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Boèce ([Boethius] Rome, ca. 480 – Pavie, ca. 524) : l’homme, le philosophe, le scientifique, son œuvre et son rayonnement | Tome II

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Texte intégral

(1)

• I

LLO HUMPHREY

| P

H. D.-HDR

• Couverture :BoethiiDe institutione arithmetica libri duo |Bamberg|Staatsbibliothek |Class.5|Tours |ca.844|f.9V°

C

OLLOQUIA

A

QUITANA

II

2006

B

OÈCE

,

([Boethius], Rome, ca. 480 - Pavie, 524) :

l'homme, le philosophe, le scientifique, son oeuvre et son rayonnement

(colloque international tenu à Duras France-47120 du 3 au 5 août 2006)

• https://u-bordeaux3.academia.edu/IlloHumphrey/Books • • https://www.researchgate.net/profile/Illo_Humphrey/publications •

• http://orcid.org/0000-0002-1130-0397 •

T

OME

2

PARIS,ÉDITIONS LE MANUSCRIT,2009

(520 pages)

• ISBN : 978-2-304-00566-0 (livre imprimé) • ISBN 13 : 9782304005660 (livre imprimé) • • ISBN : 978-2-304-00567-7 (livre numérique) • ISBN 13 : 9782304005677 (livre numérique) •

• http://www.manuscrit.com/Blog_Auteur.aspx?id=6280 • http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10178 • • http://www.colloquiaaquitana.com/?page_id=28 •

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Table des matières

A

CTES

C

OLLOQUIA

A

QUITANA

II

-

2006

B

OECE

,

([Boethius], Rome, ca. 480 - Pavie, 524)

l'homme, le philosophe, le scientifique, son œuvre et son rayonnement

(colloque international tenu à Duras France-47120 du 3 au 5 août 2006) • http://www.colloquiaaquitana.com/?cat=9 •

• http://www.colloquiaaquitana.com/?page_id=28•

Sous la direction de

Illo Humphrey, Ph. D.-HDR

Directeur-Fondateur des Colloquia Aquitana | Directeur-Fondateur de La B.I.R.E.

Membre de l’International Boethius Society | Membre de la Medieval Academy of America | Membre de l’ASDAL

Préface :

Pr. Dr. Édith WEBER

Professeur émerite en Musicologie | Université de Paris IV-Sorbonne

Directrice-Fondatrice du Groupe de Recherches sur le Patrimoine musical 1450 – 1750 (GRPM) à l’Université Paris IV – Sorbonne

T

OME

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PARIS,ÉDITIONS LE MANUSCRIT,2009

(520 pages)

• Boèce le scientifique :

DELOUVÉ (Fabien) ~ Chapitre 8 – Le néoplatonisme et la musique à la

Renaissance : l’influence des traductions et commentaires de Platon par

Marsile Ficin (1433 -1499) sur les traités de Franchinus Gaffurius (1451 -

1522) et Pontus de Tyard (1521 - 1605), Vol. II, p. 9-104 •

VANDENSTEENDAM (Ghislaine) ~ Chapitre 9 – Le déplacement

géographique des musiciens dans l’antiquité grecque,

Vol.

II, p. 105-169 •

DELOUVÉ (Fabien) ~ Chapitre 10 – Sur l’évolution des termes de ton, de

trope

et de mode de Boèce (c. 480 - 524) à Salomon de Caus (c. 1576 - 1626),

Vol. II, p. 171-232 •

HUMPHREY (Illo) ~ Chapitre 11 – Le Régime de l’Octave : ses applications

chez Platon, chez Boèce d’après Nikómachos o Gerasinós, Vol. II, p. 233-260 •

HUMPHREY (Illo) ~ Chapitre 12 – Les 12 divisions de l’as : leur emploi

(3)

BARLOW (Clarence) ~ Chapitre 13 – On the Quantification of Harmony

and Metre, Vol. II, p. 275-306 •

NICOLINI (Jean-Pierre) ~ Chapitre 14 – Les schémas du manuscrit

Bibliothèque municipale d’Avranches 237 : Boethii De institutione musica

libri quinque

Livre III, 10 et Livre III, 16, Vol. II, p. 307-323 •

HUMPHREY (Illo) ~ Chapitre 15 – 3 Études codicologiques : P

ARIS

, B.

N

.F.,

Fonds

GREC

: 1807 (

IXE s

.), 1853 (

XE, XIVE, XVE s

.), 2466 (

XIIE S

.) contenant

respectivement des œuvres de : Πλάτων (œuvres diverses) •

Ἀριστοτέλης (œuvres diverses) • Εὐκλείδης, τὰ Στοιχεῖα (Les

Eléments

), Vol. II, p.325- 367 •

HUMPHREY (Illo) ~ Chapitre 16 – 2 Études codicologiques : Paris, BnF,

Fonds latin 14064 (

IXEs

.), Fonds latin 7200 (

IXE s

.), manuscrits contenant

respectivement les deux traités : Boethii De institutione arithmetica libri

duo

et Boethii De institutione musica libri quinque, Vol. II, p. 369-382 •

D’ARTUS (Laurent Charles Lemaître Martin) ~ Chapitre 17 – Un Blason

proto-héraldique à l’hommage de Boèce l’homme, Boèce le philosophe,

Boèce le scientifique, Vol. II, p. 383-406 •

Boèce et le processus cognitif :

HUMPHREY (Illo) ~ Chapitre 18 – Quelques observations sur le processus

cognitif chez Pláton et chez Boèce, Vol. II, p. 407-439 •

REZNIKOFF (Iégor) ~ Chapitre 19 – L’âme est-elle sonore ? Mythe ou

réalité, Vol. II, p. 441-461 •

HIDRIO (Guylène) ~ Chapitre 20 – Compte rendu du Concert Hymne à

Boèce

, Vol. II, p. 463-468 •

HUMPHREY

(Illo)

~

Ch.

21

Épilogue : Boethius | Ad mensam Philosophiæ,

Vol. II, p. 469-476 •

• Appendices :

Conseil scientifique ~ Vol. II, p. 479-482 •

Programme des trois journées ~ Vol. II, p. 483-490 •

Index général ~ Vol. II, p. 491-516 •

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Colloquia Aquitana II

2006

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Illo Humphrey, Ph. D.

Colloquia Aquitana II

2006

Boèce

([Boethius], Rome, ca. 480 – Pavie, ca.524) :

l’homme, le philosophe, le scientifique,

son œuvre et son rayonnement

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Illustration de couverture : Bamberg, Staatsbibliothek, Msc. Class. 5,

Boethii De institutione arithmetica libri duo.

Origine : Scriptorium de Saint-Martin de Tours pendant l’abbatiat de Vivianus, IXe siècle vers 844-851, f. 9v°.

Ici, le Quadruvium est représenté par quatre Femmes, quatre Muses : Musica • Arithmetica • Geometria • Astronomia [à noter que les deux premières disciplines furent interverties

par le peintre et, par conséquent, par le copiste]. La dédicace est adressée à Charles II, dit « le Chauve » (823ā877) : « Pythagora licet paruo cape dona libello inuicto

pollens nomine Cæsar avi… », f. 1v°.

Cliché : Staatsbibliothek Bamberg, Deutschland 96049.

© Éditions Le Manuscrit, 2009 www.manuscrit.com

ISBN : 978-2-304-00566-0 (livre imprimé) ISBN 13 : 9782304005660 (livre imprimé) ISBN : 978-2-304-00567-7 (livre numérique) ISBN 13 : 9782304005677 (livre numérique)

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Chapitre 8

Le neoplatonisme et la musique à la

Renaissance :

L’influence des traductions et

commentaires de PLATON

par MARSILE FICIN (1433 - 1499)

sur les traités de

FRANCHINUS GAFFURIUS (1451 - 1522)

et

PONTUS DE TYARD (1521 - 1605)

Fabien Delouvé

(PRCE à l’Université de Paris VIII – Saint Denis) On considère en général que c’est dans la ville de Florence que ce que l’on nomme le néoplatonisme prit pied1, et ce, grâce à deux personnages proches de la

grande famille des Médicis2 : Marsile Ficin (1433-1499) et Pic de la Mirandole (1463-1494). Ce premier dirigea l’Académie platonicienne fondée par Cosme de Médicis, dit l’Ancien (1389-1464), et entreprît sur la demande de son protecteur3 la traduction latine d'un grand nombre de textes platoniciens et néoplatoniciens (les dialogues de Platon, les Ennéades du néoplatonicien Plotin4 [205-270], divers traités de

son élève Porphyre, de Jamblique, de Proclus et du pseudo-Denys), et figure comme l’un des

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ré-Colloquia Aquitana II

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instaurateurs de l’hermétisme, et en particulier du Corpus hermeticum attribué à Hermès Trismégiste5.

Son oeuvre de traducteur et de commentateur du platonisme eut une importance considérable dans l’Europe de la Renaissance. Nous nous intéresserons ici à déterminer la place de la musique dans les ouvrages de Marsile Ficin, et l’importance de l’influence de ses traductions et commentaires dans plusieurs traités du théoricien de la musique qu’est Franchinus Gaffurius : le Theorica musice, le Practica musice et le De harmonia instrumentorum opus6. De

plus, nous verrons que le Solitaire premier7 du poète et

théoricien de la musique qu’est Pontus de Tyard s’appuie toujours beaucoup sur ces traductions, et permet ainsi de mettre en lumière certains passages obscurs de chez Gaffurius, en particulier un schéma du Practica musice.

Marsile Ficin traite dans son De Triplici Vita de 1489 de la similitude platonicienne existant entre l’âme humaine et l’âme du monde8, donc de ce que Boèce

nomma la musica humana9. Nous pouvons constater que

la conception pythagorico-platonicienne de la musique occupe une place non négligeable dans ses écrits. Ainsi, il cite de longs passages relatifs à l’aspect mathématique de la musique du De Musica de saint Augustin dans sa Théologie platonicienne de l’immortalité des

âmes10, et en déduit qu’une certaine puissance des

nombres se trouve dans l’âme :

Qui donc pourrait nier qu’il y ait dans l’âme une puissance de nombres, puisque c’est l’âme qui produit les rythmes que nous observons dans le battement du pouls et dans le mécanisme de la respiration11.

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Selon Ficin, de cette puissance des nombres, décrite en détail plus loin dans ce même ouvrage12,

résulte évidemment la puissance exercée par la musique. Ainsi, par le principe de l’analogie, l’aspect influençable de l’âme est également soumis aux principes de l’harmonie des sphères :

Bref, pour résumer, c’est de cette manière que tous les Pythagoriciens et les Platoniciens estiment que les âmes raisonnables, les nôtres aussi bien que celles qui sont supérieures à la nôtre, sont composées presque de la même façon. Ils en concluent que les âmes célestes, en faisant tourner les sphères, font naître une mélodie incomparable et que les nôtres sont merveilleusement charmées de ces concerts13.

Cette même harmonie des sphères est expliquée dans son De Triplici Vita où il attribue un ethos spécifique à chaque sphère, de par le son qu’elle engendre14, et affirme de manière très claire que cette

harmonie sera audible lors de la réalisation musicale si cette dernière est en parfait accord avec les astres15. La

preuve la plus importante concernant l’intérêt de Marsile Ficin envers les pouvoirs et la puissance de la musique se trouve également dans ce traité, ayant, selon son auteur, pour but de rendre la vie de celui qui le lira forte et longue16. C’est aux chapitres 21 et 22 du

troisième livre qu’il détaille la vertu des paroles et du chant. Ainsi, il cite quelques légendes antiques relatives à la musique et mentionne également l’anecdote de David et Saül17, exemple typique des effets que peut

produire la musique, que l’on retrouve dans un grand nombre de traités médiévaux et renaissants18 :

Aussi font les Pythagoriques qui avoyent accoustumé de faire choses admirables, à la

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Colloquia Aquitana II

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façon de Phoébus et d’Orfée, par paroles, par chants, et par sons et mélodies. Ce que sur tous les autres ont observé les antiques Docteurs des Hébrieux et tous les Poëtes chantent que grandes merveilles se font par les carmes. Et le tresgrave Caton au traité de la maison Rustique, se sert quelquefois de chansons Barbares pour garir les maladies des bestes. Mais il vaut mieux laisser là les chansons. Quant à ceste harmonie par laquelle le jeune David retiroit Saul de sa maniacle folie : si le mystere ne commande de la rapporter à la divinité : paraventure quelcun en fera rapport à nature19.

Ce passage est sans conteste celui où Marsile Ficin traite le plus longuement de la musique, et au cours duquel il précise les trois règles des chants à approprier aux sphères : « La premiere est de rechercher quelles vertus et

quels effets a en soy chascune Estoile… », « La seconde, de considerer quelle Estoile principalement domine à quelque lieu, ou à quelque homme », « La tierce, est de reconnoistre et remarquer par chascun jour les assiettes et aspet des Estoilles, et sous icelles rechercher principalement à quelz propos, à quelz chants , mouvemens, sauts, meurs, actions, plusieurs hommes ont de coustume d’estre excitez, afin que selon vostre puissance vous imitiez choses telles en chants qui doyvent plaire à un semblable Ciel, et recevoir semblable influence20. » Il faut, en somme,

connaître tout d’abord les particularités de chaque astre, savoir ensuite quel astre est en rapport avec quelles espèces de personnes, et à quel moment. Ces trois règles serviront, selon Ficin, à produire un chant efficace qui tiendra ainsi compte des « faveurs secretes et

merveilleuses21 » des astres.

La puissance du chant est ainsi considérée comme étant sans égal, car le chant imite à la perfection les

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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sentiments de l’âme, les mouvements corporels et les actions des êtres humains, et réussit, par ce don imitatif, à émouvoir tout un chacun, surtout lorsque que le chant tient compte, comme nous venons de le voir, des astres ; l’âme étant rendue ainsi très influençable :

Et vous souvienne que le chant est l’imitateur de tous le plus puissant. Car il imite les intentions et les affections de l’Ame, et les paroles, il represente aussi les gestes et mouvements du corps, et les actions et meurs des hommes, et imite ou fait avecques si grande vehemence, que pour imiter ou faire les mesmes choses, soudain il emeut et provoque les auditeurs. Et par la mesme vertu quand il imite les choses celestes d’une part il emeut merveilleusement nostre esprit à la celeste influence, et de l’autre influance à l’esprit22.

Dans cette vision néo-platonicienne, la musique est mise en rapport direct avec la médecine, ce qui n’est pas surprenant puisque Ficin était lui-même médecin, et le fils de celui qui était le premier médecin de Cosme de Médicis. De plus, l’analogie entre les diverses disciplines était une des caractéristiques de la pensée pythagorico-platonicienne ancienne23. Il ne faut

néanmoins pas penser que cette valorisation du savoir platonicien se fit au détriment d’Aristote, ce dernier restant au moins jusqu’à la moitié du XVIIème siècle le philosophe de référence des érudits, toutes matières confondues24. Bien au contraire, malgré un

syncrétisme intellectuel regroupant la culture de penseurs allant des Présocratiques aux néoplatoniciens en passant par les Stoïciens, se réclamer à la fin du XVème siècle de Platon et des néoplatoniciens, c’était

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Colloquia Aquitana II

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aller à l’encontre des scolastiques aristotéliciens et d’Aristote lui-même, et c’était surtout vouloir mettre Platon au même niveau d’autorité qu’Aristote25. Les

traductions de Platon par Marsile Ficin auront une grande importance et influence dans la culture italienne de son temps, puisque Franchinus Gaffurius édite en 1492, soit seulement une année après la parution des Opera de Platon par Ficin, son Theorica

musice. Ce qui nous permet, en fait, de justifier le poids

de cette influence, et surtout la rapidité d’assimilation par certains théoriciens de la musique dont Gaffurius, est la citation mot pour mot d’un passage du Timée lorsque ce dernier traite de la place de la musique dans l’éducation selon Platon et surtout de la notion de tempérance dans le cadre de la musica humana26. Nous

allons voir à présent que l’évocation des Muses et de la

musica mundana par la traduction de Ficin a laissé

d’autres marques dans, au moins, deux autres traités de Gaffurius.

Un aspect primordial des traités de théorie musicale de la Renaissance est la continuation de la croyance dans les principes de la musica mundana. Rappelons tout d’abord que la musica mundana rend compte de l’harmonieuse relation existant entre chaque chose de l’Univers (le ƪƼƳƬƯƲ, c'est-à-dire le monde supra-lunaire) : elle intègre divers éléments dont le mouvement des planètes, les quatre éléments fondamentaux (eau, feu, terre, air) et leurs différentes combinaisons. Cette théorie des quatre éléments trouverait son origine dans l’enseignement d’Héraclite qui en traite dans plusieurs des fragments qui nous restent de ses oeuvres. De ces derniers, le suivant est le plus parlant puisqu’il traite de l’interdépendance et de l’interaction qui existent entre ces éléments :

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Le feu vit la mort de la terre et l’air vit la mort du feu, l’eau vit la mort de l’air, la terre celle de l’eau. Mort du feu, naissance de l’air et mort de l’air naissance de l’eau. Que la mort de la terre engendre l’eau, la mort de l’eau engendre l’air et celle de l’air le feu, et inversement27.

Leur dépendance aux nombres permet une « interprétation » musicale de la nature de leurs relations. Nous avons extrait le schéma suivant d’un des ouvrages de Franchinus Gaffurius, le Practica

Musice28. De pure tradition boécienne, ce schéma montre les sept sphères (excluant la Terre, située tout en bas), indiquées ici sur la colonne de droite : en partant du bas, nous pouvons voir la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars Jupiter, Saturne et le firmament, conformément à l’ordre transmis par Ptolémée, ainsi que leur symbole respectif. A chaque planète est associée un nom topique, ainsi qu’une note de musique. Ces noms topiques se trouvent sur la droite des planètes que nous venons de mentionner : Ainsi, la Lune est associée à l’hypodorien, Mercure à l’hypophrygien, Vénus à l’hypolydien, le Soleil au dorien, Mars au phrygien, Jupiter au Lydien, Saturne au mixolydien, et le firmament à l’hypermixolydien. Au-dessus d’Apollon figure l’inscription « La puissance de l’esprit d’Apollon met à tous égards ces Muses en mouvement ». Ces noms topiques ne représentent pas les modes, tons ou tropes de l’octoechos, mais comme le précise Gaffurius lui-même, les espèces d’octave29.

De plus, Gaffurius a précisé ici, entre chaque nom topique, l’intervalle séparant chaque note. Le second type d’indication de la note est basée sur les termes de ce que l’on nomme le systema teleion : L’hypodorien est associé au proslambanomène, l’hypophrygien à

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Colloquia Aquitana II

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l’hypate des hypates, l’hypolydien à la parhypate des hypates, le dorien au lichanos des hypates, le phrygien à l’hypate des mèses, le lydien au parhypate des mèses, le mixolydien au lichanos des mèses, et l’hypermixolydien à la mèse. Nous pouvons donc en conclure que cette gamme planétaire est la suivante :

Chacune de ces notes et espèces d’octave, et donc chaque planète, sont elles-même mises en rapport avec une Muse30. Les Muses (̏ΓІΗ΅΍) sont des divinités

patronnes des chants et des sciences, dont la généalogie, le nombre et les attributions précises ont beaucoup changé selon les époques, et dont le culte fut très important chez les grands écrivains de la Grèce antique31. Avec Hésiode

(-VIIIe/-VIIe siècle), dans la

Théogonie32, elles sont définies comme neuf sœurs, filles

de Zeus (̉ΉϾΖ) et de la Titanide Mnémosyne33

(̏Α΋ΐΓΗϾΑ΋), la Mémoire. Le nombre des Muses et leurs attributions expliquent le lien existant entre la musique et la poésie. Elles servent de relais à ces deux disciplines, formant un ensemble cohérent et donnent ainsi leur nom à la mousiké34 ; elles sont en ce sens

inséparables comme le sont les cinq sens. Il est primordial de savoir que le cloisonnement de chaque Muse à une discipline est une conception moderne ; cela provient d’une fausse dichotomie entre les arts et les sciences, qui, rappelons-le ici, étaient une seule et même chose dans l’Antiquité. Les Muses résument dans leur nombre l’Encyclopédie (̳·ΎϾΎΏ΍ΓΖȱ

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Δ΅΍ΈΉϟ΅), le cercle entier regroupant l’ensemble des connaissances35 ; leur nombre a évolué avec

l’élargissement du savoir : le nombre de Muses dépend en fait du nombre de disciplines. Si les passages relatifs aux Muses des Mythologies de l’auteur latin chrétien Fulgence (c. 467-533) furent d’une influence considérable sur les auteurs de la Renaissance36,

Boccace fut également une source importante pour les Humanistes, que ce soit par son De genealogia deorum37,

ou bien par ses Esposizioni sopra la Commedia di Dante où le passage traitant des Muses fait explicitement référence à Fulgence, Isidore de Séville et Macrobe. Il y précise une étymologie des Muses, non basée sur celle de Platon, mais se réfère à Isidore, se référant au concept de mousiké, l’association musique/poésie. Il y dit aussi, en s’appuyant sur Macrobe, que chaque Muse est associée aux sphères célestes, et en particulier aux sons produits par celles-ci :

Isidore dit que les Muses ont reçu leur nom a quaerendo, c'est-à-dire de « chercher » ; parce que c’est à travers elles, comme le veulent les anciens, que l’on cherche la raison des vers et la modulation de la voix. Et c’est pourquoi, par dérivation, est venu de leur nom le nom de la musique, qui est la science qui sait moduler les voix. Et c’est la raison pour laquelle on peut comprendre pourquoi les poètes se sont appropriés les Muses et se les ont rendues familières, plutôt que n’importe quels autres hommes de science. Ces Muses sont au nombre de neuf ; et pourquoi elles sont neuf, Macrobe s’efforce de le démontrer, au livre II du Commentaire au Songe de Scipion, en les comparant à la musique des huit sphères célestes, tandis que la neuvième est l’harmonie

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Colloquia Aquitana II

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qui naît de la modulation de l’ensemble des huit cieux ; il ajoute ensuite que les Muses sont le chant du monde, ce que si tous ne le savent pas, savent du moins les hommes de la campagne, qui appellent les Muses Camènes, comme pour dire Canene, appelées ainsi parce qu’elles "chantent". […]

Mais tout cela, Fulgence dans son livre des Mythologies l’explique autrement, disant que par ces neuf Muses il faut entendre la parfaite formation de la voix38 ...

L’interprétation du nom des Muses par Boccace39

d’après Fulgence40 nous indique que leur ordre est

important, partant de la première, Clio (̍Ώ΍Γ), « celle

qui cherche à apprendre », allant ensuite à la deuxième,

Euterpe (̈ЁΘνΕΔ΋41), dont le nom signifierait « la

délectation d’apprendre », la troisième, Melpomène,

(̏ΉΏΔΓΐνΑ΋ [la Chanteuse]), dont le nom dériverait du verbe melpô (ΐνΏΔΝ42), "chanter", désigne chez

Boccace la « préparation de l’esprit à apprendre », Thalie (̋΅Ώϟ΅), la quatrième, représente les facultés mentales. La Muse située au centre de cet ordre, tel un pivot central, est Polymnie (ou Polhymnie [̓ΓΏϾΐΑ΍΅]), « grande mémoire », la sixième Erato (̈Ε΅ΘΓ), au nom signifiant « celle qui invente les

similitudes », Terpsichore (̖ΉΕΜ΍ΛϱΕ΅) est « l’instruction discernante », Uranie (̒ЁΕ΅Αϟ΅ [la Céleste]) représente

la part céleste de l’intellect (ingenium), et la dernière, Calliope (̍΅ΏΏ΍ϱΔ΋), la « très belle voix » couronne le tout puisqu’elle donne alors à entendre la connaissance. Bien que l’ouvrage de Boccace, mais également celui de Fulgence, furent influents sur les écrits de Gaffurius, nous constatons dans le schéma proposé dans deux ouvrages de Gaffurius que cet

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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ordre n’est pas respecté, bien que Gaffurius le fait lorsqu’il présente les Muses dans son De harmonia

instrumentorum opus, se référant d’ailleurs explicitement à

Fulgence. L’ordre employé sur son schéma cosmique est identique à celui proposé au IXème siècle par Réginon de Prüm (c. 842-915)43, qui s’appuie en fait

sur l’attribution effectuée par l’ouvrage de l’auteur latin du Vème siècle, Martianus Capella, les Noces de

Philologie et de Mercure (De nuptiis Philologiae et Mercurii).

Nous voyons que la Mèse, la note qui est ici la plus aigue, est associée à Uranie, Muse de l’astronomie dont le fils Linos était un célèbre musicien et à qui Platon attribue l’amour honnête et céleste44. La lichanos des

mèses, correspondant dans le système musical médiéval et renaissant (parfois nommé scala generalis) à la clave G, située un ton au-dessous de la Mèse, est représentée par Polymnie (ou Polhymnie), Muse à laquelle Platon attribue l’amour populaire45. La note

suivante, la parhypate des mèses, le F, est jointe à Euterpe, Muse de la danse et des fêtes à qui était attribuée la flûte et l’invention du dithyrambe (poème lyrique consacré à Dionysos, dieu grec de la vigne, du vin et du délire extatique). À l’hypate des mèses, le E, correspond Erato. À la lichanos des hypates, la clave D, est unie la Muse Melpomène. Primitivement, elle présidait au chant et à l’harmonie, puis elle fut associée à Dionysos et devînt patronne de la tragédie. Unie à Achéloos (dieu-fleuve), elle aurait, selon certains auteurs, donné naissance aux Sirènes. La parhypate des hypates, c'est-à-dire le C, est associée à Terpsichore, considérée parfois, tout comme la précédente, comme la mère des Sirènes. On lui attribuait la danse et, dans la tradition tardive, les chœurs dramatiques et la poésie lyrique. L’hypate des hypates, le B, est représentée par Calliope, dont le nom signifie "femme à la belle voix".

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Colloquia Aquitana II

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Selon la légende, on lui attribue comme à Uranie la maternité de Linos, mais également celle d’Orphée46.

Celle à qui est attribué le proslambanomène est Clio, puis Gaffurius attribue finalement à Thalie, la dernière des Muses, la Terre ; cette association étant cohérente puisque Thalie représente selon lui le silence, et que la Terre, à cause de son immobilité, ne présente aucun son. Elles furent maintes fois décrites et représentées que ce soit dans la littérature, ou encore en peinture et en sculpture47.

Au sommet du schéma est représenté Apollon, le musagète48, dont on connaît les nombreuses

représentations le montrant écorchant vif le satyre Marsyas qui avait osé le défier comme musicien49. Les

trois Grâces sont également représentées à ses cotés, conformément à la tradition50. Charites (ou Kharites)

(̙ΣΕ΍ΘΉΖ) elles sont les divinités de la Beauté qui séjournaient sur l’Olympe auprès d’Apollon et des Muses. Nommées Aglaé (̝·Ώ΅Ϫ΅), Euphrosyne (̈ЁΚΕΓΗϾΑ΋) et Thalie (̋΅Ώϟ΅), on les considérait comme trois filles de Zeus et d’une Océanide, Eurynomé (̈ЁΕΙȬΑϱΐ΋). Tout d’abord considérées comme déesses de la végétation, elles donnèrent la beauté, le génie et la gloire. Pontus de Tyard, considéré comme pouvant être l’un des personnages littéraires aux talents les plus variés du XVIe siècle51, et comme le

véritable théoricien de la philosophie des académies françaises de son temps52, en traite en ces termes dans

la seconde édition de 1575 de son Solitaire premier, ou

dialogue de la fureur poétique, ouvrage qui pose les

fondements ultérieurement développés dans le Solitaire

second :

Or (pour passer legerement l’opinion des Lacedemoniens, qui n’en recognoissoient que deux) de ces trois la premiere estoit nommée Aglaie, la seconde

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Thalie, & la tierce Euphrosyne. Aglaie signifie splendeur, qu’il faut entendre pour celle grace d’entendement, qui consiste au lustre de verité & de vertu. Thalie signifie la verde, aggreable & gentille beauté : à sçauoir celle grace des lineamens bien conduits, & des traiz, desquels la verde ieunesse embellie est coustumiere de plaire. Euphrosyne est la ioye, que nous cause la pure delectation de la voix musicale : & harmonieuse53.

D’après Olivier Cullin, les six fleurs présentées dans le vase situé à la gauche d’Apollon sont à additionner aux trois Grâces, permettant d’obtenir ainsi le nombre des neuf Muses. Ce vase serait une allusion aux manifestations sensuelles du Dieu tandis que les Grâces, à sa droite, illustreraient l’aspect spirituel54.

Nous voyons également tout en bas du schéma les quatre éléments, correspondant ainsi pleinement avec la visin néoplatonicienne ficinienne de l’univers :

Il y a entre les astres et les quatre éléments une amitié qui est l’objet d’étude de l’astronomie. On y retrouve en quelque façon les deux amours dont on a parlé : l’amour modéré quand leurs puissances respectives s’harmonisent dans un accord parfait ; mais aussi l’amour immodéré quand l’un de ces éléments s’aime trop et délaisse en quelque sorte les autres. L’un produit une température agréable, le calme des eaux, la fertilité de la terre, la santé des êtres vivants. L’autre produit le contraire55.

Nous voyons également tout en bas du schéma la présence des quatre éléments. Ayant connaissance qu’ils sont un des liens importants de la musica

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Colloquia Aquitana II

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de l’époque d’Empédocle d’Agrimente, au Ve siècle avant J.-C., de nombreux philosophes enseignèrent que la combinaison ou la dissociation des quatre éléments fondamentaux de la nature (la terre, l’eau, l’air et le feu) étaient à la base de tous les changements observés. L’eau et surtout le feu étaient considérés comme pouvant provoquer la fin d’un cycle cosmique, à travers le kataclysmos56 et l’ekpyrosis57 et ramener ainsi

la régénération périodique de la vie. Nous voyons ainsi que cette représentation a pour but d’affirmer que la musique est maîtresse souveraine de l’astronomie, ainsi que des éléments terrestres, et que toute cette organisation est présidée par ce qui représentait au mieux dans l’Antiquité cette conscience musicale : Apollon et sa suite, ceux-ci se situant dans la région éthérée, éternelle, Apollon étant dieu du Soleil (Phoébus). De plus, comme le précise André Motte, lorsque Critias prend la parole après Timée dans le dialogue platonicien portant son nom, afin d’évoquer le passé mythique d’Athènes, il prend soin d’appeler à l’aide Apollon, les Muses, ainsi que leur mère Mnémosyne58. La présence de ce schéma dans un

ouvrage de musique, en l’occurrence ici, un des nombreux traités de Gaffurius, prouve que les hommes de la période que nous qualifions de "charnière", située entre le XVème et le XVIème siècle, tenaient largement compte de l’héritage des "Anciens", c'est-à-dire des hommes de l’Antiquité, puisqu’au sein de leurs traités, les théories de ces derniers avaient une place importante. Dans le second ouvrage du même auteur où figure ce schéma, le De

harmonia instrumentorum opus, un espace considérable

était réservé à la musique antique, aux descriptions des "modes" grecs, du système musical, des effets produits par ces "modes", et des rapports entre la musique et le cosmos, ainsi qu’avec les Muses.

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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L’influence de Marsile Ficin est certainement très forte chez Gaffurius, puisque ce premier précisait dans son De Triplici vita de 1489 que « toute la Musique procede

d’Apollon59 ». Ainsi, comme nous avions précédemment vu que Gaffurius citait dans un ses traités la traduction du Timée par Marsile Ficin mot pour mot, nous pouvons constater à présent que le schéma que nous venons de décrire tire son origine du dixième livre de la République de Platon, où ce dernier associe à chaque sphère une Sirène, qui deviendra Muse chez Gaffurius, et traite également de la présence de trois personnages féminins, les trois Moires60 (̏ΓϧΕ΅΍), filles de Nécessité (̝ΑΣ·Ύ΋) qui répartissent les destinées, que Gaffurius remplacera par les Grâces :

En haut, sur chacun de ses cercles, était montée une Sirène emportée dans le même mouvement circulaire, et émettant un seul son, une seule note ; et toutes les huit composaient ensemble un accord unique. D’autres étaient assises autour, à des distances égales, au nombre de trois, chacune sur un trône ; c’étaient les filles de Nécessité, les Moires, vêtues de blanc, portant des bandelettes sur la tête : Lachesis qui-distribue-les-lots, Clôthô la-fileuse, Atropos l’irréversible ; elles célébraient, accompagnées par l’accord des Sirènes, Lachesis le passé, Clôthô le présent, Atropos l’à-venir61.

Un point dont traite Pontus de Tyard et qui nous semble important, est qu’il précise que Platon, en traitant de Sirènes à cet endroit de la République, « semble

vouloir entendre les Muses62 », rejoignant ainsi la

description de Gaffurius63. Nous constatons que ce

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1501-Colloquia Aquitana II

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1564) dont les dialogues platoniciens eurent une grande résonance dans son œuvre64, fait également

mention de l’attribution d’une note de musique par Muse dans son Solitaire premier :

Encores de ce mesme nombre (trois) les anciens, les nommèrent (Les Muses) autrement, en consideration des trois sons, lesquels plus facilement l’on discerne au tendre, ou au lascher de la corde d’un instrument, ou en trois cordes diuerses, ou inegallement tendus. La premiere estoit nommée Hypate, la seconde Mese ; & la tierce Nete […]65.

Les points importants dont traite également Pontus de Tyard dans ce même ouvrage sont les constantes références à l’Antiquité, permettant de saisir la raison pour laquelle Gaffurius place Apollon, et non le Créateur biblique, au sommet d’une représentation cosmique. Pontus précise d’ailleurs à ce sujet que :

Ce mot Dieu […] entre les Poetes, & quelques Philosophes, signifie toute puissance de Diuinité, qui excede le commun cours de la naturelle apprehension, tellement que Iunon, Alecto, Venus & quelques autres sont aucunefois appellées Dieux, aucunefois Deesses, ainsi que celuy, qui en fait memoire, veut donner cognoissance de quelque secrette conception. […] … par ce Dieux, que j’ay dit, i’enten Apollon, qui est chef du sacré cœur des Muses66.

De plus, il est important de se souvenir que dans l’Hymne homérique à Hermès, lorsque Hermès se met à jouer de la lyre et qu’Apollon chante à sa gauche, il honore en tout premier, avant n’importe quel autre

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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dieu, Mnémosyne, celle-ci étant la protectrice de Hermès, inventeur de la lyre, appuyant ainsi l’importance de Mnémosyne et donc des Muses dans le panthéon grec67.

Poursuivant plus loin, il attribue comme Gaffurius une Muse par sphère :

Car à la premiere Sphere, où sied la Lune, est ordonnée Clion […] … à celle de Mercure Euterpe : à Venus Thalie : & Melpomene au Soleil, sus lequel Terpsichore accompagne Mars, & Erato Iupiter ; puis Polymnie Saturne, estant la huitiesme OUranie logée au ciel estoilé : mais la neuuiesme (c’est Calliope) embrassant les huit, preside & comprend seule toute l’harmonie68.

et indique qu’Apollon le musagète tient les Grâces à sa droite, identiquement au schéma de Gaffurius.

Un autre élément, certainement le plus mystérieux de ce schéma, est bien le serpent à trois têtes partant des pieds d’Apollon pour aller jusqu’en bas, à la terre. Plusieurs hypothèses pourraient être envisageables en ce qui concerne sa présence. Tout d’abord, la personnification de la terre, l’un des quatre éléments, avait parfois un serpent pour attribut69. Une autre hypothèse serait la représentation de Python, le serpent enfanté par la terre que tua Apollon au Parnasse, lieu originel des Muses70. Néanmoins, à

aucun moment, Python n’est décrit comme ayant trois têtes. Une autre hypothèse, qui semblerait être la plus séduisante, repose sur la symbolique alchimique. En effet, les trois principes alchimiques que sont le Mercure, le Soufre et le Sel sont parfois représentés par trois serpents, ou par un serpent à trois têtes pour indiquer qu'ils n'avaient qu'une seule racine : la

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Matière71. Or, nous savons que Marsile Ficin traduisit le Corpus hermeticum attribué à Hermès Trismégiste, les

Mystères d’Egypte de Jamblique ainsi que d’autres

ouvrages appartenant au courant hermétique. De plus, de nombreux incunables d’alchimie circulaient, et une très grande quantité de ces ouvrages fut éditée au XVIe

siècle, témoignant du succès de cette matière. Etant fortement influencé par Platon par l’intermédiaire de Ficin, il est fort probable que Gaffurius se soit également intéressé aux traités alchimiques et hermétiques, justifiant ainsi l’emploi de ce symbole.

Mais c’est au douzième chapitre du quatrième livre du De harmonia instrumentorum opus de Gaffurius de 1518 que l’auteur précise ce point72. En effet, il y affirme qu’il s’agit de Cerbère, dont la tradition atteste que ce gardien des Enfers est l’enfant de Typhon et d’Echidna. Si les auteurs anciens l'ont décrit comme une créature à cinquante têtes (Hésiode73) à la voix d'airain, la tradition lui attribue généralement trois têtes, et une queue de serpent, ce qui correspond exactement à la représentation de notre schéma. Néanmoins, aucun auteur ancien ne narre de rencontre entre Apollon et Cerbère. La justification de sa présence nous semble plutôt provenir du mythe d’Orphée, le fils de la Muse Calliope, qui le charma par sa lyre, lui permettant ainsi de traverser le Styx afin de rejoindre Eurydice. Il s’agit donc tout simplement d’une représentation du pouvoir de la musique, corroborant pleinement avec le principe de la musica

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Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

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Les autres théoriciens du XVIe siècle traiterons

également beaucoup de l’héritage grec, de la musica

mundana, comme nous pouvons le voir par exemple au

treizième chapitre du second livre du Dodekachordon de Glarean, édité en 1547, nommé In sono de coelo duae

opiniones, atque inibi Ciceronis Plinijque, où une

représentation cosmique de la musique est proposée74, et où l’auteur traite également des Muses75. Il faut

toutefois nuancer notre propos, puisque l’intérêt envers les dialogues platoniciens et les traités néoplatoniciens anciens n’est pas uniquement du aux travaux de Marsile Ficin, puisque dès 1482, le

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théoricien espagnol de la musique qu’est Bartolomeo Ramos de Pareja (c. 1440-1491) traite déjà de l’association entre les Muses, les planètes et des sons, au troisième chapitre du premier livre de son Musica

practica76, et présente même un schéma cosmologique présentant de fortes similitudes avec celui de Gaffurius, attribuant à chaque sphère la même Muse que Gaffurius. La description que Ramos de Pareja propose des "tons" (hypolydien, lydien …) est similaire à celle que Boèce donne des tons de transposition (ou tons de hauteurs), agissant ainsi apparemment différemment à Gaffurius qui annoncera clairement qu’il s’agit, selon lui, d’espèces d’octaves77. Force nous est donc de constater par les nombreuses références que les auteurs néoplatoniciens anciens tels que Macrobe, Proclus ou Porphyre sont lus en ce dernier tiers de XVème siècle, et intégrés dans certains traités de musique. Marsile Ficin accentuera cet engouement et rendra surtout disponible en latin des textes qui n’étaient jusqu’alors que lisibles dans leur langue originale, le Grec78.

Le néoplatonisme ficinien ne se contente pas de traiter des principes de la musica mundana et de son influence. Ficin traite également, conformément à la théorie exposée par Platon dans l’Ion, de la "fureur poétique", sous-titrant même sa traduction de cet ouvrage : De furore poetico79. Cette perspective de fureur

poétique est en fait un moyen de s’approcher de l’efficacité de l’harmonie divine, comme le montre si bien la lettre de Ficin, De divino furore :

Il y a pourtant deux types d’imitation [musicale] chez les hommes : Quelques-unes imitent la musique céleste par l’harmonie de la voix et par les sons de divers instruments, ceux-ci nous

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appelons musiciens superficiels et vulgaires. Mais ceux qui imitent l’harmonie céleste et divine au moyen d’un jugement plus profond, plus sûr, rendent un sens de la raison innée et du savoir de cette harmonie en vers, pieds, et nombres ; ce sont ceux qui, inspirés par l’esprit divin, nous offrent de pleine voix le chant le plus solennel et le plus glorieux. Selon Platon, cette ‘musique-et-poésie’ est l’imitation la plus efficace de l’harmonie céleste, car celle, plus superficielle, dont nous avons fait peu avant mention, ne fait qu’apaiser par la douceur de la voix, mais la poésie fait ce qui est propre aussi à l’harmonie divine : elle exprime par le feu les significations les plus profondes, delphiques, dans les nombres de la voix et du mouvement. Aussi ne plaît-elle pas seulement à l’oreille, mais elle apporte à l’esprit la nourriture la plus fine, tout comme celle des dieux, et nous semble ainsi s’approcher du divin80.

Les principes fondamentaux de ce concept sont présentés par Ficin dans le quatorzième chapitre du septième et dernier livre du Commentaire sur le Banquet

de Platon, sous-titré De l’amour. Il y explique tout

d’abord que l’âme qu’identiquement à sa descente dans le corps humain, l’âme doit passer par quatre degrés en remontant ; c’est en particulier la fureur (ou délire) divine qui lui permet ainsi de s’élever. Ces quatre degrés sont les suivants :

1° La fureur poétique, qui dépend des Muses, 2° Le mystérique, de Dionysos,

3° La prophétie, d’Apollon,

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Si le terme de ΐ΅Α΍΅ apparaît dans le Phèdre (traduit par Ficin par furor82), ce concept sera surtout

développé dans l’Ion, où, fait curieux, le terme lui-même n’apparaît à aucun endroit, celui de ΈϾΑ΅ΐ΍Ζ83 lui

étant préféré (que Marsile Ficin traduit par vis84), mais

se trouve être le sujet central de toute une partie (533d à 536a). Socrate s’y exprime en ces termes auprès de son interlocuteur, le rhapsode Ion d’Ephèse :

Ce n’est pas en effet par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes ; et les grands poètes lyriques de même. […] … les poètes lyriques ne sont pas en possession d’eux-mêmes quand ils composent ces beaux chants que l’on connaît ; mais quand une fois ils sont entrés dans le mouvement de la musique et du rythme, ils sont transportés et possédés comme les bacchantes […] … le poète … ne peut créer avant de sentir l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de sa raison. […] … ce n’est pas l’art, mais une force divine qui leur inspire leurs vers […]85.

Le Phèdre rappelle cette notion, en la nommant directement :

Il y a une troisième espèce de possession (NDWRNZFKЄ) et de délire (PDQLЂD), celui qui vient des Muses. Quand il s’empare d’une âme tendre et pure, il l’éveille, la transporte, lui inspire des odes et des poèmes de toute sorte et, célébrant d’innombrables hauts faits des anciens, fait l’éducation de leurs descendants86.

C’est surtout Pontus de Tyard qui développera longuement ces principes dans son Solitaire premier,

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sorte de vulgarisation de la théorie de la fureur poétique provenant des commentaires et traductions de Ficin, suivant l’ordre des idées de ce dernier dans son Commentaire sur l’Ion de Platon, et allant même jusqu’à le citer mot pour mot ; par ailleurs, d’autres domaines artistiques la développeront également au sein de leurs traités87. En effet, il annonce dès la

dédicace à Catherine de Clermont (1545-1603) que le sujet de son ouvrage porte sur ce qu’il nomme les « diuines fureurs ». Un des points de base lui permettant d’expliquer de quoi il s’agit est que la connaissance des sciences sert à « s’esleuer à la plus haulte cime88 », et

explique plus loin à son interlocutrice, Pasithée89, ce qu’est cette fureur :

… là seconde, estant engendrée d’une secrette puissance diuine, par laquelle l’ame raisonnable est illustrée : & la nommons fureur diuine, ou, auec les Grecs Enthusiasme. […] … son propre est d’esleuer depuis ce corps iusques aux Cieux l’ame, qui des Cieux est descendue dedans ce corps… […] … si haute celeste eleuation d’entendement, […] à laquelle la fureur diuine pousse les humains90.

Afin de retrouver l’unité divine originelle, l’âme humaine doit passer par quatre degrés d’"élévation d’entendement", également nommés « fureur divine », « Car la fureur diuine, Pasithée, est l’unique escalier, par lequel

l’Ame peut trouuer le chemin qui la conduise à la source de son souuerain bien, & felicité derniere91. » Il existe ainsi quatre

sortes de fureurs divines dont la première est « la fureur

Poetique procedant du don des Muses92 ». Cette dernière, par la douceur de son harmonie et des proportions, est censée réveiller la partie perturbée de l’âme, la supérieure :

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La fureur poetique procede des Muses […] & est un rauissement de l’Ame, qui est docile & invincible : au moyen duquel elle est esueillée, esmue, & incitée par chants, & autres Poesies, à l’instruction des hommes93.

Ainsi, l’union de la musique et de la poésie semblent presque être une nécessité pour Pontus de Tyard, qui, rappelons-le, fera partie de l'Académie de

Poésie et de Musique créée en 1570 sous la protection du

roi Charles IX (1550-1574) par Jean-Antoine de Baïf (1532-1589), comme le prouvent les souhaits de réalisation de cette Académie, formulés par une lettre patente que rédigea J.-A. de Baïf à Charles IX :

Afin de remettre en vsage la Musique selon sa perfection, qui est de representer la parole en chant accomply de son harmonie & melodie, qui consistent au choix, regle des voix, sons & accords bien accomodez pour faire l’effet selon que le sens de la lettre le requiert, ou resserant & desserrant, ou accroississant l’esprit, renouuellant aussi l’ancienne façon de composer Vers mesurez pour y accomoder le chant pareillement mesure selon l’Art Metrique. Afin aussi que par ce moyen les esprits des Auditeurs accoustumez & dressez à la musique par forme de ses membres, se composent pour estre capables de plus haute connoissance, après qu’ils seront repurgez de ce qui pourroit leur rester de barbarie, sous le bon-plaisir du Roy nostre souuerain Seigneur, nous auons conuenu dresser vne Academie ou Compagnie composée de Musisiens & Auditeurs94.

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33 CONCLUSION

Ce que certains théoriciens qualifient déjà de musica

poetica95 doit certainement beaucoup, non seulement à

la redécouverte de l’Institution Oratoire de Quintilien par Gian Francesco Poggio Bracciolini, dit le Pogge (1380-1459) en 1416, et à la publication de l’intégralité du texte pour la première fois en 1470, mais également aux traductions des oeuvres de Platon par Marsile Ficin qui permit d’accéder bien plus aisément qu’auparavant à des concepts nouveaux pour l’époque. La musique s’inscrit ainsi pleinement dans ce renouveau de la pensée platonicienne, puisque comme le dit Ioan Peter Couliano « Chaque son a été formé, selon

sa destination, par l’harmonie céleste96 ». Cela nous permet

de conclure que l’héritage antique et le néoplatonisme étaient très présents dans les traités de musique de cette époque, et que le milieu musical a, lui aussi, bénéficié de l’Humanisme, s’inscrivant ainsi pleinement dans le mouvement que l’on qualifie de Renaissance.

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ANNEXE

1 :

EXTRAIT DE LA TRADUCTION DE MARSILE FICIN DU TIMÉÉ ET DE SA CITATION PAR FRANCHINUS GAFFURIUS

L’extrait suivant provient du premier chapitre du premier livre du Theorica Musice (folios avr et avv) de 1492 de Franchinus Gaffurius. Le passage en gras est la citation quasiment mot pour mot de la traduction latine éditée en 1491 que Marsile Ficin fit du Timée de Platon (page 256), dont nous présentons ci-dessous le texte original suivi d’une réécriture de notre part à cause de la difficulté de lecture due en partie aux abréviations. Nous proposons également après ces textes la traduction de l’extrait de l’ouvrage de Gaffurius.

Franchinus Gaffurius, Theorica Musice, I, I

Socrates & Plato atque Pythagorici moralem apparatum musicae attribuentes adolescentes ac iuuenes iuuenculasque mulieres in musicis erudiri non ad lasciuiae incitamenta quibus disciplina ipsa uilescit sed ad motus animi sub regula rationeque moderandos comuni lege mandarunt. ut enim non omnis uox sed tantum quae bene consonat ad soni melodiam ualet ita & motus animi non omnes sed qui rationi conueniunt ad rectam uitae pertinent harmoniam. Vocem nanque & eius auditum huius rei gratia nobis deus dedit ut in Timeo Plato uidetur afferere nam ad hec ipsa sermo pertinet plurimumque conducit. [Plato dans la marge] Omnis enim musicae uocis usus harmoniae gratia est tributus. Atque & harmonia quae motiones habet animae nostrae discursionibus congruas atque cognatas: homini prudenter musis utenti non ad uoluptatem

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rationis expertem: ut nunc uidetur est utilis: sed a musis ideo data est: ut per eam dissonantem circuitum animae componamus & ad concentum sibi congruum redigamus. Atque rythmus ad hoc uidetur esse tributus ut habitum in nobis immoderatum gratiaque carentem aptissime temperemus. Cum uero inquieta sit puerorum natura oblectamenturomque per omnia cupida et idcirco seueram non suscipiat disciplinam: merito sub honesta musice illius communissime uoluptate uirtutis uestigia praeferente iubet Plato ipse pueros educari. Imo uero et seniores interdum quibus ad laboriosae uitae solamen oblectamenta quedam honesta sunt adhibenda. Ea quoque in iuuentute esse paranda solatia quae honestam ipsam ualeant oblectare senectutem. Quo fit ut pueris ipsis Plato triplicem cibi scilicet potus & coitus impetum ne quando precipitentur triplici cohibuerit freno: timore scilicet & lege ac uera ratione: ut moderato honestorum ludorum a puericia usu per honesta solatia a turpibus reuocati ad seria paulatim studia incitarentur. Voluit inde & corporis exercitatione: eos gymnasticis ludis uacare saltatione scilicet & luctatione. At saltatio. alia musae uerba imitatur magnificentiam ipsius libertatemque obseruans Alia bonae habitudinis leuitatis & formae tum corporis ipsius tum partium membrorumque eius gratia apte flectit tenditque singula ita ut sufficienter motus harmonicus diffundatur consequaturque uniuersum saltationis ordinem.

Platon, Opera, traduction de Marsile Ficin, 47c-d Omnisque musice uocis usus harmoniae gratia est tributus. Atque & harmonia que motiones habet animae nostre discursionibus congruas atque cognatas homini prudenter musis utenti non ad uoluptatem rationis expertem ut nunc videtur est utilis sed a musis ideo data est ut par

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eam dissonantem circuitum animae componamus : & ad concentum sibi congruum redigamus. Rhythmus quoque ad hoc videtur esse tributus ut habitum in nobis immoderatum gratiasque carentem aptissime temperemus.

Traduction de l’extrait du Theorica musice de Gaffurius Socrate et Platon, ainsi que les Pythagoriciens, en attribuant à la musique une disposition morale, recommandaient que les adolescents, les enfants et les jeunes femmes soient éduqués par la musique, non pas pour qu’ils aillent vers des comportements déréglés par lesquels cette discipline est avilie, mais vers un mouvement de l’âme dirigé par la raison, et ce, dans les limites d’une loi commune. Tout comme n’importe quelle note ne peut servir dans une mélodie de sons, mais seulement celle qui engendrera une bonne consonance, de la même manière, seuls les mouvements de l’âme qui conviennent à la raison mènent à l’harmonie d’une vie intègre. Et de fait, Dieu nous a donné par sa grâce la voix et l’ouïe, comme Platon le rapporte dans le Timée, car ce dialogue tend vers ce but et y contribue grandement. Mais l’utilisation de toute note de musique est à attribuer à l’harmonie. De plus, l’harmonie dont les mouvements sont accordés et apparentés aux révolutions de notre âme, fut donnée par les Muses aux hommes qui les

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emploient avec prudence, non pour la volupté dénuée de raison telle qu’elle est le plus souvent employée de notre temps, mais afin que l’on puisse tempérer par elle les révolutions dissonantes de l’âme, et la remettre dans un état d’harmonie convenable. Le rythme a également été créé dans ce but, afin que nous puissions tempérer correctement en nous un caractère immodéré manquant de grâce. Puisqu’il est vrai que la nature des enfants est agitée et sans cesse désireuse d’amusements, et n’admet donc pas une discipline sévère, c’est avec raison que Platon a ordonné que les enfants soient tous éduqués en commun par une musique honnête, celle-ci mettant immédiatement en avant les joies de la vertu. Il est vrai, au contraire, que les vieillards l’emploient parfois comme honnête divertissement pour le soulagement d’une vie de labeur. Il appartient aussi à la jeunesse de préparer ces soulagements qui ont la puissance de divertir les vieillards. C’est pour cela qu’il va de soit que Platon s’est hâté de tenir ensemble ces jeunes gens par la triple bride constituée de la crainte, de la loi et de la raison, évitant qu’ils ne sombrent dans l’impulsion triple constituée de la nourriture, de la boisson et de l’accouplement. Ainsi, par un emploi modéré des plaisirs honnêtes dès la jeunesse, débarrassés des choses honteuses, ils seraient peu à peu stimulés à des études sérieuses. De cela, il souhaitait également qu’ils aient du loisir pour les jeux de la gymnastique par l’exercice corporel, comme la danse et la lutte. Et pourtant, la danse imite d’autres paroles des Muses, la magnificence et la liberté, ou bien si elle est exercée pour l’entretien de la forme physique, l’agilité et la culture physique de ses parties et de ses membres, elle se mouvra convenablement et fera courber chaque membre de telle sorte qu’il en résultera un mouvement

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suffisamment harmonieux qui suivra l’ordre naturel de la danse.

ANNEXE 2 : REPRÉSENTATION DES NEUF MUSES SUR UN SARCOPHAGE ROMAIN

Sarcophage romain d’un sculpteur anonyme, en marbre daté entre l’an 100 et 150 sur lequel chacune des neuf Muses est représentée avec un attribut qui la distingue. Musée du Louvre, art romain, aile Denon, rez-de-chaussée, section 25.

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ANNEXE

3 :

EXTRAIT DU ION DE PLATON

Ion in Second Alcibiade – Hippias mineur – Premier Alcibiade – Euthyphron – Lachès – Charmide – Lysis – Hippias majeur – Ion. Traduction, notices et notes par

Emile Chambry. GF Flammarion. Garnier Frères, Paris, 1967, 533e à 534c, pages 416 et 417.

Ce n’est pas en effet par art, mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes ; et les grands poètes lyriques de même. Comme les Corybantes ne dansent que lorsqu’ils sont hors d’eux-mêmes, ainsi les poètes lyriques ne sont pas en possession d’eux-mêmes quand ils composent ces beaux chants que l’on connaît ; mais quand une fois ils sont entrés dans le mouvement de la musique et du rythme, ils sont transportés et possédés comme les bacchantes, qui puisent aux fleuves le lait et le miel sous l’influence de la possession, mais non quand elles sont de sang-froid. C’est le même délire qui agit dans l’âme des poètes lyriques, comme ils l’avouent eux-mêmes. Les poètes nous disent bien, en effet, qu’ils puisent à des sources de miel et butinent les poèmes qu’ils nous apportent dans les jardins et les vallons boisés des Muses, à la manière des abeilles, en voltigeant comme elles, et ils disent la vérité. Car le poète est chose légère, ailée, sacrée, et il ne peut créer avant de sentir l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de sa raison. Tant qu’il n’a pas reçu ce don divin, tout homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles. Aussi, comme ce n’est point par art, mais par un don céleste qu’ils trouvent et disent tant de belles choses sur leur sujet, comme toi sur Homère, chacun d’eux ne peut réussir dans le genre où la Muse le pousse, l’un dans les dithyrambes, l’autre dans les panégyriques, tel

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autre dans les hyporchèmes, celui-ci dans l’épopée, celui-là dans les ïambes. Dans les autres genres, chacun d’eux est médiocre, parce que ce n’est pas l’art, mais une force divine qui leur inspire leurs vers ; en effet, s’ils savaient traiter par un sujet particulier, ils sauraient aussi traiter tous les autres.

Platonis Opera (͕ΝΑ), édité par John Burnet. Oxford University Press. 1903. ̓ΣΑΘΉΖȱ·ΤΕȱΓϣȱΘΉȱΘЗΑȱπΔЗΑȱΔΓ΍΋Θ΅ϠȱΓϡȱΦ·΅ΌΓϠȱΓЁΎȱ πΎȱ ΘνΛΑ΋Ζȱ ΦΏΏȇȱ σΑΌΉΓ΍ȱ ϷΑΘΉΖȱ Ύ΅Ϡȱ Ύ΅ΘΉΛϱΐΉΑΓ΍ȱ ΔΣΑΘ΅ȱ Θ΅ІΘ΅ȱΘΤȱΎ΅ΏΤȱΏν·ΓΙΗ΍ȱΔΓ΍φΐ΅Θ΅,ȱΎ΅ϠȱΓϡȱΐΉΏΓΔΓ΍ΓϠȱΓϡȱ Φ·΅ΌΓϠȱ БΗ΅ϾΘΝΖ,ȱ ГΗΔΉΕȱ Γϡȱ ΎΓΕΙΆ΅ΑΘ΍ЗΑΘΉΖȱ ΓЁΎȱ σΐΚΕΓΑΉΖȱϷΑΘΉΖȱϴΕΛΓІΑΘ΅΍,ȱΓЂΘΝȱΎ΅ϠȱΓϡȱΐΉΏΓΔΓ΍ΓϠȱΓЁΎȱ σΐΚΕΓΑΉΖȱ ϷΑΘΉΖȱ ΘΤȱ Ύ΅ΏΤȱ ΐνΏ΋ȱ Θ΅ІΘ΅ȱ ΔΓ΍ΓІΗ΍Α,ȱ ΦΏΏȇȱ πΔΉ΍ΈΤΑȱπΐΆЗΗ΍ΑȱΉϢΖȱΘχΑȱΥΕΐΓΑϟ΅ΑȱΎ΅ϠȱΉϢΖȱΘϲΑȱϹΙΌΐϱΑ,ȱ Ά΅ΎΛΉϾΓΙΗ΍ȱ Ύ΅Ϡȱ Ύ΅ΘΉΛϱΐΉΑΓ΍,ȱ ГΗΔΉΕȱ ΅ϡȱ ΆΣΎΛ΅΍ȱ ΦΕϾΓΑΘ΅΍ȱπΎȱΘЗΑȱΔΓΘ΅ΐЗΑȱΐνΏ΍ȱΎ΅Ϡȱ·ΣΏ΅ȱΎ΅ΘΉΛϱΐΉΑ΅΍,ȱ σΐΚΕΓΑΉΖȱ Έξȱ ΓЇΗ΅΍ȱ ΓЄ,ȱ Ύ΅Ϡȱ ΘЗΑȱ ΐΉΏΓΔΓ΍ЗΑȱ ψȱ ΜΙΛχȱ ΘΓІΘΓȱ πΕ·ΣΊΉΘ΅΍,ȱ ϵΔΉΕȱ ΅ЁΘΓϠȱ Ών·ΓΙΗ΍.ȱ Ών·ΓΙΗ΍ȱ ·ΤΕȱ ΈφΔΓΙΌΉΑȱ ΔΕϲΖȱ ψΐκΖȱ Γϡȱ ΔΓ΍΋Θ΅Ϡȱ ϵΘ΍ȱ ΦΔϲȱ ΎΕ΋ΑЗΑȱ ΐΉΏ΍ΕΕϾΘΝΑȱ πΎȱ ̏ΓΙΗЗΑȱ ΎφΔΝΑȱ Θ΍ΑЗΑȱ Ύ΅Ϡȱ Α΅ΔЗΑȱ ΈΕΉΔϱΐΉΑΓ΍ȱΘΤȱΐνΏ΋ȱψΐϧΑȱΚνΕΓΙΗ΍ΑȱГΗΔΉΕȱ΅ϡȱΐνΏ΍ΘΘ΅΍,ȱ Ύ΅Ϡȱ΅ЁΘΓϠȱΓЂΘΝȱΔΉΘϱΐΉΑΓ΍:ȱΎ΅ϠȱΦΏ΋ΌϛȱΏν·ΓΙΗ΍.ȱΎΓІΚΓΑȱ ·ΤΕȱΛΕϛΐ΅ȱΔΓ΍΋ΘφΖȱπΗΘ΍ΑȱΎ΅ϠȱΔΘ΋ΑϲΑȱΎ΅ϠȱϡΉΕϱΑ,ȱΎ΅ϠȱΓЁȱ ΔΕϱΘΉΕΓΑȱΓϩϱΖȱΘΉȱΔΓ΍ΉϧΑȱΔΕϠΑȱΪΑȱσΑΌΉϱΖȱΘΉȱ·νΑ΋Θ΅΍ȱΎ΅Ϡȱ σΎΚΕΝΑȱΎ΅ϠȱϳȱΑΓІΖȱΐ΋ΎνΘ΍ȱπΑȱ΅ЁΘХȱπΑϜ:ȱρΝΖȱΈȇȱΪΑȱΘΓΙΘϠȱ σΛϙȱ Θϲȱ ΎΘϛΐ΅,ȱ ΦΈϾΑ΅ΘΓΖȱ ΔκΖȱ ΔΓ΍ΉϧΑȱ ΩΑΌΕΝΔϱΖȱ πΗΘ΍Αȱ Ύ΅Ϡȱ ΛΕ΋ΗΐУΈΉϧΑ.ȱ ΧΘΉȱ ΓЇΑȱ ΓЁȱ ΘνΛΑϙȱ ΔΓ΍ΓІΑΘΉΖȱ Ύ΅Ϡȱ ΔΓΏΏΤȱ Ών·ΓΑΘΉΖȱ Ύ΅Ϡȱ Ύ΅ΏΤȱ ΔΉΕϠȱ ΘЗΑȱ ΔΕ΅·ΐΣΘΝΑ,ȱ ГΗΔΉΕȱΗϿȱΔΉΕϠȱ͟ΐφΕΓΙ,ȱΦΏΏΤȱΌΉϟθȱΐΓϟΕθ,ȱΘΓІΘΓȱΐϱΑΓΑȱ ΓϩϱΖȱ ΘΉȱ ρΎ΅ΗΘΓΖȱ ΔΓ΍ΉϧΑȱ Ύ΅ΏЗΖȱ πΚȇȱ ϶ȱ ψȱ ̏ΓІΗ΅ȱ ΅ЁΘϲΑȱ ГΕΐ΋ΗΉΑ,ȱ ϳȱ ΐξΑȱ Έ΍ΌΙΕΣΐΆΓΙΖ,ȱ ϳȱ Έξȱ π·ΎЏΐ΍΅,ȱ ϳȱ Έξȱ ЀΔΓΕΛφΐ΅Θ΅,ȱϳȱΈȇȱσΔ΋,ȱϳȱΈȇȱϢΣΐΆΓΙΖ:ȱΘΤȱΈȇȱΩΏΏ΅ȱΚ΅ІΏΓΖȱ ΅ЁΘЗΑȱ ρΎ΅ΗΘϱΖȱ πΗΘ΍Α.ȱ ΓЁȱ ·ΤΕȱ ΘνΛΑϙȱ Θ΅ІΘ΅ȱ Ών·ΓΙΗ΍Αȱ

(44)

Le neoplatonisme et la musique à la Renaissance

41

ΦΏΏΤȱ ΌΉϟθȱ ΈΙΑΣΐΉ΍,ȱ πΔΉϟ,ȱ ΉϢȱ ΔΉΕϠȱ οΑϲΖȱ ΘνΛΑϙȱ Ύ΅ΏЗΖȱ ωΔϟΗΘ΅ΑΘΓȱΏν·Ή΍Α,ȱΎΪΑȱΔΉΕϠȱΘЗΑȱΩΏΏΝΑȱΥΔΣΑΘΝΑ [...].

ANNEXE

4 :

EXTRAIT DU PHÈDRE DE PLATON

Le Banquet, Phèdre. Traduction, notices et notes par

Emile Chambry. Flammarion. Garnier Frères, Paris, 1964, rééd. Flammarion, Paris, 1992. 245a, p. 140.

Il y a une troisième espèce de possession et de délire, celui qui vient des Muses. Quand il s’empare d’une âme tendre et pure, il l’éveille, la transporte, lui inspire des odes et des poèmes de toute sorte et, célébrant d’innombrables hauts faits des anciens, fait l’éducation de leurs descendants. Mais quiconque approche des portes de la poésie sans que les Muses lui aient soufflé le délire, persuadé que l’art suffit pour faire de lui un bon poète, celui-là reste loin de la perfection, et la poésie du bon sens est éclipsé par la poésie de l’inspiration.

Platonis Opera (̘΅ϧΈΕΓΖ), édité par John Burnet. Oxford University Press. 1903. ̖ΕϟΘ΋ȱ Έξȱ ΦΔϲȱ ̏ΓΙΗЗΑȱ Ύ΅ΘΓΎΝΛφȱ ΘΉȱ Ύ΅Ϡȱ ΐ΅Αϟ΅,ȱ Ώ΅ΆΓІΗ΅ȱ ΥΔ΅ΏχΑȱ Ύ΅Ϡȱ ΩΆ΅ΘΓΑȱ ΜΙΛφΑ,ȱ π·ΉϟΕΓΙΗ΅ȱ Ύ΅Ϡȱ πΎΆ΅ΎΛΉϾΓΙΗ΅ȱ Ύ΅ΘΣȱ ΘΉȱ КΈΤΖȱ Ύ΅Ϡȱ Ύ΅ΘΤȱ ΘχΑȱ ΩΏΏ΋Αȱ ΔΓϟ΋Η΍Α,ȱ ΐΙΕϟ΅ȱ ΘЗΑȱ Δ΅Ώ΅΍ЗΑȱ σΕ·΅ȱ ΎΓΗΐΓІΗ΅ȱ ΘΓϿΖȱ πΔ΍·΍·ΑΓΐνΑΓΙΖȱ Δ΅΍ΈΉϾΉ΍:ȱ ϶Ζȱ Έȇȱ ΪΑȱ ΩΑΉΙȱ ΐ΅Αϟ΅Ζȱ ̏ΓΙΗЗΑȱ πΔϠȱ ΔΓ΍΋Θ΍ΎΤΖȱ ΌϾΕ΅Ζȱ ΦΚϟΎ΋Θ΅΍,ȱ ΔΉ΍ΗΌΉϠΖȱ БΖȱ ΩΕ΅ȱπΎȱΘνΛΑ΋ΖȱϡΎ΅ΑϲΖȱΔΓ΍΋ΘχΖȱπΗϱΐΉΑΓΖ,ȱΦΘΉΏχΖȱ΅ЁΘϱΖȱ ΘΉȱ Ύ΅Ϡȱ ψȱ ΔΓϟ΋Η΍Ζȱ ЀΔϲȱ ΘϛΖȱ ΘЗΑȱ ΐ΅΍ΑΓΐνΑΝΑȱ ψȱ ΘΓІȱ ΗΝΚΕΓΑΓІΑΘΓΖȱωΚ΅ΑϟΗΌ΋.

Références