LA CLASSIFICATION DES SCIENCES
ET LES SAVOIRS SUR LES SAVOIRS
Boris ILIOUK
Université de Pardubice, République Tchèque
MOTS-CLÉS: SCIENCE - MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT-CLASSIFICATION DES SCIENCES
RÉSUMÉ: On montrera qu'il est possible d'appliquer la classification non-linéaire de Boniface Kédroyà la solution des problèmes didactiques qui concernent le choix des matières d'enseignement ainsi que l'étendue et le contenu des savoirs afférents.
SUMMARY : In this paper, we would like to show that the non-linear Boniface Kedrov's classification of sciences can be used to solve didactical problems concerning the choice of scientific subjects to teach, together with the precise knowledge we must assign to these subjects.
1. INTRODUCTION
Les savoirs systématiques comme résultat (généralisé et vérifié par la pratique) de la connaissance de la réalité que nous voulons transmettre aux élèves sont toujours dérivés d'un système plus élevé qui est la science.
Pour décider des devoirs didactiques, il est nécessaire de distinguer non seulement les notions "science" et "matière d'enseignement" mais encore de différencier les sciences. Cela donne la possibilité de sélectionner les matières et de fixer l'étendue et le contenu des savoirsà enseigner.
2. QUELQUES DÉFINITIONS
Tout d'abord il est nécessaire de distinguer deux notions clefs: "matière d'enseignement" et "science" qui sont essentielles dans la construction d'un système de savoirs pour l'éducation.
On emploie la notion "science" sur trois plans:
1 -Lascience commeactivité humainedont la fonction est la formation et la systématisation théorique des savoirs objectifs de la réalité ambiante.
2 -Lascience comme lerésultat de cette activitéqui est donc un continuum de savoirs scientifiques sur la base desquels on forme une image scientifique du monde.
3 - La science comme ladésignation de certaines branchesde la connaissance scientifique.
Lanotion "matière d'enseignement" inclut habituellement :
1 - Un système de savoirs choisis dans la branche de la science, de la technique, de l'art, de l'activité productive qu'on utilise dans un but didactique.
2 - Un système de savoir-faire et des habitudes, choisis dans ces branches et qu'il faut former chez les élèves.
11 est évident que ces deux notions ont certains éléments communs mais elles se distinguent d'après leurs buts et devoirs. Par exemple, l'apprentissage des mathématiques par des élèves ne signifie nullement la formation et la systématisation théoriques de savoirs nouveaux comme nous le voyons dans l'activité des savants. Bien sûr nous pouvons organiser l'apprentissage des mathématiques (et des autres disciplines également) de manière à former chez les élèves leur propre activité en référence aux modes de production de certains savoirs théoriques (V. Davidov). S'il s'agit de former chez les élèves une image scientifique de l'univers, la didactique a la possibilité de sélectionner parmi les différentes branches de la science une certaine partie des savoirs scientifiques, des savoirs qui correspondraient au niveau du développement psychique des élèves et favoriseraient ce développement.
Nous postulons qu'une réflexion sur le choix des matières d'enseignement et sur la détermination de l'étendue et du contenu des savoirs nécessaires puet être enrichie par une réflexion sur la classification des sciences elles-mêmes.
3. LA CLASSIFICATION DES SCIENCES ET SA VALEUR DIDACTIQUE
Au XVIIIe Congrès International de Psychologie (Moscou, 1966), Jean Piaget a déclaré qu'il est impossible de comprendre la classification des sciences si on la regarde d'un point de vue statique et linéaire. Un exemple de classification des sciences de ce type est celle d'Auguste Comte. En allant du général au particulier, selon un principe de coordination élaboré par C.-A. Saint-Simon, Auguste Comte a proposé une hiérarchie des sciences selon un certain ordre linéaire:
Mathématiques Astronomie Physique Chimie Physiologie Sociologie
(La mécanique des corps terrestres étant incluse dans les mathématiques, et la psychologie dans la physiologie)
Jean Piaget a apprécié la classification des sciences non-linéaire de Boniface Kédrov qui, d'après lui, présente non seulement un grand intérêt pour la psychologie, mais aussi, selon nous, pour les autres branches des sciences. La classification de B. Kédrov est basée sur la découverte de corrélations dans les principaux domaines des savoirs scientifiques : sciences naturelles, sciences sociales, philosophie. Chacun de ces domaines-là représente un complexe de sciences. Le schéma de la classification de Kédrov se compose de deux parties (figure 1). L'ordre de disposition des sciences dans la classification de Kédrov a une origine historique : il correspond à des étapes de développement. La position centrale dans la classification de Kédrov appartient à la psychologie, comme science indépendante qui étudie l'activité psychique humaine.Leschéma de Kédrov est fondé sur les sciences naturelles, parce que l'objet extérieur existe d'une façon indépendante du sujet.J. Piaget a fait un amendement substantiel qui concerne la corrélation dialectique du sujet et de l'objet: le sujet conçoit "l'objet" en agissant sur cet objet, la connaissance de "l'objet" suppose une action réciproque entre l'objet et le sujet (i. e. l'individu).
D'après Piaget, il s'ensuit que les liens entre les sciences ne sont pas exprimés par des flêches à une seule direction mais par des "flêches" bilatérales, par des liens circulaires en spirale. C'est pourquoi la position centrale dans la classification des sciences appartientà la psychologie, non seulement parce qu'elle est le produit de toutes les autres sciences, mais aussi parce que la psychologie est une source possible d'explication de leur formation et de leur développement.
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Figure 1 La classification des sciences de Boniface Kédrov
La classification non-linéaire a non seulement une valeur théorique mais elle a aussi une valeur pratique. Cette classification est importante pour l'organisation de l'éducation orientée vers le développement harmonieux de la personnalité, vers la fonnation chez l'enfant d'une image complète du monde. Si l'on aborde le choix des matières d'enseignement en se basant sur cette classification, il est possible de préciser les liens entre les disciplines théoriques et techniques dans la constitutions de curriculum faisant une partà la technique et aux humanités.
La compréhension du fait que la psychologie est une position centrale dans la classification des sciences et que cette position procède aussi de l'homme devrait conduire à une plus grande humanisation de l'éducation favorisant la motivationà apprendre chez les élèves. Cela devrait se
différents matériels didactiques et encyclopédiques orientés vers les étapes de l' ontogénèse de la personnalité. L'utilisation de la classification des sciences de Kedrov dans une perspective didactique conduit à penser autrement la sélection des matières d'enseignement et l'étendue des savoirs à enseigner.
BIBLIOGRAPHIE
DAVIDOV V. V.,Vidy obobchtenia vobutchenii,Moskva: Pedagogika, 1972. KEDROV B. M.,Klassifikacia naouk,Moskva, 1961-65.
KEDROV B. M.,Predmieteivzaimosviaz estiestvennykch naouk,Moskva, 1967.
PIAGET J., La psychologie, les liens interdisciplinaires et le système des sciences,XVIIIe Congrès InternationaldePsychologie,Moscou, 1969, 125-155.