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La femme dans l'oeuvre de Colette et de Virginia Woolf /

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Texte intégral

(1)

s

s

,

LA' FEMME DANS

L,'OEUVRE

, DE

COLETTE ET DE VIRGINIA WOOLF

"

-Mémoire de mai t r ise . ,.

par

-:>

ANN~MAR 1 E VÉZ 1 NA

Département de langue et littérature françaises 2tudes de 2e et )e cycles

(S)

.

UN IVERS 1 TE McG 1 LL mars ).986 .' , ~ , J ,

(2)

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,

RÉSUMÉ

,

Le but du présent mémoire est d'étudier le' ,thème de la

J

femme, sa condition et son évolution dans l'oeuvre romanesque

de Colette et de Virginia Woolf. I l s ' agi t d'explorer la

.

co~

.' ,

plexité de la personnalité et de l'expérience chez certains protagonistes féminins.

Nptre intention est de démontrer que la

condition"fémi-n~ne est basée, chez les personnages créés par les

deux.roman-'<,

cières, sur une tension pr,ovoquée par la coexist:ence de deux

«pales» lesquels sont, selon nous, caractéristiques~de toute

l'expérience féminine: un état initial d'aliénation morale,

af-. .

fecti ve, sexuelle et sociale, et le pouvoir d' un , ascendah~ , moral ,

et spirituel qu~ s'exprime, entre autres, par la quête de

'pitis-•

sance sur soi et sur autrui afin de transcender leu~ c:ond~tion.

D'

autre par.t~ nous voulons illustrer conment le problème

entourant l~ pér~nnalité et, la condition féminines 'trouve une

solutiôn à l' inté ~eur ~e ~a démarche individ\J.elle des

protago-nistes de même qu'

u

terme dé ~~évolution de l'oeuvre et de la

-.!

pensê~'des deux écrivains.

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ABSTRA,CT

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'l'he purpose of th!s thesis is to study the theme of, .

fernale condi,tion and evolution in the novela' of Colette ~d

Virginia Woolf. We want . , ta, , explore the complexi ty which rI , ~

exists within 'the personal!~y and experience of aev~raJ.

protagonists.

, ')

.'

OUr intention is to show that the female, ,cond+ti.on

I l ' ,

is based, 'in the ch~r~cters çreâted .by .bath nove'lists, on a

, . ,

• ~ r • oC'J 1 •

t~nsion caused by the coexi.tence of two «poles. which' ar~', l ,

according 'to ua, cha:racterlatic of the whole of' female ,e~pe~ ,

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5

<6' "".,

" rience: a state of 'moral,' emotional, aexual and social

al1ena-\

,"

t'Ibn and the power' of a ~ral and spiritual a,cendant which

" ,

expresses i taelf through a quest for power over oneself and

othérs in order to transcend their condi tian.' , /

/ /

(

1

We a180 want ta illu8tratÎ how ,the problem. of the

.

/

.

female, perBonaUty and condition a~e splved when we examine

,/ ;' '1,

_

è-~';~ pr~tagoniBt.' evolution as well

JAS

that

oi

Colette' sand

' .. ~~ ...

Virginia Woolf'. thlnklng and work

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. LA FEft1E DANS L'OEUVRE DE COLETTE· ET DE VIRGINIA WOOLF

- 1

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I~ODUCTION. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 1

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,P-. ~

PREMIÈRE PARTIE

Chapi tre premier LB MOTIF DB L t ALIBNATION DANS LE TIlH

DE L' BXP.DIBNCB rtMIHINB: LB RAPPORT

DE LA FBMMB A ELLE-MIMI. BNTRB NAiTRE

'ft DEVENIR l'EMMlh LE CORPS-PRISON •••• " 18

Chapitre II

Chapitre III

"

: LA FEMME ft L' AMOUR DANS L' OEUVRE DE CO~: PABADIS ,ET PRISON ••••••••• LE RAPPORT DE LA F!MME A L f!TaS "AIM! DANS L' OEUVRE DE VIRGINIA WOOLF:

L • AMOUR cASEXUi ••• ~ •••••••••••••••••••

: LA RELATION DE LA FEMME A LA FAplILLE,

"A LA SOCI!Tt: LA tEMIŒ DANS SON MILIEU SOCIAL 1 UN MONDE ~ V~E CLOS •• ? •••••

, ,

. Les prétentions, les f;ivolités, la futilité

bourgeoises et' la feillme «naturelle- chez,

82 107 138 COlett, . . . '". • • • • • • • • • • • • • • 138 •

,

, .

La menta1ité victorienne eè l'écrasement de la

feane dans la famille et la société chez

Virginia Woolf •••••••• ~ •• ~ • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 152

CONCLUSION - PREMltRE PARTIE •••••••••••••••••••••• : . . . 184 "

(6)

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DEUXIÈME PARTIE

~

Chapitre IV

·

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L~

MOTIF DB L" ASCENDANT FOONIN

~S

L t OEUVRE DE COLBTTE ET DE VIRGINIA

WOOLF~ ••• .: ••••••••••••••••••••••••••••• 1 188

(

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Chapitre V

·

·

LA RELATION DÈ

LA

FEMME AL' 2TRE

AIM! ...••••. ,. ••••..•••..••.•••.•••.... 221

Chapitre VI- -/ l ' : LE RAPPORT DE LA FEMME A LA SOCI!T!... 266

• Le refus du carcan social t rébellion et· évton "

~chêz Colette ... , ••••• :. •••.•.• 266

• t\ ,

- 0

, " ~.

La -Sente tranài tion entre la société victorienne

et 'la société d' après-querre chez Virqini~ Woolf. . • 271

CONCLUSION - DEUXXbE PARTIE... • • • • • • • ••• • • • • • • 30,3

1 CON'CLUSION ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• , • • • • 310 BIBLIOGRAPHIE. . • • • • •• • • •••• • • ••• • • • • • ••• • • • • . . • • • .•• • • . . • . 313

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(7)

et encore moins qu~ l'on edtreprenne de di$cuter de lé ur oeuvre

resPective dans le cadre d'une étude

comp~réer/~Oilà po~rt~nt

mon .propos. Tout, semble-t-il, outre le fait qu'telles soient l'une et l'autre femmes avant que d'être écrivains, les sépare. En effet, quel lien peut unir la fille de Sido à celle de

Stephen Woolf, la v~dette 'de music-hall à la figure de proue

du Bloomsbury Circle; l'auteur des Claudine à celui de Mrs

,t "

, Dalloway ou To The Lighthouse 1 la romancière de la terre, des

bêtes et du «libertinage amoureux», à la théoricienne féministe 1

à l' ~nnovatri~du roman ex~rimental avec James Joyce? MalS

;' c'esi: igilorer

l~fait

essentiel que, justement, elles sont

fem-mes avant d'être écr,tvains; qu'elles sont femmes ~ écrivains.

Dès lors le1,lr oeuvr{ devient partie intégrante de l' ensemble

~e

la production littéraire féminine/féministe qui s'étend sur trois siècles et -s'inscrit, de ce fait même, dans une continuité

qui retrace le ch~min~t socio-h~storique dr~ù se d~gagent des

valeurs, des traditions, des att~tudes, des compo~tem~nts; toute

une activité humaine, morale ~t intellectuelle longtemps imposée

J

aux femmes" selon laquelle elles ont vécu ~t à ,travers; laCl';1elle

..

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(8)

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2 Il

elles' ont évolué pour finalement la dépasser et l~ rejeter.

Surtout, leur oeuvre transpose les préoccupations et bientôt

les revendications qui se sont fait jo~r à mesure que les

. '

fenunes écrivains ~ont ~ris. consc~ence de la spécificité et de

la valeurr'de leur expérience .

Néanmoins, s' il'es't vrai que la, contributiop indivi-duelle et collective des femmes écrivains tient une place

considérable et déterminante dans la v~e littéraire au cours

.

.

des siècles derniers, assurant la'vitalité et l'évolution des

di"vers

genre~

iittéraire.s, il est

égale~ent

vrai que .l'

his-toire s'est çhargée avec soin, sinon d'effacer le souvenir de ces femmes, écrivains, journalistes, animatrices dont l'oeuvre

1

1 1ft! a marqué en/leur temps la scène littéraire et théâtrale, dll:

---/

l

moins de minimiser leur contribution. L'histoire le'S a

«OU-. .

blirS» ou elle en a fait subtilement abS~raction. Cela

explique que .es anthologies ne fassent jamaiS mention de cette pléiade de femmes dont on considère qu.é l'oeuvre n'est pas de valeur artistique suffisanunent grande pour qu'elles

méritent d' apparaltr~ aux côtés ,des hommes de lettres qui ont'

marqué l'activité intellectuelle et littéraire.l,..II n'est pas étonnant, dès lprs, que l'on considère que la .première moitié

, .

du XXe siècle, contrairement à l'extraordinaire fertilité de la production littéraire du XIXe siècle, ne nous ait pas laissé

(9)

-

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...

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artistique a ét~ de tout temps le domaine de prédilection de

l'activité féminine dMls le monde, presque tous les autres ohamps d' acti v i té leur étant fermés.

f

l,

Mais' dans cette perspective, i l ne faut 'pas perdre de

vue que la littérature féminihe à toujours été considérée,

jusqu'à tout récemment, conune une sous-culture, un spus-produit marginal à l'intérieur du cadre plus vaste de la littérature

&

masculine. Peu d'écrivains féminins ont échappé à cette mise

au ranoart systém~tique. Il aurait été difficile de reléguer

dans l'oubli l'oeuvre de Colette et de Virginia Woolf ... ,

\.

Colette et virginia Woolf sont hé ri tières de

ce

que

l'onpourra·it appe~ une «tradition féminine», en même temps

qu'elles ont véc:u d ns la première moitié du XXe siècle. Au

lendemain de la ré ,olution industrielle, à l'aube de la

révo-lution sçientifique et teohnologique, elles ont paradoxalement

vécu, en tant que femmes, à l'intérieur d'un cadre social régi

par la suprématie de la vision rationaliste et matérialiste

masculine et par une mentalité étroite et réaotionnaire qui

maintenait la femme dans un carcan et reléguait son activité ,

à Un rang inférieur selon les critères de la produot.~vité

mas-culine, la société étant encore polarisée par l'expérience, la vie quotid,ienne de l ' honune et de la femme ne se croisant que

,

rarement. D'autre part elles se trouvaient, en tant qu'éari-vains, à un carrefour crucial dans l'évolution de la littérature

2

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~ 4 .

féminine/féministe. Rejetant l'esthétique d'imitation de la

t

littérature d'alors, les femmes étaient désormais déte1'minées •

à trou~er leur trvoie» et à exprimer leur «voix» à travers une

~

parole de fenune exclusivement «femelle., dans son fond comme dans sa forme.

Ce premier rejet des modes d'écriture ma!?ciHins s'ac- 0

compagne d'un autre rejet tout aussi dëterminant dans l'évolu-" tion de l'expérience sociale des femmes, une mentalite qui se

veut systématiquement différente et:. qui va -à l'encontre des

valeurs" des institutions masculines. fi

l •

Ainsi les f~mmes ne s' emploferont pas seulement à

revendiquer la spécificité et la valièUté de leur expérience .

.

el1e~ affirmeront la qualité, voire la supériorité de leur

apprentissage ou de leur" connaissance du monde. Toute une

~

génération de fenunes a ainsi exploré systématiquement cl

'ex-. .

" périence fémil'}.~ne» dont le s\ljet est la conscience féminine,

à travers l'incursion dans la vie psychique et physique

fémi-nin'es;' afin de parvenir à une connaissance entière d' el1es-mêmes •

Ainsi se définit le projet féminin: déc'ouvrir et

-réhabiliter la, spécificité, la valeur du mode de connaissance

de soi et du monde dans l'expérience féminine. Nouvelle )

J

source pour 1 'e,xpérience; nouvelle source où trouver l'estime de soi. $

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1

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(11)

5

~

Les écrivains féminins vivant durant la première par-tie du }{Xe siècle ont' compris que le seul mode d'apprentis-sage qui mène à la découverte et à la compréhension de ce qu'on peut appeler la «Vraie Réalité- est basé sur une récep-tivité totale aux multiples stimuli psychologiques qu'offre le réel. Cette «Vraie Réalité,. représente l'essence de l'être, de l'Univers à travers les apparences que montre la réalité extérieure ou «objective», la civilisation édifiée par les hommes. A travers cette percèption, cette appréhen-sion et cet te connaissance de soi et du monde,· ~omme toute . subjectives, la femme recherche l'Uni té de soi dans le mortde; en soi et dans le monde.

Dès lors, un lien théma dque très profond, essentiel, unit Colette et Virginia Woolf, au-delà de la réalité socio-.., historique. Ce lien concerne, sinon le style cromanesque, la

\

technique d' écriture, du moins, de manière plus importante, un mode de perception exclusivement féminin, une quête de soi, en soi et dans le monde, dans le cadre d'un itinéraire spécifiquement fémini~.

Même si Colette n'a pas cherché, comme Virginia Woolf, à fai~~ éclater la structure du roman traditionel pour ainsi parvenir à réaliser son ,objectif particulier, une production

esthéti~e «impersonnelle» et non représentative, il n'en

demeure pas moins que son apport à la représentation de la

(12)

réalité romanesque est certain. L'intrigue qu'on qualifie

\

,

-à tort de mince devient sous la plume de Colette le

pré-texte à partir duquel elle peut explorer la complexité de la

. psyché à travers l'expérience sensorielle du corps féminin.

L'expérience du corps de la sensation à l'état pur n'est

plus que le tremplin qui propulse l'être humain 'au niveau de

l'émotion profonde et à la découverte de son identité, plus

profonde et plus complexe que l'être en situation dont nous ne connaissons jamais que la surface de la personnalité. D'où une intelligence toute .personnelle, toute intuitive de

la Réalité subjective. De son côté, Virgirlia ~oolf place

le centre de la «Vraie Réalité» ~ l'intérieur même de la

psy-ahé. Et c'est par le biais d'un état de «vision» sur lequf7l

nous aurons l'occasion de revenir afin d'en définir les ter-' .; mes ainsi que le fonctionnement, que l'être humain, et plus

particuliêrement la femme, touche à cette «Réalité»,

On peut manifestement affirmer sans difficulté que Colette et Virginia Woolf renouvellent de manière profonde le contenu de la matière romanesque; et que, tout aussi.

pro-fondément, à travers deux modes différenns dé 'conna1ssance,

l'expérience féminine de Colette et celle, de Virginia Woolf se complètent et trouvent leur raison d'être dans une même

quête: èelle de la réalité de soi en soi et- dans le monde.

-Car entre l'«intelligence» de soi et de l'univer~ à travers

(13)

{

7

l'expérience physique de la réalité subjective, fl n'y a pa~

de barrière ou dl obstacle, mais il existe une complémentarité'~

subtile dans la ~ête d'un équilibre humain. Cela procède, je

crois, d'abord d'une philosophie de disponibilité physique et psychique au monde, intérieur et extérieur, et ensuite, dans son prolongement naturel, d'une volonté, d'imposer le produit

\: '

de cett~ «vision» et de cette approche particulière afin de

l'harmoniser à l'univers des idées et des valeurs masculines'

et, finalement, proposer un qouveau mode de relation entre les êtres, une nouvelle mentalité, basée sur la complémentarité de l'elément mâle et femelle et d'appréhension de soi et du monde, la réciprocité,des expériences individuelles dans une

vasion unifiée. C'est dans cette perspect~ve que'j'entrevois

~'nouveauté et la pertinence de mon sujet.

Il faut préciser qu'il ne. s'agit nullement de

eompa-r~r l'oeuvre des deux romancières au sens où on cherchera~t ~

. . '

,

établir des rapprochements autres que ceux que nous avons déjà

définis. Car c'est uniquement au niveau des grands thèmes à

l'intérieur de la polarité aliénation'-ascendant qu'il est pos-sible de trouver des points conununs entr'e l'oeuvre de Colette

et celle de Virginia Woolf. Il est donc nécessaire de garder

à l'esprit que notre but est davantage une mise en

perspee-tive qu'une comparaison au sens étroit du te~e.

(14)

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(

8

~~

Je suis persuadée qu'on a longtemps mal 1p Colette, se contentant de voir dans son oeuvre le récit de~«compli­ cations amoureuses» de ses personnages petites-bourgeoises caprici.euses ~me parfois sottes, simplifiant à l'extrême

/

la fines~~'la p!pfondeur et l'acuité de sa réflexion sur le

-

,

/ " ,"$

«fait'féminin». Anne Ketchurn a su cerner de manière très

"

lucide l'ori~iRe d'un malentendu qui est la source

d'inter-,

\

\

prétations souven~ erronées de l;6euvre de Colette: C'est ainsi que toute une partie de l'opinion tient Colette

pour

l'écrivain par excellence de la réalité immédiate, de l'instant vécu, refusant d'accorder à l'auteur tout souci qui dépasse ces étroites limites. ( •.. ) C'est sans doute que l'opinion est singuliè-rement partagée à son sujet: certains ren-dent hommage à son art de Peindre des jarùins et\des bêtes familières. mais bornent lâ son univers. D'autres.s'attachent aux souvenirs d'enfance de l'es~iègle écol~ère de Saint-Sauveur, fille de la parfaie Sido, et y voient une sorte de continuation poétiqu~, à notre époque, des travaux de la comtesse de Ségur et de la bonne dame de Nohant. Les plus nombreux enfin assurèrent à Colette le plus grand succès de librairie dé sa carrière en se jetant avi-dement sur les "Claudine" pour y goûter- tout bas- un li~rtinage qu'ils condamnaient- tout haut. Forts de cette expéfience, ils s'en auto-risèrent pour juger, a priori, scandaleux tous les écrits ultérieurs de l'auteur. Ils contri-' buèrent ainsi, avec willy, à tailler à Colette la plus lamentable des réputations, la plus artificielle des légendes. 1

De son côté, le mouvement féministe s'étant réclamé

. ~J

de l'oeuvre de Virginia Woolf en s'appr~priant sa pensée, il lui a donné une i~r~rét.tion idé~log:que unilatérale'

(15)

{

i

,

(

9

qui n'exploite que la dimension négative de l'expérience des protagonistes féminines de Ses romans.

Mon objectif ~stvdonc ie suivant: .proposer une re-lecture de l'~euvre romanesque des deux écri~ains, fèêvaluer

t... r ~ ,

l'expérience féminine, faire ressortir la ,ëomplexi t~; la" spécificité de leur personnalité et de leur vie.

>

Je veux montrer que l'expérience fémini~e, telle

" \

qu-'illustrée pàr les deux auteures, se structure autour de ,

,

la coexistence de deux paramètres ou deux pôles ,l, lesquels

...

,

,

caractérisent toute ~a condition féminine: un é~at initial illustrant l'aliénation, et l'ascension gradue Il. vers un

\

• 1

pouvoir moral. L'interaction de ces deux facteur:s provoque

une tension inhérente à l'exPérience féminine, une contra~

• 1..

diction qui dé~lenche et alimente la dynamique interne de l'existence féminine. Cette problématique qui entoure l'ex-périence ftminine s'exprime au sein de sa démarche indivi-duelle et ~ollective dans le passage entre un état marqué ~

par l'ignorance, l'inactivité, la subjuqation'psychologique, morale, intellectuelle, sexuelle, 'sociale, et autre état,.

r

celui-ci représenté par une quête, une volonté: se découv~ir

\,

et découvrir le monde; connaltre et comprendre. Il en ~ésulte 1

une volonté; «transcender~ son expérience, conquérir

le'pou-...

voir sur soi! su~ l'être aimé, sur l'environnement social immédiat qui s'illustre dans la fo~ce d'un «ascendant»

spé-•

cifiquement féminin.

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(16)

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10

Dans la premièr~ partie de la présente étude, je veux analyser le premier pôle de l'expérience féminine: l'alié-nation. La fenune apparalt comme étant A) prisonnière de son

corps. Est-ce' parce qu'elle est née femme?

Il faudra définir ici ce que l'on entend par le con-cept «féminité». QU'est-ce que cela veut dire «naitre femme»? Existe-t-il vraiment une «nature féminine»? Existe-t-il ce que l'on peut appeler une «expérience féminine»? B1 La femme vit sa reaation avec l'être aimé dans un constant état de dépen-dance émotive. Elle appara1t, chez Colette, tour à tour vic-time, sous l'emprise de sa sensualité, frustrée dans sa tenj

'1

tative pour vivre sa sexualité, à la recherche d'un maitre.

~~Chez Virqinia Woolf, l'amour est «asexué» dans la mesure o~

'\,ie sensuelle fémi.nine est présentée comme un teabou, la femme' étant frustrée dans son plaisir ainsi qu'insatisfaite par sa relation avec l'homme. C) La femme vit en vase clos, sous le regard de son environnement social immédiat. Il en résulte

"

«

chezaCplette le sentiment d'appartenir à un autre envir~nne­

ment,

humai~'et n~turel

qui n'a rien en commun avec les

~ré­

tentions «bourqeoises» de son ce~le mondain. Chez Virqinia Woolf, il.en résulte une extrême sol~tude au milieu desfautres et un repliement sur soi face aux contraintes et aux préj~

propres à la mentalité victorienne. Ainsi toute la solitude innée des êtres qui enqendre l'incommunicabilité entre eux est éloquemment illust'rée

...

'cfa~s son oeuvre.

)

(17)

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1

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11

Dans la seconde partie de oe travail, je compte abor-der l'au~re motif ou pdl~ de l'expérience féminine: l'ascendant féminin. Jè le définis au départ comme une_quête, une volonté:

> •

le pouvoir sur soi, sur l'être aimé, sur autrui.et

l'environne-mel\t social. Je veux) surtout montrer ici que la fe""'; n'est

pas uniquement un être passif qui subit son état de «sexe faible», sa condition,d'~liéné~ dans la relation amoureuse, un rôle d'inférieure dans une société où tout est pensé par et' pour les hommes, 'dans un monde d' horranes. Au contraire, le prQtàgoniste féminin est un être' agissant qui a acquis, en prenant conscience de son intériorité, une ingéniosité, une

vivacité.

~

volubilité qui s'expriment

div~sement.

La

femme, dès ce mo~ent~ n~est. p,1U$, seulement sa ~e'ennemiè:

elle se fait complice et alliée. Sa force morale exerce une

, .

" " " . , • 1 >

influence extraordin~ire sur elle-même et sur autrui et modifie le rappo.rt de force qUi existait d~ns la "relation • sa propre réalité, 'à' l'être', aimé et" à ~on envir~nnement social

.r~ ' .

• . . _ . '

<-immédiat. Elle dépasse donc un état d'infériorité pour s'éle-vér' au...ij~ssus des contraihtes de toutes' sortes,. Ainsi la femme va,à la conquête,- à 'la çonnaissance, à la compréhension

.

d'elle-même à trâverg le processus d'intériorisation dans l'écriture chez Colette. Chez virqlnia Woolf on retrouve le recours'. la

cons~iehcè,-

!ux'

~écanismes

de la réflexion, mals

" , ,

'~ussi, par oppOsition et, dans son prolongement normal, aux mécanismes de la mémoire involontaire, tous 'deux', processus

l '

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(18)

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1

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(

12

. 'd'investigation par excellence transposés' dans l'écriture grâce à la technique du monologue intérieur. La fe~e va à la conquête de l'être aimé à travers un subtil

renverse-•

ment des rôles sexuels chez Colette, la découverte en l'homme

d~un éqal et la re~herche de la complicité dans la

complémen-- .

tari té des deux-partenaires-dans le couple. La femme va finalement à la conquête d'autrui, et ce, en cherchant à .~

monopoliser la conscience, les pensées et les énergies des individus qui l'entourent, afin d'exercer sur eux une formi-/ , .. dable infl~nce .u niveau moral.

L' évolution du protaqoniste féminin l'amène à

définir les termes d'une perception,d'el~e-même,' certaines attentes aux niveaux moral, sexuel, 1 social. 'Ge~ idéal humain

• s'incarne,. chez Colette, au terme de la maturité, grâce à \lne,

.'

sages~e faite de'J renoncemënt et de séré11-ité. - C.hez 'Virqinia Woolf, il èe réalise dans la transposition littéraire de sa

,

.

théorie sur le phénomène androqyne, dans les traits du per--" sonnaqe d'Orland~.

Je conclurai en insistant sur, l'idée selon laquelle la {parole de femme», téll~ qu'elle s'incarne dans l'oeuvre des deux romancières, a véhiculé jusqu'à nous l'image d'êtres

,

d'avant-garde, innovateurs dans leur réflexion et leur ~emi­

"

nement. Par le fait même, leur témoignage fait écho auX .~~

1

préoccupations et aux luttes des femmes dans la littérature

(19)

j

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. ~ 1 "

.

1 •

(

:

-1

13

féminine/féministe des années quatre-vingt. Leur oeuvre res-pective est donc résolument actuelle.

J'ai choisi la méthode d'analyse ~uivant~. Après avoir

,

lu l'o'uvre de Colette et de Virgini~ Woolf, j'ai développé mon sujet àutour de quelques personnages' féminins qui parais-sent repréparais-sentatifs en ce sens qu'ils incarnent parfaitement

J

les caractéristiques à partir desquelles s'expriment avec 'complexité la nature et le cheminement de la femme chez les

de~ romancières. J'ai donc retenu les-personnages. suivants: Claudine, Annie, Renée Néré et Minne chez Colette; Mrs

Dalloway, ,Rachel Vinrace, Mrs Ramsay, Eleanor Pargiter, Katherine Hilbery et Orlando chez Virginia Woolf.

Ainsi, il résulte un choix de textes qui tiennent compte des l!mites que doit respecter mon étude en ce qui a -trait à l'espace et au Champ d'investigation qu'il est

rai-sonnable de couvrir dans un mémoire de ma!trise. Mais il

- .

est évident qu'il me sera nécessaire, à l'occasion, de faire référence à d'autre~ personnages. Je me verrai par le fait même dans l'obligation d'aborder un plus large éventail de . ,

.~xtes.

Pour ce qui touche.·à la méthode d'analyse, je compte procéder à une étude traditionnelle de type

thé~que

com-,

parée; une étude dans laquelle entreront, au seeond plan,

-'

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(20)

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i

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..

14

des éléments historiques et sociologiques de la littérature féminine/féministe ~t du mouvement féministe. Ceci pour bien encadrer mon sùjet, lequer', d'autre part, ne se 'veut m.tllement un «traité fémilliste».·

Je tiens à préciser en dernier lieu que j'ai choisi sciemment de me l~miter exclusivement à l'étude des person-nages dans les oeuvres romanesques des deux écrivains. En "cela j'avais un'but précis et bien déterminé: je voulais

éviter de transformer mon essai én terrain servant à sc ru-ter la vie des auteurs étudiés: fausses, biographies

truf-, '

fées d'extraits des oeuvres retenues, tendant à cherèher l'auteur dans l'oeuvre, tendant à prouver le lien intime qui unit la vie et

l'oeu~chez

l'écrivain.· D'ailleurs,

Colette,' ,dont on se~aît à répéter que sa vie est intrin-sèquement liée à son oeuvre, ne nous a-t-elle pas elle-même prévenus,contre une telle entreprise:

Je ne pus lui dissimuler le découragement, - jaloux, l'injuste hostilité qui s'emparent

de moi quand je,comprends qu'on me cherche toute vive entre les pàgea de mes romans. - Laissez-moi le droi't de ,m'y cacher, fût-ce

à lJl. manière de la "lettre vOlép".2

Virginia Woolf s'~st, de son côté, consacrée en vain à PrO-duire une oeuvre «impersonnelle» dans laquelle, en trans-cendant l'aspect exclusivement «femelle» de sa personnalité, elle pouvait créer dans un-espace libre des contraintes entourent l'appartenance à son sexe afin.que nous ne la

(21)

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15

cherchions

pa~tournant

de chaque chapitre. Virginia Woolf était convaincue que l'écrivain doit idéalement se plonger dans une espèce d'état impersopnel afin d'écrire et que l'ego ou, si l'on veut, sa réalité particulière,

1

ne doit pas s'imposer entre l'émotion ou l'état d'esprit

~xprimé et l'équivalent symbolique, 9'est-à-dire l'oeuvre d'art.

C'est pour respecter le voeu de l'une et de l'autre que, à mon tour, je ne les chercherai pas à travers les

lignes de leurs oeuvr~s respectives et que je limite de cette manière le champ d'investigation de la-présente

étude. Mais c'est une limite '~i n'en est pas vraiment une puisque, libre du spectre de la personnalité et de la vie des autepres, les personnages féminins que je place au pre-mier rang se révèlent comme des entités autonomes qui témoi-gnent elles-mêmes de leur expérience et de leur évolution.

,

(22)

-

p 16

NOTES

INTRODUCTION

f ,

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,

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1 , , !.

1Anna A. Ketchum, Colette ou «La Naissance du

Jour-(Paris~ Lettres Modernes, 1968) , p. 6.

2co1ette, La naissancé du jour (paris: J'ai lu,

ft 1969) , p. 127.

(23)

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1

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-,;PREMIÈRE PÀRTIE

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1

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CHAPITRE PREMIER

.

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LE ,MOTIF DE ['ALIENATION DANS

LE~~EME

DE

~'EXPERIENCE

-FEMININE: LE RAPPORT DE LA FEMME A ELLE-MEME. ENTRE

NAÎTRE ET DEVENIR FEMME: LE CORPS-PRISON

~"

Une multitude de questions se· posent lorsqu'on

entre-1

prend une réflexion sur l'expérience féminine. Car la condition féminine est fondée sur une tension, une polarité, au sein

.,

même de son existence entre un état d'aliénation et

ù'ascen-dance. Mais en~ore, elle procède d'~ne autre tension, vécue

cette fois dans la relation entre la femme et l'homme au niveau

~

de la sexualité, au niveau psychologique, émotif, de même

qu'au niveau deo l'expérience «objective» du monde; considéréè

1

comme la réalité exté~ieure de la vie quotidienne dans les

champs d'activités sociales .et professionnelles. On ne peut

échapper à cette question crucialè dans la pOlémique qui nour-rit la littérature féministe des récentes années aussi bien

que les essais de psychologie consacrés à la femme: Qu'est~ce

que cela veut 9ire être femme? Existe-t-il une «nature

fémi-nine»? Peut-on établir les critères qui définissent la

féminité? Qu'entend-on par,les concepts de psyché et de

sen-sibilité féminines? Mais plus encore, on doit se demander:

} ,

Nait-on femme?

18

a

(25)

<

19

Qgnc, le ~remier problème à surmonter, n'est pas en

rela~ion directe avec le concept d'aliénation même si, encore là, les questions se font nombreuses: Qu'est-ce que c~~ veut dire être aliénée? Da:t;ls quel aspect particulier de son expérience la femme est-elle aliénée? I?'ourquoi se sent-elle ou est-elle effectivement inférieure à l' honune? Est-ce la faute du sexe? Est-ce le fait de naître fenune plutôt qu'hormne? On prend bientôt conscience que le véritable problème ne con-siste pas à découvrir pourquoi et commen~ la femme. est aliénée, mais plutôt ce qu'est l a femme et comment elle se déf ini t par

..r

rapport au sexe masculin. La conclusion à laquelle nous som-mes amenée est révélatrice des sources premières du phénomène d'aliénation dans l'existence de la femme:

On ne nai t pas femme: on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne ,définit la figure que revêt au sein dp la

société la femelle humaine; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin. Seule la média-tion d'autrui Piut constituer un individu conune un autre.

Dans cette thèse, certes magistrale, qui est devenue la cbible» .du mouvement et de la littérature féministes: Le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir, traite le sujet de, la

nature femelle avec un bagage impressj onnant de références et de connaissances sur le sujet. Adoptant un ton autoritaire, pour ne pas dire didactique, dans un style lourd, une écriture

,

-~

(26)

1 .

serrée, elle analyse le problème de la féminité, étalant de manière brillante ses facultés rationnelles.

L' argumentation de Simone de Beauvoir repose sur une idée centrale: elle consacre sept cents pages à démontrer que le concept de féminité n'existe pas en soi, qu'il n' y a pas de nature féminine, pas d'instinct maternel, qu'il n'y

"

a qu' une ~situation féminine» ayant perduré au long des siècles, et qui a déterminé les caractéristiques et le sort de celles qui en sont victimes, c'est-à-dire la moitié de l'hUmanité. La. notion de féminité serait un mythè créé par les homes, auquel les femmes ont acquiescé et qu'elles ont assumé essentiellement par ignorance, par manque, dans leur 'éducatiol1ù d'une formation rigoureuse de la pensée "logique.

Naives, elles croient l ' homme lorsqu'il lé""ur dit .au' elles sont nées avec la mission de perpétuer la race huma~ne et qu'elles doivent accepter de vivre dans un monde fondé et régi par les hommes. I l leur offre en retour la fausse sécu-rité du foyer et le «luxe» de la passivité. Et Simone de Beauvoir de conclure que toute .cette mentalité repose sur un

" .

mensonge séculaire, car la nature féminine est complexe, mul-tiple,-'variée; elle doit échapper à ,ce car.can bâti de toutes<l pièces par les hommes, elle doit se libérer, décider elle-même et construire son avenir, un avenir taillé à son image,

et nier le «mythe» qui la définit par opposition à l'homme .

.,

-.

(27)

..

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21

Devant une telle démonstration, quelle femme ou, à la limite, quel homme de bonne foi ne serait pas prêt à suivre

S~mone de Beauvoir dans son raisonnement ou, du moins, à lui donner son assentiment, mais jusqu'à un certain point? Car enf in, si nous sommes d'accord avec l'idée voulant qu'une grande part de ce qui définit la condition féminine tient essentiellement dans un certain conditionnement social, nous

:

.

sommes plus réticents à nier catégoriquement- l'existence auto-nome de ce à quoi nous aven} fait référence dans l ' introduc-tion, c'est-à-dire une certaine spécificité de l'expérience féminine. C'est justement, je crois, entre ce qui est inné et ce qui -est acquis que se déroule tout ~ «l'itinéraire féminin», et c'est cette réalité que, en part1e, Colette et Virginia Woolf ont exprimée dans leùr oeuvre.

»

Ainsi, Simone de Beauvoir nie la réalité ~~ «valeurs féminines» existant de manière' intrinsèque et inhérent'e à la condition de femme. Soit. Mais alors comment justifier,

réconcilier le fait que, dans les sept cents pages de son essai, elle consacre une \si longue et si pénétrante analyse à la ma-nière dont les femmes vivent, à l'expérîenc~ sociale et psy-chologique de la femme, à ce que c'est qu'être une jeune fille, comment eUe traverse la période de la puberté ou celle de la

-

.

première expérience sexuelle, J à la vie de la femme mariée, à la maternité, ~ la vieillesse; comment son ëtre physique

"'\

u

(28)

,

affecte son acti vi té, comment elle se sent et se perçoi ~

en même temps qu'elle appréhende la vie d'une manière par-ticulière. N'est-ce pas cela, en définitive, être femme? N'est-ce pas en cela même que la femme est différente de l'hpmme? Peat-on, sans hésiter, affirmer que la femme ne vit pas une rel~tion intime, profonde, particulière avec son

cor~s aussi bien dans sa vie sexuelle que sociale? Comment nier que des réalités aussi évidentes et fondamentales que celles de l'instabilité de la femme pendant la période des menstruations ou pendant celle de la grossesse, la difficulté

.

~

de concilier les exigences du noyau familial avec celles de " , la vie profession~elle, le problème plus délicat de

pré-.

~ "

se~ver l'amour des partenaires dans la Vie~ deuX, puissent

être inéluctables et universelles, ie fondemènt même de la vie de toutes le$ fel11n\es?

Ii

serait bon, ici, de, revenir·

&

certains passages de l'essai de Simone de Beauvoir. Jugeons de l'éloquence et de la précision avec lesquel,les elle traite

qe

«faits» • féminins ~ussi intimes que le phénomène des menst1uations,

de.la grossesse et de la ménopause; trois étapes cruciales, s'il en est, dans' la vie de"toute femme.

Au :sujet des menstruations~

"( ••• ) la femme est pllls émotive, plus ner-veuse, plus irritable- que de coutunle et peut présenter des troubles psychiques graves. C'est dans cet,te période qu'elle

\

.

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(29)

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"

23

éprouve le plus péniblement son corps pomme une 'chose opaque aliénée; il est la proie d'une vil>têtue et étrangère qui en lui chaque mois fait et défait un

·b~rceau.2

Sur la grossesse:

La femme connait une aliénation plus profonde quand l'oeuf fécondé descend dans l'utérus et s'y développe ( ••• ) la gestation est.pn travail fatigant qui ne présente pas pour la femme un bénéfice individuel et exige au con-traire de lourds sacrifices. ( ••• ) 1'accoucbement lui-même est douloureux; il est dangereux. ( ••• ) L'allaitement est aussi une servitude épuisante; ( •.• )

Le conflit espèce-individu qui dans

l'aq-couchement prend parfois une figure dra-matique, donne àu corps féminin une

inqu!ëtante fraoi1ité.3 Finalement, sur la ménoeause:

( ••• ) ainsi observe-t~on à côté de la dépression du retour d'âge des phénomènes de sursaut: bouffées de chaleur" hyper-tension, nervosité ( ••• ) Certaines femmes fixent alors de la graisse dans leurs

tis-sus~ d'autres se virilisent. 4

Cette description des étapes de la vie intime d'une fenune, l' aute\.lre le fait avec force détails, à tel point ,-qu'elle pose elle-même les jalons de cet ,«itinéraire

fémi-, ,

nin» auquel nous faision~ allusion précédemment.' Voil~

aussi le grand paradoxe de ,l'essai de Simone de Beauvoir:

l'inco~patibilité manifeste qui existe entre ce qU'elle affirme et ce qu'elle démontre; entre le refus de considérer

", ;

-•

(30)

{

\

la femme comme une «entité spécIfique et autonome» et l'illustration des çUfférents aspects de la. «natu~e fémi-nine».

..

Manifestement nou~,sommes amenés à conclure qu'il

.existe>~ffect~vement, du moins~~ans l~/mesure o~ là réalité

..

\ \

biologique de la femme est concernée, une nature féminine,

-

,

et plus encore, que cet «héritage» fém'inin est une source dÎaliénation en ce que le corps est la «prison» dans laquelle la femme est 'aux prises avec des phénomènes qui éChappent à

s,on ~ontrôle et dont, impu~ssante, elle doit supporter et assumer l'existence. La femme est ainsi aliénée à son

pro-•

pre corps biolçgique~ dans sa matérialité même il est le centre, le réservoir, le catalyseur de 'toutes les fonctions qui entrent en interacti~n et'se développent. Mais encore,

lès propos de S. de Beauvoir impliquent beaucoup plus que les simples fonctions biologiques: ils nous conduisent à

réaliser que la spécificité de la femme s'étend également au

caractèr~ psychique, émotif et sexuel de son existence. Si de tout, temps la f,enune a cherché à tran!tposer dans ~'écriture sa condition, la perception qU'eile a

d'elle-,

même, la réalité objec'tive de la vie et du monde qui l'en'" .

toure~ ses attentes, ses frustrations, ses souffrances, ses griefs, en un mot exprimer ce>que cela veut dire pour elle que de vivre dans le désir de s'affirmer dans sa spécificit',

J 1!1 .11 _' 1 11 1

(31)

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1 " , { 2S

et surtout dans la cert~tude d'une individualité:

revéndi-Q

quer le droit de naltre femme. Entreprise d'affirmation de soi et de réhabilitation dans tout ce que la réalité d'être

1

.

femme- peut contenir d'aspects positifs-et négatifs ~ L' e~:pé-' , rience féminine s" inoarne donc dans le cadre très large de sa c,ondition entre le moment de sa naissance et çelui de sa 'mort selon les termes d'un itinéraire irrémédiablement femelle.

,~,

-~ ~

Dans l'étendue et la complexité de ~rocessus qui, voit la femme

n~ître

et devenir,

-~,l' e~t ~mpér

tif de

délimi-r::-

-

,

ter le territoire occupé par les particularité innées au niveau biologique (et dont l'essai de

's.

de Beau~oir donne

, 'li

-un aperçu saisissant), psychique. et sexuel, et celui' qui e'2i;t occupé 'par' _1-acquis du conditionnement social quant aux va- . leurs; aux modes de perception et de comportement qui ont vu la femme réaliser, pour satisfaire à l'orgueil e~ au besoin de domination de l'homme~l'idéal féminin qu'il désirait trouver 'en elle. Parce q~ la f!lvilisation occide~tale est un ,monde d'hommes, fabriqqé de toutes pièces par et pour ,eux et régi par eux, ils ont toujou~S imposé leur vision ratipn~

nelle et'matérialiste du monde. L'expérience ,de la femme

s'

~st toujours vue marginalisée et reléguée' au second rang ,

~

et là visiQ.IL~sculine lui a ~ttribué des qu,alités, des

carac--' "

t,éristiques, des ,rôles à. jou~r dans la société.

___________________________ ~ ____ ~ __ ~~o.

(32)

1

.

L~ corps féminin est l à la fois une prison et un

sanc-tuaire en ceci ,que son itinéraire illustre une vision de

soi et du monde, les modes d~ perception globale de la réa::- .

lité objective, une quête de soi en soi et en union avee

l'uni~ers, un état social, une mission imposée, un fardeau,

une «vocation». Le corps féminin est une prison: celle de

,

..

son ~xpérienoe biologique, psychique, émotive, sel:uelle, et celle qu'on, lui i:mpose.

,colette et Virginit Woolf, au fil de.l' itinéraire de

leurs hérolnes, se sont inlassablement consacrées à cette

'tâche délicate et combien difficile: déf1~ir et déérire la

comJlexité,

l~~

diversité du potentiel féminin tllustré par

)

sa nature et sa psychologie, dans un but t~è( précis; les

distinguer aussi comp~ètement que possible par rapport à

l'expérience masculine d~ soi et du monde', les révéler dans

ce qu'elles ont de radicalement différent face à la nature

et à la p~ychologie masculines, transposer le fait fém~nin'

dans le cadre d'une esthétique ~ui. inaugure un réalisme

intrinsèquement féminin. En effet, qui mieux que la femme

elle-même peut nous dire ce qu'est en définitive qu'être

.

.

fenvne1' Dès lors., l' esse~tiel de l'itinéraire féminin réside

dans cette quête du prQtaqoniste féminin pour parvenir à la

réalité de son être dans le domaine d'une réal~té.profonde

et autre que la réalité ap~~ente du monde e~térieur,

illu-soire et mensongère.

.

,

..

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(33)

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1-.

27

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Ains~,

.

ayant reconnu le fait que le champ existentiel .

de la femme ~s~ délimité'dans un premier temps par la maté-• rialité du corps et des fonctions <Uverses dont il est la

prison, que ce corps représente pour la femme une première source essentiellë d' al'iénation, il reste à déterminer com-'ment la femme évolue dans ce corps, comment le fait féminin

est conséquence des fonctions qu'il abrite. Comment donc la tèmme appréhende-t-elle le-monde DU la «réalité objective

extérieure» dans les limites de la réalité intime et

subjec-' . f$! . . .

tive de son univers intérieur?

Cette démarche procède, chez les deux écrivains

étu-di~s , de deux approches du monde diamétralement opposées: l'apptoche directe du monde physique chez colette et

l'appro-•

che «indirecte» ou psychique chez virginia Woolf •

. '

Comme la vue de ce 'que j'aime, beauté de mon amie, ,suavité des forêts fresnoises, désir de Renaud, suscite en moi la même émotion, la même faim de possession et d'embrassementsl ••• N'aisje donc qu'une seule façon de sentir? ••

La vision qu'a la femme de la nature de sa relation au monde, de la place qui lui est assignée, et l'intuition du

. ...

rôle qU'eile est appelée à y jouer sont liées de manièré

intrin-,4 '" •

sèque dans l'esprit de la femme, aux modalit6s de son app~é- ,

.

hensio~ du réel. Et la femme chez Colette appréhende essen~

tiellement le monde,' du moins dans un premier temps, par

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(34)

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-28 .

,

l'intermédiaire des sens. Elle se perçoit et pressent le monde, l'univers, dans un lien intime et de manière globale

-1

·à travers les fonctions sensorielles de son corps. De Claudine

à Léa, en passant par Renée et Julie, aucune approche ration-nelle ou intellectuelle ne saurait remplacer ou même se com-parer à la prise de contact directe et physique avec le réel objectif:

.r

Ses sens extrêmement subtils sont des antennes vibrantes qui portent leur vérité. Sa logique è'est celle de la ~ensation et non celle du , raisonnement. Elle n'a pas d~attrait pour les idées abstraites, .ses complications ne sont pas du domaine ~ métaphysique ou de l'éthi-que. L'oeuvre \ notre auteur n' a aucune pré-.tention ~ la' pens e. 6 .

Dès lors, rien de ce qui tient de la présence, de la participation de l'être humain au mystère de la nature en

perpétuel renouvellement n'èst étranger aux femmes dans

l'oeuvre de cOletti.

Ca~

il existe entre la femme et ,la

vie,~

inlassaolement relornmencée au sein de l'environnement de

pré-dilection qu'est la campagne, entre la femme et les jqies

tem-porelle~ de ce monde appr~hendées par l'intermédiaire d'organe~

sensoriels finement aiguisés, de toutes les pores de la peau, une très gra~de et très intime famil~arité~ avec le règne animal et végétal:

Toute ma famille végétale m'appelle ( ••• ) Inerte au pied du n9yer, je m'écoute rede-venir plante. ( ••• ) .Je suis pénétrée de

(35)

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f 29

rayons, traversée de so~ffles, sonore de

oigales et de cris d'oiseaux, comme une

chambre ouverte sur unf jardin. 7

Hélas, je retourne à Montigny '( .•• ) Serrer

à brassées l'herbe haute et fralohe,

m'en-dormir-de fatigue sur un mur bas chauffé de soleil, 'boire d&tls les feuilles de

capu-cines où la pluie rou~e en vif-argent,

saccager au bqrd de l'eau des myosotis pour le plaisir de l.es laisser faner sur une table, et lécher la sève gommeuse d'une baquette de saule décortiquée; flûter dans les tuyaux d'herbe, voler des oeufs de mésange, et froisser les feuilles odorantes

des groseilles sauvaqes; - enbrasser,

em-brasse~ tout cela que j'aime! Je voudrais embrasser un bel arbre et que le bel arbre me le rendit. 8

Dans la nature comme dans l'amour, tout est Un. Cette

notion de l'unicité de l'amour reviendra dans le second

chapi-tre, consacré à la rel.ation de la fenune à ~'amour.

Cette relation n'est évidemment pas sourc~

d!aliéna-tion dans le destin de la femme, puisque c'~st à travers la

réalité sensorlelle de sen existenoe qu'elle tire sa «nourri-ture terrestre., sa-raison d'être, un mode de connaissance

ebjeotif de soi et ~ l'univers qui l'amène à ·une intelligence

intui ti ve d'une réalité plus profonde et plus vraié de' l'être '"

et de

la

vie. Dans les moments'de crise,

d'interrOga~n,

.

c'est encore et toujours vers la nature que.la femme se -

~ourne

,

pour y chercher et t~ouver réponse:i «Il me faut, pbur lire dans

mon trouble esprit, l'ombre .tigrée de soleil, et la beauté des bois comme conseillère».9 Cette relation est donc, bien au

(36)

-.

(.

\

.

, ( 30

contraire, la plus essentielle source de libération. Nous y reviendrons plus longuement lorsqu'il s'agira de traiter du

,

..

phénomène d'ascendance de la femme dans la relation à soi. Mais paradoxalement, l'enseignement de la nature sera «déna-turé» chez la femme dans sa relation à l'homme.

Dans cette complicité avec la nature-(â travers les enseignements des mystères naturels et leur influence sur la femme, elle découvre la fonction de fertilité de la nature, et par un prolongement naturel, sa propre fertilité. Témoin

-privilégié dans son contact avec la femme se trouve littéralement

la vie animale et végétale, / ' plongée au coeur de la lutte

-

.

pour la défense, la continuité, l'éyo1ution, la survie de , • l'espèce. Dans ce jeu de forces en perpétue'! conflit, dans

cet te lutte incessante pour vaincre et durer, la fenune ne peut .., échapper à la prescience de sa mission~ elle se voit investie non seulement de certains attributs mais aussi d'un lourd far-deau, d'une responsabilité, d'une nécessité: s'associer au processus créateur. Cette fertilité s'incarne éloquemment chez Colette dans l'image de Sido et le personnage de Léâ, toutes deux représentant l'instinct maternel illustré par 'la figure nourricière, source de vie. Par leur généros~té, leur force de

;,

\caractère, leur intégrité profonde et le besoin constant qu'elles éprouvent de donner et ete se donner, leur démarche demeure

éton-n~ent daps l'esprit de leur rôle essentiel. Dans la relation

.

...

-

..

....

.'

(37)

{

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(

.r \ .. -~-,_./ 31

entre Léa et Chéri, aussi ~iquë soit-elle, il ne reste pas

"

moins que Léa est tout à la fois mère et maîtresse de Chéri,

.

..

mais qu'elle s'identifie beaucoup plus au rôle maternel qu'elle

re~plit auprès de iui, qu'elle aspire profondément à, être cette

mère qu'elle aurait pu êtré pour lui:

Tu te détaches bien tard de moi, mon .nourris-son méchant, j e t ' ai porté trop longtemps contre moi, et voilà que tu en as lourd à porter à ton tour: une jeune fenune,

peut-être un enfant... Je suis responsable de ': tout ce qu~ te manque... Oui, oui, ma

beauté, te'voilà, grâce à moi, à vingt-cinq

l:1 ans, si léger~ si gâté èt si sombre à la fois... J'en ai beaucoup de souci. Tu vas souffrir, - tu vas faire souffrir. Toi qui

~-: m'as aimée .10 '-'

'i

La tête soyeuse e~ noire bougea sur son sein, et l'amant endormi se plaigni t ~n rêve. D'un bras farouche Léa le protégea contre le mau-vais songe, et le berça afin qu'il demeurât longtemps- sans yeux, sans souvenirs et sans desseins, - ressemblant au "nourrisson méchant" qU'elle aurait pu enfanter. ll

Dans le même ordre d'idée, on pourrait citer un...pas-sage de Julie de Carneilhan où Colette résum.e si bien l'essence de cet instinct maternel qui envahit la femme' et lui dicte intuitivement sa conduite: «( ••• ) Un brutal app,tit de

sauve-tage, l' avidi té du dévouement féminin qui ne causes soulevèrent Julie» .12

pas ses

Donner, se donner, telles sont les caract ristiques de la mission de la fenune, qui s'intègre bientôt da s un cadre de

;

(38)

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(

,

• 32 ~

-référence beaucoup plus large, lequel participe à la fois

du sens inné que la femme a de sa nature et de son rôlè, et de celui qui lui est bientôt imposé dans l'interaction de la

femme et de l'homme; son «ennemi» dans l'amour ou dans

l'il-• l

luslon de l'amour.

\

Très tQt l'itinéraire de la femme est .dénatur~, dévié

de sa trajectoire ~naturelle, arraché au processus naturel de la.

vie, éloigné de la voie qui devait la .mener à participer à son

tour au miracle de la création. Puisque, étonn~ent, chez les

héroines de Colette, ce n'est pas dans le processus de la mater-nité que la femme s'épanouit dans sa fertilité. C'est à travers

sa relation avec l'homme qu'elle aura l'illusion de

se

réaliser

et de réaliser son potentiel. Elle jouera auprès de l'homme,

orgueilleux de la suprématie qu'il exerce dans l'existe~ce de

la fermne et de .(. usage» qu'il fait d'elle, le rôle qu'elle

aurait normalement dû assumer auprès de sa progéniture. Notons

au passage que è'est peut-être là la première tragédie dans

l'~xistence de la femme que-la rencontre de l'homme et de la

sensuali té; prisons qui auront paradoxalement pour

consé-quence l'absence de maternité, manque qui aliénera à jamais la femme dans son corps.

Dans le phénomène de l'appréhension du rée l, là où

s'arrête la di~nsion strictement \Sensorielle de l'expérience,

.

l'aspect sensuel émerge dans l'itinéraire féminin pour le

com-pIéter et le prolonger.

A

cette étape, l'approche physique du

...

.

.

(39)

? ,

)

33

.

réel se particularise, trouve un point focal d~s l'~xistence

personnelle. La femme nourrit l'illusion que de la même

ma-~

nière, innocente et sans restriction, qu'elle touchait au sens intime de l'univers par les sens, elle appréhendera le sens

intime des êtres par les sens. C'est ignorer la puissance de

la volupté et de l'érotisme dans l'activité sexuelle des êtres

humains. Car l' homme, qui vit une' tout autre forme d'

appréhen-sion du réel, une tout autre notion ~~.1' amour, res~era

tou-jo~s ~tranger dans la relation de la femme avec la nature. Sa présence dans la vie de la femme sera par conséquent un «malheureux accident», source de malentendu, de confusion,

d'aliénation. «L'homme ( •.. ) restera toujours un pe~ en dehors

de cet univers féminin qu'il ne comprend pas bien et qui

l'in-'\. quiète; dans l' harmonie réalisée par la nature et la femme, il

sera source de tourments et de crise.»13 On peut poursuivre cette pensée en disant que dans sa quête de stabilité et

d'har-monie, de compréhension et d'union pro~onde entre elle et

l'unl-vers,c)a présence de l'homme ne fera jamais que brouiller la claire vision que recherche la femme.

Cette distorsion du sentiment à l'état pur sera une

autre source d'aliénation essentielle dans l'itinéraire

per-sonnel féminin, plutôt que de partic'iper à l'épAnouissement de

la femme. C'est dans l'exploration de la sensualité amoureuse

que la femme éprouvera ses premières désillusions, ses frU'S_e trations, qu'elle fera la découverte de la tristesse de la chair

/

'.

(40)

-\

, "

/

Il 34

dans une relation sans amour et qu'elle connaîtra le piège que représent~ la tentation toujours présente de la volupté

comme fin en soi. Nous sommes loin de «l'innocence» de

l'ani-mal dans les rapports sexuals. Mais nous verrons que la femme

transcendera la dimension purement,sensuelle de sa vie émotive

en la dépassant, et qu'elle évoluera vers un" retour à

l'érno-tion à l'état brut et à des valeurs spirituelles qui

influen-ceront l'existence des protagonistes.

Ainsi la femme dans l'oeuvre de Colette est profondé-ment partagée entre une sensualité soumise au désir d'être assouvie dans la volupté, la découverte de sa féminité qui

,

l'engage dans un type particulier de felation avec l'homme, et

les exigences de la vocation,féminine qu'elle s'assigne. Elle

évolue au milieu dG ces divers aspéCts ,contradictoires de son existence dans un état initial d'aliénation. Mais laissons pour l'instant la dimension de la sensualité féminine pour nous

attarder à~celle de l'idée de féminité et de vocation féminine.

Dès son,adolescence, Claudine, femme en devenir, est

subtilement éveillée à la sensibilité amoureuse par url réflexe

~

tout à fait naturel qui provoquê chez elle, ~nf~nt farouche,

orgueilleuse et sauvage, un sentiment de tristesse et

d'humi-Hation:

Comme je suis bête! je n'aurais dû songer

qu'au plaisir de danser, à la joie pure

(41)

~i

\

(

d'être invitée avant AnaIs qui lorgne mon cavalier d'un oeil d'envie .•• et de cette valse-là, je ne retire que du chagrin, une tristesse, nia-ise peut-être " mais si aiguë que je retiens mes larmes à g~and peine ... Pourquoi? A,h 1 parce que •• ·• - non, je ne peux

RaS être sincère absolument, jusqu'au bout, je peux seulement indiquer ••• --je me sens l'âme tout endolorie, parce que, moiq qui n'aime guère danser, j'aimerais danser ~vec

quelqu1un que j'adorerais de tout mon co~~

parce que j'aurais voulu avoir là ce quel-qu'un, pour me détendre à lui ,dire tout ce, que je ne confie qu'à Franchette ou à mon oreiller (et même pas à mon journal), parce que ce quelqu'un-là me manque fOllement,' et que j'en suis humiliée et que je ne Me livre-rai qu'au quelqu'un que j'aimelivre-rai et que je connaltrai tout à fait,- dès rêves qui ne se réaliseront jamai,s, quoi 114

Le caractère nett~ment idéalisé de l'amour tel que Claudine le conçoit se double de deux autres éléments qui viennent préciser la nature et l'objet de sa convoitise; elle

4f1e~che

un amoureux,

m~is

plus

~core

u,n maitre: éMa liberté me pèse, mon indépendance m'excède; ce que je

cherche depuis des mois, -

.

depuis plus longtemps-

c'

étaJ t, ,

'

-~ans m'en douter, un maitre. Les femmes libres ne sont pas des femmes. Il sait tout ce que j'ignore; il méprise un peu tout ce que je sais» .15 On peut, à ce propos, se demander

p

ce 'qui pousse une jeune fille sèreine et équilibrée, épanouie comme l'est Claudine, à vouloir à çe point sacrifier sa liberté •

.

Par quel pouvoir occulte Claudine en arrive-t-elle à renier son indépendance profonde? il est Peut-ètre plus raisonnable de

"

.

présumer que Claudine est victime,'sans le savoir, du «mythe ,

r

Figure

figure  nourricière  mère/nature,  ne  l'elt pas  en  vain.  21le  résume  l'esseptiel' de  l'itinéraire  «physique»  de  la  femme  dont  le  trajet  se  dessine  comme  un  cercle  parfait  autour  duquel  elle  évolue,  «errante»,  jusqu'

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