ARTheque - STEF - ENS Cachan | Introduction d'une formation de base en technologie chimique dans l'enseignement général : choix des objectifs

INTRODUCTION D'UNE FORMATION DE BASE

EN TECHNOLOGIE CHIMIQUE DANS L'ENSEIGNEMENT GENERAL: CHOIX DES OBJECTIFS

P. BELIN

Université François Rabelais U.E.R.S.E,N.

Parc de Grandmont 37 200 Tours

1. INTRODUCTION

Il existe plusieurs définitions du terme technologie; les discuter présenterait un intérêt épistémologique certain mais nous éloignerait de l'objet de notre propos qui est d'un tout autre ordre.

Il est possible d'envisager que chaque activité humaine qui utilise une ou plu-sieurs technique(s) déterminée(s) ait construit elle même sa propre technologie, en s'appuyant ou non sur les connaissances scientifiques de l'époque où celle-ci a émergé. Le cas de la technologie chimique apparaît particulièrement intéressant dans la mesure où les techniques ont précédé de plusieurs siècles la constitution de la chimie en tant que science; mais dès la fin du XVIIIe siècle les doctrines chimiques, pourtant à leur début, pouvaient aider les chimistes des ateliers à mieux appréhender les problèmes qui se posaient à eux. L'interposition des techno-logies entre les sciences et les techniques n'a pu que contribuer à valoriser et à développer davantage ces dernières, en conférant aux technologies un rôle ré-flexif en général sous-estimé. Et c'est peut-être là une des raisons primordiales qui justifient la place d'enseignement de technologie dans une formation générale.

Cependant le problème dont je veux vous entretenir ce matin est celui de l'introduction de la technologie chimique dans un enseignement général.

II. QU'EST-CE QUE LA TECHNOLOGIE CHIMIQUE?

Le chimie étudie les propriétés, la composition et la structure de la matière, ainsi que les transformations qui modifient la nature intime des substances, et les phénomènes physiques et énergétiques qui les accompagnent; mais en se dévelop-pant elle a pénétré progressivement dans chaque aspect de la vie civilisée : le rôle socio-culturel de la chimie ne doit pas être passé sous silence, car par voie de conséquence, il s'est trouvé transmis à la technologie chimique.

D'une manière générale, la technologie chimique a les mêmes objectifs que ]a technologie générale: l'étude des matériaux, des machines, des procédés et des mé-thodes ainsi que des produits dotés de caractéristiques bien définies. Envisagée dans le cadre d'une formation professionnelle, sa finalité particulière consiste en la transmission du savoir-faire des chimistes; pour cela, elle emprunte sans cesse aux autres technologies, avec, actuellement, une certaine prédilection pour

celles qui font appel à la robotique et à l'informatique, mais cette situation est tout à fait générale; tandis que les sciences demeurent trop cloisonnées en dépit de la nécessité reconnue d'évolution vers la polydisciplinarité, les technologies interfèrent entre elles depuis toujours.

Mais, en dehors de la formation professionnelle des chimistes, la technologie a-t-elle une place dans un enseignement général?

III. tOMPARAISON DE DEUX EXPERIENCES PEDAGOGIQUES REALISEES EN FRANCE.

Pour compenser les méfaits de la réforme des programmes de sciences physiques entervenue en 1966, qui n'accordaient à ces enseignements qu'une place restreinte puisQu'ils ne trouvaient place qu'à partir de la classe de seconde, des enseigne-ments de technologie (générale) furent créés au niveau des classes de 4è et 3è à partir de 1970. Les programme de 3è, par exemple, comprenait trois parties: Mécanique, Electricité, Chimie. Le manuel de A. PAYAN et J.P. CHIROUZE (Editions

Armand Colin) présente ainsi la partie "Chimie" : Vous allez faire vos premiers pas en chimie en étudiant (et cela peut vous surprendre) la combustion d'une bougie ..."Les phénomènes de combustion étaient étudiés après description du fonc-tionnement des brûleurs, chalumeaux, chauffe-eau, fusées, moteurs à explosion et un seul chapitre était consacrée à l'introduction de quelques notions de chimie, où l'on précisait que l'interprétation de la structure des corps rappelle, par certains aspects, un jeu de construction. Ainsi, la technologie chimique précé-dait l'enseignement de rudiments de chimie, mais en fait, étant donnée l'étendue du programme des enseignants, à cause de l'horaire réduit, ne traitaient que cer-tains points et finalement le contenu des cours oscillait entre deux cas limites: la leçon de bricolage et l'initiation aux sciences physiques.

Pourtant, dans les écoles primaires supérieures, des éléments de technologie (générale) étaient enseignées et nous avons retrouvé un manuel qui en son temps fit autorité: celui de G. MESSAGER publi~ par la librairie classique Eugène BELIN, en 1924. A cette époque, le programme, entièrement orienté vers l'étude de diffé-rentes industries: extractives, préparatives, alimentaires, textiles, etc ... devait être traité dans son intégralité; et dans son introduction, l'auteur écrivait "Sans vouloir entrer dans le domaine des sciences pures, nous avons indiqué par des notes en bas de page les principes scientifiques dont les procédés industriels sont les applications".

Ainsi, dans les deux cas, les cours de technologie n'intervenaient pas dans la cadre d'une formation professionnelle mais dans celui d'un enseignement de base et pourtant nous sommes en présence de deux conceptions totalement opposées : sur le plan pédagogique un choix s'impose mais les deux possibilités

- la technologie chimique, illustration de la chimie,

la technologie chimique, introduction de la chimie, doivent être examinées de plus près.

IV. LA TECHNOLOGIE CHIMIQUE, ILLUSTRATION DE LA CHIMIE. (Chimie-_~Technologie)

C'est ainsi qu'elle se trouve présentée dans les formations professionnelles. Si nous nous plaçons maintenant dans le cadre d'un enseigoement général, les applications de la chimie, donc les utilisations de la technologie chimique dans dans la vie quotidienne,constituent un sujet intéressant à bien des égards car il est indépendant de toute finalité professionnelle. Il faut d'ailleurs reconnaître que dans le programme de 1970, bien des exemples de combustion avaient été emprun-tés à l'expérience quotidienne, mais il est alors difficile de les considérer com-me une illustration d'un phénomène chimique puisque celui-ci n'a pas encore été défini lorsqu'on a recours à la démarche inverse Technologie~Chimie.

Le thème permet également de revaloriser la chimie aux yeux de l'opinion publique et il a donné lieu à des expositions dont celle présentée à Rennes en 1981, et dont nous allons projeter plusieurs panneaux. Il peut montrer également dans quelle mesure la technologie chimique est une technologie culturelle, si l'on peut établir les modifications du comportement social apportées par l'intro-duction d'un produit nouveau (par exemple, les matières plastiques et les contra-ceptifs) .

Peut-être G. MESSAGER était-il moins ambitieux mais plus réaliste lorsqu'il écrivait dans l'introduction de ses éléments de technologie déjà cités: "Ce livre est écrit pour les jeunes gens de nos écoles ( ... ) qui s'intéressent à tout ce qu'ils voient, qui veulent savoir de quoi est fait le vêtement qu'ils portent, l'aliment qui les nourrit, le livre qu'ils lisent". Ses objectifs apparaissent tout à fait en accord avec ceux du programme que nous avons défini.

V. LA TECHNOLOGIE CHIMIQUE, INTRODUCTION A LA CHIMIE (Technologie~Chimie). Des collections encyclopédiques qui prétendent révéler les "merveilles", ou les "progrès" de la science traitent en fait de l'histoire des techniques. La con-naissance de l'évolution de la technologie chimique au cours des âges est loin d'être sans intérêt, mais son enseignement exige beaucoup de temps. Aussi est-il prudent de limiter cet exposé à quelques faits bien précis, donnant matière à ré-flexion sur les rapports science-technologie.

Par exemple, Robert BOYLE (1627-1691) et Antoine-Laurent LAVOISIER (1743-1794) qui sont considérés comme les fondateurs de la chimie moderne furent également des novateurs en ce qui concerne la technologie de laboratoire et d'habiles

expérimen-tateurs; pendant longtemps on a admis que les progrès de la chimie étaient dus aux interactions :

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l'expérimentateur ---~)ldel'appareillage ---~

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même pour les manipulations dangereuses. Actuellement, les robots, commandés par micro-ordinateurs ont leur place dans les laboratoires de chimie.

Le développement des industries chimiques depuis le XVIIIè siècle est sou-vent oublié dans les manuels d'histoire où il aurait pourtant sa place, car il est intimement lié aux changements sociaux : regrettant de ne pouvoir développer ce point comme nous l'aurions souhaité, faute de temps,nous nous bornerons à présen-ter quelques documents, afin d'inciprésen-ter les enseignants de technologie à remédier à la carence des historiens.

Nous préférons consacrer les quelques instants qui nous restent à insister sur le problème de la sécurité en chimie; les anciens chimistes n'avaient pas conscience des dangers présentés par la manipulation des produits et leurs con-temporains nous les décrivent comme des êtres livides, maladifs et sentant le soufre' La mise au point de certains procédés nouveaux (procédé Haber de synthèse de l'ammoniac, par exemple) a entrai né la mort de nombre d'ouvriers, techniciens et ingénieurs. La recherche de la sécurité dans les industries chimiques fut trop longtemps combattue pour des raisons économiques sinon politiques. Il serait également utile de préciser qu'il n'existe pas de produits chimiques absolument inoffensifs.

VI. CONCLUSION

Arrivé au terme de notre exposé, nous voudrions essayer d'envisager quelques conclusions pratiques.

Il est un point que nous n'avons pas soulevé, c'est celui du niveau souhaité pour donner une formation de base en technologie chimique dans l'enseignement gé-néral. Il nous semble indispensable que l'auditoire ait acquis préalablement des connaissances scientifiques suffisantes (et évidemment particulièrement en chimie), ce qui placerait les cours en classe de première et même en terminale, à condition que le programme des baccalauréats ne s'en trouve pas trop surchargé.

L'enseignement d'une technologie chimique culturelle doit permettre de mieux faire comprendre les différences existant entre science, technologie et technique, mais surtout de monter l'importance prise par la chimie dans notre société actuelle

- Soit en exposant ses applications dans la vie quotidienne;

- Soit en se plaçant dans la cadre de l'histoire des techniques (cet

ob-jectif étant peut-être mieux adapté aux programmes des baccalauréats non scienti-fiques) .

Il nous semble également indispensable de parler du danger présenté par la

manipulation des produits chimiques et leur transport: c'est généralement par

la lecture de la presse quotidiennne relatant des 8ccidents, que ces notions sont

le plus souvent acquises aujourd'hui.

D'une manière gérlérale, les sujets traités doivent amener les éléves à

réflé-chir sur les problèmes techniques et leur faire p~endre conscience quiil ne s'agit

pas de problèmes mineurs. Toute technologie est à la fois 0bservation et réflexion

et doit être au service de la civilisation.

Il est un écueil que l'ancien enseignant de technologie voudrait signaler:

C'est de trop accumuler les termes techniql18s dans les exposés, sinon le cours

ue technologie ne tarderait pas alors à se réd~ire àleur simple explication. Les

technologies ont d'autres a~bitions que d'inventer des mots.

Enfin, l'enseignant doit toujours attacher une grande importance aux problèmes