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Salves, la danse au moment du danger - Maguy Marin

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Academic year: 2021

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Eric Vautrin

Salves, la danse au moment du danger – Maguy Marin

in O. Neveux & Ch. Triau (dir.), « Etats de la scène actuelle 2009-2011 »,

Théâtre/Public, n°203, Gennevilliers, mars 2012.

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Une lecture de Salves, la dernière création de Maguy Marin conçue en collaboration avec Denis Mariotte et créée à la Biennale de la danse à Lyon en septembre 2010, permet ici de réfléchir autant ce que danser veut dire pour cette chorégraphe aujourd’hui que la façon dont cette œuvre, comme d’autres aujourd’hui, fait de la mémoire un argument du présent, d’une tout autre manière qu’en écrivant ou décrivant dialectiquement l’histoire. Nous verrons comment cette œuvre entre alors en écho avec des travaux récents de sciences humaines, notamment ceux de l’historien Enzo Traverso, l’archéologue Laurent Olivier ou l’historien de l’art Georges Didi-Huberman, qui, dans la lignée d’Hannah Arendt ou de Walter Benjamin, réfléchissent à une écriture de l’histoire qui rende compte de ce qui se passe dans le temps et non de ce qui survit à une époque, c’est-à-dire engageant une réappropriation du passé plutôt qu’un séquençage pro-gressif des faits humains tendant à justifier le présent par l’enchainement des faits passés . Cette réappropria-tion du passé vise moins à y retrouver des modèles de pensée qu’à humaniser le temps vide de l’histoire.

L’espace est vide, le sol noir vaguement taché, les murs semblent en béton gris et brut. N’apparaissent, contre les murs ou le long de la rampe, que quelques appareils et planches grises. L’ensemble n’a pas d’âge ni d’ordre

Salves

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la danse

au moment

du danger

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évident. Ce pourrait être un atelier ou un local indus-triel débarrassé pour l’occasion, ou un théâtre en mon-tage — un lieu d’aujourd’hui, ordinaire, sans apprêts. Un homme entre par l’une des ouvertures, pantalon noir et chemise blanche ; il semble tirer un fil invisible. Il le file, le lisse ou le suit, traversant paisiblement la scène, attentif à cette ligne souple et invisible.

Du public, une jeune femme le rejoint. Il semble lui céder le bout du fil qu’elle commence à tirer elle aussi, et l’un et l’autre s’occupent de la même façon, à leur rythme, selon leur chemin, mais reliés par ce fil invi-sible. Le fil ne contraint rien, ne permet rien, il passe d’une main à l’autre. Ce sont eux qui lui font traver-ser l’espace et s’étendre. Il est l’objet de leur attention. Un jeune homme les rejoint, puis un autre, et ils sont bientôt sept à suivre ce fil, ici et là dans l’espace, rendus attentifs par sa finesse ou sa légèreté, traversant cha-cun selon son propre trajet la scène vide, reliés par ce fil invisible et incertain qui ne les relie que pour nous, spectateurs.

Aussi tranquillement qu’ils sont entrés, ils sortent par l’une des différentes ouvertures du plateau. Noir. Le plateau plongé dans la nuit va être alors troué par des flashs, des points de lumière, de courtes séquences éclairées de biais, découvrant toutes sortes de scènes. Le silence va être rythmé par les mises en route impromp-tues de Revox disposés sur la scène, faisant entendre des bruits de machines entendus au loin, des paroles saisies dans des espaces incertains, des bribes de musiques, de paroles, de séquences rythmées, de silences enregistrés. Des hommes et des femmes courent, hésitent, se retour-nent, tombent, traîretour-nent, attendent. Il règne une grande urgence, une sorte de frénésie. Un homme cherche son chemin. Un autre redresse avec violence la tête d’une femme. Celle-ci court et brise un vase. Un groupe sem-ble s’enfuir et perdre son mystérieux butin en route. Une figure drapée comme un Dante traîne une femme nue. De vieux messieurs de comédie dépoussièrent des tableaux ou des reproductions, nature morte, sacre de Napoléon par David ou souvenir d’une visite amicale de Poutine à Bush devant des éphèbes dorés — tout se vaut dans ce patrimoine disparate. Maintenant un homme aide une femme à grimper, plus tard un autre en por-tera une, nue et enguirlandée comme un sapin de noël. Trois jeunes belles identiques jusqu’au bout des cheveux affichent ensemble le même poster d’une icône pop ou composent un petit bouquet dans un geste synchrone. On mime un dîner bourgeois avec faux plastrons et moustaches en carton. Les saynètes s’enchainent, sans lien évident, dans une sorte de précipitation. La plupart finissent dans une chute ou un geste violent, physique-ment ou symboliquephysique-ment, avant de disparaître dans le noir du plateau. Ce sont des courses, des tentatives, des extraits, des fragments de vie, d’occupations, de désirs — éclats d’existences sans destin, aussi dénués de raisons que d’avenir, pulsions, intuitions ou déceptions qui ne

s’inscrivent nulle part — et pourtant, à chaque fois, un ordre s’impose, même temporairement, même indicible-ment, et un corps se dresse, un être tente quelque chose ou au contraire refuse, fût-ce par un simple regard. À intervalles réguliers, un rassemblement a lieu et ils tentent de construire une table pour un repas ; les plan-ches puis la vaisselle passent de main en main sur un rythme effréné, mais l’entreprise échoue dans sa pré-cipitation, un objet se casse, chacun repart dans une direction opposée. Nulle acrimonie, nulle déception, à peine un temps bref et suspendu comme s’il fallait très vite admettre l’évidence et passer à autre chose — rien ne s’inscrit ou ne se partage d’autre que l’urgence, la nécessité de faire, l’impérieuse obéissance à une fatalité à laquelle on se plie.

À intervalles réguliers encore, le groupe des sept danseurs s’arrête, se pose face au public, assis, dans une lumière alors pleins feux, une lumière de services comme on dit au théâtre — comme s’il était temps, enfin, de discuter, de prendre un temps, face à face, pour se rencontrer et échanger. Mais lorsque le dernier arrive, retardé, il doit en éjecter un autre pour trouver une place sur le banc ou la table — c’est parfois l’un d’eux, parfois une figure venue d’ailleurs, un soldat ou une Vénus hottentote grimée sortie de sous la table ; la chute de l’expulsé, à l’autre bout du rang, fait reprendre les courses aussitôt. Il n’y a pas de place pour tout le monde et cela contribue à entretenir la course perpétuelle et funeste du groupe et du présent.

Peu avant la fin du spectacle, la vrille s’accélère encore et pourtant on parvient sur scène à monter cette table plusieurs fois entreprise. Un banquet s’annonce, nappe, lampes et chandeliers, guirlandes et vaisselle ou mets divers. Une fois encore un plat va échapper des mains dans la précipitation panique, mais cette fois tous ces ustensiles vont devenir les accessoires d’une bataille générale, comme si la tension était à son comble, comme si les projets déçus devaient trouver un responsable à leurs échecs successifs. Alors qu’il n’y a eu rien d’autre qu’une précipitation commune, chaque coup porté légi-time à présent le suivant, et tous se frappent, se pous-sent, se tirent, s’aspergent. Le chahut est délirant, coloré des aliments et grotesque, la pagaille est totale, ce qui un instant auparavant prenait la forme d’un possible espace partagé dans la fête et le repas devient un champ de bataille informe dans lequel les corps se mêlent. C’est à la fois joyeux comme une comédie et terrible, grotes-que et violent. Après grotes-que tous se sont effondrés, épuisés, la bande-son fera entendre dans le noir final une voix d’enfant qui annoncera quelque chose dans une langue

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étrangère.

Durant cette seconde partie, la lumière et le son s’orga-nisent sur des rythmes communs, parfois synchrones, parfois en écho l’un à l’autre. Ils forment ensemble la partition rythmique du spectacle, ce qui en organise le temps et l’espace. La lumière découpe des lames, révèle des strates : le même espace apparaît strié de multi-ples coins, axes, droites, zones selon la manière dont il est exposé. Qu’elle arrive de biais ou par réflexion, la lumière rend sensible la densité du lieu, ses angles, ses matières — tout dépend de l’angle de vue.

Le son travaille d’une tout autre manière cette disconti-nuité. Il semble provenir des cinq Revox en scène fonc-tionnant en discontinu, alternativement ou ensemble. Parfois, ils diffusent du silence, le léger souffle de leur propre mécanisme. Parfois, ce sera comme un problème, des grattements ou des signaux réguliers, liés à l’usage du son comme retransmission. Parfois des grondements à l’origine incertaine ou des bruits de machines diver-ses, plus ou moins reconnaissables, plus ou moins pro-ches. Des ambiances, pluies ou bruits résonnant dans le lointain, des extraits de cinéma ou d’actualité d’un autre âge, surgissant de nulle part, des extraits musi-caux mêlés et très courts, comme de passage, saisis au vol. Le plus souvent des voix, parfois des foules, parfois des soliloques, pensées à voix hautes, annonces péremp-toires ou explications aimables, menaces virulentes ou murmures lointains, le plus souvent dans une langue étrangère, recouverts par d’autres sons ou à peine audi-bles. Le son apporte sur scène la rumeur du monde, une somme d’activités autour de soi qu’on écoute plus ou moins, qu’on décrypte avec peine même si on reconnaît à l’occasion des voix d’acteurs. Les danseurs s’approchent des Revox, les déclenchent quelquefois, s’arrêtent pour les écouter comme s’ils en attendaient quelque chose. Alternant avec les silences, ces sons hétérogènes sont en quelque sorte ce qui parvient d’ailleurs, d’autres lieux, d’autres temps, et qui se donne à entendre. On sent bien que ces rumeurs diverses agissent sur les situations exposées ou au moins participent de l’activité des corps présents, mais on ne sait pas comment, si ce n’est en instruisant leur temps, leurs rythmes, leurs stances. Par le son se construit un rapport entre ce qui arrive et ce qui entoure, que ce soit l’histoire, l’art ou l’ailleurs, qui est très peu fait de dialectique — même si elle n’est pas absente — un peu de force d’entrainement — sans être la seule raison de l’empressement funeste — et un peu de hasard ou de coïncidences. Cette écoute toujours à la limite de ne pas en être une et qui instruit une conti-nuité dans la fragmentation, faite de réminiscences, de déductions incertaines, d’entrain et de coïncidences, est sans doute le modèle d’un rapport au passé et à l’entour que recherche le spectacle autant que la forme même

du rapport qu’il propose à son spectateur. L’absence de linéarité du temps, de logiques dans les enchainements, de précisions dans l’identification des intentions et des raisons, n’interdit pas la mise en forme d’une pensée et sera au contraire le moyen d’affirmer une présence à la fois unique et empreinte de ce qui l’entoure dans l’histoire, l’art et l’espace. Alors la recherche des causes et des raisons est comme excédée par l’accumulation et la disparité des événements sonores. Ce pourrait être angoissant, signe d’une perte du sens et des ordres du réel — ce sera l’occasion d’une autre appréhension du temps.

Toutes ces actions sont comme des rêves ou des rémi-niscences, elles en ont la fugacité, ou en tout cas ce sont des bribes sur fond d’un temps désordonné. Leur sur-gissement saccadé frappe davantage que leur raison ou leur motivation — elles surgissent du fond des âges et elles n’ont pas de suites. Pourtant à chaque fois il s’agit d’échapper, de sauvegarder, de maintenir quelque chose, et souvent ce quelque chose n’est pas grand-chose, un objet en plâtre brisé, une petite bourse, la reproduction bon marché d’un portrait — ou il est pris comme pas grand-chose, lorsque c’est un corps que l’on trimbale comme une masse informe. Lorsque l’objet ou la figure renvoient au contraire à l’histoire, à l’art ou à l’actualité politique, ils sont pris dans le même empressement et ils apparaissent sous des formes banales ou populaires, la reproduction d’un tableau, un costume de carnaval, une citation écrite à la va-vite. L’empressement et la dispa-rité emportent tout dans le même flot, le symbolique et le banal, la tristesse et la violence. C’est ainsi davantage une mémoire qui ressort plutôt qu’un ou des récits exem-plaires ou une histoire linéaire, une mémoire comme toute mémoire faite de fragments hétérogènes et d’une continuité temporelle brisée, saccadée et sans ordre. Une mémoire plutôt qu’un récit, un passé plutôt qu’une histoire, par sa fugacité, son désordre essentiel, mais aussi parce qu’elle présente moins des exemplarités ou des magnificences que des objets ou des situations ordi-naires. Nous l’avons dit, les objets sont simples, ce sont des vases de plâtre, des reproductions de statues ou de tableaux, des moustaches en carton, des imperméables de polar, des robes et des perruques pop, des guirlandes bon marché, de la vaisselle de bric-à-brac. L’ensemble renvoie à la vie courante voire à la sphère de l’intime ou de la famille plutôt qu’à un espace normé et sym-bolique . Des objets sans valeur auxquels on s’attache par affection se mêlent à des icônes qui ressortent de l’histoire récente — ce sont finalement des marqueurs de mémoire, des survivances échues d’histoires diverses plutôt que des signes appartenant à un récit historique explicite et rigoureux.

Une mémoire, par la culture commune que convoquent

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ces actions et qui leur confère, en fin de compte, une sorte d’unité ou d’identité. Les costumes de film noir, les situations de courses dans la nuit, de travail à la chaine ou de mélancolie contre un mur, les objets, vases ou soupières, les différentes reproductions de tableaux ou de portraits de dirigeants politiques, ou encore certaines figures comme ce Dante traînant un corps nu, les lumiè-res obliques empruntées à un cinéma d’antan ou les dif-férents extraits sonores relèvent d’une culture marquée par les arts populaires, notamment le cinéma, la comé-die, la culture pop et le film noir, mais aussi une culture d’usage, presque familiale, où l’on croise côte à côte un Picasso (Guernica) ou un Delacroix (La Liberté guidant le peuple) en reproduction bon marché, des postiches bricolées avec trois bouts de ficelle et de la vaisselle de grand-mère — une culture diffusée par la famille autant que l’école de la République ou le tourisme patrimonial, une sorte de culture ordinaire ou moyenne mais suffi-sante pour définir quelque chose comme une identité européenne post-Seconde Guerre mondiale.

Une mémoire, enfin, parce que toutes les situations ou les objets ont toujours un air de déjà-vu et souvent quel-que chose de grotesquel-que, un air de comédie fellinienne ou même de carnaval. Toujours à la limite de l’arché-type ou du cliché, sans l’être vraiment par le décalage provoqué par le costume, la pauvreté d’un accessoire ou simplement la hâte avec laquelle la séquence passe, don-nant à chaque séquence l’irréalité du simulacre — une irréalité qui est celle des gestes sans suites mais aussi bien celle de l’image mémorielle incertaine et celle du jeu de comédie, celle d’une représentation. Ainsi cette mémoire populaire entre-t-elle en résonance avec les gestes modestes entrepris par les protagonistes — fus-sent-ils amusants ou violents, insolites ou tragiques — avec qui elle partage la fugacité et la modestie. Le pré-sent retrouve, par cette mémoire, les échos lointains de l’histoire, de la culture ou de l’art du siècle passé. Passé et présent semblent se répondre par delà le temps.

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Ces séquences décrivent un monde bouleversé qui n’a plus ni suites ni évidences et au sein duquel tout se mêle, intime et collectif, famille et politique, culture savante et culture populaire, rapports interpersonnels et réminiscences historiques. Prises dans la précipita-tion et l’enchaînement sans logique apparente, elles ont d’abord quelque chose de tragique, comme si tout s’entraînait sans suite ni conscience et sans possibilité d’échapper à une permanente urgence, comme si toute action flottait dans un présent sans ordre ni durée. Ce présent est proche de celui consécutif à la « perte de l’expérience » décrit par Walter Benjamin et à sa suite Giorgio Agamben : non seulement le XXe siècle a laissé un champ de ruines tel qu’il ne peut plus se transmet-tre en récits compréhensibles et communicables , mais

le quotidien contemporain est surchargé d’événements hétérogènes qui ne se transforment jamais, par l’accu-mulation continue et la variété des informations, en expériences transmissibles . Alors le présent devient vide, strictement continu et sans relief, sans mémoire et sans devenir.

Pourtant, au sein même de ce présent sans mémoire qui avance continuellement, quelque chose ne relève pas du désastre, ou lui résiste. La tristesse devant un vase brisé, la fulgurance d’une image dantesque, le regard d’une femme à qui on tord le cou ou on ferme la bouche, le loufoque d’un dîner de postiches, de minuscules soli-darités au sein de cette urgence — une courte échelle pour passer un mur, un bras qui se tend pour soute-nir après une chute — apparaissent comme autant de marques d’un refus ou d’une résistance. Alors la pré-cipitation se mue peu à peu, sans rien dire, en volonté effrénée de tenter, de ne pas rester en place, d’engager des actions fussent-elles petites, fussent-elles sans suite. Ce qui semblait d’abord le constat d’un monde perdu dans son impatience désorganisée se fait peu à peu vivacité inouïe et tentatives de prendre la tangente, de s’organiser de biais, de tenter d’autres circulations, fusse par la petite porte et malgré tout — l’inverse exact de la fatalité qui paralyse, de la déception qui immobilise, du nihilisme niant la volonté. Alors ces courses devien-nent ambivalentes : elles paraissent ensemble comme la marque d’une impuissance à s’inscrire dans le temps et celle d’un courage de tenter quelque chose ; le fait d’une fatalité et celui d’une espérance.

À ce moment les échos du siècle passé et les actions entreprises entrent dans une autre sorte de résonance. Car la mémoire historique ou artistique convoquée ou mimée par les protagonistes est aussi faite de semblables refus et tentatives pour un monde différent. Ce ne sont pas seulement les tableaux de Picasso ou de Delacroix, ni même celui de David (Le Sacre de Napoléon) — ce peintre de la Révolution faisant le choix de l’empe-reur — qui disent un engagement de l’artiste, ce sont aussi les courses dans la nuit empruntées au cinéma, ces belles affichant des portraits d’Elvis Presley ou cette femme déguisée en Vénus hottentote renvoyant au film d’Abdellatif Kechiche qui rapportent des faits de résis-tance, des refus du monde en l’état ou plus simplement des affections qui nient le raisonnable ou les barrières sociales. Ce passé rapporte un XXe siècle d’espérances et d’engagements.

Mémoires et actes n’idéalisent pourtant pas l’acte de résistance, mais tentent de penser la volonté et l’espé-rance. L’objet n’est pas ici un appel à la révolte, et ces refus prennent au contraire des formes ambivalentes, parfois celle d’un désir d’ordre, parfois d’une tentative

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de fuite, parfois d’une dérision, parfois d’une solidarité inattendue. C’est bien davantage l’écriture de l’histoire qui est visée, en refusant en même temps une idéalisa-tion de l’engagement et la peur des changements et des utopies. Du passé, cette mémoire ne garde ni la peur du totalitarisme qui paralyse les engagements et restreint les espérances comme l’imaginaire politique, ni l’idéali-sation du geste de résistance, qui apparaît ici être parfois dérisoire, parfois tenté par l’ironie ou la violence. Du pré-sent, ces actes disent autant la fugacité, le dérisoire et la multiplicité des tentatives à ne pas agir comme attendu : retrouvant Hannah Arendt, ils montrent combien cha-que acte ouvre une brèche dans le continuum du temps ; ou, comme dit Borges des écrivains, chaque acte révèle une continuité inattendue avec le passé et change légè-rement notre prévision du futur. Mémoires et actes s’al-lient ici contre la promesse de lendemains qui chantent et une vision du passé idéalisée — une vision de l’his-toire telle que la décrit Enzo Traverso par exemple, qui résumerait le XXe siècle aux horreurs du totalitarisme pour rejeter toute forme d’engagement dans le « pur-gatoire indistinct des idéologies » et célébrer avec les victimes avec une dignité compassée. Gestes et mémoi-res se dmémoi-ressent, dans leur ambivalence tragi-comique, contre le temps lisse d’un passé à la fois rejeté et célébré et d’un futur illusoire et contraint. Par ses actions sac-cadées, Salves fait du présent une brèche — certes incer-taine, certes ambiguë, mais traversée de mémoires et de volontés — entre le passé et le futur.

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Dans un texte de présentation du spectacle, Maguy Marin fait référence au poème De Rerum Natura de Lucrèce qui avait nourri une de ses créations récentes, Turba (2007). Elle rappelle que pour Lucrèce, « les ato-mes déclinent perpétuellement, mais dans leur chute, ils font à un moment un écart dans leur course, le cli-namen. Il suffit qu'un atome bifurque légèrement de sa trajectoire parallèle pour entrer ainsi en collision avec

les autres d'où naîtra un monde, l'invention d'une forme nouvelle qui peut donner lieu à des conséquences inouïes » . Les séquences de Salves sont comme les ato-mes de Lucrèce : elles chutent dans le vide de ce temps contemporain sans mémoire, mais elles portent, dans cette chute même, la possibilité d’une inventivité iné-dite. Il faut pour cela que soit provoqué un léger écart dans leur dérive, celui-là même que tente chacun des protagonistes, quelles que soient ses intentions ou ses façons.

C’est là que le spectacle trouve sa voie. En réalisant ces multiples saynètes, en les jouant, en en rendant à la fois la fulgurance et la précipitation, la vacuité et la cocasse-rie, le dérisoire et la tentation de la violence, le spectacle les met en instance de signifier et ainsi de suspendre le cours linéaire de ce présent sans mémoire. Par cette possible résonance au-delà d’eux-mêmes, au-delà du simple fait grotesque, insignifiant, démultiplié et aussi-tôt oublié ou confondu, ils se trouvent à l’origine d’une possible “force diagonale” qui fait légèrement se cam-brer les puissances antagonistes du passé et du futur — de multiples lignes diagonales qui sont entreprises, jus-tement, dans l’espace scénique. Pour Hannah Arendt, cette brèche dans le continuum du temps qui déplace légèrement les attendus est « la métaphore parfaite de l’activité de la pensée » qui, inscrite dans le présent, fait prendre une tangente à l’ordre du temps.

Ainsi Salves engage moins une description de l’histoire ou du présent — d’une mémoire oubliée du XXe siècle ou d’un présent sans mémoire ni devenir — qu’il explore les conditions d’humanisation du temps. Le spectacle ne nous propose pas seulement la description de nos existences et de notre commune destinée — il ne se fait pas, en fin de compte, discours ou concept ; la scène finale, dans son épuisement de catastrophe, n’ayant rien de prophétique — mais il explore surtout une voie vers une expérience du temps en donnant une forme à ce présent vide.

Par cette forme humanisée du temps, une forme sac-cadée, dispersée et discontinue qu’il réussit à tenir, le spectacle parvient à transmuer la fatalité d’un monde bouleversé et toujours pressé en l’énergie secrète et vitale qui fait tenter autre chose. Dans sa précipitation, Salves compose un temps non pas vide comme le temps de l’horloge ou celui du progrès historien, mais plein des survivances disparates du passé que lui a transmis l’art et la culture — un temps humain, fait de reprises et d’aléas, d’ambigüités et de violences, d’accélérations et de trous. Tel est l’enjeu : donner à voir l’affolement contemporain du temps, la « perte de l’expérience » et le bouleversement des mémoires actuelles, contre une vision simplifiée et prophétique de l’histoire et contre la fatalité d’une perpétuelle fuite en avant. À la panique ou à l’in-certitude du présent, la tentation est grande de répondre par des cadres rigides justifiés par un passé mythique ou une tradition idéalisée promettant des futurs certains.

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Salves explore une autre réponse en tentant d’inscrire le présent dans une durée et une mémoire, fut-ce une durée discontinue et une mémoire du dérisoire, pour élargir le champ des devenirs.

Car le spectacle, grâce à ses interprètes, donne une forme à ces fragmentations, une forme qui permet de penser le bouleversement et la saccade, de l’inscrire dans un temps, une durée, une suite. Ces interprètes qui parviennent à réaliser et à tenir une forme particuliè-rement difficile demandant à la fois précision et endu-rance, tiennent alors ce temps bouleversé qui générale-ment nous échappe. Ils ne sont pas les instrugénérale-ments d’une pensée à l’œuvre, ils réalisent ce que le spectacle expose : donner une forme au présent bouleversé pour briser le continuum du temps et réinvestir le présent. Un monde différent, une tangente prise sur le contemporain que le spectacle ne projette pas, de dévoile pas, mais dont il ouvre les conditions de possibilité. Parvenant à tenir cette « mixture pluridisciplinaire » qui caractérise les spectacles de Maguy Marin, ces interprètes sont les mar-queurs physiques plus qu’intellectuels d’une conscience et d’une lucidité devant un présent qui fuit, oublieux de lui-même — lucidité des corps ou lucioles brillant dans la nuit du présent, apparaissant au moment du danger , lorsque l’histoire s’affole, le temps se vide, les mémoi-res se désordonnent, lorsque les politiques appellent à la sauvegarde des ordres passés.

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L’œuvre se présente ici comme une occasion : l’occa-sion d’interpeller la culture commune, singulièrement marquée par le cinéma, et finalement le passé. Comme l’archéologue, selon Laurent Olivier, n’explique pas par ses fouilles et ses découvertes la vie des hommes du passé mais renvoie dans le présent des « documents de mémoire », c’est-à-dire des énigmes qui contraignent à réexaminer ce qui fait nos existences et notre pré-sent plutôt qu’à écrire des histoires anciennes , l’œu-vre appelle à comparaître passé et culture comme des énigmes disparates et ambiguës engageant à reconsidé-rer non ce qui nous a précédé, mais ce qui se manifeste dans l’actuel.

Aussi le spectacle ne conduit pas les débats. Il n’organise pas la dialectique de l’avenir ou la justification cultu-relle. Il n’ordonne pas un présent révélé sous un nou-veau jour ; au contraire le présente-t-il fait de fragments disparates et dispersés. Pour reprendre l’expression de Walter Benjamin souvent citée par la chorégraphe, il « organise le pessimisme » . Plutôt que d’appeler à une prise de conscience ou des consciences, d’ériger un nou-veau modèle ou un nounou-veau mythe ou de proposer de nouveaux rêves ou utopies, il expose des êtres en refus exerçant leur volonté, résistant à la violence ou s’ima-ginant un monde ; des corps malmenés montrant ainsi leur élasticité et leur force de résistance ; finalement un

temps qui fuit révélant ses saccades et ses discontinui-tés. En exposant des échecs, des violences, des impuis-sances, des actes sans suites et des mémoires disparates, il substitue « au regard historique porté sur le passé un regard politique » — il retient la tentative plutôt que l’intention ou la stratégie, la rage plutôt que la rêverie contemplative, la volonté plutôt que le discours. Il fait de la représentation moins la métaphore du réel qu’une action ou une expérience de la puissante contradiction, dans le présent actuel, entre une histoire idéalisée et linéaire et un futur préconçu.

Comme pour le fil invisible initial, nous verrons, spec-tateurs, entre les présences. Quand le temps scénique avance par fragments, nous voyons, nous, entre les interstices de lumière, dans la durée, ce qui lie ces pré-sences. Nous l’appellerons nuit, incertitudes, angoisses, urgences, peines, solitudes, mémoires, guerres, incons-ciences, violences. De la même façon que nous pourrions chacun nommer ce que symbolise, montre ou rappelle ce fil de la première scène, commun, ensemble, attention, chemin, délicatesse, durée, lien, sérénité. Peu importe les noms que nous leur donnerons. Ce que nous verrons alors, ce sera une résistance au présent qui n’appartient pas à l’histoire, une résistance à ce qui arrive qui porta de tout temps des gens, des anonymes comme des héros. Quelque chose de très différent de la justification d’un pouvoir ou d’un récit de manuel historique, plutôt l’éclat bref et incertain qu’au fond de notre présent gît encore la possibilité d’un futur différent, sorti de la fatalité et de la facilité, sorti des assertions venues de pouvoirs assis sur les victimes du siècle nous convaincant qu’il n’y a pas d’autres vies possibles que l’actuelle, que la crise appelle une responsabilité empreinte de commémoration, de compassion et de confiance dans des ordres existants qu’il s’agit de sauvegarder, faute de mieux et pour éviter des violences tragiques et trop connues. Dans les inters-tices du spectacle souffle un vent qui est celui des refus et des volontés sans âge qui ont porté les hommes non dans une foi dans le progrès, mais dans une solidarité choisie et l’exercice de leur liberté. Chaque point, cha-que situation du spectacle vient redire cette énergie folle qui est celle du désespéré et celle de l’exclu, mais aussi celle du volontaire et du résistant qui tente malgré tout, qui œuvre ou au contraire s’oppose malgré tout, quels que soient les embûches ou le ridicule de sa situation, appelant un refus du monde en l’état. Mouvement per-pétuel de celui qui ouvre la brèche du temps pour tenter

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autre chose qu’aucun ordre n’impose ni même ne pré-sage dans le monde du devoir de mémoire, de la com-passion imposée et de la responsabilité obligatoire. Nous verrons dans notre propre mémoire la possibilité d’une échappée hors de la fatalité du temps.

Qu’un état apaisé des êtres et des corps, qu’un lien pos-sible entre des êtres, à la fois incertain et souple, for-ment ensemble la première partie du spectacle, apparaît alors comme exemplaire. Ce n’est pas l’aboutissement vers quoi tendrait le spectacle, comme une promesse ou une utopie qu’il viendrait défendre. C’est l’espoir ou le courage tel qu’il nous a été donné par le passé, l’espoir ou le courage qui nous précède, appelant ou attendant un partage apaisé et serein du temps, d’un espace et d’une délicate fragilité invisible — celui-là même qui peut conduire un être à la découverte de lui-même et un groupe dans l’invention de son existence commune. De la même manière, l’ambiguïté des saynètes mêlant dérisoire et violence, comédie et tragique, est nécessaire au spectacle pour ne pas instruire à son tour un nouvel ordre du temps. Le présent et avec lui le spectacle restent ainsi essentiellement équivoques, aussi cruels envers l’époque que le rythme l’est avec ses protagonistes. Il n’avance pas vers un accomplissement ou une forme réussie, il ne contient pas de solution ou de résolution — c’est ici la condition d’une expérience du présent plu-tôt que d’une lecture ou d’une intelligence extérieures à celui-ci.

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L’accueil souvent enthousiaste du spectacle laisse penser que celui-ci a peut-être saisi quelque chose de l’époque. Certes, il inscrit dans une durée et une mémoire les bousculades, incertitudes et mécontentements actuels. Il parvient à faire de ces incertitudes la force d’articuler responsabilité et lucidité, à un moment où le politique brise les solidarités, rejette l’individu à son sort anonyme, tente d’organiser la sauvegarde d’un système économi-que et politiéconomi-que passé en imposant rigueur et austérité et célèbre déjà les révolutions arabes tout en appelant à la méfiance. Les souffrances et le mécontentement ressurgis des mouvements sociaux récents trouvaient

dans le spectacle non une raison de s’exalter, bien au contraire, mais la force d’un refus teintée de dérision autant que de sens tragique — un temps humain dans lequel s’inscrire, retrouvant durée, mémoire et devenir quand l’actualité les avait confondus et balayés comme des actes irresponsables et sans suites.

Mais au même moment où ils recomposaient la possi-bilité d’un temps humanisé, où ils retrouvaient à leur manière et sans messianisme des questions toutes contemporaines, Maguy Marin et son équipe redon-naient surtout au spectateur une place symboliquement forte et semblaient redéfinir ce que la danse pouvait être aujourd’hui. Au spectateur, Salves ne propose pas la place de témoin qui assiste pour lui-même à ce qui arrive, mais celle de médiateur entre des instances du temps. Le spectateur de Salves établit des liens entre les situations disparates qui lui sont exposé, et bientôt entre elles et une mémoire populaire ou son environnement poli-tico-social. Alors la représentation n’est plus un exposé de principes déroulé ou expérimenté sur la scène mais s’ouvre au réel culturellement organisé et à la struc-ture sociale du temps, essentiels, pour Elie Konigson et Marie-Madeleine Mervant-Roux, à la fonction drama-tique . Alors le spectateur n’est plus celui qui assiste, prenant éventuellement à sa charge les hypothèses et récits du spectacle, mais se retrouve par le fait même du spectacle « un élément d’une sorte de constellation de passeurs et de médiateurs » . Les danseurs tiennent la charge de ce présent bousculé, confiant au spectateur le soin d’être le représentant et le gardien de ce présent socialement organisé, ce temps long de la mémoire et de l’histoire que le spectacle envisage, résistant, à son tour et par sa position spectatrice, à la fuite du temps vide déshumanisé. De cette façon, Salves semble redonner sens non seulement à l’art scénique et à ce qu’il énonce, mais à la structure théâtrale toute entière telle qu’elle s’inscrit dans la vie de la cité.

Danser devient alors prendre conscience des façons d’engager le corps — dans l’espace, dans le geste, dans le rapport à l’autre, dans le temps entendu comme époque et histoire. Une forme d’engagement, une façon de se mouvoir dans le monde : comment engager le corps ou comment prendre en compte les façons dont le corps s’engage dans une course, dans un mouvement du bras, mais aussi dans une parole, dans un rapport à un autre corps, dans le partage d’un même geste comme d’un même espace avec d’autres présences. C’est l’ob-jet, le prol’ob-jet, sans doute, des spectacles de Maguy Marin depuis longtemps : la danse comme moyen et lieu de réfléchir ce qu’engage un geste, c’est-à-dire aussi réflé-chir ce que danser engage, ce que cela entreprend, ce que cela demande, ce que cela mobilise, au delà d’une cer-taine maîtrise de soi et d’une cercer-taine idée de la beauté ou de l’harmonie ou même d’un certain thème.

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