirés par leur expérience professionnelle, leur connaissance des besoins, leur désir de servir les jeunes, sont détachés de tout intérêt per-sonnel individuel ou collectif. Les anciens élèves groupent en effet, sans distinction d'âge et de situation, des ouvriers, des cadres, des professeurs, des chefs d'entreprises unis, non pas par l'espoir d'un profit matériel ou moral, mais par un sentiment amical né dans la communion d'esprit des années d'école, déve-loppé par la solidarité professionnelle, consolidé par la recon· naissance des bienfaits d'une formation dont ils sont fiers d'être les bénéficiaires.

Les associations d'anciens élèves, composées des meilleurs {j'entre eux - ceux qui n'oublient pas ce qu'ils doivent à leur école et à la société - constituent en elles-mêmes une synthèse des éléments sur lesquels doit être basée la politique des établis- , sements de formation professionnelle.

Elles montent autour de ces établissements une garde vigie lante, les défendant au besoin, leur montrant à l'occasion le chemin à suivre, agglomérant autour d'eux amis et sympathi-sants, apportant sans rien demander en échange, leur concours moral et matériel.

Serait-ce parce ,qu'elles donnent et ne réclament pas que les sociétés d'anciens élèves sont délaissées par les pouvoirs publics? Nous avons protesté avec vigueur et à plusieurs reprises con-tre la constitution invraisemblable du Conseil de l'Enseignement technique. Après des études qui ont duré plusieurs années et absorbé l'esprit de plusieurs ministres, il a été tenu compte de nos observations : on n'a pas modifié le Conseil, mais on a créé un haut comité de la fonnation professionnelle, dans lequel les professionnels sont représentés à tous les échelons et... les an· .ciens élèves exclus ès-qualité. Félicitons-nous de la création et regrettons le geste qui évince.

Regrettons aussi et surtout la suppression progressive des membres « non engagés l>, dans les organes consultatifS de

l'Etat, constitués à peu près uniquement de représentants d'or· ganisations syndicales, patronales, ouvrières, de cadres ou de fonctionnaires soumis implicitement au mandat impératif.

Tenus de rester dans le cadre politique de leur groupement, -soucieux de veiller aux intérêts spéciaux de la caté'gorie qu'ils représentent, ces membres épluchent souvent les textes en fonc-tion de leur situafonc-tion pas obligatoirement en hannonie avec l'intérêt général. Il en résulte des chocs oratoires attrayants mais superflus et même des votes inspirés par des considéra-tions, parfois très légitimes, étrangères ~u strict objet des dis-cussions.

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16

-La présence de personnalités n'ayant aucun engagement, prê-tes à se ranger à l'avis qui leur semblerait le meilleur, apporte-rait un élément d'équilibre, de stabilité, une garantie d'impar-tialité qui parait indispensable dans de telles conjonctures.

Les sociétés d'anciens élèves qui n'ont pas de préjugés et n'ont d'autre dessein que perfectionner l'enseignement qui les a formés et servir le pays en assurant dans les meilleures condi-tions l'avenir de leurs jeunes camarades, constituent le type même des groupements à la fois indépendants et compétents n'ayant aucun intérêt particulier à défendre. Nous demandons aux pouvoirs publics de tenir compte de cette vérité.

Pensez·y dès maintenant: 1964 doit être une année mémo-rable pour :

La promotion 51·54 10· anniversaire La promotion 47·49 15· anniversaire La promotion 37·39 : 25e anniversaire

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JI

Le rôle

du

Géographe

dans

la Cité"

Leçon Inaugurale

de M.J.-J. JUGLAS

Professeur de Géographie Economique au Conservatoire National des Arts et Métiers

ancien Professeur à l'E.N.s.E.T.

et à l'E.N.l.AM. de Paris

<7 Novembre 1962)

La géographie ne participe que trop exceptionnellement aux actions qui se développent depuis quinze ans en vue de vivifier et de rajeunir l'économie de notre pays : alors que des disci-plines récentes comme la Pédologie, l'Hydrologie, la Démogra-phie, la Sociologie, ou des disciplines déjà anciennes, comme la Géologie ou l'Economie Politique, voient consulter fréquemment leurs spécialistes, la Géographie, malgré l'éclat de l'Ecoie Fran-çaise, ne tient Qu'une place effacée dans le mouvement de colla-boration qui rapproche de plus en plus les autorités adminl.s-tratives et les différents secteurs de l'activité économique d'une part, l'Université et la Recherche de l'autre.

«Vous avez de la chance 1votre gouvernement vous apprécie et vous emploie. \Je suis jaloux parce qu'on ne nous demande rien de pareil en France où Gouvernement et Administration nous ignorent. La France possède actuellement la plus belle école géographique du monde. Or elle est complètement inuti-lisée; le géographe est considéré comme un amuseur au même titre que le philosophe ». C'est en ces termes que s'exprimait en 1953 à l'Université de Liége le professeur Raoul Blanchard, un des maitres les plus remarquables et les plus vénérés de la géo-graphie française. Sans doute faut-il faire la part dans un pareil propos qui s'adressait au professeur Tulippe, de l'Université de Liége, de la courtoisie dont doit faire preuve un visiteur à l'égard de celui qui le reçoit; néanmoins. aussi désagréable que puisse être pour nous géographes cette constatation, il est incon-testable que si la géographie n'est pas restée à l'écart des acti· vités que de nombreuses disciplines scientifiques déploient au service de la Cité, sa place, malgré les progrès réalisés ces der-nières années, reste encore trop lilpitée.

•*.

Les géographes ne sont pourtant pas restés étrangers aux préoccupations de notre temps : les travaux de ceux qui furent nos maîtres auraient pu servir de base il y a un demi-siècle à

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-des programmes d'aménagement régional, si on s'était préoccupé

à l'époque de planification. Pour ne citer que deux noms parti-culièrement illustres. les thèses d'Albert Demangeon sur la Pi-cardie et de Raoul Blanchard sur la région du Nord sont des modèles inégalés d'étude régionale. L'Enseignement donné dans les Instituts de Géographie de Paris comme en Province, pré-pare nos étudiants, plus que celui d'aucune autre discipline, à la compréhension d'une époque dont l'évolution s'accélère. Quel-qu'important que soit cet enseignement de haute qualité, il est malheureusement évident qu'il n'a été jusqu'à maintenant qu'exceptionnellement fait appel aux géographes dans les nom-breux organismes publics, para-publics ou privés où leur forma-tion pourrait être particulièrement utile.

Depuis 1953, date à laquelle le Doyen Raoul Blanchard tenait les propos cités, une génération de jeunes professeurs dans la foulée de quelques anciens a su s'imposer moins peut-être à l'échelon national qu'à l'échelon régional, et l'activité de certai-nes Universités a été plus particulièrement orientée vers la géographie appliquée. Celle de Rennes, sur les traces du Profes-seur Meynier, sous l'impulsion de Michel Phlipponeau a multi-plié les études dans le cadre du « Comité d'études et de liaison des intérêts bretons li, le C.E.L.I.B, procédant en particulier à

un inventaire, dont l'intérêt n'a pas besoin d'être souligné, sur les possibilités d'implantation industrielle en Bretagne. L'Ins· titut de Géographie de l'Université de Strasbourg est jumelé à un Centre de Géographie Appliquée qu'anime le Professeur Tri-cart et ses deux collaborateurs, M. Juilliard, spécialiste des pro-blèmes agraires, et M. Rochefort. Dans la région lyonnaise le Professeur Laferrere a interrompu pendant plusieurs années ses fonctions universitaires pour participer aux divers Comités d'Expansion de la Région Lyonnaise. L'équipe de Bordeaux est plus particulièrement orientée vers les pays africains d'expression française; son animateur, le Doyen Papy, n'en a pas moinscon· tribué par ses travaux à la rénovation de la forêt landaise. Le Professeur Pierre George, de l'Université de Paris, a étéchargé, dans le cadre de la Commission de l'Equipement Urbain du Commissariat Général au Plan de diriger le groupe 1 chargé des

« Prospectives urbaines Il. Mais c'est une nomination récente et

dans le cadre national elle est unique.

A côté des Maîtres de l'Université, des Professeurs de Lycée tel André Railliet, Professeur au Lycée de Reims, des Profes-seurs d'Ecole Normale jouent souvent sur le plan local un rôle trop peu connu. Je pense en particulier à celui que tient en ce moment avec autant de désintéressement que d'efficacité le Pro-fesseur de Géographie du Centre associé Mosellan du Conserva-toire National des Arts et Métiers. Membre du Comité d'Amé-nagement du Plan d'Equipement de la Moselle. du Comité Ré-gional du Bassin Lorrain, du Centre d'Information et d'Etudes Economiques let Humanistes Lorraines, Conseiller officieux de la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Moselle, ce profes-seur consacre tous les loisirs que lui laisse son enseignement, à participer aux études qui permettront le développement har-monieux de sa région natale.

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1 9

-On ne saurait donc prétendre que les géographes français restent enfermés dans leur tâche a'enseignement. Les affirma-tions du Doyen Blanchard, mes propres rétlexions restent cepen-dant valables surtout quand on compare le rôle de la géographie dans notre pays à la place parfois prépondérante qu'elle occupe

non seulement dans la plupart des Etats de haut développement économique, mais aussi en un certain nombre de pays neufs; et

il est difficile pour les Français de réaliser la place que tiennent

les géographes dans les deux Etats géants du monde moderne. Il est normal que dans une économie socialiste la géographie se place en première ligne dans l'œuvre de développement. Dans un pays « où les influences géographiques ont force de loi

puis-qu'il s'agit ici d'une mise en place systématique et totalement rationnelle des moyens de productions » (Pierre George), les géographes ne pouvaient qu'être appelés à jouer un rôle prati-que extrêmement important. C'est à la géographie, science de

synthèse, qu'il a été fait appel avant toute autre discipline pour rassembler les matériaux nécessaires aux organismes responsa-bles de l'élaboration des plans.

C'est à des géographes que l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. a confié les grandes explorations géographiques des-tinées «à révéler de nouvelles ressources naturelles )) et à

déve-lopper les forces productives dans toutes les régions du pays en vue de leur mise en valeur. Mais les géographes ne sont pas cantonnés dans les régions peu connues. Ainsi que l'écrivait en 1956 le géographe Guerassimov dans les Essais de Géographie publiés par l'Académie des Sciences : « Dans les conditions de

l'économie socialiste planifiée, la division du pays en régions naturelles et économiques, la répartition rationnelle des entre-prises et des düIérentes branches de la production sociale, le développement économique complexe des diverses régions, l'orga· nisation rationnelle de liens économiques, toutes ces questions constituent une des parties les plus importantes des travaux degéographie

l).

Il existe en Union Soviétique 25 Facultés de Géographie. Ce sont des établissements universitaires autonomes dont une des tâches essentielles est de former des chercheurs utilisés direc-tement par les services administratifs ou par l'Institut de Géo-graphie de l'Académie des Sciences dont les équipes effectuent des recherches à la demande des autorités politiques. Dans

l'U.R.S.S. en effet nombreux sont à côté des étudiants qui font

carrière dans l'Enseignement ceux qui reçoivent la formation de « géographe investigateur l).

Rien d'étonnant dans un pays de planification autoritaire que le géographe occupe dans les organismes de développement éco-nomique une place éminente. Les régimes socialistes ne sont cependant pas une exception. Aux Etats-Unis, au Canada, pays encore fidèles à l'économie libérale, il est fait appel aux

géo-graphes sur une échelle équivalente. Ce parallélisme n'a rien qui

puisse nous étonner, le capitalisme américain n'évolue-t-il pas rapidement pour reprendre les expressions de M. Fourastié, Professeur au C.N.A.M., du stade «individualiste à court terme )) au « stade collectif à long terme )), la différence au point de

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2 0

-yue de l'action et des résultats pratiques étant plus grande, tou-Jours d'après M. Fourastié, entre le capitalisme américain de

1952 et celui de 1932 qu'entre le capitalisme américain et le

col-lectivisme soviétique.

C'est après la grande crise de 1929 que s'amorce le mouvement qui va donner une importance considérable aux géographes dans la cité américaine. Il s'amplifie au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Aujourd'hui les géographes non universitaires sont plus nombreux que les enseignants beaucoup de ces der-niers d'ailleurs participent à des études'et à des recherches à

la commande comme les premiers.

Je citerai quelques chüfres : le Gouvernement Fédéral des U.S.A emploie 500 géographes environ dont 200 dans le seul département de la Défense, les cartographes du service cartogra-phique de l'Armée ne figurant pas dans ce total. Le Ministre de l'Intérieur utilise les géographes plus particulièrement dans la section géographique du Geological Survey, mais on en trouve également dans le service des Affaires Indiennes, au Bureau des Mines, cette énumération n'étant pas limitative. Le Département du Commerce les utilise surtout d'une part dans le Bureau du Census et dans l'Area Development Division, c'est-à-dire dans le service de Développement des Economies Régionales; mais on en trouve encore dans les services du Commerce Interna-tional et de la Navigation aérienne. Au Département de l'Agri-culture les géographes occupent des postes de premier plan notamment dans le service de conservation des sols et dans celui des agricultures étrangères; on trouve même des géogra-phes au Département d'Etat.

A côté des services fédéraux les Etats, les villes, les associa-tions privées emploient un nombre croissant de géographes mal-gré la concurrence qui leur est faite par divers techniciens, ingénieurs, architectes et surtout « planners 1) que forment les

Instituts de planning d'un grand nombre d'Universités. Les municipalités des grandes villes : New York, Chicago, Philadel-phie, Detroit, Los Angeles... emploient des géographes dans leurs bureaux de planning à côté des ingénieurs, des arcnitectes, des économistes, des sociologues, sans oublier les « consul-tants »qui sont des Professeurs d'Université.

L'emploi du géographe dans les affaires est plus récent, mais

il se développe rapidement.

La plupart des grandes entreprises recrutent des spécialistes de géographie; on en trouve à la« Dupont de Nemours », l'Alu-minium Cy, l'United Steel... pour étudier les problèmes d'appro-visionnement, de marché. de localisation des usines et des entre-pôts... certaines banques font appel à des géographes pour con· duire leur politique d'investissements en fonction de l'interpré-tation des faits de géographie économique. Ils sont utilisés par les compagnies de transport, pour l'étude d'itinéraires, de cou-rant de trafic, la rédaction de brochures touristiques; les maga-sins à succursales multiples, notamment les super-markets, font appel à eux pour la localisation de nouveaux points de vente; les sociétés immobilières pour l'étude des lotissements et des zones industrielles.

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Cette analyse incomplète démontre que l'utilisation intensive de la géographie n'est pas particulière à. une forme d'économie. Elle n'est pas liée non plus aux Etats géants. Plusieurs Etats de l'Europe Occidentale en administrent la preuve. C'est plus particulièrement le cas de la Grande-Bretagne, de la Belgique et des Pays-Bas.

Comme aux Etats-Unis, c'est la crise de 1929 qui en Grande-Bretagne a déclanché le mouvement. Faut-il décrocher l'indus-trie des bassins houillers où elle est traditionnellement instal-lée ? Les difficultés rencontrées par les exportateurs de produits manufacturés, la tension internationale avec l'arrivée au pouvoir d'Hitler, amènent les dirigeants britanniques à repenser le pro-blème agricole. Tout cet effort se développe dans un cadre d'ac-tions librement concertées en dehors de toute planification d'en-semble. Une administration largement décentralisée coordonne sa propre action et celles des représentants des divers intérêts économiques et sociaux régionaux pour résoudre les problèmes complexes d'aménagement et de développement régional.

Au début de ce mouvement de réorganisation et d'adaptation les géographes n'attendent pas que l'administration recoure à.

leurs services pour montrer que leur discipline présente un inté-rét pratique. On peut même affirmer que leurs initiatives ont parfois été à l'origine de la planification, leurs publications n'étant pas limitées au cercle étroit des spécialistes. Par le fait même qu'ils n'hésitaient pas à aborder les problèmes du mo-ment, les administrations ont été amenées tout naturellement à.

faire appel à eux.

La cartographie des modes d'utilisation des sols, par Dudley Stamp, fut à l'origine essentiellement scientifique. Mais elle attira l'attention des autorités sur la nécessité d'un pareil inven-taire pour transformer l'économie agricole britannique. Le

« Land Utilisation Survey »est né des travaux désintéressés de Dudley Stamp. A la veille de la guerre, qu'il s'agisse de problè-mes agricoles ou de redistribution et d'adaptation de l'industrie, ilétait admis que la géographie constituait la base de la planifi-cation. La guerre allait accélérer le mouvement, posant en par-ticulier des problèmes d'urbanisme par les destructions qu'elle entraina, par les transformations qu'elle suscita. Le remarqua-ble mémoire de Willatts, sur le Middlesex et la région de Lon-dres, devait servir de base au plan d'aménagement du grand Londres.

Jusqu'à la guerre les géographes étaient des universitaires. Depuis est apparu un vrai corps de géographes fonctionnaires non enseignants. Ainsi le Ministry of Town and Country Plan-ning utilise plusieurs dizaines de géographes. Il en emploie éga-lement dans ses services régionaux. On en trouve aussi au minis-tère de l'Agriculture, au minist~re du Commerce, au Foreign Office qui dispose d'experts géographes spécialisés. Il existe également des géographes dans les organismes régionaux et locaux de planification.

Nous retrouvons sur l'autre rive de la mer du Nord l'évolution que j'ai sommairement décrite en Grande-Bretagne. Entralné

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· 2 2

-par des maîtres comme le Professeur O. Tulippe de Liége un élève d'Albert Demangeon, comme le Professeur Boerma~ de l'Ecole des Hautes Etudes Economiques de Rotterdam les géo-graphes jouent un rôle de premier plan dans les services de planification régionale en Belgique et aux Pays-Bas. Ils tiennent tille place essentielle dans le premier stade du travail de Plani-fication Régionale : celui du diagnostic économique et social qui précède celui de l'élaboration planologique et celui de l'exé-cution.

Comme en Grande-Bretagne, nous trouvons à la fois des géo-graphes fonctionnaires appartenant à des administrations spé-cialisées et des universitaires. Encore que le monde des affaires, surtout aux Pays-Bas, fasse parfois appel aux géographes, il

n'existe pas, sauf peut-être dans quelques compagnies de navi-gation néerlandaises, de géographes que nous puissions qualifier de privés.

L'exemple des pays neufs comporte pour nous moins d'ensei-gnement. Il n'est pas cependant inutile de montrer la place qu'ont tenue ou que tiennent encore les géographes dans la politique de développement. Je limiterai mon analyse au Brésil et aux pays africains d'expression française.

Au Brésil, nous trouvons, fait exceptionnel, un Conseil Natio-nal de Géographie directement rattaché à la Présidence de la République; ce Conseil dispose à la fois de moyens techniques et financiers appréciables et d'un nombreux personnel spécia-lisé. Dans chacun des Etats une Direction du Conseil groupe les représentants des administrations intéressées; dans chaque

« munidpe » des correspondants, souvent ce sont des profes-seurs de géographie, rassemblent la documentation et répon-dent aux questionnaires qui leur sont adressés par les échelons supérieurs. Par ailleurs l'équivalent de l'Institut National de Statistiques et des Etudes Economiques Françaises O'I.N.S.E.EJ porte le nom d'Institut Brésilien de Géographie et de Statisti-ques. L'Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques joue un rôle plus étendu que notre I.N.S.E.É.; chargé de dresser un inventaire géographique de toutes les régions du Brésil afin de rp.tionaliser leur mise en valeur et d'évter le renouvellement des erreurs qu'a entraîné la méconnaissance du milieu géographi-que, il correspond également à notre Commissariat au Plan et

à la Direction de l'Aménagement du Territoire. Son personnel est fait à la fois d'universitaires et de géographes non ensei-gnants.

Pour préciser la plaèe faite au géographe, je citerai deux faits: un des plus difficiles problèmes que doit résoudre le Brésil est celui que pose la sécheresse pour toute une partie du Nord-Est, celle dite du « Polygone de sécheresse l>. Sur ce problème la Chambre des Députés demandait il y a trois ans au Professeur O'Reilly Sternberg, de l'Université de Rio, membre du Conseil National de Géographie, de lui exposer les résultats de l'enquête géographique à laquelle il avait procédé sur cette région. En

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France, je ne me rappelle qu'un cas analogue, quand une Com-mission de l'Assemblée Nationale demanda au Professeur Mus dE. venir nous exposer ses conceptions sur le problème indo-chinois.

Deuxième fait : l'emplacement de la nouvelle capitale, Bra-silia, n'a été choisi qu'après une enquête géographique appro-fondie confiée simultanément à deux missions distinctes, dont la première était dirigée par un géographe français, Francis Ruellan. Je ne résiste pas à la satisfaction de rappeler le rôle qu'a joué dans la formation des maîtres de la géographie brési-lienne tout un groupe de géographes français : Pierre Gourou, Francis Ruellan, sans oublier mon prédécesseur au C.N.A.M., Pierre Monbeig.

Alors que les géographes français ne sortent qu'exceptionnel-lement de leur rôle de professeurs, ce sont eux que l'on retrouve, ou leurs élèves, dans le domaine géographique des Etats afri-cains d'expression française. L'énumération des études faites en particulier dans l'ancienne A.O.F. pour le service fédéral de l'Hydraulique, pour les missions d'aménagement du Sénégal. du Niger, du Konkouré, pour la Direction des Mines, pour le service de Statistique, et désormais pour les services des nou-veaux Etats, sans oubiler certaines compagnies privées, est im-possible dans le cadre de ce cours. Je me contenterai de rappe-ler, en m'appuyant sur les observations que j'ai pu faire direc-tement dans le cadre de l'Office de la Recherche Scientifique

E't Technique Outre-Mer, que les travaux faits en Afrique démon-trent, s'il en était besoin, que l'Ecole Géographique Française est parfaitement capable de rendre à notre pays des services comparables à ceux que rendent les géographes américains, russes, anglais, belges, néerlandais.

Si je regrette que la géographie n'occupe pas, en France, une place qui parfois aurait dû lui revenir, je n'ai pas la prétention (car elle est science de synthèse poussant ses ramifications dans les directions les plus diverses), de vouloir lui réserver dans la Cité une place exceptionnelle. Mais je pense qu'elle a un rôle considérable à jouer. C'est ce rôle que je vais tenter maintenant de définir. .

Mais, avant de procéder à cette analyse, je dois aborder une question préalable : dès l'instant où le géographe descend de sa chaire ou sort de son laboratoire, il se heurte à la concur-rence des autres disciplines scientifiques qui contestent sa coma pétence. Mon affirmation n'est pas gratuite: dans un important colloque sur « Université-Agriculture », cet état d'esprit s'est manifesté avec vigueur. Qu'il s'agisse dans le domaine physique de géologie, de pédologie, d'hydrologie et même de géomorpho-logie, qu'il s'agisse de démographie, de sociogéomorpho-logie, d'économie, l'intervention du géographe qui touche à toutes ces sciences est souvent contestée.

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-

24-un pareil problème. Est·il d'ailleurs soluble ? il est aussi diffi-cile de tracer une frontière entre deux disciplines voisines qu'en-tre deux zones climatiques ou deux zones de végétation; c'est par des transitions insensibles que l'on passe de l'une à l'autre. Seules sont nettes les frontières politiques, au moins en un ins-tant donné, parce qu'elles ont été tracées arbitrairement par l'homme. Dans son « Economie géographique », René Courtin qui enseigne à la Faculté des Sciences Economiques à Paris 'cette nouvelle discipline, s'est essayé à distinguer la géographie économique de l'économie géographique. Je ne suis pas sûr que, malgré sa bonne volonté et sa subtilité, la démarcation appa.-raisse nettement, Ne déclarait-il pas lui-même, au terme de son argumentation, qu'une collaboration étroite est nécessaire. .

En 1949, dans son livre « La Géographie Humaine », Maurice

Le Lannou écrivait : « Aucune discipline ne prend à son ser· vice tant de disciplines auxiliaires, et celles-ci font vraiment figure, dans la recherche géographique, moins de collaboratrices que de participantes, éléments d'un assemblage à quoi semble se réduire la géographie elle-même. Cela fait que le géographe ne conduit pas de recherches véritablement originales; il est tour à tour pédologue, climatologiste, agronome, économiste, ethnographe, historien, son travail ne semble se justifier que par le rassemblement des faits et leur expression cartographi· que. On lui pardonne de n'être pas savant dans quelque matière parce qu'il est instrument de toutes et qu'il est toujours en mesure de donner d'utiles mises au point et des images cor· rectes du monde »,

D'une façon plus ramassée, Max Sorre, disparu au terme d'une longue carrière particulièrement fructueuse pour la géo-graphie hUmaine

hconsidérait que l'apport original et irrempla-çable du géograp e est « état d'esprit, avec le sens des ensem-bles, et de l'interdépendance de leurs parties, le souci de leur localisation ».

La conclusion que nous pouvons tirer est que le géographe, représentant d'une science de synthèse, doit être prêt à colla.-borer - ou, pour reprendre l'expression de Le Lannou, « à faire participer à son activité toutes les sciences spécialisées sans lesquelles ses travaux risquent d'être superficiels, voire in-exacts ». C'est à cette condition seulement que le géographe pourra tenir efficacement la place qui doit être la sienne dans la vie économique de la Nation.

L'évolution économique, non seulement des Etats mais de l'ensemble même de la planète, est caractérisée par un double phénomène : tout d'abord un phénomène de concentration; l'usine attire l'usine. Les progrès du secteur secondaire multi-plient les activités tertiaires, transport, commerce, administra-tion; ce que les économistes appellent « l'effet cumulatif » tend

à rassembler les hommes dans certaines zones et plus particu-lièrement en quelques grandes cités. Le chef d'entreprise, dans une période de plein emploi a plus de chances de trouver dans ces grands rassemblements humains les spécialistes qui lui sont nécessaires, l'ouvrier a l'impression qu'il est moins dans la dé-pendance du patron que dans un ensemble industriel isolé. Les

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entreprises de dimension moyenne ou de petite dimension trou-vent plus facilement le client ou l'entreprise qui sous-traitera une fabrication donnée, les relations avec les fournisseurs de matière première sont plus commodes, le problème de lOge-ment du personnel n'a pas à être résolu par l'entreprise.

Parallèlement, d'autres régions tendent à se vider. De même que dans l'ensemble du globe l'écart ne cesse de grandir entre les pays sous-développés et les pays de grand développement, à

l'échelon national certaines régions s'enlisent dans une sorte de léthargie, cependant que d'autres attirent l'activité écono-mique. Méme si nous laissons de côté le « monstre parisien )l,

dans la France d'aujourd'hui l'Ouest et le Centre végètent. Ce

qui fut il y a plus de mille ans la Lotharingie, est en plein essor. La découverte du pétrole saharien, l'affermissement du Marché Commun, tout semble la favoriser au détriment de la partie occidentale.

Arrêter cette évolution, redonner vie à l'Ouest sans entraver le développement de l'Est, ralentir et si possible stopper l'exten-sion tentaculaire de Paris, est une tâche urgente si l'on veut éviter de graves mouvements sociaux. Une France vieillie, sans jeunesse, pouvait s'accommoder de cette situation; les régions où les enfants étaient rares pouvaient entrer en sommeil. Les événements dont la Bretagne est le théâtre, province prolifique qui n'a pas attendu le relèvement démographique de l'ensemble du pays pour connaître un excédent de population par rapport aux ressources traditionnelles, sont la démonstration de ce qui nous attend si dans les années qui viennent l'inégalité dans le développement entre les différentes parties de notre pays n'est pas atténuée, en attendant d'être effacée.

Le renversement de cette tendance exige, pour que les déci-sions à prendre soient pleinement efficaces, une double série d'études. La première se développant dans l'esprit des premiers plans de modernisation, c'est-àrdire sur un plan vertical. Pour faire face à une demande que l'on peut évaluer à au moins 100.000 nouveaux emplois dans le secteur industriel, ce qui doit entraîner 50 à 60.000 emplois dans le secteur tertiaire, quelles sont les activités qu'il est possible de développer en fonction des conditions naturelles et de la demande ? Quels sont les investissements nécessaires, quelle formation faut-il donner à

la jeunesse qui monte pour qu'il y ait une concordance aussi parfaite que possible dans un pays de liberté entre la formation professionnelle que recevra cettejeuness~et les postes à créer? Mais en parallèle avec cette première sÉrie d'études, une deuxième série est non moins indispensable sur un plan hori-zontal si l'on veut répondre au besoin de déconcentration et permettre la renaissance des régions les moins développées. Les travaux de la première série relèvent du démographe, de l'éco-nomiste, ceux de la deuxième sont de caractère géographique.

On parle beaucoup de déconcentration, on multiplie les Co-mités d'aménagement. Mais déconcentration ne veut pas dire atomisation. Pour rendre vie à une région, il ne suffit pas qu'une poussière d'entreprises soit projetée au hasard des

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ini--

26-tiatives locales ou des circonstances dans un trop grand nom-bre de localités. Pour que la déconcentration ne soit pas un feu de paille,il faut que dans les zones nouvellement industrialisées jouent ces effets cumumlatifs dont je parlais il y a un instant. Dans les régions insuffisamment développées, l'effort doit porter sur un nombre limité de pôles placés sur des axes judicieuse-ment choisis, ces pôles étant choisis en fonction des éléjudicieuse-ments multiples et complexes qui pourront favoriser leur croissance : communications faciles, existence au moins d'un embryon in-dustriel, main-d'œuvre rurale disponible dans les années à venir terrains à bâtir étendus sans travaux d'aménagement trop on~ l'eux... Pour conseiller de pareils choix les géographes formés aux disciplines de la géographie régionale sont mieux préparés que quiconque.

En attendant que le problème soit embrassé dans son ensem-ble, ce qui fait regretter que le ministère de l'Aménagement du Territoire n'ait connu qu'une existence éphémère, il est heureux que certaines initiatives aient été prises. C'est Chatellerault que j'évoquais plus particulièrement, quand je parlais de pôles de croissance placés sur des axes judicieusement choisis, et quand je rappelais que l'on doit tenir compte dans le choix des points qui seront des foyers de développement des facilités de commu-nication, de l'existence d'établissements industriels antérieurs, de la présence de terrains à bâtir sans travaux d'aménagement trop onéreux. Il n'en reste pas moins que toutes les initiatives individuelles ne sont pas également heureuses. Pour revivifier sur le plan agricole un département que je connais bien, on a créé côte à côte deux marchés gares distant de 28 kms. L'un d'entre eux situé dans une cité qui est à l'écart des grandes voies de communication. A l'initiative individuelle moins heu-reuse en ce département qu'elle ne l'a été dans la Vienne, il eut mieux valu préférer une solide étude géographique derrière la-quelle, de surcroît, les autorités administratives auraient pu s'abriter pour résister aux pressions politiques. Car je tiens à

bien préciser que le géographe, comme ses collègues démogra-phe, économiste, sociologue, a pour unique fonction de faire des études; c'est à l'autorité politique ou administrative respon-sable qu'il appartient de choisir, mais les choix ne seront plei-nement valables que si des études sérieuses les précèdent. Parmi les disciplines qui peuvent y participer, la géographie a le droit de réclamer une place de choix.

Mais là ne s'arrête pas le rôle du géographe. Pour revivifier une région, il ne suffit pas de créer des pôles ou des axes nou-veaux d'activité industrielle même s'ils sont parfaitement bien localisés. Sans doute ces centres industriels réagissent sur la campagne environnante : ils fournissent un débouché pour ses produits, légumes, œufs, volailles, qui représentent les petits bénéfices d'une exploitation agricole; ils épongeront à des dis-tances variables, suivant leur importance ou le type d'industrie, les excédents démographiques. Mais l'ensemble de la région ne sera qu'incomplètement touché si l'on ne s'attaque pas au pro-blème agricole, c'est-à-dire si l'on n'adapte pas aux conditions économiques de notre époque l'activité de la paysannerie fran-çaise.

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La rénovation agricole pose des problèmes d'une complexité inouïe. Les conditions naturelles sont impératives. Pour substi-tuer une culture nouvelle â une culture qui ne répond plus aux exigences de la consommation, il ne suffit pas de trouver un produit adapté au milieu naturel, faut-il encore qu'il ne boule-verSe pas les assolements possibles. Non seulement le milieu physique entraîne de lourdes servitudes, mais le milieu humain n'est pas malléable etilne l'est pas seulement pour des raisons psychologiques; ses habitudes, ses traditions sont ancrées dans If; sol. On change assez facilement les façons culturales, mais nlOdifier les modes de tenure, et plus encore la répartition des terres, est une opération délicate et de très longue haleine dans un pays libre. Il n'est que de voir la lenteur du nécessaire re-membrement même dans les régions où il serait le plus urgent. A cette œuvre de rénovation, l'économiste doit participer : oC'est lui qui mieux que quiconque peut conseiller l'abandon de certaines cultures dont les marchés se rétrécissent, ou le choix des cultures nouvelles plus adaptées aux conditions de la con-sommation nationale ou de l'exportation. La place de l'agronome est évidente. Celle de l'économiste rural également, d'autant plus utile que plus rares sont les exploitants qui tiennent un compte d'exploitation dans lequel entrent tous les éléments du prix de revient, y compris l'amortissement, non seulement du matériel de culture, mais également des bâtiments. L'ingénieur du génie rural est l'élément essentiel du remembrement. Mais pour avoir médité sur les paysages agraires parce que la discipline à la-quelle il appartient exige, comme je l'ai noté, de connaître cli-matologie, pédologie, démographie, économie. le géographe est l'élément coordinateur type: j'ai déjà rappelé le rôle qu'ont tenu les géographes dans le « Land Utilisation Survey »qui est à

l'origine de la réanimation de l'agriculture britannique.

Rejoignant le rôle que j'ai ambitionné pour le géographe dans le choix des pôles ou des axes de croissance, je verrais très bien en particulier les directeurs des services agricoles départemen-taux confier à des géographes les études préliminaires au choix des emplacements des « zones témoins » ou des « foyers de progrès agricole »où seront réalisées, en accord avec les exploi-tants de ces zones, les expériences de reconversion. Je verrais Également très bien la participation des géographes à la mise au point de grands projets d'aménagements agricoles régionaux. Dans la région « Bas-Rhône Languedoc >l, les réalisations

tech-niques sont remarquables, mais je ne suis pas sûr que l'étude des problèmes posés par ces immenses travaux d'irrigation ait été suffisamment exhaustive; elle aurait pu l'être avec la parti-cipation des géographes. Il semble d'ailleurs qu'en certaines ré-gions on l'ait compris : la société d'économie mixte pour l'équi-pement de la. Bretagne, filiale de la société centrale d'équil'équi-pement ,du territoire la S.C.E.T., a fait appel à l'Institut de Géographie appliquée de' l'Université de Rennes pour résoudre le problème que pose l'extension des Landes.

Autre secteur où le géographe peut être utile : celui de l'urba-nisme. La croîssance des villes, de toutes les villes, même dans les régions de médiocre développement économique, est un fait

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-d'observation courante. A notre époque non seulement les cam-pagnes se dépeuplent, mais les villages, les bourgs qui étaient encore au siècle dernier des foyers de vie locale, entrent en sommeil tués par les facilités de déplacement nées de la techni-que moderne. Le mouvement d'urbanisation est d'autant plus rapide que la ville est elle-même plus importante : ce mouve-ment, loin d'être contrarié, sera encore amplifié par la création de pôles et d'axes de cJéveloppement. Il pose et il posera donc des problèmes d'urbanisme de plus en plus urgents.

Des ensembles industriels doivent être installés, des quartiers d'habitation doivent être ouverts, des écoles doivent être cons-truites; il est un moment où l'on ne peut plus contraindre les ménagères à s'approvisionner au marché central; il est un mo-ment égalemo-ment où la ville en extension doit organiser un ré-seau de moyens de transport. Il y a donc intérêt à mettre sur pied un plan rationnel q.ui évitera ces développements anarchi-ques qui ont définitivement défiguré un certain nombre de cités. Je sais bien que cette tâche est dévolue à l'urbaniste, mais l'ur-baniste n'aurait-il pas intérêt à faire appel plus souvent au géo-graphe ? Est-il normal, ainsi qu'on peut l'observer dans une grande ville de l'Ouest en pleine expansion, où les vents domi-nants viennent de l'Occident, d'avoir installé les quartiers in-dustriels à l'Ouest de la ville, alors que les qcartiers résidentiels se développent au Nord·Est ? Les grandes entreprises recher-chent autant que possible les terrains plats. Sans doute les architectes s'assurent du degré de résistance du sous-sol aux charges qu'il devra supporter, ils se soucient des risques d'infil-tration et même d'inondation; réalisent-ils que même en pays de climat océanique, il est des crues exceptionnelles? Le géo-graphe, toujours un peu historien, et également hydrologue, peut, dans l'étude d'urbanisme préparatoire, être un auxiliaire d'autant plus précieux qu'il a souvent abordé ces problèmes de géographie urbaine comme étudiant ou comme professeur et qu'il est préparé mieux que quiconque à dominer l'ensemble du sujet. Un des maitres de la Sorbonne, M. Chabot, n'a·t-il pas consacré une part importante de son activité aux problèmes de géographie urbaine ?

Il n'est pas jusqu'au secteur des grands travaux qui n'ait inté-rêt à s'associer aux géographes. Je ne citerai qu'un exemple qui me parait caractéristique : le service d'étude d'Electricité de France sur l'utilisation des marées, dans l'hypothèse de la cons-truction d'une usine marémotrice, envisagera.it de l'édifier sur les hauts fonds situés entre la pointe du Grouin et les îles Chau-Sêy, en barrant complètement par une digue le dètroit entre les îles Chausey et Granville. Une des incidences de ce projet con-cerne les modifications des caractères morphologiques actuels du littoral. C'est en procédant à cette étude de la morphologie du littoral que le laboratoire de géographie appliquée de l'Uni-servité de Rennes est arrivé à la conclusion, par la connaissance de la morphogénèse de l'Estran, que seul un système de vannes sur la digue Granville-Chausey, par l'établissement de courants violents, permettra d'éviter, l'eau étant fort chargée de tangue. l'exhaussement progressif du fond de la baie.

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